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La recherche d'un rival : À l'aube d'un rêve de Moriarty



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Informations

» Auteur : Moriarty - Voir le profil
» Créé le 06/03/2019 à 03:58
» Dernière mise à jour le 06/03/2019 à 03:58

» Mots-clés :   Action   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Région inventée   Suspense

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Chapitre 59: Échec
Les yeux rouges du diable de Simmeroh croisèrent les yeux déterminés, d'un bleu profond, de celui qu'il avait cru connaître, et qu'il pensait si constant dans son irrévérence qu'il en devenait prévisible. Il avait pourtant pris un tournant bel et un bien inattendu, et regardait à présent celui qui avait été son maître et son compagnon de voyage avec un sérieux et une animosité que Moriarty croyait ne jamais voir sur son visage, même caché par un grand masque blanc. Le fantôme de Kanto... Moriarty savait qu'il avait déjà entendu ce nom, qu'Armand ne venait pas de l'inventer à l'instant, et cela le rendait d'autant plus redoutable, car ce n'était pas l'une de ses nombreuses improvisations absurdes qu'il mettait en place. Mais où l'avait-il déjà entendu ?

« Tu comptes démasquer le chef de la Team Magic en si peu de temps... répéta-t-il ironiquement. Rien que cela.
-Rien que cela. répondit la voix grave d'Armand. Rien que cela et rien de plus. »

Cette voix grave... Elle rappelait enfin à Moriarty quand il avait déjà entendu cette dénomination, et de la bouche même de celui qui à présent l'utilisait. Il se souvint soudain des paysages de Johto, de Doublonville et de son propre combat contre Blanche, suivi d'un combat contre Armand qu'il avait remporté.

« Et, une fois de plus, tu as gagné. avait-il lancé avec ironie. Bien sûr, le public ne s'y attendait pas du tout... Mais, le vrai feu ardent de cette émission, c'est moi ! »

C'est à ce moment-là que, se tournant vers la caméra et en faisant un clin d'oeil, il avait ajouté :

« Ici, je suis un peu comme un fantôme qui tenterait de démasquer quelqu'un... »

Il s'était alors tourné furtivement vers Moriarty afin de lui lancer, l'espace d'une seconde, un regard de défi. Le maître de Simmeroh l'avait alors interprété comme une invitation à se surpasser lors de leur prochain combat, mais désormais, tout faisait sens. L'histoire que lui avait raconté Shazam, d'un roi noir derrière lequel se cachait en fait le roi blanc, et qu'il avait lui-même entendu d'Armand trahissait ses pensées. Tout cela remonta en un éclair en Moriarty, et tout fût soudainement très clair. La haine bouillait en lui avec force, et il lui fallut bien des efforts pour la concentrer en un simple sourire narquois.

« Bien sûr, continua-t-il d'une voix doucereuse, je crois comprendre que tu as déjà ta petite idée, un suspect tout prêt sur lequel enquêter, n'est-ce pas ?
-En effet, même si j'ai horreur d'accuser sans preuves et que j'explorerai toutes les pistes, j'en ai déjà une plus prometteuse que les autres. »

Il avança d'un pas vers Moriaty, et son masque se colla presque à son nez, ses yeux étaient profondément enfoncés dans celui de son suspect qui ne baissa pas le regard.

« Est-ce que cela te pose problème, Moriarty ? »

Il n'avait qu'à appuyer sur une pokéball pour faire ravaler son nouvel orgueil à son ancien compagnon...

« Pas le moins du monde, répliqua-t-il, je ne voudrais pas empêcher notre détective amateur de mener sa petite enquête.
-Je ne suis pas un détective amateur. Je suis le fantôme de Kanto, et je suis le plus grand détective du pays. »

Ils restèrent un instant, silencieux, puis Armand retourna sur ses pas. Il quitta le Château Arrogant, et Moriarty ne le revit plus pendant plusieurs jours. On venait d'ajouter à toutes ses préoccupations une nouvelle, loin d'être inoffensive, et qui allait, il le savait, lui jouer des tours très prochainement. C'était un nouveau clou enfoncé dans la tombe de sa santé mentale, et il ne savait pas combien de temps il pouvait continuer comme ça.

« Magirêve ! »

Le pokémon doré du quatrième membre du conseil des quatre se concentra, et Noctunoir fût soulevé dans les airs, mais, se concentrant dans un effort étonnant, constitua une Balle Ombre de ses mains qu'il envoya contre son adversaire, le faisant relâcher sa pression psychique. Magirêve envoya alors une attaque Feu Follet qui brûla son adversaire, mais celui-ci riposta en utilisant Feinte, inesquivable, qui attaqua le flan de Magirêve...

« Arrêtez. ordonna leur maître. Cela ne sert à rien. »

Il rappela ses pokémon à la mine déconfite. Plus il entraînait ses pokémon, plus il se demandait à quoi cela servait de lutter.

« Comment vaincre un dresseur invincible ? se demandait-il à haute voix. »

Car la nouvelle lubie d'Armand était loin d'être son unique problème immédiat. Un nouveau dresseur était apparu à Simmeroh. Un dresseur invincible, qui possédait toutes les qualités qu'on attend des dresseurs poussées à leur extrême. L'entraînement, la puissance, la stratégie, la volonté, l'arrogance... Moriarty n'aurait pas de chance deux fois, et il le savait. Mais il ne pouvait pas être plus fort qu'il ne l'était déjà. Il avait déjà passé tant de temps habitué à être au sommet. Même en dressant de nouveaux pokémon dans d'autres régions, il avait triomphé de tous ses adversaires. Il allait pourtant bientôt être confronté à l'adversaire ultime. Tout était à déconstruire et à reconstruire, pour lui comme pour ses pokémon. Il ne pourrait pas s'en tirer par un heureux concours de circonstances, cette fois-ci, car il en avait trop eu, toute sa vie. S'il ne remportait pas la prochaine Conférence Arrogante, s'il venait à perdre en finale... Il ne pourrait plus répondre de rien. Peut-être son futur adversaire avait-il réellement compris ce que c'était que d'être un dresseur en consentant à être un symbole, un dresseur dont la seule fonction serait d'arrêter tous ceux qui passeraient sur son chemin et de créer en eux une obsession pour sa personne.
De plus, la côte de popularité de Moriarty, qui était extrêmement basse depuis un certain temps, logeait désormais à des profondeurs abyssales. Il avait tué un enfant, involontairement ou non, et ne parvenait que par épisodes à saisir le dégoût que lui inspirait cet acte. Par ailleurs, il s'absentait extrêmement souvent de Simmeroh pour effectuer ses recherches à Hoenn. Pire encore, en raison de la lubie d'Armand et en attendant l'avènement de Shazam, il devrait rester au Château Arrogant pour éviter qu'un dresseur trop puissant ne parvienne à prendre la place de Brynne.
C'était évidemment le moment que le Sénat avait choisi pour faire passer plus de mesures contre les dresseurs très demandées. La popularité de la ligue à cet instant était trop faible pour espérer s'y opposer frontalement et, avant d'être l'allié des dresseurs, Murray était un politicien. Moriarty ne pouvait rien faire. Il lui semblait qu'il allait éclater de l'intérieur, à la fois de toutes les pressions qu'il subissait en même temps, de l'imprévisible de la situation et de sa propre impuissance. Un instant, il pensa à dormir, mais il savait ce qui l'attendait s'il s'endormait avant de tomber littéralement de sommeil. Il savait quel cauchemar il trouverait, et se résigna à se coucher, creusant de nouveau des cernes bien trop enfoncés autour de ses yeux.

« Qui suis-je ? »

Confronté à toutes ces pressions, Moriarty se reposa la question telle qu'il se l'était posé il y a bien longtemps, confronté à deux occurrences de lui-même. Bane et Moriarty, deux personnes différentes qu'il avait pourtant campé. Aussitôt après s'être posé cette question, il se souvint d'un proverbe que lui avait donné l'une des personnes qu'il adorait le plus, et qu'avait également cité le dresseur invincible.

« Que l'on soit soleil ou lune, murmura-t-il, notre destin reste inchangé. »

Aussitôt après s'être imprégné du sens de cette petite phrase, il alla ouvrir sur son bureau le parchemin gravé d'un œil. Il était la clé de tout. Il serait le savoir qui sauverait Moriarty de la damnation qui l'attendait... Mais, plus la nuit avançait, moins il en comprenait les nuances. Il s'endormit d'un seul coup, et alors, il devenait entièrement la proie de ses démons intérieurs.

« Joli coup. complimenta une voix grave. Mais ça ne suffira pas, j'en ai peur. »

La tour de Moriarty fût aussitôt balayée par le cavalier de son adversaire. Il lutta encore, mais deux tours plus tard, Shazam annonça un premier échec au roi. Quatre tours plus tard, ce fût le mat. La neuvième arène était magnifique, et derrière la vitre semi-transparente, Moriarty venait de perdre une fois de plus contre un esprit fin et réfléchi. Le dresseur invincible.

« Comment avance ton entraînement pour le tournoi ? lui demanda-t-il.
-Je... Je fais du mieux que je peux. »

Shazam, qui remettait alors les pièces en place pour une nouvelle partie, s'arrêta pour regarder avec attention son adversaire.

« Tu ne m'as pas l'air très convaincu. À vrai dire, tu sembles fatigué. »

Il y eût un silence, et Shazam capta le regard de Moriarty.

« Est-ce que tout cela a un rapport avec Armand ?
-Entre autres choses... répondit le quatrième membre du conseil des quatre avec sincérité.
-Je comprends. Il m'a avoué lui-même qu'il te surveillerait à partir de maintenant. Le fantôme de Kanto a sa réputation, j'en ai peur, et tout cela ne te place pas dans la meilleure des situations. »

Il marqua un instant de pause devant celui qui faisait tant d'efforts pour ne pas paraître affecté.

« Je te conseille de prendre l'air, continua-t-il finalement, car tu sais comme moi comme il est bénéfique de sortir des prisons que nous construisons autour de nous-mêmes, afin de mieux s'extraire de nos problèmes. Du reste, je me permets d'ajouter que tu trouveras toujours en moi un partenaire de promenade attitré. »

Il accompagna son conseil d'un sourire en coin, mais Moriarty le remercia froidement et, quoiqu'il l'appliqua en effet, il se refusa à se faire accompagner par celui qui était plus ou moins directement la cause d'une partie importante de ses préoccupations. Il se rendit à Acité et, comme à son habitude, fût pris d'un pincement au cœur en passant devant le Sénat.

« Moriarty ! Quelle surprise ! Tu aurais dû me dire que tu comptais me rendre visite... »

Le cri strident de Julie était reconnaissable entre mille.

« Tu n'as pas l'air très en forme. remarqua-t-elle rapidement. J'ai entendu parler du neuvième champion d'arène, et je brûle d'envie de l'affronter. Bien sûr, avec mon travail de sénatrice, je n'ai plus beaucoup le temps d'entraîner mes pokémon, mais cela me rappellera le bon vieux temps. Le Trio des dresseurs légendaires ! Voilà un joli nom, et un grand honneur d'avoir deux des ces trois mythes à Simmeroh. Autant dire que j'ai hâte de vérifier si ce dresseur est réellement aussi puissant que toi. Mais je parle, je parle, et je n'ai toujours pas préparé mes pokémon. J'imagine que tu as déjà les tiens ?
-De quoi parles-tu ? »

Julie et Moriarty s'arrêtèrent un instant, ne comprenant manifestement pas de quoi l'autre parlait.

« Eh bien... Puisque vous venez tous les deux d'arriver à Acité, je pensais que vous vouliez refaire un combat avec nos pokémon attrapés à Unys.
-Je ne... Est-ce qu'Armand est ici ?
-Bien sûr, il s'entretient en ce moment avec Murray, qu'il voulait expressément voir. Je croyais que vous étiez venu ensemble.
-Non. Nous ne sommes pas venus ensemble. »

Armand devenait de plus en plus imprévisible. Quel intérêt avait-il à parler avec Murray ?

« Julie, je regrette, mais...
-Non, répliqua-t-elle précipitamment, non, ne regrette rien, tu es occupé et je comprends. Avec le neuvième champion d'arène, ta chute de popularité et cette nouvelle proposition de taxe sur le dressage, je comprends que tu aies beaucoup plus à faire que de discuter autour d'un thé avec une vieille amie. Je voterai contre, d'ailleurs. Passe une bonne journée, mais passe aussi me voir de temps en temps, les portes du Sénat te sont toujours ouvertes !
-Mais pour combien de temps ? répondit à voix basse Moriarty en se retirant. »

L'image d'Armand costumé, masqué, s'entretenant avec le président du Sénat lui était désagréable, d'autant plus qu'il savait de quoi il le soupçonnait. Les images, d'un côté, d'un Armand masqué aussi intelligent qu'imprévisible, et d'un autre, d'un dresseur aussi brillant que fort, ne pouvaient quitter la tête de Moriarty lors de sa longue marche, et d'autant moins lorsque s'y ajoutaient celles d'un petit garçon gisant sur le sol, d'une petite fille sur une balançoire, ou de l'oeil d'Hoenn.
Pourtant, son regard fût bientôt attiré vers la prison d'Acité. Si elle avait été refaite pour pallier à toute nouvelle tentative d'évasion, ces dernières se produisaient malgré tout, quoique moins fréquemment. Il reconnût l'uniforme, tout en cuir et en velours, noir et frappé d'une étoile jaune sur la poitrine, d'une jeune femme aux cheveux roses qui s'entretenait non loin de là, dans un lieu sombre, avec d'autres sbires de la Team Magic, échangeant plusieurs documents. La Team Magic préparait manifestement quelque chose, et il ne tenait qu'à Moriarty de le découvrir.

« Fuyez ! s'écria-t-elle en voyant le diable de Simmeroh s'approcher. »

Tous touchèrent le même Kadabra et se téléportèrent aussitôt. Quant à Abraka, elle patienta un instant, et recula doucement devant le sourire narquois de Moriarty. Puis, le Kadabra réapparût à ses côtés.

« Simmeroh nous appartient. lui lança-t-elle avant d'allonger son bras »

Il y eût un gros bruit sourd. En l'espace d'un instant, la situation s'était retournée. Alors que Moriarty n'avait rien fait, Abraka s'était retrouvée figée, ses doigts touchant pourtant presque la peau du Kadabra également figé. Armand apparût alors, avec son costume et son masque blanc, secondé par Martin qui avait dû le suivre jusqu'à Acité. Son Symbios, lévitant au-dessus du sol, se trouvait à ses côtés, et ses pouvoirs psychiques avaient dû lui suffire à empêcher l'un des agents les plus importants de la Team Magic de se téléporter.

« Que fais-tu ici ? demanda sèchement Armand à Moriarty. Tu étais censé rester avec le neuvième champion d'arène. C'est ce que tu as annoncé en quittant le Château Arrogant. Tu nous as donc menti.
-Que veux-tu dire ? répondit Moriarty avec froideur. Je n'ai aucun compte à te rendre. Et c'est une coïncidence si je me trouve ici.
-Curieux, répliqua tout aussi froidement le dresseur du type Feu en s'avançant vers Moriarty, comme les coïncidences fonctionnent avec toi. Curieux comme tu te trouves toujours au mauvais endroit au mauvais moment. »

Mais leur dispute ne pût pas durer très longtemps. Dans un ultime effort, Abraka avait résisté pour avancer ses doigts contre le pokémon qui lui permit de se téléporter. Armand pesta contre la Team Magic, mais cessa rapidement en ramassant un morceau de papier oublié par Abraka sur le sol, sur lequel était dessiné un simple cercle traversé par deux lignes parallèles.

« Mon enquête risque d'être plus courte que prévue. se félicita-t-il en le rangeant dans sa poche. D'ici là, je te conseille de faire attention à tes déplacements. »

Et Armand s'en retourna sur ses pas, laissant Moriarty seul dans ses pensées. Armand le soupçonnait réellement. Pourtant, il s'était réellement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Plus encore, il savait que la Team Magic préparait quelque chose, et peut-être que l'enquête d'Armand n'y était pas étrangère...

« Bien sûr qu'il est allé voir Murray, expliquait plus tard Méthane à Moriarty. Je te rappelle que le président du Sénat a longtemps étudié la Team Magic et ses méthodes, et ce depuis ses débuts, lorsque nous étions encore colocataires.
-Et moi qui ne le croyais bon qu'à restreindre les libertés des dresseurs. ironisa-t-il.
-Murray est notre meilleur allié, et tu le sais très bien.
-Alors il nous faut d'autres alliés.
-Ça ne court pas les rues, ces derniers temps. Mais revenons-en à Armand.
-Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup à dire.
-Comment peux-tu dire ça ? D'un jour à l'autre, le plus inoffensif des membres de la ligue, le moins intéressé par la politique de Simmeroh parmi nous, change de personnalité du tout, et prétend être une sorte de détective qui ne connaît pas l'échec. Plus encore, il prétend pouvoir deviner qui est le chef de la Team Magic ! Que lui est-il arrivé ? »

Moriarty n'avait pas envie de s'étendre sur Armand. D'autant plus qu'il en savait un peu plus que Méthane.

« Je pense, répondit-il alors, que son tempérament d'adolescent incapable de mûrir a toujours été une façade derrière laquelle il cachait ce qu'il pensait vraiment. Il a toujours été le fantôme de Kanto, puisque c'est comme cela qu'il appelle sa véritable personnalité, le véritable Armand. Ce n'est que maintenant qu'il assume pleinement ce qu'il est, mais il a toujours été le fantôme, indirectement, en arrière-plan de la face qu'il nous montrait à tous.
-Tu es devenu un psychologue plus fin que ce que tu étais il y a encore quelques années... Mais même si tu as raison, je ne vois pas ce que le chef de la Team Magic a à faire là-dedans. Sa tentative est vouée à l'échec. Il ne peut pas réellement espérer le démasquer.
-Armand est quelqu'un d'intelligent. Quelle que soit la personnalité qu'il tourne vers nous, il reste quelqu'un de rationnel et d'imprévisible. Il y a encore quelques temps, j'aurais dit qu'il s'agissait du membre le plus intelligent de la ligue.
-Je vois, tu penses désormais à Shazam...
-En effet. »

Méthane regarda son ancien colocataire avec un sourire.

« Et pourtant, tu n'es pas avec lui en ce moment. Je t'avais pourtant expliqué que son amitié pouvait t'apporter plus de choses que toutes les autres.
-Je ne suis pas d'accord.
-Ne crois-tu pas en l'amitié ? »

Les traits de Moriarty se raidirent. Son avis sur la question avait bien souvent changé.

« Bien sûr, j'y crois. Il fût un temps où je pensais que l'amitié n'existait pas, mais une telle réflexion était puérile. L'amitié, l'affection entre certaines personnes compatibles existe. Plus encore, elle est nécessaire à la réussite de nombreux projets, comme la ligue de Simmeroh. Tu as été l'un de mes premiers amis, avec tout le reste de la ligue. C'est parce que j'ai cru en l'amitié que j'ai crée la salle de la fraternité au Château Arrogant. »

En expliquant tout cela, il se souvenait avec amertume que le premier ami qu'il avait pleinement accepté comme tel n'était autre que celui qui désormais le considérait comme un suspect.

« Je crois, continua-t-il, que deux personnes peuvent travailler ensemble, passer du temps l'un avec l'autre, et créer des liens. Je pense que les hommes sont plus forts ensemble que séparés. Mais là s'arrêtent mes considérations. L'amitié n'est jamais qu'une affection venant d'une coopération. Elle n'est rien de plus, et rien de moins. Ses pouvoirs sur l'arrogance sont bien en-deçà de ceux de la haine.
-Et pourtant, tu as rencontré il y a peu un dresseur tout aussi arrogant que toi, et qui pense comme toi. Son amitié ne pourrait-elle pas être l'occasion de vous comprendre mutuellement ? De relâcher un peu ton fardeau ? Tu pourrais alors voir l'amitié non pas comme la conséquence de travaux gigantesques, mais comme leur cause. Vous pourriez développer une véritable compréhension mutuelle.
-Je ne crois pas à ce pouvoir de l'amitié. Je ne crois pas que l'on puisse se compléter avec quelqu'un d'autre que soi-même.
-Alors j'ai peur que nous devrons arrêter là cette discussion. Il faut que je m'entraîne pour ne pas perdre la main. »

Mais Moriarty voyait bien la déception de Méthane sur son visage. Revenant au Château Arrogant, il tomba sur Eyragon et Armand. Ce dernier se félicita d'avoir attrapé cinq sbires de la Team Magic le jour-même.

« Si chacun d'entre eux dénonce son supérieur, et si chacun des supérieurs fait de même, alors la Team Magic tombera en un rien de temps, et son chef avec. »

Et, derrière le masque blanc d'Armand, deux yeux bleus pétillaient d'ambition. Moriarty se rendit dans ses quartiers afin d'entraîner ses pokémon, mais cet entraînement fût bien insipide. La seule originalité était la nouvelle machine du professeur Sapin, dont il avait fait don à Shazam et à lui, et qui permettait de soigner ses pokémon en un temps record. Une fois de plus, il se laissa tomber de sommeil, et une fois de plus il se réveilla encore plus fatigué que la veille.

« Viendras-tu au festival musical d'Espité ? demanda Matt à son ancien maître. Si tout le conseil des quatre y assiste, ce sera un grand honneur pour la ville, et qui nous fera beaucoup de publicité.
-J'imagine que nous n'aurons qu'à laisser Brynne seul dans le Château Arrogant, et nous verrons bien au petit matin qui est le nouveau maître de Simmeroh.
-Brynne devrait également venir, le Château Arrogant peut être fermé à des moments exceptionnels, et il y a de toute façon de moins en moins de dresseurs prêts à relever le défi ces derniers temps, puisque tous attendent avec impatience le neuvième champion. »

Moriarty marqua un temps de silence.

« Allons, Moriarty, je vois en toi comme dans un livre ouvert. Ce n'est pas parce que la musique n'est pas ta tasse de thé qu'il faut priver ce festival de toute publicité.
-Pas ma tasse de thé... répéta machinalement Moriarty qui n'écoutait qu'à demi.
-Je te trouve d'ailleurs très fatigué, ces derniers temps. Un peu de culture ne peut que te faire du bien.
-Quant à moi, je te trouve revigoré.
-Mon frère a repris sa fille pour quelques temps, les affaires reprennent donc, même si mon répit sera court. C'est bientôt à Night d'être père. Si l'on en croit les médecins, ça ne saurait tarder.
-Pourquoi Espité accueille-t-elle un festival musical ? Les arts et la culture ne sont-ils pas habituellement le propre de Poniville ?
-Il n'y a pas qu'un seul festival à Simmeroh, répondit l'énigmatique champion en remettant ses lunettes en place, mais il est vrai que le maire d'Espité et moi-même nous sommes battus pour récupérer ce festival qui se déroule habituellement à Poniville. Cela participera au rayonnement de la ville. Alors, t'ai-je convaincu ?
-Ai-je le choix ? répondit le diable de Simmeroh en esquissant un sourire en coin. »

En lui, la haine bouillait, mais son exutoire était invincible. Il n'avait même pas pris la peine de se défendre pour pouvoir s'entraîner. Il doutait que s'entraîner servirait à quoi que ce soit et, tandis que Matt continuait la conversation, plus pour lui-même que pour son compagnon, Moriarty repassait dans sa tête son premier et court combat contre Shazam.

« Si mon pokémon avait bougé comme cela, imaginait-il, alors, peut-être... Non, il aurait été facile pour lui de... Puisque j'ai fait ce mouvement, il a fait celui-là. Puisque l'un de mes pokémon a fait ceci, son adversaire a fait cela. Tout était implacable, impeccable dans sa manière de dresser. Et puis, ce plaisir arrogant de m'expliquer étape par étape pourquoi je ne parvenais pas à le vaincre tandis que je me donnais corps et âme dans l'affrontement. »

Quelques jours plus tard, Moriarty se trouva donc entraîné, contre son gré, dans le festival d'Espité, qui commençait au crépuscule. Après avoir fait, comme les autres champions, un bref discours sur les vertus de la musique qui, contrairement aux leurs, n'avait récolté que les huées du public, il s'était changé et légèrement grimé pour pouvoir se fondre dans la foule. Tout autour de lui, des amateurs de musique, dresseurs ou non, venant des quatre coins de Simmeroh, tandis que les chanteurs, les musiciens, les groupes de musique se succédaient pour transporter leur public devant le manque complet d'intérêt de Moriarty.
La musique devenait de plus en plus bruyante, et la nuit de plus en plus noire. L'air se faisait de plus en plus lourd, si bien que tous les sens de Moriarty étaient réduits. Plus le temps passait, plus il y avait de monde, et les gens autour de lui dansaient. Il n'y avait plus personne autour de Moriarty qu'il connaissait, et il était bien incapable d'appeler quelqu'un à cause du bruit et de ses mouvements restreints. Ballotés en tout sens par des danseurs de plus en plus déchaînés, il manqua de se cogner plusieurs fois. Très vite, sous l'effet de son immense fatigue, autant physique que psychologique, Moriarty se sentit comme étouffé. Au milieu de ce nuage de bruits, d'odeurs, de visions mélangés, il ne parvenait même plus à crier. Il sentait qu'il perdait pied. Complètement étourdi, il tenta tant bien que mal de retrouver ses pokéball, accrochées à sa ceinture, mais il n'y parvint pas. Il se sentait de plus en plus étouffé, assassinée, compressé, comprimé.
Il tomba par terre dans l'indifférence totale des danseurs alentours, trop transis par la musique pour daigner lui accorder de l'importance. Il resta donc longtemps, contre le sol, à tenter de rattraper son souffle, de respirer, courant à jamais vers une respiration qui ne se ferait jamais complètement et qui devenait de plus en plus rare. Soudain, du néant et du noir de la nuit surgit une main tendue vers Moriarty, ferme et grande. Une main comme l'avait été auparavant celle d'Émilie lorsqu'enfant, Bane faisait les frais de la colère des autres orphelins autour de lui. Sans réfléchir, il l'attrapa. Avec une force et une fermeté incroyable, la main tira d'un trait Moriarty qui se retrouva sur ses deux pieds sans avoir eu à fournir un seul effort. Encore étourdi par le sang qui devait retrouver sa circulation entre la position debout et allongée, Moriarty eût un petit instant qui parût une éternité, durant lequel sa vision se brouillait. Il ne pût pas voir immédiatement son sauveur, mais déjà ses deux mains s'étaient posées sur ses épaules, pour l'empêcher de tomber, mais aussi comme une empreinte presque maternelle, rassurante. Avec ces deux mains le retenant, Moriarty retrouva immédiatement sa respiration, il savait qu'il était en sécurité.
Puis, enfin, il vit son protecteur, son bienfaiteur, comme il lui apparaissait. Il était brillant au milieu de la nuit, plus grand et épais que lui, chevaleresque et imposant. Ses yeux le regardaient avec inquiétude, mais se voulaient également rassurants. C'était Shazam.

« Tu as fait une belle peur à tout le monde. expliqua-t-il de sa voix grave qui se construisait presque comme l'opposé extrême de celle de Moriarty. Nous ne te trouvions plus au milieu de tout ce monde, et, puisque je ne suscite pas de mouvements de foule, contrairement aux autres membres de la ligue, je suis venu à ta recherche. Voilà un poffin sucré, mange-le en prenant ton temps et tu iras mieux. Ensuite, nous nous rapprocherons de la scène, où il y a moins de monde qu'ici. »

Moriarty acquiesçait chaque parole de Shazam, mais ses pensées étaient ailleurs. Plus précisément, elle étaient vers les paroles de Méthane. Si tous les beaux raisonnement du champion de type Acier n'avaient eu aucun effet sur le dresseur misanthrope, peut-être suffisait-il d'une simple main apparaissant au milieu du néant pour commencer à changer son regard des choses.
Arrivé près de la scène, Moriarty rejoint les loges réservées au membres de la ligue, et pris la seule place restante, à côté d'Armand, tandis que Shazam, n'étant pas officiellement membre de la ligue, se plaçait en retrait, non sans avoir adressé un regard bienveillant à Moriarty. Armand, ce soir-là, ne s'était pas vêtu de son masque blanc ni de son costume. Il était de nouveau tel que Moriarty l'avait toujours connu, avec ses cheveux roux en bataille et son blouson en cuir vieilli et déchiré. Pourtant, de peur que tout cela lui reprenne, Moriarty se refusa à lui parler.
On applaudit le groupe qui venait de terminer sa chanson, et on en fit venir un autre sur scène. D'après les animateurs, c'était un petit groupe amateur, composé d'une chanteuse, d'un guitariste et d'un batteur. Ces membres étaient entièrement vêtus de noir, portaient des lunettes de soleil en pleine nuit, et leur musique n'était ni bonne ni mauvaise. Pourtant, Armand, pris d'une certaine frénésie, tapait le rythme de son pied. Bientôt, il se leva et dansa sur son siège. Étant dans les premiers rangs, il s'attira les applaudissements de la foule qui étaient habitués au caractère jeune et rebelle du premier membre du conseil des quatre. Tandis que Moriarty se félicitait intérieurement du retour de son ami, les animateurs invitèrent un Armand survolté à rejoindre la scène. Aussitôt, il prit la guitare du guitariste et joua quelques accords.

« Il est bon de voir que notre Armand est de retour. confia Moriarty à Martin, même s'il ne pensait pas qu'un jour ces mots sortiraient de sa bouche. »

Pourtant, peu après, Moriarty constata que le batteur comme la chanteuse portaient, dessiné sur leurs mains, un cercle rouge traversé par deux lignes parallèles. Au moment-même où Moriarty pensait à l'endroit où il avait déjà vu pareil dessin, Armand avait jeté sa guitare à terre, s'était retourné et avait d'un coup sec dans l'abdomen fait tomber la chanteuse. Ses lunettes tombèrent, et Moriarty reconnût Abraka.

« Comment oses-tu lever la main sur elle ? s'écria le batteur. »

Dabra ôta alors aussitôt son propre déguisement et se précipita sur Armand, mais celui s'était relevé dans toute sa droiture. Il n'avait jamais cessé d'être le fantôme. Appuyant sur sa pokéball, il libéra son Simiabraz en furie qui attrapa Dabra et l'empêcha de résister. En un tour de main, Armand avait maîtrisé les deux généraux de la Team Magic, l'un retenu par un pokémon plus fort que lui, l'autre gisant à terre, essayant de reprendre son souffle. Il se tourna alors vers le premier rang.

« Eyragon ! Martin ! Allez arrêter les sbires de la Team Magic qui se cachent dans la foule. Ils portent tous le même symbole sur la main droite ! »

Les deux membres du conseil des quatre se levèrent, tandis que tout autour de la foule, des Kadabra apparaissaient pour disparaître aussitôt. Toute la foule était prise de panique, et, rapidement aidés par les forces de l'ordre, Eyragon et Martin attrapaient des sympathisants de la Team Magic par dizaine. Au milieu de ce festival musical qui s'était rapidement transformé en un champ de bataille, Armand gardait un calme parfait, les deux membres les plus importants de la Team Magic allongés sur le sol, vaincus, et il plongea son regard féroce dans celui de Moriarty, comme s'il le provoquait, lui demander d'oser voler à leur secours. Mais, impressionné, fatigué, surpris, confus, le diable de Simmeroh ne bougea pas, et bientôt plus d'une centaine de sbires de la Team Magic, comme les deux généraux furent arrêtés et transférés à la police d'Acité, alors qu'Armand donnait à Eyragon chargé de les escorter des ordres clairs :

« Je veux que tous soient mis dans des cellules séparées, et en particulier ces deux-là. Qu'ils leur soient impossible de communiquer et de s'évader. Puisque la prison d'Acité a récemment amélioré son système de détention, il est temps de mettre les nouvelles cellules à l'épreuve. Je veux qu'ils ne soient autorisés à quitter les leur sous aucun prétexte, et que personne, même parmi le personnel, ne leur adresse la parole. Je dresserai rapidement une liste d'agents triés sur le volet que j'autorise à entrer en contact avec eux, suis-je clair ?
-Tout à fait. répondit un Eyragon encore sous le choc de l'opération d'Armand. »

Alors que Moriarty s'apprêtait à partir, d'un geste de main impérieux, Armand l'arrêta :

« J'ai peur que tu ne sois pas autorisé à quitter ces lieux Moriarty. Peu de dresseurs peuvent faire échouer ce convoi, mais toi, tu en as le pouvoir.
-Depuis quand ai-je besoin de ton autorisation pour aller où je le désire ? »

Armand dégaina une pokéball de sa poche.

« Si tu veux régler ça de cette manière, je ne m'y oppose pas. répliqua-t-il avec animosité. Mais si tu n'as rien à cacher, il est préférable que tu restes à mes côtés. »

Aux côtés d'Armand et Moriarty, Matt se lamentait de l'échec du festival.

« Et dire que je n'ai pas pu prendre mes pokémon avec moi. répétait-il. Si j'avais su ce qui nous attendait ce soir, j'aurais amené tout mon équipe.
-Shazam n'avait pas apporté de pokémon non plus, répondit Armand, et pourtant il nous aurait été plus utile que toi. Vous avez tous été surpris que la Team Magic puisse se cacher partout, et je ne vous en veux pas. »

La nuit s'était peu à peu dissipée, et l'aube commençait à illuminer le ciel. Alors que les trois membres de la ligue marchaient en ligne droite, ils croisèrent un vieil homme, aveugle, et qui marchait en tâtant le sol de sa canne pour se prévenir des obstacles. Alors que, par réflexe, Moriarty et Matt se placèrent sur le côté, Armand resta devant lui. Quand la canne de l'aveugle lui toucha ses bottes, le visage d'Armand durcit.

« Je vous connais. déclara-t-il simplement. »

L'homme resta muet quelques temps, puis répondit :

« Pour des raisons évidentes, je ne sais pas si je peux en dire autant.
-Je suis le fantôme de Kanto, le plus grand des détective de ce pays. Quant à vous, je vous ai souvent aperçu, que ce soit à la fin d'une opération ratée ou dans des journaux. Oui, derrière votre grande discrétion, vous êtes partout, derrière chaque opération de la Team Magic. Vous apparaissez sur les lieux du crime à chaque fois, n'est-ce pas ? »

L'homme montra à Armand un visage d'incompréhension.

« Montrez-moi simplement votre main droite. ajouta alors Armand. Si je sais ce que je sais sur l'opération de ce soir et le moyen que les membres de la Team Magic y ont utilisé pour se repérer entre eux, nous serons fixés. »

L'homme eût un sourire, et recula. Aussitôt, un Kadabra apparût à ses côtés.

« Bien joué, fantôme. Contrairement à Abraka et Dabra, je n'ai pas encore eu l'honneur de vous rencontrer. Oui, je suis dans la Team Magic depuis ses début, mais mon rôle n'est pas celui des généraux, il est celui de l'ombre. Je m'appelle Prias, et je passe avant comme après le chef de la Team Magic. S'ils sont ses mains, je suis sa voix, ou peut-être ses oreilles. »

Moriarty tenta d'attraper une pokéball dans sa ceinture, mais la main d'Armand attrapa fermement son bras, l'en empêchant.

« Notre chef, continua Prias, est extrêmement impressionné par votre petite opération de ce soir. En effet, vous avez fait preuve d'un sens de la déduction remarquable et d'un sang-froid à toute épreuve. Vous êtes très doué, et je pense qu'il a hâte de se mesurer à vous. En attendant... »

Prias disparût dans la lumière naissante du jour, tandis qu'Armand marmonnait quelques phrases à mi-voix :

« Le messager aveugle... Voilà ce qu'il manquait à Murray dans l'affaire de la grande téléportation. Voilà comment... »

Puis, il se tourna vers ses deux compagnons :

« Matt, je veux que tu escortes cet homme jusqu'au Château Arrogant, d'où tu me communiqueras ton heure d'arrivée. En attendant, il faut que j'aille au plus vite à Acité. »

Et, alors qu'Armand disparaissait, Matt fit le chemin jusqu'au Château Arrogant avec son ancien maître, avant de disparaître lui aussi, laissant derrière lui un Moriarty exténué. Que devait-il penser de tout cela ? Abraka et Dabra venaient d'être arrêtés, Armand avait démasqué d'un regard un agent parmi les plus gradés de la Team Magic. Armand avait bel et bien un plan réfléchi, et comptait effectivement démasquer le chef de la Team Magic. Mais, si ses plans étaient si bien pensées, si ses déductions étaient si judicieuses, comment pouvait-il raisonnablement soupçonner le plus grand ennemi de la Team Magic ?

« Échec. »

Le Jungko de Moriarty s'était effondré à terre en plein milieu de l'entraînement de remise à niveau que lui avait prodigué son dresseur.

« Voilà à quoi se résume mon dressage ces derniers temps. continua Moriarty. Un échec. »

Fort heureusement, le chef de la Team Magic était également mis en échec. Du moins, il l'était pour le moment, et tant qu'Armand continuerait à traquer chaque membre de son organisation. Mais, de ce qu'avait expliqué Prias, il accueillait avec dédain le revers de personnalité d'Armand, comme s'il n'en avait aucunement peur, comme s'il maîtrisait la situation. Cela avait-il à voir avec le plan d'ensemble de la Team Magic, celui qui se mettait déjà en place avant qu'Armand ne troque son sourire enfantin pour un regard glacé ?
Quelques jours passèrent. Moriarty était pris dans un tourbillon de fumée, et toussa, cracha dans une tentative désespérée d'avoir un peu d'air frais.

« Excuse-moi, demanda une voix énigmatique, j'oublie toujours mes mauvaises habitudes. »

Et Vincent éteignit son cigare. Moriarty était venu chercher conseil auprès de lui dans l'arène de Dequiville.

« Qu'est-ce qui a bien pu arriver à Armand ? demanda-t-il. Il n'y a guère besoin d'énigmes lorsque celle-là occupe toutes nos pensées.
-Au contraire, répondit simplement Moriarty, il y en a une. Qui est le chef de la Team Magic ?
-Si j'en crois notre détective, il se trouve juste en face de moi. »

Moriarty ne répondit pas, et Vincent continua seul la conversation.

« En tout cas, il se débrouille bien, pour un début. Matt a beau se plaindre que le festival d'Espité n'a pas eu le succès escompté, c'est un très beau coup de filet de sa part. Avec Abraka et Dabra sous les verrous, les rues de Simmeroh sont plus sûres.
-Il faut au moins lui reconnaître cela.
-Qu'en est-il de ton entraînement pour la prochaine Conférence Arrogante ? J'ai entendu que Shazam comptait y participer... »

Une fois de plus, Moriarty ne répondit pas et, une fois de plus, Vincent comprit son silence.

« Deux des trois dresseurs légendaires du pays vont se rencontrer... Il est vrai que son style est assez éloigné du tien. C'est assurément un dresseur plus abouti, plus réfléchi, plus stratège, et peut-être plus fort. Mais tu as su te tirer de bien des situations, et le combat n'en sera que plus beau.
-Ces derniers temps, je ne donne pas à mon entraînement toute l'attention qu'il mérite.
-Bien sûr, je comprends. Ce cher fantôme occupe tes pensées. »

Il y eût un nouveau silence. Moriarty n'avait pas envie de parler de Shazam, ni d'Armand. Il ne voulait pas parler de beaucoup de choses.

« Le fantôme de Kanto... reprit le champion. Voilà un nom rempli de nostalgie.
-Que veux-tu dire ?
-Est-ce que cela t'étonne ? répliqua Vincent, surpris. Tu sais pourtant que je suis nostalgique de la belle époque de Kanto, plus que tout autre. Je ne connais pas beaucoup d'autres dresseurs qui gardent encore sous verre leurs jetons du casino de Céladopole...
-Quel est le rapport entre le fantôme de Kanto et cette époque ? coupa Moriarty. »

Vincent eût un regard surpris.

« Je croyais qu'Armand avait inventé ce surnom plus ou moins récemment pour se décrire. expliqua Moriarty.
-Ne me dis pas que tu n'as jamais entendu parler du fantôme de Kanto. »

Un hochement de tête négatif fit prendre à Vincent une grande respiration, et ses yeux se remplirent de nostalgie.

« Lorsque la Team Rocket était encore à son apogée, on parlait dans plusieurs régions du pays d'un détective capable de résoudre n'importe quelle enquête, et qui venait en aide aux grands de ce monde. Il engageait son honneur sur chaque enquête puisqu'il avait pour ambition de réussir ou mourir. Et, effectivement, il a résolu quelques-uns des plus grandes affaires de cette époque.
-Qui était-ce ?
-Personne ne l'a jamais su. Il se faisait simplement appeler le fantôme de Kanto, et peu de personnes savaient comment le contacter. Certains pensaient même qu'il n'existait pas vraiment.
-Et qu'est-il devenu ?
-Personne ne le sait non plus. Un jour, il s'est simplement arrêté de résoudre des enquêtes. Certains pensaient qu'il était tombé sur une affaire qu'il était incapable de résoudre. D'autres, qu'il a simplement pris sa retraire. Mais il a laissé derrière lui un détective tout aussi efficace qu'il avait formé lui-même.
-Qui était-ce ? »

Vincent fronça les sourcils.

« Mais tu le connais, Moriarty. Tu l'a engagé pour essayer de coincer le chef de la Team Magic. Le groupe de la déduction a été crée par l'élève du fantôme de Kanto ! »

Brusquement, une flopée de souvenirs traversa la tête de Moriarty. Il se souvint du groupe de la déduction, de la zone de combat, de sa tentative vaine de démasquer le chef de la Team Magic. Mais, plus encore, il se souvenait de la première fois qu'il avait entendu ce nom.

« Vous êtes le dirigeant de ce même groupe de la déduction, avait annoncé Armand à l'époque d'une voix trop grave, et accessoirement l'élève d'un des plus grands détectives de Kanto que l'on appelait le fantôme de Kanto. À sa mort, vous vous êtes lamenté quelques temps, jusqu'à retrouver en vous une force suffisante et engager ces trois personnes, surdoués intellectuellement, dont je ne connais, en revanche, pas le nom. »

Tout se remettait en place pour Moriarty.

« Ce sont ses élèves... murmura Moriarty. C'est pour cela qu'il les a reconnu.
-Reconnu, répéta Vincent, tu y vas un peu fort.
-Que veux-tu dire ?
-Armand avait peut-être déjà entendu parler du groupe de la déduction, mais ce n'est pas le fantôme de Kanto.
-Je ne te comprends pas.
-Moriarty, Armand n'est qu'un adolescent à peine rentré dans le monde adulte ! S'il était vraiment le fantôme de Kanto, étant donné l'époque où ce dernier a commencé à résoudre des affaires, il aurait plus de cinquante ans.
-Tu veux dire que... Penses-tu qu'Armand est un imposteur ? »

Vincent eût un sourire.

« Je ne le verrais pas comme un imposteur. répondit-il. Je pense plutôt à un admirateur du fantôme de Kanto, Armand a probablement grandi en écoutant ses exploits, et s'inspire de cette figure pour se donner du courage.
-Alors... Comment connaissait-il le nom du chef du groupe de la déduction ?
-Je... Je l'ignore. Il est vrai que c'est étrange... »

Entre les balbutiements de Vincent, Moriarty venait de se confronter à une vérité. Armand n'était pas celui qu'il prétendait être. Il y avait bien quelque chose à propos de toute son histoire qui n'était pas normal. Alors qu'il s'apprêtait à prendre congé de Vincent, et juste avant de quitter l'arène de Dequiville, Moriarty se rétracta. Une idée venait de lui parcourir la tête.

« Une dernière chose, Vincent. Le fantôme de Kanto était-il connu pour être un dresseur ? »

Vincent lui lança un de ses nombreux sourires énigmatiques.

« En effet. On raconte que le fantôme de Kanto possédait l'un des plus puissants Alakazam de tous les temps. »