Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Faire face de Serekai



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 31/12/2020 à 12:19
» Dernière mise à jour le 31/12/2020 à 12:19

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 22 : Conseils d'experts
L’œuf était bien gardé dans sa boîte renforcée et capitonnée. Mes pokéballs étaient bien accrochées à ma ceinture. Je finissais de sangler mon casque, réglant la mentonnière pour qu’elle ne me serre pas trop.

Une fois l’ensemble de mes préparatifs vérifiés et revérifiés, j’enfourchai ma bicyclette. J’étais bien décidée à repartir vers Charbourg, qui ne serait qu’une étape avant de rejoindre mon prochain objectif.

Lorsque mes pieds commencèrent à appuyer sur les pédales, je sentis mes muscles ployer et se tendre. Après quelques cycles, le mouvement me sembla régulier et l’effort initial s’estompa derrière une sorte apaisement. Pousser, contracter. Pousser, contracter. C’était répétitif, comme une horloge, mon corps semblant s’adapter au rythme de mes mollets.

La longue piste cyclable surplombait une route accidentée et plantée de nombreux pins. En temps normal, je suis certaine que j’aurais aimé explorer cette voie naturelle pour prendre mon temps, mais là …

C’était une opportunité différente. Sur mon vélo, j’avais le vent qui fouettait mon visage, faisant flotter mes longs cheveux corbeaux dans le dos. La bise froide s’insinuait dans mon haut aux manches courtes, mais elle n’arrivait pas à éteindre la rage qui m’habitait encore et toujours.

La Team Galaxie avait causé la mort de mon pokémon. Ces bâtards de criminels étaient la cause de sa mort et de toute ma peine. Je les détestais, la flamme de ma colère continuait d’être attisée en moi. Peut-être que Madame Cynthia avait raison, qu’il fallait que quelqu’un s’en occupe une fois pour toutes.

Je me mis une gifle mentale. A quoi pensais-je donc ? Si Cynthia, maîtresse de la ligue, ne pouvait rien faire, que pourrais-je bien faire ? J’avais perdu mon dernier combat !

- Tu as perdu Châtaigne, espèce de conne ! jurais-je entre mes dents. Tu as merdé et tu penses que tu vas pouvoir t’attaquer à tout le groupe ? Tu as oublié que ça ne s’est pas bien fini la dernière fois ?

Je serrai les dents, alors que cette petite voix réprobatrice cherchait à me rappeler à l’ordre. Cette petite voix avait presque le timbre du professeur Sorbier et la vivacité de ma langue, en faisant un mélange de sagesse sarcastique assez désagréable … en particulier lorsqu’elle me blâmait. Ma raison était là pour me rappeler à l’ordre, encaisser le choc et me faire relativiser. Aussi horrible que soit cette perte, il y avait toujours pire. La vie était comme les monts Couronnés. On pouvait se sentir très bien un jour et terriblement mal le lendemain, lorsque l’adversité se mettait à jouer avec les fils du destin.

Rage et regret tourbillonnaient en moi, comme de l’eau que l’on faisait bouillir et dans laquelle on jetait en permanence des glaçons.

Pourtant, à mesure que je pédalais, ma fatigue étouffa la colère, me laissant juste avec un sentiment d’amertume.

Lorsque je voulus bivouaquer avec mes compagnons, je m’affalais contre le parapet sans rien dire. Amazonas se coucha en poussant une plainte, tandis que Fernando me regarda avec une sorte de suffisance, me donnant un coup de museau.

J’eus à peine la force de me retourner, mon estomac vide ne voulant rien avaler.

- Ah oui, c’est vrai que vous n’avez rien mangé depuis ce matin., réalisais-je en voyant que Fernando reniflait mon sac avec insistance.

C’est à peu près dans le même état, lasse et le ventre légèrement rempli, que j’arrivais à Charbourg, le lendemain.

La ville minière était peu agréable, surtout en ce début de saison estivale. Les bâtiments de brique et l’asphalte absorbaient la chaleur diurne qui écrasait les tuiles. La nuit restait assez tiède, surtout en absence de vent pour chasser la chaleur pesante.

J’étais dans le réfectoire du centre pokémon, le dos calé contre le mur d’un blanc écru. J’observai silencieusement le paysage à travers la vitre, dont la froideur se communiquait à ma peau grasse et huileuse. Le ciel était toujours d’un bleu sombre et voilé, encrassé par le smog dégagé par les nombreuses industries lourdes. La ville était à peine visible, les nombreuses lumières des fenêtres formant des damiers dans le lointain.

A ce moment, une personne toussota, me tirant de ma réflexion. Un garçon brun, d’environ dix-sept ans, me toisa, la main sur le dossier d’une chaise proche.

- Cette place est-elle prise ? s’enquit-il avec un sourire charmeur.

- Euh … non, dis-je en notant toutefois qu’il y avait beaucoup de places disponibles.

- Merci beaucoup. Je me sentais un peu seul et … je vous soupçonne d’être d’agréable compagnie.

Cela me tira un haussement de sourcil, m’arrachant à ma mélancolie. Je n’étais pas vraiment la personne la plus avenante à l’heure actuelle.

- Si vous voulez, c’est pas comme si j’ai autre chose à faire.

Il sembla satisfait de la réponse et sortit deux bentos, contenant du riz et des assortiments de nourriture bien agencée.

- Vous voulez manger ? proposa t-il.

Mon esprit n’était pas de bonne humeur, mais mon estomac sembla d’un avis divergent et me rappela à l’ordre d’un gargouillis disgracieux.

- C’est gentil de votre part, j’accepte ! répliquais-je avec un ton faussement enjoué.

La nourriture était simple, mais après deux jours de presque diète, ma salive donna un goût divin à de simples ailes de Canarticho braisées, dont la couleur ambrée se mariait divinement avec le blanc du riz et le vert des algues entourant le Magicarpe gras.

- Vous n’avez pas l’air dans ton assiette, mais je vois que vous avez bon appétit.

Cet étranger était sympathique. On pourrait peut-être faire plus ample connaissance.

- Peut-être, mais je ne connais pas votre … ton nom.

- Tommy. Tommy Stuarts, se présenta t-il avec un faux arc. Je suis étudiant à l’académie de Rivamar, en génie électrique et en ingénierie.

- Elizabeth Noyer, juste simple dresseuse, répondis-je avec un léger sourire car la bonne humeur de ce jeune homme était très communicatif. Tu es loin de chez-toi.

- Je suis en stage depuis deux semaines. Je suis en pleine étude de la centrale et je fais des relevés énergétiques … mais je ne vais pas t’assommer avec toutes mes recherches, éluda t-il d’un geste nerveux de la main. Tu me sembles bien attristée.

Je soupirai, alors que la vitre me renvoyait mon reflet pâle et cerné. Ma lassitude était palpable, le chagrin et la déprime me ravageant la gueule encore plus que la plaie qui se résorbait lentement.

- Ouais … j’ai perdu un pokémon. Je …

- Mes condoléances, dit-il avec un regard voilé de compassion.

- Merci. Je m’y habitue pas, ça fait mal.

- Tant mieux, fit-il en me choquant. Tant que tu as mal, c’est que tu es humaine. La vie, ça fait parfois mal ,,, mais ça fait partie du jeu. Imagine si tu gagnes tout le temps, qu’il n’y a pas de difficulté. Tout deviendrait plat et sans saveur. S’il y a des joies, c’est parce qu’il y a des peines. Si je fais des découvertes, c’est parce que je me suis trompé des centaines de fois.

Je restai silencieuse, digérant lentement cette leçon. Malgré tout, même relativiser ne chassait pas la douleur.

Entre deux bouchées, nous avons commencé à discuter de nos compagnons encore en vie et de nos voyages. En parlant d’eux, je regardai l’équipe qui jouait au sol.

Amazonas mangeait, prêtant à peine attention au petit Teddiursa qui bondissait sur son dos. Le Magneton de Tommy et Fernando semblaient se lancer dans un échange silencieux, leur électricité transmettant des idées et des sensations, se passant de support vocal.

- Ca ne fait pas beaucoup de bien de se mettre à regretter le passé, de se complaire dans la misère. Ca n’aide pas et ça ne change pas la réalité. J’ai perdu mon père il y a quelques années et … regretter ne l’a jamais ramené.

Je dus admettre qu’il n’avait pas tort, même si la douleur restait encore en moi, frappant sourdement contre ma cage thoracique. Je n’avais pas connu mon père, alors je ne pouvais pas savoir ce qu’il avait du ressentir, bien que je pouvais l’imaginer. Je l’interrogeai un peu sur sa famille, mais il était assez distant et peu loquace à ce propos, déviant sur les paysages de Rivamar et notamment sur sa grève de galets.

Il termina son repas en s’essuyant délicatement les lèvres. Maniéré, il essuya ses baguettes avec un tissu imbibé de désinfectant, avant de les ranger avec soin.

- Je dois avouer que ça faisait un moment que je n’avais pas discuté avec une jeune dresseuse. C’est une voie plus dangereuse que la mienne, bien qu’elle soit sans doute plus exaltante ! ajouta t-il en glissant la boite de nourriture vide dans son sac.

Nous échangeâmes nos numéros, avant de nous séparer. Il était assez occupé, ayant une quantité de relevés à faire avant le début de la matinée.

En parlant de numéros de téléphone, une pensée me vint en tête. Cette pensée se mua en un visage très familier, avec une chevelure sombre, tirant vers le bleu.

Une fois dans une chambre tranquille, je pris mon téléphone. Je ne savais même pas pourquoi je n’avais même pas eu l’idée élémentaire de penser à cette solution là dès le début.

Pourquoi n’avais-je même pas appelé ma mère, lorsque j’avais eu besoin d’aide ?

Cette femme m’avait aidée, aimée et cajolée sans rien demander en retour. Elle m’avait adorée sans limites, mais elle n’avait pas été mon premier réflexe. Je n’avais même pas pensé à ma mère depuis mon réveil.

L’éloignement sans doute … ou la peur de la décevoir et de passer encore pour une enfant dépendante.

Pourtant, ça ne m’excusait pas.

Un mélange de honte et de culpabilité m’étreignit l’estomac, alors que j’hésitais à ouvrir mon petit téléphone. La main tremblante, je pressai la combinaison de touches que je connaissais par cœur. Mes doigts moites laissèrent de larges traces sur le pavé tactile, mon pouce tremblant avant d’appuyer sur le bouton d’appel.

Une fois appuyé, je ne pouvais plus le relâcher sans passer l’appel. Je devais le faire ...

La tonalité agaçante résonna une fois, deux fois et une troisième fois, accroissant ma nervosité à chaque seconde. J’entendis un claquement, suivi d’une voix familière.

- Coucou maman, saluais-je avec une voix un peu étranglée par l’émotion.

- Bonsoir ma petite chérie ! répondit cette voix si douce et familière qui m’avait tant manquée. Cela fait un moment que tu ne m’as pas appelée ! Je suis tellement heureuse de t’avoir ! Alors, comment se passe le voyage de ma grande dresseuse ?

- Eh ben … c’est pas facile, dis-je en tentant de ne pas trop en dire.

Quelle idiote. J’étais avec LA personne à qui je pouvais me confier et je ne disais rien de mes aventures, ni de mes difficultés.

- J’ai rencontré des gens, comme Marianne ou Tommy, commençais-je en lui racontant un ou deux moments sur les routes. D’ailleurs Marianne a réussi à avoir son quatrième badge, dis-je au fil de la conversation, comme pour la remplir et ne pas aborder le sujet qui fâche. J’ai pu attraper de nouveaux pokémon mais …

Mon long silence gênant fut rapidement comblé.

- Tu en as perdu, c’est cela ?

- Oui, finis-je pas avouer en me retenant de laisser ce barrage d’émotions craquer. Putain, ça fait mal.

- Je suis désolée ma chérie. Je suis sûre que tu as fait de ton mieux.

Son ton était compatissant, alors que j’imaginais presque sa main caresser mes cheveux comme la fois ou je m’étais éraflée les deux bras suite à une brusque glissade en glissant d’un poirier.

- Je ne peux rien te dire d’autre que d’être forte. Si tu tombes, sache que je serais toujours avec toi pour te dire de te relever et de ne pas abandonner. Je sais que tu peux être têtu ou, fouineuse, mais tu n’es pas une lâche. C’est douloureux, mais je sais que tu surmonteras cette épreuve. Maman t’aime, tu le sais ?

- Oui, je sais. Moi aussi, je t’aime.

- Tu sais que tu peux revenir à la maison si tu veux. Ou es-tu ?

- Charbourg. En route vers Unionpolis. J’y serais dans deux semaines. Maman, je te promets que dès que j’aurais un pokémon volant, ou que je pourrais me payer un taxi, je reviendrais te voir.

- D’accord ma chérie. N’oublie pas de vivre ta vie à fond et de profiter de ton voyage.

Elle poussa un petit soupir nostalgique, comme si elle se souvenait de vieux passages de sa jeunesse.

- Sois prudente et … essaye de te trouver un petit ami !

Je bafouillais, subitement écarlate. Je ne m’attendais pas à un tel choc. Elle aurait pu aborder n’importe quel sujet, mais pas celui-là. Je n’avais jamais vraiment songé à ça ! J’avais seulement 12 ans ! Certes, j’atteindrais ma maturité sexuelle l’an prochain, mais tout de même ! Je pouvais encore laisser le temps passer !

- Euh … je vais te laisser et … je te rappellerais. Je t’aime maman !

Je coupai précipitamment la conversation, faisant claquer le clapet supérieur de mon téléphone pour clore la discussion.

D’une main moite, je rangeai mon téléphone.

Au moins, elle m’avait changé les idées, quoique je ne savais pas si c’était vraiment pour le meilleur.