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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 28/03/2018 à 09:20
» Dernière mise à jour le 28/03/2018 à 09:20

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 28 : Question-réponse
Mizulia



Je me serais bien passée ce matin de me rendre au manoir Irlesquo pour participer à cette vaste blague qui consistait à faire part avec la plus grande hypocrisie de toutes nos condoléances à Lord Bradavan pour sa perte, alors que quasiment tout le monde ici, moi compris, savait très bien qu’il n’en était nullement peiné. C’était donc une double hypocrisie qui se jouait : Bradavan devait être soulagé de la mort de cette femme qui l’embarrassait du fait des rumeurs sur son état qui circulaient depuis un moment, et de l’autre côté, les Seigneurs G-Man se réjouissaient aussi de sa mort, qui pour eux allait encore plus affaiblir la maison Irlesquo qui enchaînait les déconvenues dernièrement.

Naturellement, je me fichais bien de leurs histoires. Mais j’étais censée être Lady Firenne Jastermine, seule membre de la maison Jastermine présente dans la capitale, et donc par défaut, chef de famille. Mon absence aurait été remarquée, et aurait mis en péril ma mission. De plus, j’avais appris qu’on ne récoltait jamais aussi d’infos sur les G-Man qu’en parlant avec des G-Man. Ces idiots costumés adoraient parler d’eux, que ce soit en vrai, en faux ou en rumeurs. Beaucoup semblaient penser que Lady Sareim ne s’était pas suicidée, ou du moins, qu’on l’y avait sans doute aidée. Ils ne le disaient pas à haute voix, mais il était clair qu’ils accusaient le Grand Maître ou sa fille de s’être débarrassé d’un membre de famille encombrant, et à les en croire, le jeune Lord Rohban serait le prochain.

Moi, je ne me posais qu’une seule question : la mort de Sareim Irlesquo avait-elle ou non un rapport avec le groupe Lance… voir avec Kashmel Irlesquo lui-même ? Selon Maître Scalpuraï, ce bâtard G-Man n’était sans doute pas étranger à tous les troubles qui secouaient l’Ordre depuis quelques temps. De plus, lui et Sareim avaient été fiancés jadis. Et voilà qu’elle perdait la vie le soir où mon maître affrontait le G-Man déchu ? Mon expérience d’espionne et d’agent double me criait que ce n’était sans doute pas une coïncidence. Kashmel devait y être pour quelque chose dans ce foutoir. De même qu’il devait y être aussi pour quelque chose dans la transformation de Six en la G-Man Sixtine Jarminal.

Après tout, je n’avais jamais pensé que Lord Stuon était assez malin pour être le cerveau, ou pour avoir sauvé Six de mon maître sans arrière-pensées. Probablement que Kashmel devait se cacher derrière lui. D’ailleurs, d’après les renseignements qu’on avait sur lui, on sait que Kashmel et Stuon ont été bons amis autrefois. Et il y avait aussi cette disparition, celle de l’héritière des Psuhyox, hier soir, en plein bal dans leur manoir. Les autres G-Man en avaient parlé, mais comme d’un sujet sans importance, considérant que la fille referait surface bientôt. Mais peut-être que ça en avait aussi. Peut-être que tout était lié.

Mon maître était allé discuter de tout cela avec le Directeur. Même quand j’étais son esclave avant la naissance de Six, j’avais bien compris qu’il y avait quelqu’un derrière mon maître qui commandait aux Nettoyeurs… ainsi qu’à tous les services de renseignements de l’Empire. Ce personnage dans l’ombre savait nombre de choses, peut-être même plus que l’Empereur. En attendant d’avoir tiré tout cela au clair avec lui, Maître Scalpuraï m’avait chargé de continuer ma mission de renseignement sur Lance. Et au vu des événements récents dans le Quartier G-Man, ainsi que l’apparition de Kashmel Irlesquo, je devais absolument parler avec mon contact G-Man : ce cher Lord Stuon.

Après avoir écouté l’annonce de Bradavan et l’avoir à mon tour assuré de toute ma sympathie, je m’étais incrustée dans un petit groupe de discussion de quatre autres G-Man. Ou plutôt, on m’y avait invité. Les hommes G-Man n’attendaient pas des femmes qu’elles participent à leur conversation, mais ils aimaient bien les avoir avec elle dans leur groupe, surtout les plus belles. Je pouvais donc écouter tout en restant silencieuse, en acquiesçant vigoureusement à chaque fois qu’on me demandait mon avis sur des sujets et d’autres. Discrètement, je repérai Stuon Jarminal dans la salle. Je n’aurai pas été étonnéede le voir conter fleurette à une femme, mais étrangement, il était seul dans un coin, et son visage paraissait préoccupé, presque sombre.

Jugeant que j’avais assez joué la nunuche de service pour aujourd’hui, je m’excusai auprès des autres G-Man dans l’idée d’aller voir Stuon et de faire en sorte qu’il vienne chez moi pour qu’on puisse parler discrètement. À nous voir partir ensemble, beaucoup allaient sans doute jaser et faire leur compte de ragots pour les jours à venir, mais qu’importe. Sauf qu’alors que je me dirigeais vers Stuon, quelqu’un me coupa le chemin. Un fort beau G-Man entre deux âges, aux cheveux blancs soyeux et au sourire radieux. Un sourire qui ne manqua pas de me filer la nausée.

- Lady Firenne. Je ne vous ai pas trouvée au bal d’hier soir, alors qu’on m’avait dit que vous étiez de retour en ville.

- Mille excuses, Lord Gilthis, fis-je en m’inclinant. Je me trouvais fort indisposée. Je suis effondrée de vous avoir manqué.

Le sourire du G-Man de Togekiss s’accentua.

- Oui… ça fait bien longtemps depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Quinze ans, si je ne m’abuse ?

En réalité, ça faisait dix ans que Gilthis n’avait pas vu Lady Firenne, depuis qu’elle avait quitté Axendria. Mais s’il avait dit quinze, ça ne voulait dire qu’une chose. Cette ordure m’avait percé à jour. Encore une fois… Oui. La dernière fois que j’avais vu Gilthis, c’était bien il y a une quinzaine d’années, alors que Six était encore dans mon ventre. Je ne cherchai pas à nier. Ce damné G-Man était un malin. Il savait que je n’étais pas Lady Firenne, mais bien l’humaine Mizulia des Nettoyeurs. Mais je doutais qu’il aille me dénoncer. Après tout, si j’avais réussi à fuir le Quartier G-Man la première fois avec un bâtard dans mon ventre, c’était grâce à lui.

- Vous êtes devenue ravissante, poursuivit Gilthis en m’effleurant mes cheveux teintés. Mais je dois avouer que je vous préférais comme autrefois. Vous étiez si… brûlante, si sauvage…

Vérifiant que personne à proximité ne nous entendait, je murmurai :

- Qu’est-ce que tu veux ?

- Non, toi, qu’est-ce que tu veux ? Répliqua Gilthis. Ce n’est pas prudent pour toi de revenir dans ce manoir, après avoir frôlé la mort en t’y échappant.

- Tu crois que ce crétin de Bradavan pourrait me reconnaître sous cette apparence ?

- Moi, je l’ai bien fait.

- Toi, tu n’es pas Bradavan.

C’était on ne peut plus vrai. Gilthis Antenos était ni plus ni moins que le G-Man le plus dangereux de tout l’Ordre, et pas seulement parce qu’il en était le plus puissant. Le plus dangereux… mais aussi sans doute le plus malfaisant. Il adorait se jouer des autres et les faire danser comme il le souhaitait pour son propre amusement. Je n’avais jamais rencontré un manipulateur tel que lui, et pourtant, dans ma carrière au sein de l’Empire et au service des Nettoyeurs, j’en avais vu, de belles ordures.

- Commentaire pertinent, acquiesça Gilthis. J’ai vu ce petit chaton de Six hier soir au bal. J’ai assisté à son combat via l’Aura. J’en ai été ému. Une chorégraphie digne de toi.

- Son combat ? Répétai-je. De quoi tu parles ?

J’étais soudainement inquiète, et je m’en voulus pour cela. Mes sentiments pour cette fille ne devaient pas entraver la mission. Je n’avais plus rien à voir avec elle, ni elle avec moi.

- Tu ne sais pas ? S’étonna Gilthis. Et tu te dis espionne ? Tu as bien perdu la main.

- J’étais ailleurs, hier soir, m’agaçai-je. Mon maître avait besoin de moi.

- Ah oui, ton maître… Transmets-lui mon bon souvenir.

Avec un dernier sourire insolent, il s’en alla en me faisant un signe de la main. Je me retins de lui demander ce qu’il complotait. Car partout où Gilthis Antenos passait, il y avait forcément des manigances dans l’air. Et l’affaire était déjà bien assez complexe sans que ce fouille-merde vienne y ajouter son grain de sel. Je revins à Stuon. Il m’avait vu, et au lieu de me fuir comme je l’aurai imaginé, il me fit signe de sortir à sa suite. Étonnée, je le suivis. Ce ne fut que lorsque nous fûmes arrivés dans un petit parc isolé du Quartier G-Man qu’il s’arrêta et me dit :

- Nous avons à discuter.

- En effet. Mais c’est moi qui vais mener ces discussions. J’ai beaucoup de questions.

- J’en ai moi aussi. Et la situation est grave. Ne serait-il pas temps de jouer table rase et de ne plus rien se cacher, pour parvenir à notre but commun ?

Je ricanai.

- Depuis quand vous et moi avons un but commun ?

- Vous voulez que Six vive ? Moi aussi. J’aime bien cette gamine, et elle est au cœur d’un entrelacs de complots dont elle ne se sortira pas indemne. Pas sans notre aide. Vous voulez exterminer Lance ? À votre guise. En fait, je m’en tamponne, de ces gars. Tout comme je m’en tamponne de l’Ordre. J’ai juste deux trois personnes chères à mes yeux que j’aimerai protéger, et votre fille en fait partie.

Je dévisageai le G-Man. Il m’avait l’air sincère. Et puis de toute façon, il avait sans doute bien plus à déballer que moi.

- Très bien. Commençons alors. Une question chacun à la suite, et une réponse sincère. Kashmel Irlesquo. Je sais qu’il est ici. Et je pense que vous le savez aussi.

Stuon abandonna son air grave pour me resservir son écœurait sourire de playboy.

- Si vous savez que Kashmel est là, c’est parce qu’il est tombé sur Scalpuraï hier soir. Donc, par déduction, vous êtes en contact avec lui… et avec l’Empire.

- Je suis son esclave personnelle. J’ai infiltré l’Ordre selon sa volonté pour enquêter sur le groupe Lance. À vous maintenant.

- Kashmel est chez moi. Il œuvre à un projet pour détruire l’Ordre G-Man actuel et en refonder un nouveau hostile à l’Empire.

C’était étrange. Nous venions tous deux d’avouer nos grands secrets, mais ce fut comme si nous en étions soulagés, à en juger par nos voix et nos visages.

- Vous trahissez votre ami alors ? Demandai-je. Je pourrai lancer sur lui toutes les troupes des Nettoyeurs à l’instant même.

- Et vous, vous trahissez votre maître ? Me répliqua Stuon. Je n’ignore rien des lois de l’Empire, et je sais très bien qu’il lui était interdit d’envoyer un de ses serviteurs, surtout un humain, ici pour espionner les G-Man sans aucune autorisation. Si je le dénonçais à une figure impériale haut placée, du genre à… Jugeros, ce serait extrêmement embarrassant pour lui… et sans doute pour vous.

Stuon me sourit, et pour une fois, je lui rendis son sourire. Nous nous tenions tous les deux, nous le savions, et nous savions également que nous n’allions certainement pas nous balancer mutuellement.

- Qu’a à voir Six là-dedans ? Demandai-je. Que fait-elle avec Kashmel ?

- Il se sert d’elle pour tenter d’entrer en contact avec le groupe Lance. Et il va bientôt réussir.

- Précisez ?

- Ah non, c’est à vous maintenant. Comment peut-on être la mère d’une G-Man illégale et en même temps bosser pour les Nettoyeurs ? Ça n’a pas de sens…

Je haussai les épaules. Ça ne me coûtait rien de le dire, au point où j’en étais.

- C’était une mission de mon maître pour faire tomber l’Ordre. Il m’a infiltré dans la demeure d’un puissant G-Man comme domestique. Je devais séduire le seigneur et lui amener à me faire un enfant. J’aurai ensuite apporté ce bâtard à mon maître comme preuve que ce Seigneur G-Man n’a pas respecté la loi. Il l’aurait présenté à l’Empereur, pour obtenir de lui l’exécution de la famille G-Man en question, et à terme de tout le reste de l’Ordre. Vous le savez peut-être, mais mon maître n’aime pas les G-Man.

- Mais vous ne lui avez pas remis Six, fit-il.

- À l’évidence, mais c’est à vous de répondre. Six est-elle entrée en contact avec le groupe Lance, comme le voulait Kashmel ?

- C’est en cours. Elle a découvert hier soir l’identité du leader de Lance. Pourquoi ne pas avoir remis Six à Scalpuraï ?

Je m’agaçais de la façon qu’avait Stuon de me cacher les informations essentielles à chacune de ses réponses, mais je répondis néanmoins :

- Parce que je n’ai pas pu, tout simplement. Ça aurait été la condamner à mort. Et même si j’étais loyale à mon maître, même si comme lui je méprisais les G-Man, je n’ai pas été capable de lui donner ma fille qui venait de naître en sachant qu’il allait la tuer. Donc j’ai fuis et me suis caché pendant des années dans les bas-fond de la cité.

- Très touchant, sourit Stuon. Et je vais devancer votre prochaine question. Le chef du groupe Lance semble être apparemment… Meika Irlesquo.

Là ce fut une réelle surprise pour moi, qui dut se voir sur mon visage.

- Votre fille a combattu et tué Tilveta Psuhyox, qui voulait apparemment assassiner Rohban Irlesquo sur ordre de Meika, m’expliqua Stuon. Il semble qu’elle se soit attachée à lui, lors des bals… Dîtes-moi, qui est le père de Six ?

Je lui dis. Stuon hocha la tête.

- Bien sûr, ça semblait évident après ce que vous m’avez dit. Et ça m’inquiète d’autant plus de ce que Kashmel pourrait faire avec elle.

- Vous êtes en froid avec lui, apparemment. Sinon vous n’auriez pas dit à une Nettoyeuse où il se cachait.

- Vous êtes incapable de l’atteindre tant qu’il est dans le Quartier G-Man, et vous le savez, renchérit Stuon. Mais… je sens qu’il y a quelque chose qui cloche, avec Kashmel. Il ne m’a pas clairement exposé son plan, mais ça risque d’être gros… et meurtrier. Il n’a pas sourcillé quand votre fille lui a dit que Meika était la patronne de Lance. Il semblait même… satisfait. Et puis, j’ai de bonnes raisons de croire que Sareim ne s’est pas suicidée, mais que c’est lui qui l’a bel et bien tuée.

J’haussai les sourcils, perplexe.

- Pourquoi l’aurait-il tué ? Elle n’était pas sa fiancée jadis ?

- Kashmel ne s’intéresse au « jadis » que lorsqu’il s’agit de sa vengeance. Je crois pas que son cœur soit encore capable d’appréhender l’amour. Hier soir, après être rentré du bal, j’ai discuté avec… euh… un de nos espions. Il m’a affirmé avoir vu Jugeros pénétrer dans le manoir des Irlesquo, et que Lady Sareim lui aurait révélé nombre de choses sur le groupe Lance, et Meika en particulier. Il a bien sûr été le dire à Kashmel après qu’il soit rentré de sa petite rencontre amicale avec votre patron. Et Kashmel s’est ensuite absenté un moment.

Je réfléchis, essayant de recoller les morceaux entre eux.

- Donc… Kashmel Irlesquo est allé tuer Sareim parce qu’elle vendait des infos à l’Empire sur Lance ?

- Kashmel est forcément déjà lié à Lance, d’une façon ou d’une autre, dit Stuon d’un air sombre. Et Lance est bien moins sympathique qu’il ne le laisse entendre. Sareim était mon amie aussi. C’était une femme aimante et pleine de justice. Elle n’aurait pas été dénoncer sa propre fille pour rien. Le groupe Lance… et probablement Kashmel derrière, préparent quelque chose d’assez moche. Six va être prise entre deux feux ; même trois si l’Empire intervient, et si Kashmel découvre son ascendance, j’ai peur pour sa vie.

Je méditai sur ce que j’avais appris. Si Son Excellence Jugeros avait assez de preuves contre Lance, il allait bientôt agir. Et ça, ce n’était pas bon pour mon maître, qui se verrait alors coiffé sur le poteau, jugé incompétent, et qui n’aurait plus l’occasion de mettre son propre plan d’extermination de l’Ordre en œuvre. Mais comme le disait Stuon, Six risquait gros dans cette affaire. Il me fallait la sortir de l’influence de Kashmel Irlesquo au plus vite, avant que tout ne dérape, et qu’elle n’ait plus aucune chance de se rallier à mon maître pour avoir la vie sauve, comme l’accord que j’ai passé avec lui le prévoyait.

- Je vais transmettre tout cela à mon maître, dis-je finalement.

- Sonnez-moi quand il décidera d’intervenir, que j’éloigne Six le plus possible.

- Je le ferai. Vous avez rendu un grand service à l’Empire aujourd’hui, Lord Stuon.

- J’emmerde l’Empire. C’est pour votre gamine que je fais ça. Il ne sortira rien de bon qu’elle se mette à œuvrer pour les dessins de Lance ou de Kashmel, si elle n’est pas carrément tuée à la fin.

- J’ai compris… et je vous en remercie.

Stuon se mit à regarder le ciel, le visage grave et désolé.

- Je n’ai jamais été un idéaliste, vous savez… Je suis satisfait de mon petit confort de G-Man, et même si je trouve pas mal d’aspects de l’Empire injustes, ce n’est pas moi qui irait sacrifier ma vie pour les Paxen. En fait, je n’ai toujours fait que suivre Kashmel, parce que je l’admirais. S’il disait que l’Ordre était pourri et l’Empire maléfique, alors je le croyais. Je n’ai jamais vraiment réfléchi par moi-même. Tous ces sujets me dépassaient. Je faisais confiance à Kashmel, qui était bien plus fort, bien plus intelligent, et bien plus noble que moi. J’ai toujours bien retenu tout ce qu’il a tenté de m’apprendre jadis sur l’équité, le bien et la justice. Et ce que je crois aujourd’hui, c’est qu’il va tuer de nombreuses personnes et Pokemon innocents pour assouvir une vengeance personnelle. Il a même probablement déjà commencé à le faire. Et ça, ce n’est ni équitable, ni bien, ni juste.

J’affichai un sourire ironique sur mon visage avant de faire demi-tour en disant :

- Eh bien, vous êtes quand même un peu idéaliste, Lord Stuon.


***


Scalpuraï




C’était à mon tour de monter la garde devant la salle du trône. C’était là ma tâche principale de membre de la Trigarde Impériale. J’étais le garde du corps de l’Empereur. Chef des Nettoyeurs, c’était une fonction secondaire, que je m’étais auto-attribuée pour rompre la monotonie de mon quotidien. Si bien sûr je ne rechignais jamais à accomplir mon devoir envers Sa Majesté, je devais bien avouer que j’aurai pu faire des choses plus importantes aujourd’hui que de devoir rester immobile devant la porte du trône pendant des heures, à attendre un possible assaillant qui jamais ne viendrait. Personne n’était assez fou pour essayer de forcer la salle du trône. Pourtant, j’espérai à chaque fois que quelqu’un oserait, histoire de m’éviter de mourir d’ennui…

Comme j’étais entièrement fait de métal, je pouvais rester debout indéfiniment sans en ressentir la moindre douleur ou fatigue musculaire. Mais l’absence de crampe n’enlevait rien au fait que ces tours de garde étaient monstrueusement soporifiques. Le pire était que ma race de Pokemon pouvait parfaitement dormir debout sans tomber, et donc il s’agissait pour moi de lutter, en plus de l’ennui, contre le sommeil. Mais parfois, un visiteur se présentait devant moi, ayant une audience avec l’Empereur ou en sollicitant une. Il était aussi de mes attributions de vérifier tous ceux qui entraient selon les rendez-vous que Sa Majesté voulait bien accorder. En résumé, j’étais un vigile et un portier.

Mais ça restait un grand honneur, disaient tous les Pokemon de l’Empire. Protéger la personne de Sa Majesté, garder sa porte royale. Tout le monde nous respectait et nous craignait, nous autres, les trois de la Trigarde. Nous étions, à juste titre, considérés comme les Pokemon les plus puissants de Pokemonis derrière l’Empereur lui-même. Soit. Mais à quoi servait la puissance, si elle n’était pas utilisée ? J’aimerai bien le savoir. Pendant que je restais debout à protéger une porte, Kashmel était sûrement en train de préparer un truc énorme dans le but de déstabiliser l’Empire. Et ça me rendait dingue. Je voulais absolument le revoir, pour l’affronter à nouveau !

Le Directeur m’avait conseillé la patience. Il fallait attendre que Kashmel fasse le premier pas. Il s’était montré très intéressé par le fait que Kashmel était de retour, comme si un jouet inattendu s’était présenté à lui. Évidement, le Directeur savait bon nombre de choses sur les G-Man et en particulier la famille Irlesquo. Le Directeur avait connu Sacha Ketchum lui-même. Moi aussi je l’avais connu, mais de loin seulement. J’ignorai ce qui avait poussé le Héros Arc-en-ciel à trahir Régis Chen en aidant le Seigneur Xanthos dans sa révolution. Le fait est que ça devait avoir son importance, car selon les propres mots du Directeur, Kashmel « aura probablement choisi d’emprunter la même voie que son ancêtre.

Il faudrait peut-être que j’aille me renseigner un peu plus sur Ketchum en feuilletant de vieilles archives que Son Excellence Quetzurbis, Etoile Impériale de la section scientifique, devait conserver quelque part. En parlant d’Etoile Impériale… Je sentis une présence s’approcher, et fus soudain sur mes gardes, près à me jeter sur le moindre imprudent qui osait s’approcher trop près de la salle du trône. Mais je me raidis en voyant que c’était Son Excellence Jugeros, qui flottait au dessus du sol.

- Tiens ? Fit-il mine de s’étonner en me voyant. Une vision pour le moins remarquable : messire Scalpuraï qui se trouve enfin à son poste !

Je me retins de serrer les poings. Par Xanthos, qu’est-ce que ce Pokemon pouvait m’énerver. Il savait que je ne pouvais rien contre lui, et se plaisait donc à tester les limites de ma patience.

- Votre Honneur, le saluai-je avec aigreur.

- J’ai des affaires à traiter avec Sa Majesté. Ouvrez la porte.

Si techniquement Jugeros m’était effectivement supérieur dans la hiérarchie impériale, il n’avait par contre aucun droit de me donner des ordres. Je ne répondais qu’à l’Empereur… et aussi au Directeur bien sûr, mais ça c’était pas très officiel.

- Vous avez rendez-vous avec l’Empereur ?

- Je n’ai pas besoin de rendez-vous. Les Etoiles Impériales peuvent venir le voir à tout moment. Vous devriez le savoir, depuis le temps que vous gardez cette porte…

Évidement je le savais, et ça m’agaçait prodigieusement. J’aurai bien aimé refouler cet arriviste pompeux avec sa perruque ridicule.

- Je dois faire part à l’Empereur d’avancées significatives dans mon enquête au Quartier G-Man, poursuivit Jugeros. Tout cela sera bientôt terminé, ma justice sera appliquée, et vous pourrez alors retourner chasser vos bâtards G-Man en toute quiétude.

Je plissai les yeux. Qu’avait-il découvert, cet abruti ? Est-ce qu’il bluffait ? Non, Jugeros ne mentait jamais. Il se considérait comme bien au dessus de ça. Mizulia avait intérêt à se bouger. Si jamais je me faisais dépasser par le département judiciaire, ce serait une honte pour moi.

- J’en suis ravi, Votre Honneur, répondis-je avec toute l’ironie dont j’étais capable.

- Je n’en doute pas. Votre attachement et votre loyauté envers l’Empire ne sauraient être remis en question, messire Scalpuraï, même si vous nous avez rejoins un peu… sur le tard.

La vieille histoire… Jugeros s’était toujours méfié de moi et n’avait jamais manqué de me dénigrer parce que j’avais un temps fait partie de ceux qui combattaient le tout jeune Empire de Pokemonis aux côtés des humains, durant la Guerre de Renaissance. Jugeros, lui, avait répondu à l’appel de Xanthos dès le début. Mais ce n’était pas pour moi une marque de loyauté hors du commun, seulement la preuve qu’il était un lèche-botte.

Lui et moi, on venait plus ou moins du même moule. Nos dresseurs respectifs avaient travaillé dans la même équipe. Et même à l’époque, alors même que je n’avais pas encore accédé à la conscience que le Fragment d’Eternité m’avait offert, je n’aimais pas Jugeros, ou plus précisément le Pokemon qu’il était avant de devenir Jugeros. Six cent ans avaient eu beau s’écouler, j’avais beau avoir méga-évolué de façon définitive, Jugeros avait beau avoir troqué sa dégaine de criminel pour revêtir la robe des serviteurs de la justice, on ne s’entendait toujours pas. En un sens, c’était presque rassurant de voir comme que les vieilles choses ne changeaient jamais.

- Dépêchez-vous d’ouvrir cette porte maintenant, messire, me pressa l’Etoile Impériale. Il serait malpoli que je me présente dans la salle du trône en traversant les murs.

À contrecœur, j’ouvris le lourd battant de la salle du trône, et le refermai derrière moi. J’aurai bien aimé écouter ce que Jugeros allait dire à l’Empereur, mais alors que j’étais de garde, ce n’était pas mon rôle. Si Jugeros avait véritablement avancé dans son enquête, il allait peut-être falloir que moi aussi, j’accélère les choses.