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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 28/02/2019 à 11:16
» Dernière mise à jour le 04/04/2019 à 14:37

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 40 : ... et que tout reste à faire
« Peu d'hommes ont le droit de régner, car peu d'hommes ont une grande passion. » Baudelaire.


***


— Lyco, qu’est-ce que tu as fait ? cria férocement une voix féminine.
— Enfoiré ! rugit un homme. Sale traître !

Des voix, des cris, des pleurs ; le bruit des flammes qui grondent. Un souffle chaud, insupportable. Des bruits de pas précipités, des ordres secs, un fouet qui claque, une détonation sourde.

Une odeur métallique, presque enivrante. Une épaisse fumée malodorante. Les lueurs rougeoyantes, qui s’élèvent haut dans le ciel, dévorant tout sur la plaine à l’agonie. Le vent, froid, glacial. Les bruits lointains et étouffés.

Un sentiment amer ; regret, ou impuissance ?

Le souvenir s’étiole, se défragmente, s’échappe et devient poussière…



***


Tout était fini.

Il voulait mourir. Disparaître dans le néant.

Lyco avait vécu une existence infernale. Réellement. Et il n’en prenait conscience que maintenant, au pire moment. Même si ses souvenirs étaient flous, il se rappelait de la douleur d’avoir perdu son père. Puis ses compagnons chasseurs de pokémons, alors qu’ils apprenaient à grandir au cœur du désert.

Il avait perdu Othéus dans l’Arène.

Puis Hank.

Il avait mené Darren et Lacrya à la mort, à cause d’un plan improvisé, à cause de son aveuglement et de sa haine. Et ça allait dorénavant être au tour de Bakrom. Il aurait tout donné pour mourir à sa place. Absolument tout. Plus rien ne comptait que de faire disparaître sa souffrance. Quitte à abandonner et à mourir ici-même, sans plus avoir à se soucier de rien.

C’était terrifiant.

Il avait la sensation d’être déchiré de l’intérieur.

Molch.

Il aurait pu le tuer de ses mains. De sang-froid. Même devant sa famille ou ses enfants s’il en avait eu. Il n’aurait pas hésité une seule seconde. Et il n’aurait sans doute jamais regretté son acte.

Il entrouvrit les yeux. Bakrom venait d’être amené au centre de la pièce. Un garde lui ordonna de s’agenouiller. Choqué et pantelant, le garçon obéit en vacillant.

Lyco jeta un regard vers les corps encore chauds de Darren et Lacrya. Il fut étonné par la quantité de sang sur le sol. Par le corps rabougri du chef des pillards, et les vêtements clairs de Lacrya.

Étrange.

Darren semblait aussi petit qu’elle. Et ces vêtements… Lacrya avait pourtant choisi une tenue de couleur sombre, dans ses souvenirs. Pour une question évidente de discrétion. Ou alors… il n’avait plus vraiment conscience de ce qui l’entourait. Tout était flou. Son état ne devait pas améliorer sa semi-amnésie.

Darren semblait pourtant trop petit. Il avait rapetissé ? En mourant ? Était-ce une conséquence des pouvoirs de Molch ? Le corps semblait étrangement peu consistant. Presque volatile. À mieux y regarder, Lyco ne voyait pas si flou que ça. C’était le corps de Darren lui-même qui était flou. Les larmes chassées de ses yeux, le garçon s’en rendit compte aussitôt.

Ce n’était pas Darren.

Pas plus que cette fille n’était Lacrya.

D’ailleurs, les soldats. Ils paraissaient tous plutôt calmes. Étrangement silencieux. Comme s’ils n’étaient pas vivants. L’un d’eux avait ricané tout à l’heure ; en même temps que Molch. Avec un rire semblable. Trop similaire.

Était-ce… une illusion ?

— Allez, Rôdeur, dis adieu à ton jeune ami.

Le pistolet pointé sur le front de Bakrom le ramena à la réalité. Lui, c’était le vrai Bakrom. C’était évident, tout d’un coup. Tout ça n’était qu’une habile et cruelle mise en scène. Une illusion provoquée par les pouvoir psychiques de Molch. Le Mutant n’était probablement pas si puissant que ça, pour user de tels stratagèmes. Il aurait pu les tuer d’une autre manière, sinon.

Et il était remarquablement sadique.

— Pas mal, l’illusion. J’ai failli y croire, lâcha-t-il soudain.

Molch leva les yeux vers lui, désarçonné, et confortant Lyco dans mon idée.

— Pardon ?
— Darren mesure deux mètres. Tu crois vraiment que ce tas translucide allait me tromper longtemps ? lâcha Lyco en sentant sa confiance revenir peu à peu.

Molch se rendit compte que ses illusions s’effritaient. Un garde devenait transparent. Les autres devenaient plus petits, lentement. Visiblement, il avait utilisé beaucoup de ressources pour les maintenir dans la pièce. Et il commençait à perdre pied.

Soudain, la porte s’ouvrit à la volée.

Darren et Lacrya, les vrais cette fois, armés de mitraillettes lourdes sûrement empruntées à des soldats, entrèrent en trombe dans la pièce.



***


Karyl voyait un peu dans l’obscurité ; mais probablement moins bien que cette femme. Il distinguait des mouvements, les lignes des murs, mais ne parvenait pas à localiser la Mutante avec précision dans le couloir de cellules.

Un coup de poing violent le cueillit sous le menton. Il décolla du sol et se sentit percuter le plafond. Une brique se détacha et lui tomba dessus avec force. Il cria en atterrissant sur le sol pierreux. Il commençait à se sentir sonné et nauséeux. Il se releva d’un bond en jurant.

Cette femme était un monstre. Une machine de guerre. Elle frappait au niveau des points sensibles, avec une précision glaçante. Mais elle mettait du temps à prendre des décisions, comme si elle n’était pas habituée à être autonome. Et elle semblait hésiter à continuer la lutte, d’ailleurs ; elle devait sûrement se rendre compte de la résistance surhumaine de Karyl. N’importe quel homme aurait déjà été tué par la violence de ses coups.

Ce dernier recula et sentit un mur dans son dos. Il entendit la respiration sifflante de la femme à moins de trois mètres de lui, sur sa gauche. Il pivota, et tendit l’oreille.

Là, un grondement, un bruit de frottement. Elle s’approchait…

Maintenant !

Il tendit ses deux bras en avant et laissa des rayons de lumière se multiplier et jaillir de ses paumes ; la femme hurla et il entendit son corps s’envoler et heurter quelque chose. Des cailloux acérés la mitraillèrent un moment en crépitant, emportées dans une vague d’énergie.

Puis, le silence.

Karyl lâcha un rire nerveux suivi d’une insulte guère glorieuse, puis s’avança. Il trébucha sur la femme restée à terre.

Il tâtonna un moment dans le noir. Il sentit qu’elle ne respirait plus. Il toucha un liquide chaud du bout des doigts. Une odeur métallique et amère.

— C’est pas trop tôt, grogna-t-il. Et en un seul coup, connasse !

Il se redressa et courut au bout du couloir plongé dans la pénombre. Il était temps de rejoindre les autres.

« Et de tuer cet enfoiré de Molch ! » lança mentalement le Mutant Roche.



***


Darren releva le canon de sa mitraillette et, visant bien au-dessus de la tête de Bakrom qui se baissa instinctivement, il fit feu.

Les détonations explosèrent dans la pièce et Molch fut touché de plein fouet ; il tituba en arrière avant qu’un mur invisible ne se dresse pour stopper les balles suivantes. Darren grommela.

Molch, tout le flanc droit couvert de sang, avait le visage déformé par la haine et la rancœur. Il poussa un cri dément, le regard terne, et d’un geste de la main, brisa les fenêtres de son bureau.

Au même moment, les pistolets restés au plafond tombèrent, et Lyco et Bakrom furent libérés. Le sang au sol disparut, ainsi que les faux soldats translucides, et les cadavres. Les deux garçons se jetèrent sur leurs armes et les quatre pillards tirèrent en même temps vers le Mutant ; mais un Abri se dressait encore entre eux, faisant ricocher les balles avec une facilité déconcertante.

Molch sauta brusquement par la fenêtre la plus proche.

— Que… s’étonna Darren.
— C’était quoi, ces soldats ? s’affola Lacrya en jetant sa mitraillette déchargée sur le tapis.
— Une illusion, lâcha Lyco.

Ce dernier regarda Darren et Lacrya, profondément heureux. Il aurait été tenté de les prendre dans ses bras, et même de sauter au cou de la jeune fille… mais pas maintenant. Leur cible fuyait.

— Bakrom, tu les escortes dehors, ordonna Lyco. Direction les murs de la ville. Je dois suivre Molch. Faites en sorte que Karyl me rejoigne.
— Tu ne vas pas le vaincre tout seul ! protesta Darren.
— Il a épuisé ses pouvoirs. Je peux le faire. Et… après ce qu’il m’a montré, je suis obligé de le tuer de mes mains.

Lyco bondit sur le balcon sans laisser ses camarades protester et remettre son idée en question.

Ce n’était pas si haut. Il rejoignit une balustrade d’un bond, et se laissa glisser dans une cour. Il eut le temps d’apercevoir Molch s’activer près des écuries. Une porte vola dans sa direction.

Lyco se baissa et évita de justesse le battant projeté par le Mutant.

— Meurs, meurs, meurs ! hurlait Molch comme un déjanté.

Une charrette sortit de l’écurie, tirée par deux beaux galopas. C’était une carriole taillée pour la vitesse. Lyco resta à distance, se sachant en danger en cas d’approche.

Molch brisa le portail qui sortait de sa demeure par la pensée. Il se jucha sur la carriole et fit claquer un fouet. Les galopas s’ébrouèrent et partirent aussitôt au galop. Lyco fonça vers les écuries en évitant une planche que Molch arracha de sa propre charrette, sans bouger un pouce.

Les écuries étaient remplies de montures de tous genres. Le garçon ne prit pas le temps de choisir et ouvrit la porte de la première. Un zéblitz. Le pokémon s’affola en le voyant entrer, mais il semblait plutôt docile. Lyco se jeta sur lui, sans selle, et ordonna :

— En avant !

L’équidé, intelligent, et saisissant sûrement l’empressement dans sa voix, jaillit des écuries en hennissant. Lyco vit la cour des geôles défiler autour de lui, et le pokémon bondit à l’extérieur.

— À gauche !

Le zéblitz pivota en plein sprint ; de l’électricité grésilla sur son corps, faisant sursauter le garçon ; mais il était déjà trop occupé à se maintenir sur sa monture pour s’inquiéter de la douleur. Sans selle, ce n’était pas gagné.

Les émeutes semblaient un peu éloignées, heureusement. Les rues étaient presque désertes de ce côté. Mais bientôt, la foule profiterait de l’ouverture pour envahir le palais.

Dans la rue, Il y avait quelques corps, des débris et des gravats, mais rien qui ne gêna trop sa course effrénée. Les charnières laissées par la charrette de Molch permirent à Lyco de le suivre à la trace.

Il aperçut la carriole après une minute à zigzaguer d’avenue en avenue entre les corps.

Elle fonçait le long du boulevard principal de Psyhéxa. Les belles maisons blanches à tuiles noires des gardes de la ville s’affrontaient du regard au-dessus des pavés brillants. De grands palmiers projetaient leur ombre au sol, plantés avec régularité au centre de la large rue.

Les barricades brûlaient, des gens ramassaient les corps, d’autres hurlaient leur haine au ciel, un enfant dans les bras. Un obus explosa à quelques dizaines de mètres, faisant exploser une petite maison dans un tourbillon de flammes incandescentes.

Des regards se levèrent sur le passage de la charrette de Molch et de son poursuivant à dos de zéblitz. Mais personne ne fit un geste pour les arrêter. Lyco parvint, entre deux foulées de son pokémon, à saisir son pistolet à sa ceinture sans tomber. Il le garda en main et s’agrippa à l’encolure de l’animal, tout en lançant par-dessus le raffut ambiant, et le bruit du vent et des sabots :

— Suis cette charrette ! Ne la perds pas !

Le zéblitz, comprenant sans doute son ordre, hennit de nouveau, visiblement excité à l’idée de se défouler les jambes. Lyco vérifia rapidement le chargeur de son arme. Quatre balles. Quatre pauvres balles.

Le pokémon bondit soudain dans les airs. Lyco se sentit décoller et faillit dégringoler sous les sabots de sa monture ; celui-ci venait d’éviter… un palmier.
Molch déracinait les arbres sur son passage. D’une simple torsion du poignet. Les pouvoirs télékinésiques du Mutant étaient donc illimités ?

Le zéblitz évita un tronc qui tombait, sauta par-dessus un autre déjà à terre. Lyco complimenta mentalement l’intelligence et l’agilité de ce la bête.

— De l’autre côté de la rue ! s’écria Lyco. Va de l’autre côté, bon sang !

Le pokémon s’exécuta. Ici, aucun arbre. Juste quelques corps.

Molch criait, s’agitait sur la charrette. Lyco gagnait du terrain. Encore quelques mètres et il pourrait tirer…

Les murailles de Psyhéxa se dressèrent devant eux ; ils atteignaient les portes de la ville, ouvertes sur les plaines arides. Lyco se cramponna à son zéblitz. Jusqu’où allait le mener cette course-poursuite ? Molch était blessé, il finirait par mourir dans le désert, sous cette chaleur.

Il avait réellement perdu la tête. Il fallait s’assurer de le tuer, au plus vite.



***


Karyl faillit percuter Darren au détour d’un couloir. Le colosse était transpirant, et essoufflé.

— Te voilà, Karyl !
— Qu’est-ce qui se passe ? Où est Molch ?
— Il s’est enfui, Lyco est sur ses traces ! On a entendu une charrette, je suppose qu’ils vont quitter la ville…
— J’y vais, grogna Karyl.

Sans attendre une seconde de plus, le Mutant fonça vers le mur à sa gauche ; rassemblant ses forces, il défonça ce dernier et y créa une ouverture comme s’il était fait de papier, avant de traverser une chambre de bonne puis de détruire une seconde cloison sans effort.

Il émergea à l’air libre, au-dessus de la cour des geôles. Il chuta de deux bons mètres, se réceptionna maladroitement près de la fontaine, et repéra aussitôt les traces d’une charrette qui quittaient les lieux. Il bondit et courut de toutes ses forces sur les traces.

Il était temps de voir à quelle vitesse pouvait courir un Mutant dans son genre.



***


Darren resta pantois un moment en voyant Karyl littéralement foncer dans le mur pour rejoindre l’extérieur. Lacrya le ramena à la réalité.

— Allez, Darren, bouge ! On doit retrouver Ève et se barrer de là. On a eu de la chance de ne croiser que deux ou trois soldats tout à l’heure, mais les bombardements se sont arrêtés ! Ils vont sûrement rappliquer.
— Oui, pardon. Bakrom, tu suis ?
— Oui !

Les trois pillards bataillèrent dans une suite de couloirs interminables avant de trouver enfin une porte dérobée menant à l’extérieur. Il ne fallait plus s’attarder ici. Lacrya désigna alors les écuries, à quelques mètres de là. Darren acquiesça aussitôt. Les montures ne seraient pas très discrètes, mais avaient-ils encore besoin de l’être ?



***


Animé par la haine et son envie de tuer Molch, Lyco ne pensait plus à rien. La carriole du Mutant rebondissait sur le sol sec et craquelé de la plaine qui s’étendait devant eux. Le zéblitz, étonnamment endurant, rattrapait peu à peu le retard.

Molch tendit le bras en arrière. Lyco sentit un étau se refermer autour de son crâne. Une autre de ces capacités de malheur !

S’il était concentré à attaquer, peut-être serait-il dans l’incapacité de créer un mur protecteur ?

Lyco ignora la douleur qui lui vrillait le crâne et leva son arme. Il attendit que son zéblitz soit un minimum stable pour viser et tirer. La balle, plus par chance que par réelle adresse, toucha Molch. Le Mutant cria et lâcha le fouet ; son bras droit avait été transpercé.

Lyco tira une deuxième fois. Un mur stoppa la balle. Lyco repéra même l’Abri : un léger miroitement le rendait visible. Les pouvoirs de Molch devaient vraiment s’affaiblir.

Ce dernier eut alors l’idée de créer un mur pour stopper zéblitz. L’Abri apparut sur la trajectoire du pokémon. Mais ce dernier, probablement entraîné pour des combats, s’environna de courants électriques et fonça. L’Abri se brisa comme une plaque de verre, en crépitant.

Lyco, qui avait senti passer la décharge, ne se permit pas de rabrouer l’animal. Il était un peu sonné, déjà, et en plus de ça… Molch avait crié de douleur au même moment. Casser son Abri l’avait peut-être blessé.

— Approche-toi des galopas ! lança Lyco.

Il venait d’avoir une idée toute bête mais terriblement efficace. Le zéblitz rassembla ses ultimes forces et accéléra pour se porter à hauteur de la carriole. Molch leva une main et un Abri apparut autour de lui.

Lyco tira dans la patte avant d’un des galopas.



***


Karyl traquait un monstre.

C’était du moins l’impression qu’il avait.

Quand il atteignit le boulevard de Psyhéxa, il le reconnut à peine. Des arbres étaient déracinés, étendus sur une chaussée jonchée de cadavres. Les maisons brûlaient. L’émeute et le passage de Molch semblaient avoir détruit cette belle partie de la ville.

D’un bond prodigieux, Karyl passa les derniers palmiers déracinés. Il courut à toute allure sur les pavés. Il se rendit compte d’à quel point il avait de la chance. De la chance d’avoir choisi le bon camp, et de la chance d’avoir de telles capacités. Il se sentait aussi rapide qu’un grahyéna à sa vitesse maximum. Il aurait pu rattraper un arcanin s’il l’avait voulu !

Il jaillit hors des portes ouvertes et abandonnées de la Ville aux Murs Blancs. Les plaines arides s’ouvrirent à lui, narquoises.

Cet endroit qu’il détestait plus que tout !

Il aperçut au loin la charrette dont avait parlé Darren, et dont il suivait les traces. Il n’était plus très loin ! Il bondit à leur suite, et regarda avec surprise l’engin à roues décoller soudainement dans les airs ; avait-elle roulé dans un nid-de-poule ?

Les hennissements des galopas retentirent jusque-là, ainsi qu’un coup de feu, sec et bref. Karyl accéléra. Il aperçut un zéblitz, duquel descendait une frêle silhouette. Lyco !



***


Lyco se pencha et appuya son épaule contre la charrette.

— Aide-moi !

Le zéblitz inclina la tête et repoussa le morceau de charrette sans aucun effort.

Molch, étendu par terre sur le dos, dardait sur Lyco un regard chargé de haine et de mépris. Il saignait abondamment. Et n’avait plus qu’un bras de valide. Un bras transpercé par une balle de pistolet. Il ne pouvait plus rien faire.

Un Abri apparut une brève seconde au-dessus de lui ; et s’éteignit.

— C’est fini, Molch, lâcha Lyco d’une voix qu’il ne reconnut pas lui-même.

Il dégaina son couteau et s’agenouilla au-dessus d’un Molch qui paraissait terrifié désormais. Le garçon posa la lame contre la gorge du Mutant, bouillant intérieurement.

Il revit la tête de Darren imploser. Lacrya tomber lourdement, sans un cri.

Il avait beau savoir qu’il s’agissait d’une illusion, cette image resterait à tout jamais gravé dans son esprit. Et le responsable de ceci, c’était lui, Molch. Ce monstre. Cet homme qui se prenait pour un dieu.

— Non, pitié… lâcha le Mutant dans un râle désespéré.
— Tu plaisantes ? répliqua Lyco.

La lame dessina une ligne rouge, légère, dans le cou de Molch. Il frémit. Lyco était prêt à faire le geste. Le sang battait à ses tempes. Lui hurlait de tuer. D’assassiner ce monstre.

Une main se posa sur l’épaule de Lyco.

— Ne fais pas ça. Il est foutu.

Le garçon reconnut la voix de Karyl. Il ne bougea pas. Et répondit en serrant les mâchoires :

— Tu n’as pas idée de ce qu’il m’a montré là-bas, Karyl. Je dois le tuer.
— Laisse-moi l’achever, alors. Il m’en doit une aussi.

Lyco releva la tête. Karyl le regardait avec un sérieux inhabituel.

— Lyco, laisse-moi faire. Inutile de te salir les mains pour ce connard. Moi, je suis habitué. Et l’idée ne me déplait pas tant que ça.

Le jeune homme, tremblant, se rendit compte qu’il était fatigué, las de devoir tout accomplir seul. La demande de Karyl, qui le prit au dépourvu, ne lui paraissait pas mauvaise. Il n’eut pas le courage de refuser.

Il se leva et tendit le couteau à Karyl.

Ce dernier le saisit et se pencha au-dessus de Molch. Lyco recula de quelques pas en sentant l’adrénaline retomber d’un coup ; son corps avait été meurtri par la course-poursuite.

Karyl se pencha à l’oreille de Molch.

— Ça, c’est une première victoire pour ceux qui veulent la tête de ton cher maître.

Et il planta la lame dans la gorge du Mutant qui l’avait manipulé, sans remords, mais sans regarder la vie quitter ses yeux non plus. Il détourna le regard, entendit un ultime gargouillis, et se releva.

— Tiens.

Lyco récupéra son couteau. Un simple regard vers le corps de Molch suffit à lui faire comprendre qu’il était bel et bien mort.

Au loin, quatre montures accourraient vers eux. Le garçon se laissa glisser au sol et s’assit, épuisé. Karyl l’imita, pensif.

— On a réussi, c’est dingue, grogna le Mutant.
— Oui.
— Il t’a montré quoi, là-bas ?
— … une illusion… horrible. Lacrya et Darren… sont morts devant moi. J’ai vraiment cru que… qu’ils étaient morts. Par ma faute.

Karyl posa une main sur l’épaule de Lyco, croyant à peine ce qu’il était en train de faire. Il consolait son ancien rival. Lui, Karyl Braun !

— Je vois. T’en fais pas, ils sont bien vivants.
— Le sac… où est-il ?
— Je l’ai laissé dans un couloir. Darren a dû le récupérer, je suppose.

Lyco soupira, fatigué.

— Vous avez trouvé de la Némélia ? demanda-t-il.
— Oui, un beau pactole. Tu comptes en faire quoi ?
— Aucune idée. J’avoue n’avoir qu’une envie, là tout de suite…
— Laquelle ?
— Dormir.

Karyl émit un rire léger.

Les quatre montures dérapèrent et s’arrêtèrent auprès d’eux parmi les bruyères et les ruines de la charrette. Darren et Bakrom mirent pied à terre les premiers, imités par une Ève avec un bras en sang et un œil au beurre noir.

Mais Lyco les ignora. Il se leva, tituba, et enlaça Lacrya dès qu’elle mit pied à terre. La jeune fille fut aussi stupéfaite que les autres pillards. Lyco fondit en larmes, toute pudeur disparue.

Des regards furent échangés, à la fois rassurés et craintifs. Personne ne savait ce que leur réservait l’avenir maintenant que Molch n’était plus, mais une chose était sûre : il n’était plus question de faire machine arrière maintenant. Il restait un gouverneur à faire tomber, et de nombreux autres soucis à résoudre.



***


— Il est temps de parler, maître, gronda Zak.

Assis derrière son bureau, comme d’ordinaire, le gouverneur Mervald releva la tête. Les deux blonds se jaugèrent du regard, le premier avec un regard plein de défi, le second simplement surpris.

— Quoi ? Est-ce à propos de Garûnd ? Il est encore alité…
— Non, maître. Ni de la disparition soudaine de Molch.
— Quoi donc, alors ?
— Le Condamné.

Mervald lâcha ses papiers et se pencha vers l’avant de son fauteuil. Son sourcil frémit ; surpris et agité d’un tic de colère.

— J’écoute.
— C’est une de vos créations ratées, n’est-ce pas ?
— En effet.

Mervald invita Zak à s’asseoir ; celui-ci refusa. Le gouverneur soupira et dit :

— Le Condamné était la toute première tentative de création d’un Mutant. J’ai utilisé un produit de l’époque. Tu connais la suite, ça a mal tourné. Le laboratoire Némélia s’est dépêché de reproduite des copies du produit, moins puissantes. La Némélia 1, provisoire, a permis à certains de mes hommes d’emprisonner le Condamné… tu connais la suite, non ?

Zak ne répondit pas. N’acquiesça pas non plus. Oui, il connaissait la suite. Il avait été l’un des premiers cobayes de la Némélia 2 ; et le troisième à y survivre, après Molch et Garûnd.

— Vous en cachez beaucoup d’autres, des expériences comme ça ? lâcha Zak avec défi.
— Pour te dire la vérité, non. Le Condamné… était un test prématuré. Tu m’en veux sûrement d’avoir créée une telle atrocité, mais… nous ne nous sommes rendu compte que tardivement que L’ADN utilisé pour lui n’était pas celui d’un simple pokémon sauvage.
— Vraiment ?

La nouvelle prit Zak au dépourvu. Son impertinence s’envola presque aussitôt. Mervald le remarqua et s’enfonça dans son fauteuil en soupirant. Il faillit attraper le verre de vin posé devant lui et se rendit compte qu’il était vide. Il jeta un œil vers l’une des fenêtres donnant sur un ciel bleu immaculé.

— Je me suis rendu compte après coup que ce pokémon était anormal. Ce qu’on pourrait qualifier de légendaire.
— Lequel ?
— Il est très méconnu. Il n’a même pas de nom officiel. C’est de lui que proviennent les origines du virus de la Némélia. On l’appelle simplement le Démon, ou plus souvent la « Chose ».

Un frisson parcourut l’échine de Zak. Mervald secoua la tête, las.

— J’ignore moi-même s’il est vraiment un pokémon légendaire. Certaines théories de l’avant-guerre, que j’étudie de temps à autres, parlent d’une dimension parallèle. Certains le considèrent comme une Ultra-Chimère, mais ça n’a pas l’air d’être le cas.
— Vous en parlez comme si… cette Chose existait encore. Vous n’avez que de l’ADN, n’est-ce pas ?

Mervald scruta Zak d’un air méfiant. Puis il haussa les épaules, l’air de se dire qu’il était inutile de conserver ce secret plus longtemps.

— En effet. Mais cette créature est particulière. D’un morceau d’ADN, elle serait vraisemblablement capable de complètement prendre possession de son hôte et de redevenir elle-même. Elle a des pouvoirs immenses. Qui expliquent pourquoi le Condamné était incontrôlable. Ce n’est pas un simple Mutant. C’est le Démon lui-même. La Chose.

Mervald désigna une des piles de dossiers posées en vrac sur son bureau d’acajou. Plusieurs dossiers de centaines de pages agrafées entre elles s’empilaient, jaunies par les années passées.

— C’est avec ce genre de documents, retrouvés dans un vieux bunker, que j’en sais un peu plus. Un chercheur de l’avant-guerre est parvenu à rassembler des informations sur elle, dans une région appelée Kanto. À l’aube de sa naissance. Dans un archipel méconnu.

Zak écoutait attentivement. Il sentait que Mervald lui révélait tout cela par souci de transparence ; et enfin, il était possible d’en savoir plus sur ce monde que même lui, un des bras droits du gouverneur, ignorait.

Mervald continua.

— Et comme tu le sais peut-être, notre pays… est positionné sur les ruines de cette région, « Kanto ». Le chercheur traquait visiblement des Type Spectres, et est tombé par hasard sur la Chose. D’autres rapports plus tardifs font le lien entre la Chose et des créatures d’un autre monde, les « Ombres ». Mais rien n’a jamais été avéré. Ce ne sont que des théories.
— Je… je vois.
— Je sais, c’est déroutant. Tu sais tout, maintenant. Puis-je reprendre mon travail ? Ou alors… il y a un autre problème ?

Le regard glacial de Mervald sonda Zak au plus profond de son être. Ce dernier frissonna et secoua la tête :

— N-Non, maître. Désolé de vous avoir dérangé.

Il se retira sans un mot de plus.



***


Lyco observait la forêt avec apaisement.

Le soleil se couchait par-delà les cimes, et la nuit commençait tout juste à reprendre ses droits sur le jour. Des rires et des voix éclataient en contrebas de la falaise, autour d’un feu de bois. Le campement était plein de vie. Même Karyl. Ce dernier s’était effondré après avoir vidé le tonneau d’alcool acheté auprès d’un groupe d’itinérants ; il avait presque réussi à se faire accepter après ces quatre semaines parmi eux.

Le groupe était soudé, et plus fort que jamais. Cette épreuve, d’atteindre Psyhéxa pour tuer le terrible Molch, les avaient renforcés. En plus, les pokémons sauvages ne les embêtaient presque plus, maintenant que Piaf avait évolué en Roucarnage et qu’il élevait sa petite famille dans l’arbre solitaire.

Le gouvernement de Mervald avait tenu bon malgré tout. Psyhéxa n’était plus qu’un havre pour les gangs, aux mains de groupuscules armés jusqu’aux dents. Mais Méranéa, la capitale, était toujours aussi forte. L’Arène continuait ses spectacles sanglants, et le gouverneur faisait encore parler de ses répressions violentes sur tout le pourtour du Désert de la Désolation.

Lyco sentait que bientôt, il reprendrait la lutte. Il avait eu un sacré contrecoup après la mort de Molch. Il avait perdu courage, devant les faits accomplis et comprenant ce qu’il restait à faire ; mais il avait senti un poids quitter ses épaules grâce à la présence de Lacrya pendant sa dépression passagère. Et maintenant, après de longs jours de doute, il se sentait plus fort qu’avant. Prêt à se tourner vers l’avenir et à oublier les images terribles de l’illusion de Molch.

Ses idéaux eux-mêmes avaient été un peu bouleversés. Mais en soi, il restait persuadé que Mervald devait mourir.

Il fallait simplement trouver les bonnes personnes à qui s’unir. Il fallait retrouver ses souvenirs, qui tardaient encore à se dévoiler. Et il fallait être prêt à se battre contre plus puissant qu’eux.

— Tu es encore ici ?

Lacrya arrivait dans son dos. Il lui sourit. Grocaillou, qui la suivait, s’arrêta à bonne distance du bord de la falaise. Le gigalithe était un peu tremblant.
La jeune fille s’assit à côté du garçon et observa le ciel rougeoyant en soupirant.

— Demain matin, je vais chasser avec Petite Dent. Tu viendras ?
— Bien sûr. J’ai aussi quelque chose à faire dans l’après-midi.
— Hm ? Quoi ?
— Ça prendra quelques jours, même.

Lacrya tourna la tête vers lui, intriguée. Lyco ferma les yeux une seconde, et prit une grande inspiration.

— J’aimerais aller dans une petite ville, juste au sud des Forêts. Le voyage ne devrait pas durer si longtemps que ça. Et c’est important. Je me suis souvenu de quelque chose.
— Ah bon ? Tu ne m’en as pas parlé. Dis-moi !
— Je… je savais déjà à l’époque, quand j’étais avec les pillards, que Mervald avait des produits capables de supprimer la mémoire des gens. Je le savais. Et j’avais prévu quelque chose dans le cas où je viendrais à devenir un Effacé.
— Et donc ? questionna Lacrya, impatiente.

Le garçon sentait ses yeux noirs le fixer avec insistance. Il toussota, gêné, et répondit finalement :

— Mon ancien moi a laissé quelque chose, dans un coffret. Près de cette ville. À côté des ruines d’un clocher, sur une colline. Je me souviens y avoir enterré quelque chose. Quelque chose de très important.
— Tu ne te souviens pas quoi ?
— Non… mais je sais que ça contenait au moins un message. Adressé à mon moi du futur.
— C’est bizarre…
— Oui, un peu. Ça m’intrigue. Je n’arrête pas d’y penser…

Lacrya saisit la main du garçon et rejeta sa queue-de-cheval derrière son épaule.

— On ira ensemble, alors.
— Merci d’être là.
— Je pourrais dire pareil.

« Sans toi ça ferait longtemps que je me serais laissé mourir dans l’Arène » faillit-elle ajouter. Elle préféra se retenir. Évoquer sa mort n’était pas une solution ; Lyco avait été suffisamment traumatisée par les évènements de Psyhéxa.

Ils se tournèrent vers le ciel qui s’obscurcissait à vue d’œil. Le silence qui régnait les apaisa, et ils restèrent immobiles un long moment, écoutant seulement le vent frais se lever. Grocaillou gigotait derrière eux, mal à l’aise en hauteur.

Finalement, Lacrya souffla :

— Othéus et Hank me manquent. J’aurais aimé qu’ils soient là pour nous voir.
— Oui, moi aussi…. je me demande ce qu’ils penseraient de nous.
— C’est vrai…

Ils restèrent silencieux, épaule contre épaule, face à la nuit qui tombait. Le vent soufflait sur la falaise, comme pour effacer des rochers toutes les aspérités qui y étaient nées. Grocaillou lâcha un grognement d’inquiétude quand une bourrasque souffla brusquement sur la falaise ; Lacrya et Lyco ne tardèrent pas à se lever pour rejoindre les autres.

Craignant à l’avance ce que l’avenir pouvait encore leur réserver.