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Le Royaume de Kirazann : Les Sources de Vie de Lief97



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Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 05/11/2018 à 20:53
» Dernière mise à jour le 12/11/2018 à 17:20

» Mots-clés :   Aventure   Cross over   Fantastique   Médiéval   Mythologie

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Chapitre 9
« Les traditions Kerchakh comptent autant de rituels et de préceptes qu’il y a d’arbres dans le Royaume ! »

Extrait d’une lettre de Mharcus Libellion en réponse à la Doyenne Kerchakh



***


Arya et Élio tendent leur plaquette au soldat qui les a hélés près des hautes portes closes ; alors qu’ils ont longtemps dû errer entre les charrettes rutilantes et les nobles dédaigneux, voilà qu’on les considère enfin comme autre chose que des mendiants errants.

— Suivez-moi, lâche le soldat, un peu plus décontracté.

Élio note discrètement qu’il a desserré les poings. Aurait-il été capable de les frapper pour leur sommer de partir ? Se tenait-il prêt à les renvoyer à la cité ?

Il a suffi de quelques minutes au garçon pour comprendre, après leur arrivée près de l’amphithéâtre, qu’il n’y a que des nobles et des soldats dans les environs. Les « pauvres » n’arriveront que demain. Il aurait été presque normal qu’ils soient renvoyés, mais frappés ? Le Roi compte-t-il vraiment se montrer clément envers le peuple, ou est-ce seulement pour lui faire plaisir qu’il a laissé les gens de la cité des goélises participer à l’évènement ?

Peut-être que le Roi ne contrôle pas assez l’Armée de Kirazann pour faire changer les mœurs ? Tout le monde connaît de nom le Commandant Joyalis, après tout. Et les rumeurs vont bon train ; beaucoup racontent qu’il est l’égal du Roi et ne se laisse intimider par personne, y compris par les pouvoirs de la lignée royale…

Le soldat les guide le long d’un mur immense ; le mur lisse et courbé, qui cache, de l’autre côté, ce mystérieux et certainement grandiose amphithéâtre.
Les gardes s’agitent un peu partout, montant des tentes, des cabanes provisoires, et plaçant des barricades dans la zone, aidés de vingtaines de pokémons de type combat ou roche. Les nobles, eux, disparaissent alors qu’ils s’éloignent de la belle route pour accéder à une porte cachée sur une autre façade du promontoire creusé.

Enfin, après deux minutes de marche silencieuse — Arya est probablement trop nerveuse pour ouvrir la bouche, étonnant ! — le soldat s’arrête face à un renfoncement étroit. Il frappe contre un battant invisible, de la même couleur que le mur de pierre. Élio met un moment à voir ladite porte, camouflée par une capacité quelconque.

Le soldat attend un peu, impatient et marmonnant quelque chose. Puis enfin, un autre homme, plus jeune et sûrement inexpérimenté, ouvre de l’intérieur.

— Sergent ! déclame-t-il d’un air solennel.
— Repos, petit. J’amène deux des participants. Ils sont… Élio et… Arya, grogne-t-il en jetant un œil aux plaquettes qu’il a conservé dans sa main gantelée. Tenez, reprenez-les.

Les deux arrivants obéissent docilement face à la voix autoritaire mais dépourvue de méchanceté du sergent. Élio enfile sa plaquette dans une poche, alors qu’Arya la raccroche sur un cordon de cuir qu’elle a conservé autour du cou.

— Je te laisse les guider où il faut, petit.
— À vos ordres, sergent ! Je m’en occupe !

Le gradé s’éloigne, retournant sûrement à son poste devant l’entrée fermée de l’amphithéâtre. Le jeune soldat leur indique respectueusement de le suivre.

Élio ne tarde pas à se retrouver dans des couloirs sombres que des torches peinent à éclairer d’une lumière rougeoyante. Il fait humide, et ça sent le renfermé. Le moisi, même. Le couloir est drôlement étroit. Il distingue des marches devant le jeune soldat qui les guide, et ils montent une volée d’escaliers avant de se retrouver dans une salle au plafond bas et aux murs pierreux et suintants.

— Je vais vous montrer rapidement l’arène, explique le garde en traversant la pièce à grands pas. Ce n’est pas loin. Après, je vous laisserai rejoindre les autres participants dans le salon qui vous est dédié. Vous aurez droit à des chambres et des repas gratuits, et vous pourrez vous entraîner si vous le souhaitez. Même si je ne le conseille pas : vos adversaires pourraient en profiter pour vous observer et préparer des stratégies. Bien que certains se soient déjà renseignés sur vous, je suppose…
— Des chambres et repas gratuits ? s’étonne Arya, qui semble n’avoir retenu que ça.
— Oui. Nous vous donnerons aussi des vêtements adaptés à votre type, si vous le souhaitez.

Si le soldat n’en montre rien, Élio semble tout de même percevoir une pointe de dégoût dans son ton. Presque imperceptible.

Il est vrai que leurs vêtements sont vieux, et pas très propres… et ils n’ont pas vraiment les moyens d’en acheter de neufs régulièrement. Il serait en effet assez malvenu de se présenter ainsi à un tournoi auquel le Roi est présent.

Après quelques pérégrinations dans des couloirs tout aussi sombres et étroits que les précédents, ils émergent enfin à l’air libre ; les rayons obliques du soleil les aveuglent un moment.

Le soldat s’avance et s’arrête derrière un muret de pierre. Élio et Arya, subjugués, s’avancent à leur tour et lèvent le nez en l’air.

Ils se trouvent dans une sorte d’immense puits en entonnoir ; des gradins sur plusieurs étages, en pierre avec des rambardes en fer, s’élancent à l’intérieur de la structure vers le sommet du grand promontoire, faisant presque fi de la gravité. D’épaisses colonnes soutiennent le tout, recouvertes d’étendards de Kirazann enjolivant l’endroit de couleurs plus chaudes. Devant eux, derrière ce muret circulaire, s’étend un terrain sableux, légèrement ovale, et assez grand, pour un terrain d’entraînement. Élio devine qu’il s’agit de l’endroit où se dérouleront leurs futurs affrontements.

— Voilà l’arène, désigne le soldat, nullement impressionné. Le peuple aura accès aux gradins des trois premiers paliers, puis viendront les soldats et les nobles. La loge royale est là-haut, en face de nous. À droite, c’est l’entrée des spectateurs.

Les portes fermées sont visibles un peu plus loin. Élio reste stupéfait par leur hauteur. Il est bien incapable de voir quelque chose au-dessus d’elles, si ce n’est le ciel bleu et dégagé. Ce n’est qu’à ce moment qu’il se rend vraiment compte que cet immense endroit est arrosé par les rayons du soleil, qui les observe par-delà les plus lointains gradins.

— Derrière nous, dit le soldat en se retournant, on accède à vos chambres par cette porte, mais pour l’instant, entrez là-bas. C’est le salon où patientent les autres participants. Certains sont arrivés en avance. Vous êtes presque les derniers, ne ratez pas le briefing.

Élio et Arya acquiescent. Maintenant qu’ils sont là, ils se sentent tout petits et même insignifiants. Comment espérer remporter un combat dans un endroit pareil, face à des nobles et des soldats entraînés ? Surtout pour eux, qui ont grandi dans des bidonvilles mal famés et n’ont connu rien d’autre que l’Avenue, les vols, les boulots mal payés, et la famine ?

Le soldat ouvre la porte du salon sans paraître percevoir leur malaise. Aucun d’eux ne se sent à sa place ; pourtant, trop tard pour revenir en arrière.

Ils rentrent dans le salon. La porte se referme derrière eux, insensible à leurs doutes.



***


Natael d’Orthalos est confortablement installé dans un des fauteuils rouge feu éparpillés dans le grand salon. Il apprécie cet endroit. On voit que le Roi y a mis les moyens. Les cuirs sont de qualité, le tapis également, et les coussins de satin doivent valoir une petite fortune. Les tapisseries sont probablement un peu trop barbares et rudimentaires, mais qu’importe la décoration ; Natael n’est pas là pour critiquer les goûts de Mharcus Libellion, mais bel et bien pour se préparer au tournoi.

D’autres jeunes sont présents dans la pièce ; il vient juste de mettre fin à une conversation polie et distinguée avec une jeune femme qu’il a déjà rencontré plusieurs fois au château. Certains nobles discutent autour d’une table sur laquelle un serviteur à déposé un service à thé ; deux machocs habillés de costumes luxueux sont chargés de répondre à chacune de leurs attentes. Ils s’affairent à rapporter des petits fours depuis les cuisines de l’amphithéâtre, enterrées un étage plus bas.

Natael tourne le regard vers les longues tables de bois brut, à l’autre bout du salon ; assis sur les bancs, les dix-sept jeunes soldats se sont regroupés pour échanger autour de diverses boissons. Le jeune homme ne s’est pas approché de ceux-là. Comme tous les militaires du Royaume, ils sont certainement de mauvais goût, avec leur penchant pour les armes et la boisson, et leur ignorance artistique.

Il soupire. Si seulement il avait eu plus de liens avec les autres nobles ! Il se serait moins ennuyé. Mais le nom des d’Orthalos est souillé depuis l’assassinat de son père, et il ne peut rien y faire pour l’instant.

Le tournoi va enfin pouvoir changer les choses de ce point de vue-là — ou du moins commencer à les changer.

La porte menant à l’arène s’ouvre soudain. Deux inconnus entrent dans le salon. Natael comprend aussitôt qui ils sont.

Deux des quatre représentants du peuple.

Des gueux.

Natael les observe avec dégoût. Leurs pantalons sont déchiquetés au niveau des chevilles. Des taches de nature inconnue parsèment leurs vêtements simplistes et grossièrement cousus. Et leurs yeux brillants furètent dans toute la pièce, surpris par la richesse des lieux. Natael émet un bref ricanement en voyant leurs mines déconfites.

Les bruits de conversation se sont un peu atténués dans le salon ; tout le monde dévisage rapidement les arrivants. Il y a un bref moment de flottement, mais vite, les échanges reprennent. Plus bas, murmurés presque. Nul doute qu’on parle d’eux.

Natael croise le regard de la fille, puis du garçon. Ils détournent les yeux, gênés. Intimidés, peut-être ? Le costume de Natael a dû leur couper le souffle.

Il les observe du coin de l’œil s’installer sur le bord d’un canapé, comme s’ils craignent de le salir, et à raison. Natael tourne la tête de l’autre côté, tentant de les ignorer. Il ne supporte pas le fait que des gens du peuple, des pauvres, des sauvages, puissent avoir le droit de participer au tournoi. En plus d’eux, d’autres monopoliseront les gradins inférieurs demain.

C’est insupportable.

Il espère tomber contre l’un d’eux en duel ; et l’écraser, pour rappeler à ces gens que leur place est dans la boue, pas devant le Roi.

La victoire, c’est à lui de la décrocher.



***


— Ayfiel. Tu dois rester là-haut, dans la volière. Tu comprends ?

Le sonistrelle maladroit, agrippé à ses vêtements, regarde Ambre de ses grands yeux jaunes, comme en pleine concentration. Occupée à lui gratter la tête avec affection et amusement, la jeune sergente l’observe alors qu’il semble saisir ses propos ; puis il émet un cri strident. Ambre prend ça pour un oui.

— Allez, retourne là-haut, et ne t’enfuis plus ! Un soldat viendra te nourrir avec les autres pokémons. Ne te bats pas, compris ?

Le jeune pokémon, plein d’entrain, la lâche brutalement et, dans un bruit de tissu caractéristique, s’envole énergiquement dans l’immense puits qu’est l’amphithéâtre ; il file droit vers les hauteurs, par-delà les plus hauts gradins, où est habilement camouflée la petite volière locale.

Ambre soupire et défroisse ses vêtements du plat de la main. Ayfiel a beau être capable de voler, il n’en pèse pas moins un certain poids, et ses griffes commencent à être acérées. Pas assez pour déchirer ses vêtements de bonne facture, mais tout de même. Il faudra songer à le dresser pour éviter ce genre de désagrément à l’avenir.

La jeune femme s’accoude au bord du terrain sableux où aura bientôt lieu le tournoi. Positionnée à l’ombre d’une colonne parée d’un étendard de Kirazann, elle se sent un peu nerveuse. Presque autant que le jour de son recrutement dans l’armée. Presque autant que le jour où le Commandant Joyalis en personne l’a invité dans son bureau pour la nommer sergente de garnison.

Presque.

Peut-être que c’est dû au fait d’avoir sympathisé avec les autres soldats participants, ou simplement parce qu’elle ne réalise pas encore à quel point l’évènement est grandiose, mais le tournoi ne l’inquiète plus tant que ça.

— Le calme avant la tempête, souffle-t-elle, le regard dans le vide.

Le silence dans l’amphithéâtre est agréable. C’est désert. Il y a bien quelques soldats au sommet de l’immense porte close, mais ils font leurs rondes sans un mot. D’autres sont postés sur les hauteurs, droits et immobiles. Quelques éclats de voix proviennent de l’extérieur, d’autres depuis des portes ouvertes à proximité, et qui mènent dans les profondeurs du promontoire.

Cette étrange sensation d’être dans une bulle à l’écart de tout lui fait du bien. Ambre aime bien s’amuser, voir de nouvelles têtes, visiter de nouveaux endroits. Mais parfois, une pause est ce qu’il y a de meilleur. Elle peut alors faire tomber le masque, se permettre de rêver un peu, de penser à toutes ces choses auxquelles elle n’a pas l’habitude de réfléchir.

Le soleil commence à disparaître, et l’ombre à s’étendre au fond de l’amphithéâtre. Il commence à se coucher. Un vent frais balaye les gradins poussiéreux. Un hennissement retentit au-dehors, accompagné des échos d’une douce mélodie jouée au violon. Ces sons viennent probablement du village provisoire des nobles, construit pour l’occasion. Où qu’ils aillent, ils ont droit au luxe, à l’oisiveté et à la paresse.

C’est une des choses qui l’irrite, la passivité. Elle a toujours besoin d’avoir quelque chose à faire, ou quand elle ne fait rien, elle se trouve rapidement une activité utile, de quoi se sentir nécessaire. La noblesse est un monde à part, que certains pensent privilégié. Ambre n’est pas du même avis ; pour elle, c’est l’inverse. Les aristocrates ne sont pas confrontés à la réalité. Ils se complaisent dans leur confort et leur richesse, sans saisir l’essence des choses. Ils ne savent pas ce qu’ils ratent, à rester dans leurs beaux salons, ou à pavaner dans des robes trop larges.

Le vrai monde est dehors, par-delà leurs belles fenêtres, et criant qu’on l’arpente.

Un bruit plus loin sur sa droite intrigue Ambre. Elle relève la tête ; la porte du salon s’est entrouverte. Deux participants en sortent en discutant à voix basse. La jeune soldate, immobile, les reconnaît. Ce sont les deux derniers arrivants de la journée. Des gens du peuple.

Elle n’a pas eu le loisir de s’approcher d’eux ; il faut dire que leur entrée a jeté un froid dans la pièce, tout à l’heure. Ambre aurait bien tenté de discuter, mais ça aurait sûrement encore plus déstabilisé ces deux-là.

Aucun d’eux ne semble la voir. Il faut dire qu’elle est maintenant plongée dans l’ombre, avec le soleil qui a disparu et la colonne qui l’occulte encore. Elle se doute qu’ils parlent de l’accueil que les autres leur ont réservé. C’est triste de voir à quel point les nobles et même certains soldats considèrent les quatre participants du peuple.

Ambre ne saisit pas leurs réactions. Pourquoi dédaigner ceux qui représentent la majorité des habitants du Royaume ? Ceux qui cultivent, construisent et creusent jusqu’à l’épuisement ? Ce sont eux, les plus méritants. Les pauvres qui s’acharnent à survivre ou à se faire une place dans la société. Les nobles ne comprennent pas, soit. Mais les soldats ? Leur idéal est bien de protéger la population, pourtant ? À quoi bon protéger des gens qu’on méprise ? Pourquoi devenir soldat, alors ?

Parfois, elle a l’impression d’être la seule à s’être engagée par altruisme.

Ambre s’étire souplement, et retient un bâillement. Elle rassemble ses esprits, met de côté ses questions sans réponse, et fait demi-tour.

Avant d’avoir choisi quoi faire, un gradé passe la tête par l’entrebâillement de la porte du salon ; il leur fait signe et déclare aussitôt :

— Nous allons annoncer le déroulement du tournoi.



***


Tout le monde est rassemblé dans le salon. Des rangées de chaises ont été amenées face à un grand tableau d’affichage qui fait tache dans le beau salon meublé. Élio, assis tout au fond près d’Arya, constate que les deux autres qualifiés du peuple sont au premier rang.

Il a reconnu l’homme de type sol, avec ses cascades boueuses et ses jets de sable ; et un autre, de type combat et roche, qu’il a à peine remarqué pendant les qualifications. Élio constate discrètement que personne ne s’assoit près d’eux.

Deux soldats gradés se tiennent debout de part et d’autre du tableau d’affichage. Le premier est en train d’accrocher quelque chose dessus, alors que l’autre s’avance d’un pas et laisse son regard courir sur les participants :

— Nous allons vous expliquer en détail le déroulement de ce tournoi. Comme annoncé par les hérauts du Roi, les trois premiers remporteront un prix, prix qui ne sera dévoilé qu’à la fin du tournoi. Vous devrez affronter vos adversaires rassemblés ici, dans des combats en un contre un. Aucune arme venant de l’extérieur n’est autorisée. Mais tous les coups sont permis. Oui, vous avez bien entendu.

Une jeune noble intervient, outrée.

— Vous voulez dire qu’on peut s’attaquer à pleine puissance ? Et si nous sommes blessés par une attaque ? Ce serait terrible, et honteux !
— C’est un combat, mademoiselle, réplique sèchement le soldat. Nous voulons faire de ces combats des rixes proches de la réalité. Ne vous en faites pas cependant ; nous vous recouvrirons de tenues adaptées, et des soldats de type psy seront là pour vous éviter des blessures à la tête, des entailles profondes ou des coups jugés trop puissants. Des soins seront évidemment administrés dans les plus brefs délais. Le risque d’être tué est de zéro ; vous pourrez donc combattre à pleine puissance si vous le désirez, oui. C’est même recommandé. Voilà la volonté de notre Roi pour ce tournoi. Vous devrez déchaîner votre plein potentiel pour l’emporter.

Le premier gradé termine d’accrocher une grande affiche et s’écarte pour prendre la parole.

— Voilà comment se déroulera le tournoi. C’est un arbre de tournoi, à élimination directe. Au premier combat perdu, vous êtes éliminé. Au contraire, si vous gagnez, vous accédez au combat suivant. Comme vous le voyez, nous avons fait deux arbres ; les gagnants de chaque arbre se retrouveront donc en finale. La petite finale pour décider de la troisième place se jouera en dernier.
— Nos noms sont déjà inscrits, remarque un participant à voix haute.
— En effet. Nous avons déjà inscrit vos noms de manière aléatoire dans les deux arbres. Cette affiche restera là le temps du tournoi, et je me chargerai moi-même de le modifier au fur et à mesure des combats. Des questions ?

Un léger silence retombe dans le salon. Les explications semblent claires, personne ne paraît avoir quelque chose à y redire. Avec hésitation, un jeune homme lève la main.

— Oui ?
— L’abandon est envisageable si on se retrouve face à un adversaire trop fort pour nous ?
— L’abandon est interdit. C’est un tournoi officiel, donc chacun de vous est là pour aller jusqu’au bout. Et ce serait décevoir le Roi, tout comme le public.
— Je comprends, merci.
— Autre chose ?

Comme personne ne répond, le soldat se frotte les mains, comme rassuré d’être libéré de sa tâche aussi vite.

— Vous pouvez disposer. N’oubliez pas d’aller chercher un repas au comptoir et ne vous trompez pas de chambre. Vous serez réveillé avant l’aube demain matin, alors ne tardez pas.

Arya se lève d’un bond en même temps que la moitié des participants et file droit vers le tableau du tournoi. Élio, patient, attend que les autres aient fini de contempler cet « arbre » qui ne ressemble en rien à un arbre (juste des cases reliées par des lignes) et s’approche finalement du tableau après un moment.

Il reconnaît quelques lettres, et son regard tombe sur son nom. Du moins, il suppose que c’est le sien. Ça ressemble à ce qui est inscrit sur sa plaquette de participant. Gêné de ne pas savoir lire, il regarde à droite et à gauche. Arya, dont il sait qu’elle a quelques connaissances en la matière, est déjà au comptoir en train de quémander son dîner ; évidemment.

En se tournant de l’autre côté, le garçon constate la présence d’une fille. Une soldate, à en juger sa tenue, son assurance, et son absence de sourire en coin ou de grimace — détail qu’affectionnent bien les riches en se présence.

Il est pendant une seconde très surpris par son visage rayonnant, ses grands yeux d’un bleu pur et son impressionantes natte tressée et violacée. Mais faisant fi de sa crainte, il se lance.

— Excuse-moi…
— Oui ?

Sa voix, douce et agréable, semble dépourvue de toute trace de dégoût ou de jugement. Peut-être qu’il existe des gens tolérants parmi les participants.

— Je… je ne sais pas bien lire… Tu pourrais me dire contre qui je vais devoir me battre... s’il te plaît ?

La jeune femme le regarde pendant une brève seconde avec une intensité étrange, comme cherchant à percer ses secrets. Il pense pendant un fol instant qu’elle va refuser, mais…

— Oui, bien sûr ! répond-elle en esquissant un sourire sincère. Comment tu t’appelles ?
— Élio. Mon nom est là, je crois…

Elle se rapproche de lui et hoche la tête en désignant sa case.

— Oui, c’est ça. Tu affrontes Ivir Denevan. Je crois que c’est la fille rousse, là-bas.
— Je vois, une noble, alors. Et Arya, où est-elle ?
— Arya, c’est la fille qui était avec toi à l’instant ?
— Euh, oui…
— Vous vous connaissez bien ?
— Non, pas vraiment, mais… ce serait bête de s’affronter dès le début…

Élio, bêtement, se sent rougir. Cette soldate a l’air drôlement curieuse, trop peut-être. Et son léger parfum floral le déstabilise un peu. Les gens de la cité des goélises ne sentent jamais aussi bons, loin de là…

— Arya, Arya… elle est dans le même arbre que toi, mais tu ne pourras la croiser qu’en demi-finale. Et si tu veux me battre, moi, il faudra attendre la finale, vu que je suis dans le deuxième arbre ! Tu as besoin d’autre chose ?
— Non, c’est bon, merci beaucoup.

Elle penche la tête sur le côté, intriguée. Élio s’apprête à s’esquiver, mais elle lance déjà :

— Au fait, je m’appelle Ambre Karalune. Un plaisir de te rencontrer, Élio. Bonne chance pour le tournoi !

Et voilà que comme un coup de vent, elle passe devant lui et s’éloigne vers la queue qui se forme pour attendre de manger. Un peu désorienté par cette brève mais vivante rencontre, Élio fixe quelques secondes ce tableau d’affichage, avant de suivre les traces des autres participants.

Il a d’autres choses à penser, et sait qu’il doit rester concentré. Il va manger, avoir droit à une nuit de sommeil sur un véritable lit, et après…

Après, peut-être qu’il pourra prendre l’ascendant sur son destin d’errance dans la cité des goélises.