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Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 17/10/2020 à 18:52
» Dernière mise à jour le 17/10/2020 à 18:52

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 16 : Rencontre avec le maître de Sinnoh
Mon arrivée nocturne à Vestigion n'avait rien eu de bien spécial. Après l'épaisse et lugubre forêt, deux ponts franchissaient les méandres d'un large cours d'eau. Les petits sentiers descendaient en contrebas, menant vers des pontons de chêne qui devaient accueillir des pêcheurs en journée. A cette heure là, il n'y avait logiquement personne. Du moins, s'il y avait des gens, ils étaient cachés et se faisaient discrets.

La ville se dessinait dans une vallée beaucoup moins encaissée que le site de Charbourg. Les immeubles étaient cependant nombreux dans la partie ouest, située au pied de la petite chaîne, tandis que l'est de la ville était plus ancien et de plus petite taille, caché aux premiers abords. Les petites maisons traditionnelles et les corps de fermes n'avaient pas encore été transformées par l'urbanisation galopante.

Une zone artisanale s'étendait près du fleuve, donnant un spectacle déprimant. La première chose qui accueillait les visiteurs venant de puis l'ouest était un amas de bâtiments aux murs de béton, aux toits de tôles et grillagés de barbelés. Cet ensemble disharmonique de gris et de tôle était d'une uniformité et d'une austérité à rendre dépressif un optimiste. L'un de ces bâtiments était surmonté d'une immense parabole braquée vers le nord, qui bourdonnait légèrement. La façade était ornée d'une bande jaune, sur laquelle était inscrite le nom du groupe : Galaxie S.A.

Je ne m'attardai pas près de ces bâtiments lugubres et peu avenants, dont l'esthétique pauvre et simpliste semblait être une insulte aux berges verdoyantes et aux trottoirs mal entretenus envahis de pissenlits. Tout ce que je voulais, c'était atteindre le centre pokémon. Un coup d'œil sur le cadran de ma montre m'indiqua qu'il était déjà deux heures passées, mais mes yeux sablonneux et mes cernes m'informaient plus simplement : il fallait que je dorme. La vue du toit rouge et de l'emblème circulaire me tendit les bras.

Le lendemain matin, après une bonne nuit et une bonne matinée de sommeil, je pris la décision de me promener dans la vieille ville. La partie ouest, moderne, composée de cubes de béton gris et de barres allongées était d'une laideur à soulever n'importe quel estomac.

Mon équipe m'accompagnait, comme d'habitude. Cependant, il n'était plus question de porter l'un d'eux dans mes bras.

Châtaigne battait des ailes, s'exerçant avec enthousiasme, tandis que Fernando et Amazonas restaient à mes côtés, se calquant sur le rythme de mes pas.

Les maisons avaient toutes des murs de parpaings et enduites de crépis. Moi qui espérais voir des quartiers très traditionnels, je fus déçue. Les quartiers anciens avaient terriblement souffert lors de l'incendie de l'été 54, anéantissant la plupart des vieilles maisons. Les plus anciennes ici avaient à peine une soixantaine d'années, les ruines fumantes et calcinées avaient été déblayées. Beaucoup d'habitants avaient changé de ville ou de quartier, personne ne voulant rester sur les lieux d'un tel malheur. les nouvelles constructions, construites à l'identique sur des plans, avaient été ultérieurement remodelées en fonction des goûts des nouveaux propriétaires.

A l'angle de deux rues, près d'un projet immobilier qui venait à peine d'être livré, l'histoire tourmentée de la ville se voyait bien. Le contraste entre l'immeuble contemporain et la ferme réaménagée était intéressant, laissant deviner que les gens étaient des débrouillards qui recyclaient les bâtiments et les matériaux, préférant la rénovation à la démolition. La large porte de garage en métal fermait l'entrée d'un ancien corps de ferme, la gouttière se déversant dans un ancien abreuvoir.

Le quartier s'ouvrait sur une butte de terre partiellement pavée, dominé par une place surplombée par une imposante statue. Les pavés orangés et irréguliers formaient comme un escalier, dont les marches usées par le temps n'avaient pas été remplacées.

Cette imposante place n'avait pas de nom. Le guide se bornait à la dénommer « place centrale » ou « place des cérémonies. » Autrefois, ce lieu de culte était au centre du village, avec un temple imposant entouré d'un péristyle de 64 colonnes. Ce temple avait disparu, ses fondations soutenaient désormais une avenue piétonnière et marchande. Paradoxalement, cette place centrale n'était plus qu'une périphérie, comme un vestige d'une autre vie. Le vrai cœur était dans cette allée marchande érigée en temple de la consommation. En me retournant, je vis la longue route scintillante, bariolée de néons et d'enseignes illuminées, ou les gens faisaient leurs offrandes au dieu argent. C'était un spectacle absolument indécent de voir ce gaspillage pour des babioles absolument inutiles. Je pouvais comprendre l'achat de ce qui rend la vie agréable et confortable, proclamer le contraire aurait été hypocrite. Néanmoins, je n'avais pas envie d'acheter de quoi rendre les voisins jaloux ou même acheter de quoi étaler ma fortune.

Définitivement, le monument ancien était bien plus digne d'intérêt. La statue était encore plus imposante à mesure qu'on s'en approchait. Robin la contemplait, pensif et il semblait petit à coté du mégalithe.

C'était assez étrange de le voir aussi calme et aussi posé. D'habitude, il fonçait à toute allure, ne s'arrêtant qu'une fois qu'il avait épuisé son énergie et redémarrant à peine une heure plus tard. Ici, il avait l'air captivé par quelque chose.

- Salut Robin, l'appelais-je en montant les marches irrégulières, prenant mon temps pour parcourir les derniers mètres.

- Hey Lizzie ! répondit-il en se retournant très vite. Tu traînes, j'ai déjà eu le badge de Vestigion !

Finalement, j'avais tort. Il avait encore son énergie. Il fallait croire qu'il avait appris à la canaliser.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? conclus-je en expirant longuement. Je prends mon temps pour mon voyage, j'avance à mon rythme. L'important est que j'arrive sur l'île de l'élite. Je veux juste profiter de mon grand tour de Sinnoh.

Il haussa les épaules, avec un signe de tête entendu, regardant l'imposant monstre de pierre qui menaçait les spectateurs. Je me plaçai aussi à côté de lui, détaillant le corps érodé. Il s'agissait d'un quadrupède aux pattes terminées par de longues griffes. Son corps orné d'une large gemme dans la poitrine supportait de longues ailes rigides qui s'élançaient en arrière. L'une avait ses pointes brisées, tandis que l'autre était usée et patinée.

Le pokémon nous fixait de ses yeux de pierre, sa gueule menaçante terminant un long crâne allongé rappelant un symbole phallique. Les lignes parcourant son corps était effacées et des sillons étaient creusés par la pluie qui ruisselait sur le marbre.

- La plaque a été arrachée, m'informa t-il en montrant le socle avec des vis rouillées qui avaient laissé des sillons orangés sur le marbre. Quels vandales … D'ailleurs, j'ai revu l'excentrique du lac Vérité ce matin. Il est toujours aussi impoli.

- Tu te rappelles le lac Vérité ? questionnais-je en me remémorant nos souvenirs. On parlait des légendes qui attendaient d'être découvertes … Depuis l'école, on nous disait que les deux déités du temps et de l'espace étaient vénérées dans tout Sinnoh, même si leur culte avait décliné depuis le dernier siècle. Ce sont ces légendes qui nous ont motivés à devenir dresseurs. On a commencé en voulant aller au lac Vérité.

Il poussa un petit rire, amusé, sautillant sur place.

- Ouais, c'est aussi car on s'ennuyait au village ! On n'avait pas envie de rester pour toujours dans notre vallée ! Mais même si c'était un trou paumé, on y a passé de bons moments.

Sur ces mots, il bondit un peu plus, signe que son trop plein d'énergie ressurgissait.

- Bon, je file, j'ai plus rien à faire ici. Tu sais quoi ? J'ai eu une idée ! On se fera un petit concours de chasse, sur la route après Unionpolis. J'vais être sympa et je ferais un effort, dit-il en me faisant hausser un sourcil. J'attendrais ma Limagma.

- Connard, ripostais-je le plus spontanément possible, avec un sourire légèrement crispé.

Il rit, évitant la tape que je comptais lui mettre sur le crâne, se baissant par réflexe. Il me connaissait trop bien, il savait que j'avais une très courte tolérance quant au sujet du physique.

- Bon, j'y vais ! Je vais m'entraîner un peu plus, tu m'appelleras quand tu seras à Unionpolis. Prends pas un mois non plus !

Il s'éloigna, me laissant en plan devant la statue.

Maintenant que j'étais seule, un souffle de vent sembla venir du monstre. J'avais l'impression que l'entité pouvait me voir, qu'un cri allait sortir derrière ces crocs de marbre.

- Qui es-tu ? demandais-je en regardant la pierre silencieuse, admirant le détail de la gueule.

- Le pokémon qui maîtriserait le temps et l'espace, me répondit une voix féminine derrière mon dos.

Cette voix douce, mais également confiante, appartenait à une belle femme blonde. C'était un timbre que je reconnus immédiatement, pour l'avoir plusieurs fois entendu à la télévision.

- Madame Cynthia ? m'estomaquais-je en faisant face à la championne de la ligue de Sinnoh.

J'étais ébahie de me trouver face à la dirigeante du Conseil des Quatre. Je l'avais déjà vue à la télévision, mais là …

Elle était encore plus charismatique en vrai, lorsqu'on lui faisait face. Comme à son habitude, elle était vêtue de son ensemble noir et doublé de fourrure de Noctali. Ses longs cheveux d'or coulaient sur ses épaules, tranchant avec le noir de sa tenue. Le contraste était saisissant et sinistrement harmonieux.

Son visage d'albâtre était assez fin, avec un nez un peu long par rapport à ses traits. Pourtant, ces défauts esthétiques lui allaient bien. Elle dégageait une certaine dureté et une aura d'autorité naturelle.

- Bonjour, jeune dresseuse, me salua t-elle avec un fin sourire aux extrémités des commissures de ses lèvres vernies. Tu connais mon nom, mais j'ignore le tien.

- Je m'appelle Elizabeth Noyer, répondis-je, toujours fascinée par les yeux gris de cette femme aux traits anguleux. Mais … qu'est-ce que le Maître de Sinnoh fait ici ?

- Je ne suis pas juste Maître, tu sais. Fort heureusement, ma vie ne se résume pas qu'à mes fonctions politiques, ni même à ma carrière de dresseuse. Je suis également spécialiste en archéologie et en histoire, m'intéressant beaucoup à la mythologie pokémon, mais je ne vais pas non plus t'assommer avec ma thèse.

Elle fit quelques pas, salissant ses bottines vernies dans le sable et la poussière jonchant cette place, se mettant face au monument. Son unique sourcil visible se fronça en voyant la plaque dégradée.

- Tu sais, lorsque j'avais quelques années de moins, cette statue m'inspirait beaucoup, m'aidant à trouver l'inspiration quand j'étais à l'université. C'est un monument similaire qui a été à l'origine de mes choix de carrière. J'aurais d'ailleurs une question n'ayant aucun rapport, dit-elle en suscitant mon intérêt. Aurais-tu aperçu un homme austère observer la statue ?

Je répondis par la négative, ce qui sembla la décevoir légèrement, avant de lui redemander qui était le pokémon représenté dans la pierre.

Elle m'expliqua que ce puissant pokémon était jadis révéré pour être l'incarnation du temps et de l'espace. Elle dériva sur le fait que cette entité avait un aspect multiforme, tantôt unie, tantôt divisée en deux êtres.

Après quelques minutes, elle interrompit d'elle-même son laïus.

- Excuse-moi de cette longue digression, se reprit-elle en toussotant. J'ai tendance à m'emporter sur ces sujets.

- Non, ne vous excusez pas, c'est intéressant. Je n'ai pas tellement exploré cet aspect de notre passé et … j'aime en savoir plus, surtout de la part de la meilleure dresseuse de la région.

Elle se tourna vers mon équipe, en particulier Amazonas qui grignotait des plantes d'agrément, ruinant les tulipes plantées par la municipalité.

- J'espère pouvoir te croiser aux éliminatoires de la ligue, que ce soit pour la session de cette année … ou même celle de l'année prochaine. Prends le temps qu'il faudra. Salue donc le professeur Sorbier de ma part, lorsque tu le reverras.

- Vous le connaissez ? interrogeais-je avant de me rendre compte de la stupidité de ma question.

- Bien évidemment. C'est même lui qui m'a demandé d'accélérer la procédure pour donner les accréditations de deux dresseurs prometteurs. Je ne t'affronterais pas ici, cela n'aurait pas d'intérêt. Cependant, nous pourrons en reparler lorsque tu auras huit badges et que tu essayeras de me défier.

Elle m'adressa un petit sourire, chassant une mèche de ses cheveux blonds liés par des barrettes noires.

- Profite-bien de ton voyage, Elizabeth Noyer, me dit-elle en tournant ses petits talons. Il devrait être une expérience fantastique, mais aussi pleine de surprises. Ce fut une agréable rencontre.

Je contemplai la maîtresse de Sinnoh, s'éloignant avec ses longs cheveux reflétant la lueur de l'astre diurne. Je compris alors pourquoi tant de jeunes filles et de femmes avaient laissé pousser leurs cheveux, pour le bonheur de l'industrie cosmétique.

Après quelques instants, je m'éloignais de la statue, pour me diriger vers le ravin à l'est. La falaise portait encore des traces de vestiges, comme des fondations d'un rempart pour fermer la passe. Les pieds de la muraille étaient baignés par des éboulis détrempés par le fleuve.

Cette partie de la ville s'était effondrée il y a des décennies, la falaise étant minée par l'érosion depuis longtemps. Le chaos rocheux avait été partiellemment déplacé par le courant, alors que le torrent mugissait sous le pont de bois.

Les planches étaient solides, mais n'étaient pas capables de porter de véhicule lourd. Ce passage n'était pas une route essentielle pour l'économie de Sinnoh et n'avait jamais été développé davantage.

Franchir ce pont avait tout de même quelque chose d'inquiétant. Les planches grinçaient et les cordages gémissaient sous mes pieds. Ce son n'était pas rassurant, mais j'avais envie de voir l'autre coté de la rive.

C'était sans doute idiot, puisque je pouvais contempler les pieds de la chaîne rocheuse depuis Vestigion, mais j'avais envie de voir de plus près cette plaine défigurée par le torrent encaissé.

Le sol de terre sombre était couvert de ronces et d'herbes folles. Le terrain en jachère était encore marqué par des éboulis. Ces morceaux détachés des sommets s'étaient écrasés récemment, comme ces plaques minérales incrustées de filaments métalliques.

L'une d'elles était curieuse, d'un gris métallique intense et presque artificiel. C'était comme un dessous de plat hexagonal, ébréché et entaillé.

Au moment ou mes doigts agrippèrent les contours du plateau oxydé, la plaque s'éleva, lévitant entre mes mains.

Elle se retourna, dévoilant un semblant d'expression sur son recto. Une note tinta, comme si j'avais donné un coup de fourchette sur une assiette.

La créature flotta devant moi, avec une démarche hypnotique, tournant autour de ma tête.

Je lançai une pokéball sur elle, la capturant aisément. L'étrange assiette ne sembla pas résister, se laissant attraper pour se joindre à moi.

- Ne t'inquiète pas, dès que je peux, je t'inclus à mon équipe.

La pokéball sembla pulser dans ma main, satisfaite, avant d'être transférée.