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La couleur de la lumière de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 30/03/2018 à 22:08
» Dernière mise à jour le 30/03/2018 à 23:06

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh   Suspense

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XLIII- Faces cachées
Moonrise était anxieusement plantée devant la porte du bureau de son Boss, bras levé et poing fermé, hésitant à frapper. Il l’avait convoquée de toute urgence, annulant par la même occasion sa mission à Frimapic. Mais elle ignorait encore tout de la raison de ce retour aussi forcé que précipité, et elle était nerveuse. Oui, elle, nerveuse ! Il n’y avait que le Boss qui lui faisait cet effet, parce qu’elle ne parvenait pas à décrypter ses émotions. Son visage demeurait insondable en toutes circonstances. A contrario, lui était très doué pour deviner les siennes, ce qui l’agaçait, presque autant que cela l’impressionnait. Car, au fond, la jeune fille éprouvait une profonde admiration à l’égard de son supérieur.

Ainsi, elle hésitait, tout en se répétant régulièrement que son appréhension était ridicule et que, de toute façon, elle ne pourrait échapper pas bien longtemps à cette entrevue. Alors, autant en finir tout de suite. La fillette aux couettes violettes expira un bon coup, prit son courage à deux mains, et frappa à la porte. Une voix grave mais suave lui répondit presque immédiatement :
– Entrez.
Mal à l’aise, Moonrise s’exécuta et se retrouva alors dans le spacieux bureau de son Boss.

Elle n’y était pas venue souvent, mais à chaque fois, l’aspect résolument moderne du lieu l’avait marquée : les étagères sombres pleines à craquer de livres – dont certains étaient visiblement très anciens – les bibelots et peintures, œuvres d’art monochromes, l’immense lustre lumineux, le carrelage gris immaculé, l’impeccable bureau blanc transparent, où pas un papier ne dépassait… La pièce entière respirait l’ordre et la discipline, ce qui ne contribuait pas exactement à diminuer le stress de la pauvre Moonrise. Mais le plus angoissant dans tout cela, c’était assurément l’ultime élément du décor, et aussi le plus important : le maître des lieux, le chef de la Team Éclat en personne.

Vêtu comme à son habitude d’un élégant costume trois-pièces livide et d’une chemise noire avec cravate assortie, il leva la tête de ses documents à l’arrivée de sa jeune subordonnée :
– Ah, Moonrise, bien. Je t’attendais. Assieds-toi, je te prie, lui intima-t-il en la fixant de ses prunelles d’encre si énigmatiques. Il lui désigna la chaise de l’autre côté de son bureau.
Comme à chaque fois qu’elle le voyait, Moonrise ne put s’empêcher de se demander quel âge il pouvait bien avoir. Il ne paraissait ni jeune, ni vieux.

Elle obtempéra, et se retrouva bien vite en face de son Boss, anxieuse. Le regard fuyant, elle évitait de le regarder dans les yeux et fixait intensément les pans de son kimono bleu nuit, qui effleurait ses jambes recouvertes de collants mauves. Elle savait bien que son style vestimentaire ne faisait pas l’unanimité, mais elle n’avait encore jamais trouvé personne pour oser lui dire en face qu’elle s’habillait mal. Elle était crainte, même à son jeune âge, et ce sentiment de puissance lui plaisait. Un sentiment qui s’évaporait aussitôt dès lors qu’elle passait les portes de ce bureau.

Son supérieur interrompit le fil de ses pensées, la faisant sursauter :
– Je t’ai fait venir car j’ai une mission de la plus haute importance à te confier, déclara-t-il, l’air solennel.
Moonrise se redressa et planta ses yeux dans ceux de son chef. Il avait piqué son intérêt, et la curiosité l’avait emporté sur la gêne :
– Quoi donc ? demanda-t-elle simplement.
Son supérieur resta un moment silencieux, coudes sur le bureau et yeux fermés, avant de finir par annoncer :
– Il s’agit de « La Fleur ». Je veux que tu la fasses parler. J’ai tout essayé, mais avec le temps, j’ai oublié à quel point elle était coriace. Je pense qu’il n’y a que toi qui puisses le faire.

Moonrise sentit son cœur s’emballer : « La Fleur »… Le projet secret de l’organisation. Si secret que, même elle, commandante en chef, en ignorait tous les détails. Ce matin encore, elle ne savait pas que « La Fleur » était une personne. Désormais, non seulement elle était dans la confidence, mais en plus, tous les espoirs de son Boss reposaient sur elle. Elle était flattée qu’il lui accorde une telle confiance. Elle ne devait surtout pas le décevoir.

Elle le vit prendre une enveloppe cachetée sur son bureau, qu’il lui tendit :
– Voici les questions que j’aimerais que tu lui poses. N’en parle à personne. Ne demande aucune explication, ni sur le sens de ces questions, ni sur l’identité de « La Fleur ». Contente-toi de scrupuleusement noter tout ce que tu pourras lui faire avouer. Puis tu me porteras en mains propres tes notes. C’est tout.
La fillette récupéra l’enveloppe, peu sûre d’elle. Ces ordres et le ton grave de son chef la décontenançaient au plus haut point. C’était la première fois qu’il lui demandait si explicitement d’user de son don particulier.
– Luna.

Entendre son véritable prénom être prononcé avec une telle fermeté par son Boss fit tressaillir la jeune Moonrise :
– O-oui ? fit-elle timidement.
– Il est impératif que tu obtiennes ces réponses. Je compte sur toi. Ne me déçois pas, assena-t-il en la dévisageant de son indéchiffrable regard noir Cornèbre.
Elle hocha la tête, incapable de faire le moindre son. Pensant l’entretien terminé, elle s’apprêtait à se lever de son siège, mais son interlocuteur la retint verbalement :
– Avant de partir, qu’en est-il de ton rapport concernant la mission avortée de Frimapic ? Puisque ce fut un échec, je n’attends pas de toi un rapport détaillé, j’aimerais simplement que tu m’éclaires sur ce qu’il s’est passé, demanda-t-il posément, avec un flegme incomparable.

De plus en plus mal à l’aise et bien décidée à quitter le bureau le plus tôt possible, Moonrise entama rapidement le récit de sa quête échouée pour s’emparer de la Chromazurite : l’arrivée chaotique dans la ville enneigée, l’anéantissement de la soi-disant « élite de dresseurs » des F.P.I., la statue vide, l’irruption du petit groupe de gêneurs dans le Temple, ainsi que la fuite précipitée pour s’en échapper.
– J’ai bien tourmenté cette gamine, c’était tordant ! rit-elle en évoquant sommairement sa conversation avec Shaïna, afin d’abréger cette entrevue déjà bien trop longue à son goût. Oh, au fait… J’ai également réussi à placer un mouchard sur notre cher ami l’inspecteur Beladonis, précisa-t-elle. Voici son émetteur.

Elle tendit l’appareil électronique qui pendait à son cou depuis un moment déjà à son supérieur, qui le rangea dans l’un des tiroirs de son bureau tout en la félicitant :
– Fort bien ! Beau travail. Dans ce groupe, il y avait Leïla, n’est-ce-pas ? l’interrogea-t-il, comme s’il connaissait déjà la réponse à sa propre question.
– En effet, Monsieur, lui confirma-t-elle.
– Bien, bien. Autre chose qui aurait retenu ton attention ?

Moonrise hésita un instant. Elle ne savait pas si elle devait l’évoquer… Le regard suppliant qu’il lui avait lancé ne facilitait pas son dilemme… Mais si le Boss apprenait un jour qu’elle savait quelque chose et qu’elle le lui avait volontairement caché, elle serait dans de beaux draps. Elle confia donc ce qu’elle avait sur le cœur à son supérieur :
– Il y a bien une chose…
– Ah ? Oui, quoi donc ? lui demanda-t-il, ses fins sourcils arqués sur son grand front, signe qu’il était intéressé.
– Dans le groupe d’intrus, il y avait… Shuno, Monsieur, lâcha-t-elle comme une bombe.

Elle aurait juré voir les traits de son visage se durcir presque instantanément, malgré sa maîtrise de soi quasi-parfaite. Il se détendit aussitôt, n’autorisant pas son corps à se raidir sous le coup de l’émotion. Cet homme restait stoïque en permanence, et refusait obstinément de se laisser dépasser par ses sentiments, Moonrise le savait.
– Shuno ? répéta-t-il alors.

Même s’il essayait au maximum de réguler son timbre de voix pour que celle-ci reste neutre, l’oreille aiguisée de la fillette lui permit d’entendre les nuances de colère qui s’y cachaient. Et si elle avait pu les percevoir malgré ses efforts surhumains pour se contenir, alors cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : son chef était en train de bouillir de rage.

Une perspective qui lui faisait peur, très peur. La peur. Une émotion qu’elle avait souvent suscitée, mais rarement ressentie. Cette fois-ci, elle était de l’autre côté du miroir. Et elle devait bien admettre que c’était tout sauf agréable.

Son boss la transperça à nouveau de son regard ténébreux et lui ordonna d’un ton sans réplique :
– Parle-moi plus en détail de ce groupe de gêneurs. Immédiatement.

*****
Dix ans plus tôt, dans la région d’Unys…

Dans une charmante maisonnette située au cœur de la tranquille bourgade de Renouet, une petite fille aux cheveux de jais contemplait le poste de télévision avec fascination. Elle était allongée sur le tapis du salon, coudes contre le sol et mains sur les joues, le mouvement frénétique de ses jambes trahissant son excitation, de même que ses pétillantes prunelles rougeoyantes. La cause de cet engouement : la retransmission en direct des matchs de la Ligue Pokémon d’Unys. À l’arrivée des participants dans l’arène de combat, la petite fille tapa des poings sur le sol en braillant, impatiente.

Ce qui eut pour effet d’interpeller sa mère. Celle-ci arriva rapidement dans la pièce pour gentiment réprimander sa fille :
– Pas si fort, ma chérie, maman travaille à côté… lui rappela-t-elle avec douceur.
– Oups, excuse-moi maman ! répondit presque immédiatement la fillette.
– Ce n’est pas grave, mais essaie de faire attention, maintenant, d’accord ?
– Oui !

La jeune femme, satisfaite, s’apprêtait à s’en aller, mais sa fille la retint :
– Maman…
– Oui ?
– Les dresseurs sont super cool ! Je veux être comme eux, plus tard !
Sa mère se raidit, mais ne fit rien paraître et sourit tendrement :
– Ha ha, on en reparlera quand tu seras plus grande, Shaïna. En attendant, profite bien de tes matchs, maman doit travailler. Et ne reste pas trop près de l’écran ! lui fit-elle en guise dernière recommandation avant de disparaître à nouveau dans son bureau.
– Mais, maman…

C’était hélas trop tard, Lana Keteleeria avait déjà tourné les talons sans entendre – ou bien peut-être en feignant de ne pas avoir entendu – la supplique de sa fille. Celle-ci fit alors la moue. Elle n’aimait pas que sa mère lui réponde ce genre de choses. Elle ne comprenait pas quand elle le faisait : attendre d’être plus grande pour être dresseuse, d’accord, mais pourquoi n’avait-elle-même pas le droit de toucher les Pokémon ? Lana lui répondait systématiquement que c’était parce que les Pokémon pouvaient être dangereux pour une petite fille de cinq ans, mais Shaïna avait bien du mal à imaginer le danger que pouvait représenter le mignon Chinchidou de sa maman.

Malgré tout, Shaïna voulait se rapprocher des Pokémon. Ils lui apparaissaient comme des peluches vivantes absolument adorables, d’où son irrémédiable envie de les saisir et de les câliner. Vivant sous le même toit que sa mère, il était difficile pour elle de braver l’interdit. Mais pas impossible. Ainsi, un jour de la même année, la petite Shaïna parvint à se lier d’amitié avec un Pokémon sans que sa maman poule ne fût au courant. C’était un jour comme les autres, ou plutôt une nuit, une énième nuit où la petite s’était réveillée en sursaut après avoir fait son rêve récurrent.

La pauvre avait alors bien du mal à se rendormir… Quand elle y parvenait. Ce ne fut d’ailleurs pas le cas cette fois-ci. Cette nuit-là, après plusieurs longues et infructueuses minutes, la petite fille décida de rallumer la lumière de sa chambre afin de faire quelconque activité qui lui permettrait enfin d’accéder à nouveau aux portes du sommeil lorsqu’elle tomberait de fatigue. Elle allait comme d’habitude se saisir de son livre préféré, qui traînait en permanence sur sa table de chevet, quand soudain elle entendit du bruit dans sa chambre. Un petit son de rien du tout, comme un petit coup de jus.

Intriguée, elle tendit l’oreille pour en chercher l’origine : il lui semblait que cela provenait de son armoire à vêtements. Elle bondit de son lit et s’empressa de l’ouvrir pour découvrir… un tout petit Statitik reclus au fond du meuble, qui semblait terrifié. Il devait s’être faufilé par le trou de Rattata qui se trouvait dans l’un des murs de sa chambre, puis s’être réfugié ici par un moyen quelconque.

La petite araignée jaune tremblait furieusement, pensant sans doute que son heure était venue. À la vue du petit Pokémon, Shaïna fit un sourire attendri : il était vraiment mignon, ce petit Pokémon apeuré… Sans trop réfléchir ni sans peur aucune, elle saisit alors le petit Pokémon Insecte dans ses frêles mains. Il tremblait toujours, mais s’apaisa lorsque Shaïna commença à caresser son petit corps électrique.

Ça lui faisait tout drôle, mais ce n’était pas désagréable. Elle se sentait bien avec la petite araignée. C’était une vraie joie de pouvoir enfin cajoler un Pokémon comme elle en avait toujours rêvé ! Elle songea soudainement que si celle-ci venait lui rendre visite le soir pour qu’elle puisse la câliner un peu, alors sa mère n’en saurait jamais rien… Elle plongea ses yeux dans ceux de la bestiole et chuchota :
– Tu reviendras hein, euh…

Elle réfléchit : elle ne connaissait pas très bien le nom de tous les Pokémon, et celui de la petite araignée faisait partie de la liste de ceux qu’elle ignorait encore. Elle entreprit donc de lui choisir elle-même un surnom :
– Je vais t’appeler Tremblote, ça te va bien, proposa-t-elle.
La petite bête couina en signe d’approbation. Puis la petite fille et l’araignée jouèrent ensemble en silence pendant un long moment, jusqu’à ce que l’un comme l’autre tombent d’épuisement. Tremblote repartit alors par son trou de Rattata, et Shaïna espéra très fort qu’il revienne la voir…

Ce qui fut le cas. Chaque soir, le petit Pokémon revenait auprès de la fillette pour réclamer jeux et câlins. Une véritable complicité s’était formée entre les deux compagnons, et Shaïna était aux anges. L’un comme l’autre savourait ces délicieux instants de tendresse, qui semblaient bien partis pour durer éternellement… Cependant les choses prirent brusquement un tournant aussi inattendu que dramatique.

Ce soir-là – qui eut lieu environ un mois après la rencontre entre Shaïna et Tremblote – semblable à tous les autres, les deux amis étaient tranquillement en train de jouer dans la chambre de la fillette, sans faire trop de bruit pour ne pas réveiller la mère de Shaïna.

Puis soudain, un cri déchirant parcourut la maison. Le cri de désespoir d’une petite fille effrayée, qui réveilla sur le champ Lana Keteleeria. Démesurément inquiète, la jeune femme déboula en trombe dans la chambre de la petite fille et la trouva par terre, pleurant à chaudes larmes. Et devant elle… Le corps inerte d’un petit Statitik. Shaïna ne cessait d’hurler :
– Réveille-toi, Tremblote ! Je t’en supplie, réveille-toi !
Son visage était inondé de larmes, et elle se précipita dans les jupes de sa mère lorsque celle-ci fit irruption :
– Je suis désolée maman ! Je suis tellement désolée !

Lana Keteleeria était tout bonnement horrifiée. Jusqu’ici, elle n’avait encore jamais bien compris l’importance des directives qu’elle avait reçues… Mais à présent, grâce à ce choc d’une extrême violence, elle avait bien assimilé la raison pour laquelle il était impératif que Shaïna n’approche pas les Pokémon avant d’avoir au moins quinze ans. Elle avait manqué de prudence. La jeune femme se maudit intérieurement. Un Pokémon avait péri à cause de sa négligence, et Shaïna en ressortait profondément traumatisée.

Elle devait faire quelque chose pour changer cela. Et comme ressusciter les défunts n’était pas en son pouvoir, alors… Il ne lui restait qu’une seule option. Il ne fallait pas que Shaïna souffre de cet incident. Ni même qu’elle n’en garde le moindre souvenir… C’était un événement bien trop choquant pour une pauvre fillette de cinq ans. Lana parvint donc à effacer de la mémoire de Shaïna tout ce qui était lié de près ou de loin à Tremblote et, depuis ce jour, elle surveilla de très près sa fille, pour que jamais un tel drame ne se reproduise.

Cependant, Lana, scientifique dans l’âme, n’était pas dupe. Elle savait que rien ne restait enfoui à jamais. Les souvenirs finissaient tôt ou tard par refaire surface… Notamment à la suite d’un choc. Rien de tel qu’un traumatisme pour en réveiller un autre… Mais lorsque sa fille l’avait quittée, elle avait confié sa sûreté à son chef, un inspecteur de la police. Elle croyait dur comme fer que jamais Shaïna n’endurerait un nouveau choc émotionnel. Mais elle avait tort.

***
Retour au présent, dans la ville de Frimapic...

Shaïna ouvrit brusquement les yeux et murmura : « Je me souviens. »