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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 11/10/2017 à 08:46
» Dernière mise à jour le 11/10/2017 à 08:46

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 17 : Le groupe Lance
Mizulia



Impassible, j’observai les cadavres de Pokemon qui jonchaient cette rue entière de la ville-basse. Les autorités impériales n’avaient pas encore compté les victimes, mais à vue de nez, il y en avait bien une cinquantaine. Aucun Pokemon important ou haut placé dans l’administration impériale ; juste de pauvres bougres qui menaient leur vie, et qui s’étaient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. L’organisation terroriste Lance avait franchi un pas de plus dans l’horreur. Même moi, qui avait pourtant commis bien des actes sanglants durant mes jeunes années au service de Scalpuraï, était sidérée devant une telle barbarie aveugle. Le meurtre n’était qu’un outil utilisé pour atteindre un objectif. Je ne répugnais jamais à l’utiliser ; d’ailleurs j’aimais même bien ça. Mais quel genre d’objectif pouvait découler d’une telle tuerie de masse ?

À mes cotés, mon maître Scalpuraï n’avait l’air aucunement désolé pour les victimes, mais furieux que Lance ait pu impunément tuer tant de citoyens impériaux dans la cité-capitale qu’il était censé surveiller et nettoyer de ses indésirables. Il m’avait fait rappeler de toute urgence du quartier G-Man après l’attentat. J’avais donc temporairement abandonné ma défroque de G-Man pour redevenir l’exécutrice froide et professionnelle dont il avait besoin en ce moment. Analyser les attentats de Lance pourrait en outre me permettre d’en apprendre plus sur eux. Le lieutenant de l’armée impériale qui dirigeait l’analyse des lieux, un Lainergie, sembla se ratatiner devant les yeux jaunes étincelants de colère de l’Ecorcheur Argenté.

- C’est vous qui étiez en charge de la sécurité de ce quartier, lieutenant ? Demanda-t-il d’une voix doucereuse.

- O-o-oui mon seigneur, balbutia le Lainergie. C’est un coin tranquille, je n’avais que dix Pokemon postés ci et là… Nous sommes intervenus immédiatement quand les G-Man ont attaqué, mais nous nous sommes fait écraser. Ils étaient cinq, et il est bien connu qu’un G-Man vaut bien dix Pokemon ! Tous mes hommes ont été tués…

- Pas vous, apparemment, signalai-je avec un sourire ironique.

Le Lainergie sembla offensé qu’une vulgaire humaine ose lui répondre de la sorte, mais comme il ignorait ma place auprès de Scalpuraï, il choisit la prudence et ne répliqua pas.

- J’étais parti demander des renforts de toute urgence, et…

Maître Scalpuraï ne le laissa pas terminer. S’il détestait les incompétents, il méprisait encore plus les lâches, alors un mélange des deux n’avait aucune chance de survivre. D’un geste vif et précis, il lui trancha proprement la gorge avec la plus longue lame de son bras droit. Il ordonna alors à tous les militaires présents de ficher le camp, car lui et ses Nettoyeurs reprenaient la chose en main. Les soldats, gardes et policiers furent plus qu’heureux d’obéir et de filer à toute vitesse. Les Nettoyeurs accompagnant Scalpuraï prirent leur place et commencèrent à étudier la scène du crime.

- Nous devrions pouvoir lister la plupart des attaques utilisées par les G-Man selon les blessures des victimes, dis-je à mon maître. Ça nous permettra peut-être d’identifier un G-Man en particulier.

- J’en doute, rétorqua Scalpuraï. Ils ne se seraient pas amusés à utiliser des attaques un peu trop rares, et auront sans doute privilégié Aurasphère, qu’ils peuvent tous utiliser. Et même si nous avons une attaque Tonnerre ou une attaque Lance-flamme, nous aurons trop de résultats pour isoler un seul G-Man. Ces ordures sont prudentes.

Je ne dis rien, mais commettre un massacre en pleine ville aux yeux de tous n’était pas spécialement ma définition de « prudent ». Sans doute Lance considérait que les autorités impériales étaient si inefficaces qu’ils pouvaient se donner en spectacle sans rien craindre. Et pour l’instant, on ne pouvait pas vraiment leur donner tort.

- Je ne comprend pas, maître, dis-je tandis qu’il étudiait le cadavre d’un Hypnomade. Si Lance poursuit dans cette voix, il paraît évident que l’Empereur va perdre patience et prendre des mesures coercitives à l’égard des G-Man. Peut-être même ira-t-il jusqu’à décider de se passer d’eux et de les exterminer. Ces terroristes n’en ont pas conscience ?!

- Evidemment que oui, répondit Scalpuraï. Je crois que c’est même ce qu’ils veulent. Monter l’Empire et les G-Man l’un contre l’autre, afin de les affaiblir mutuellement et de tenter un Coup d’Etat ou une révolution. Au pire espèrent-ils que Sa Majesté détruira l’Ordre d’Irlesquo, et ensuite ils prendront le large pour se rallier aux Paxen par exemple.

- Je ne sais pas si les Paxen voudraient d’eux. À ma connaissance, ils ne tuent pas des Pokemon civils impunément.

- Ce n’est pas faux, en convint mon maître. Lance se targue d’idéaux comme l’égalité avec les humains et la fin de la domination Pokemon, mais en réalité, je les soupçonne d’agir pour eux-mêmes. Ils se contrefichent des humains, et doivent espérer quelque chose comme un Empire G-Man à la place du nôtre. Ou peut-être y’a-t-il plusieurs mouvance en leur sein, plus ou moins fanatiques. Il devient urgent de percer à jour leur organisation et leurs membres, Mizulia.

Je me rapprochai de lui pour lui dire à voix basse :

- Pourtant, la destruction de l’Ordre est ce que vous avez toujours voulu, maître. Six a été conçu dans ce but même. Pourquoi ne pas laisser Lance user de la patience de l’Empereur jusqu’à ce qu’il décide de réprimer l’Ordre ?

- Parce que c’est précisément ce que ces G-Man rebelles veulent, et je ne vais pas leur donner satisfaction, répliqua Scalpuraï. L’Ordre sera détruit à ma façon, pas à la leur, et quand je l’aurai décidé.

Il éleva la voix pour ordonner à ses Nettoyeurs :

- Commencez à transporter les corps au palais, et bouclez la rue. Recherchez des témoins de l’attaque, tous ceux qui auront des choses à dire sur les G-Man qu’ils auront vu, qu’ils soient Pokemon ou humains.

- Les témoins ont déjà été réquisitionné, sire Scalpuraï. Mais par le département judiciaire.

Maître Scalpuraï se figea à cette voix désincarnée semblant surgir de nulle part, tandis que tous les Nettoyeurs s’inclinèrent immédiatement. Moi-même, je fis de même. Scalpuraï, lui, se contenta d’un signe respectueux de tête devant le Pokemon qui venait d’apparaître. C’était de toute évidence un Pokemon Spectre, vu qu’il flottait au dessus du sol et qu’il semblait ne pas avoir de corps solide derrière sa longue robe noire. Il portait une perruque blanche de juge, et un chapeau chromé sur lequel pendaient deux fils reliant ses bras en forme de balance.

C’était Jugeros, l’une des Cinq Etoiles Impériales, en charge de la justice dans tout l’Empire. Il était l’incarnation même de la loi, et celle du couperet de la justice s’abattant sur tous ceux qui l’enfreignaient. On disait qu’il se servait de ses bras en forme de balance pour peser la culpabilité des personnes qu’il jugeait, mais sa balance tendait toujours vers une seule direction : coupable. Et si la législation impériale proposait un large panel de condamnations selon les crimes, ceux qui se faisaient juger par Jugeros ne devaient s’attendre qu’à une seule peine : la mort.

- Seigneur Jugeros, fit Scalpuraï. Je n’ai pas été informé que votre département se chargeait de cette enquête…

- Mon département se charge de tout ce qui concerne de près ou de loin le groupe terroriste Lance désormais, sous ordre de Sa Majesté, répondit l’Etoile Impériale. Vous en avez sans doute été informé. L’affaire devient trop grave pour la laisser entre les mains des Nettoyeurs. Vous êtes des exécutants et des bourreaux, pas des enquêteurs. Et vous, sire Scalpuraï, vous consacrez beaucoup trop de votre temps à vous rendre ci et là avec vos sbires plutôt qu’à protéger Sa Majesté, ce qui est votre tâche première en tant que membre de la Trigarde.

Mon maître serra ostensiblement les poings. Je savais qu’il n’appréciait guère Jugeros, qui empiétait souvent dans le territoire des Nettoyeurs. Mais si Scalpuraï pouvait laisser libre cours à sa colère sur nombre de Pokemon, il devait se forcer au calme face aux Etoiles Impériales. Non pas qu’il était plus faible qu’elles, mais techniquement, les Etoiles lui étaient supérieures dans la hiérarchie impériale.

- Je ne fais jamais rien sans que l’Empereur en soit prévenu, répliqua Scalpuraï. Je suis en charge des affaires G-Man depuis longtemps.

- Vous êtes seulement charger de traquer les G-Man illégaux. Cette affaire n’a rien à voir avec ça, à moins que Lance ne dissimule des bâtards en son sein. Je me chargerai de trouver l’identité de ces terroristes et de les dénicher. Grâce à l’Empereur, j’ai toute autorité pour enquêter dans le Quartier G-Man et interroger qui je le désire. Ça ne prendra donc pas longtemps. Mais ne vous inquiétez pas, sire Scalpuraï. Je vous laisserai vous occuper de l’application des peines capitales de ces criminels une fois que je les aurai attrapés.

- Votre Honneur est trop bonne…

- Ma parole est celle de la justice, mais exécuter les sentences ne sied guère à un Pokemon distingué comme moi. Plutôt à une brute comme vous. Faites donc transférer les corps au palais, comme vous vouliez le faire, mais dans le département judiciaire. Si vous avez des informations ou des preuves matérielles concernant le groupe Lance, vous devrez également nous les remettre en totalité. Ainsi l’ai-je décrété !

Comme mon maître semblait mourir d’envie de lancer une réplique acerbe mais se retenait du fait de la position hiérarchique de Jugeros, je pris sur moi de lui faire cette fleur à sa place.

- Mon maître sera ravi de vous transmettre tout ce qu’il a réuni comme connaissance sur les G-Man depuis des années, mais il se peut que Votre Honneur ait du mal à tout enregistrer en une fois.

Jugeros me regarda comme si un ver de terre venait de lui adresser la parole. J’étais habituée à ce regard hautain des Pokemon convaincus de leur importance, et ça ne me faisait plus rien.

- Votre esclave est d’une rare insolence, messire Scalpuraï.

- C’est le cas, admit-il, mais elle a l’avantage de dire les vérités que peu osent sortir. J’ai effectivement mené un travail de longue haleine sur l’Ordre G-Man des années durant, dont mon esclave n’est d’ailleurs pas étrangère. Vous auriez tort de vous passer de l’expertise des Nettoyeurs, Seigneur Jugeros.

- Vous aviez visiblement du temps à perdre. Mais je peux concevoir que rester debout des heures durant devant la salle du trône de Sa Majesté peut se révéler être une tâche harassante. Venez me voir à l’occasion dans mon bureau du département judiciaire, messire Scalpuraï. Je serai heureux d’écouter ce que vous auriez à m’apprendre sur les G-Man. En attendant, merci de rester en dehors de mon enquête. Je sais que les Nettoyeurs ont la fâcheuse habitude d’œuvrer dans le secret et parfois en zigzaguant sur les plates bandes de la loi. Ce groupe terroriste G-Man sera arrêté et jugé en bonne et due forme, de façon officielle et professionnelle. Et quand ils seront entre mes mains, il n’y aura aucune forme de torture ou d’écorchage, des pratiques barbares et grossières qu’un Empire civilisé comme le nôtre ne devrait pas tolérer. Ce sera la loi, uniquement la loi, toujours la loi. Ainsi l’ai-je décrété !

Jugeros amena sa suite de juges, magistrats et hauts fonctionnaires de toute sorte et prit totalement le contrôle de la scène du crime, tandis que Scalpuraï, agacé mais résigné, fit signe à ses Nettoyeurs de dégager le terrain. Il me glissa toutefois à l’oreille :

- Repars immédiatement dans le Quartier G-Man et poursuit l’enquête. Mets les bouchées doubles. Je ne veux pas que cet imbécile à perruque débusque Lance avant moi ! Et n’oublie pas : si Jugeros, lors de son enquête là-bas, est prêt de te démasquer…

- Je me jette du haut de la Citadelle, oui, finis-je à sa place.

Ce n’était pas des paroles en l’air. Je le ferai vraiment. Parce que mon maître me l’avait ordonné, mais aussi parce que moi-même je ne tenais pas à me retrouver entre les mains de Jugeros. Malgré sa position, Scalpuraï n’aurait aucun moyen officiel de me sortir de là. Même son fameux maître dans l’ombre n’interviendrait pas, et je serai alors un boulet pour les Nettoyeurs. Quant à la mort elle-même, je m’en souciais nullement. Après tout, si on était vivant, c’était pour mourir un jour.


***

Meika




Les assemblées G-Man réunissaient les chefs des différentes maisons de l’Ordre, qui pouvaient venir, s’ils le désiraient, accompagnés de leur héritier en titre. Techniquement donc, j’y avais ma place, mais mon jeune frère Rohban, pas vraiment. Mais comme tous les chefs ne s’étaient pas déplacés, il restait des chaises libres, et personne n’aurait été faire une remarque à père sur le fait qu’il amène ses deux enfants au lieu de son seul héritier. Il avait voulu faire impression en nous plaçant respectivement à sa droite et à sa gauche, et insister sur le fait que la maison Irlesquo dénonçait de la façon la plus directe possible les agissements du groupe Lance.

Comme c’était père qui avait mandé l’assemblée, elle se déroulait chez lui, dans son grand salon, et selon la coutume, il devait arriver en dernier, ce qu’il fit. Tout le monde se leva quand il franchit les portes de son propre salon, et resta debout jusqu’à ce qu’il prenne place. Comme d’habitude, le Grand Maître G-Man Bradavan Irlesquo était royalement vêtu, tel un empereur humain de jadis. Ses cheveux commençaient à virer poivre-sel, et il s’était laissé pousser une courte barbe. Ses habits, mélange d’or et de rouge, symbole d’Ho-oh, ne laissaient rien transparaître de son appartenance à la catégorie des G-Man d’Insolourdo. Sa Lamétrice, richement décorée avec des pierres précieuses, n’était là que pour l’apparat, car père ne s’entraînait jamais avec, et je doutais même qu’il sache s’en servir.

C’était ainsi. Tout n’était que poudres aux yeux avec Bradavan Irlesquo. Un épouvantail qui incarnait l’autorité. Tout le monde y croyait, donc ça marchait, mais père n’incarnait rien du tout, sinon l’impuissance et la faiblesse. Il ne tenait son pouvoir que de son illustre famille et de la complicité qui l’avait liée au Seigneur Protecteur Xanthos. Mais aujourd’hui, l’Empereur n’avait que faire des Irlesquo, et se fichait de savoir quelle famille dirigeait l’Ordre en son nom.

Les requins des autres maisons commençaient à s’en rendre compte. Bradavan était faible. Bradavan était en réalité un bâtard. Bradavan n’avait plus l’amitié du sommet de l’Empire. Tôt ou tard, l’un d’entre eux tenterait forcément de renverser père pour prendre sa place comme Grand Maître. Mais ils n’allait pas en avoir le temps, pour la simple et bonne raison que j’allais prendre les commandes très bientôt. À l’inverse de père, moi, je n’étais pas un G-Man en carton…

- Mes Seigneurs et gentes dames, commença père en s’asseyant, merci d’être venus. La situation est grave, pour ne pas dire catastrophique. Lance a encore une fois frappé, et désormais à la vue de tous, assassinant sans objectif des Pokemon au hasard dans la ville-basse. Le Seigneur Jugeros va bientôt arriver dans le Quartier G-Man, et je compte sur vous tous pour vous plier à ses demandes, afin d’arrêter Lance au plus vite.

Voici bien l’exemple d’une preuve que père ne maîtrisait plus rien : il avait laissé l’Empereur autoriser un Pokemon à se rendre chez nous. Le Pokemon en question avait beau être Jugeros, la plus haute autorité judiciaire de l’Empire, c’en était pas moins inacceptable. L’indépendance des G-Man et l’interdiction des Pokemon de pénétrer dans leur quartier était l’une des plus vieilles lois impériales. Affaibli par l’affaire Lance, père avait dût brader la souveraineté des G-Man à Daecheron pour calmer son courroux, et nombre de maisons ne l’acceptaient pas. Mais personne n’allait protester aujourd’hui à ce sujet. Parce que j’étais présente.

Père commença à énumérer des mesures pour tenter d’empêcher Lance d’agir, ou à défaut d’en identifier certains membres. Couvre-feu, interdiction de sortir du quartier G-Man, et ce genre de choses. Je me tus, mais mon petit sourire discret montrait bien tout mon mépris ; sourire que je partageai discrètement avec plusieurs personnes autour de la table. Ces choses là auraient pu marcher si seulement Lance était composé que de cinq ou six membres isolés. Mais père était un idiot. Il était loin de se douter de la réalité des choses. Loin de se douter que Lance était plus nombreux qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Loin de se douter qu’il avait plusieurs de ses membres juste sous ses yeux en ce moment. Loin de se douter qu’il avait sa dirigeante juste à sa droite…

Père chercha du côté de ses soutiens de longue date pour qu’ils prennent la parole afin de convaincre les autres d’adopter ces mesures. La maison Psuhyox, par exemple, représentée ici par son chef, Lord Inuit, et sa fille aînée et héritière, Tilveta. La maison Psuhyox était alliée à la maison Irlesquo depuis des lustres. Si on remontait assez loin dans la généalogie, on retrouvait un certain Clément Psuhyox qui avait été un camarade du légendaire Sacha Ketchum. Le vieil Inuit était l’un des rares amis de père qui demeurait encore. Mais sa fille Tilveta était depuis longtemps de mon côté… tout comme la majorité des héritiers de la plupart des grandes maisons.

C’était là la vérité que les vieux de la vieille comme mon père ignoraient. Pétris d’orgueil et de traditionalisme, ils n’avaient pas vu l’Ordre G-Man se transformer en secret. Il n’avait pas compris les attentes de la nouvelle génération qui en avait assez de cet immobilisme destructeur. Lance avait grandi juste sous leurs yeux, petit à petit… jusqu’à les dépasser. Lance n’était pas un groupuscule terroriste de l’Ordre G-Man. C’était plutôt l’ancien Ordre G-Man qui était devenu un groupuscule de Lance. Nous étions désormais plus nombreux qu’eux, et très bientôt, nous n’aurons plus à nous cacher.

Moi, Meika Irlesquo, était la dirigeante et la fondatrice de Lance. Ça faisait dix ans maintenant. J’avais commencé en m’entourant de mes amis les plus proches, tout en veillant à continuer à adopter un visage respectable auprès de père et de l’Ordre. Personne ne m’avait jamais soupçonné, car j’étais tout bonnement insoupçonnable. Fille aînée et héritière du Grand Maître, affichant un traditionalisme radical et un soutient sans faille à mon père, personne ne m’aurait imaginé en rebelle luttant pour renverser un système dont j’étais issue et dont je me trouvais au sommet. En dix ans, Lance avait bien grandi. Sur très exactement 62 G-Man à la capitale, 37 m’étaient acquis. Plus de la moitié des personnes présentes à cette assemblée me reconnaissaient comme leur chef.

Ces petites virées nocturnes pour aller tuer quelques Pokemon n’avaient que pour objectif de faire monter la tension artérielle de mon père, et de rendre furieux l’Empereur. Le moment venu, nous nous dévoilerons au grand jour. Nous donnerons alors le choix aux G-Man restants de nous rejoindre. Enfin, à certains d’entre eux seulement. Il est évident que mon père devrait mourir. Pareil pour mon crétin de frère inutile. Je ne l’avais jamais invité à rejoindre Lance, alors qu’il se plaisait pourtant à se montrer comme une rebelle idéaliste. Il y avait deux raisons à ça. D’une, en tant que G-Man de Couafarel, il m’aurait été totalement inutile. Deux, je le détestais et je souhaitais sa mort. Qui n’allait pas tarder à survenir d’ailleurs…

- En conclusion, disait enfin père, il convient de montrer en toute occasion notre loyauté envers Sa Majesté l’Empereur, pour qu’il nous fasse grâce de sa clémence.

Mon père était vraiment le dernier des crétins et des lâches. Je n’ignorai rien du fait que s’il tentait à tous prix d’être dans les petits papiers de Daecheron, c’était qu’il était dans son collimateur à cause de cette histoire de bâtardise qui avait sali le nom de la maison Irlesquo il y a une trentaine d’années. Je pris la parole à mon tour, afin de donner l’impression que je soutenais mon père, comme d’habitude…

- Notre Grand Maître a parlé sagement. Plus que jamais, il nous faut être unis pour affronter les épreuves. Nous ne laisserons pas ces terroristes détruire notre glorieux ordre millénaire !

En nous regardant, mes partisans et moi, intérieurement, nous étions morts de rire. Nous laissâmes père partir, rassuré de voir que l’assemblée le soutenait. Rohban partit lui aussi. Il n’avait rien fait pendant la réunion à part se tourner les pousses en baillant ostensiblement. Je lui jetai un regard de pur mépris. Nous laissâmes les G-Man non membre de Lance quitter la pièce, puis je rejoignis mes fidèles camarades. Nous n’étions évidement pas tous là, mais c’était nous, les dirigeants de maisons ou héritiers, qui étions les chefs de Lance.

- Bradavan ne se doute encore de rien, commenta Lord Adéas Raktalin. Ç’en est presque à pleurer…

Jadis, nous prenions garde quand nous nous réunissions. Nous faisions passer des mots, nous avions des messages codés, mais désormais, nous ne prenions même plus cette peine, tant nous étions en surnombre comparé à l’Ordre G-Man traditionnel.

- Laissons-le à ses chimères, répondis-je. Nous l’en sortirons de force assez tôt, et le réveil sera rude pour lui. Au fait, j’ai ouï dire que Jald est revenu blessé de sa petite virée d’hier soir ? C’est pour ça qu’il n’est pas là ?

- Il a été touché par une attaque perdue, répondit Adéas, qui était son père. Rien de grave.

- Je suis soucieuse concernant cet attentat d’hier soir, Lady Meika, fit Lady Viliane de la maison Kushkan. Le jeune Raktalin a agi sans prévenir et en embarquant mon fils Védric, qui n’a que quatorze ans ! Ne devrions-nous pas faire profil bas alors que Jugeros va enquêter chez nous ?

- Il faut bien que nos jeunes membres se défoulent, dis-je. Tuer des Pokemon n’a jamais tué un G-Man, n’est-ce pas ?

Tous ricanèrent à ce trait d’esprit de ma part. Si les vieux G-Man mollassons comme mon père auraient eu du mal à vaincre ne serait-ce qu’un Chenipan, chez nous à Lance, ce n’était pas pareil. Nous nous entraînons. À l’épée, aux attaques Pokemon, à la maîtrise de l’Aura. Nous étions de vrais G-Man, comme ceux de l’Ordre G-Man d’avant l’Empire Pokemonis. Des G-Man comme Peter Lance, à qui nous avions emprunté son nom, qui étaient crains à travers tous les continents pour leurs pouvoirs et leurs forces au combat.

- En ce qui concerne Jugeros, ne vous faites pas de souci, poursuivis-je. J’ai l’intention de lui appliquer la fameuse peine capitale qu’il apprécie tant…

Les autres me regardèrent d’un air impressionné voir admiratif.

- Vous, Lady Meika ? S’exclama Lord Balthese. Vous comptez réellement éliminer l’une des Cinq Etoiles Impériales ?

- Ça enverra un message très net à l’Empereur.

- Certes, mais… pardonnez mon insolence, mais êtes-vous sûre d’en être capable ? Ces Pokemon ne sont pas les Etoiles Impériales pour rien. Ils sont immensément puissants.

- Tout comme je le suis, répliqua Meika. Mais ne vous inquiétez pas. Lord Gilthis rentre demain de son voyage en province. Il m’assistera, et dès lors, Jugeros n’aura aucune chance contre nous deux réunis.

Personne ne trouva rien à redire cette fois. Tous connaissaient la puissance de Lord Gilthis Antenos. Il était le G-Man de Togekiss, mais aussi celui qui s’était le plus longuement entraîné pour maîtriser l’Aura et ses pouvoirs, peut-être même plus que moi. Il était le commandant en second de Lance, et tout le monde le respectait. Il était justement parti quatre mois durant dans les diverses plus grandes cités impériales pour tenter de recruter les G-Man en place.

- Nous passerons à l’action sitôt après, repris-je. J’ai déjà pris contact avec cet humain, Draïen Malket. Lui et sa milice seront à la capitale d’ici deux mois.

Draïen Malket était un ancien membre des Paxen, qui a été exclu en raison de sa trop grande brutalité et de son refus de prendre un Pokemon comme partenaire. Il s’était monté une escouade d’humains surentraînés dont le seul objectif était de tuer des Pokemon. Ils allaient nous être utiles quand nous lancerons notre Coup d’Etat. J’aurai pu tout aussi bien contacter les Paxen, mais les fameux rebelles qui avaient éliminé Xanthos étaient en bien mauvaise posture. On disait que leur base allait très bientôt être découverte et qu’ils seraient anéantis. De plus, leur angélisme ne me plaisait guère. Pour nous, G-Man de Lance, il n’y avait aucune entente possible avec les Pokemon : seulement leur soumission, comme autrefois.

- Et en ce qui concerne nos deux nouvelles arrivantes, Lady Meika ? Demanda Lady Volcheint. Ne devrions-nous pas tenter de les recruter ?

- Ah, Lady Firenne Jastemire ? Dit Lord Raktalin. Elle vient de revenir après dix ans en province. Et l’autre… la gamine aux yeux rouges là…

- Sixtine Jarminal, précisai-je. Une paysanne d’une maison arriérée. Elle sera trop intimidée par le pouvoir impérial de la capitale pour oser se rebeller. De toute façon, un G-Man de Pokemon Normal comme elle nous sera peu utile. Quant à Lady Firenne, je suis contre également. La maison Jastemire est inexistante à la capitale, mais assez étendue en province. Elle a toujours été un soutient de ma famille, et vu qu’elle ne connait rien de Lance et des déboires de mon père ici, ça n’a pas changé.

Ceci entendu, nous nous mîmes ensuite d’accord sur nos prochaines réunions secrètes et nos futures actions, puis nous nous séparâmes. Mais avant qu’elle ne parte, je pris la jeune Tilveta Psuhyox par l’épaule. Cette fille était l’une des G-Man les plus puissantes de Lance, et surtout l’héritière de la plus puissante famille après la mienne. En cela, nous nous ressemblions, elle et moi. Mais elle avait un défaut : c’était une amie de mon frère Rohban. Je craignais toujours qu’elle ne tente d’en faire l’un des nôtres malgré mes ordres à ce sujet. C’était pourquoi je l’avais chargé d’une mission, qui allait à la fois tester sa loyauté, et aussi m’enlever une vilaine épine du pied.

- Le prochain bal a toujours lieu chez toi ? Lui demandai-je.

- Oui, Lady Meika. Après-demain.

- Tu te souviens de ce que je t’ai demandé ?

- Oui…

Ses yeux se firent tristes, mais n’avait aucune faiblesse dans la voix quand elle dit :

- J’éliminerai Rohban ce soir là.

- Je compte sur toi.

Rohban allait mourir après-demain. Pas trop tôt. Depuis le temps que j’essayais de le tuer ! J’avais même usé de mon Aura pour perturber la sienne afin que ses pouvoirs se révèlent trop tard et qu’il soit exécuté comme humain-né-G-Man, mais peu avant la date fatidique, ses damnés pouvoirs ont réussi à percer malgré tout. Mais cette fois, il n’échappera pas à son destin. Cet enfant n’aurait jamais dû venir au monde. Depuis que je ne connaissais la vérité à son sujet et au mien, je le détestais pour ce qu’il était, et sa seule vision me répugnait. Enfin j’allais en être débarrassée, et savoir cela me procurait bien plus de joie que la chute prochaine de l’Ordre G-Man !





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Image de Jugeros :