Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak

Diplôtom



Être un Pokemon Spectre avait ses avantages ; le premier étant bien sûr que je pouvais passer à travers les murs, le sol ou le plafond, ou encore me dissimuler dans un objet solide. De fait donc, les Pokemon de mon type étaient parfaits dans le rôle d’espions, de guetteurs ou de pisteurs. Lord Kashmel, qui semble-t-il avait commencé à me faire confiance, n’avait pas tardé à me demander mon aide pour surveiller discrètement une certaine personne. Le problème était que cette personne en question était aussi un Pokemon Spectre, et de la même façon que les G-Man pouvaient sentir d’autres G-Man, les Pokemon Spectre étaient capables de se renifler de loin entre eux.

Je devais donc prendre moult précautions pour pister ma cible sans me faire repérer. Il valait d’ailleurs mieux pour moi, car le Pokemon en question n’était autre que Jugeros, l’une des Cinq Etoiles et chef du Département de la Justice Impériale. Un Pokemon qui aurait tôt fait d’écraser quelqu'un comme moi. J’avais en plus appris que Jugeros, outre son type Spectre, était aussi de type Normal ; une combinaison des plus inhabituelles. Si affrontement il y avait entre nous, il aura d’autant plus l’avantage que mes attaques Spectre ne lui feront rien, contrairement aux siennes que je craindrai doublement en raison de mon type Spectre/Psy.

J’avais toutefois un avantage : Son Excellence Jugeros ne se doutait aucunement qu’un Pokemon pouvait se trouver au Quartier G-Man, qui leur était strictement interdit. Normalement donc, il ne se soucierai pas d’être suivi. Le fait qu’il soit venu avec aucun garde d’aucune sorte pouvait en attester. À moins qu’il soit naturellement sûr de lui et de son pouvoir… Car après tout, s’il s’était rendu au Quartier G-Man avec autorisation exceptionnelle de l’Empereur, c’était pour enquêter sur le groupe Lance et en débusquer ses membres. Il y avait donc à craindre que les G-Man concernés ne tentent quelque chose contre lui. Mais si jamais ils osaient s’en prendre à une Etoile Impériale, ce ne serait plus uniquement le groupe Lance qui en subirait la colère de l’Empereur, mais bien l’Ordre tout entier. Le Grand Maître Irlesquo en était conscient, et c’est pour cela que lui-même, de son côté, imposait désormais aux G-Man un contrôle strict et un couvre-feu.

À l’heure actuelle, la quasi-totalité des G-Man devaient être au bal de la maison Psuhyox. Si le Grand Maître avait accepté - à contrecœur - que Son Excellence Jugeros puisse se balader librement dans le Quartier G-Man et fouiller ce qu’il voulait, il était certain qu’il n’aurait pas été le bienvenu lors d’un bal. Jugeros avait donc le Quartier G-Man pour lui tout seul, et en bon Spectre qu’il était, la possibilité de s’inviter dans n’importe quelle demeure pour enquêter et rechercher toutes les preuves qu’il voulait. Me tenant à une distance respectable de lui, je le surveillai, notant mentalement toutes les maisons dans lesquelles il entrait et combien de temps il y restait, selon les directives de Kashmel. Après tout, que Jugeros enquête sur Lance était une bonne chose pour lui, s’il pouvait y apprendre deux trois trucs en retour.

L’Etoile Impériale ne restait jamais bien longtemps dans une demeure. Il semblait les choisir au hasard, et n’y entrait qu’environ dix minutes seulement, en terrorisant les esclaves humains au passage. Il était passé devant le manoir de Lord Stuon sans y entrer ; une bonne chose, car Kashmel et Furaïjin étaient absents, descendus dans la ville basse avec Immotist. Ils avaient bien sûr caché tous les documents impliquant leur complot, mais pour un Spectre, rien n’était jamais définitivement caché. En revanche, Jugeros s’était arrêté devant pas mal de maisons des grandes familles de l’Ordre, comme s’il espérait trouver quelque chose d’embarrassant les concernant, et qui rejaillisse ainsi sur tout l’Ordre G-Man.

Pendant que je patientais en attendant que Jugeros ait fini sa fouille d’une demeure, j’écrivis sur mon journal mes propres pensées, à propos du comportement social des G-Man. Ils pouvaient bien dire ce qu’ils voulaient, je n’avais pas constaté de différences fondamentales entre eux et les humains normaux. Ils aimaient s’entasser les uns contre les autres, comme lors de leurs fameux bals. Ils aimaient discuter de choses inutiles et prouver leur supériorité entre eux. Et surtout, ils puaient autant que les humains, et étaient tout aussi disgracieux. Lord Kashmel en était un exemple type ; sale, bourru, grognant, bruyant… Décidemment, Arceus le Père n’avait pas été très inspiré quand il a créé ces bipèdes envahissants et futiles du nom d’homo sapiens…

Ah mais attention, ne pensez surtout pas que je détestais les humains. Au contraire ; je les trouvais tout à fait fascinants. C’était pour cela que j’avais quitté ma position confortable d’érudit de l’Atlas de la Connaissance pour devenir un fugitif et un hors la loi en compagnie de ces G-Man rebelles. Les humains étaient totalement imparfaits et accumulaient les défauts, ils étaient souvent incompréhensibles et illogiques, mais c’était ça qui les rendait si merveilleux à étudier. Relater par écrit la mise en place d’une révolution G-Man au plus près de ses participants étaient un privilège pour moi. Techniquement, j’étais neutre dans tout ça, mais valait mieux pour moi que ce soit Kashmel qui l’emporte, car dans le cas contraire, je doutai de pouvoir éditer mon récit.

Quand Jugeros quitta le manoir qu’il était en train de visiter - à savoir la demeure de la famille Nedros - il reprit son petit bonhomme de chemin en flottant dans la nuit, en direction d’une autre demeure à fouiller. Je fermai mon journal et je continuai à le suivre de loin. Au bout d’un moment, il s’arrêta devant un autre manoir, et entra en passant à travers la porte. Cette fois ci, la curiosité me gagna. Il s’agissait du plus imposant manoir du quartier, à savoir celui du Grand Maître Irlesquo en personne ! Jugeros soupçonnait-il carrément le Grand Maître d’appartenir à Lance, où était-il seulement parano ? Bien que ça dépassait le cadre de ma mission, et que c’était très risqué, je décidai de suivre l’Etoile Impériale.

J’attendis bien deux minutes pour être sûr de ne pas tomber sur lui dès la première pièce, puis j’enfonçai une minuscule portion de ma tête à travers la porte, juste histoire de vérifier qu’il n’était pas derrière. J’entrai, tout en restant partiellement caché dans les murs. On aurait pu faire rentrer tout l’Ordre G-Man dans le hall, et la salle de réception, au premier étage, était encore plus énorme. Le Grand Maître Irlesquo exposait sans gène toute sa richesse et ses trésors hérités de ses aïeux, comme de magnifiques statues de bronze représentant le légendaire Ho-Oh, d’anciens portraits de Sacha Ketchum, et autres artefacts à la valeur historique inestimable. L’érudit que j’étais était en souffrance devant une pareille salle au trésor, mais je devais me reprendre. Je n’étais pas là pour ça.

Je suivis la trace de Jugeros, que je pouvais facilement sentir tant le Pokemon dégageait une énergie spectrale ahurissante. Il était déjà aux étages. Peut-être fouillait-il le bureau du Grand Maître ? Mais non, je le retrouvai dans une des chambres, devant un énorme lit. Je me fis très discret, regardant le spectacle à travers une armoire qui devait dater d’il y a quatre siècles. L’Etoile Impériale était là… et elle n’était pas seule. Il y avait quelqu’un à demi-couché sur le lit, adossé à un oreiller. Une femme, visiblement vieille, fatiguée et souffrante. Elle regardait Jugeros d’un air absent, comme si la venue d’un Pokemon fantôme aux allures de balance dans sa chambre était tout à fait normale.

- Cela faisait longtemps, Lady Sareim, dit Jugeros. Il y a un moment que vous ne m’avez plus fait de rapport. J’étais très inquiet…

Sareim… Ce nom me disait bien sûr quelque chose, à moi qui ait passé des jours à enseigner à Six les noms de tous les G-Man de l’Ordre. Lady Sareim Irlesquo, anciennement Therno. La femme du Grand Maître Bradavan, la mère de ses enfants… et l’ancienne fiancée de Kashmel. Une G-Man qu’on ne voyait plus beaucoup depuis quelques années. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Avait-elle été en contact avec Jugeros ? Comme Sareim ne répondit pas, pas plus qu’elle ne cilla, Jugeros continua :

- Ah oui, j’ai été bien triste d’apprendre le mal qui vous affecte. Vous avez trop stocké de rêves des autres en vous, et ceci durant trop longtemps. Votre esprit s’est vu peu à peu être effacé par cette masse étrangère. Vous avez beau avoir des pouvoirs psychiques de Pokemon, votre cerveau demeure celui d’un humain. Il a ses limites. Et vous les avez dépassé… Vous auriez dû venir me voir bien plus tôt, pour que vous vous libériez de toute cette masse de rêves.

Lady Sareim secoua lentement la tête de droite à gauche.

- Pas… pu, marmonna-t-elle difficilement. Bradavan… soupçons… ne m’a plus… laissée partir…

- Je vois. Comme je le soupçonnais, notre brave Grand Maître a donc des choses a cacher. Vous avez dut recueillir pas mal de choses, ces six dernières années ?

- Trop… ne supporte plus… Prenez-les… De grâce, prenez-les toutes…

- Naturellement, ma dame. Je suis ici pour ça. L’enquête concernant Lance n’est qu’une excuse que j’ai donnée à Sa Majesté. Je vais vous libérer de ce poids.

Sareim sourit faiblement, et ouvrit grand la bouche. Je dus me retenir de ne pas pousser une exclamation quand je vis alors une espèce de masse brumeuse rose sortir de la bouche de la G-Man, pour pénétrer la tête de Jugeros. On aurait dit de la fumée couleur bonbon. Et il y en avait beaucoup. Quand finalement Sareim eut tout relâché, elle se sentit visiblement mieux. Son regard se fit plus clair, ses gestes plus directs. Jugeros, lui, avait les yeux fermés, en pleine contemplation mentale de choses que lui seul pouvait voir.

- Il y a là les rêves de votre époux seulement ? Ou aussi de vos enfants ? Demanda-t-il.

- Ceux de Bradavan et Meika, répondit Sareim d’une voix bien plus nette et assurée que précédemment. Je n’ai pas pris ceux de Rohban. C’est un brave garçon. Il n’a rien à cacher.

- Ce sera à moi d’en décider, contra Jugeros. Mais je vois que je vais avoir déjà bien à faire avec tout ça. C’est merveilleux… Qui aurait pu croire cela de votre fille ? Et Irlesquo… tout s’emboite donc avec ce que Scalpuraï recherchait. J’imagine déjà la tête que cet idiot brutal et disgracieux fera quand il verra que c’est moi et nul autre qui aura fait toute la lumière sur cette affaire, et qui aura provoqué la chute des G-Man !

- N’oubliez pas notre marché, Excellence, fit Sareim. Mes enfants…

- Oui, oui, quelque soit leur degré d’implication, il y aura un non-lieu. Je m’y suis engagé, et ma parole est celle de la justice. Ainsi l’ai-je décrété !

Jugeros rouvrit les yeux et regarda Sareim avec amusement.

- Il n’empêche… Bradavan aurait dû y réfléchir à deux fois avant d’épouser une G-Man de Mushana. Cet idiot sera resté décidément aveugle à tous ceux qui l’entourent, que ce soit sa femme… ou sa propre fille.

- Qu’allez-vous faire maintenant ?

- Continuer à enquêter sur Lance. Ou du moins faire semblant, vu que vous m’avez donné quasiment tout ce dont j’ai besoin. Je sais que Scalpuraï a son propre espion ici. Je vais le laisser se casser les dents un moment, et quand Lance passera réellement à l’action, je serai prêt. Je les ferai tomber, eux et la taupe des Nettoyeurs. Je livrerai moi-même la bâtarde à l’Empereur, et je serai le juge de l’Ordre quand sa chute aura été actée. Il n’y aura que vérité et justice. Ainsi l’ai-je décrété !

J’en avais assez entendu. Je ne pouvais pas courir le risque de rester plus longtemps et de me faire attraper, car je devais à tous prix rapporter à Kashmel ce que j’avais entendu ici.


***


Immotist



Alors que mon ancienne esclave albinos et l’autre G-Man pseudo-artiste prenaient part à un autre bal dans le Quartier G-Man, j’avais enfin convaincu Kashmel de mettre un terme aux activités collaborationnistes de mon fils Phamôme dans la ville-basse. J’avais fait un marché avec ces G-Man rebelles après tout ; ils m’aidaient à retrouver mon ancien corps, et je les aidais ensuite à rassembler des infos pour eux et à faire de la ville-basse un lieu de non-droit pour l’Empire. Kashmel voyait du reste d’un assez mauvais œil que les Nettoyeurs de Scalpuraï aient une filiale dans la ville-basse par le biais du nouveau commerce d’échange d’informations de Phamôme. Il était temps de fermer tout ça, et il était temps pour moi d’avoir ma vengeance et de récupérer un corps autonome.

Kashmel m’avait amené moi sous ma forme de masque impuissant, et son partenaire Furaïjin était également venu. Diplôtom, lui, était en train d’espionner Son Excellence Jugeros dans le Quartier G-Man. Le G-Man Paxen et son ami Pokemon descendirent dans la ville-basse en quelques minutes, en sautant de toits en toits depuis la Citadelle, et en évitant au passage les patrouilles dans la ville-haute. Dans la ville-basse, toujours presque livrée à elle-même, ils pouvaient se déplacer plus tranquillement. Les forces de l’Empire semblaient toutefois un peu plus présentes qu’à l’accoutumé. Cela, on le devait au groupe Lance, mais aussi à cette petite idiote de Six qui s’amusait désormais chaque soir à sillonner les rues sous son déguisement de justicière enflammée.

Six avait été mon esclave pendant des années, mais je devais avouer que j’ignorai totalement cette partie là chez elle. Dans mon organisation, elle s’était toujours tenue à l’écart des embrouilles, toujours seule, discrète, dans son coin, et elle n’aurait pas levé le petit doigt pour aider un autre humain si cela lui aurait été dommageable d’une quelconque façon. Sa mère lui avait bien enseigné la règle de base de la survie : pour bien vivre, vivre égoïstement. Qu’elle se prenne maintenant pour une sauveuse combattant l’injustice devait être le résultat de son héritage G-Man et de l’influence de ce Kashmel. Pauvre fille… Elle ne savait pas que les héros avaient généralement une espérance de vie très limitée.

Mais ce n’était pas mon problème. Une fois mon corps et mes pouvoirs récupérés, une fois mon traître de fils annihilé de l’existence, j’assisterai comme convenu discrètement ces G-Man dans leur rébellion, et une fois cela fait, j’irai faire fortune ailleurs, de préférence loin de l’Empire. Certes, la corruption qui y régnait m’avait toujours été bénéfique, mais quand un régime était faible au point de laisser pousser des complots partout, c’était qu’il valait mieux prendre le large. L’Empire Pokemonis avait beau contrôler un large continent, il y avait d’autres pays dans le monde. Le seul souci serait que j’allais devoir faire avec le fait que les humains n’étaient pas des esclaves, dans ces autres pays. Si j’en voudrai comme serviteurs, j’allais devoir les payer. Une hérésie, mais bon… ne disait-on pas que le futur appartenait à ceux qui savent s’adapter rapidement aux changements ?

- C’est ici, messire, dis-je quand nous atteignîmes le bureau d’échange et d’achat d’informations de Phamôme.

Décidément, ce bâtiment flambant neuf et aux couleurs criardes faisait vraiment tâche dans ce coin pourri qu’était la ville-basse. Pour ce genre de boulot qu’était l’espionnage et la recherche d’influence, fallait toujours se faire discret. Mon crétin de rejeton n’avait donc rien appris de moi durant toutes ces années ? Kashmel analysa le bâtiment, à la fois avec ses yeux et avec l’Aura.

- Il y a une vingtaine de Pokemon dedans, et quelques humains. Des anciens gars à toi ?

- Probable. Ou des clients. Peu importe. Vous pouvez vous faire plaisir et tous les éliminer.

- Je n’élimine pas les humains, répliqua Kashmel. Je suis un Paxen.

- C’est comme vous voulez, mais les Nettoyeurs vont sans doute les capturer et les interroger sur ce qu’il s’est passé.

- Vous êtes un Pokemon Spectre non ? Renchérit Furaïjin. Vous devez bien avoir une attaque en réserve pour leur faire oublier ce qu’ils ont vu.

- Possible, mais il me faudra mon corps pour cela. Je vais avoir besoin du masque mortuaire de Phamôme, depuis lequel j’aspirerai son énergie spectrale une fois que son âme aura disparu. Donc essayez de ne pas le détruire.

Sans plus de question, Kashmel entra, Furaïjin à sa suite. Sans même un bonjour ou une quelconque parole, le G-Man renégat commença son œuvre. Il avait sa Lamétrice rituelle dans une main, et son autre bras luisait d’une lueur brune, et une espèce d’aura le recouvrait, comme une épée de brume. L’attaque Lame Sainte, qu’il tenait du Pokemon dont il possédait une partie de l’ADN : le légendaire Terrakium. Alors il commença à trancher. N’importe quel Pokemon qui se trouvait devant lui, il le découpait carrément en deux avec ses deux lames, même les plus solides. Quand il y avait des Pokemon Spectre qu’il ne pouvait pas toucher avec son attaque Combat, il utilisait alors une attaque Roche, transformant son poing en un rocher pointu géant qui écrasait tout.

Effaré, je ne pus que contempler le spectacle depuis le dos de Kashmel. Mes anciens associés Pokemon n’avaient aucune chance. Ils se faisaient massacrer à la suite les uns après les autres. Quand il fut évident qu’ils ne gagneraient pas, certains tentèrent de fuir, mais se firent stopper par Furaïjin qui avait levé une sorte de cercle de foudre qui englobait tout le bâtiment et bloquait la sortie. Je reconnus un Escroco qui bossait pour moi comme garde ; il s’agenouilla et demanda pitié au G-Man, et ce dernier lui arracha la tête sans même le regarder. Quelques attaques atteignirent Kashmel, mais ce fut comme si sa peau était faite de la même roche quasiment indestructible que Terrakium.

J’étais bien sûr venu ici dans l’optique de récupérer ce qui était à moi et de punir tous les traitres, mais je devais avouer que je ne m’attendais pas à une telle tuerie. Kashmel éliminait les Pokemon un à un, comme une machine, sans aucun frémissement, pas une seule émotion d’aucune sorte. Comme promis, il ne touchait pas aux humains, qui, proprement terrifiés, s’étaient regroupés dans un coin de la salle, tremblants. Ils devaient penser que c’était un acte terroriste de Lance. En à peine trois minutes, tout fut bouclé. Une vingtaine de cadavres de Pokemon gisaient au sol, généralement en plusieurs morceaux. Kashmel ne paraissait même pas essoufflé. Il nettoya négligemment sa Lamétrice sur sa veste.

- Bon, il est où, ce Phamôme ? Demanda-t-il.

- Euh…

Je me forçai à me reprendre, et cherchai la signature spectrale de mon fils. En pleutre qu’il était, il s’était bien évidement caché, mais n’avait pas pu sortir à cause de la prison de foudre de Furaïjin. Et comme il n’était pas entièrement immatériel, vu qu’il était une momie portant un masque de pharaon, il ne pouvait pas passer à travers les objets solides, du moins pas sans abandonner son corps derrière lui.

- S-sous le comptoir, dis-je enfin.

D’un coup de coude, Kashmel démolit le comptoir en question, se pencha, puis se remit droit en serrant dans sa grosse main la tête pharaonique de Phamôme, qui se débattait en gémissant. On ne pouvait évidement pas voir son expression à cause de son masque, mais il était bien sûr tout bonnement terrifié.

- P-père… Q-quelle joie de vous revoir… vivant…

- Hum, je m’en doute oui, répondis-je aigrement.

- Je… Je n’avais pas eu le choix… Scalpuraï… Ses Nettoyeurs m’ont capturé et m’ont forcé à dire…

- Laisse tomber, tu n’as jamais su mentir, tu ne vas pas y parvenir maintenant. Assume au moins ta trahison. Ça m’aurait rendu un tant soi peu fier de toi. Si tu avais fait tout cela juste pour prendre ma place et continuer mon œuvre, j’aurai sans doute laissé couler. Mais tu t’es vendu à l’Empire, tu bénéficies de sa protection en échange de renseignements… C’est contraire à tout ce que je t’ai enseigné. C’est moche, c’est indigne des Pokemon que nous sommes. Je vais me servir de toi pour recouvrer mon corps, et si jamais un jour, je me referai un autre Phamôme, en espérant qu’il se montre plus digne que toi…

- N-non, père, je… je vous en prie. Je ne veux pas… je ne veux pas DISPARAITRE !

Kashmel ne le laissa pas pousser ses supplications plus longtemps. Il le lança dans les airs au dessus de lui, et quand il retomba, d’un geste vif et précis, il écrasa de sa main rocheuse son petit corps bandé, en épargnant le masque. Le cri de Phamôme résonna un temps dans la salle, avant d’être emporté dans l’Au-delà. Mon fils venait de périr… et ça ne me faisait rien du tout. Bah, c’était sans doute parce que ce n’était pas vraiment mon fils, mais plutôt une création de ma part.

Kashmel m’arracha de son dos et me tint en face du masque de Phamôme. Je transférai alors mon essence même dans le masque de ma pré-évolution, et en me baignant dans toute cette énergie spectrale résiduelle, je retrouvai ma force d’origine. Le masque se transforma pour devenir celui du Pokemon Immotist. Un nouveau corps de bandelettes apparut du néant pour s’attacher au masque et aux épaulières. Je sentis ce corps abritant mon âme m’obéir parfaitement, de même que mes pouvoirs étaient à nouveau intacts. Enfin ! Enfin, j’étais redevenu moi ! Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire de satisfaction.

- Oui… OUI ! Immotist est de retour ! Ah ah ah !

- Ouais, content pour toi, marmonna Kashmel. On te laisse maintenant. Démerde-toi pour faire le ménage, et n’oublie pas de nous transmettre tout ce que tu apprends concernant l’Empire et les G-Man.

Mon état passa très vite de l’euphorie à la surprise horrifiée.

- Euh… Mais… Messire Kashmel… Ce commerce était sponsorisé par les Nettoyeurs eux-mêmes, qui s’en servaient comme source d’information. Ils vont très vite savoir ce qui s’est passé et venir me demander des comptes !

- Pas notre affaire, ça. Tu as eu ce que tu voulais.

Par Arceus, que ce G-Man était borné et lent d’esprit…

- Mille excuses messire, mais je ne pourrai rien vous transmettre ou vous aider en quoi que ce soit si Scalpuraï débarque pour m’exécuter !

Alors, une nouvelle voix se fit entendre. Une voix grinçante et métallique.

- Ne t’en fais pas, Immotist. Je t’exécuterai bien après ce cher Kashmel…

Kashmel et Furaïjin réagirent au quart de tour en reformant leurs attaques, quand le mur entier du bâtiment explosa. Terrifié, je me laissai tomber au sol pour éviter la pluie de débris. Devant nous se trouvait tout un bataillon de Scalproie des Nettoyeurs, mené par nul autre que leur chef, le Trigarde Impérial Scalpuraï, dont les yeux jaunes brillaient d’une forte envie de meurtre.

- Pauvres imbéciles, soupira-t-il. Nous surveillions jour et nuit ce centre d’infos, en sachant très bien que ceux qui avaient aidé la bâtarde G-Man à m’échapper auraient à s’en occuper pour ne pas laisser filtrer son secret plus que nécessaire. Je pensais attraper un quelconque G-Man de Lance… mais c’est donc finalement toi qui est derrière tout cela, Kashmel Irlesquo ? Tu as osé revenir dans cette ville ? Je suis à la fois outré et enchanté.

Kashmel se releva en se dépoussiérant.

- Tout le plaisir est pour moi…

- Je me souviens encore comme si c’était hier de notre combat ce jour là… J’en ai encore des frissons ! Mais tu es différent aujourd’hui, Kashmel. Plus gros, plus petit, plus vieux…

- C’est le triste sort réservé aux humains, fussent-ils G-Man. On a pas tous la chance d’avoir un corps métallique comme toi, qui plus est éternellement préservé grâce à l’Ether.

- Il n’empêche, tu as encore de beaux restes, à ce que je vois, remarqua Scalpuraï en dévisageant les nombreux cadavres de Pokemon. Tu as été le seul humain qui ait pu m’échapper au terme d’un combat. Mon devoir m’oblige à te capturer en vie pour t’interroger et te faire cracher tout ce que tu sais et ce que tu avais préparé, mais pour une fois, je vais emmerder mon devoir. Faisons-nous un combat honorable, seuls à seuls, comme ce jour d’il y a vingt-sept ans !

Scalpuraï semblait extatique, presque suppliant. Kashmel semblait être pour lui un cadeau du ciel. Il ordonna d’un geste ferme à tous ses Scalproie de reculer. Kashmel soupira de lassitude et retira sa veste épaisse. Furaïjin s’avança avec lui, mais le G-Man l’arrêta d’un secouement de tête. Bien que le Pokemon ne fut visiblement pas d’accord et inquiet pour son partenaire, il recula à contrecœur. Scalpuraï croisa ses bras dont les lames brillaient d’une lueur argentée mortelle.

- Allez, Kashmel Irlesquo, le plus puissant G-Man depuis Sacha Ketchum en personne ! Amusons-nous ! Mettons nos vie en jeu ! Laissons parler la gloire du combat ! C’est là les rares moments où je peux enfin me sentir vivant !