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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 28/02/2018 à 20:48
» Dernière mise à jour le 02/09/2020 à 19:11

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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052. 4x06 - Erreur 404
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Le groupe rencontre Annick, une amie d’enfance de Timmy avec qui Flora se lie très vite d’amitié, mais l’entente entre Sofian et Annick n’est que cordiale. Suite aux évènements dans le repère de la Team Magma, la Team Rocket se retrouve à travailler pour eux. Les quatre amis repartent en voyage ensemble vers Mérouville alors que leurs parents s’attendent à ce qu’ils rentrent à la maison. Au même moment, le Professeur Kosmo part pour une expédition sur le Site Météore en compagnie de la Team Magma.

Route 114


Pokémon #201t
L’objet émit une nouvelle vibration qui cessa instantanément sous le coup violent que lui donna l’adolescent. Les regards se tournèrent vers lui et il soupira, lassé. Cela devait être la centième fois que Timmy avait ignoré le coup de téléphone que son Pokénav avait reçu. Depuis la soirée précédente, il n’avait eu de cesse d’émettre un son strident à chaque appel. Le jeune garçon avait eu beau l’avoir reprogrammé sous le mode silencieux, et la nuit avait calmé les appels, mais ce matin, les coups de téléphone incessants avaient repris. Décidément, les parents de Sofian et Flora étaient prêts à tout pour gagner la guerre que leurs enfants leur avaient déclarée en refusant d’abandonner leur voyage. Timmy prit alors la décision d’éteindre définitivement son Pokénav, quel que serait le nombre d’appels en absence qu’il recevrait ou les conséquences désastreuses que cela allait provoquer pour ses amis.
Une fois éteint, il le jeta dans son sac à dos et profita enfin d’un instant de repos. Assis sur son sac de couchage pour éviter de mouiller son pantalon brun sur l’herbe humide, il laissa son regard se perdre sur ses trois amis qui s’occupaient à leurs passe-temps autour de lui. Naturellement, son regard se posa en premier lieu sur Annick. La jeune fille aux courts cheveux marron triait ses affaires : depuis que la Team Magma lui avait volé son sac, elle avait fait quelques emplettes pour se réapprovisionner, et elle s’affairait à présent à réaliser son inventaire. C’est avec un petit sentiment honteux que Timmy apprécia la courbure des hanches de son amie qui venait de se plier en deux pour fourrer un pullover dans son sac à dos.
Une balle de ping-pong lui tomba sur le crâne et Timmy sursauta en sortant de ses rêveries. Flora s’excusa de loin alors que le jeune garçon lui renvoyait sa balle. La petite Skitty de Flora se jeta sur la balle et lui donna un coup de queue précis. La balle bondit dans les airs avant de rejoindre les autres sphères qu’elle s’amusait à faire jongler au-dessus de sa tête sous les encouragements de sa maîtresse. Flora éclata de rire lorsque Skitty tomba à la renverse, étourdie par le mouvement de sa propre queue. Le fou rire de Flora se transmit à Annick, et Timmy ne put empêcher un petit sourire discret, avant de se raviser.
Quelques mètres derrière Flora, Sofian fronçait des sourcils, comme si le bonheur des unes faisait son malheur. Il n’avait pas esquissé le moindre sourire depuis leur fuite d’Autéquia, ni n’avait relaxé les muscles de son visage tendu, et Timmy pouvait le comprendre. Car le jeune dresseur restait préoccupé par son pokémon. En effet, Galifeu n’avait pas donné signe d’amélioration. Il gardait les yeux dans le vide et se contentait de se laisser brosser le pelage par son maître et de se faire abreuver d’eau par Écrapince sans afficher le moindre sentiment. Quoi qu’il eût subi dans le repère de la Team Magma, la torture fut apparemment traumatisante. À tel point que le moindre faux mouvement de la part de Sofian provoquait en Galifeu un stress ingérable. Flora croisa les yeux mornes de Sofian et l’ambiance retomba comme un flan, pour se fixer sur la météo peu clémente de ce début d’automne.
— On se remettrait bien en route ? proposa Flora, mal à l’aise face aux nuages menaçants qui avaient élu domicile dans le ciel.
— Galifeu n’est pas encore prêt à retourner dans sa pokéball, répondit sèchement Sofian en reprenant le brossage des poils de son pokémon sans un regard vers la jeune fille.
Flora croisa le regard de Timmy qui soupira.
— Bon Flora, c’est pas que je m’ennuie, mais au moins quand je voyageais seule, personne ne tirait la tronche, fit remarquer Annick. Ça te dit un match retour pour passer le temps ?
— Un match retour ?
— Bah oui ! Je te rappelle que nous étions censées nous retrouver en finale du concours de coordination d’Autéquia mais qu’à cause de la Team Magma, nous n’avons jamais eu la chance de la livrer !
— Mais c’est vrai ça !
Une étincelle de joie apparut dans le regard de Flora et Timmy se félicita d’avoir eu la brillante idée d’ajouter Annick dans leur groupe de voyage. Elle seule pouvait rendre les gens heureux dans les moments les plus difficiles.
— Timmy, ramène tes petites fesses potelées ici ! ordonna Annick avec un clin d’œil. Tu vas nous servir d’arbitre !
— Tout de suite !
Le jeune garçon se précipita d’un bond et Flora haussa les sourcils en voyant son attitude. Timmy évita son regard soupçonneux.
— Du coup, on fonctionne avec les mêmes règles qu’un concours ?
— Et comment ! Charmillon contre mon Rosélia, cinq minutes pour atteindre l’autre avec toute la grâce que les dieux nous ont offerte à notre naissance ! Timmy, c’est toi qui décides de qui a gagné en cas d’égalité à la fin du chrono !
Annick lui tendit son propre Pokénav avec la fonction chronomètre affichée.
— Je compte sur toi pour être parfaitement impartial ! ajouta Flora en lui pointant ses yeux à l’aide de ses deux doigts.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?? s’exclama Timmy d’une voix trop aigue.
Sofian ne put s’empêcher d’observer le match de loin, non pas que cela l’intéressât, mais il était curieux de voir ce qu’Annick valait. Il ne savait pourquoi, mais cette jeune fille aux talents multiples attisait sa curiosité. Probablement parce qu’elle s’était jetée dans les bras de la Team Magma pour l’aider à récupérer son Galifeu alors qu’elle le connaissait à peine, ou peut-être parce que la veille, elle lui avait fait part d’une théorie qu’il avait du mal à accepter. Une théorie qui remettait en cause la criminalité de sa sœur, une théorie qui renversait le monde dans lequel Sofian avait grandi.
De type plante, Rosélia avait largement l’avantage sur le Charmillon de Flora qui ne connaissait qu’une seule attaque de type vol. Malgré tous ses efforts, la tornade de Charmillon n’arriva pas à atteindre le pokémon plante qui évita l’attaque dans un magnifique bond avant de plaquer ses deux mains en forme de rose contre les ailes de Charmillon. Le papillon tomba au sol sous le corps anormalement gros de Rosélia. Cependant, Rosélia semblait avoir du mal à garder l’emprise sur Charmillon, malgré son avantage. Comme si elle manquait de force. Comme si elle était déjà épuisée après à peine trente secondes de combat.
— Rosélia ! s’écria Annick.
Timmy laissa tomber le Pokénav d’Annick par surprise, tandis que Rosélia s’effondrait au sol.
— Qu’est-ce qu’il lui prend ? s’étonna Flora, impuissante.
Annick se jeta au chevet de son pokémon et lui caressa le front.
— Elle est brûlante !
— C’est sa grippe ?
— Je pensais qu’elle allait se sentir mieux avec le temps ?
— Elle fait peut-être une rechute ?
— Non, c’est pas une grippe ! Je ne l’ai jamais vue comme ça ! Rosélia !
Galifeu frissonna fébrilement, ce qui attira l’attention de Sofian. Galifeu semblait souffrir pour Rosélia, comme s’il ressentait la même douleur. Sofian termina son brossage.
— Elle s’est battue dans la grotte ?
Flora sursauta. Sofian venait de les rejoindre en silence, son Galifeu confortablement niché dans sa pokéball.
— Elle a livré un combat contre la Team Magma ? répéta Sofian.
— Contre le Seviper de Jessie, affirma Annick.
— Elle souffre de l’attaque « queue-poison », en conclut l’adolescent.
Un coup de tonnerre ponctua ses mots.
— Il faut retourner à Autéquia pour la soigner ! s’affola Annick.
— Hors de question, trancha Sofian, nos parents doivent avoir mobilisé toutes les forces de l’ordre pour nous retrouver là-bas.
— Je m’en fiche complètement de… !
— Il y a un centre de recherche scientifique pas loin, interrompit Timmy en évitant une confrontation entre les deux adolescents qui avaient souvent du mal à s’apprécier l’un l’autre.
Il montra la carte de la région affichée dans le Pokénav d’Annick.
— Apparemment, ils travaillent sur la technologie liée aux pokémons, expliqua-t-il. Ils peuvent surement nous aider. Et c’est plus près qu’Autéquia.
Annick ne lâcha pas Sofian du regard. Comme pour l’aider à se décider, la pluie se mit à tomber avec force dans la prairie.

Pokémon #201e
La tempête de pluie qui s’abattait sur les sentiers rocailleux de l’ouest de Hoenn décuplait de force à mesure que les minutes passaient. Les tonnerres, les éclairs et les violentes bourrasques de vent menaçaient la vie des quelques arbres alentours. Timmy n’aurait pas été étonné de croiser au détour d’un chemin un Léviator en plein combat, tant la tempête ressemblait étrangement à l’attaque « draco-rage ».
Ils arrivèrent au pas de course à un pont en bois suspendu qui se balançait dangereusement au-dessus d’un précipice dans lequel un fleuve déchaîné s’écrasait dans les rochers jusqu’au sommet d’une cascade. Comme pour répondre aux questions muettes de ses amis, Timmy leur montra le Pokénav trempé qui indiquait que le seul chemin était vers l’avant. S’armant de courage, Annick fonça la première sur le pont suspendu en pensant à son Rosélia qui comptait sur elle pour la soigner. Flora, Timmy et Sofian, qui glissa lourdement, la suivirent rapidement.
La traversée du pont suspendu devait être l’épreuve la plus difficile que Sofian eût jamais vécue, malgré toutes les horreurs qu’il avait vues ! Le vent agitait violemment le pont qui se balançait de gauche à droite, si bien que les quatre adolescents devaient se tenir à la rambarde en corde tout en se tenant par la taille pour éviter de tomber dans le précipice. Chaque pied qu’il posait sur les rondins de bois trempé menaçait de le faire glisser par-dessus bord. Ils avancèrent ainsi péniblement pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’Annick s’interrompent brusquement.
Elle pointa du doigt devant elle. Au premier coup d’œil, Sofian ne vit rien d’anormal, hormis la force avec laquelle la tempête fouettait le peu de végétation des environs. Annick cria quelque chose que Sofian n’entendit pas à cause des éclats que provoquaient les vagues en se cognant contre les rochers des dizaines de mètres plus bas. Enfin, Sofian aperçut entre les énormes gouttes de pluie un petit pokémon qui tremblotait fébrilement au centre du pont. Timmy lui cria le nom du pokémon mais Sofian n’entendit rien. Il lui fallut l’aide de son Pokédex pour reconnaître un petit Azurill terrifié.
Le pokémon aquatique, une petite boule bleue, s’accrochait difficilement à un rondin de bois pour éviter de s’envoler. Mais la tâche lui semblait rude, et un nouveau coup de vent violent menaça de l’emporter. De l’autre côté du pont, quelques Marill et un Azumarill appelaient à l’aide afin d’aider le membre de leur famille. L’Azumarill prit ses responsabilités et fit un pas en avant. C’est alors que la foudre s’abattit sur l’arbre qui se trouvait à sa gauche et les pokémons sauvages prirent peur. Leur instinct de survie s’enclencha, et la famille du petit Azurill s’enfuit se réfugier.
— IL FAUT L’AIDER !! hurla Sofian.
— QUOI ?? demanda Timmy.
Sofian lui fit un signe de la main en pointant du doigt Azurill, mais le pokémon ne se trouvait plus au centre du pont. Ce fut le visage terrorisé de Flora qui alerta l’adolescent : elle se cramponnait à la rambarde et regardait vers le vide, la bouche grande ouverte, comme si elle poussait un cri d’horreur que le vent l’empêchait d’entendre. Impuissant, Sofian ne put qu’assister à la longue chute d’Azurill vers les rochers aux côtés tranchants.
Tout à coup, Annick ouvrit son sac à la volée, lança une pokéball dans le vide, et attendit. Poussée par la force d’Annick, la sphère rouge défia la force de gravité et toucha le front du pokémon terrorisé avant qu’il n’atteigne la surface de l’eau. Le pokémon disparut dans un éclair de lumière dans la pokéball qui elle-même se dématérialisa sous les yeux de Sofian.
Sofian releva la tête et interrogea du regard Annick, qui était à présent le centre de l’attention. Elle fit un signe à l’aide de ses mains et Sofian ne comprit pas pourquoi elle leur montrait six de ses doigts. Cependant, ils n’avaient pas le temps d’en discuter, car un nouveau coup de tonnerre éclata dans les nuages et leur rappela leur position dangereuse sur ce pont suspendu. Timmy pointa du doigt une faible lueur orangée au loin, de l’autre côté du pont : le centre de recherche ne devait pas être loin !

*
Le centre de recherche s’étendait sur une superficie à perdre de vue. Depuis la colline sur laquelle ils se tenaient, les ombres observèrent silencieusement les nombreux bâtiments modernes et vitrés résister vaillamment à la pluie qui s’abattait drue sur la zone. Les bâtiments semblaient parsemés dans un gigantesque parc naturel autour duquel un building circulaire emprisonnait l’ensemble de la zone. L’orage donnait à l’endroit une ambiance particulière : avec les centaines de points lumineux qui se détachaient ci et là dans les ténèbres de la tempête, il semblait flotter autour du centre de recherche une atmosphère féérique.
Le premier homme de la file leva un bras dans un signe que tous autour de lui reconnurent, et les troupes se mirent en marche vers les bâtiments modernes.

*
— La poisse ! s’exclama Timmy en entrant précipitamment dans le hall.
La double porte vitrée se referma sur le groupe, Sofian fermant la marche, et ils restèrent pétrifiés d’étonnement en découvrant les lieux. Le hall d’entrée du bâtiment circulaire ressemblait à ce que l’on pouvait trouver dans les films de science-fiction : la lumière blanche qui émanait du plafond illuminait chaque centimètre carré du lieu qui brillait de mille feux de propreté. Les bancs, les chaises et les tables construits en matériau étrange — entre le plastic et le métal — avaient pris la forme inattendue du bâtiment circulaire, comme s’ils faisaient partie intégrante de la structure du bâtiment. Les murs lisses laissaient deviner des dizaines d’écrans qui ne formaient qu’un avec les parois vitrées, de nombreuses plantes en pot avait été dispersées de manière régulière dans le bâtiment circulaire qui disparaissait en boyau de chaque côté de l’endroit où ils se trouvaient, et Sofian avait l’étrange impression d’être constamment filmé.
— Excusez-nous ? appela Timmy.
Il ne reçut aucune réponse. Alors que Flora tordait ses longues mèches de cheveux afin d’en évacuer l’eau qui s’y était glissée, Annick avança dans la salle anormalement propre. Lorsqu’elle arriva au centre, quelque chose bougea au sol. Annick fourra sa main dans sa poche, prête à en extirper une pokéball pour se défendre, mais il ne s’agissait pas d’une attaque. Un long tuyau en verre s’extirpa d’un pavé du sol et grimpa jusqu’à la hauteur de son visage ; son sommet se déplia sur lui-même pour former un écran plat transparent. Le visage d’une dame souriante apparut alors dans les airs, tel un hologramme quasi parfait.
— Bienvenue au CRISP, le « Centre de Recherche Informatique et Scientifique Pokémon », annonça l’élégante dame qui semblait les suivre du regard. Le CRISP est le plus grand centre de recherche scientifique de l’archipel, plus grand que celui de Mérouville, et plus étendu que celui de Doublonville. Le CRISP est reconnu pour ses avancées technologiques dans tous les domaines : Bio-Robotique, Nano-Informatique, Ingénierie Pokémon, Pokéballogie,… Nos trois cent trente-trois chercheurs spécialisés travaillent sur des projets qui vont pousser les barrières de la physique actuelle pour créer un futur dont même la science-fiction ne peut rêver. Logés au sein des soixante-six bâtiments dont l’architecture post-moderne est en union avec la nature et les éléments,…
Pendant la vidéo de présentation, Sofian avança jusqu’aux fenêtres donnant sur le parc de recherche et étouffa un souffle d’exclamation. Un magnifique parc naturel — qui ne perdait pas en splendeur malgré l’orage — s’étendait sur un espace qui semblait infini, et il ne s’attendait pas à avoir du mal à dissocier les bâtiments des éléments naturels. En effet, recouvertes de feuillages et de branchages, de gigantesques tours passaient inaperçues entre les saules pleureurs du parc.
— …et la mission de protéger la planète. Transformer le présent vers un futur radieux, telle est la devise du CRISP. Alors, rejoignez-nous !
La vidéo se termina avec la présentation de la cartographie de l’endroit.
— Dites, ils nous demandent d’écrire le motif de notre visite, expliqua Annick en montrant l’écran transparent. Je mets quoi ? « Besoin d’aide pour mon Rosélia malade ? »
— Essaie plutôt « Refuge durant la tempête », grommela Flora qui se battait avec ses cheveux emmêlés.
Annick l’ignora et introduisit quelques mots sur le clavier tactile.
— Votre requête a bien été prise en compte, annonça la dame holographique qui était réapparue dans la pièce. Merci de vous munir des jetons de présence qui se trouvent dans la capsule et de bien vouloir patienter, un membre du personnel est en route pour venir vous rencontrer.
Le support qui était sorti du sol quelques instants plus tôt s’ouvrit en son centre et Sofian y piocha quatre jetons d’une couleur vert pâle.
— Comment ils savent que nous sommes quatre ? s’étonna Timmy.
— J’ai comme l’impression que les murs n’ont pas que des oreilles… marmonna Sofian qui avait un étrange pressentiment.
— Ouais, bah s’il pouvait se manier son membre du personnel, parce que je me les gèle moi ! s’impatienta Flora.
Mais personne n’arriva. La dame holographique leur avait présenté des revues qui leur avait été livrés mécaniquement, mais après les avoir tous lues plusieurs fois, Annick perdit patience.
— Au fait, qu’est-ce qui est arrivé à cet Azurill tout à l’heure ? demanda Timmy en brisant le long silence qui s’était installé.
Sa question eut l’effet escompté : Annick sembla oublier momentanément son agacement.
— C’est vrai, tiens ! Je ne sais pas si c’est l’orage et le peu de visibilité qu’on avait, mais j’aurais juré voir la pokéball disparaître avant de toucher l’eau ! fit remarquer Flora.
— C’est ce qu’il s’est passé, affirma simplement Annick.
— Comment c’est possible ? s’étonna Flora.
— Parce qu’il est légalement interdit de se promener avec plus de six pokémons lorsqu’on est inscrit à une compétition nationale. Comme je suis une candidate aux concours des coordinateurs pokémons, et comme mon équipe est au complet, la pokéball d’Azurill a simplement été transférée automatiquement à la personne qui gère mon compte de coordinatrice.
— Je ne savais pas que tu possédais déjà six pokémons ! s’exclama Flora, comme trahie. Tu ne nous les as jamais montrés !
Dans son coin, un bref souvenir revint à l’esprit de Sofian qui se revoyait en chemin dans la montagne vers le repère de la Team Magma : Annick l’avait rejoint en secret et lui avait présenté son Arakdo, dernier membre de son équipe. Il fut étonné de constater qu’il savait quelque chose sur Annick que Flora, avec qui elle s’entendait davantage, ne connaissait pas.
Une demi-heure était passée et ils étaient toujours seuls. Malgré la conversation, Annick ne s’était pas calmée pour autant. Elle se leva de son fauteuil en métal étrangement confortable — comme si le métal était en réalité plus souple que la normale — et avança vers un des deux bouts du couloir sphérique.
— Ohé, il y a quelqu’un ? cria-t-elle.
— Laisse tomber, mes cheveux ont séchés tout seuls… soupira Flora en essayant d’aplatir ses boucles.
— Je te rappelle qu’on n’est pas ici pour tes cheveux, mais pour mon Rosélia.
De son côté, Timmy était resté cloué sur place devant les fenêtres qui donnaient sur le parc naturel et les bâtiments modernes.
— Impressionnant, murmura-t-il à Sofian qui l’avait rejoint.
Sofian haussa les épaules.
— Je me demande bien quels genres d’avancées technologiques ils ont bien pu trouver… continua Timmy, fasciné.
— Ça ne te dérange pas le fait qu’ils nous filment en continu ?
— Bah, on est un peu chez eux… C’est comme si tu rentrais dans un magasin, c’est normal qu’on te surveille.
— Au point qu’ils connaissent nos noms et prénoms ?
Sofian lui tendit les jetons qu’il avait récupérés plus tôt : sur le sien figuraient clairement les mots « M. Sofian Match. Demande de soins. » Intrigué, Timmy jeta un coup d’œil au sien : « M. Timmy Bronam. Demande de soins. »
— À quel moment on leur a donné nos noms ? s’inquiéta-t-il.
Sofian hocha la tête.
— Quelque chose ne tourne pas rond, ici, lança Annick.
Elle venait de revenir de sa petite inspection au bout du couloir à droite.
— C’est comme si le bâtiment était complètement vide, annonça-t-elle. Pas un Rattata !
— C’est peut-être l’orage qui… commença Flora.
— Non, il y a autre chose, intervint Sofian. J’ai ce mauvais pressentiment depuis qu’on est entré…
Il leur montra leurs jetons et les filles froncèrent les sourcils. Avant qu’elles ne puissent donner leur avis, des bruits de pas précipités retentirent dans le couloir de gauche. Les quatre adolescents se tournèrent brusquement alors qu’une ombre grandissait dans le couloir. Sans un regard, Sofian, Flora et Timmy, habitués à ce genre d’évènements, firent apparaître leurs pokémons : Gobou, Tarsal et Balignon apparurent devant leurs maîtres, prêts à attaquer.
C’est alors qu’une jeune femme, probablement âgée de la trentaine, fit son apparition dans le hall d’entrée. En voyant les quatre adolescents et leurs trois pokémons, elle arrêta sa course brusquement et se figea sur place. Le temps fut suspendu un instant. Trempée de sueur, la femme les toisa du regard, comme si elle était en train d’évaluer le potentiel danger qu’ils représentaient pour elle. Soudain, elle s’écria :
— Porygon, « triplattaque » !

Pokémon #201l
— Qu’est-ce que… ?! s’écria Annick en se réfugiant derrière Timmy.
Balignon, Gobou et Tarsal foncèrent vers l’inconnue qui venait de les menacer, mais un pokémon se matérialisa devant elle, semblant apparaître depuis un écran de télévision. Trois rayons lumineux différents s’extirpèrent du visage polygonal du pokémon et s’écrasèrent sur les trois pokémons.
L’inconnue extirpa hors de sa poche une télécommande qu’elle pointa sur Sofian. Soudain, Balignon disparut dans un éclair rouge et retourna dans sa pokéball. Le même phénomène se produisit avec Gobou et Tarsal, et les trois pokémons avaient disparus.
— Maintenant, « verrouillage » ! cria-t-elle.
Les yeux du Porygon ennemi s’illuminèrent et il sembla à Sofian que plusieurs chiffres et lettres avaient défilé dans ses pupilles. C’est alors que leurs pokéballs crépitèrent et Sofian ressentit de très faibles décharges électriques dans sa poche.
— Laissez-moi passer, maintenant ! ordonna-t-elle en les menaçant de sa télécommande.
— Mais vous êtes folle ou quoi ?! s’exclama Flora.
— Nirondelle, va chercher cette télécommande !
Sofian lança sa pokéball qui retomba platement au sol.
— Inutile, mon Porygon a bloqué le système d’ouverture de vos pokéballs ! expliqua l’inconnue triomphalement. Vous êtes sans défense, alors laissez-moi passer !
L’inconnue brandit à nouveau sa télécommande, tremblant des mains et jetant de temps en temps des coups d’œil derrière elle.
— Qu’est-ce que vous avez fait ?
— C’est possible ça ?
— Vous avez entendu ?! LAISSEZ-MOI PASSER !
— Mais enfin, calmez-vous ! C’est vous qui nous avez attaqués ! s’impatienta Sofian. Vous êtes qui, d’abord ? C’est quoi cet endroit, bordel ?!
À ces mots, la jeune femme baissa légèrement le bras, étonnée.
— Vous n’êtes pas… ?
Soudain, alors qu’un éclair passait dans le ciel, son visage s’illumina, comme si elle venait de comprendre quelque chose.
— C’était vous la demande de soin ? demanda-t-elle, beaucoup moins tendue.
— Oui ! répondit sèchement Annick. Vous allez nous expliquer ce qu’il se passe dans ce chips de fous ?
— CRISP, rectifia l’inconnue en baissant complètement les mains. Vous êtes Annick Furler, Flora Seko, Timmy Bronam et Sofian Match ?
— Oui ! lança Flora dans une parfaite imitation d’Annick. Et vous, vous êtes qui à la fin ?
— Eh bien, vous m’avez sauvé la vie !
Et l’inconnue sauta dans les bras de Timmy. Désemparé, Timmy n’osa pas relâcher l’étreinte sous les yeux réprobateurs d’Annick et Flora. De son côté, le Porygon avait disparu en traversant le sol.
— Pas le temps de discuter, on doit quitter ce bâtiment au plus vite !
L’inconnue courut vers la double porte vitrée de l’entrée mais celle-ci ne s’ouvrit pas automatiquement.
— Porygon, ouvre la porte, ordonna-t-elle dans le vide.
Les quatre adolescents observèrent désemparés la jeune femme s’activer toute seule. Sofian sursauta en croyant voir le reflet de Porygon dans la vitre alors que le pokémon n’était plus dans la pièce avec eux.
— J’aurais dû m’en douter, marmonna l’inconnue. Ils ont verrouillé les issues. Ce qui signifie…
Elle réfléchit un instant avant de pousser une exclamation d’horreur.
— Ils ont réussi à lever le pare-feu ! s’exclama-t-elle dans son coin. Donc, ils vont entrer dans la base de données et pouvoir contrôler les bâtiments !
— Excusez-moi ? interrompit Annick en s’approchant lentement d’elle. Est-ce que tout va bien ?
Comme pour lui répondre, une alarme stridente retentit dans tout le bâtiment et de vives lumières rouges s’activèrent dans tous les coins.
— Ils ont pris les commandes de sécurité ! s’horrifia l’inconnue.
Elle bouscula Annick et se plaça au centre de la pièce, là où le boyau transparent se trouvait toujours. Elle plaqua sa main contre l’écran transparent qui sembla reconnaître son empreinte digitale. Enfin, elle se retourna vers les quatre dresseurs.
— Vous me faites confiance ? demanda-t-elle.
Les quatre amis échangèrent un regard inquiet. L’inconnue n’attendit pas leur réponse et cria de nouveau :
— Porygon, « conversion 1 » !
Cette fois-ci, la silhouette de Porygon avait traversé le sol lisse du hall d’entrée. Soudain, Sofian sentit le sol se dérober sous ses pieds et il passa à travers le plancher vitré, sous les cris de ses compagnons et de l’inconnue.

Pokémon #201e
Sofian rouvrit les yeux. Rien autour de lui ne ressemblait à quelque chose qu’il pouvait identifier. Il se trouvait dans une pièce — ou était-ce un parc ? — complètement différente de toutes les choses qu’il avait vues dans sa vie. Tout autour de lui était vert — ou noir ? ou peut-être même blanc ! — et rien n’avait l’air d’être composé d’une matière solide. Il se sentait parcouru de chocs électriques sans pour autant en souffrir, comme s’il avait plongé dans une piscine d’électrons qui lui faisaient se hérisser les poils. Il essaya de se relever, mais il n’y avait pas non plus de plancher. Tout autour de lui s’agitait et il reconnut des symboles de clavier, des lettres, des chiffres,… Que s’était-il passé.
De plus, il était complètement seul. D’ailleurs, il venait de se rendre compte qu’il était debout finalement. Comme si le simple fait d’avoir pensé à se lever lui avait permis de se lever.
— Flora ? appela-t-il.
C’est alors que Flora se matérialisa devant lui.
— Sofian !
— Flora !
— Je… J’étais toute seule !
Elle se jeta dans ses bras pour y trouver du réconfort.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Où sommes-nous ??
— Aucune idée…
— Où sont Timmy et Annick ?
Tout à coup, le corps de Timmy se matérialisa à sa droite et celui d’Annick à sa gauche.
— … les retrouver ! disait Timmy, comme coupé au milieu de sa phrase.
Tous quatre s’observèrent un instant, comme s’ils venaient de se rencontrer pour la première fois.
— Qu’est-ce que c’est que cette affaire… marmonna Annick.
— Bienvenue dans l’antivirus du CRISP !
L’inconnue venait de se matérialiser au centre du groupe.
— Vous ! s’exclama Sofian.
Il se jeta sur elle mais transperça son corps et se retrouva dans son dos.
— Qu’est-ce que… ?
— Je suis désolée de vous avoir mêlés à tout cela.
— Où sommes-nous ? demanda Flora, paniquée, en se regardant les mains comme si elles pouvaient lui tomber à tout instant.
— Laissez-moi vous expliquer…
— Vous avez intérêt à être très explicite ! menaça Sofian.
— Nous ne sommes plus dans la réalité, annonça-t-elle.
Annick voulut répliquer mais les mots lui en tombèrent.
— Excusez-moi mais je n’ai pas bien compris ce que vous venez de dire, hésita Flora.
— Je vous ai fait pénétrer dans le réseau de sécurité du CRISP, expliqua l’inconnue. Je m’appelle Annette, je travaille au CRISP dans la recherche en Nano-Informatique et Bio-Informatique. En gros, ajouta-t-elle en voyant les visages consternés autour d’elle, je suis informaticienne et mes recherches ont démontré qu’il était possible de lier le biologique et l’informatique pour n’en faire qu’un seul élément. Ce que vous voyez autour de vous, c’est un code informatique très complexe qui définit l’endroit où nous nous trouvons dans l’ordinateur principal du CRISP. À la base, nos recherches nous ont permis de créer un système de stockage de pokémon comparable à celui créé par mon confrère Léopold à Kanto, mais avec la spécificité que nous pouvons nous servir d’un… disons d’un wifi de troisième génération, pour transporter un pokémon d’une région à l’autre sans les faire passer à travers la matière.
Sofian, Flora et Annick échangèrent des regards perplexes. Seul Timmy semblait suivre les explications de la scientifique.
— Vous savez comment fonctionne un ordinateur, n’est-ce pas ?
Timmy approuva mais les trois autres restèrent cois.
— Bref, sachez simplement ceci : plutôt que de transférer vos pokémons à travers des câbles électriques, nous avons réussi à inventer un procédé qui les transfère via des ondes électromagnétiques. Nous avons appelé ce procédé le « Système de Pokémon Classement », ou plus communément le Système PC.
— Quel est le rapport avec nous et le fait que vous nous ayez attaqués ?
Annette repris son souffle, comme écrasée par la masse d’information qu’elle devait encore leur transmettre.
— En résumé, pour ne pas entrer dans des détails compliqués, je vous ai transférés à l’aide de mon Porygon — son pokémon apparut à ses côtés — dans le Système PC du CRISP, expliqua-t-elle.
— Vous voulez dire que… nous sommes dans un ordinateur ? s’émerveilla Timmy.
— Au ton particulièrement expressif de mon ami, il semblerait que toute cette histoire trouve un quelconque sens pour lui, fit remarquer Annick, mais ne vous figurez pas que ça soit le cas pour nous. Pour nous, vous êtes toujours notre agresseur !
— Croyez-moi, j’ai fait ça pour votre bien.
— Notre bien ? Nous transformer en chiffres et en lettres pour notre bien ?! s’énerva Sofian.
— Techniquement, vous n’êtes que des uns et des zéros… rectifia Annette en se tordant les mains.
Elle préféra ne pas insister sur les termes techniques en voyant le visage de Sofian prendre une teinte pourpre de colère.
— Suite à nos découvertes et à la place importante qu’a pris le CRISP dans le monde scientifique, nous avons décroché de nouveaux contrats commandés directement par l’État. Je ne peux pas vous dire précisément ce dont il s’agit car c’est classé « Secret Défense », mais en gros c’est lié au bouleversement climatique.
Timmy laissa apparaître des signes de compréhension, comme il en avait toujours l’habitude lorsqu’il comprenait avant les autres, ce qui exaspéra Sofian davantage.
— Nos recherches ont dépassé les limites de la compréhension dans le domaine et nous nous sommes rendu compte que certains phénomènes climatiques que nous avons pu subir à Hoenn dernièrement n’étaient pas complètement… naturels. En conclusion, nous avons eu quelques petits soucis avec certaines personnes et il nous fallait protéger nos données.
— Et en langage non-codé, ça donne quoi ? demanda Flora qui, d’après son visage, ne semblait pas avoir compris le double sens de sa question.
— Ça veut dire que la Team Magma s’est intéressée à leurs recherches car ils sont eux-mêmes à la source des problèmes climatiques actuels, et qu’ils ont attaqué le CRISP pour voler les données et effacer toute trace de leur culpabilité, acheva Timmy.
Annette resta pétrifiée de surprise.
— À voir votre tête, vous devez être la seule personne à Hoenn à ne pas avoir suivi les informations récemment, lui dit-il.
— Vous êtes les enfants qui se sont fait attaquer par la Team Magma à Autéquia, comprit Annette.
Timmy acquiesça.
— Tout ceci ne nous dit pas pourquoi vous nous avez transformés en virus informatique ! rappela Sofian.
— Justement, je vous ai protégés dans le système de sécurité de l’ordinateur du CRISP, rectifia Annette. En fait, tous les chercheurs, collaborateurs et autres membres du personnel sont eux aussi réfugiés dans cet antivirus. Nous nous sommes fait attaquer ce matin par… bon, bah la Team Magma, vu que vous savez de qui on parle. Nous savions que cette attaque allait arriver, mais nous n’étions pas prêts à nous défendre. Du coup, nous avons opté pour le choix le plus drastique : protéger toutes nos données ainsi que nous-mêmes dans le système de sécurité du CRISP. Comme je l’ai moi-même créé, j’ai été chargée de prévenir les autorités. Mais la Team Magma avait déjà piraté notre serveur principal, il fallait donc que je m’enfuie pour prévenir la police. Et c’est là que je vous ai croisés.
— Donc, quand vous nous avez attaqués, vous pensiez que nous étions la Team Magma ?
Annette acquiesça.
— Pourquoi vous avez dit que nous vous avions sauvé la vie ? se souvint Flora.
— Parce que c’est un peu vous qui avez sonné l’alerte, sans le savoir. Lorsque vous avez passé votre requête dans l’ordinateur de l’accueil, un message s’est affiché dans le serveur, ce qui m’a permis de localiser la Team Magma et de comprendre à quel point ils s’étaient introduits dans nos données. C’est grâce à vous si j’ai quitté à temps mon bureau. D’après les explosions que j’ai entendues, quand j’ai quitté le bâtiment, ils venaient d’y entrer. Une minute de plus, et j’y passais.
— Et il vous a fallu trente minutes pour sortir de là ?
— Vous ne vous rendez pas compte d’à quel point le CRISP est grand. Il s’étend jusqu’au Site Météore, vous savez ?
— Bon, très bien, on a bien discuté, tout cela est parfait, interrompit Sofian. On peut retourner dans le monde réel maintenant ? Je n’aime pas être un code binaire !
— Pourtant, ça te va très bien le binaire, murmura Flora. Un coup de bonne humeur, un coup de mauvaise humeur, un coup…
Sofian tenta de la pousser pour la faire taire mais son bras transperça son corps. Il ferma les yeux en soupirant d’exaspération.
— Ne vous en faites pas, nous allons sortir d’ici car nous devons prévenir les autorités, rassura Annette. Et je n’ai pas l’autorisation de vous garder dans notre système de sécurité. Cependant, n’importe quelle issue donnerait sur la base de données principale.
— Qu’est-ce qui nous arriverait au pire ? demande naïvement Annick.
— On serait piégé dans le virus de la Team Magma, et Arceus seul sait ce qu’il adviendrait de nous.
Flora déglutit.
— Il y a bien une solution, non ?! s’affola-t-elle.
— Oui, ne vous en faites pas. Nous avons codé le système de sécurité pour qu’il nous permette de nous en extraire de manière aléatoire et assez rapidement pour que n’importe quel pirate informatique n’ait pas le temps de nous localiser dans l’ordinateur.
— Ce qui veut dire ? demanda Annick. On peut revenir en langage littéraire ?
— Ce qui signifie que nous allons tous sortir par une porte différente : nous pourrons être soit dans le même bâtiment et sortir de deux ordinateurs différents, soit à l’extrême opposé du parc, qui s’étale sur plus de cent hectares.
— On va faire comment pour se retrouver ? s’inquiéta Flora.
— On ne va pas se retrouver, annonça Annette. Dès que nous sortons des ordinateurs, je m’empresse de prévenir les autorités.
— Je pensais que vous ne pouviez pas le faire de manière informatique, fit remarquer Sofian qui croyait avoir compris au moins une information.
— J’y travaille !
— Et nous, si on apparait à l’autre bout du parc ? rappela Flora.
— Tous nos bâtiments sont reliés entre eux à travers un système de souterrains dont l’accès se trouve au dixième sous-sol. Ces souterrains sont reliés au système de sécurité, donc n’ont pas été piratés par la Team Magma. Là-bas, le chemin de la sortie de secours est indiqué. C’est par là que je suis sortie quand nous nous sommes retrouvés. D’ici à ce que vous arriviez dans le hall d’entrée, j’aurai réussi à débloquer la porte.
— Vous êtes sûre ?
— Vous me faites confiance ?
Les quatre adolescents hésitèrent un instant, puis, en se souvenant que leur hésitation n’était en ce moment qu’une ligne de code à plusieurs milliers de caractères, ils acquiescèrent.
— Porygon, « conversion 3 » !

Pokémon #201c
Sofian rouvrit les yeux instantanément. Son premier réflex fut de se toucher le corps. Il poussa un soupir de soulagement en sentant son torse et ses côtes contre ses paumes. En reconnaissant des objets du quotidien, tel qu’un bureau, une chaise, des classeurs, et des armoires, il se sentit heureux de se retrouver dans le monde réel. Un coup de tonnerre à l’extérieur lui fit se souvenir du temps exécrable qui les avait menés à cet endroit précis, et il se releva d’un bond.
Sans surprise, il était seul. Il se trouvait dans un petit bureau qui devait probablement appartenir à un assistant de direction : rien autour de lui n’indiquait que des recherches poussées avaient lieu dans cette pièce. De plus, le nombre de papiers, de classeurs et de documents déposés ci-et-là lui donna plus l’impression de se trouver dans un bureau classique d’archivage. Il regarda à travers la petite fenêtre et ne vit rien que les énormes gouttes d’eau s’écraser contre la vitre. C’est alors qu’il comprit qu’il devait être à quelques dizaines de mètres d’altitude ; le climat exécrable l’empêchait de voir à plus de deux mètres.
Il se souvint alors de la consigne claire d’Annette : quitter les lieux au plus vite en se rendant au sous-sol. Avec tout le temps qu’il avait pris pour se rendre compte de l’endroit où il avait atterri, Annette devait déjà avoir dû prévenir les autorités et s’apprêtait à ouvrir l’accès du hall d’entrée. Il fallait à tout prix qu’il se dépêche s’il ne voulait pas rater la fenêtre d’ouverture que lui laissait Annette.
Néanmoins, alors qu’il avait posé la main sur la clinche de la porte, une lueur bleue attira son regard. Dans le coin de la pièce, l’ordinateur duquel il avait probablement dû être éjecté — si seulement il arrivait vraiment à croire ce qu’il venait de se produire — était allumé, ce qui attira sa curiosité. Annette n’avait-elle pas dit qu’ils avaient été piratés ? Il n’y connaissait rien en informatique, mais il était sûr qu’un ordinateur piraté ne devait pas être en état de marche, surtout si l’ensemble du personnel s’était réfugié en son sein.
Sofian s’approcha lentement de l’ordinateur. Puis, se souvenant que chaque pièce était filmée, il hésita à poursuivre. Était-ce vraiment le moment de fourrer son nez dans des affaires dont il ne maîtrisait pas le sujet, avec la Team Magma quelque part dans les parages ? Il devait se rendre à l’évidence, il s’était déjà assez attiré de problèmes. Il décida d’abandonner son idée.
Il posa à nouveau la main sur la clinche, mais arrêta son mouvement une seconde fois. Son regard venait de passer sur un classeur ouvert et il avait reconnu un visage familier. Il s’approcha du classeur et le tira vers la fenêtre d’où émanait la lumière de la foudre qui parsemait les nuages de manière aléatoire. Les yeux bleu électrique et déterminés, les cheveux noirs aux reflets bleus, ses sourcils lui donnant un air sévère : la photo de son meilleur ennemi Steve le dévisageait du regard sur une feuille dans le classeur.
Sofian se demanda ce que Steve pouvait bien faire au beau milieu de la paperasse d’un centre de recherches scientifiques, et surtout quelles avaient été les chances pour qu’il tombe dessus. Mais la première question l’intéressa davantage. Il feuilleta le classeur et d’autres visages, inconnus cette fois-ci, lui sourirent, jusqu’à ce qu’ils tombent sur un visage très familier : le sien. Sofian sursauta sur place. Que faisait-il dans la base de données d’un centre de recherche ? Tout à coup, plus rien ne comptait à présent que la réponse à ses questions. Que savaient-ils de lui ? Pourquoi avaient-ils cherché des informations sur lui ?
En lisant l’étiquette soigneusement collée sur la tranche du classeur, Sofian comprit qu’il s’agissait d’un recensement des dresseurs de la région de Hoenn qui s’étaient inscrits à la compétition de la Ligue Pokémon durant cette année. De nombreux autres classeurs sur les étagères du bureau indiquaient l’archivage de profils tous les plus différents : les participants aux concours de coordination depuis leurs créations, les personnalités scientifiques de Hoenn, les repris de justice (il pensa amèrement que son nom devait à nouveau y figurer depuis une semaine), ainsi que les criminels recherchés. Sofian replongea dans son classeur et retrouva la page associée à son profil et y chercha les informations récoltées. Ainsi, il fut déçu de ne voir que ses informations d’identité, comme s’il avait voulu que le CRISP connaisse des choses sur lui pour pouvoir leur en vouloir. Cependant, il remarqua tout de même que son fichier était corrélé à un code d’accès pour le Système PC, ce qui signifiait que quelque part sur le réseau du CRISP, une session lui était attribuée.
Sofian tira une chaise de bureau et s’installa devant l’ordinateur allumé. Un simple écran blanc lui indiquait d’entrer son code d’accès ou de revenir au menu principal. Il retrouva le code d’accès lié à son profil et tapa les caractères suivants sur le clavier : « 950822KSMLH1112 ». Une photo de son visage, la même qui se trouvait sur son dossier, fit son apparition à l’écran. Il s’observa un instant, constatant que la photo avait dû avoir été prise à l’époque où il résidait toujours à Kanto car quelques nouveaux poils avaient poussé sur son menton depuis lors, et il parcourut des yeux le texte. Il constata avec horreur que le CRISP savait tout de lui :

VILLE DE NAISSANCE : Azuria, Kanto.
LIEU DE RESIDENCE : Bourg-en-vol, Hoenn.
PÈRE : Norman Match, champion de l’arène de Bourg-en-vol, anciennement champion de l’arène d’Azuria.
MÈRE : Nathalie Firework, peintre.
SŒUR : Sarah Match.
OCCUPATION : inscrit à la Ligue Pokémon de Hoenn 2011 – 2012.
PROMOTEUR : Charles Seko, Bourg-en-vol, Hoenn

Outre les informations principales de sa vie privée, Sofian tomba sur une liste détaillée des faits relatifs aux nombreuses plaintes qu’il avait déposées contre les Team Rocket, Aqua et Magma, ainsi que son arrestation et sa condamnation à un repos forcé en centre psychiatrique à Autéquia. C’est la boule au ventre qu’il se rendit alors compte de la quantité d’informations qui était détenue dans les bases de données informatiques à son sujet, des informations qu’il tenait absolument à garder secrètes.
Cependant, une idée lui vint en tête. Si une session lui avait été attribuée, alors il en valait de même pour toutes les autres personnes se trouvant dans leur base de données. C’était peut-être l’occasion rêvée pour en savoir plus sur ce qu’était devenue sa sœur Sarah Match depuis qu’elle s’était enrôlée dans la Team Magma.

Pokémon #201h
Annick se releva d’un saut. La foudre qui s’était abattue sur l’arbre devant la fenêtre l’avait extirpée de sa transe et elle fut ravie de constater qu’elle était de retour dans le monde physique. Sans perdre de temps, elle analysa l’endroit où elle avait atterri. Une tablette tactile trônait sur une très longue table blanche, ce qui lui fit comprendre que c’était de là qu’elle venait. Elle se trouvait dans un très grand hangar baigné d’une lumière blanche éclatante. Le mur du fond était entièrement vitré et séparait l’endroit où elle se trouvait d’un atelier de construction, où des machines éteintes à présent devaient probablement s’afférer à longueur de journée à la construction d’engins technologiques. Sans perdre de temps, elle chercha des yeux la porte de sortie. Il ne fallait pas qu’elle perde une minute !
Elle sortit précipitamment dans un très long couloir à la recherche d’une quelconque nouvelle sortie. Au détour d’un couloir, elle trouva une plaque d’information digitale qui lui indiquait sa position dans le parc de recherches scientifiques. Grâce aux lectures qu’elle avait effectuées lorsqu’elle avait longuement attendu dans le hall d’entrée, elle savait exactement où elle se trouvait. Elle avait atterri dans un des bâtiments les plus éloignés du hall principal et, d’après le plan qu’elle avait sous les yeux, elle se trouvait dans un des premiers étages de la tour. Il lui fallait à présent trouver un accès vers les sous-sols si elle voulait…
Une porte claqua au fond du couloir. Annick sursauta et ouvrit la première porte qu’elle trouva. Elle se cacha dans le placard qu’elle venait de trouver et ferma la porte derrière elle, sentant la vision d’une caméra la filmer dans son dos. Qui que ce fut, ce devait être un ennemi car, d’après Annette, tous les employés étaient en sécurité dans les ordinateurs du CRISP. Il y avait donc un membre de la Team Magma dans les parages.
Sa curiosité piquée à vif, Annette entrouvrit très légèrement la porte et scruta d’un œil les pénombres qui s’étalaient devant elle à la recherche d’une étoffe rouge qui trahirait la présence d’un ennemi. Les bruits de pas se rapprochaient, mais il lui était impossible de voir qui que ce fut. C’est alors qu’une ombre apparut depuis l’autre côté du couloir et poursuivit sa marche en lui tournant le dos. Tout ce qu’elle vit, ce fut la carrure d’un homme emmitouflé dans un vieil imper gris et coiffé d’un chapeau rapiécé. Les bras lui en tombèrent : le détective qui s’était occupé de l’attaque terroriste de la Team Magma à Autéquia et qui avait mystérieusement disparu était de retour, et dans le dernier endroit où elle s’attendait à le croiser ! Faisait-il partie de la Team Magma ? Ou profitait-il de la diversion pour se glisser dans les locaux ? Surtout, quel était son but ?
L’homme à l’imper gris s’arrêta au milieu du couloir et appuya sur le mur qui se trouvait face à lui. Soudain, deux portes s’ouvrirent et la lumière typique de celle d’un ascenseur baigna les lieux. L’homme pénétra dans l’habitacle qui se referma sur lui-même. Mécaniquement, Annick sortit de sa cachette et courut vers l’ascenseur qui indiquait le numéro de l’étage auquel il se trouvait actuellement. L’ascenseur grimpait à toute vitesse, avant de s’arrêter au tout dernier étage. Si elle voulait savoir ce qu’il fabriquait dans le coin, il allait falloir qu’elle grimpe tous les étages à pieds et discrètement. D’un autre côté, ses pokéballs avaient été piratées par Annette et ne pouvaient plus lui offrir une protection.
Pesant les pours et les contres, Annick se lança dans la cage d’escalier la plus et grimpa les étages en toute hâte.

Pokémon #201
Flora bondit sur ses jambes par réflexe. Elle venait de reprendre conscience au beau milieu d’une salle de réunion. Les chaises de bureau autour de la table semblaient avoir subi le choc d’une tempête, comme si les personnes qui s’étaient trouvées dans cette pièce avait dû la quitter dans la précipitation. Au-dessus de sa tête, dans le coin de la pièce, siégeait une caméra de surveillance qu’elle suspecta être l’appareil numérique qui l’avait ramenée dans le monde physique.
Sans perdre de temps, l’adolescente se dirigea vers la fenêtre la plus proche qui lui indiqua qu’elle ne devait pas être bien haut dans les étages d’un large bâtiment, au beau milieu du parc industriel. Se souvenant de l’urgence de la situation, elle jeta un coup d’œil à l’horloge qui avait été fixée à l’opposé de la caméra de surveillance. Il ne lui fallait pas perdre de temps car Annette comptait sur elle pour se retrouver dans le hall d’entrée.
Flora se jeta alors sur la porte de la salle qu’elle franchit, et se mit à courir dans le long couloir obscur à la recherche du chemin qui la mènerait vers les sous-sol. Par chance, un ascenseur attira son attention à mi-chemin. Elle pressa son doigt de toutes ses forces sur le bouton d’appel de l’engin mécanique et patienta de longues secondes qui lui parurent des heures. À cette vitesse, Annette allait bloquer les issues avant même qu’elle eût eu le temps de se mettre en sécurité. Enfin, la porte de l’ascenseur s’ouvrit à son étage.
Flora poussa un cri d’effroi lorsqu’elle reconnut les silhouettes dangereuses qui se trouvaient dans l’ascenseur. Une demi-douzaine de personnes emmitouflées dans des uniformes rouges sursautèrent de surprise.
— Une employée ! s’écria un des sbires de la Team Magma.
Flora ne perdit pas une seconde : elle profita de l’endroit exigu dans lequel se trouvait ses ennemis pour pousser le premier qui se présentait à elle sur le reste du groupe qui fut désarçonné, avant de s’enfuir en toute hâte dans le couloir.
— Ne la laissez pas s’échapper ! s’écria un des sbires derrière elle.
Un éclair de lumière lui indiqua que ses ennemis avaient fait appel à leurs pokémons pour l’arrêter dans la course-poursuite. Un cri strident la fit frissonner tandis qu’un Nosferapti fendit l’air près de son oreille gauche. Flora se baissa instantanément dans sa course, et le pokémon s’écrasa contre le mur.
— Charmillon, viens m’aider !
Flora dégaina sa pokéball mais le pokémon ne fit pas son apparition. Avec horreur, Flora se souvint de l’attaque du Porygon d’Annette qui avait bloqué le mécanisme d’ouverture de ses pokéballs un peu plus tôt dans la journée. Refusant de se laisser abattre, elle évita les boules de feu que tirèrent deux Limagma derrière elle, et ouvrit la première porte qu’elle trouva à sa droite, avant de la refermer violemment sur le Nosferapti qui avait repris sa course après elle. Flora verrouilla la porte et soupira un instant.
Elle se trouvait dans une cage d’escalier et savoura son bonheur d’avoir trouvé l’accès le plus rapide vers les sous-sols.
— Équipe Bravo, nous l’avons en visuel !
Flora bondit de surprise : une troupe de la Team Magma dévalait les escaliers depuis les étages supérieurs et arriverait bientôt à son niveau. Elle prit ses jambes à son cou et descendit les marches quatre à quatre en essayant de mettre le plus de distance entre elle et ses ennemis.
— Arrêtez-la, c’est un ordre !
Un gigantesque serpent ténébreux se matérialisa au centre de la cage d’escalier, dans le tuyau que formaient les rampes de sécurité qui descendaient en spirale. Flora reconnut l’énorme Seviper qui la poursuivait en empruntant le chemin le plus rapide, et elle se jeta au sol sur le palier suivant lorsque le pokémon monstrueux avait foncé vers elle, la mâchoire ouverte. Le Seviper s’encastra dans un mur et le choc fit se soulever un nuage de poussière.
— Je m’en occupe !
Flora se releva d’un bond et alors qu’un petit cactus se matérialisait juste à l’endroit où elle était tombée. Les dards que le Cacnéa envoya vers elle brisèrent les fenêtres d’une porte et Flora hurla de plus belle. Elle donna un coup de pied violant sur le pokémon ennemi qui dégringola les marches suivantes, avant de s’enfuir dans le couloir de l’étage auquel elle venait d’accéder. Derrière elle, le Seviper s’était désencastré du mur et la coursait à toute vitesse, détruisant tout sur son passage : les néons au plafond explosèrent, les distributeurs de boissons volèrent en tous sens, les sofas se brisèrent en centaines de morceau.
— AU SECOURS ! hurla Flora qui sentait une pointe se loger dans ses côtes.

Pokémon #201r
Timmy rouvrit les yeux subitement. Il se trouvait debout contre un mur, face à un laptop allumé, et fut enchanté de se retrouver dans un monde dont il connaissait les principes physiques. De l’autre côté de la pièce se trouvait un corps allongé. Lentement, il s’approcha silencieusement du corps, au cas où il s’agissait d’un ennemi, et lâcha un soupir de contentement lorsqu’il reconnut la personne.
— Madame Annette ! appela-t-il en silence.
Annette revint à elle en sursaut et Timmy l’aida à se relever.
— Bon sang, on n’a pas réapparu à l’endroit le plus approprié ! s’impatienta Annette.
Timmy observa les lieux. La salle dans laquelle ils avaient réapparu ressemblait à un vaste bureau classique, un open space où s’alignaient des dizaines d’ordinateurs sur des dizaines de bureaux identiques.
— Ne perdons pas de temps et appelons les secours ! Il faut que nous passions par un appareil qui n’appartient pas au serveur du CRISP. Est-ce que tu as un Pokénav ?
Timmy hésita. L’idée de rallumer son Pokénav et de découvrir les centaines d’appel en absence des parents de Sofian et Flora ne le tentait guère, mais il se trouvait en situation d’urgence et farfouilla dans sa poche pour le tendre à Annette. L’informaticienne le saisit d’une traite, puis retint son geste, perdue dans ses pensées.
— En même temps, si la Team Magma a réussi à pirater notre serveur ultra-sécurisé, ce n’est pas ton Pokénav qui va les arrêter. Ce qu’il faudrait, c’est de reprendre le contrôle de notre serveur en passant par celui dans lequel mes collègues sont cachés. Pour cela, il faut que je localise l’endroit d’où la Team Magma pirate le système, et ça peut prendre du temps. Ou alors…
Annette se mut en se renfermant dans ses pensées et Timmy en profita pour jeter un coup d’œil à la fenêtre. De nombreuses silhouettes rouge couraient dans tous les sens dans le parc industriel et pénétraient un par un dans les bâtiments.
— Il faut se dépêcher, la Team Magma est en train de ratisser le terrain, urgea Timmy.
Annette se précipita à ses côtés et se pencha dans tous les sens pour observer les troupes ennemies.
— On dirait qu’ils viennent tous du même endroit.
Elle pointa la tour la plus haute du parc, qui se trouvait à une centaine de mètres sur la droite.
— Évidemment, le centre de contrôle… Tellement prévisible.
— Et si vous désactiviez le verrouillage de nos pokéballs, au cas où on se ferait attaquer ? proposa Timmy dont le cœur se mettait à battre de plus en plus fort dans sa poitrine.
— Pour cela, je dois entrer dans la base de données piratée, donc signaler notre position.
— De toute façon, ils vont arriver à un moment donné puisqu’ils prennent possession des lieux !
Annick ferma les yeux pour mieux se concentrer.
— On va leur tendre un piège !
Timmy l’interrogea du regard.
— Je vais libérer l’accès de vos pokéballs pour que vous puissiez vous défendre en cas de pépin, et en profiter pour prévenir la police. Cependant, cela va signaler notre position…
— Je me battrai ! Je n’ai pas peur d’eux !
— Non ! Parce que j’ai besoin de toi avec moi.
— Et vous comptez aller où ?
— Au cœur même du système informatique du CRISP.
— Vous comptez retourner dans le programme informatique ?
— Bien sûr que non ! Le programme ne peut exister que s’il y a un ordinateur central, une base de données centrale. Une boîte physique.
Timmy fronça les sourcils. Il n’eut pas besoin de poser la question, car il connaissait la réponse. Il savait très bien quelles étaient les intentions d’Annette. La scientifique fit apparaître son Porygon et n’eut pas besoin de lui donner d’ordres : son pokémon savait quelle était sa mission. Une porte claqua quelques étages plus bas. La Team Magma arrivait.
— Bien, soyons rapide.
Annette pianota sur le clavier du laptop allumé et, quelques secondes plus tard, un cliquetis mécanique dans la poche de Timmy annonça le déverrouillage de ses pokéballs.
— Ils sont dans ce bureau ! cria une voix dans le couloir.
Annette et Timmy échangèrent un regard effaré.

Pokémon #201g
Toujours aussi discrète, Annick pénétra au dernier étage du bâtiment, épuisée. La longue montée des marches l’avait exténuée, mais l’adrénaline qui parcourait son corps atténuait sa douleur aux muscles. Il s’agissait à présent de retrouver la trace de l’homme qu’elle épiait. La chose fut aisée, car l’homme mystérieux ne s’était pas soucié de cacher sa présence. Une faible lumière émanait de la vitre d’une porte un peu plus loin dans le couloir sombre. Annick avança furtivement et glissa un œil par le léger entrebâillement de la porte.
L’homme à l’imper gris se trouvait devant une bibliothèque pleine de classeurs et faisait glisser ses yeux sur les intitulés. Après quelques instants de recherche silencieuse, il sembla avoir trouvé le classeur qui l’intéressait et l’ouvrit sans bruit sur un bureau derrière lui. L’angle de vue ne permit pas à Annick de voir le contenu du classeur, mais le détective se trouvait enfin face à elle, ce qui lui permit de voir ses expressions. Sous son chapeau rapiécé, une mèche brune tournoyait sur ses yeux bleu électrique écarquillés, comme s’il venait enfin de trouver une information qu’il avait cherchée pendant des années. Le détective afficha un sourire trahissant sa joie intense et resta immobile, probablement était-il occupé à lire le document qu’il venait de trouver.
Soudain, un cliquetis mécanique retentit depuis la poche d’Annick et se répercuta dans tout le couloir. Le détective tourna sa tête brusquement et Annick prit la fuite en essayant de faire le moins de bruit possible.

*
Ses jambes ne lui répondaient plus. Si Flora continuait à courir, c’était grâce à son instinct de survie plus que grâce à sa condition physique. Le poing toujours serré autour de sa pokéball verrouillée, elle se pencha une dernière fois alors qu’un distributeur d’eau fusait dans le couloir, propulsé par le pokémon qui la coursait. Quelque chose lui piqua à la jambe et une nuée de dards explosa à ses pieds. Flora trébucha et tomba à la renverse devant une double porte de sécurité. Au-dessus d’elle, le gigantesque Seviper et le dangereux Cacnéa la toisèrent du regard, comme s’ils attendaient l’ordre de l’achever.
— On la tient ! crissa une voix au bout du couloir.
Seviper fendit l’air, les crocs en avant, et Cacnéa brandit son poing piquant. Flora ferma les yeux et se protégea le visage à l’aide de sa main. Ses dernières pensées, elle les offrait à ses amis, et en particulier au regard de Sofian qui venait de s’imprimer dans sa rétine. Soudain, un cliquetis mécanique se fit entendre et un éclat de lumière foudroya la pénombre. Jamais les crocs de Seviper ni le poing de Cacnéa ne l’atteignirent. Flora rouvrit les yeux et découvrit son Charmillon fouetter l’air à l’aide de ses longues et majestueuses ailes. Cacnéa s’écrasa sur la gueule de Seviper qui glissa en arrière.
Ni une, ni deux, Flora rampa vers les doubles portes de sécurité, les poussa en toute hâte, et s’enfuit dans les sous-sols, accompagnée de son Charmillon.

*
Assis dans le calme de la pénombre, Sofian s’impatientait. Cela faisait maintenant plus de dix minutes qu’il s’acharnait à trouver une manière de rentrer dans la base de données du Système PC du CRISP. S’ils avaient autant d’information sur sa personne, il était certain qu’ils en avaient sur tous les résidents de Hoenn.
— Bon, reprenons depuis le début, chuchota-t-il pour lui-même afin de remettre ses idées en ordre.
Il avait épluché tout le classeur dans lequel son dossier se trouvait et était tombé sur des centaines de dresseuses et dresseurs différents. Il en avait reconnu certains qu’il avait croisé durant son voyage, tels que Hélène, Dan, Charles, et même les coordinateurs Loïc et Donald. Mais sa sœur, Sarah, ne s’y trouvait pas. Était-ce parce qu’elle ne résidait pas officiellement à Hoenn ? Cette possibilité lui sembla plausible étant donné qu’il ne lui avait pas semblé trouver des documents concernant des étrangers. Avec lassitude, il se rendit compte que le classeur qu’il épluchait revêtait le titre : « Dresseurs nationaux ». Il leva les yeux et balaya l’endroit qui était rempli de classeurs aux couleurs différentes. Non, il n’aurait pas le temps de partir à la recherche des documents qui l’intéressaient.
— Il y a bien un moyen d’accéder à son profil en utilisant le Système PC ! s’énerva-t-il.
Reprenant ses esprits, il tenta une expérimentation en prenant le dossier de son rival, Steve. S’il en croyait le document, le code d’accès à la session de Steve lui permettrait de découvrir toutes les informations qui concernaient son rival. Il fit alors une recherche en inscrivant le prénom de Steve dans la barre de recherche. Un message s’afficha : « Erreur 404. » Évidemment, s’il n’entrait pas le nom de famille, le logiciel de recherche ne pourrait pas fonctionner. Néanmoins, il ne savait pas quel était le nom de famille de Steve.
Partant dans une autre direction, il revint à son désir initial de trouver la session de sa sœur dont il connaissait le nom de famille vu qu’ils partageaient les mêmes liens familiaux, à son grand damne. Sofian inscrivit « Sarah Match » dans le moteur de recherche, et celui-ci afficha le message « Erreur 404 ». Pour être certain que le moteur de recherche fonctionnait, il inscrivit les caractères « Flora Seko » et le profil de son amie apparut en lui demandant un code d’accès. Sa curiosité piquée à vif, il tapa une suite de caractères inventés et le message « Erreur 404 » apparut de nouveau.
— Évidemment, soupira-t-il.
Donc, le moteur de recherche fonctionnait. En tapant les coordonnées d’une ancienne institutrice à lui à Azuria, il s’assura que le programme fonctionnait bien pour les personnes habitant à l’étranger. Sa sœur était donc tout simplement absente de la base de données du CRISP. Il ne devait y avoir que deux explications : soit elle n’avait commis aucun crime et la police avec qui travaillait le CRISP n’avait pas encore écrit de dossier à son sujet, soit elle s’était arrangée pour faire disparaître son dossier. Comme Sofian refusait de croire la première hypothèse, il maudit sa criminelle de sœur d’avoir réussi à se rendre innocente dans les bases de données des autorités. Ou alors, n’avait-elle réellement rien à se reprocher, comme le pensait Annick ?
La porte s’ouvrit à la volée et quelqu’un se glissa dans la pièce en toute hâte.
— Qu’est-ce que… ?
— Sofian !
— Annick !
Sofian reconnut la jeune fille à laquelle, heureux hasard du destin, il venait justement de penser. Pris de cours par cette apparition, il avait éteint l’écran de l’ordinateur comme s’il avait quelque chose à se faire reprocher.
— Où sont… ?
Annick se précipita sur lui et lui plaqua les mains sur la bouche pour le forcer à se taire. Ils patientèrent quelques instants dans cette position, avant qu’Annick ne se calme et le libère.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? chuchota Sofian, comprenant qu’elle venait de fuir un danger.
— Le détective qui s’occupe de l’enquête sur la Team Magma, annonça-t-elle, je crois qu’il n’est pas un véritable détective !
— Comment ?
— Il était ici, dans ce bâtiment, et il fouillait dans les classeurs du CRISP.
— Mais enfin, il ne peut pas être…
— Un espion ? Enfin, Sofian, réfléchis ! C’est un détective ! Son métier est basé sur l’espionnage. Qu’est-ce qui te prouve qu’il n’est pas un agent double, infiltré dans la police pour le compte de la Team Magma ?
— Qu’est-ce qui te prouve qu’il n’est pas le contraire ?
— Le fait qu’il soit au même endroit que la Team Magma quand ils commettent des forfaits, ou que justement il n’était pas là le jour où la police les a arrêtés à leur repaire !
— Tu délires, trancha Sofian en lui tournant le dos, comme si la question ne se posait plus.
Le silence s’installa entre eux, qu’Annick eut vite fait de rompre :
— J’ai l’impression que l’amertume dans tes propos ne concernent pas que cette conversation que nous avons, suspecta-t-elle avec sarcasme.
Sofian haussa les épaules.
— Qu’est-ce que tu fabriques, d’ailleurs ?
Annick venait de remarquer le classeur ouvert devant le clavier de l’ordinateur sur lequel Sofian avait fait ses recherches. Elle jeta un coup d’œil aux dossiers et reconnut son visage parmi ceux des dresseurs. Suspicieuse, elle alluma l’écran avant que Sofian puisse réagir et tomba sur la recherche qu’effectuait Sofian.
— « Sarah Match », lut-elle à haute voix.
Sofian se leva brusquement et referma le classeur d’un coup sec.
— Je vois… Tu ne me crois pas, c’est ça ?
Sofian resta muet.
— Tu ne me crois pas quand je te dis que c’est ta sœur qui nous a libérés dans le repère.
— Sarah n’est pas ma sœur.
— Pourtant, vous avez le même nom de famille.
Sofian tourna en rond machinalement dans la pièce, comme pour éviter de faire face aux vérités criantes qu’Annick avait le don de soulever sans aucune gêne.
— Tu es tellement persuadé que ta sœur est une criminelle que tu ne peux pas croire qu’elle ait eu un soupçon d’humanité en nous voyant pris au piège. Tu te dis que si elle avait été de ta famille, elle n’aurait même pas pu se trouver dans cette organisation de terroristes, parce que vous êtes des gens bien. D’ailleurs, vous êtes tellement des gens bien que vous vous battez contre ces terroristes. Vous, les Match, champion d’arène, dresseur qui parcourt Hoenn pour gagner la Ligue Pokémon, vous êtes des héros. Et Sarah, elle, est une criminelle. Et les héros ne produisent pas de criminels. Pourtant, comment expliquer que Sarah, la fille de ton père ce héros, ta propre sœur, puisse avoir basculé du mauvais côté ? Est-ce que le monde binaire dans lequel tu as grandi n’était-il pas un mensonge, finalement ? Finalement, toi-même, es-tu un véritable héros ?
— ASSEZ ! hurla Sofian en tapant du poing contre une table de travail.
Annick jeta un coup d’œil à la porte d’entrée, comme pour s’assurer que personne n’avait entendu ce cri de désespoir.
— Tu ne connais pas mon histoire ! Tu ne connais pas ma famille ! TU NE SAIS RIEN !
— Non, mais je te connais assez que pour savoir que tu te représentes le monde de manière simpliste. Seulement voilà, les gens ne sont pas soit tout noir, soit tout blanc ! As-tu, ne serait-ce qu’une fois dans ta vie, songé que ta sœur aurait pu avoir d’autres raisons de se trouver dans cette mafia que le simple fait qu’elle soit « une mauvaise personne » ?
— Parce qu’il y a de bonnes raisons de commettre des crimes, d’après toi ?
— Parce qu’il y a des raisons de ne pas en commettre ?
Sofian se tourna enfin vers elle et la dévisagea de manière méprisante.
— Tu penses vraiment que les gens agissent pour des raisons précises ? Tu crois que toute action commise par un être vivant a une finalité propre ? Peut-être que les gens font ce qu’ils font tout simplement parce qu’ils le font, et c’est tout. Sans aucune autre pensée. Parce qu’ils se retrouvent dans une situation dans laquelle ils sont menés à faire les choses. Peut-être même sans comprendre ce qu’ils font. Sans s’en rendre compte. Ou sans même le vouloir. Et peut-être que ces gens-là, quand un dilemme moral se présente à eux, peut-être qu’ils choisissent de faire le bien. Et de libérer des innocents parmi lesquels son frère se trouve.
Sofian digéra le discours d’Annick et lui tourna à nouveau le dos, incapable de prononcer un mot. Elle ne pouvait pas avoir raison, c’était mathématiquement impossible. Les gens agissaient d’une certaine manière pour arriver à un but. Point. Il avait décidé de suivre la même voie que son père et de devenir un champion d’arène car c’était sa fierté d’être un héros né sous le nom de « Match ». Et sa sœur avait décidé de devenir une criminelle car elle était profondément mauvaise. Il n’y avait pas d’autre explication.
— Si je peux me permettre, il y a une autre chose que tu n’as pas remarquée.
— Quoi encore ? s’énerva Sofian en se tournant violemment vers elle.
Annick avait introduit son mot de passe en le cherchant dans le classeur et avait accédé à son profil sur le Système PC. Elle lui pointait de son doigt un bouton affiché sur l’écran de l’ordinateur : « Appel d’urgence ». Sofian se précipita sur la souris et cliqua sur le bouton. C’est alors que le visage du professeur Seko apparut à l’écran, et que Sofian se jeta sur le côté afin de ne pas être dans l’angle de vue de la webcam.
— Annick ? s’étonna le Professeur Seko qui en lâcha sa tasse de thé.
— P… Professeur ! bredouilla Annick, prise de cours. Je ne m’attendais pas à tomber sur vous !
— Tu m’appelles depuis ta session sur le Système PC, sur qui pensais-tu tomber ? s’inquiéta-t-il.
— Je voulais appeler la police, avoua Annick.
— La police ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ? D’ailleurs, où est ma fille ? Je pensais t’avoir demandé de lui dire qu’elle devait rentrer avec nous au Bourg-en-vol ! Ça fait vingt-quatre heures qu’on essaie de la contacter via Timmy ! Où sont Sofian et Timmy ? Où est ma fille ?!
Face au Professeur Seko dont la colère rugissait à travers l’écran, Annick était désemparée. Elle jeta un coup d’œil en coin à Sofian qui secoua la tête précipitamment.
— Tu n’es pas toute seule ! comprit le Professeur Seko. C’est Flora ? FLORA !! Viens ici tout de suite !
— Non, non, Professeur ! Je suis toute seule !
— Je ne te crois pas ! Je sais que tu protèges ma fille dans ses délires de…
— Écoutez-moi, Professeur ! Vous devez absolument prévenir la police ! Je me trouve au Centre de Recherche Informatique et Scientifique Pokémon à l’est d’Autéquia. La Team Magma a investi les lieux et a piraté le serveur, de sorte qu’on ne puisse contacter personne. Je doute que cet appel reste sans trace, et je pense qu’ils vont pouvoir nous localiser. C’est pourquoi, il faut absolument que vous agissiez rapidement en prévenant la police !
— Qu’est-ce que tu fais au CRISP ? demanda le Professeur Seko qui semblait s’être calmé. Est-ce que c’est la raison pour laquelle je n’ai plus reçu de réponses de mes collègues avec qui je m’entretenais ce matin ? Connais-tu une certaine Annette ?
— Oui ! Elle essaie de nous sortir de ce pétrin, justement !
— Mais… Flora n’est pas avec toi, j’espère ?
Annick croisa à nouveau le regard de Sofian et, avec un petit sourire discret, elle répondit :
— Je vous jure que non !
— Très bien, je vais couper la communication et prévenir les secours.
— Attendez une seconde ! le retint Annick. J’ai besoin d’un autre service ! Mon Rosélia est toujours malade et je n’arrive pas à la soigner. Ce matin, vous avez dû recevoir un Azurill de ma part. Pouvez-vous m’échanger mon Azurill avec mon Rosélia ? Je me fais beaucoup de soucis pour Rosélia…
— Très bien, ne perdons pas de temps !
Le Professeur Seko lui donna des instructions précises pour l’échange de pokéballs, ce qui requit de trouver un petit boîtier dans lequel Annick déposa la sphère contenant Rosélia. Quelques secondes plus tard, la pokéball avait disparu pour être remplacée par celle qui renfermait le petit Azurill terrifié qu’elle avait capturé le matin même.
— Laisse-moi quelques jours pour soigner ton Rosélia et je pourrai te la transférer à nouveau, annonça le Professeur Seko.
— Merci Professeur ! Je vous laisse prévenir la police, Sofian et moi sommes pressés.
— Sofian ? SOFIAN ? Je savais que tu étais…
Alors qu’Annick se plaquait les mains à la bouche et que Sofian la fusillait du regard, la conversation webcam s’interrompit instantanément et fut remplacée par un écran noir au centre duquel se trouvait le logo de la Team Magma.
— Désolé Sofian, mais tu ne vas pas avoir le temps de m’en vouloir pour cette gaffe : la Team Magma sait où nous nous trouvons !
Et les deux adolescents quittèrent les lieux dans la précipitation.

*
— Ils sont là !
— Ils sont dans cette pièce !
— Arrêtez-les !
— Tuez-les si nécessaire !
Un Machoc enfonça la porte à l’aide de ses poings et les dix sbires de la Team Magma entrèrent dans l’open space. L’immense salle était vide à l’exception d’un petit pokémon qui flottait dans les airs, au-dessus d’un ordinateur.
— Un Porygon sauvage ici ? s’étonna un sbire.
— Ce n’est pas un pokémon sauvage, prévint un autre, c’est un piège !
Mais le groupe n’eut pas le temps de réagir, le Porygon avait attaqué. Une étrange onde magnétique émana de son corps et irradia les alentours. Les sbires de la Team Magma et les pokémons attendirent que quelque chose se produisît, et leur patience les récompensa. Tous les ordinateurs s’allumèrent d’un coup et des programmes informatiques se lancèrent. C’est alors qu’une pluie de pokéballs apparut tout autour d’eux, provenant de petits boitiers électroniques.
— Le Porygon à activer le Système PC ! comprit un des sbires les plus proches des ordinateurs.
Toutes les pokéballs firent apparaître les pokémons qu’elles contenaient. Bientôt, la salle fut remplie de Chenipotte, Balignon, Nénupiot, Tarsal, Papillusion, Piaffabec, et Snubull qui attaquèrent dans tous les sens. La Team Magma procéda à une attaque chargée contre les pokémons offenseurs, jusqu’à atteindre le Porygon. Soudain, un énorme Ursaring se métamorphosa entre le Porygon et les sbires, et détruisit le bureau qui se trouvait devant lui.
Dans la mêlée désorganisée, la Team Magma ne remarqua pas les deux masses sombres qui se glissaient hors de la pièce.
— Et maintenant ? demanda Timmy qui avait du mal à suivre le rythme effréné d’Annette.
— Direction l’ordinateur central !
La scientifique le poussa dans un ascenseur et écrasa le bouton « -2 ». Lorsque les portes se refermèrent, un homme venait d’apparaître dans le couloir, un homme grand et mince, un homme dont les cheveux poivre et sel dépassait de sa capuche rouge, un homme dont le regard froid et autoritaire glaçait le sang. John leva sa pokéball au-dessus de sa tête mais il était trop tard, l’ascenseur s’était refermé et Timmy et Annette descendaient rapidement dans les étages.
— Quoi que tu aies à faire, je te conseille de le faire avant que cet homme nous retrouve, préconisa Timmy.
Annette ne répondit pas. Elle était plongée dans ses pensées, se tordant les mains, ses dents mordillant ses lèvres. Elle semblait être déchirée par ce à quoi elle réfléchissait, comme si elle essayait de se convaincre de faire quelque chose.
Le hangar dans lequel Annette avait entraîné Timmy était aussi vaste que le parc industriel. Timmy soupçonna qu’il devait se trouver enfui sous terre et servait de fondations pour le CRISP tout entier. Non content d’être gigantesque et à perte de vue, il était rempli d’immenses tours métalliques noires placées en rangées et reliées entre elles par une multitude de fils de toutes les couleurs.
— C’est… !
— L’ordinateur central du CRISP, là où sont stockées toutes nos données, expliqua Annette. Reste prudent, si la Team Magma a réussi à pirater notre serveur, c’est qu’elle se trouve quelque part ici.
— Pourquoi tu nous as emmenés ici ? demanda Timmy sans ignorer la réponse.
— Si la Team Magma arrive à extraire toutes nos données, il se peut que nous soyons en train de vivre les dernières heures de la démocratie et de la paix à Hoenn.
— Qu’est-ce que vous cachez ?
— Nos recherches peuvent se révéler… dévastatrices. S’ils les utilisent à mauvais escient, on peut dire adieu au monde tel que nous le connaissons. La seule manière de les en empêcher, c’est de les arrêter.
— Mais… on ne peut pas se battre ici ! s’exclama Timmy. Si on endommage l’ordinateur central, vos collègues vont rester bloquer dans votre système de sécurité !
Annette poursuivit sa marche en silence.
— Attendez une minute !
Timmy l’empêcha de poursuivre sa route.
— Toutes les grandes avancées ont demandé des sacrifices. C’est la raison pour laquelle on m’a nommée cheffe du projet BUG2000.
Annette ouvrit une porte vitrée qui protégeait une des machines.
— Nous n’aurons pas à nous battre contre eux, parce que nous allons effacer le CRISP de toute existence numérique et physique. Vous vous souvenez de ce que je vous ai expliqués ?
— Vous avez fusionnez le biologique et la robotique, marmonna Timmy.
— De sorte que si l’on détruit l’un, l’autre disparait aussi, conclut Annette.
— Et nous, qu’est-ce qu’on devient dans cette équation ?
— Je suis une grande scientifique, s’amusa tristement Annette, mes calculs doivent être exacts.
— Et dans le cas contraire ?
— Il n’y a pas de cas contraire. Tu me fais confiance ?
Timmy hésita.
Une porte claque sur leur gauche et des bruits de pas de course retentirent.
— Ils doivent être là, quelque part ! N’hésitez pas à les tuer s’il le faut !
— Le temps presse, s’activa Annette.
Elle glissa sa main sous sa blouse et en ressortit un collier dans lequel se trouvait une clé. Elle arracha le collier de son cou et regarda la clé un moment.
— Il doit y avoir une autre manière de procéder, supplia Timmy. Vos collègues, s’ils disparaissent… Ils seront… morts ?
Mais le regard d’Annette le fit taire : il se lisait entre ses larmes une détermination sans faille.
— Pour faire le bien, parfois, on n’a pas d’autre choix que de faire le mal.
Annette inséra la clé dans une fente de la tour qui se trouvait devant elle.
— Ils sont là ! cria un sbire.
Timmy se tourna violemment et fit apparaître Arcko par réflexe. Le petit pokémon plante s’apprêta à attaquer le groupe de sbire qui courait vers eux avec à sa tête, un John des plus terrifiants.
— PORYGON ! hurla Annette. ATTAQUE « CONVERSION 4 » !
— ARRÊTEZ-LA !!
Annette évita le bras de Timmy qui voulait l’empêcher de réaliser son action et tourna la clé. Une lumière blanche aveuglante assombrit les alentours et le sol se déroba sous les pieds de Timmy dans les cris terrifiés de la Team Magma.

La nuit avait repris sa place dans le ciel orageux. Timmy ouvrit les yeux. Il se trouvait au beau milieu d’un parc, trempé jusqu’aux os par les pluies diluviennes qui s’abattaient sur les alentours. Le jeune adolescent scruta les alentours. Sous ses mèches plaquées sur son front, il ne reconnut plus rien : les bâtiments modernes avaient disparu, les tours s’étaient évaporées,… Il ne restait plus rien du CRISP qu’un vague souvenir impalpable. Autour de lui, les hordes de Team Magma effarés par la scène incroyable tremblaient sur place. Quelqu’un cria un ordre quelque part et ils se dispersèrent dans la nature.
— Annette !! s’exclama Timmy, terrifié.
À ses pieds, à côté d’un Porygon exténué, une petite silhouette tremblotait. Timmy aida la scientifique à se relever et eut bien du mal à discerner les larmes des gouttes de pluie sur le visage d’Annette.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?!
Quelqu’un courait vers eux. Arcko s’apprêta à attaquer mais il reconnut son ami Charmillon virevolter dans les airs. Flora les rejoignit en courant, exténuée.
— Timmy !
Elle se jeta dans ses bras.
— Un moment, j’étais poursuivie par la Team Magma, et un autre je me retrouve dans ce parc toute seule !
Deux masses atterrirent derrière eux, déposés par une Nirondelle épuisée.
— Les bâtiments ! Ils ont disparu ! s’affola Sofian.
— On était au sommet d’une tour et tout à coup, le ciel s’illumine et on fait une chute vertigineuse ! balbutia Annick qui se tenait la poitrine, comme terrorisée par la suite des évènements.
— Où est le CRISP ?!
Annette leur montra sa clé qu’elle tenait fermement en main.
— Ici.
Sofian, Annick et Flora échangèrent un regard perplexe.
— Ils sont dans cette clé USB, murmura Annette à bout de force.
Timmy préféra leur expliquer lui-même la décision d’Annette, pressentant qu’elle-même n’arriverait pas à tenir le coup.
— Et donc, vos collaborateurs ? s’inquiéta Flora.
Le silence d’Annette et de Timmy lui répondit.
— À jamais ? s’horrifia Annick.
— Non.
Annette avait repris quelques couleurs.
— Non, je vais trouver un moyen de les y extraire. Il va me falloir du temps, beaucoup de temps, pour reconstruire un serveur informatique capable de contenir toutes les informations bloquées sur cette clé USB. Mais Porygon et moi, nous y arriverons. Avec l’aide de mes collègues internationaux, nous allons y arriver. Cela veut surtout dire que pendant un certain temps, les transferts de pokémons via le Système PC ne fonctionneront plus. Mais ça va vite revenir, je dois juste contacter mon confrère Léopold qui vit à Kanto afin qu’il remette cela sur pied en transférant le serveur sur le sien. Bref, du boulot nous attend.
— Tu… tu vas y arriver ?
— Je l’espère ! J’ai commencé sur mon petit laptop dans ma cabane, je ne vois pas pourquoi je ne pourrai pas tout recommencer au même endroit.
Le regard d’Annette se posa à nouveau sur sa clé USB, l’objet qui contenait toutes les informations qu’elle avait recueillie grâce à ses longues années de recherches, qui contenait surtout des centaines de vies.

Pokémon #201e
L’écran de l’ordinateur du commissariat d’Autéquia éclairait à lui seul la salle d’attente désertique à cette heure avancée de la nuit. Sans un bruit, il pianota sur le clavier et fit apparaître le moteur de recherche des Forces de la Police Internationale. Il extirpa de la poche de sa longue veste grise deux feuilles pliées en quatre. Il tapa le code d’identification de la première feuille. La photo d’une jeune fille aux cheveux roux s’afficha à l’écran. Il balaya d’un regard les nombreuses lignes d’information que contenait son dossier. Lentement, il surligna les phrases « Originaire de Kanto. Exile à Hoenn. Suspect numéro 72724. Recherchée activement. » Il lança l’impression. Le moteur de recherche apparut à nouveau. Il entreprit de noter le numéro d’accès qui apparaissait sur la seconde feuille et le visage d’un jeune garçon aux yeux bleus apparut. Il lut : « Brice Belangelo. Originaire de Kanto. Adoption à Hoenn. » Il lança une seconde impression.

*
Sofian se réveilla brusquement. Ce n’était ni le vent, ni la pluie qui tombait drue à l’extérieur de la grotte dans laquelle ils s’étaient réfugiés pour passer le reste de la nuit. Un craquement inhabituel avait attiré son attention, et son instinct de survie s’était à nouveau déclenché. Le cœur battant, il s’extirpa hors de son sac de couchage et scruta l’obscurité. Après quelques minutes, il imagina un pokémon sauvage et soupira. Il s’apprêta à retourner se coucher lorsque sa main effleura à côté de son sac de couchage un objet qui ne s’y était pas trouvé lorsqu’il s’était endormi. Intrigué, Sofian saisit la liasse de papiers qui se trouvait à ses pieds. Il se pétrifia d’effroi en reconnaissant les longs cheveux roux autour du visage de sa sœur qui l’observait sur la première page du dossier mystérieux. Il feuilleta les pages et découvrit avec stupeur qu’il s’agissait du dossier criminel de Sarah Match, le dossier qu’il avait tant voulu découvrir au sein du CRISP.
Sofian se retourna brusquement vers l’entrée de la grotte. Quelqu’un à l’extérieur voulait l’aider à trouver des réponses. Il en frissonna d’effroi.

Pokémon #201r
À suivre dans : « Évoluera ? N’évoluera pas ? »