L'âme d'un dresseur de MichikoAoneko

Un grand Pokémon bleu survolait le mont Couronné en direction de Frimapic. Le temps était particulièrement enneigé. Ce fut pour cela que le Pokémon, sous l'ordre de son dresseur, se posa au début de la route 217 devant l'entrée menant au Mont Couronné. Il était de notoriété commune que les Drattak ne supportaient pas trop de voler par un tel temps. De plus, il n'aurait pas été possible de monter à trois sur le Pokémon. Donc, Antoine avait attaché un harnais au cou de son ami, par lequel un siège était suspendu dans les airs. Beaucoup de dresseurs ne se seraient pas senti tentés par l'expérience, mais Antoine était connu pour ne pas avoir froid aux yeux.

Le voyage s'était déroulé plus ou moins calmement. Il avait été agrémenté des multiples interrogations de la cadette demandant à son frère si tout allait bien. Quant au troisième voyageur, Dimitri, il était resté stoïque ou plutôt c'est ce qu'il avait l'air d’être de l'extérieur. Car en réalité, il était sur le qui-vive, à l'affût du moindre Pokémon étranger.

À l'arrêt, Antoine rangea le harnais pendant que sa sœur et son cousin descendaient du dos du Pokémon.


« - Je vois que tu m'as remplacé par Dimitri. Regarde, tu as bien froissé sa chemise. Remarqua l’ainé.
- Oh mince, désolé Dimitri. Mais, j'ai tellement la trouille dans les airs.
- Pas grave. Je n'avais même pas remarqué. Répondit-il assez froidement en frottant simplement son habit pour le défroisser.
- C'est vrai que tu es resté super concentré tout le long du voyage. Comment ça se fait ? »


Dimitri voulut lui répondre mais il fut interrompu par Antoine, ce qui arrivait assez souvent ces derniers temps.


« - On se les gèle ici ! On aurait peut-être dû prévoir des vestes ou des manteaux, non ? »


Ophélie afficha alors un sourire vainqueur.


« - Heureusement pour vous, j'ai pensé à tout !
- Parce que tu caches des manteaux dans ton immense sac à dos ? Répliqua son frère moqueur.
- C'est exactement ça ! »


Après avoir plongé la main dans son sac, la jeune fille en sortit deux vestes bleues qu'elle tendit aux deux jeunes hommes. Quant à elle, elle opta pour un manteau de couleur bordeaux. Elle remplaça également ses sandalettes à talons, peu adaptées à un trajet à pied dans la neige, par des bottes blanches hautes et épaisses.


« - Et nous voilà parés pour nous rendre au Lac Savoir ! Lança la jeune femme d’un air déterminé.
- Vous êtes sûr qu'on ne va pas se faire attaquer par des Pokémon ? Je sais qu’on a mis du Repousse, mais je suis tout de même pas rassuré… Demanda le benjamin quelque peu effrayé.
- Ne t’en fais pas pour ça. Typhlosion, en avant ! Cria Antoine en appelant l’un de ses Pokémon.
- Selena, viens nous rejoindre ! Cria Ophélie en l’imitant. »


Au côté du groupe d'adultes, apparurent un Typhlosion et un Pyroli, qui étaient tous deux des Pokémon de type Feu.


« - Crois-moi, les Pokémon Glace du coin n’oseront pas s'approcher de nous. Expliqua le frère.
- Et dans tous les cas, nous ferons extrêmement attention, en restant proches les uns des autres. Tu n’as donc rien à craindre. Rajouta Ophélie en se voulant rassurante.
- Je vois... Dans ce cas, laissez-moi apporter ma pierre à l'édifice. Pingoleon, je te choisis ! »


Un troisième Pokémon, cette fois-ci pas de type Feu, apparut auprès des deux autres Pokémon.


« - Il n'est pas de type Feu, mais il connaît des attaques Acier, il pourra donc vous aider en cas de besoin.
- Super Dimitri ! Tu as raison et Pingoleon est un très bon Pokémon.
- Sans oublier qu’il résiste bien au type Glace. Rajouta Antoine. »


Le groupe commença alors son périple à travers la route complètement enneigée. Le vent y soufflait très fort. Les vêtements chauds qu'ils portaient les couvraient à peine du froid ambiant. Ils restèrent proches les uns des autres comme prévu. Si bien que de loin, on pouvait croire à une personne très importante protégée par des gardes du corps et leurs Pokémon. Fort heureusement, Antoine connaissait très bien les alentours de Frimapic donc il ne se perdirent pas.

***

Au bout de trente minutes de marche interminable, les pieds enfoncés dans la neige, Dimitri et ses deux cousins se retrouvèrent face à une paroi rocheuse. Cette paroi rocheuse menait au Lac Savoir, leur destination. Dans le passé, il fallait obligatoirement avoir un Pokémon connaissant la capacité spéciale Escalade pour y accéder. Mais désormais, un escalier utilisable par tous était creusé dans la roche.

Se disant qu’ils n'étaient plus à la portée des Pokémon sauvages du coin, ils rappelèrent Pyroli, Typhlosion et Pingoléon dans leurs Ball respectives. Puis ils empruntèrent l'escalier. Pendant la montée, la tempête semblait s'être calmée peu à peu. Aux abords du lac, les trois adultes se préparèrent à se séparer en deux groupes distincts. Dimitri devait attendre à cet endroit même. Tandis qu’Antoine et Ophélie devaient se rendre à l'intérieur de la grotte.

Avant cela, Ophélie plongea sa main dans une de ses poches, pour en sortir une filet ball qu’elle tendit à son cousin.


« - Tiens, je te prête Luminéon. Il te protégera des Pokémon Eau du lac. Il peut aussi te protéger des Pokémon terrestres.
- Merci… Répondit le concerné.
- Fais bien attention à toi. Tu es sûr que ça va aller, tout seul, ici ? »


Dimitri voulut répondre qu'il n'en savait rien, mais il fut interrompu une nouvelle fois par son cousin.


« - Arrête de le materner ! C'est un grand garçon ! Allez, nous, on y va. A toute à l’heure Dimitri !
- Oui, à toute à l’heure, je ne bouge pas. Faites attention à vous !
- T’inquiètes pas, je te l’ai dit, ça va être du gâteau. Le rassura son interlocuteur. »


Antoine tira sa sœur en arrière. Dimitri les regarda s'éloigner dans les airs, puis atterrir et enfin pénétrer dans la grotte. Hier encore, il attendait tranquillement chez lui quand il avait entendu la sonnette retentir. Il avait alors découvert son cousin et sa cousine, tous fiers, qui venaient lui annoncer une bonne nouvelle : la capture des deux légendaires.

Et maintenant, ils étaient tous trois du côté de Frimapic. Il ne parvenait même plus à se souvenir de la dernière fois où il s'était retrouvé aussi loin de chez lui. S’il ne s’en souvenait pas, c’est que ça devait faire un bout de temps. Depuis l'incident, il était toujours resté chez lui ou aux abords de la ville de Celestia. Sa famille avait toujours fait en sorte que les grandes fêtes et les anniversaires se soient déroulés là-bas.

Autant dire que ce périple n'avait pas été simple pour Dimitri. Il avait dû prendre énormément sur lui. Cela expliquait l’attitude si détachée qu’il avait eu durant tout le voyage.

***

Cela faisait plus d'une heure que Dimitri attendait aux abords du lac. Il commençait à trouver le temps long, mais par-dessus tout à s'inquiéter. Était-ce normal que ça mette autant de temps ? Il n'en savait rien.

Que devait-il faire ? Attendre un peu ou tenter de traverser le lac ?

Avant de se décider, Dimitri s'approcha au plus près du bord de l'eau. Il tenta de capter un son, mais c'était peine perdue. C'était bien trop loin et il n'entendait strictement rien. Il n'avait pas le choix. Il était inquiet et il avait peur. Mais, il devait aller voir. Il interpella le Pokémon aquatique de sa cousine qui était depuis une bonne heure dans l'eau, et lui demanda de l'emmener auprès de la Grotte le plus rapidement possible, pour empêcher toute mauvaise rencontre. Il occulta le fait que ses jambes soient à moitié plongées dans l'eau glacée, obnubilé par ses interrogations.

Aux abords de la Grotte, aucun bruit. C'était étrange. Était-ce inquiétant ou au contraire de bon augure ?

Il n'eut pas le loisir de se poser plus longtemps la question. Car un immense choc se fit entendre et provoqua même le tremblement du sol. Sans réfléchir, Dimitri se précipita dans la grotte, en quête de réponse. Il fut alors témoin d'une scène surprenante.

La grotte était baignée dans une lumière rouge. Le sol et les murs étaient parsemés de trous et de fissures en tout genre, témoignant d'un affrontement féroce. Devant lui, Dimitri observa plusieurs choses. En premier plan, il y avait son cousin et sa cousine proche l'un à côté de l'autre. Ophélie était dans une posture craintive. Et son frère Antoine était devant elle, dans une posture qui se voulait protectrice.


« - Reste derrière moi ! Déclara-t-il »


La raison pour laquelle Antoine avait prononcé ces mots, était le Pokémon en face d’eux deux. Il s'agissait d'un petit Pokémon de couleur bleu et jaune. Son expression neutre et ses yeux fermés ne traduisaient aucune intention hostile au pacifique.

Cependant, au-dessus de lui, il y avait plusieurs morceaux de roches lévitant à l'aide d'une force invisible.


« - Arrête Crehelf, nous nous en allons si c’est ce que tu veux. Lui proposa Antoine. »


Mais le légendaire n’en eut que faire, et lança les pierres dans leur direction. Antoine tira sa sœur sur le côté, leur permettant de ne pas se faire écrabouiller in extremis.

Dimitri, en retrait, assistait impuissant à la scène, paralysé par la peur. Son cousin et sa cousine ne lui avaient rien raconté concernant leurs combats. Ils n'avaient nullement mentionné d’événements similaires, ou montré le moindre signe de peur à la suite de leur rencontre. Mais, pour l'instant, la situation tournait au vinaigre. Que pouvait-il faire ?

L'une des mains de Dimitri tentait de se diriger vers l'une de ses Ball. Mais il n’y parvenait pas. Il avait comme une forme de blocage.


“ Bouge ! Hurla son esprit à son propre corps.”

“ Bouge ! Bon sang ! Fais quelque chose ! Hurla-t-il de plus belle dans sa tête.”


Rien. Son corps ne bougea pas d’un pouce, à l'exception de ses yeux. Ces mêmes yeux qui lui firent comprendre, que le Pokémon légendaire avait remarqué sa présence. Ce dernier se mouva vers le jeune homme en un quart de seconde comme s’il s'était téléporté. En même temps, Ophélie et Antoine s’étaient retournés, ne comprenant pas pourquoi Créhelf se déplaçait dans cette direction. Ophélie remarqua en premier la présence de son jeune cousin.


« - Dimitri ! Attention ! »


Mais, il était déjà à quelques centimètres du visage du jeune homme brun, tétanisé. Il le fixait, quand bien même, ses yeux étaient clairement fermés. Tout à coup, l'espace-temps ton autour de Dimitri et de Crehelf sembla se distordre. Et la peur du jeune homme envers le Pokémon s'évapora complètement. Et sans qu'il ne puisse comprendre comment cela était possible, le Pokémon commença à intéragir.


« - Qu'est-ce que tu veux ? Ou plutôt qu'est-ce que vous nous voulez ?
- Tu parles ?
- Non, télépathie. Mais réponds juste à ma question.
- Je... Je viens pour ça ...»


Il sortit le fameux livre, qu'il avait emmené avec lui, de sa sacoche. En le voyant, le légendaire déclara :


« - Donc, il n'avait pas disparu, ni n’avait été détruit.
- Pardon ? Répondit Dimitri interloqué.
- Dimitri c'est ça ? Tu me sembles être un jeune homme assez intelligent et réfléchi. Je suis prêt à dialoguer avec toi. Mais avant toute chose, laisse-moi te raconter une histoire.
- Je t'écoute Crehelf.
- À la création du monde, Arceus, notre père, nous a donné la vie. Il voulait insuffler l'émotion, la volonté et le savoir à ses autres enfants. C'est ce qu'ils racontent dans les livres de nos jours. Mais ce n'est qu'en partie correct. Il manque une des intentions principales de notre Créateur. Une intention qui lui est venue bien plus tard.
- Quelle est cette intention ?
- Arceus souhaitait que nous vivions au côté des humains, lorsque ceux-ci sont apparus. Il souhaitait qu'on les aide, qu'on les guérisse de leurs maux. Ainsi, il a construit un lieu de culte, dans lequel les hommes pouvaient nous rencontrer directement, et nous demander notre aide. Ce lieu est celui que vous nommez “Ruines de Celestia”.
- Et que s'est-il passé ensuite ?
- Le comportement des Hommes a beaucoup déçu le créateur. Certains êtres humains étaient mués par un fort sentiment de convoitise. Ils désiraient avoir le plein pouvoir et voulaient nous accaparer pour eux seuls. Cela a mené à des conflits et à des guerres. Alors, nous avons fui les ruines. Et nous sommes retournés auprès de notre père. Ce dernier prit alors une décision radicale et nous ordonna de nous séparer dans trois lieux qu'il avait créés. Ces lieux étaient les trois grottes des lacs. Nous l’avons fait à contrecœur. Son vœu était que l'on reste auprès des humains, mais cachés d’eux, juste pour les surveiller de loin. Il nous intima également de ne plus les aider. Mais un jour, nous lui avons désobéi, rien qu'une seule fois.
- Vous lui avez désobéi ? Pourquoi ?
- Un jour, moi ainsi que mes frères, nous avons ressenti de la pitié pour un jeune enfant tourmenté. Nous avons décidé de l'aider, en lui faisant promettre de garder cela secret. Mais bien des années plus tard, lorsque la Team Galaxie est venue nous capturer dans le but d’user de nos pouvoirs contre notre volonté, et que nous avons aperçu le “livre” que tu possèdes dans leurs locaux, nous avons alors compris que la promesse du Passé avait été trahie.
- Cet enfant dont tu parles... C’était Hélio, l'ancien chef de la Team Galaxy ? »


Le légendaire avait l’air amusé par la curiosité de celui qui lui faisait face. Il ne le fit pas remarquer, et se contenta de lui répondre.


« - Non, le Hélio dont tu parles, est né bien plus tard par rapport à ces événements. Mais tu n'es pas loin de la vérité. L'enfant en question était l'un de ses ancêtres, ce qui explique le fait qu’il détenait cet ouvrage.
- Je vois…
- Lorsque nous avons été libérés de nos geôliers, avant de repartir en directions des lacs, nous avons recherché le fameux ouvrage. Mais nous ne l'avons pas trouvé. Nous avons donc pensé qu'il avait été détruit.
- Donc ce qui est écrit là-dedans est vrai, n'est-ce pas ?
- Oui, tout est vrai. Tu m’as l'air de quelqu'un de raisonnable, sur qui on peut compter. Je parle au nom de mes frères en te disant que nous voulons bien t'aider, à guérir de ce qui te tourmente, de ce que je peux lire dans ton esprit. Mais j'y impose quelques conditions.
- Quelles conditions ?
- La première condition est que tu devras garder le secret, ça vaut également pour les personnes qui t'accompagnent. La deuxième condition, c'est qu'une fois le rituel accompli dans les “Ruines de Celestia”, tu brûleras le parchemin. Et enfin, la troisième et dernière condition est, bien sûr, que tu nous laisses partir, moi et mes frères, lorsque tout cela sera terminé.
- Je ne vois rien à redire sur ces conditions. C’est d’accord. Mais, j’ai une dernière questions à te poser.
- Je t’écoute Dimitri.
- Pourquoi forcément accomplir le rituel aux Ruines ? Dans ce que tu m’as raconté, il n’y a rien, à l’exception du livre, qui intime de faire le rituel à cet endroit. Alors...pourquoi ?
- Ce que tu dis est juste. Il n’y a aucune raison logique à ça. Disons que c’est symbolique. C’est ici que tout a commencé, et c’est ici que tout se terminera. »

Dimitri n’était pas sûr de comprendre ce que le légendaire venait de lui dire. Mais il ne lui en demanda pas davantage. Il se disait que s’il posait trop de questions, ce dernier pourrait changer d’avis. Autant ne pas en prendre le risque. Créhelf prit de nouveau la parole.


« - Alors laisse-moi te rejoindre momentanément, et une fois le rituel accompli, nous nous séparons. »


Et c'est sur ces derniers mots que Créhelf disparut et que l'espace-temps autour de Dimitri, se distordit une nouvelle fois.