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Pokémon : L'étoile d'Arkephyr de Arkephyr



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Informations

» Auteur : Arkephyr - Voir le profil
» Créé le 25/07/2022 à 19:26
» Dernière mise à jour le 30/07/2023 à 18:44

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Région inventée   Romance

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[L] Le grand voyage
– DO-DRI-OOO !

Je me redresse brusquement sur mon lit et envoie valser mon réveil d'un geste hasardeux de la main. Il me faut plusieurs secondes pour reprendre mes esprits et réaliser que le malheureux objet n'y est pour rien.

– DO-DRI-OOO !

– Sale piaf de m...

J'étouffe un juron pour éviter d'attirer l'attention de mon père et me force à me lever, bien décidée à faire taire cet oiseau de malheur. J'ouvre la fenêtre de ma chambre en grand et profite un instant de la caresse du vent sur mon visage.

Mon répit est cependant de courte durée.

– DO-DRI...

Je saisis le premier objet qui me passe sous la main – ma paire de chaussettes préférée, en l'occurrence, et la balance de toutes mes forces sur le Pokémon en contrebas.

Je rate ma cible d'au moins deux mètres.

– OOOOOO !

Voilà qu'il se paie ma tronche, maintenant.

Je prends une profonde inspiration pour tenter de me calmer et finis par refermer la fenêtre d'un coup sec. Je n'ai plus qu'à me rabattre sur mes écouteurs sans fil pour masquer le cri de cette abominable créature.

Ma chambre n'a jamais été aussi mal rangée. Il y a des vêtements et des livres étalés partout sur le sol, comme si un Rhinocorne en furie avait eu la bonne idée de saccager la pièce. Mais il n'y a jamais eu de Rhinocorne dans les environs, et le seul Pokémon présent dans cette maison est en train de dormir paisiblement sur mon lit.

Je me baisse pour ramasser mon réveil et constate avec soulagement qu'il n'est pas cassé. Je ne suis pas particulièrement matérialiste, mais j'aime quand même prendre soin de mes affaires. Quand je ne les balance pas par la fenêtre.

– Tu es déjà levée, Lucille ?

Mon père a le sommeil léger. Il faut dire qu'il ne dort pas beaucoup.

– Oui, Papa. Je me change, et j'arrive.

Je pose mon réveil sur ma table de nuit et attarde mon regard sur le cadre posé juste à côté. La jeune femme qui pose sur la photographie a les mêmes longs cheveux bruns et les mêmes yeux verts que moi. Son nez fin et ses pommettes saillantes lui donnent un air malicieux, le même que j'arbore fièrement au quotidien.

Maman est partie quand j'avais quatre ans. Les souvenirs que je garde de son existence sont assez flous, et se confondent souvent avec les photos et vidéos que je garde précieusement dans mes albums. Papa n'a jamais été capable de m'expliquer les raisons de son départ, et je le soupçonne de ne pas en savoir beaucoup plus que moi sur la question.

Elle nous a abandonnés, voilà tout.

– C'est le grand jour, Dynavolt ! Qu'est-ce que je vais bien pouvoir mettre, aujourd'hui ?

Mon Pokémon ouvre un œil ensommeillé avant de le refermer presque aussitôt. Il semblerait que mes questions existentielles ne l'intéressent pas le moins du monde.

J'opte finalement pour un short en jean et un haut noir simple. Nul besoin de fioritures quand on s'apprête à commencer son voyage initiatique pour devenir une dresseuse de Pokémon !

– Je vais quand même ajouter un coup de crayon... je marmonne pour moi-même.

Je file tout droit à la salle de bain et observe un instant mon reflet dans le miroir. Ma peau est naturellement halée par le soleil et se passe de fond de teint. Je me contente donc de souligner mon regard avant de ranger mon crayon noir dans ma trousse de toilettes pour être sûre de ne pas l'oublier au moment du départ.

Je descends ensuite les escaliers avec énergie et retrouve mon père dans la cuisine. Son visage s'illumine lorsque ses yeux se posent sur moi. Il a toujours l'air heureux de me voir, et ça suffit à me faire oublier que j'ai grandi sans Maman.

– Il y a du café chaud dans la cafetière et des croissants frais posés à côté... me dit-il en parcourant son journal d'un air distrait.

Je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant ainsi installé. Il doit être le seul trentenaire de la région – bientôt quadragénaire, mais je me garde bien de lui rappeler – à acheter le journal tous les matins au kiosque du village. Mais dans la mesure où il ramène toujours de bonnes choses à manger pour le petit-déjeuner, je ne peux pas me permettre de le juger.

Je dépose un bisou sur sa joue et sors une grande tasse du placard pour me servir un café. Allongé, avec un sucre. Il ne faudrait pas que je sois trop énervée le jour de mon départ !

– Quelles sont les nouvelles ? je demande en croquant dans un croissant.

Papa tourne machinalement les pages en esquissant une moue perplexe.

– Rien de folichon... soupire-t-il. Les pluies de cendres se sont accentuées à Vulcanor. Tu feras attention en passant là-bas ?

Je grimace en songeant que je passerai sans doute le moins de temps possible dans cette ville. Qui a envie de se retrouver sous des pluies de cendres dans un environnement suffocant ?

– Promis... je réponds avec un hochement de tête. Je gagne mon badge, et je décampe.

Mon père esquisse un sourire amusé, mais je peux lire sur son visage une certaine forme de tristesse. Pour la première fois depuis le départ de Maman, il va se retrouver seul dans cette grande maison. Et même s'il n'osera jamais me l'avouer, je sais qu'une partie de lui souhaite que je reste encore un peu.

– Je suis sûr que tout ira bien pour toi... dit-il avec assurance. Tes affaires sont prêtes ?

L'image chaotique de ma chambre me revient en tête.

– Euh... C'est-à-dire que...

– File vite ! gronde-t-il avec un air faussement sévère. Si tu traînes trop, tu n'arriveras jamais à Jasélia avant la nuit tombée. Et je ne veux pas que tu dormes à la belle étoile pour ta première nuit !

– Oui, Papa... je réponds d'une voix traînante avant de lui tirer la langue.

Même à dix-huit ans, je reste encore sa petite fille. Il faut dire que nous avons toujours été proches, depuis le départ de Maman. C'est lui qui m'a permis de franchir les obstacles de la vie en gardant la tête haute. Il a toujours été mon pilier.

Je me dépêche de regagner ma chambre pour y mettre un peu d'ordre. Il est hors de question que je quitte cette maison en laissant le bazar derrière moi, et il ne faudrait pas non plus que j'oublie quelque chose d'important !

– Qu'est-ce que...

Dynavolt a fini par se réveiller. Je peux l'affirmer avec certitude, puisqu'il est en train de déchiqueter mon oreiller avec ses crocs pointus.

Le parquet de ma chambre a été remplacé par un immense tapis de plumes blanches.

– La Pokéball, vite !

Je me dirige d'un pas vif vers ma table de chevet et ouvre en hâte le tiroir pour récupérer la précieuse capsule rouge et blanche. Je la pointe sans tarder sur mon Pokémon et exerce une légère pression de la main pour l'activer. Un faisceau lumineux rouge est alors expédié sur le petit monstre et l'englobe tout entier à l'intérieur.

– Espèce de crapule... je soupire en posant la Pokéball sur la table.

Mon voyage initiatique s'annonce rude. J'ai toutes les connaissances théoriques nécessaires pour devenir dresseuse, mais je manque cruellement de pratique. Papa m'a offert Dynavolt à l'occasion de mon anniversaire, la semaine dernière. Le problème, c'est qu'il me faudra bien plus qu'une semaine pour me faire respecter.

J'ouvre ma penderie en essayant de chasser mes doutes et laisse échapper un nouveau soupir. J'aimerais prendre toute ma garde-robe avec moi. Peut-être serai-je invitée à une soirée avec des gens hauts placés ? Et s'il se mettait à neiger dans les montagnes ?

– Pas plus de trois tenues... je gémis en prenant ma tête dans mes mains.

Des laveries automatiques ont été installées dans la plupart des villes pour accueillir les jeunes dresseurs de la région. Malgré tout, la perspective de mettre toujours les mêmes tenues en boucle me déprime au plus haut point.

Je finis par me décider et plie soigneusement mes vêtements avant de les ranger dans mon sac de voyage. J'y ajoute quelques sous-vêtements, une serviette de bain, deux gants et une ribambelle de produits d'hygiène indispensables à mon quotidien. J'en profite pour faire un détour par la salle de bain et me brosser les dents, puis vérifie une dernière fois ma trousse de toilette avant de la fourrer dans le sac avec tout le reste.

– Voyons voir... je souffle en vérifiant ma liste sur mon smartphone. Un sac de couchage, un pyjama... Ah, et ma ceinture de Pokéball !

Mon sac pèse déjà une tonne. On est bien loin de toutes ces bandes-dessinées où les héroïnes partent à l'aventure avec un sac à main tendance. Comment suis-je censée parcourir la région à pied avec ce poids sur mon dos ?

Je boucle ma ceinture autour de ma taille et y accroche la Pokéball de Dynavolt en venant la plaquer contre l'un des six petits disques magnétiques qui la constituent. Très bientôt – je l'espère, cinq autres compagnons viendront compléter mon équipe.

– Je suis prête... je murmure en serrant les poings.

– Prête à faire du rangement, c'est certain.

Je sursaute et lance un regard réprobateur à mon père. Je déteste quand il rentre dans ma chambre sans prévenir – même quand la porte est grande ouverte !

– J'aimerais te donner quelque chose... me dit-il en redevenant sérieux.

Il sort de sa poche une petite boîte à bijoux que je n'avais encore jamais vue. Il l'ouvre devant moi et laisse apparaître un étrange pendentif en pierre bleue suspendu à une fine chaîne argentée.

– Il appartenait à ta mère... déclare-t-il avec gravité. Elle ne s'en séparait jamais. Je ne sais pas pourquoi elle ne l'a pas emporté avec elle, mais...

Papa s'interrompt un instant en fixant l'objet. Ses yeux sont embués de larmes.

– Je vais le prendre avec moi... je murmure en posant ma main sur la sienne. Je lui rendrai si je croise son chemin.

Un silence gênant s'installe dans la pièce. Maman n'a jamais été un sujet tabou à la maison, mais la douleur de son absence reste encore vive.

– Tu m'aides à ranger ? je propose pour changer de sujet.

Mon père lève les yeux au ciel avec un sourire en coin.

– Je crois que tu as bien mieux à faire... rappelle-t-il en désignant ma ceinture du regard. Viens, je veux t'accompagner pour tes premiers pas !

– Ça fait longtemps que je sais marcher, Papa...

Nous échangeons un regard complice avant de descendre les escaliers et rejoindre le perron de notre maison. La rue est complètement déserte, à l'exception du Dodrio qui braille encore dans le champ voisin.

– Nous y sommes, ma chérie.

Une vague de stress me submerge tandis que je réalise que je vais bientôt être livrée à moi-même dans une région qui m'est encore inconnue. Toutes mes longues heures de préparation ne semblent pas peser lourd face à la réalité de la situation.

– Tu crois que je vais y arriver ? je demande en plongeant mon regard dans celui de mon père. Que je ne deviendrai pas comme Maman ?

Papa s'avance vers moi et me serre fort dans ses bras. Je lui rends son étreinte sans hésiter et laisse couler mes larmes en silence.

– J'ai confiance en toi... me dit-il à l'oreille. Reste telle que tu es. Ne laisse jamais personne te changer. Tu deviendras une dresseuse exceptionnelle.

Je profite encore un peu de ce dernier câlin avant de me libérer de ses bras. Je ne souhaite pas rendre la séparation plus dure qu'elle ne l'est déjà.

– Merci, Papa... je lâche dans un souffle rauque. Pour tout.

Je tourne brusquement les talons et m'éloigne rapidement pour ne pas être tentée de revenir sur mes pas. Les maisons du village défilent les unes après les autres sans que je ne leur accorde la moindre attention, et la distance finit même par étouffer les cris incessants du Dodrio.

– Le grand voyage commence... je murmure en effleurant la Pokéball de Dynavolt. Je compte sur toi, crapule.