Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

La recherche d'un rival : À l'aube d'un rêve de Moriarty



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Moriarty - Voir le profil
» Créé le 06/03/2019 à 03:57
» Dernière mise à jour le 06/03/2019 à 03:57

» Mots-clés :   Action   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Région inventée   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 58: Ballon jaune
Les jours passèrent, et Moriarty y passa le plus clair de son temps à dicter à Brynne ce qu'il devait faire, à étudier de vieux manuscrits provenant d'Hoenn, ou à entraîner ses propres pokémon. Un jour, las, il décida de rendre de nouveau visite à Shazam. Il ne fût pas surpris de le trouver dans son arène encore vide, derrière un vaste miroir semi-réfléchissant, un curieux jeu aux petites pièces de marbre posé sur une table.

« Quelle agréable surprise ! s'exclama le champion. J'ose espérer que tu n'es pas venu dans l'espoir de disputer une revanche que nous savons tous les deux que tu ne pourras pas gagner.
-Je serai prêt à temps pour la prochaine Conférence Arrogante. Qu'est-ce que c'est ? »

Moriarty avait pointé du doigt le jeu sur la table. Il n'avait jamais été très joueur, et n'avait jamais eu le temps de le devenir. Un sourire en coin traversa le visage de Shazam.

« C'est un jeu d'échecs, Moriarty. J'ai découvert ce divertissement et son univers à l'adolescence, et je dois t'avouer, tout modestie mise à part, que tu ne seras pas plus capable de m'y infliger une défaite qu'à l'issue d'un duel de pokémon.
-J'en ai entendu parler. répondit le diable de Simmeroh. Mais je ne m'y suis jamais intéressé.
-Voilà qui est dommage, car les échecs sont une discipline aussi plaisante qu'utile pour le dresseur. Pour devenir bon, il faut de l'intelligence, de la persévérance, de la stratégie, et beaucoup d'entraînement, à l'image d'un combat pokémon, mais aussi de tous les aspects de l'existence. Pour y exceller, il faut vider son esprit de toute stimulation extérieure, pour ne garder qu'une seule émotion, qu'un seul but, et mettre tous les moyens de son côté pour l'atteindre. À bien des égards, les échecs sont l'arrogance. »

Moriarty avait écouté le discours passionné de Shazam avec beaucoup d'intérêt. Si le secret du plus puissant dresseur de Simmeroh, qui était peut-être, comme Moriarty commençait doucement à l'envisager, plus puissant que lui, résidait seulement dans un jeu aussi simple, il avait tout intérêt à s'en imprégner. Se rapprochant alors de l’échiquier, il écouta Shazam résumer calmement l'essentiel des règles du jeu :

« Sur l'échiquier s'affrontent deux camps de puissance égale, les noirs et les blancs, ayant exactement les mêmes pièces ordonnés de la même façon à disposition. Ainsi, la partie est parfaitement équilibrée et nul n'est favorisé. Voici donc les forces de chaque camp. Ces petites pièces, placés au premier rangs, sont des pions. Ils ne sont guère puissants, ne pouvant avancer que d'une case à la fois, mais leur positionnement et leurs nombres en font des alliés à ne pas sous-estimer pour qui veut l'emporter. À l'arrière, sur les extrémités, se trouvent deux tours. Ces pièces peuvent se déplacer à l'horizontale comme à la verticale, tant qu'elle ne rencontrent pas d'autre pièces sur leur chemin. En se rapprochant du centre, tu remarqueras les cavaliers, qui se meuvent d'une case à l'horizontale puis de deux cases à la verticale, ou le contraire, en pouvant sauter par dessus les autres pièces. Plus au centre encore, les fous, qui se déplacent en diagonale tant qu'ils ne rencontrent pas d'autre pièce.
-Les deux pièces les plus au centre ne sont pas identiques. Leur rôle doit être plus subtil, n'est-ce pas ?
-En effet, les deux pièces richement décorées que tu m'indiques sont le roi et la reine, et constituent sûrement les plus importantes de toutes. Commençons par la reine, car c'est la pièce maîtresse, la plus puissante. Elle se déplace dans tous les sens, d'autant de cases qu'elle le désire. Souvent décisive, elle est l'atout le plus puissant des deux joueurs. Quant au roi, il constitue le cœur du jeu. Il se déplace dans tous les sens, comme la reine, mais d'une seule case à la fois. Tu te demandes peut-être la manière dont le gagnant de la partie est déterminée... La victoire est entièrement liée au roi. Sache que lorsque le roi est menacée par une autre pièce, il est en situation d'échec, et doit donc se déplacer pour ne pas être pris. Dans le cas où un joueur parvient à mettre le roi en situation d'échec et qu'où que le roi se déplace, il est menacé, alors il y a échec et mat, et la partie s'achève, quelque soit l'état des troupes des deux joueurs.
-Alors tout dépend du roi. Pourtant, ce n'est pas la pièce la plus puissante.
-En effet, le roi n'est pas la plus puissante des pièces, mais la reine doit se sacrifier pour lui, comme toutes les autres pièces. S'il n'est pas le plus puissant, il est le plus important.
-Voilà qui me rappelle quelque chose... »

Moriarty eût un sourire en coin, que Shazam remarqua avant de lui adresser un reproche :

« Brynne est quelqu'un de très gentil Moriarty. Il donnerait sa vie pour Simmeroh, et est convaincu d'agir pour le bien de la région. Si toi et tes confrères lui témoigniez plus de respect et de considération, vous vous rendriez compte que le maître de Simmeroh est un homme intelligent et avec beaucoup plus de potentiel, indigne de la position de marionnette politique à laquelle vous le cantonnez.
-Shazam, est-ce vraiment ce que tu penses ? Je te connais depuis peu, mais je te considère déjà comme l'un des dresseurs les plus intelligents de la ligue.
-On ne devient pas intelligent en étant laissé pour compte, ou bercé d'illusions. Un jour, peut-être, un autre que toi sauras lui donner la chance, qu'il mérite, de briller. Et si nul ne la lui donne, il la prendra de lui-même. Tu auras alors perdu du même coup une chance de faire du bien autour de toi, et un ami. »

Il y eût un long silence, puis Moriarty prit dans la main un pion noir, qu'il avança d'une case vers l'avant.

« À ton tour, Shazam.
-La tradition veut que les blancs commencent la partie. répondit Shazam en remettant la pièce à sa place. Du reste, pour leur premier coup, les pions peuvent avancer de deux cases. »

Moriarty eût à peine le temps de comprendre le jeu que Shazam l'avait placé en situation d'échec et mat.

« Ne sois pas si impressionné, le consola le dresseur, tu n'avais aucune chance et je t'avais prévenu. Je joue aux échecs depuis plus de trente ans, et je suis en la matière un expert, presque autant si ce n'est plus que je le suis dans le domaine du dressage.
-Ne pense pas que je laisserai cet échec sans revanche. Déjà, je perçois comme ce jeu est plus qu'un divertissement. »

Les deux dresseurs s'en allèrent vers Karajo, où Moriarty présentait à Shazam les vastes projets d'aménagement que lui et Martial avaient tous deux mis en place depuis la prise de pouvoir de la ligue.

« Le terrain extrêmement abrupt laissait peu de possibilités pour construire de grands immeubles. Nous nous sommes donc concentrés sur une reconstruction adaptée à cette contrainte. Les meilleurs ingénieurs et les meilleurs pokémon ont travaillé pour faire de cette faiblesse une force, et les maisons construites en pierre, à même le sol, font la renommée de la ville, dans toute la région, peut-être davantage que le champion lui-même.
-Moriarty, si tu as vraiment supervisé la moitié de ce que tu me racontes, alors tu es vraiment un excellent administrateur.
-J'imagine que je devrais ressentir de la flatterie.
-Libre à toi de ressentir ce qui te plaît, ou, puisque je commence à te connaître un petit peu, de conclure ce qui te déplairait le plus. Sache seulement que je suis sincère. »

Ils se levèrent, et marchèrent jusqu'à Espité, le centre de la région et la plus grande de toutes les villes.

« Je pensais réellement ce que j'ai dit sur tes capacités d'administration. De plus, tous les membres de la ligue, moi compris, s'accordent à dire que tu es un dresseur d'une puissance incroyable. Je comprends que Brynne, en tant que maître, est le symbole du changement de Simmeroh de la république à la ligue, mais n'as-tu jamais voulu être maître par toi-même ?
-Je l'ai déjà été. »

Les mots étaient sorti machinalement de la bouche de Moriarty, tout imprégnés de sa voix aigüe.

« Je suis désolé... Que s'est-il passé ? »

Et Moriarty lui raconta comment il s'était fait trahir alors qu'il avait lui-même contribué plus que tout autre à la création de la ligue, tandis que Shazam écoutait avec intérêt son histoire.

« Cela vaut peut-être mieux. Cette aventure m'a amené à la source de l'arrogance, la haine. Je dresse beaucoup mieux depuis toute cette histoire. De plus, ma côte de popularité est si basse que je ne durerais pas très longtemps en tant que maître.
-Oui, il me semble avoir entendu les frères siamois de Poniville m'en parler... Comment expliques-tu cela, alors que tu es le grand réformateur de Simmeroh ?
-Nous nous connaissons depuis peu, mais j'apprécie sincèrement le temps que je passe en ta compagnie, Shazam. »

Il regardait l'horizon.

« Mais je ne suis pas celui que tu crois. Non, je suis un instrument de la haine, et je ne tiens pas le bonheur des autres plus haut que leur accomplissement. Je suis devenu un bouc émissaire, le symbole de tout ce que Simmeroh est, et j'ai épousé cette image que m'ont collé les habitants de la région. J'ai tué un enfant, Shazam. »

C'était la première fois que Moriarty en parlait aussi clairement et simplement. Sa propre absurdité, sa propre sauvagerie, quoiqu'elle n'ait pas vraiment été la sienne, lui sauta soudain aux yeux. Il eût un instant d'absence, refusant, après une telle révélation de regarder Shazam dans les yeux. Ce dernier posa sa main sur son épaule.

« Je ne suis pas habileté à te juger Moriarty, pas plus qu'aucun autre. Ce n'est pas le rôle des amis. Mais je sais que tu n'es pas un tueur. Je pense te connaître suffisamment pour savoir que tu ne tuerais pas quelqu'un que tu ne crois pas sincèrement coupable de quelque mal de ton plein gré. Est-ce que je me trompe ? »

Leur regards se croisèrent.

« Non.
-Je le savais. »

Ils continuèrent d'arpenter les rues d'Espité, Moriarty contant des histoires sur la ville jusqu'à ce qu'ils soient importunés par un petit enfant vêtu de guenilles et manifestement très sale.

« Ces messieurs désireront sûrement acheter un ballon pour leurs enfants ! Cinq pokédollars seulement suffiront. »

L'enfant tenait dans sa main droite une vingtaine de ballons colorés qui se tenaient droits, dans leur vaine tentative d'atteindre le ciel bloquée par le poing du garçon fermement serré contre eux.

« Nous n'avons pas d'enfants. répondit Moriarty. J'ai peur que tu ne doives agacer d'autres personnes pour écouler ta marchandises. »

Le sourire sur le visage de l'enfant se transforma en une moue de déception, et il s'apprêtait à retourner sur ses pas lorsque Shazam le rappela, lui plaça de l'argent dans sa main, avant de revenir avec un ballon jaune vif.

« La pauvreté est importante dans cette ville, expliqua-t-il, cela transpire par toutes les ruelles. Ce pauvre enfant n'est rien d'autre qu'un gamin des rues essayant de gagner un peu d'argent pour survivre. Moi aussi, j'ai été un gamin des rues, comme lui, et peut-être encore plus pitoyable, avant d'en arriver là. Il mérite de tenter de s'en sortir.
-Alors, garderons-nous ce ballon incroyablement visible pendant tout le reste de notre escapade ?
-Je l'ai payé, Moriarty. Il me paraît naturel que je le garde, et ce pendant tout le reste de notre sortie. »

Les deux dresseurs continuèrent alors de marcher, un grand amas gonflé de jaune relié à eux par un mince fil flottant au-dessus d'eux. Ils rendirent visite à Matt, qui, au fond de son arène qui n'était pas très fréquentée en ce jour, tenait entre ses bras un petit nourrisson, manifestement mal à l'aise.

« Mon frère viendra lui rendre visite demain, et sa nourrice arrivera dès ce soir la récupérer. répétait-il. Je n'ai pas à m'en occuper très longtemps... »

Manifestement, la petite fille n'était pas très à l'aise entre les mains de son oncle, car elle pleurait beaucoup.

« J'ai peur de ne pas être très en forme pour la prochaine Conférence Arrogante... conclut Matt. Je ne dors plus beaucoup et n'ai plus le temps de m'entraîner, je ne me dresserai donc sur le chemin d'aucun des deux Invincibles du pays, et je ne peux même pas m'entraîner pour ma revanche aux échecs contre toi...
-Tu auras au moins une excuse pour perdre, dans ce cas.
-Tu sais faire de l'esprit en toutes situations... Veux-tu tenir Romane quelques temps ? »

Shazam recula d'un pas.

« Je ne suis pas très doué avec les enfants... avoua-t-il. Je ne préfère pas. »

Matt regarda avec espoir Moriarty qui lui répondit par un regard glacial, et Matt garda sa nièce entre les manches de son vieux chandail, salies par la salive.

« Amina devrait bientôt accoucher... Night se moque de mon manque de préparation, mais bientôt lui aussi sera dans ce cas.
-Nous avons à faire, Matt. Mais nous sommes ravis de t'avoir vu.
-Bien sûr, ayez à faire... Profitez bien de votre journée. »

À voir l'un des plus brillants dresseurs de la région s'affaiblir et négliger son entraînement pour prendre soin d'une petit fille si inefficace au combat, Moriarty eût une pensée émue pour son ami qui, du point de vue froid de celui qui ne raisonnait qu'à travers la haine et l'arrogance, perdait son temps. Puis, le voyage des deux dresseurs les amenèrent jusqu'à Acité, où ils passèrent devant le Sénat.

« Voilà bien ma plus grande défaite. expliqua avec regret le diable de Simmeroh.
-Que veux-tu dire ?
-Je n'aurais jamais dû laisser faire ça. Partager le pouvoir à Simmeroh avec des hommes qui ne savent rien faire de plus que de parler, encore et encore, se berçant doucement dans le flot de leurs propres paroles. Et ces paroles sont remplies de ressenti envers les dresseurs, remplies d'un ardent désir de retour à ce que tous, nous avons voulu changer.
-J'avais cru comprendre que le peuple était majoritairement en faveur de cette création.
-Le peuple... J'ai appris beaucoup à son propos depuis la création de cette ligue. Il ne croit malheureusement que ce qu'on lui demande de croire. Et en choisissant le Sénat, il a décidé de s'enterrer.
-Le Sénat a-t-il posé beaucoup de problèmes à la ligue ?
-Pas encore, bien entendu. Je connais les politiciens, j'ai moi-même renoncé à en être un en préférant le dressage à la démagogie, la franchise à l'adulation, et la réussite du peuple à l'illusion du choix. Je sais comment le Sénat procèdera. Jour après jour, année après année, il tentera de gagner de plus en plus de pouvoir et de plus en plus d'adhésion, jusqu'à se confronter à la ligue elle-même, jusqu'à la renverser complètement pour en revenir à un système similaire à celui de la république. Là où il y aura des rumeurs, des manquements de la part de la ligue, le Sénat sera là, et il saura quoi faire. Chaque fois que le jour succèdera à la nuit, le soleil à la lune, il gagnera, goutte par goutte, le puissant élixir lui permettant de reprendre un pouvoir qu'il estime acquis à ceux qui n'ont d'autre mérite que de savoir parler et flatter. Regarde-bien le Sénat, Shazam... »

Il continua sa marche.

« Car c'est de là que viendra la déchéance de Simmeroh. »

Puis, les deux hommes et le ballon jaune vif entrèrent dans l'arène de Méthane, qui les salua avec un immense sourire, paraissant bien plus heureux que d'habitude.

« Il est de plus en plus rare de te voir apparaître dans nos humbles arènes. commenta le champion. Prenez place, je vous en prie, tout est un peu trop calme en ce moment, et il n'y a guère que les quelques sénateurs du parti de Murray, sans compter sa fille, qui daignent encore me rendre encore visite. Mais, puisque vous semblez être au fait de ce qu'il se passe au sein de la ligue plus que je ne le suis moi-même...
-Matt perd son temps avec sa nièce. Et Shazam a acheté un ballon. »

Ce maigre résumé de leur journée laissa place à un long silence.

« Peut-être aurais-je bien fait de rester avocat, les rumeurs y étaient plus intéressantes que la rivalité entre mon Métalosse et celui de Matt...
-Tu ne penses pas un mot de tout cela, répondit simplement Shazam, et tu le sais très bien. »

Mais Méthane ne répondit pas, son regard entièrement rivé sur Moriarty.

« Il est extrêmement rare que tu sortes du Château Arrogant sans être suivi de très près par Ecoplasma, Magirêve, ou Porygon-Z.
-Estimes-tu que je ne suis pas en sécurité ?
-Je n'oserais pas, mes constatations ne sont pas responsables de tes conclusions. »

Et le sourire de Méthane se fit plus grand encore. Méthane, Shazam et Moriarty parlèrent longtemps d'Acité et du Sénat, avant que le champion ne s'exclame :

« Mais il est très tard ! Je devrais fermer l'arène, et vous devriez rentrer par le dernier train avant que la nuit tombe. »

Il décida, cependant, de s'entretenir avec Moriarty en privé.

« À quand remontent tes dernières errances à travers les routes ?
-Elles ne remontent pas à très longtemps, puisque je me rends très régulièrement à Hoenn, et tu aurais eu cette information d'à peu près n'importe quel journal, ponctué de demandes de démission très sérieuses de ma part. Il faut te renseigner sur le monde qui t'entoure, très cher... »

Méthane sourit.

« Je parlais d’errances accompagnées. En dehors des quelques trajets très calibrés aux airs de campagne de communication avec Eyragon et Martin à travers tout Simmeroh, ou de tes voyages avec Armand que tu as passés presque entièrement seul, tu n'as jamais parcouru les routes comme avec Shazam.
-Je l'ai déjà fait avec Vincent car il était un nouvel élément de la Ligue Arrogante, et je le fais avec Shazam pour les mêmes raisons.
-Je ne t'accuse de rien Moriarty, sinon de te lier avec un dresseur avec lequel tu as toutes les raisons de le faire. Tu n'as pas de raisons de te mettre sur la défensive. »

Il adressa un sourire sincère au diable de Simmeroh.

« Qu'est-ce qui te rend si heureux ?
-Tu es mon ami, Moriarty. Mais je ne pense pas toujours avoir été à la hauteur de ton génie ou de ton talent. Je l'ai souvent voulu, mais j'ai toujours su que je n'aurais jamais le niveau pour briller à tes côtés sans te ralentir.
-Où veux-tu en venir ?
-J'ai l'impression que tu as enfin rencontré un dresseur qui est dans le même univers que le tien, arrogant comme tu l'es, et je pense que c'est une excellente chose pour toi.
-Je te remercie de ton aide, mais je n'en ai pas besoin. Pas plus que de la sienne.
-Ta vie t'appartient entièrement. Je me contente de porter à tes yeux que Shazam peut être quelqu'un d'autre qu'un simple dresseur, un autre Invincible du pays, contre lequel tu vas prendre ta revanche. Peut-être peut-t-il t'apporter ce que tous les membres de la ligue ont déjà essayé de t'apporter sans succès... »

Et Méthane laissa, soulagé, son ami quitter son arène, et Acité. Shazam et Moriarty prirent le train jusqu'à la Route Victoire.

« Je tâcherai de m'entraîner aux échecs. lança Moriarty à Shazam en guise de salut.
-C'est une excellente idée, si tu as déjà accepté celle de perdre la prochaine Conférence Arrogante. Rentreras-tu directement au château ?
-Non. J'ai à faire avant d'y retourner. Au revoir. »

Et Moriarty commença à marcher dans la direction opposée. Mais il repensa sincèrement aux paroles de Méthane. Peut-être n'avait-il plus à être seul. Il se retourna.

« Shazam ! »

Le neuvième champion d'arène n'avait pas bougé.

« Viens avec moi. »

Et il amena Shazam là où il n'avait jusque là amené aucun membre de la ligue, dans un endroit dont il n'avait révélé à personne ses allers-retours fréquents. Une grande chambre entièrement blanche, au fond duquel se trouvait un grand lit. La pièce était entièrement silencieuse, ponctuée seulement par la respiration pénible de l'occupant et le bruit envahissant des nombreuses machines qui l'entouraient. Son corps étaient entièrement recouvert de bandages blancs, percé d'aiguilles, d'épines, et de lourdes barres en métal servant à doubler une colonne vertébrale fragilisée. Ses yeux fermés étaient gonflés par les bleus, et sa respiration aidé par un grand appareil qui brassait l'air à la place de ses poumons.

« Quand pourra-t-il sortir ? demanda Moriarty. »

L'infirmière regarda le diable de Simmeroh d'un regard à la fois effrayé, agacé et compatissant.

« Je vous ai déjà donné la réponse hier, avant-hier, le jour d'avant, et tous les jours qui ont précédé. Nous faisons notre maximum, et il est équipé de matériel de pointe. Il n'a pas repris conscience de manière stable depuis son admission ici. Ses blessures pourraient guérir rapidement, ou ne pas guérir du tout. Il pourrait réintégrer votre équipe s'il met toute sa volonté. Cependant, s'il n'en met pas du tout... »

Elle n'osa pas finir sa phrase.

« Le Dardargnan que vous nous avez amené avait des blessures certes plus superficielles, mais il s'en est remis plus vite que je n'avais jamais vu un pokémon le faire. La volonté a beaucoup à faire dans ces cas-là. Avec assez de volonté et étant donné les progrès de la médecine, n'importe qui faisant suffisamment attention peut vivre jusqu'à cent-cinquante ans, de nos jours... »

Il y eût un long silence. Moriarty n'osait pas s'approcher de Rudolphe, dont on entendait seulement le souffle en deux temps. D'abord, une inspiration pénible, bloquée par endroits dans son corps criblé de sang séché et dépourvu de volonté. Puis, une expiration tout aussi laborieuse, dans laquelle on sentait la douleur causée par la pression de l'air contre ses membres. Ces deux étapes étaient séparées par un long silence durant lequel Moriarty s'imaginait à tout instant que peut-être la suivante ne viendrait plus, et que le curieux signal affiché sur l'écran à côté de son lit s'arrêterait à tout jamais.
Ayant amené Shazam avec lui, Moriarty se sentait mieux, sans pouvoir exactement expliquer pourquoi. Peut-être que le lourd secret de ses fréquentes visites à l'hôpital couplé à la culpabilité d'avoir organisé le combat fatidique pesaient, juste un instant, moins lourd. Peut-être que le regard de compassion doublé de respect de Shazam rendait le choix de Moriarty un peu moins douloureux, et lui permettait de sentir que ce qu'il faisait était profondément juste. Quoiqu'il en soit, il ne lui parla pas, mais lui lança au contraire un regard noir, comme s'il mettait Shazam au défi de se moquer de lui, ou de lui faire des reproches sur ses visites fréquentes. Mais le neuvième champion ne lui répondit que par un regard de compassion, avant de se décider à parler :

« Je ne savais pas que l'un de tes pokémon se trouvait dans un tel état... »

Moriarty ne répondit pas.

« Je suis convaincu que d'ici quelques mois, il combattra de nouveau au milieu de tous tes autres pokémon.
-Je ne sais pas qui vous êtes, répondit immédiatement l'infirmière, mais je ne voudrais pas que vous donniez de faux espoirs. Si sa condition ne s'est pas encore améliorée, il y a peu de chances que...
-Ne parliez-vous pas vous-même de l'importance de la volonté ? répliqua Shazam avec un sourire en coin. »

Elle ne répondit pas.

« Comment as-tu dit qu'il s’appelait ? demanda-t-il à Moriarty. »

Il y eût un silence avant que Moriarty ne réponde simplement :

« Il s'appelle Rudolphe.
-Rudolphe... répéta Shazam. »

Et, calmement, Shazam s’avança vers le lit du Braségali, et s'approcha de son oreille.

« Rudolphe... murmura-t-il. Je sais que tu m'entends. Je suis un ami de ton dresseur. »

Il marqua une pause. Moriarty ne comprenait pas ce que Shazam faisait, pas plus que l'infirmière.

« Il est venu te voir aujourd'hui, comme chaque autre jour. Il est sûr que tu reviendras combattre à ses côtés. Il t'offre même un cadeau pour te féliciter de ta combativité. »

Et Shazam plaça le ballon dans la paume de la main ouverte et inerte de Rudolphe, qui aussitôt ferma contre toute attente son poing contre la ficelle. Il tenait à présent le ballon jaune vif dans la main, et Shazam se retira respectueusement.

« Comment avez-vous fait ça ? lui demanda l'infirmière.
-Je n'ai rien fait. répondit simplement Shazam. Vous avez parlé vous-même de la puissance de la volonté et de la motivation. Vous avez passé un temps fou à positionner tout un arsenal médical autour de lui, et personne n'a pensé à lui donner un petit présent pour le féliciter de tenir bon, ou à lui dire que son maître pensait à lui... »

Mais, plus que le regard consterné de l'infirmière, le visage de Moriarty semblait s'être illuminé.

« Shazam... Merci.
-Ne crois pas pouvoir t'en tirer en me remerciant, ce ballon m'a coûté cinq pokédollars, et je compte bien me les faire rembourser. »

Moriarty sortit immédiatement une liasse de billets de sa poche.

« En voici deux-cents. lui annonça-t-il.
-Et en voici cent quatre-vingt-quinze, répondit Shazam en lui rendant aussitôt la monnaie, le ballon ne m'a coûté que cinq pokédollars, et les bonnes actions font heureusement parti des rares choses en ce monde qui sont encore gratuites. »

Les deux puissants dresseurs échangèrent un regard, avant de regarder Rudolphe qui, peu à peu, reprenait conscience, et avait décidé de se battre pour, un jour, faire de nouveau parti de l'équipe de Moriarty. Puis, sans se parler davantage, ils rentrèrent, chacun de leur côté.

« Tu as l'air étrange. fit remarquer Eyragon dès que Moriary fût rentré.
-J'ai passé une bien étrange journée. Où est Armand ?
-À Kanto. »

Moriaty haussa un sourcil.

« Il nous a expliqué que, puisque tu n'étais presque jamais à ton poste ces derniers temps, il n'y avait pas de raison pour qu'il travaille davantage que toi. Alors, il a décidé de prendre des vacances dans sa région d'origine, à Kanto. »

Martin apparût.

« Il n'y a donc, développa-t-il, entre n'importe quel dresseur et le poste suprême, plus que deux dresseurs confirmés et Brynne. Alors, sans vouloir te donner d'ordres, je pense qu'il serait préférable pour tout le monde que tu sois présent davantage à ton poste en attendant l'avènement de Shazam comme neuvième champion d'arène, ou au moins le retour d'Armand. Il en va de l'avenir de Simmeroh.
-Je n'ai pas d'objections à formuler. répondit le diable de Simmeroh. »

Et il passa encore quelques jours à entraîner sans relâche ses pokémon en vue du prochain tournoi de la ligue de Simmeroh, où il savait exactement quel adversaire il aurait à affronter en finale.

« Lançargot ! »

Le pokémon Acier et Insecte, parmi ceux qui avaient la plus grande force brute de Moriarty, se ruait sur Motisma qui répondit en concentrant un gigantesque rayon d'énergie électrique contre lui. Affaibli, mais toujours en état de combattre, il utilisa une grande attaque Plaie-Croix contre Galeking qui fût propulsé à l'autre bout de la salle.

« Arrêtez. ordonna la voix impérieuse de Moriarty. »

Il repensa aux pokémon de Shazam, à la stratégie du bref combat qu'il avait eu, aux objets que les pokémon de Shazam portaient, tout en regardant ses propres pokémon, ses propres stratégies.

« Il n'y a qu'une seule chose qui soit claire à l'issue de cet entraînement. Mon échec est plus évident que jamais.
-Maître...
-Tais-toi, Porygon-Z. Et contente-toi de t'entraîner, toujours plus, en espérant devenir assez fort pour pouvoir geler instantanément l'un de ses pokémon en utilisant Triplattaque, car c'est bien la seule chance que nous avons. »

Plus Moriarty entraînait ses pokémon, plus il prenait conscience des failles dans sa stratégie, de toutes ces choses dans un combat qu'il laissait au hasard, alors qu'il serait bientôt confronté à un dresseur talentueux pour lequel tout mouvement était réfléchi à l'avance pour produire juste l'effet désiré. Il comprenait que trop longtemps, il s'était reposé sur ses lauriers. Il réfléchit longtemps à la meilleure configuration d'équipe qu'il devait choisir en finale pour maximiser ses chances.

« Je ne pensais pas te revoir de sitôt... Prends place, je t'en prie. »

La nouvelle visite de Moriarty à Shazam fût accueillie par un sourire bienveillant.

« Je profite encore de ce que Simmeroh a à m'offrir avant d'être trop pris par le travail complexe de neuvième champion d'arène. Et toi, que fais-tu ?
-Je m'occupe. répondit évasivement le quatrième membre du conseil des quatre. »

Shazam tournait et retournait nonchalamment entre ses doigts un grand badge, doré et argenté, et luisant comme mille autres réunis. Le badge Ultime. Moriarty savait qu'il devrait se dépasser pour l'obtenir. Mais bien vite, la compagnie de Shazam, le plaisir de pouvoir parler à un égal, prit le pas sur les autres préoccupations.

« J'ignore si j'aurais accepté d'être neuvième champion d'arène moi-même. avoua Moriarty.
-Pourquoi donc ? Il y a fort à parier que tu aurais été excellent en la matière.
-Comment concentrer mon arrogance, le rejet ultime de l'autre et sa haine, si mes adversaires changent sans cesse ?
-Nous n'avons manifestement pas la même définition de l'arrogance. Pourquoi rejeter l'autre, plutôt que de voir ce qu'il peut t'apporter ? Le rejeter, c'est refuser de le comprendre. Jusque là, tu as réussi à comprendre tes adversaires malgré tout, en raison de ton intelligence. Mais tu n'auras pas tout le temps cette chance, et, un jour, tu rencontreras un adversaire que tu ne pourras rejeter d'un revers de main. Un dresseur que tu devras comprendre et vivre à sa manière pour le vaincre. »

Shazam conclut son opinion par un sourire en coin. Moriarty répondit :

« Je vois malgré tout mon destin comme différent que celui de tenir une arène sans jamais m'arrêter. Je pense qu'en plus de dresser, je me dois de m'impliquer dans la vie de Simmeroh.
-Tu m'as beaucoup parlé de Simmeroh, du moins de son architecture, de ses spécialités, de ses champions. Mais tu ne m'as pas introduit à sa vie. Quelle est-elle, pour qu'elle prenne presque le dessus sur la passion du dressage, pourtant fortement ancrée en toi ? »

Moriarty pointa le jeu d'échecs du champion.

« La vie de la ligue de Simmeroh est pareille à une partie d'échecs dont chaque membre est une pièce. »

Il s'avança doucement vers l'échiquier.

« Notre camp a renversé, durant une première partie, l'ennemi. La république du président Saho. Mais la bataille n'est pas finie. La ligue s'est fait de nombreux ennemis.
-J'imagine que tu penses au Sénat.
-Pas seulement.
-Alors, qui est le camp adverse ? »

Moriarty réfléchit pendant un instant. Depuis qu'il connaissait Shazam, il avait soigneusement évité le sujet. Mais il n'avait plus le choix, et le neuvième champion d'arène avait gagné sa confiance.

« Le camp adverse est la Team Magic. »

Il regarda Shazam dans les yeux.

« J'en ai entendu parler. répondit-il simplement. Mais les champions sont assez avares en paroles au sujet de cette organisation...
-Je tâcherai de t'en parler avec le plus d'objectivité possible, car je respecte ton intelligence. »

Il prit le roi blanc et le roi noir de l'échiquier.

« Lorsque j'ai pris le pouvoir à Simmeroh, j'ai compris l'impossibilité de gouverner la région en ces temps difficiles sans faire des sacrifices extrêmement coûteux, sans mettre de côté la moralité pour le bien de tous. Alors, la Team Magic, qui désirait également mettre en place une ligue, a pensé que nous n'étions pas dignes du pouvoir, et s'en battue contre nous à de multiples reprises. Avant que le pouvoir ne revienne à la normale, et que Simmeroh devienne ce que tu en connais aujourd'hui, tout était déjà trop tard. La machine est enclenchée, et rien ne pourra l'arrêter.
-Tu te considères comme le roi blanc.
-Je l'ai été, et je pense toujours l'être, davantage que Brynne. Ma puissance en tant que dresseur est le plus puissant atout de la ligue, la reine blanche.
-Et qui donc est le roi noir ?
-Le chef de la Team Magic. Nous nous sommes déjà rencontrés à de multiples reprises. Je le connais pour un grand stratège et un dresseur talentueux. Mais sa puissance, la reine noire, ne fait plus le poids contre la ligue, surtout maintenant que tu nous a rejoint. Tu es la véritable reine blanche, la pièce dont la Ligue Arrogante manquait cruellement.
-Tu me fais trop d'honneur. répondit le neuvième champion avec un sourire. Et qui est donc ce chef ?
-Nul ne connaît son identité, il est en permanence masqué. Tout ce que je connais de lui est l'un de ses pokémon, un Alakazam.
-Il est vrai que tout cela est un petit peu faible. Si tu commences à arrêter tous les dresseurs de Simmeroh possédant un Alakazam, je serai le premier à finir en prison. Quoique tu pourrais trouver l'idée séduisante, puisqu'elle te permettrait aussi d'arrêter le président du Sénat.
-Je l'ai également déjà vu capable de contrôler la volonté des pokémon sauvages.
-Un véritable magicien, en somme, qui porte bien son nom. »

Moriarty saisit les deux cavaliers noirs.

« Il est toujours précédé de ses deux généraux, qui répondent aux noms de code d'Abraka et Dabra. Ce sont de puissants dresseurs qui se considèrent comme ses bras et ses mains. Il est possible qu'ils préparent quelque chose en ce moment-même. »

Il attrapa ensuite quelques pièces blanches.

« Mais la ligue de Simmeroh est là pour les arrêter. J'ai bon espoir de gagner cette partie un jour. La Team Magic ne doit pas étendre son influence, et je mettrai tous les moyens possibles pour l'en empêcher.
-Tout cela semble te tenir à cœur...
-Je gagnerai cette partie d'échecs, quelques soient les sacrifices qu'il me faudra faire. »

Il se regardèrent, puis Shazam remit les pièces en place sur l'échiquier, et prit la parole à son tour :

« Laisse-moi te présenter une histoire intéressante... commença-t-il. Une histoire où le camp noir et le camp blanc jouent en fait la même partie.
-Que veux-tu dire ?
-Supposons que le roi blanc désire le pouvoir à Simmeroh. Il devra, comme tu l'as si bien expliqué, faire de grands sacrifices, dussent-ils être moralement discutables, pour rendre la région à l'image qu'il estime la meilleure. Avec son équipe blanche, le roi blanc parvient effectivement à le faire, mais non sans retombées pour le moins gênantes.
-Quelles sont-elles ?
-La déconsidération, sa déchéance en tant que roi, l'apparition du Sénat, sa chute de popularité... Le roi blanc a commencé sa grande entreprise, mais ne peut guère l'achever. »

Shazam tourna la table, de sorte à ce que le camp noir se retrouve devant lui.

« Sauf si le roi blanc a prévu son coup. Il a crée de toutes pièces un camp adverse, le camp noir, dont la seule utilité est d'être son ennemi, son contraire. Toute la déchéance du roi blanc n'est alors qu'un gain de puissance pour le roi noir, et, un jour, le camp des noirs gagnera la partie. Alors, le roi noir achèvera simplement l'oeuvre du roi blanc... »

Il attrapa les deux pièces maîtresses, blanche et noire.

« Car le roi blanc et le roi noir sont une seule et même pièce. »

Shazam acheva son histoire en reposant les deux pièces sur l'échiquier. La voix froide et cassante de Moriarty reprit alors la parole :

« Qu'es-tu en train de sous-entendre, avec ton histoire ? »

Les deux dresseurs se défièrent du regard, avant que Shazam désamorce la situation d'un sourire en coin :

« Ce n'est rien, Moriarty. Je ne fais que te répéter une simple théorie, une histoire racontée par Armand ce matin-même, et qui m'a bien amusé. »

Moriarty eût un regard d'incompréhension. Depuis quand Armand s'intéressait-il à ces choses-là ?

« Armand... Je le croyais reparti à Kanto.
-Il est revenu à Simmeroh ce matin. répliqua Shazam. J'imagine qu'il doit déjà être revenu au Château Arrogant. C'est un jeune homme extrêmement intelligent. »

Mais Moriarty eût alors un affreux pressentiment.

« Je crois... Je crois que je vais retourner au Château Arrogant.
-Je t'en prie. Quoi qu'il en soit, j'espère que tu n'as pas trop pris au sérieux l'histoire d'Armand, tu me sembles encore plus blême que d'habitude. »

Moriarty se hâta de retourner au Château. Une sorte d'appréhension de ce que serait la suite des événements le mettait dans un état d'alerte. Il ouvrit grand les portes de la ligue, avant de se rendre dans la salle du premier membre du conseil des quatre, où se trouvaient déjà Eyragon et Martin, autour du dresseur de type Feu, qui se retourna vers Moriarty.
Aussitôt, Moriarty constata que ses doutes étaient fondés. Le dresseur roux avait troqué son vieux blouson en cuir et son pantalon déchiré pour un impeccable costume. Sa position habituelle, les épaules voûtées, le dos courbé, avait laissé place à une posture droite et impeccable. En se tenant ainsi, il était aussi grand que Moriarty. Mais plus encore, il portait un gigantesque masque entièrement blanc, en-dehors du front sur lequel était gravé un point d'interrogation.
Deux trous dans le masque permettaient de voir ses yeux d'un bleu limpide. Mais il n'étaient plus rieurs, pas plus que quoi que ce soit dans sa tenue. Le regard d'Armand soutenait celui de Moriarty sans ciller tandis que les deux autres membres du conseil des quatre témoignaient de la même inquiétude que leur supérieur. Ce dernier, afin de ne pas afficher sa crainte irrationnelle, regarda l'homme masqué en face de lui, et le réprimanda comme il l'aurait fait :

« J'imagine que tu as une excuse pour t'être absenté sans prévenir, Armand.
-Je ne suis plus Armand. répondit simplement une voix qui n'était plus la voix nasillarde d'un adolescent transitant vers l'état adulte, mais une mélodie grave et caverneuse. Du moins, plus exactement... »

Moriaty afficha un sourire narquois.

« Dans ce cas, qui es-tu ? »

La voix caverneuse d'Armand répliqua tout aussi directement :

« Je suis le fantôme de Kanto, le meilleur détective du pays, et avant la prochaine Conférence Arrogante, je révèlerai à la Ligue Arrogante l'identité du chef de la Team Magic. »