Chapitre 18 - Prises de Position
L’activité au sein d’Andor indiquait une matinée déjà bien avancée lorsque Fynn pris la direction de la Guilde des Roches Ardentes.
La nuit avait été revitalisante pour les Iris Embrasés, après leur périple de la veille. Erza et Aizen faisaient toujours grise mine, et avaient décidé d’aller se promener puis d’aller faire un tour à la taverne afin de se changer les idées.
Le Pyroli, quant à lui, avait prévu de quoi s’occuper. Il salua Gimji à l’entrée de la Guilde, et se rendit directement au quatrième étage, où se trouvait la bibliothèque.
Cette dernière, vivement éclairée par de nombreuses torches et plusieurs lustres, se composait de superbes étagères en bois au sein desquelles des centaines d’ouvrages de toute sorte se bousculaient. Un savoir non négligeable était à portée de main dans cette salle : guides d’exploration, livres de recettes, manuels de combats, recueils historiques… De nombreuses informations, en somme. Ce dont Fynn avait besoin.
« Tiens donc ! Un visiteur ! Et pas des moindres.
- Bonjour, Arin. Il n’y a pas foule, aujourd’hui. »
La bibliothèque de la guilde était tenue par un Delcatty dont la devise était « penser savoir, c’est un signe qu’il faut toujours apprendre ».
« Comme toujours, soupira ce dernier. La salle à manger est plus populaire, c’est une certitude. Cependant, c’est un plaisir de te voir, Fynn. En quoi puis-je t’être utile ?
- Je suis à la recherche d’écrits concernant un petit village du nom de Grivon, qui se situe au sein des Marécages Fleuris. Est-ce que ça t’évoque quelque chose ? »
Le bibliothécaire pencha sa tête de côté, interloqué.
« Grivon ? Ce nom ne me dit rien. Allons voir du côté des ouvrages traitant du Royaume Fleuri. »
Il entraina le pokémon feu vers une étagère située vers le milieu de la salle, et se mit à parcourir les rangées de livres du regard.
« Nulle œuvre ne traitant directement de Grivon en vue. Ce village existe-t-il réellement ?
- Je l’ai vu de mes propres yeux au cours d’une mission. Le Seigneur Van a l’air de le connaître également. »
Arin haussa un sourcil.
« Voyons voir si nous pouvons trouver des informations au sein d’un livre traitant des lieux du Royaume Fleuri dans son ensemble. Celui-ci, par exemple, est très complet » déclara-t-il en saisissant un énorme ouvrage d’une belle couleur verte se reflétant à la lueur des flammes.
Le Delcatty déposa le manuscrit sur une table et l’ouvrit, en précisant :
« Cette merveille a été rédigée par un ancien explorateur célèbre de la Guilde des Pétales d’Argent de Sylis. Il est plutôt récent, donc à moins que le village dont tu ne me parles n’ai été bâti que très récemment, nous devrions y trouver de quoi éclairer ta lanterne sur le sujet… Voyons voir… Ah ! Grivon. Page 254… »
Fynn se rapprocha tandis qu’Arin recherchait le chapitre correspondant. Puis ce dernier poussa une exclamation d’horreur.
Une poignée de pages, à partir du numéro 254, avait été arrachée.
« Que… Qui ? Qui a osé commettre un tel méfait ?! »
Le Delcatty était hors de lui. L’explorateur, quant à lui, pinça ses lèvres :
« Je doute fort qu’il s’agisse d’un hasard.
- Nous allons en avoir le cœur net », répondit Arin.
Il se retourna vivement et retourna fouiller dans l’une des étagères. Il en sortit un nouvel ouvrage, qui semblait traiter des lieux insolites. Après avoir jeté un œil au sommaire, il le feuilleta et manqua de s’étrangler en constatant, que, là aussi, la section traitant de Grivon avait été vandalisée.
« Mais… Pourquoi ?! hoqueta le bibliothécaire.
- Quelqu’un ne voulait sans doute pas que nous en apprenions plus sur ce village, souffla Fynn. Et ça ne présage absolument rien de bon. »
Arin secoua la tête. Puis il se tourna vers Fynn :
« Je tâcherai de te trouver une œuvre épargnée. Peut-être pourra-t-on en dénicher une à la bibliothèque du château.
- Non. »
Le Delcatty le fixa, surpris.
« Le temps ne me manque pas, ne t’en fais pas pour moi.
- Ce n’est pas pour cette raison, répondit Fynn. Je… préfère éviter de t’impliquer là-dedans.
- Mais...
- Ecoute, je te fais confiance, mais je soupçonne certains pokémon haut placés d’Andor d’être à l’origine de la disparition de ces précieuses pages. »
Arin recula, horrifié.
« Ce serait…
- Fâcheux, en effet. »
Le pokémon feu ferma les yeux. Il avait eu un mauvais pressentiment en ce qui concernait la réaction de Van vis-à-vis de Grivon, et était maintenant à peu près certain qu’on leur cachait à tous quelque chose. Mais à qui confier ses craintes ? Un sentiment d’esseulement le frappa soudain.
« Vex… Pyra… pensa-t-il. Vous me manquez terriblement. »
L’explorateur se tourna vers le Delcatty en soupirant :
« Reste en dehors de tout ça. Si ce que je pense est juste, tu serais en grand danger rien qu’en menant des recherches.
- Je ne resterai pas indifférent à tes propos, Fynn. Et je tâcherai de découvrir la vérité, que tu le veuilles ou non. Nous devrions pour commencer parler de cela à Nyx.
- Nyx n’a plus aucune autorité sur cette guilde. Nous obéissons directement au Seigneur Van, désormais. Et… »
Il s’interrompit. Il était déjà en train d’en dire trop. Mais Arin s’avança vers lui, en baissant la voix :
« Tu n’es pas le seul à trouver cette situation problématique, Fynn. Le fait qu’il en soit ainsi ne doit pas nous empêcher de rester nous-mêmes. »
Il s’interrompit, jetant un coup œil vers l’entrée.
« A titre personnel, j’exècre le manque de transparence. J’ai rejoint cette guilde dans le but de répandre le savoir et la vérité. Pas pour me complaire dans l’ignorance et le mensonge. »
Le Pyroli cligna des yeux. Il ne s’était pas attendu à cette réaction de la part d’Arin. Après un temps d’hésitation, il se décida enfin :
« Très bien. Si tu découvres quoi que ce soit concernant Grivon, je t’en serai reconnaissant. Cependant, sois très prudent.
- Toi de même. »
Fynn remercia le Delcatty, puis tourna les talons et quitta la guilde. Il avait une idée en tête.
« Aux grands maux les grands remèdes, songea-t-il. J’irai boire un verre, ce soir. »
Le soleil déclinait sur Sylis, alors qu’approchait la fin de l’après-midi.
Après une courte discussion, il avait été décidé que la Reine Aylee partirait à la rencontre du Seigneur d’Andor, aux côtés de Velvet et de Virdi. La Princesse Arya resterait en sécurité à Sylis dans la demeure de Dame Anita, où elle pourrait préparer un message à l’attention de son frère.
La Feunard s’était entretenue avec les explorateurs de la Guilde des Pétales d’Argent afin de leur indiquer l’emplacement approximatif du tunnel reliant la forêt sauvage du sud à Grivon. Petra fut ainsi en mesure de dépêcher des patrouilles ayant pour mission d’en condamner l’accès.
Velvet accompagnait à présent la Reine Aylee au point de rendez-vous, sur la place des Hauts-Quartiers, où les attendaient Virdi ainsi qu’un Tropius qui les transporterait jusqu’à Dirindel par la voie des airs.
Le Rubombelle avait insisté pour que la Reine Aylee n’emmène que peu de gardes avec elle, afin d’affirmer une position pacifique vis-à-vis de l’ambassadeur d’Andor. Cela avait fait bondir Grimsy, qui avait affirmé qu’il s’agissait possiblement d’un traquenard et que la prudence était de mise.
« Si c’est un mauvais coup, ils le regretteront, ne t’en fais pas », avait affirmé la Gardienne.
Il faudrait lui passer sur le corps pour toucher à une pétale de sa Reine. Et ce n’était pas chose aisée.
« Votre Altesse, vous voici enfin !
- Pas d’inquiétude, Virdi. Je suis à l’heure, répondit la souveraine.
- Je vous avoue être légèrement nerveux. J’ignore totalement ce qui motive ce Seigneur d’Andor à vous rencontrer.
- Velvet est avec nous, nous ne risquons rien. Cet entretien est une très bonne opportunité pour nous d’en apprendre plus sur la situation actuelle. Je ne le manquerai pour rien au monde.
- Dans ce cas… Nous devrions nous mettre en route. »
Le groupe monta sur le large dos du Tropius, qui s’assura que tout le monde était bien accroché avant de prendre son envol.
L’énorme pokémon plana alors au-dessus des Bois Fleuris, en direction de Dirindel. L’expérience était incroyable, mais Velvet y était habituée : ce n’était pas la première fois que sa Reine devait se rendre hors de Sylis, et le vol à dos de Tropius était son mode de déplacement favori.
Ils atteignirent rapidement le village au bord du lac, et le grand pokémon vol et plante se posa au beau milieu de la place, sous les regards admiratifs des habitants.
La Joliflor fut accueillie par une Ludicolo, qui présidait la direction des lieux.
« Votre Altesse ! C’est un honneur de vous voir ici. Nous avons bien reçu votre missive. Les sentinelles ont eu pour consigne d’escorter l’ambassadeur d’Andor aux portes du village. Vous serez informée de son arrivée, qui devrait être imminente.
- Parfait. »
Velvet leva les yeux au ciel. Le crépuscule approchait, nimbant Dirindel d’une magnifique lumière orangée, qui se reflétait sur la surface du lac. Le spectacle était magnifique, et tous les pokémon présents purent profiter de cet instant.
Au bout d’une quinzaine de minutes, la voix d’un Rattatac accourant vers leur groupe brisa le silence :
« Votre majesté ! Le Seigneur d’Andor est arrivé ! Il vous attend. »
La Joliflor hocha la tête, puis prit la direction de l’entrée du village, aux côtés de Virdi et de Velvet. Si la Sucreine était en alerte, elle restait cependant très calme ; contrairement au Rubombelle qui montrait des signes d’appréhension. La souveraine, quant à elle, affichait un air impassible.
Les trois pokémon franchirent les portes du village sous les yeux des habitants curieux ainsi que le salut des sentinelles. A l’extérieur, à une dizaine de mètres de l’entrée, les attendait un Jungko flanqué d’un Scalproie et d’une Luxray.
Le pokémon plante s’avança d’un pas et effectua une brève révérence :
« Salutations, Reine Aylee. »
Son interlocutrice croisa les bras devant elle, bien droite.
« Bonsoir, visiteurs d’Andor. A qui ai-je l’honneur ?
- Je suis le Seigneur Van. Je sers le Roi Xeno, souverain du Royaume de l’Ombre. »
Velvet haussa un sourcil. Le Jungko affichait un sourire calculateur inquiétant, malgré son air calme et courtois. Ca ne présageait rien de bon. Elle croisa rapidement le regard de Virdi, qui semblait partager son impression.
« J’irai droit au but, Votre Altesse. J’ai connaissance de la présence de la Princesse Arya sur votre territoire. Je souhaiterais savoir si vous l’avez aperçue. »
La Joliflor ne cilla pas. Elle répondit, avec aplomb :
« La Princesse du Royaume Cristallin est en effet venue à ma rencontre. J’ai écouté son récit avec attention. Et je souhaiterais à présent savoir une chose, Seigneur Van. Pourquoi le Royaume de l’Ombre a-t-il lancé un assaut sur Freljörd ?
- Vous croyez donc à ce tissu de mensonges ?
- J’y crois. Tout comme je souhaiterais également avoir une explication concernant vos patrouilles ainsi que vos équipes d’exploration près de nos frontières ces derniers jours.
- Nous cherchions simplement à appréhender une criminelle complotant contre notre Royaume. Et que vous semblez abriter à l’heure actuelle.
- Je doute fort qu’il s’agisse de la véritable raison. »
Aylee se pencha vers son interlocuteur, et ajouta, d’un ton suspicieux :
« Ne chercheriez-vous pas plutôt à faire taire la vérité ? »
Virdi laissa échapper une exclamation de stupeur. L’accusation de la Reine Aylee était lourde de sens, et risquait potentiellement de déclencher un conflit. Mais Velvet, quant à elle, appréciait la tournure directe de cette conversation, et le choix de sa souveraine de faire comprendre à l’ambassadeur d’Andor qu’elle avait déjà choisi son camp.
Le Seigneur Van soupira.
« J’avais prévu la possibilité d’en arriver à ce genre de désagréments… »
Il fixa la Joliflor, et déclara lentement :
« Ecoutez-moi bien, Votre Altesse. La seule chose que nous souhaitons de la part de votre Royaume, c’est que vous nous remettiez la Princesse Arya. Nous ne demandons rien d’autre. »
Virdi s’avança afin d’intervenir :
« Seigneur Van. Nous souhaitons simplement nous entretenir avec vous, afin de mieux comprendre…
- Il n’y a rien à comprendre. La Princesse Arya ment. Si vous refusez ma requête… »
Il marqua une pause, et prit un air menaçant :
« Demain, au crépuscule, Dirindel paiera le prix de votre trahison. Ce ne sera que le début, jusqu’à ce que vous consentiez à nous livrer la fugitive. »
Le Rubombelle s’apprêta à répondre, mais Velvet s’était avancée de deux pas. Les guerriers de l’Ombre derrière Van s’était également rapprochés, prêts à agir.
« Nous pouvons régler cela dès maintenant, fit la Sucreine, nullement intimidée. Comment osez-vous menacer ainsi notre peuple ?
- Velvet ! Laisse-moi répondre », ordonna Aylee.
La souveraine du Peuple Fleuri prit une longue inspiration, puis s’adressa au Jungko :
« Nous ne souhaitons que la paix entre nos deux Royaumes. Cependant, nous défendrons nos terres, ainsi que la Princesse Arya, s’il le faut. Cette dernière est sous notre protection, et le restera. Tout particulièrement si vous n’avez pas plus d’arguments pour me convaincre du contraire.
- Mais, Votre Altesse… murmura le diplomate.
- Je suis désolée, Virdi. Je crois bien que nous n’avons pas d’autre issue.
- En effet », souffla Van.
Ce dernier se détourna, et fit signe à ses guerriers de le suivre. Il jeta un dernier coup d’œil par-dessus son épaule :
« Vous avez jusqu’à demain soir pour changer d’avis. Vous opposer à nous serait une terrible erreur. Je vous aurais prévenue. »