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La Cendre et la Braise de Ramius



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Informations

» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 30/03/2019 à 10:53
» Dernière mise à jour le 25/04/2020 à 20:05

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Amitié   Mythologie   Présence d'armes   Suspense

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Chapitre 3 : Le jeu des prédateurs
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J’aime bien les arbrisseaux que l’on trouve accrochés aux pentes de la montagne-aux-pentes-sans-longueur. Pour eux, le sol est comme le tronc des arbres normaux, et il leur faut donc pousser comme le sol ; si possible en germant dans une crevasse. C’est un renversement intéressant : aucun prédateur ne peut accéder aux occupants d’un tel arbre, à moins de pouvoir grimper ou voler. Dans le premier cas, il faut être vraiment déterminé, car les pentes de la montagne durent longtemps à parcourir ; dans le deuxième, il faut être agile pour s’aventurer entre ces pentes, et assez adroit pour ne pas secouer l’arbre que l’on vise — ce qui revient à alerter sa cible, donc la perdre.

Un vétéran comme moi reste vulnérable quand il dort. Ce genre d’arbres est une protection bien appréciable. En plus, j’y ai trouvé des baies ! Rien de tel pour se réveiller de bonne humeur. Cependant, il me faut maintenant décider du prochain endroit où voyager. Je pense que je vais encore laisser le vent guider ma direction. C’est une façon de faire agréable, pleine de surprises et de petites joies.

Mais avant… Autant prendre quelques jours pour m’amuser des retombées de la conversation d’hier. Ça s’annonce intéressant : j’ai remarqué une vraie flopée d’excités que mes paroles auront indignés. J’imagine que je pourrais en profiter une bonne semaine. Je m’avance au bord de mon arbre, et me laisse tomber dans le vide.

La chute est courte, mais mouvementée ; dans cette montagne, le vent est fort et joueur. De plus, si je veux ralentir à temps pour ne pas plonger dans la rivière qui baigne le bas des pentes, je dois ouvrir mes ailes tôt : elles sont plutôt petites, et je n’ai guère d’appui sur l’air. En contrepartie, je suis largement assez habile pour évoluer dans la montagne-aux-pentes-sans-longueurs. Ces pentes sont redoutables, et un instant d’inattention signifierait un choc assommant contre une paroi pour la plupart des gens ailés ; mais pas pour moi. Je peux flâner et d’admirer des détails qui n’ont rien à voir avec les courants aériens ; quand cela me conduit à foncer vers la roche, il me suffit de peu pour virevolter largement et m’éloigner de ce matériau.

L’exercice est dangereux, et je n’en ignore pas les risques : plusieurs fois déjà, j’ai failli mourir contre des montagnes moins escarpées que celle-ci. Mais les risques font partie de la vie, et on ne se sent jamais aussi vivant que lorsqu’on danse avec la mort. Pourquoi diable vivrais-je mon existence sinon ? Pourquoi diable voudrais-je me sentir vivant est d’ailleurs une des nombreuses questions auxquelles je n’ai pas de réponse. Tant pis.

Je sors finalement de l’enfilade de sols de pierre, et m’élève au-dessus de la montagne et de la rivière qui coule au milieu d’elle. Pendant un petit moment, je contemple le paysage en planant ; quand j’estime y avoir passé assez longtemps, je me laisse redescendre vers une éminence rocheuse, large et plate. Un endroit idéal.

Du moins je le pensais ; en réalité, avant que mes invités ne se montrent, j’ai le temps de repérer tous les obstacles au sol, y compris les plus insignifiants. Voilà qui présage d’une belle bande d’amateurs. Bah ! il y a sûrement moyen de les faire tourner en bourrique tout de même.

Il s’agit visiblement d’une Horde. Déjà, ça, ça ne me fait pas une bonne impression. Les Hordes sont de plus en plus fréquentes de nos jours, et j’en désapprouve le principe. Quoi de plus stupide qu’un groupe de proies qui suivent partout un prédateur, l’acclament comme leur maître et espèrent sa protection en retour ? Les faibles y voient peut-être des avantages, s’y sentent peut-être en sécurité — voire pire : forts — mais ce n’est pas comme ça qu’ils deviendront des prédateurs à leur tour.

Certes, on peut apprendre en regardant l’affrontement de deux maîtres — et encore : à condition d’avoir l’œil assez vif — mais cela ne permet pas d’apprendre à se maîtriser soi-même. Les connaissances que l’on tire de l’observation mériteraient d’être appliquées sur-le-champ, et ce n’est que rarement le cas. Connaître une technique sans la maîtriser, c’est courir le risque de perdre le premier combat où on voudra l’utiliser. Voilà pourquoi je méprise les Hordes. Le chef de la meute est en général plutôt malin ; mais les proies qui le suivent sont vouées à rester des proies toute leur vie, et à dépendre de leur prédateur pour rester en sécurité ! Mieux vaut, et de loin, être soi-même le prédateur ; c’est mon cas.

Je me suis échaudé trop vite : le Dominant du troupeau fait s’arrêter ses sbires, et s’avance seul vers moi. Il a donc l’intention d’ouvrir la joute des coups par celle des mots. Je doute qu’il puisse gagner l’une ou l’autre. Lui, bien sûr, en a la certitude absolue.

Salutations, voyageur !

— Bonjour.

— Vous vous en doutez peut-être, je vous cherchais.

— Non ?

En pareille situation, je ne résiste jamais à l’envie de me payer la tête de mon interlocuteur.

Mais si, mais si.

Quoi, lui non plus ? Intéressant.

D’accord, vous me cherchiez. Eh bien, vous m’avez trouvé.

— Ah mais voyez-vous, je voulais non seulement vous trouver, mais aussi vous toucher un mot au sujet de votre prestation d’hier.

— Quoi, d’avoir trouvé un buisson qui déguise ses baies en feuilles ?

— Hélas ! Le bruit n’en a pas couru… Non, je parlais de votre causerie avec le sage qui vit non loin d’ici.

C’est qu’il a même un sacré répondant, ce quadrupède violet ! Il me toise d’un œil légèrement narquois, s’assied et enroule sa queue autour de lui. Contrairement à ses sbires, il n’est pas méprisable pour sa faiblesse ou sa bêtise. Il sait très bien que tout ceci n’est que mise en bouche et qu’il n’échappera pas au combat, mais il veut me faire dire ce qu’il veut entendre. Laissons couler ; l’humiliation n’en sera que d’autant plus grande tout à l’heure.

Oh, ça ? Dîtes-moi donc.

— Voyez-vous, j’ai peur d’avoir mal compris les questions sur lesquelles vous avez conclu…

Vraiment, il se débrouille bien. Ni la fuite ni la volte-face ne le découragent, et je me doute bien qu’il acceptera de discuter avec moi un certain temps. J’observe un petit silence, histoire d’essayer une dernière fois — vainement — de le déconcerter, puis je lui réponds enfin, affectant mon air blasé naturel.

Oui, je me rappelle lesquelles c’était… L’origine des dieux, et leur légitimité ; à vrai dire, je les ai simplement refusées en bloc, et il n’y a pas grand-chose d’autre à ajouter.

— Ça se trouve. Pour ma part je les admets comme allant de soi, et j’aimerais donc confronter mon point de vue au vôtre…

Il veut parler de leur légitimité ; je m’engage dans l’autre sujet, quoique sans trop insister non plus.

Mais certainement. Dîtes-moi, que pensez vous qui ait fait les dieux ?

— Qui sait ! Le hasard, le chaos, la chance, ou peut-être une puissance plus grande encore ; elle-même posant la même question et appelant la même réponse. À vrai dire, cela ne m’intéresse pas vraiment : quelle que soit la cause, elle ne peut que me dépasser totalement, et si je la connaissais, sans doute ne la comprendrais-je pas, ne l’appréhenderais-je pas ; quoi qu’il en soit enfin, les dieux existent de façon assez certaine pour moi, et voilà tout. Peu m’importe leur propre cause, car désormais, ils sont là.

Non. L’origine des Dieux ne m’intéresse pas ; en revanche, leur légitimité, oui. Je conçois que vos opinions sont simples, les miennes l’étant aussi, mais comme elles sont totalement opposées… Vous imaginez ma confusion.

— Quelque peu.

— Voyez-vous, j’admets l’existence des Dieux. Cela me conduit à admettre leur puissance, et en vertu de la pure logique, je cherche donc à m’en prémunir. Puisque je tiens à la vie, j’aimerais bien éviter qu’un conflit divin ne vienne me l’ôter, sans parler d’attirer sur moi une si vaste vindicte.

— D’où le culte que vous leur vouez.

— Quoi d’autre que la prière pour écarter de soi les dangers qui nous transcendent ?

— Quoi de mieux aussi pour attirer sur vous l’attention, puis l’agacement de ces dieux que vous craignez tant ? Je pars du principe inverse : ils font ce qu’ils veulent et je n’ai pas mon mot à dire, en prière ou en malédiction. Si les dieux me dépassent complètement, à quoi bon essayer de les intéresser à moi ? Je préfère adopter le même comportement que vis-à-vis de n’importe quel autre prédateur, qui est aussi celui de mes proies vis-à-vis de moi : accepter ma faiblesse et éviter de l’exposer aux regards. Cependant, je ne vois dans ma faiblesse nulle interdiction à réfléchir sur le statut même des dieux. Et si cela les énerve, tant pis.

— Vous semblez tenir la vie physique dans le même mépris que la spirituelle… Quel est ce comportement de proie, qui admet qu’il n’y a rien à faire en face du prédateur ?

— C’est l’opposé du comportement du prédateur auquel sa force donne le pouvoir.

— Pas de tous les prédateurs ; il est possible de vivre en bonne entente avec les proies que l’on pourrait traquer.

— Vous pensez à vos élèves , hein ? J’affirme que cela tient aussi longtemps que la nourriture abonde.

Et je l'affirme avec un ton qui oscille entre le narquois et l'insultant. L'autre ne relève pas, mais ne laisse pas couler pour autant.

Plus, même : ils me sont précieux, et en temps de disette, je me serre la ceinture avec eux.

— De bonnes actions par lesquelles vous espérez attirer sur vous une semblable bienveillance de la part d’êtres qui accrochent des Astres au ciel par douzaines…

— On a usurpé votre réputation de sage, voyageur ; je me rends compte maintenant que vous êtes d’une arrogance surprenante, et n’encouragez guère au dialogue.

— Seulement maintenant ? Donc vous n’avez peut-être pas encore remarqué que c’est là le comportement orgueilleux du prédateur. Je l’adopte en tout et pour tout, il devrait vous avoir sauté aux yeux plus tôt.

Rien de tel que de traiter de blanc-bec ce genre de jeunot incapable de comparer correctement sa force à celle de son interlocuteur pour l’énerver. C’est un peu mesquin de ma part, car il arrivait à soutenir son point de vue sans trop sombrer dans l’obscurantisme, ni montrer que c’était en réalité celui de ses parents ; néanmoins rien ne pouvait plus sortir de cette discussion, et je commençais à m’en lasser. Certes, je fais moi-même preuve d’une certaine dose d’obscurantisme… mais si l’on commence par instaurer des règles de courtoisie et à se soucier de son apparence, on finit avant d’avoir pu s’en rendre compte par être organisé dans une ruche aussi complexe et insensée que celle des Sans-Essence. Merci, mais non merci !

… En effet. Je trouve que vous vous prenez très au sérieux pour quelqu’un qui se présente comme sage, et—

— Mais je ne me présente pas comme sage. Ce sont mes rares amis qui me peignent sous mon meilleur jour ; je ne suis qu’un prédateur qui ignore pourquoi il respire.

— …et je pense que vous auriez besoin qu’on vous remette les idées en place.

— Sans rire ! Dis donc, paltoquet, tu crois que ta jeune vigueur t’autorise à te mesurer à moi ? Retourne apprendre les affinités de ton essence…

Là, je n’ai pas besoin de réponse pour percevoir sa fureur. Il ne répond pas, d’ailleurs. Il se lève brusquement et se met à faire les cent pas. Nous sommes sur le point de nous sauter à la gorge… Rendons ça intéressant.

Allez, petit Chasseur-Tricheur, je vais te faire une fleur. Si tu veux te payer mon gigot, viens donc ! Je ne t’opposerai pas l’essence qui te blesse, mais seulement celle qui te brûle sans pour autant être insurmontable.

— Pauvre vieux fou de Paillette-du-Volcan… Comment peux-tu supporter ta morgue, et comment ne t’es-tu jamais attiré d’ennemi mortel ?

— En étant sournois. Qu’est-ce que tu crois ! Contrairement à toi, la plupart des gens que j’asticote me prennent au sérieux.

— Te prendre au sérieux, avec ton regard de proie ? Ben voyons !

Sur cette parole rageuse (et de mauvaise foi), il me saute dessus. Malheureusement pour lui, je n’attendais que ça pour l’esquiver adroitement. J’ai déjà dit que j’étais agile ?

Reste là et bats-toi !

Nan, j’ai la flemme. Je vais juste souffler légèrement sur la braise de mes ailes. Le Type feu 6G qui dort sous les écailles remue, sans se réveiller, et réchauffe la chair pas tout-à-fait vivante autour de lui.

Le Chasseur-Tricheur me passe à côté encore deux ou trois fois, puis comprend qu’il n’arrivera qu’à se ridiculiser devant ses sbires. Il s’arrête alors de bouger et attends, patiemment. Sans doute pense-t-il que je ne sais pas ce qu’il fait : il croit que je rassemble mes forces, et essaie de s’en saisir. Mais son air ahuri m’indique bientôt qu’il a compris que je ne faisais que voleter de-ci-de-là.

Il décide donc de changer de tactique, et commence à réfléchir intensément. A-t-il encore oublié que je suis un vétéran expérimenté ? Quel jeune sot. On ne concentre jamais ses forces à moins d’être sûr que l’adversaire n’en profite pas pour les disperser. Ce que je fais, d’ailleurs.

D’un coup d’aile, je m’élance droit sur lui. Surpris par ce nouveau stratagème, il ne réagit pas à temps, et je peux lui passer juste à côté, en semant quelques écailles chauffées derrière moi. Si j’ai bien visé, elles ont atterri dans ses yeux.

C’est le cas ! Du moins, c’est ce que j’imagine en entendant un miaulement indigné. Et je découvre bel et bien, en me retournant, un Chasseur-Tricheur se frottant énergiquement la tête avec ses pattes avant (j’ai vraiment besoin de préciser qu’il est assis ?). Cependant, la douleur semble le rendre plus combattif. Il abandonne ses yeux et se tourne vers moi en essayant de ne pas se laisser submerger par la colère. Maintenant plus que jamais, il a la rage de vaincre.

Soudain, il se penche en avant (il est toujours assis, hein) et hurle. L’air vibre désagréablement autour de moi. C’est en effet un type de hurlement particulier, chargé d’Essence des Type tenebres 6G, visant à affaiblir l'Essence de la cible. Ça marche surtout pour la longue distance, qui est celle que j'emploie le plus. Alors je le sens passer !

Le paltoquet enchaîne en produisant une sphère d’ombres (d’Essence de Type spectre 6G) et en la lançant vers moi. J’arrive presque à l’esquiver, mais l’attaque m’a déséquilibré, et le temps que je me rétablisse, le Chasseur-Tricheur me charge. Je réagis en nourrissant un peu plus l’Essence de Type feu 6G dans mes ailes ; je n’ai pas le temps de riposter directement, mais je peux espérer augmenter leur chaleur et le brûler.

À ma grande surprise, il s’arrête juste devant moi et se frotte à moi en ronronnant. Là, tout s’enchaîne très vite. Je n’ai pas eu le temps de remarquer qu’il sautait au loin en feulant, parce qu’une soudaine décharge d’essence de la Grande Type fee 6G vient de me projeter en arrière. Mon Essence devient un peu moins efficace à courte portée, mais peu importe. Cette distance-là, je n’en aurai pas besoin ; ça m’énerve quand même un peu.

Je reprends mes esprits et vois un Chasseur-Tricheur passablement énervé, en train de lécher son flanc noirci. Et d’y gagner tout ce qu’il pouvait y gagner : une brûlure à la langue de la part de l’écaille qui s’est logée dans sa fourrure. Ce n’était pas très malin ; néanmoins, son attaque ne manquait pas de puissance. S’il s’acharne assez, il pourrait devenir ennuyant.

Baste. Il est déjà en train de préparer autre chose. Ça n’a pas l’air offensif ; plutôt une fourberie sur le long terme. Hors de question de le laisser faire ; il a déjà bien trop pris l’avantage dans ce combat. Ce fourbe sait se battre… c’est-à-dire, pas trop mal. Je m’élance vers lui en avivant mon Essence de Type feu 6G et en la faisant rayonner dans les écailles de mes ailes, lesquelles commencent à luire. Ce n’est pas vraiment une attaque, plutôt une intimidation. Et surtout, c’est une erreur.

Le Chasseur-Tricheur avait anticipé mon mouvement, et me saute dessus comme s’il savait exactement où je devais passer. Ce qui était sans doute le cas, car je n’accélère pas bien vite… Enrobé d’essence de Type tenebres 6G à nouveau, il me frappe dans le cou, là où ça fait le plus mal. Non seulement son mouvement me prend au dépourvu, mais en plus ce qu’il avait préparé était une technique que je nomme l’Aiguisage, qui permet d’infliger des dégâts moitié plus élevés qu’ils ne devraient. Une vraie saleté, que je ne maîtrise pas.

Je m’écroule au sol tandis que mon adversaire atterrit gracieusement sur ses pattes, emporté à quelques mètres de moi par son saut. Si je ne retourne pas en l’air d’ici un (très court) instant, il me tuera. Et comme j’ai voulu me pavaner, il est hors de question de libérer mon essence d’ Type insecte 6G : je me suis mis moi-même au défi de gagner sans elle, maintenant j’en assume les conséquences.

De toute façon, je repose sur le dos en écrasant mes ailes sous moi. Impossible de m’envoler. Mais pas impossible de survivre. Ça demandera juste un peu de sang-froid.

L’autre me saute à nouveau dessus, persuadé qu’il peut m’avoir. Cette fois ci, l’erreur est sienne. Je ne bouge pas jusqu’au dernier instant ; juste avant qu’il ne tombe en plein milieu de mon abdomen, je donne un grand coup de mes ailes droites dans le sol, et je roule sur la gauche. Aussitôt, mais non sans voir au passage l’air surpris du prédateur qui vient de rater sa proie, je me mets à battre furieusement des ailes : je suis encore face au sol, et je dois m’élever avant d’avoir fait un tour complet sur moi-même, sous peine de dépenser beaucoup plus d’énergie pour finalement ne pas finir en l’air à temps.

Et je décolle. Pas très haut, mais c’est tout ce qu’il me faut, car je suis toujours en train de tournicoter, emporté par mon élan initial ; mais désormais, je vole. Désormais, je suis agile à nouveau. Je stabilise ma vrille en alimentant son mouvement, histoire de reprendre un peu de vitesse, puis, d’un coup simultané de trois de mes ailes, je disloque mon mouvement, et le rétablis autrement. C’est facile de transformer une roulade en chandelle avec salto, quand on a six ailes disponibles à la manœuvre.

Le Chasseur-Tricheur n’a rien compris à ce que je viens de faire. Il est resté en position basse sur ses appuis quand il a atterri là où j’aurais dû être ; et il me voit à nouveau en train de me jouer de mon poids, bien que je sois plus lourd que lui (j’aime jouer la provocation). Nous sommes proches l’un de l’autre, mais trop éloignés pour qu’il puisse m’attaquer rapidement, même à pleine vitesse. Moi, au contraire, je le peux.

Échauffées par mes acrobaties, mes ailes libèrent sans à-coups l’essence de Type feu 6G. J’aurais pu le faire bien plus tôt, mais c’est sans importance. Les écailles qui en enveloppent le cœur se mettent à se friper et à mourir. Rapidement, une bonne quantité commence à se détacher. Chacun de mes mouvements libère un petit nuage de ces braises incandescentes. Mon adversaire ne voit pas venir le danger, et décide de m’attaquer.

Il s’élance sur moi, mais j’esquive à nouveau. J’ai pris assez de coups comme ça. Lui, par contre, se retrouve au milieu d’un tourbillon de petites flammes, en étant déjà brûlé au flanc. J’intensifie la fréquence de mes battements d’ailes, et le tourbillon se change en vortex surchauffé, arrachant un feulement de douleur à mon adversaire. Il tente de m’attaquer une dernière fois, et enflamme la fourrure de son museau dans la manœuvre. Le soi-disant prédateur si orgueilleux abandonne alors toute dignité et s’enfuit en courant vers ses sbires médusés.

Quelle belle journée. Rien ne vaut un bon combat risqué pour apprécier la vie.