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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 29/11/2017 à 09:03
» Dernière mise à jour le 29/11/2017 à 09:03

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 20 : Première danse
Rohban



S’il y avait bien une chose que les maisons Irlesquo et Psuhyox partageaient, c’était leur goût immodéré pour le faste et le luxe. Certes, le manoir d’oncle Inuit était moins grand que le nôtre - de peu - mais on y retrouvait le même désir d’en mettre plein la vue lors des bals qui y étaient organisés. Ce qui sautait le plus aux yeux, chez les Psuhyox, c’était les colonnes de la grande salle ; plus que de simples piliers, ils étaient des chefs-d’œuvre de sculpture. De large bannières aux couleurs de la famille pendaient du plafond juste au dessus des larges fenêtres, et le haut du plafond voûté était quadrillé d’arceaux de soutènement et ponctué de clés de voûtes.

Il était dix-neuf heures, et les premiers invités commençaient à arriver. Moi, j’étais là depuis un moment déjà. Non pas par envie de profiter plus longtemps que les autres de ce bal - loin de là ! - mais pour aider Tilveta, qui, en tant que fille héritière du maître des lieux, avait énormément de travail pour tout bien préparer. Son père, Lord Inuit Psuhyox, était peut-être encore plus psychorigide que le mien quand il s’agissait de recevoir du monde. Il aurait été malséant de laisser Tilveta gérer tout ça, malgré ma fainéantise chronique. Alors qu’elle commandait à des dizaines d’esclaves humains de se presser dans l’installation, je finissais de mettre les couverts sur l’une des plus grandes tables. Une jeune domestique, effarée, s’empressa de venir m’arrêter comme si je commettais un crime atroce.

- M-monseigneur ! V-vous n’avez pas à… C’est notre travail…

- Je suis doté de mains aussi, tout comme vous, lui répondis-je avec mon sourire désarmant. Je sais bien que nous autres G-Man nous sommes devenus un peu manchots à force de tout vous laisser faire pour nous, mais je sais encore poser une assiette.

- Toutes mes excuses ! Je ne sous-entendais nullement que votre seigneurie ne pouvait pas le faire ! Mais c’est… inconvenant pour vous…

- Balivernes, répliquai-je. J’aide seulement une amie pour sa réception.

L’amie en question vint me retrouver en soupirant.

- Tu te donnes encore en spectacle en faisant le boulot des esclaves… T’as de la chance que ta sœur ne soit pas encore arrivée.

- Ça ne devrait pas trop la choquer. On a beau avoir un paquet d’esclaves chez nous, ça n’empêche pas ma très chère sœur de me refiler un max de corvées en tout genre. Je ne suis bon qu’à ça, se plait-elle à dire. J’aurai dû naître comme simple humain et embrasser la carrière d’esclave, selon elle. Y a des jours où je suis pas loin de penser pareil…

Oui, ma vie dans l’Ordre G-Man commençait à me filer la nausée. Je les méprisais tous, et plus particulièrement mon père et Meika. Et ça n’allait certainement pas s’arranger une fois qu’elle deviendrait la prochaine Grand Maître. S’il n’y avait pas eu ma mère, probablement que ça ferait longtemps que j’aurai fugué.

- Au fait, t’as pas vu Dalvin et Jald ? Demandai-je à Tilveta. Qu’est-ce qu’ils fabriquent ?

Notre petit groupe de quatre avait en effet l’habitude de toujours se réunir avant le début des bals quand ils étaient effectués dans nos maisons respectives. Étrangement, Tilveta parut gênée de cette question.

- Oh euh… Jald doit venir en même temps que ses parents je crois. Mais Dalvin… il m’a dit qu’il ne viendrait pas. Il est… un peu souffrant.

- Ah bon.

Jald aussi avait eu un souci de santé y’a pas longtemps. Une blessure au bras. Il avait dit être tombé de ses escaliers, mais je n’ai pas jugé ça très convainquant. Le flot de G-Man qui arrivèrent commença à augmenter, jusqu’à ce que ma sœur et mon père arrivent en grande pompe, fraîchement accueillit par oncle Inuit. J’appelais « oncle » le père de Tilveta, même si techniquement, il ne l’était pas. Ce n’était qu’un cousin au second degré ou un truc du genre, mais les maisons Irlesquo et Psuhyox étaient tellement liées que c’était devenu une espèce de tradition. Tilveta elle aussi appelait mon père « oncle Bradavan ».

Comme nous étions tenus par le protocole, nous revînmes auprès de nos familles respectives, et comme d’habitude, mon père m’ignora royalement tandis que ma sœur me jeta son habituel regard méprisant et condescendant. Je soupirai mentalement en songeant que si Dalvin ne venait pas, j’allais fichtrement m’emmerder ce soir. Jald serait trop occupée à courtiser les jeunes G-Man célibataires pour m’accorder du temps, et Tilveta se devait à ses obligations d’hôte. Mais le visage fin et gracieux d’une jeune fille aux cheveux blancs et aux yeux rouges m’était revenu en mémoire.

J’espérai bien revoir cette Lady Sixtine, et peut-être faire plus ample connaissance. Elle me paraissait intéressante ; bien plus que l’immense majorité des G-Man habituels. Aussi je jetais souvent un coup d’œil aux nouveaux invités qui arrivaient, dans l’espoir de l’apercevoir. Quand donc il y eut du mouvement à la grande porte d’entrée, et que quasi tout les invités se mirent à murmure entre eux comme à chaque fois qu’on nouveau venu apparaissait, je crus donc que c’était Lady Sixtine. Mais je me trompais. Les murmures des G-Man et leur regard n’était non plus condescendant et amusé comme lors de l’arrivée de Sixtine lors du précédent bal, mais cette fois admirateur et presque envieux.

Le nouvel arrivant détonnait par son style et sa beauté. Il avait une longue toison de cheveux blancs, si fin qu’on les aurait dit vaporeux. Il ne portait guère de tenue extravagante ou immensément chère ; il était habillé tout simplement, avec une simple cape blanche, et ça n’ajoutait qu’à sa grâce naturelle. Il avait des yeux roses rieurs, et un magnifique visage qui faisait soupirer toutes les dames devant lesquelles il passait. La seule excentricité qu’il s'était accordée avait été de mettre un gant bleu sur une main et un rouge sur l’autre ; sans doute pour bien faire valoir son statut de G-Man de Togekiss. Et dès qu’il fut au milieu de la grande salle, ce fut le ballet des salutations.

- Oh, Lord Gilthis, vous êtes là !

- Ah, Lord Gilthis, vous êtes plus charmant que jamais !

- Quelle joie de vous retrouver, Lord Gilthis !

Moi, je levais les yeux au ciel. Lord Gilthis Antenos passait pour être le G-Man le plus populaire de l’Ordre, et aussi le plus puissant. Mais je ne l’ai jamais apprécié. Enfin, de toute façon, j’appréciais pas beaucoup mes concitoyens G-Man en règle générale, mais lui c’était pire que les autres. On ne pouvait pas faire plus « m’as-tu vu ». Ça faisait quelques mois qu’il avait quitté la capitale, pour un de ses voyages à travers l’Empire qu’il entreprenait souvent. Il se qualifiait lui-même d’aventurier. Il disait qu’il était incapable de rester trop longtemps à Axendria, qu’il voulait voir du pays et affûter ses pouvoirs.

Comme Lord Gilthis saluait Meika, je pus voir une certaine lueur briller dans les yeux de ma grande sœur. Ça faisait un moment que je la soupçonnais d’avoir un faible pour Lord Gilthis. Rien qui aurait dut être bien étonnant en soi ; il était beau, il était fort et plus âgé qu’elle. Sauf que Gilthis provenait d’une maison mineure, et en plus, il n’en était même pas le chef. C’était son frère aîné, Lord Manguet, qui dirigeait la maison Antenos. Donc que ma sœur soit éprise d’un G-Man cadet d’une maison mineure, elle qui était si attachée aux questions de rangs et de sang, ça me laissait pantois. Après avoir salué mon père et Meika, Lord Gilthis se tourna vers moi.

- Ah, et le jeune Lord Rohban est là aussi ! Fit-il avec sa voix de velours. C’est un plaisir de vous revoir.

- Tout le plaisir est pour moi, Lord Gilthis, répondis-je mécaniquement. Votre voyage a-t-il été fructueux ?

- Oh, plus que je ne le pensais ! J’ai longé les frontières de l’Empire, de Kulvrane à Morvlak. J’ai défié quelque Pokemon sauvages, arrêté quelques Paxen, et surtout, j’ai rencontré nos compatriotes G-Man de la province, dispersés dans toutes les places-forte de l’Empire. J’ai écouté leurs doléances et leurs espoirs afin de rapporter leurs paroles à notre Grand Maître bien aimé.

- Aaaaah, Lord Gilthis, vous êtes un tel aventurier, souffla Lady Simili, la mère de Tilveta. Courageux, intelligent et généreux !

- Je ne mérite point de telles louanges de mon hôte, Lady Psuhyox, dit Gilthis en s’inclinant parfaitement. Je ne suis qu’un modeste G-Man tentant de vivre pleinement, et me souciant de l’avenir des miens.

- Notre avenir est pour toujours assuré, répliqua mon père, tant que Sa Majesté l’Empereur nous gouvernera dans sa grande sagesse.

Je souris en songeant que mon père devait aimer Lord Gilthis aussi peu que moi, mais pas pour les même raisons.

- Naturellement, Grand Maître. Vous avez maintes fois raisons ! Notre Ordre a bien de la chance d’avoir un homme d’une si grande sagesse comme vous à sa tête ; je n’ai d’ailleurs cessé de le dire à nos amis de province.

Là, pendant une demi-seconde, Gilthis échangea un clin d’œil suivi d’un sourire ironique avec Meika. Ce fut tellement bref que je crus rêver. Mon père n’avait rien remarqué, en tout cas. À chaque fois qu’on chantait ses louanges, il se laissait toujours attendrir. Étant resté avec ma famille aussi longtemps que nécessaire pour qu’il ne soit pas dit que j’ai manqué à mes devoirs, je me retirai poliment, pour aller rejoindre Tilveta plus loin.

- Par Xanthos, quel type insupportable, ce Gilthis, marmonnai-je.

- Tu crois ? Hésita Tilveta. Moi je le trouve sympathique… et très beau. En plus, il est célibataire…

Je levai les yeux au ciel.

- Il doit avoir vingt ans de plus que toi. Et si tu veux mon avis, vu ses manières, ce type doit être un peu gay.

L’homosexualité n’était pas chose spécialement interdite ou abominable chez les G-Man, même si ses rares pratiquants ne le criaient pas sur tous les toits. Mais nous étions tellement peu nombreux que mon père n’encourageait pas vraiment cette pratique ; il fallait en effet que les G-Man se marient entre hommes et femmes et qu’ils fassent des enfants pour perpétuer nos différentes maisons, et surtout maintenir notre population à un niveau viable, alors que l’Empereur était de plus en plus strict sur le contrôle des naissances G-Man.

- Tu es jaloux, c’est tout, me répliqua Tilveta. Lord Gilthis est le sommet de l’idéal G-Man et masculin.

- Mouais…

Nous regardions à distance les différents invités arriver et saluer les familles Irlesquo et Psuhyox, quand un sujet me revint en tête.

- Au fait, tu es au courant ? Dis-je à ma cousine. Cette histoire à propos d’un G-Man mystérieux qui serait apparu en ville le soir depuis deux jours ?

- Hum ? Oui, j’en ai vaguement entendu parler. Ce ne serait pas un membre de Lance ?

- J’en doute. Les Pokemon qui l’ont croisé affirment qu’il se déplace seul en sautant de toits en toits avec des jambes enflammées ! Il aurait aidé quelques esclaves se faisant maltraiter, et même des Pokemon faibles qui se faisaient voler ou agresser par d’autres. Il aurait même un nom : Burning Feline ! Ah ah, quel nom débile… En tous cas, d’après les rares descriptions, ça ne semble pas être un G-Man que l’on connait ici, dans l’Ordre.

- Un G-Man illégal alors ? S’étonna Tilveta. Je pensais qu’ils étaient tous pourchassés et tués dès leur naissance.

- C’est le cas, mais peut-être que certains ont pu passer à travers les mailles du filet. En tout cas, je ne pensais pas qu’un G-Man justicier, ça pouvait exister.

- Le groupe Lance dit servir la justice non ?

- Justice mes fesses oui, répliquai-je. On ne peut pas prétendre servir la justice et tuer des Pokemon au hasard pour seulement faire passer un message ! Ce sont juste des dingues. Des terroristes qui se cachent derrière un simulacre d’idéal pour s’adonner au meurtre gratuit. Bref, des lâches.

Tilveta, surprise par mes propos, fronça un moment les sourcils, comme si elle réfléchissait… et qu’elle n’aimait pas ce qu’elle entendait. Puis finalement, elle hocha la tête.

- Oui, tu dois avoir raison…

- Un peu que j’ai raison. Tu sais que je ne suis pas un grand fan de l’Empire et de la politique de mon père, mais s’ils peuvent capturer ces malades, je serai le premier à applaudir. Si on commence à…

Mais je m’interrompis. La personne que j’attendais venait d’arriver. Lady Sixtine Jarminal, accompagné de son cousin Lord Stuon. Toujours gauche dans son costume fait sur mesure, comme si elle n’avait pas l’habitude de le porter. Toujours à regarder discrètement de droite à gauche partout de ses yeux rouges comme si elle craignait que quelqu’un ne se jette sur elle. On aurait dit une espèce de chat sur le qui-vive. Elle essayait de le cacher par des manières étudiées purement G-Man, mais je voyais très bien que ce n’était pas son truc, qu’elle jouait un personnage. Je le voyais, car je faisais comme elle.

- Tu m’excuseras… dit-je à Tilveta.

Sans attendre sa réponse, je m’avançais dans la salle pour aller à la rencontre de cette jeune G-Man si intrigante.


***


Six




Le manoir Psuhyox était clairement pas celui des Irlesquo, mais on y retrouvait sans peine ce même désir d’impressionner, comme si la valeur d’une maison G-Man se mesurait à la décoration d’une salle à manger. Je n’étais pas spécialement ravie de devoir revêtir à nouveau ce costume ridicule et arborer ce sourire niais et creux. J’aurai bien plus préféré me balader dans la noirceur de la nuit à travers la ville basse d’Axendria, et rendre encore plus célèbre mon patronyme de Burning Feline. Mais j’avais fait un marché avec Kashmel. Il m’avait sauvé et m’avait montré tout mon potentiel. Je devais en échange espionner pour lui et dans l’idéal le faire entrer en contact avec le groupe Lance, ce qui impliquait ma présence lors de ces réceptions ridicules et ennuyeuses à souhait.

Je lui avais parlé des deux jeunes G-Man que j’avais affrontés en tant que Burning Feline il y a deux jours, qui voulaient commettre un attentat au nom de Lance. Kashmel avait été heureux que je puisse lui donner deux noms, mais en même temps inquiet à l’idée que je me fasse démasquer. Je lui ai assuré que non. Ces deux jeunes idiots qui voulaient jouer aux apprentis terroristes n’auraient jamais pu m’inquiéter. Pas après l’entraînement de Kashmel. Le G-Man de Terrakium avait donc gardé les noms de Dalrin Voshturein et Védric Kushkan, mais en affirmant que même s’ils faisaient bien parties de Lance, ce n’était probablement que des petites frappes, et qu’il fallait en priorité rentrer en contact avec le chef.

Comme je savais désormais que Dalrin et Védric appartenaient à Lance, et que eux ignoraient tout de ma réelle identité, je pourrai si jamais tenter de me rapprocher d’eux, en tant que Lady Sixtine. Je devrais bien sûr faire très attention à ce qu’ils ne voient pas en moi le fameux G-Man de Félinferno qui leur avait donné une correction. Mais y’avait peu de chance que ça arrive. Personne n’irait soupçonner la toute jeune et naïve Lady Sixtine. Elle n’était qu’une G-Man de Mangriff. Elle n’était qu’une paysanne qui savait à peine se tenir.

Je regardai les autres nobles tandis que je les saluai, et ne put que constater la différence entre nous. Certes, pour l’enfant des rues que j’avais été, ma robe était splendide. Mais les autres femmes possédaient tellement plus que ça. Leurs longs cheveux flottants et leur assurance n’avaient d’égal que l’élégance de leurs silhouettes couvertes de bijoux. J’apercevais parfois leurs pieds malgré leurs robes voluptueuses, qui n’étaient pas chaussés de simples mules comme les miennes, mais de chaussures avec des talons énormes qui auraient facilement pu transpercer un homme.

- Pourquoi est-ce que je n’ai pas ce genre de chaussure ? Demandai-je tout bas à Stuon alors que nous gravissions les marches recouvertes d’un tapis.

- Marcher avec des talons demande de la pratique, jeune fille. Comme tu viens d’apprendre seulement à danser, il vaut mieux que tu gardes celles-ci pendant un certain temps.

Je fronçai les sourcils mais acceptai cette explication. Cependant, entendre Stuon parler de la danse accrut mon inconfort. Il m’avait formé qu’à ça les quelque jours qui avaient suivi le bal chez les Irlesquo, et bien que j’ai galéré comme jamais, je pensais pouvoir me débrouiller un minimum ce soir. Évidement, ce serait loin - très loin - de l’aisance et de la grâce avec lesquelles les Seigneurs G-Man évoluaient sur scène. Mais bon, au final, même si je me ridiculisais, ce ne serait pas vraiment moi qu’ils verront, mais seulement Lady Sixtine Jarminal.

Avec cette pensée en tête, je me sentis un peu plus sûre de moi lorsque j’allai saluer nos hôtes, Lord Inuit Psuhyox et sa femme Lady Simili. D’après mes fiches sur eux, ils étaient des G-Man de confiance du Grand Maître Irlesquo depuis des lustres. Lord Inuit était G-Man de Gouroutan, et sa femme de Corboss. Ils avaient deux filles. L’aînée, Tilveta, était G-Man de Staross, et la cadette, Malwen, qui avait mon âge, avait découvert l’année dernière ses pouvoirs de Girafarig. Tout en saluant les Psuhyox, je remarquai non loin d’eux le visage hautain et les yeux scrutateurs de Meika Irlesquo. Elle était en compagnie d’un homme dont le visage ne me laissait aucun doute sur son identité : le Grand Maître Irlesquo en personne. Le frère cadet de Kashmel. Son ennemi… et aussi le mien. Nous n’allions pas les saluer. Selon Stuon, nous n’étions pas assez importants dans la hiérarchie des familles G-Man pour cela.

- On a bien salué Meika la dernière fois pourtant ? M’étonnai-je.

- C’était normal, c’était notre hôte. Mais si le bal se passe ailleurs que chez les Irlesquo, nous n’avons pas à nous imposer à eux. C’est à eux de de venir nous saluer, si seulement ils en ont envie.

Stuon me dirigea à nouveau vers une table assez éloignée des autres… mais un peu moins que la première fois cette fois.

- Ce soir, quelques hommes devraient t’inviter à danser, me dit-il. Accepte. Ça te donnera une excuse pour aller les retrouver plus tard et te mêler à leur groupe. C’est comme ça que tu pourras participer à leur conversation, et en venir à lancer deux trois remarques qui pourraient intéresser de possibles membres de Lance.

- Je ferai mieux de viser l’entourage de ceux que j’ai affronté en ville non ?

- Mieux vaut éviter. Dalrin Voshturein est un ami du fils de Bradavan, et est souvent avec lui lors des bals. D’ailleurs, je ne l’ai pas vu ce soir. Quant au jeune Védric, il est trop jeune pour participer à ces bals. Reste assise, et attend que quelqu’un vienne t’inviter. Peu importe qui ; l’important est de t’incruster dans leur petit groupe de conversation.

J’acquiesçai vaguement en regardant autour de moi. Il y avait quelqu’un de particulier que je cherchais dans la salle ; la fameuse Lady Firenne Jastermine de l’autre soir, que je soupçonnais d’être ma mère déguisée. Mais je ne la vis nulle part. Evidement, m’ayant vu la dernière fois, elle n’avait pas dû prendre le risque de revenir pour éviter de se faire démasquer. Mais je ne l’aurai pas fait. Je voulais simplement la revoir, pour lui poser quantité de questions… et si jamais la gifler ou lui cracher au visage pour m’avoir abandonnée sans aucun mot à la bande à Immotist, en me laissant au passage toutes ses dettes pour l’avoir volé. Stuon avait dit qu’il enquêterai sur elle, mais quand je lui ai posé la question aujourd’hui, il était resté très vague et hésitant. Louche, cela. Très louche.

Mais je m’inquièterai de ma mère plus tard, car un premier jeune seigneur G-Man s’approchait de ma table. Et pas un de ceux auxquels je m’attendais. C’était en effet Lord Rohban Irlesquo, à qui j’avais quelque peu parlé la dernière fois, qui s’avançait vers moi l’air de rien, son regard plongé dans un livre, et trois autres dans les mains, et qui, sans me saluer le moins du monde moi ou Stuon, s’assit nonchalamment sur une chaise à côté de nous en posant ses bouquins sur la table. Je fus si estomaquée par cette attitude désinvolte plus qu’impolie que je n’arrivai pas à le quitter du regard. Stuon, lui aussi, fronça les sourcils, l’air suspicieux.

- Je ne me rappelle pas vous avoir autorisé à vous asseoir à ma table, Lord Rohban, fis-je finalement avec une froideur calculée.

- Ne faites pas attention à moi, répondit-il sans lever les yeux. Vous avez une grande table. Il y a largement de la place pour trois.

- Pour trois peut-être. Mais pour ces livres, je n’en suis pas si sûre. Où les serviteurs vont-ils poser mon repas.

- Y a un peu de place sur votre gauche…

Stuon se renfrogna encore un peu plus, et je compris que seul le rang élevé de Rohban empêchait mon « cousin » de lui dire ses quatre vérités.

- Mais que diable faisiez-vous lors de ces fêtes avant que j’arrive pour que vous puissiez me harceler ? M’exclamai-je.

- Allons bon, je suis assis en silence, à lire tranquillement, et je vous harcèle pour vous ?

- Vous êtes à ma table. Il ne vous est pas venu à l’esprit que je désirai peut-être être dîner tranquillement toute seule ?

- Si votre but est d’être seule, pourquoi venir à ces bals ?

Je serrai les poings. Décidément, ce gars là m’insupportait au plus haut niveau. C’était impossible qu’il fasse cela naturellement. Il devait se foutre de moi.

- Et vous, Lord Rohban ? Intervint Stuon sans masquer sa désapprobation. Comment se fait-il qu’un si bon parti comme vous soit seul à ces bals ?

- Oh, ce n’est pas le cas. J’étais avec ma cousine et bonne amie Tilveta jusqu’à présent.

Il désigna l’autre côté de la pièce, là où tous les G-Man de marque se rassemblaient. L’héritière des Psuhyox, magnifique dans sa robe violette cristal, lançait constamment des coups d’œil à notre table en tentant de masquer sa mine renfrognée. Je rougis et me détournai.

- Hum… vous devriez peut-être retourner lui tenir compagnie, non ? Demandai-je.

- Sans doute. Mais voyez, je vais vous confier un secret. En réalité, je suis tout sauf galant. Mon comportement est certes déplorable, mais je suis fréquemment sujet à ces accès de déplorabilité. Prenez par exemple mon goût pour la lecture à la table du dîner.

Stuon me murmura dans les oreilles qu’il allait faire le tour des tables des dames célibataires, comme à son habitude, et me conseilla d’être très prudente avec Rohban, et de me séparer vite de lui. À l’en croire, aucun garçon n’oserait m’inviter si on me voyait avec lui. J’acquiesçai en silence. Ce n’était pas comme si je recherchai particulièrement la compagnie de cet emmerdeur. Au bout d’un moment de silence, il posa enfin son bouquin pour me regarder.

- Pourquoi êtes-vous ici, Sixtine ?

- À cette fête ?

- Non. À Axendria. Vous venez de Dilmatesse non, dans le grand ouest.

- Oui. Et je voulais voir la capitale, qui est le centre de tout l’Empire, et rencontrer les nobles sires et gentes dames de l’Ordre central.

- Et ? Que pensez-vous de nous ?

- À part quelque jeunes lord impolis que je ne citerai pas, les gens ici sont merveilleux. Mais la ville, elle… ne l’est pas.

- Vraiment ? Qu’avez-vous à reprocher à notre capitale impériale ?

- Elle est… sale, dis-je en toute franchise. Elle est sale, bondée, et totalement inégalitaire. La ville basse pullule sous la corruption et le crime, alors que la ville haute regorge de richesses. Les humains y sont affreusement mal traités, également.

À la mention des humains, Rohban réagit avec intérêt.

- Vous trouvez ? Ils sont plus maltraités chez nous que dans votre cité provinciale ?

- De loin, répondis-je tout en ignorant totalement comment les humains étaient traités à Dilmatesse. Mes parents sont justes avec leurs esclaves. Ils ne les battent pas, et jamais mon père aurait l’idée de coucher avec une femelle humaine pour ensuite la supprimer.

- C’est admirable. Vous aviez donc beaucoup de contact avec les humains, chez vous ?

- Sans plus, fis-je avec prudence. Ce ne sont que des humains, après tout. Mais ce n’est pas une raison pour en faire nos souffre-douleurs.

- Vous parliez avec eux ? Sont-ils intelligents ?

- Certains le sont.

- Mais pas comme vous et moi, n’est-ce pas ?

C’est quoi ça, une question piège ? Me demandai-je.

- Bien sûr que non. Ce ne sont que des humains. Pourquoi vous intéressent-ils autant ?

Rohban haussa les épaules et retourna à son livre.

- Aucune raison particulière…

Il semblait en quelque sorte… déçu. Aurait-il voulu que je dise que les humains étaient aussi intelligents que les G-Man ? Mais ce serait une hérésie. Ça voudrait dire… que Rohban Irlesquo était un membre de Lance qui militait pour l’égalité entre G-Man et humains ? Lui, le fils du Grand Maître, qui ne perdait jamais une occasion de se faire remarquer en mal ? Je ne savais que penser… et la musique qui débuta me coupa dans mes réflexions. Les premières notes d’une valse commencèrent, et des couples se lancèrent à l’assaut de la piste de dance. C’est alors que Rohban reposa son livre, et me tendit la main.

- Que… commençai-je, surpris.

- Vous ne voulez pas danser ?

- Je croyais que vous n’aimiez pas ça.

- Pas avec les dames ennuyantes habituelles. Avec vous, ça devrait passer. J’aurai rempli mon quota de danse obligatoire pour la soirée.

- Je… je n’ai appris à danser que très récemment. Vous allez vous couvrir de ridicule, avec moi, l’avertis-je.

- Tant mieux. J’aime ça.

Sans attendre mon autorisation, il attrapa ma main et m’amena sur la piste, sous les yeux de tous les G-Man éberlués qui regardaient l’héritier Irlesquo inviter une G-Man de troisième zone tout juste débarquée, et sous le regard mauvais de Lady Tilveta Psuhyox.