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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 22/11/2018 à 11:31
» Dernière mise à jour le 22/11/2018 à 11:31

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 11 : Le destin aime l'ironie
« La destinée est un cheval rétif. Impossible de savoir quand elle va se cabrer. Les uns préfèrent ne pas se rebeller et lâchent les rênes, d'autres au contraire tentent de la soumettre. Peu réussissent à la chevaucher. Encore moins s'en rendent maîtres. » Andreï Dyakov.


***


Le bourrinos semblait infatigable. Othéus, lui, mourait de chaud.

Il avait revêtu un ample manteau censé le protéger des ardents rayons du soleil. Mais cela suffisait à peine. Il suait, et il n’était pas aussi résistant que le pokémon qu’il avait acheté. D’ailleurs, le prix de sa monture l’avait ruiné. Il avait économisé en prévision de ce genre de choses depuis des lustres, mais il était déjà à sec, à peine son voyage commencé.

Il devait à tout prix quitter le Désert de la Désolation et trouver de quoi vivre, auquel cas il vivrait aussi bien que la génération de ses parents.

Il se retourna ; Méranéa et son Arène étaient hors de vue. Devant lui, vers l’est, il n’y avait rien non plus. Les Forêts de l’Est étaient pourtant bel et bien dans cette direction. Il peinait à imaginer un endroit où il y avait de l’ombre et où la température n’avoisinait pas les quarante degrés à l’ombre. Il n’avait jamais quitté la région du Désert de la Désolation. Peu de gens s’y risquaient, d’ailleurs. La chaleur était leur seul moyen de survivre aux choses qui avait survécus à la Guerre et à l’Épidémie.

Mais Othéus restait confiant. Il avait entendu parler de pillards, de voleurs, de survivants, de rebelles et de colonies indépendantes qui survivaient à merveille dans les bois et même dans les montagnes, encore plus loin à l’est. Mais aussi sur tout le pourtour nord du Désert ; s’il ne trouvait rien à l’est, il irait là-bas, sans doute.

Othéus savait toutefois qu’il trouverait de quoi vivre. Il ne fallait pas perdre courage avant même d’avoir entamé sa nouvelle vie.

Il lui faudrait cinq à six jours à dos de bourrinos pour sortir du désert, s’il avançait régulièrement et en évitant les pauses. Heureusement, son pokémon semblait énergique et endurant à la fois. Ah, si seulement les hommes d’aujourd’hui avaient la possibilité d’avoir plein de créatures d’espèces différentes… Il n’y avait que dans l’Arène qu’on trouvait encore des spécimens exotiques. Beaucoup avaient péris ces dernières décennies…

Othéus maugréa dans sa barbe. Le soleil tapait fort.

Il baissa la tête, ferma les yeux, et se laissa guider par sa monture, qui avançait sans relâche dans l’aride désert crevassé du gouverneur Mervald.



***


— Hé là, vieil homme !

Ce fut cette voix sèche, presque enrouée, qui tira Othéus du sommeil. Il ouvrit les yeux, son cœur battant la chamade. Son bourrinos venait de s’arrêter. Ils étaient toujours en plein dans le Désert de la Désolation, mais…

Six hommes qui voyageaient visiblement en groupe lui barraient la route. Leurs vêtements amples recouvraient chaque parcelle de leur corps, les protégeant des dangereux rayons du soleil. Cinq d’entre eux étaient armés d’épées ou de longs couteaux. L’autre, une femme vu sa fine silhouette, avait une hyperball rouillée à la main.

— Hé bien, que fait un vieillard à errer par ici ? C’est dangereux, pourtant.

Othéus se racla la gorge et se redressa sur sa selle, méfiant :

— Je me rends dans les Forêts de l’Est. J’ai besoin d’un nouveau travail.

Les hommes se regardèrent entre eux. Othéus s’excusa :

— Je peux m’en sortir seul. Je dois y aller.

Il craignait qu’il ne s’agisse de bandits mal intentionnés. Le bourrinos pourrait difficilement accélérer vu son poids, et Othéus était effrayé en voyant une dresseuse dans leur groupe ; il n’y en avait plus qu’une petite poignée, de nos jours…

— Attends, vieil homme, l’interrompit celui qui l’avait accosté en premier. Quel genre de métier ? Figure-toi que nous recrutons.
— N’importe quel travail devrait faire l’affaire… pourquoi ? Qui êtes-vous ? Des commerçants ?
— Ah ! Non, loin de là. Nous volons. Rassure-toi, nous en venons rarement à la violence. Nous ne faisons que survivre. Mais notre groupe est récent, et comme ton pokémon nous intéresse, pourquoi ne pas nous allier ? Tu viens d’où ?
— De Méranéa. J’étais soldat.
— Oh, intéressant. Tu sais te battre ?
— Épée, hache, lance. Je sais aussi me servir d’armes à feu.
— Parfait. Tu serais le doyen de notre groupe, si tu te décidais à nous rejoindre, mais qu’importe. Un vétéran ne nous ferait pas de mal. Ça te dit ?
— Si vous choisissez de quitter ce désert pour aller dans les Forêts de l’Est, j’accepte volontiers.
— Parfait, alors ! s’exclama joyeusement l’homme en s’avançant.

Il tendit la main. Othéus hésita de manière imperceptible et la serra avec un bref sourire.

— Je m’appelle Friedrix.
— Othéus.
— Enchanté ! Puisse la chance et la fortune nous sourire !



***


Othéus avait longtemps douté du groupe de Friedrix. Il pensait à un piège, alors que le groupe au grand complet avançait près de lui et de son bourrinos infatigable. Le Désert de la Désolation n’en finissait pas. Les silences s’étiraient, les rares conversations tournaient en rond ; ils n’en disaient pas grand-chose sur eux. Sans doute que leur confiance n’était pas non plus au plus haut.

A la nuit tombée, Friedrix et ses hommes installèrent des tentes que l’un d’eux transportait sur un gros sac à dos ; c’était un colosse muet. Il avait eu la langue coupée pour avoir insulté des soldats à la botte de Mervald, trois mois plus tôt. Othéus avait été surpris de le voir parler avec les autres en bougeant les mains ; ils semblaient le comprendre facilement. Lui, il se sentait perdu.

Il fit la connaissance des membres du groupe autour d’un repas composé de viande séchée, et d’un bouillon de légumes bienvenu alors que le froid s’installait sur le désert plongé dans la pénombre. Othéus se vit offrir un manteau pour la nuit et un sac de couchage léger. Son bourrinos s’endormit à l’écart du camp, toujours campé sur ses pattes puissantes, et resta toute la nuit sous la surveillance constante d’au moins deux membres du groupe.

La femme qui en faisait partie était plutôt discrète. Othéus n’osa pas demander quel était son pokémon, ni où elle avait mis la main sur une hyperball. Ce genre d’objets de l’avant-guerre était rare, après tout. Elle n’avait pas l’air prête à s’ouvrir à lui, et ce sentiment était réciproque.

Le trajet pour traverser le désert dura un peu plus d’une semaine. Il fallait dire que le groupe n’avançait pas vite, car le terrain s’était fait accidenté sur la fin. Même sa monture avait peiné lors de certaines côtes.

Othéus comprit rapidement que ses nouveaux compagnons allaient lui être utiles. Il se plaisait déjà parmi eux après cette semaine passée à voyager. Ils étaient conviviaux, et si les vols n’avaient pas encore commencé, leurs réserves de provisions étaient sans cesse remplies grâce aux talents de chasseur d’un des hommes, qui leur ramenait du petit gibier en belle quantité. Friedrix indiqua qu’ils se contenteraient surtout de cueillette dans les Forêts de l’Est. Ce serait moins fatigant et plus sûr, car certains pokémons sauvages pouvaient se révéler dangereux dans les bois.

Les Forêts de l’Est apparurent enfin. Ce fut la première fois qu’Othéus, du haut de ses cinquante ans passés, vit des arbres en si grand nombre, et ce paysage à dominance verte et brune lui arracha un regard émerveillé.

C’était donc ça, une forêt.

Ces couleurs, cette odeur, cette verticalité !

Comment diable l’humanité avait-t-elle pu se déchirer en défigurant ainsi le monde ? Pourquoi Othéus devait-il se contenter de cette sombre vie, où les arbres et les rivières valaient autant que de l’or à ses yeux ?



***


Quatre ans passèrent.

Le groupe de Friedrix s’était agrandi au fil du temps. Il comptait désormais une vingtaine de personnes, rassemblées dans un vieux village abandonné en lisière des Forêts de l’Est. Le Désert de la Désolation constituait désormais une petite partie du paysage et avait été grandement remplacé par des petites plaines perpétuellement agitées par le vent. De l’autre côté, il y avait les sous-bois. On entendait le glougloutement d’un ruisseau aux abords du village, et Othéus aimait voir au petit matin le léger manteau brumeux qui semblait enlacer les grands arbres feuillus qui les abritaient de la pluie.

Othéus était toujours le doyen. Il partait à la cueillette, suivait parfois des hommes pour commettre quelques vols. Il s’était habitué à la violence lors de certaines altercations. Il commençait à voir l’ombre derrière le masque sympathique de Friedrix. C’était un homme qui aimait commander, qui aimait dominer. Certains nouveaux venus dans le groupe étaient également des bandits de renom. Certains faisaient preuve d’une grande cruauté envers leurs victimes. Une cruauté loin d’être nécessaire.

Mine de rien, Othéus avait été surpris d’apprendre que tant d’hommes vivaient dans les bois ou les traversaient. La vie existait tout de même encore, en dehors des terres de Mervald.

Othéus avait entendu parler de groupes de pillards qui traînaient à la frontière nord du Désert de la Désolation ; ils étaient des ennemis du gouverneur Mervald et lui mettaient des bâtons dans les roues à la moindre occasion. Ces groupes, épars mais nombreux, semaient la pagaille. Heureusement, les Forêts de l’Est étaient un peu plus calmes. Plus isolées, aussi.

Les seuls moments qu’appréciait encore Othéus dans le groupe de Friedrix, désormais, se passaient lors des veillées. On se racontait des légendes et des rumeurs au coin du feu. On évoquait l’ancien monde, l’avant-guerre. Et les histoires plus récentes, venues des régions périphériques.

Plusieurs de ces histoires revenaient souvent. Othéus se demandait si elles étaient vraies ou non. Certaines paraissaient trop farfelues, mais d’autres semblaient empreintes de vérité. Othéus avait entendu parler du Rexilius Noir, dévoreur avide qui errait dans le Désert de la Désolation, accompagné de sa meute. Certains des brigands assuraient l’avoir déjà aperçu, ou avoir entendu son rugissement au loin, à la nuit tombée.

Les quatre années étaient passées vite, mais Othéus commençait à ne plus apprécier le groupe. Leur avidité était de plus en plus fragrante, et ils prenaient trop confiance à son goût ; ils pillaient même quand les réserves étaient remplies. Ils détruisaient des vies sans raison, et sans chercher la moindre excuse valable.

Il s’était dit qu’il ne tarderait pas à partir, mais où ? Et comment ? Il pourrait toujours récupérer son bourrinos, mais le pokémon n’était pas très rapide ni discret pour s’enfuir. Il s’était usé à force de labourer leurs quelques champs, et ces quatre années n’avaient pas été faciles pour lui.

S’enfuir était nécessaire, plutôt que de partir en disant au revoir à ses camarades. Othéus le savait ; ceux-ci l’auraient empêché, ou dissuadé, de partir.

Il avait commencé à amasser secrètement de petites parties des vols. Cela lui permettrait d’avoir de quoi vivre pour un moment. Mais… une autre idée commença à germer.

Quand, un beau matin, trois hommes du groupe revinrent avec les mains pleines de sang après avoir massacré une famille entière pour leur arracher leurs objets précieux, Othéus fut convaincu qu’il était temps de partir. Dans la nuit, il entassa ses affaires et toute sa petite fortune dans un gros sac à dos. Il l’enfila sur ses épaules et, évitant les veilleurs qui surveillaient moyennement bien leur petit village abrité, il alla dans la réserve pour saisir une superball, objet d’un de leurs butins.

Il s’éloigna suffisamment pour que la lueur de l’engin n’attire plus l’attention. Il lança la Ball et un bel arcanin en sortit. Othéus grimpa sur son dos et le fit se diriger à grandes foulées vers le Désert de la Désolation. Non seulement l’arcanin courait vite, mais la chaleur qu’il dégageait permettait à Othéus de ne pas mourir de froid en pleine nuit.

Il sourit. Il avait tout prévu, et il allait enfin pouvoir se rendre utile là-bas.

Il imagina le sourire des habitants quand il distribuerait son argent, et il oublia momentanément que le groupe de Friedrix allait certainement le prendre en chasse dès le lendemain.



***


Trois jours avaient défilé à toute allure.

Othéus n’était plus aussi calme.

L’arcanin était épuisé ; il avait semé pour la deuxième fois consécutive Friedrix et ses nouveaux mercenaires. Ceux-ci, armés jusqu’aux dents, avaient tenté de le tuer. Ils avaient amené leurs pokémons comme montures, des bêtes moins rapides que l’arcanin mais tout aussi endurantes. Othéus n’osait pas faire de pause.

Il s’était bandé le bras ; une balle de fusil l’avait sérieusement éraflé. Sa blessure le lançait au moindre mouvement.

La ville n’était plus très loin ; avec un pokémon aussi vif, le voyage paraissait bien court. Othéus était certain qu’il allait dans la bonne direction. Il devait y arriver le plus vite possible, distribuer une part de ses richesses dans le bidonville, puis il se fondrait dans Méranéa… Friedrix finirait par le laisser tranquille. La ville était densément peuplée malgré sa petite taille. Il serait aisé de s’y abriter quelques jours. De disparaître dans un souffle.

— Courage, lâcha Othéus en caressant la douce fourrure d’Arcanin. On y est presque, mon ami.

La chaleur du désert en plein jour était terrible, mais Othéus avait pris soin de prendre des vêtements adaptés pour s’abriter des rayons. Malgré tout, la chaleur dégagée par son pokémon rendait le trajet plus pénible encore que celui entamé quatre ans plus tôt, dans le sens inverse…

Des cris retentirent au loin ; Othéus se retourna. Ils arrivaient. Friedrix, perché sur un galopa, et deux hommes armés, l’un sur un chevroum et l’autre sur un mastouffe. Ils ne lâchaient rien !

— Vite ! lança Othéus en se penchant en avant.

Le chien aboya comme pour s’encourager et s’élança dans le désert aride. Le sol craquelé semblait éclater en petites poussières sous ses pattes puissantes. Le vent brûlant fouetta le visage d’Othéus, qui se pencha davantage pour offrir moins de résistance à l’air.

Un coup de feu retentit. Othéus entendit la balle se perdre dans le sol, à moins de deux mètres de lui. Friedrix visait drôlement bien. Heureusement, un nuage de poussière était soulevé par l’arcanin, leur offrant un minimum de sécurité. Et leur grande vitesse allait bien vite leur permettre de se placer hors de portée.

Othéus lâcha un cri de surprise.

A l’horizon, les premiers bâtiments de la ville apparaissaient.

— Arcanin, tu vois, là-bas ? Fonce jusqu’à cet endroit. On pourra se reposer autant qu’on le voudra, là-bas ! Il y aura de l’eau, de la nourriture !

Le pokémon, excité, obéit et modifia sa trajectoire pour aller au plus court. Il sauta par-dessus une petite crevasse et augmenta drastiquement sa vitesse. Othéus jeta un coup d’œil derrière lui. Ses ennemis étaient loin. Ils allaient y arriver ! Peut-être que Friedrix n’allait même pas vouloir aller en ville, lui qui détestait Mervald.

« Non, il tient trop à son argent, et il est trop fier pour me laisser m’enfuir avec son pokémon le plus rapide… » songea Othéus en grimaçant.

Friedrix était tenace.

Mais Othéus comptait l’être encore plus.



***


L’arcanin semblait exténué lorsqu’il ralentit pour s’arrêter en ville. Othéus mit pied à terre, le remercia sincèrement et le fit rentrer dans sa superball. Il valait mieux qu’il se repose un moment.

Othéus réajusta son sac à dos sur ses épaules, enfila son capuchon, et se dirigea aussitôt vers la rue principale où se massait une foule d’individus. C’était certainement l’un des marchés hebdomadaires. Mervald avait fait rapporter des récoltes issues des zones à plantation. Ces zones se trouvaient juste au nord de la ville, dans le désert.

Avec l’aide de puissants machopeurs, Mervald avait transformé une petite partie du Désert de la Désolation en terre fertile. Il y faisait travailler des esclaves pour cultiver et récolter la nourriture.

Othéus essaya d’ignorer les bonnes odeurs et le bruit de son estomac affamé et il se dirigea droit vers les bidonvilles.

Il ne remarqua pas, non loin de là à l’entrée de la ville, Friedrix et ses hommes descendre de leurs propres montures, et le cherchant du regard.



***


La petite famille fondit en larmes. Le patriarche de ce beau petit monde prit Othéus dans ses bras pendant que les enfants admiraient les pièces d’or qu’il venait de leur confier.

— Faites-en bon usage, murmura Othéus avant de se détourner pour terminer sa distribution.

Il ne lui restait plus grand-chose, mais ces sourires, ces pleurs de joie et ces remerciements lui faisaient chaud au cœur. Il ne pouvait se résoudre à garder l’or pour lui : trop de personnes en avaient plus besoin que lui-même.

Il donna des pièces à quelques mendiants stupéfaits, lança une petite bourse bien garnie à un père de famille qui observait la scène avec surprise, puis termina sa tournée en donnant un collier en argent à une vieille femme affamée sur le bord du chemin.

Les soldats de Mervald n’avaient rien remarqué de son manège. Othéus les surveillait discrètement et s’était rendu compte qu’après ces quatre ans, leur ronde n’avait pas changé. Ils suivaient toujours le même itinéraire. Le bidonville s’était agrandi, pourtant, en quatre ans, et la fosse commune avait été déplacée plus loin. Les vostournos étaient toujours là, mais plus rachitiques et voraces que dans ses souvenirs.

Othéus était attristé de voir que la population avait enflé à ce point. Les gens vivaient presque les uns sur les autres, et les tentes et cabanons étaient collés les uns aux autres. Il n’avait dû distribuer de l’argent qu’à un petit, très petit pourcentage de tous ces gens.

— Il est là ! Othéus, espèce de connard ! s’exclama une voix.

Le vieil homme pivota. Il eut le temps d’apercevoir Friedrix, qui siffla pour attirer ses hommes, certainement en train de le chercher plus loin.

Friedrix leva son fusil mais se rendit compte qu’il n’avait pas retiré le cran de sécurité. Sauf qu’Othéus avait bondi entre deux abris de bois, et s’était mis à courir.

Comment faire ? Friedrix voulait le tuer. Il se fichait apparemment que les soldats l’arrêtent, ou alors il allait leur donner un pot-de-vin pour s’en tirer après lui avoir tiré dessus…

Othéus ne vit qu’un moyen, simple et efficace.

Il devait échapper à la mort, même si ça signifiait prendre le risque de finir enfermé quelques mois.

Il courut droit vers l’Arène, dont les gradins et les bâtiments adjacents s’élevaient bien au-dessus des plus hauts bâtiments de la ville.

Il traversa le bidonville à toute allure, n’écoutant pas les battements affolés de son vieux cœur, ignorant les déboires que subissaient ses pauvres poumons. Des soldats le regardèrent passer avec méfiance. L’un d’eux lui aboya de s’arrêter. Othéus les ignora. Les soldats coururent à sa suite. Friedrix était plus loin derrière.

Othéus parvînt à l’une des immenses entrées de l’Arène. Une dizaine de soldats surveillait la porte. Il fonça vers eux.

Et frappa l’un d’eux en plein visage.

Les soldats se jetèrent sur lui, le frappèrent, puis lui passèrent des menottes.

Othéus, exténué et impuissant, les laissa faire. L’un d’eux prit la superball d’arcanin, les autres fouillèrent ses poches et lui ôtèrent son couteau et son sac à dos.

— Tu vas remplir nos cellules, mon vieux ! ricana un des soldats.
— Sérieux, j’ai jamais vu un mendiant comme lui assez courageux pour frapper l’un des nôtres ! Quelle blague ! renchérit un autre.

Othéus les ignora. Il aperçut, parmi une foule de curieux, Friedrix qui observait la scène, furieux, avec son fusil dissimulé sous son manteau. Othéus esquissa un bref sourire dans sa direction.

Plutôt passer du temps en prison que de mourir tué par cet homme.

La prison restait une option plutôt agréable.

Un gradé arriva au pas de course et intervînt :

— Attendez ! Où l’emmenez-vous ?
— Dans la maison de gardes, chef.
— Non, non. On a reçu des ordres clairs, la semaine dernière. Toute agression sur des soldats de Mervald vaut la perpétuité en Arène. Donc emmenez-le tout droit en cellule collective. Il participera aux combats dès demain.

Othéus écarquillé les yeux de terreur. L’Arène… autrefois elle n’était destinée qu’aux meurtriers. Alors, pourquoi… ?

— Ta vie est finie, vieillard, ricana un garde en le poussant vers l’avant.