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Pourquoi demande-t-on aux dragons de garder les trésors? de SupraEnergy



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» Auteur : SupraEnergy - Voir le profil
» Créé le 14/09/2023 à 18:04
» Dernière mise à jour le 19/09/2023 à 19:37

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Présence de personnages du manga   Romance   Suspense

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Tous les signes
J’avais encore envie de bailler.

. Le jour précédent, nous avions passé un temps fou à remettre la maison en état, si bien que le ménage s’était terminé aux environs de vingt heures. Nous étions ensuite allé manger chez les parents de Nabil où nous avions discuté principalement de matchs Pokémon durant tout le repas, sujet d'ailleurs secondé par son grand-père qui s’intéressait beaucoup à la stratégie Pokémon (ses grands-parents habitaient également la maison). Il avait été alors décidé que nous commencerions la préparation du fameux combat par un footing matinal.

Ma nuit n’avait pas été très reposante cependant : je sentais encore le poids désagréable d’un cauchemar altérer mes pulsations. Mais j’avais beau tenter d’en redessiner les contours, la force de son souvenir se montrait trop faible, comme intimidée par l’aube.

En sortant de la maison, j’avais entendu pas mal d’hululements provenir de la forêt de Sleepwood, sans doute des essaims de Pokémons qui chassaient leur pitance. Mais leurs cris stridents, bien que si éloignés, m’avaient laissée un piquant sentiment d’insécurité, comme s’ils fuyaient un redoutable prédateur. Cela dit, j’avais lâché assez vite cette déduction, me contentant de dégourdir au maximum mes jambes endormies sur la route tout en descendant vers la maison de Nabil.

Voltia se dégourdissait, elle aussi, les pattes sur le terrain devant la demeure de mon voisin. Moi, j’étais en tenue de sport et bien campée dans mes baskets, réajustant ma casquette de dresseur Pokémon sur la tête. Cette dernière était légèrement défraichie non sans garder un certain panache d’une époque lointaine où j’étais encore dans la profession (si je pouvais en parler ainsi).

La porte s’ouvrit.

Je vis alors mon voisin habillé comme un véritable entraineur sportif, débordant d’une énergie complètement surnaturelle à sept heures tapantes du matin et me lançant quelque chose que j’avais le réflexe de réceptionner sans panache.

- Barre vitaminée ! On va en avoir besoin aujourd’hui ! J’ai des gourdes d’eau dans mon sac aussi ! Sourit-il sans dissimuler le moins du monde, sa fierté à me présenter son sens de l’organisation.
- Wow ! Un coach privé rien que pour moi ? M’exclamai-je aussitôt dans un rire amusé.

Il me fit un clin d’œil.

- Et je n'serai pas tout seul !

Nabil attrapa sur sa ceinture à crochets la seule pokéball qu’il y avait installé. Et, d’un geste précis, l’activa avant de la lancer énergiquement en l’air. La boule technologique s’ouvrit alors dans un son bien connu des dresseurs, à la fois strident et profond, électrifié et densifié. Et dans un jet de lumière, Moumouflon apparut.

- Je te présente mon premier partenaire de voyage ! Moumouflon connait très bien les chemins du coin et c’est un excellent coach, lui aussi !

Le Pokémon ruminant semblait tout juste se réveiller mais peut-être était-ce simplement sa tête habituelle. Voltia était allée le renifler, un peu avant de lui témoigner toute son amitié dans ses jappements enjolivés. Moumouflon avait d'abord bêlé avec méfiance mais se mettait rapidement à trottiner avec elle, sans doute curieux de faire équipe avec une nouvelle copine de combat. Ils partaient alors directement sur le chemin principal, lançant à leur façon cette étrange séance de footing qui m’attendait.


***


La campagne galarienne se réveillait petit à petit dans un ensemble d’encensés gazouillis de Pokémon oiseaux.

Nous avions couru pendant deux bonnes heures sous le ciel matinal, empruntant un long chemin pédestre qui montait jusqu’à une large colline. La place était aménagée de sorte à accueillir les promeneurs, quelques bancs en bois par-ci par-là et une vue splendide sur Brasswick. De là, il était sans doute facile de réaliser pour qui connaissait les lieux depuis longtemps, que le village s’était bien développé durant toutes ces années.

Une fois assis sur un des bancs boisés, Nabil me passa une des deux gourdes d’eau. J’avalai aussitôt de grandes gorgés avant de pousser un long soupir de rassasiement, le front en sueurs. Moumouflon et Voltia plongèrent en choeur leur museau dans l’eau claire d’une fontaine non loin de là, coulant dans une grosse buche creusée et parcourue de quelques tapis de mousse couleur émeraude.

L’endroit était dominé par un très grand chêne. L'on pouvait d’ailleurs deviner des Rongourmands gesticuler en couinant dans son imposante couronne, Pokémon écureuil à grosses joues et la queue touffue et volumineuse. Entre les branches tremblotantes se faufilaient aussi des morceaux du ciel de plus en plus bleutés par les heures qui grimpaient la matinée à petits pas.

Nous contemplâmes un moment le paysage rural de Brasswick, reprenant lentement notre souffle (le chemin avait été assez raide jusqu’ici).

Je remarquais alors qu’un bout de la forêt de Sleepwood était apercevable dans le panorama de la campagne galarienne : la couleur étrangement sombre saphir qui luisait faiblement dans sa paroi de conifères se détachait très nettement de la carte postale teinte vive pastelle.

- Dis-moi, Nabil… Sleepwood est toujours interdite d’accès ? Osai-je demander en pointant légèrement du doigt, l’horizon.

Mon voisin haussa les épaules.

- La forêt ? Une partie est ouverte aux promeneurs mais les gardes forestiers ont limité certaines zones.
- Pourquoi ça ?

Il semblait réfléchir à la suite de sa réponse. En réalité, c’était de l’appréhension.

- Les Brasswickiens racontent un tas de choses bizarres sur les bois de Sleepwood... Apparemment, des dresseurs qui ont voulu s’y entrainer ont été attaqués par des pokémons monstrueux jamais vus auparavant. Et il y a quelques mois, des promeneurs disent avoir vu un très grand Pokémon tout blanc avec de longues crêtes sur la tête qui les toisait depuis le fond de la forêt. Ils racontaient encore cette histoire l’autre jour au village… Ils en parlaient comme d’un monstre qui dégageait un truc super malsain. Mais bon… Avec tout le brouillard qu’il y a là-bas, les gens ont bien pu confondre avec un rocher ou un arbre. Je connais bien Sleepwood… c’est une forêt qui accueille le sanctuaire des Pokémons gardiens… c’est pas possible qu’un truc pareil puisse y vivre !
J’avalai une autre gorgée d’eau fraiche.
- Euh… Les Pokémons gardiens ?
- Tu sais ! Zacian et Zamazenta ! Ils ont protégé Galar de la fameuse Nuit Noire, il y a des millénaires ! Tu connais pas cette histoire ? Ils ont toujours protégé la forêt, même dans leur sommeil éternel !
- Ha, ça me revient… maman me parlait aussi de leur légende.

Nabil marqua une courte pause, le regard perdu dans le vague.

- On raconte qu’il est possible de rencontrer leur fantôme dans le coin le plus reculé de la forêt pendant la nuit la plus sombre et la plus brumeuse. Enfin, paraît que ça porte chance de les apercevoir ! Rien à voir avec une créature mauvaise, quoi !
- Mouaip… si ça se trouve, c’est Dusk que les gens ont vue !

Nous éclatâmes de rire en pensant à l’expression hargneuse de ma rivale qui ferait même fuir un Ectoplasma.

- Désolé mais avec tout ça, on n’pourra pas aller à Sleepwood… Se désola finalement Nabil. Ça va être chaud d’aller s’entrainer là-bas sans dépasser les zones autorisées… Ils ont vraiment renforcé les tours de gardes, ces derniers temps.
- Ho, ne t'inquiète pas ! Je faisais juste ma curieuse ! Me précipitai-je en agitant nerveusement les mains.

Soudain, mon ami d’enfance se leva dans un bond un peu trop énergique.

- Bon ! Fini de papoter ! On teste tes réflexes !

Sa voix percuta le silence de la place déjà bien ébruité de bribes de vent et des cris lointains de Pokémon sauvages.

Puis, je vis Moumouflon rejoindre subitement son maître en bêlant fortement. Quant à Voltia, elle gratta le sol à côté de moi, le grondement brutalement téméraire. Alors je me levai à mon tour, affirmant avec tous les efforts du monde mon allure. Nabil s’éloigna ensuite relativement de moi, s’approchant un peu plus des limites de la place où se donnait en spectacle le panorama de Brasswick.

Nous nous fixâmes pendant bien deux longues minutes, tous deux en alerte.

Et d’un geste sec, il me pointa du doigt.

- Vive-attaque !

Moumouflon bondit brutalement sur Voltia !

Alors, l’instinct prit le dessus.

- Voltia, esquive !

Elle s’exécuta dans une symbiose pratiquement parfaite. Moumouflon fonça alors dans le vide, atterrissant dans quelques jets de vent énergisé, à côté du grand chêne.

Voltia s’était réceptionnée non-loin de moi et tout à gauche, tandis que j’avais aussi évité de justesse l’attaque du Pokémon ruminant. Je me gardai rapidement de perdre toute contenance et me tournai déjà vers notre adversaire laineux, les muscles secoués soudainement d’énergie piquante : je venais littéralement de sentir les nerfs de Voltia se frictionner contre les miens, l’esprit et l’œil aiguisés.

Nabil ne me laissa alors aucun répit.

- Encore une fois, vive-attaque !

J’avais déjà pensé à tort que la taille de Moumouflon serait un désavantage : sa rapidité était déconcertante !

Surprise, Voltia encaissa la nouvelle attaque de son adversaire en plein dans le ventre. Elle fut puissamment éjectée en l’air mais virevolta si habilement dans le vide qu’elle retomba presque élégamment sur ses pattes.

- Vooolt !

Malgré le choc, elle avait très bien encaissé en usant de ses éternels très bons réflexes tout en poussant ce cri déterminé.

- Parfait, Voltia ! Maintenant, lance hâte autour de Moumouflon !

Son offensive souleva une poussière monstrueusement colossale autour du Pokémon ruminant. Ce dernier montra aussitôt d’intenses signes de gêne dans cette tempête de sable improvisée, balançant des bêlements décontenancés dans le vide.

Je jetai un œil vers Nabil : il hésita pendant un bien bref instant.

- Moumouflon ! Cotogarde !

Son Pokémon poussa un bêlement impétueux, avant de faire littéralement gonfler sa toison comme une baudruche, l’enveloppant d’une très dense aura scintillante. Se faisant, il augmenta drastiquement sa défense dans ce brouillard brunâtre, l’œil secoué d’éclats brûlants.

- Cache-toi, Voltia !

La place se redévoila petit à petit dans l’estompement de la tempête de poussière terreuse.

Et ma guerrière électrique s’était exécuté, désormais portée disparue sur le terrain.

Moumouflon restait néanmoins stoïque, cela dit je pouvais deviner les éclats de son regard grésiller d’affolement dans les restes de brume sableuse, tournant la tête dans tous les sens. Nabil était sur le qui-vive aussi, fouillant aussi nerveusement du regard que son coéquipier, la place du grand chêne en serrant les poings.

Et au moment même où ils comprirent ma stratégie, le moment propice se montra.

- ATTAQUE TUNNEL !

Un tremblement surgit dans les rainures du sol !

Et Voltia brisa la terre depuis le bas, percutant de plein fouet Moumouflon dans le ventre !

Sous le choc, Moumouflon se renversa complètement sur le côté ! Sa capacité faisant encore effet, il eut toutes les peines du monde à se redresser, battant l’air avec ses sabots dans des bêlements atterrés. Voltia se campa alors devant lui, tendue et encore électrisée par son offensive surprise.

- Joli ! Mais on n’va pas se laisser faire !

Moumouflon reprit tout de suite contenance sous la voix clinquante de son maître : en se remettant vivement sur ses sabots, Il poussa un cri agacé vers son opposante.

- Moumouflon ! Attaque Plaquage !

A nouveau, il usa de sa surprenante vitesse et se jeta corps et âme sur Voltia ! Elle esquiva à nouveau mais cette fois-ci, Moumouflon sembla bien plus déterminé : parce qu’ils se mirent à se poursuivre furieusement tout autour de la place.

- Voltia ! Attention !

Malgré la chaleur, elle me répondit dans un aboiement distinctif. Je jetai alors un œil sur ma droite, le cœur battant.

C’était pour avoir soudainement une idée peu conventionnelle.

- Va vers le grand chêne !

Elle avait déjà compris : ses nerfs venaient de trembler dans les miens.

Mais au même moment, sa vitesse s’affaiblit brutalement en changeant de direction, laissant le loisir à Moumouflon de s’approcher dangereusement d’elle ! Je devinai même brièvement l’expression réjouie de Nabil non loin de moi.

Mais ça, c’était avant que ce pic d’énergie ne surgisse sur la fourrure de ma chère guerrière électrique.

- Qu'est-ce que...

Je n'en étais pas certaine, et ça venait déjà de s'estomper. Mais j'avais cru voir un effet curieux de poudreuse blanche envelopper son corps dans quelques flashs sortis de nulle part.

Et au même moment, l’allure de Voltia augmenta subitement ! Elle évita de justesse l’attaque de Moumouflon et s’élança vers le chêne, ses foulées devenues féroces !

Et moi, je le réalisais enfin : mes pulsations s’étaient mises à frapper ma poitrine dans plusieurs élans impétueux, avant qu’un long et bref acouphène ne vienne me provoquer un vertige houleux dans la tête. Des fourmillements étranges semblaient aussi parcourir succinctement mes poignets mais cela dit, j’étais trop occupée à me concentrer sur le combat pour m’en soucier plus que ça.

Moumouflon explosa la terre dans un intense nuage de poussière cracheur de terre et de pierres volantes. Mais à peine eut-il le temps de lever son museau couleur crème, que Voltia grimpa furieusement le long de l’imposant tronc, et aussi haut qu’elle put s’élancer.

Alors, prodigieusement, elle bondit puissamment sur le Pokémon ruminant, aboyant de toutes ses forces.

Je ne me fis pas du tout prier !

- TONNERRE !

Des crépitements déchirèrent le paisible calme de la place de randonnée, talonnant le jus électrifié qui embrasa sa fourrure hérissée comme la foudre frappant la terre. L’onde d’énergie se déplaça si vite sur Moumouflon qu’il fut projeté violemment quelques mètres plus loin pour atterrir comme une masse sur le sol.

Nabil courut alors vers son Pokémon, le pas un peu affolé, même s’il avait probablement déjà compris que cette attaque ne blesserait pas réellement Moumouflon : en quelques minutes, ce dernier se redressait déjà sur ses pattes tout en s’ébrouant pour se débarrasser de la poussière qui tâchait sa belle toison blanche. De la fumée s’élevait encore très légèrement çà et là sur sa laine assez bien noircie à certains endroits. Voltia s’était rapidement rapproché du grand Pokémon ruminant tout en jappant amicalement, comme si elle voulait s’assurer qu’il ne lui en voulait pas.

Puis, elle se retourna vers moi, les aboiements très excités par sa victoire amicale : je venais d’arriver vers eux.

- Excellent travail, Voltia ! T’as rien perdu de ta fougue ! M’exclamai-je.

Je m’agenouillai pour la câliner tandis qu’elle s’engouffra abruptement dans mes bras pour me lécher aussitôt le visage dans des piaillements de plaisir. Moumouflon poussa un bêlement amusé vers nous, contrastant adorablement avec cet air si blasé dans ses grands yeux clos.

Nabil se redressa alors, le regard lumineux suspendu comme un lampion sur moi.

- J’peux en dire autant de toi, Leava ! Comment vous gérez sur le terrain avec ton Pokémon ! Franchement, ça va être vite expédié ce match !

Je n’étais pas autant convaincue.

- Notre match était tout ce qu’il y a de plus amical… Mais Dusk voudra le dernier mot, elle me l’a bien fait comprendre ! Fis-je remarquer en me redressant à mon tour.

Nabil n’avait pas laissé son sourire fuir avec le mien.

- Si tu te concentres pareil, ça te posera aucun problème ! Observe bien le style de ton adversaire pour dénicher les failles !
- Vous me donneriez quelle note, coach ?
- Hum… 9 sur 10 !

Je fis la moue, imitée par Voltia.

- Hey ! C’est parce que tu n’te fais pas confiance ! Tu vas nous faire un match sensas, Leava ! J’ai vu de quoi tu étais capable et tu gères !

J’hochai la tête.

- ... Si tu le dis.

Je devais l’avouer : ce match improvisé m’avait libéré brièvement l’esprit, une sensation dont je retrouvais la trace même légère dans ma mémoire fendue. Pourtant, ce n’était pas de la nostalgie : ce souvenir semblait s’être juste échappé dans la faille.

Mais à quel moment, déjà ?

Ma poitrine se remit à cogner : et j’y entendis une émotion gémir, comme tremblante de froid. Seulement, elle se liquéfia outrageusement dans le néant, effrayée peut-être par la chaleur pesant sous le grand chêne.

Puis, un son strident retentit. Après un très court instant, Nabil réalisa que c’était son Motismart qui vibrait dans sa poche. Je crus alors reconnaître la voix de sa mère tandis que le visage de mon voisin se tordit en quatre ou quelque chose comme ça.

- Quoi, déjà ?! Mais ils ont une heure d’avance ! On est à la place du Chêne ! On rapplique tout de suite !

Il raccrocha avant de déblatérer des gesticulations paniquées devant moi. Il eut même l’air encore plus décontenancé lorsque je lui demandais la raison du téléphone.

- Roy et le frangin ont pris un train plus tôt ! C’est tout l’frangin ça ! Il oublie toujours de me dire quand il change ses plans !


***

Malgré trois cavaliers, Moumouflon fendit l’air sans effort dans la campagne brasswickienne.

Nous avions quitté le sentier principal afin de gagner du temps. J’étais décidément impressionnée par la vitesse du pokémon de mon voisin qui faisait aisément fi des troncs et des obstacles diverses dans les prairies verdoyantes. En un clin d’œil, nous apercevions déjà Paddoxton, puis la maison de Nabil en contrebas, parmi les bouquets d’arbres et les pâturages.

Soudain, je remarquais cette grande silhouette dans le ciel, d’abord trop lointaine pour l’identifier correctement.

Puis, elle s’approcha si vite que je fus éblouie par le soleil des heures de midi. Ce mouvement sembla alors bien plus familier à Nabil : Sa voix fit tinter cette joie immense dans mes oreilles.

- DRACAUFEU !

Le Pokémon flammes poussa un rugissement claquant, aussitôt accompagné du bêlement de Moumouflon qui reconnut visiblement un vieil ami. Il vola alors juste au-dessus de nous, talonnant notre vitesse fulgurante.

Mes yeux se fixèrent alors sur lui, intimidée par l’aisance de son vol, ses puissantes ailes battant l’air avec fracas. Après réflexion, je le reconnus aussi puisque j’avais déjà pu l’admirer sur grand écran à Winscor. Voltia jappa fortement en sa direction, ce qui eut pour effet d’attirer l’attention du grand Pokémon de feu sur elle.

Du moins, c’était ce que je croyais. Mais il dirigeait soudainement son regard bleuté droit dans le mien.

Le Dracaufeu me dévisagea étrangement pendant quelques secondes. Puis, d’un battement d’ailes encore plus violent, il reprit de la vitesse et nous dépassa, fonçant vers la maison de mon voisin. Alors, Je sentis mon coeur s’insurger contre cette impression bien trop insensée : et pour prévenir un malaise tout aussi absurde, j’inspirai de grandes bouffées d’air en me tenant la poitrine.

Nous arrivâmes enfin devant la maison. Moumouflon freina si brusquement dans l’allée qu’il manqua bien de nous faire tomber.

Je relevai aussitôt la tête : Dracaufeu avait atterri élégamment à côté d’un homme bien bâti et vêtu d’une tenue de sport accompagnée d’une lourde cape rougeoyante qui trainait derrière lui. Il avait la peau métisse, de longs cheveux teintés d’un sombre violet d’aube imminente et coiffés en bataille, tandis que son visage pointu arborait une petite barbichette solidement taillée sur son menton ainsi qu’un grand sourire franc et réjoui.

Nabil était déjà descendu de son Moumouflon, qui n’avait visiblement pas tardé à ignorer superbement le monde environnant en s’occupant des quelques filets d’herbe à ses sabots. Je l’enviais un peu.

- Frangin ! Qu’est-ce que ça fait plaisir de te revoir !

Tarak croisa les bras en éclatant de rire.

- Hey ! J’ai vraiment l’impression qu’à chaque fois que je quitte la maison, tu en profites pour grandir un peu plus, mon plus grand fan !

Il avait la voix claire et énergique, frottant affectueusement le sommet du crâne de Nabil qui gesticula en le suppliant d’arrêter dans un autre éclat de rire. A bien les regarder, Nabil et son frère faisaient pratiquement la même taille, même si Tarak le dépassait quand même légèrement de quelques pouces.

Je décidais enfin de descendre moi-même de Moumouflon qui continuait de manger la moindre parcelle d’herbe à portée de ses babines. A dire vrai, je me sentais observée depuis quelques intenses secondes. Et en me tournant, je comprenais sans peine que Dracaufeu n’avait visiblement pas décoché son regard de moi. Il ne grognait même pas, se contentant de me fixer comme s’il n’avait jamais vu un être humain du genre opposé. Il avait en outre replié ses ailes, et restait terriblement impassible.

Je ne remarquais donc pas tout de suite que Tarak s’était approché de moi.

- Tiens ? Tu ne laisses pas mon Dracaufeu indifférent, on dirait !

Je sursautai.

- Ha… heu… !
- A qui ai-je l’honneur ? Sourit-il en relevant à peine ma gêne.

Nabil vint à ma rescousse.

- Leava Truegold ! Tu sais, elle habitait dans la maison là-haut ! Présenta-t-il en pointant du doigt, le haut du sentier pentu qui terminait le chemin principal.

Tarak eut d’abord l’air étonné, ensuite perplexe, puis légèrement pensif en prononçant mon prénom dans un murmure.

Un grand éclat de rire effaça ensuite toute sa surprise.

- Mais oui ! La petite voisine ! Nabil n’arrêtait pas de me parler de toi quand il était gamin !

Sa voix toujours très claire dominait la conversation : je n’avais toujours pas réussi à faire entendre correctement la mienne dans mes balbutiements incompréhensibles.

- Quelle surprise de te voir à Galar ! Tu as bien grandi ! C’est Nabil qui doit être content !

Mon voisin rougit subitement.

- Ho, arrête frangin ! En plus, tu aurais dû m’écrire que vous arriviez plus tôt, on n’était même pas là pour vous accueillir !
- On a gagné un peu de temps ce matin alors, Roy et moi avons décidé de décoller plus vite de Kickenham ! Mais qu’est-ce que vous faisiez ? J’ai cru comprendre que vous vous entrainiez ?

Nabil eut l’air soudainement très concerné.

- Ha ! Ce que je ne t’ai pas dit, c’est que la séance de dédicaces ne se passera pas comme d’habitude ! On va l’inaugurer avec un match Pokémon !

Tarak manifesta directement beaucoup d’intérêt à l’annonce.

- Wouah ! Ça, c’est de la nouvelle comme j’aime en recevoir ! T’es plein de surprises, Nabil ! Qui est ton adversaire ?
- Ha ce n’est pas moi qui vais combattre mais Leava ! Tu vas pas en revenir de son talent, crois-moi ! Elle était époustouflante sur la place du Chêne !

Il se tourna à nouveau vers moi tandis que je m’étais carrément changée en statue. Dracaufeu n’avait toujours pas décidé de me laisser tranquille pour ne rien arranger, continuant de m’emprisonner de son regard bleu enflammé. Ma chère guerrière électrique se mit alors à grogner vers le Pokémon de feu, me sortant enfin de ma léthargie.

- Mais ! Enfin Voltia, arrête !

Le Dracaufeu décrochait enfin ses iris à la couleur mille-deux-cent degrés de ma personne. Il n’avait cependant pas beaucoup réagi à l’impulsivité du Pokémon électrique, se contentant de la contempler de tous les côtés avec un air amusé.

- Ne t'inquiète pas, si c’est la première fois qu’elle rencontre un Dracaufeu, c’est normal que ton Pokémon soit un peu inquiet ! Intervint alors Tarak.
- Mais non, c’est pas ça ! Elle réagit à tout ce que je ressens...

J’aurais probablement pu répondre moins sèchement.

Et maintenant, Tarak me toisait comme si ça allait lui donner des réponses à je ne sais quel questionnement absurde, à croire qu’il avait enseigné à son Dracaufeu comment dévisager les gens. Voltia avait tourné son regard sombre nuit vers le Maître de Galar pour ensuite hocher la tête en ronronnant quelques sons perplexes. Peut-être se souvenait-elle de l’écran géant à Winscor, où elle l’avait fixé avec cet intérêt plutôt curieux mais cela dit, elle ne semblait pas comprendre que c’était la même personne.

- Dra !

Le principal concerné s’était un peu plus approché de moi, cherchant maintenant le contact vers mon bras. Je reculai légèrement, un peu désemparée : il semblait s’être décidé à m’embêter, donnant de nombreux coups sur ma main avec son gros museau draconien. Son attitude me troublait de plus en plus, et aucune raison ne voulait venir me l’expliquer.

- Hey Dracaufeu tu fais quoi !? Navré Leava, il ne se comporte pas comme ça, normalement ! S’affola Tarak qui comprit au moins que ça ne m’enchantait pas.

En réalité, je n’avais juste aucune idée comment réagir. Alors, je me contentais de refuser le contact avec le grand Pokémon de feu. Il ne semblait pourtant pas lâcher l’affaire, continuant son petit jeu contre la paume de ma main.

- Hey ! Tu devrais aller te rafraichir à la salle de bain, ça te fera du bien après notre footing !

Encore une fois, Nabil me secourut.

J’hochai alors la tête avec conviction en évitant le regard de son frère et m’éloignai aussi rapidement que possible vers la maison. Je ne prenais même pas la peine de me retourner : sentir l’air profondément interrogateur du champion de Galar suffisait à déclencher une gêne piquante, comme si j’avais l’impression qu’il chercherait à comprendre mon attitude pour le moins antipathique quand il en aurait l’occasion.



***


Après avoir jeté plusieurs giclées d’eau fraiche sur mon visage, je ressortais de la salle de bain du rez-de-chaussée en soupirant. La maison était très calme. Je m’attendais pourtant à tomber sur la famille de Nabil mais ils devaient déjà tous être à la fête du village. Voltia, qui m’avait accompagnée, ronronnait tout doucement vers moi, comme s’il craignait de déranger le sommeil latent de la demeure.

Alors, j’entendis une porte se fermer à l’étage.

J’avais levé la tête vers les escaliers : c’était peut-être le grand-père de Nabil. Après tout, il avait relativement tempêté l’autre soir qu’il n’irait pas aux festivités car il avait croisé au préalable, beaucoup trop de groupies venues exclusivement pour la dédicace. C’était donc tout naturel qu’il soit resté à son bureau pour continuer ses petites maquettes en forme de Pokémon qu’il construisait tout en allumettes. Enfin, je n’allais pas m’amuser à vérifier non plus.

Ce ne fut pas l’avis de Voltia.

Car brutalement, elle redressa les oreilles et huma l’air du hall d’entrée en fronçant le museau. Et soudain, elle jappa et se mit à renifler le sol. Je murmurai hâtivement que ce n’était pas le moment de jouer à un jeu de piste: j’eus pour réponse, son petit grognement déterminé tout en se précipitant vers les escaliers ! Elle fit d’abord mine de grimper une ou deux marches puis commença réellement à monter à l’étage !

Je paniquai.

- Voltia ! Au pied, tout de suite… !

Je savais déjà que je parlais absolument pour rien : ma partenaire était très têtue et dès qu’elle était obnubilée par quelque chose, plus rien ne l’arrêtait. Je regardais une dernière fois autour de moi par précaution puis décidais quand même de rejoindre ma fouineuse, le cœur battant.

Le grand couloir de l’étage n’avait visiblement pas changé depuis mon enfance : il était toujours très spacieux avec cette ambiance cozy de maison de campagne, et accompagné de ses éternelles bibliothèques encastrées dans les murs en bois. Nabil et moi avions souvent couru à travers lorsque l’on jouait à cache-cache, manquant parfois de percuter les étagères. Je constatais aussi que sa maman adorait toujours autant les plantes exotiques.

Voltia était un peu plus loin dans le corridor, continuant de pister je ne sais quoi. Je murmurai un peu plus fort son nom, la suppliant de me rejoindre. Mais elle était visiblement bien trop plongée dans son enquête, à peine interpellée par mes paroles.

J’entendis alors une douche couler à ma droite.

Je croyais alors un vif instant que Voltia était intéressée par la salle de bain : elle avait regardé plusieurs fois la porte heureusement fermée, l’air très perplexe.
Mais subitement, elle piqua un autre sprint et finit par s’engouffrer dans une pièce au fond du couloir.

J’étouffai un cri : le grand-père de Nabil n’aimait pas voir des gens fouiner ou trainer dans des lieux où ils n’avaient pas à se trouver. Je finis en toute contradiction par traverser le long couloir à petit pas nerveux pour espérer récupérer rapidement ma fugueuse. En passant devant la salle de bain, je crus percevoir de la musique sortir d’un quelconque appareil, peut-être une radio.

J’arrivai dans la fameuse pièce où j’entendais Voltia japper.

Il s’agissait d’une chambre à coucher, plutôt spacieuse. Les murs étaient tapissés de posters de stades divers, ainsi que des slogans de ligues et autres championnats apparents. Le bureau à ma gauche, était particulièrement grand et jonché d’un million de documents mal rangés, ainsi que de quelques Hyperballs, la Pokéball la plus performante du marché classique dans la capture. La large bibliothèque qui me faisait face était remplie de livres, de cadres photos et de quelques peluches de Pokémon. Non loin de là, proche de la fenêtre à côté de la porte se trouvait un vélo électrique ainsi que de petits haltères. Au milieu, il y avait un grand sac de sport à moitié ouvert. Des habits étaient posés en pagaille dessus.

Un couinement attira mon attention.

Sur le lit impeccablement refait, il y avait un Mucuscule, petit Pokémon dragon qui ressemblait à une espèce de limace blanche avec de grands yeux verts. Si j’avais eu l’occasion de l’étudier à l’école, c’était la première fois que j’en rencontrais un. Il portait une espèce de grand bandeau orange qui lui tombait un peu devant les yeux. Je supposais rapidement que ce Pokémon appartenait à Tarak puisque c'était vraisemblablement sa chambre (Celle de Nabil se trouvait en face). Il semblait très jeune d’ailleurs.

Voltia tournait autour du Mucuscule, ronronnant et le poussant parfois avec son museau. Elle semblait terriblement intéressée à entrer en contact avec lui. Le Mucuscule continuait de couiner, visiblement effrayé par la présence de ma guerrière électrique qu’il devait probablement très mal distinguer avec ce truc devant les yeux.

Attendrie, je m’approchai.

- Hey, p’tit gars…. Voltia ne te fera rien, elle est juste beaucoup trop curieuse, cette petite fouineuse !

Je m’agenouillais en même temps, caressant mon Pokémon qui jappait de plaisir. Je n’avais pas le cœur de la gronder. En même temps, je retirais délicatement le bandeau orange des yeux du jeune Mucuscule.

Ce dernier se mit à gigoter en couinant, apparemment amusé de nous voir. Voltia, qui avait posé ses pattes sur le lit, lui donna quelques autres coups de museau amicaux. Avec une certaine retenue, je tendis à nouveau la main vers le Mucuscule qui me regarda faire avec cet air très curieux avant d’accepter facilement ma caresse sur sa tête. Il se mit alors à ronronner.

J’avais été rapidement sous le charme de ce petit Pokémon Dragon, lui faisant des papouilles tandis qu’il me léchait la main (même s’il était vraiment en train de tâcher la couverture du lit avec sa bave). Voltia cherchait à jouer dans ses propres jappements, décidément fascinée.

Et moi, je laissais ses couinements appeler les images lointaines de mes étranges rêves.

Le bleu gelé des arbres, le vertige dans les cimes de brumes, une carcasse endormie dans la brume épaisse et le froid qui fendait ma poitrine, tout ça semblait prendre le présent en otage pendant une poignée d’instants.

Mais ça, c'était avant que ce bruit d’ouverture de porte ne me tire violemment dans la lumière de la chambre.

- ... Merde... !

Le cœur en pagaille, je me laissai dégringoler maladroitement sur le sol, dos collé au lit.

J’avais beau regarder autour de moi pour trouver une cachette, rien ne venait me secourir. Alors, je commençais déjà à manigancer des excuses sans logique dans ma tête : puisque Mucuscule avait continué de couiner sur le lit, le grand-père de Nabil allait forcément venir voir ce qui l’excitait ainsi. Voltia avait aussi très vite compris qu’il y avait quelqu’un qui arpentait actuellement le couloir. Elle s’ébroua, humant l’air en dressant les oreilles. Puis elle gigota un peu plus encore, jappant avec cette étrange inquiétude dans quelques-uns de ses grognements. La présence la troubla beaucoup trop. Pourtant, elle connaissait toute la famille de mon voisin depuis hier soir.

Mucuscule couina de plus en plus fort.

Une voix envahit la chambre.

(…)

Ce n’était pas le grand-père de Nabil.



***


J’avais réussi l’exploit d’oublier qu’il était là : Roy, le champion de je ne sais plus quelle ville se trouvait maintenant devant moi, au téléphone et affublé d’une simple serviette autour de sa taille.

Je réalisais dans un semblant de soulagement qu’il n’avait absolument pas fait attention à nous, obnubilé par sa conversation téléphonique tout en regardant judicieusement par la fenêtre de la chambre. Lentement je me déplaçais vers le centre de la pièce en m’abaissant, suivie pas à pas par Voltia qui rampait elle-même sur le tapis, enjambant les habits sur le sol et jetant des regards effarés vers le champion draconien.

J’étais maintenant à quelques mètres de la sortie.

Roy choisit alors ce moment-là pour quitter son poste d’observation et se diriger vers le sac de sport. Il en tira des habits puis me tourna complètement le dos pour se rendre vers le lit où le Mucuscule recommença soudainement à couiner comme un excité.

Il ne m’avait toujours pas remarqué, l’occasion rêvée de filer par la porte.

Mais soudain, Voltia se mit à grogner férocement ! Les couinements de Mucuscule semblèrent tant l’alerter qu’elle gratta nerveusement le tapis, fixant subitement Roy avec cet air hostile ! Prise de panique, je lui murmurai tout de suite de me suivre, dans l’extrême détresse que le champion de type dragon finisse vraiment par réaliser qu’il n’était pas seul.

En réponse Voltia sauta sur Roy, plus exactement sur ses fesses !

Mon cri pour l’arrêter vainement coïncida parfaitement avec l’instant où elle lui arracha la serviette autour de sa taille !

Il sursauta dans un « hey !? » sonore et se tourna si vivement qu’il ne prit visiblement pas peine de me voir. Voltia l’esquiva alors plusieurs fois avec la serviette bien enfouie dans sa gueule tandis qu’il convoqua tous les efforts impossibles pour l’attraper.

Et moi, j’étais très occupée à me décomposer entre l’urgence de calmer le jeu, l’envie terrible d’éclater de rire tellement c’était gênant et l’incapacité de prendre la moindre bonne décision. J’avais tout juste réalisé que Roy avait lâché son Motismart et que ce dernier avait manqué de chuter sur la moquette, avant de vaguement redécoller dans le vide pour disparaître dans un coin de la chambre.

Soudain, Voltia décida pour une raison totalement inconnue, de percuter les jambes de Roy !

Déséquilibré, il trébucha violemment sur moi !

Et maintenant, j’étais sur le sol. Ankylosée.

Mes mains étaient posées maladroitement sur son thorax. Ses bras entouraient ma tête. Je croisais alors accidentellement son regard émeraude : Il me voyait maintenant. Mais ça n’améliorait pas notre premier échange puisqu’il était allongé sur moi.

Et sans sa serviette.

J'hurlai, le poussant impulsivement même si ma force avait tout juste eu l’air de le chatouiller !

Il avait bien pris son temps pour se dégager, balbutiant un « pardon » que j’aurais trouvé absolument adorable dans d’autres circonstances mais pour le moment, j’avais juste envie de disparaître sous le tapis.

Je me relevai aussitôt en titubant légèrement puis lui tournai immédiatement le dos, absolument incapable de contrôler mon visage brûlant.

Je l’entendis alors vaguement remettre sa serviette dans le silence complet. Enfin, presque : Les couinements légers de Mucuscule l’ébranlèrent légèrement. Je perçus aussi les jappements de Voltia. Après quelques secondes, je rassemblai tout mon courage et me retournai, la main posée au-dessus de mes yeux.

Roy s’était approché de ma guerrière électrique qui était visiblement montée sur le lit pour se coller à Mucuscule. A ma grande surprise, il la caressait affectueusement sans qu’elle ne s’en montre agressive, cette fois. Quant au petit Pokémon dragon, il gigotait en fixant le champion draconien de son regard de jeune bébé.

- Hey, ma grande ! Tu croyais que j’allais lui faire du mal et tu voulais le protéger ? T’es une brave !

Sa voix était si bienveillante que je finis par légèrement me détendre, laissant mes mains tomber le long de mon corps. Puis, sans trop comprendre pourquoi, j’approchai de leur réunion. Roy continuait de cajoler Voltia : pour quelqu’un qui s’était fait arracher sa serviette il y a quelques secondes, il ne semblait pas le moins du monde en colère.

- Heu… Je suis désolée… Elle essaye toujours de…

Le champion draconien tourna son regard émeraude vers moi : un sourire étrangement paisible se dessina sur ses lèvres.

- Ca lui a rappelé des souvenirs et…

Roy continuait de me fixer en souriant et sans visiblement se soucier de s’être allongé accidentellement sur moi il y a deux minutes.

- Bref, elle était comme ça… avec mes Pokémons, aussi, il y a longtemps… Terminai-je enfin sans entrer dans les détails.

Il se redressa légèrement.

- En tout cas, c’est une bonne gardienne ! J’ai failli me faire surprendre ! S’exclama-t-il en lâchant quelques rires béats.

Je crus discerner de la gêne dans ses paroles mais après mûre réflexion, ça devait être de la confiance insolente.

Le champion draconien se tourna ensuite vers le petit Pokémon dragon.

- Désolé pour le boucan ! Mucuscule fait beaucoup de bruit quand il sent des Pokémons pas loin de lui. Tarak avait déjà pas kiffé dans le train ! Plaisanta-t-il dans un éclat de voix qui me désarçonna, éprise par son innocence enfantine.

J’avais toujours le cœur qui battait à cent à l’heure. Voltia le sentait très bien comme à son habitude et secouait vigoureusement la tête dans ma direction. Puis, elle jeta des coups d’œil vers Roy. Ce dernier continuait à parler dans le plus grand des calmes.

- En fait, j’ne me présente toujours pas ! Je suis…
- Roy Kibana, le champion de type dragon… le coupai-je.

Je regardais légèrement sur le côté dans l’espoir de croiser le moins possible son regard : mais je devinais trop rapidement ce sourire vaniteux.

- Ha ! Tu es une de mes fans, je parie ! T’as de la chance ! C’est pas si facile de m’approcher ! Déblatéra-t-il en s’écoutant parler comme si notre situation était tout à fait banale.
- Laisse tomber… Je sais qui tu es depuis deux jours donc… c’est pas vraiment possible.

J’avais à peine maitrisé mon ton pour le moins gelé. J’aperçus alors un rictus décontenancé sur son visage, avant d’être remplacé par un énième sourire béat.

- Hey, j’rigole… Tu es la voisine de Tarak et Nabil revenue à Galar n’est-ce-pas ? Leur famille nous a parlés de toi, avant !

Je me tournai légèrement vers lui : ma main droite était toujours posée à moitié sur mes yeux.

- C’est ça… tu pourrais t’habiller, maintenant ?

J'avais à peine augmenté le taux d’amabilité qui peignait mes mots.

Roy jeta alors un coup d’œil à son allure douteuse et éclata de rire. Nous étions décidément séparés par un profond fossé : tandis que j’étais envahie par le malaise, le champion draconien s’habillait en sifflotant. Il semblait décidément détendu, à moitié nu dans une chambre qui n’était même pas la sienne et accompagné d’une parfaite inconnue. Je restais là, immobile, légèrement tournée vers la fenêtre en essayant de remettre de l’ordre dans mes pensées.

Une fois Roy habillé dans une tenue de sport violet et orange, surmonté d’un large baggy à la capuche édentée, il se mit à vaguement chercher quelque chose autour de lui, recoiffant en même temps ses cheveux noirs tirés en arrière comme des crètes (je croyais voir des épines de dragon parfois mais ça devait être un style galarien). Ce fut Voltia qui l’aida en attrapant le bandeau orange que portait Mucuscule tout à l’heure. Le champion draconien la remercia en lui tapotant la tête puis l’enfila sur la tête.

Mon agacement monta alors d’un cran dans mes pulsations effrénées : dans un vif instant, je compris qu’il n’avait pas détesté notre altercation.

Et ce n’était pas tant son sourire assuré qui me le témoigna, mais bien l’intensité malicieuse planquée dans son regard émeraude.






***


Tarak et Nabil ne s’étaient heureusement pas souciés le moins du monde de la durée de mon absence. Mon ami d’enfance avait même directement papoté avec le champion draconien, puis nous avait présenté avec beaucoup de fierté sans jamais oublier de mentionner le match que j’allais devoir livrer en ouverture de la séance de dédicaces. Si Roy avait manifesté le même intérêt que Tarak, pour une raison inconnue, ça m’horripilait qu’il soit au courant. Ça n’avait aucun sens mais la scène de tout à l’heure continuait de brûler ma peau.

Par chance, ni mon voisin ni son frère n’interrogèrent mon attitude plutôt réservée avec le champion draconien. Enfin, nous ne prîmes pas plus de temps et commençâmes à nous diriger vers Brasswick.

Tarak et Nabil étaient en tête, lancé dans une grande conversation de frères tandis que je me retrouvais (à nouveau) avec Roy. Dracaufeu nous suivait par les airs, profitant certainement de la bonne atmosphère de la campagne en jouant avec le vent. Quant à Moumouflon, il trottait à côté de Voltia qui semblait lui montrer avec une très grande fierté sa propre force en transportant aisément Mucuscule sur son dos.

J’étais, pour mon plus grand malheur, entièrement seule avec le champion draconien.

Ce dernier avait ressorti son Motismart et commença pour je ne sais quelle raison à filmer le paysage. Je le regardai du coin de l’œil, surtout atterrée par son comportement très détaché. Puis, il pianota sur son téléphone, l’air amusé alors qu’il avait juste pris le panorama de Brasswick en vidéo. Comme mes nerfs commençaient vraiment à être à bout, je brisai ce silence stupide.

- Hum… Si tu pouvais ne rien dire sur ce qui s’est passé dans la chambre…
- Tiens ? On a déjà un premier secret ensemble, p'tite dragonne ?

J’écarquillai les yeux en me tournant vers lui : j’ignorais si j’étais plus outrée par le fait qu’il me mettait dans une combine dont je ne voulais pas savoir la nature ou si c’était par le fait qu’il se permettait cette soudaine familiarité, me nommant comme on nomme un Pokémon.

- ... P'tite dragonne ?

Le ton effaré de ma voix sembla lui plaire, esquissant un sourire horriblement insolent.

- Il faut bien que je te trouve un prénom… j’ai attendu que tu te présentes tout à l’heure ! Expliqua-t-il dans une fierté exaspérante.
- Tu te fiches de moi !? Nabil te l’a dit avant, c’est... !
- P'tite dragonne !

Je grinçai aussitôt des dents, tournant légèrement le visage pour ne plus avoir à supporter la vision de son visage satisfait.

- Ce sera ta punition pour ne pas avoir été très polie avec moi, lâcha-t-il sur ce ton mesquin.

Je percevais aussi une forme de vengeance dans ses paroles. Enfin, si le surnom était on ne peut plus ridicule, j’avais plus ou moins la certitude qu’il ne parlerait pas de notre première altercation pour le moins particulière. J’inspirai alors un grand coup.

- Je peux au moins savoir pourquoi tu m’appelles comme ça ?

Il se mit à étouffer un rire légèrement moqueur.

- J’ai bien aimé quand tu as crié. J’ai trouvé que ça ressemblait à un petit Pokémon dragon paniqué et sans défense !

Je m’arrêtai subitement.

Roy, lui, continua de marcher en reprenant le pianotage de son Motismart, sifflotant avec une condescendance qui frictionna violemment mon système nerveux. Puis, je sentis la frustration me monter jusqu’au visage en reprenant la marche, cette fois-ci, plus énergique et nerveuse.

Je dépassai Roy sans lui accorder le moindre regard.

Ma marche colérique arriva au niveau de Nabil et Tarak. Je les dépassai aussi brutalement, sentant au même moment leur réaction de surprise peser sur mes épaules.

Voltia était devant moi, Mucuscule juste à côté de lui. Elle fronça subitement ses grands yeux couleur ombre et secoua la tête dans ma direction, piquée à vive dans ses grognements soudains.

Alors, la musique, les cris et l’ambiance festive du village résonnèrent jusqu’à nous. Une énergie familière embrasa nos corps. Nos émotions rentrèrent en collision.

Et soudain, nous n’avions jamais quitté le terrain.



***