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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 27/09/2017 à 08:55
» Dernière mise à jour le 08/10/2018 à 18:10

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 16 : L'appel du terrorisme
Immotist



Vivre à l’état de masque impuissant, alors que j’avais été le Pokemon avec le plus d’influence et de pouvoir de la ville-basse de la capitale de l’Empire Pokemonis, me mettait hors de moi. Plus encore, ça commençait à me peser. Je devais constamment faire des courbettes - enfin façon de parler - devant ces deux G-Man rebelles, je devais mesurer mon ton devant mon ancien esclave, et surtout, je dépendais exclusivement de ce petit Pokemon érudit, Diplôtom, pour pouvoir me déplacer. Lord Stuon l’avait chargé de s’occuper de moi. Enfin, valait mieux se faire trimballer par ce jeune Pokemon un peu naïf et facilement influençable que rester sur la devanture de la cheminée de Stuon tandis qu’il s’amusait à me peindre des expressions colorées absurdes sur le masque.

La situation m’avait longuement échappé. Tout d’abord, par la trahison de mon fils Phamôme qui était allé cafter aux Nettoyeurs que j’hébergeais un bâtard G-Man. J’avais eu de la chance de survivre à l’attaque, contrairement à la plupart de mes Pokemon. Et d’une certaine façon, valait mieux que ces curieux G-Man m’aient embarqué avec eux plutôt que sois obligé de rester dans ma planque, attendant avec crainte que Phamôme ou les Nettoyeurs ne me trouvent. Je n’avais bien sûr aucune intention de participer à l’espèce de révolution G-Man que préparait ce Kashmel avec ses complices, mais j’avais été obligé de passer un marché avec eux, pour récupérer mon corps et mon pouvoir passé.

Après m’être vengé de Phamôme et avoir récupéré mon organisation et mon influence, je devrais aider la bande à Kashmel en leur fournissant des informations en tout genre, et même des moyens matériels ou financiers si besoin. Soit. Je ne craignais de toute façon plus d’être pourchassé par les autorités pour avoir participé à des trucs illégaux, vu que c’était déjà le cas. Bien sûr, je devrais faire une croix définitive sur Six, qui en peu de temps était devenue fan de ce G-Man déchu et bourru. Elle m’avait bien trompé, cette petite garce, en se faisant passer pour un garçon ! J’en étais presque admiratif.

À ce que j’ai pu saisir de leurs discussions, ils sembleraient que Six aient vu sa mère Mizulia, déguisée en G-Man pour une raison ou une autre, au bal des Irlesquo. Du coup, Lord Stuon était venu longuement m’interroger sur Mizulia, moi qui avais été son propriétaire pendant des années. Je n’avais pas mâché mes mots contre cette sale humaine qui m’avait volé, mais au final, je m’étais rendu compte que je ne savais pas grand-chose sur elle, moi non plus. Mizulia avait toujours été très mystérieuse, mais étrangement efficace lors des missions que je lui aie confiées, à tel point que j’ai préféré la garder comme exécutrice plutôt que comme reproductrice, malgré la rareté des femelles.

Stuon allait probablement enquêter sur Mizulia, Six allait continuer son infiltration dans l’Ordre G-Man, et Kashmel et son complice Furaïjin allaient poursuivre leur complot Paxen pour faire chuter l’Ordre. Grand bien leur fasse ! Moi, j’avais d’autres problèmes, et par chance, j’ai réussi à convaincre Diplôtom de me ramener dans la ville-basse, pour que je puisse y enquêter sur l’état de mon ancien « commerce », et voir ce que Phamôme en avait fait. Il était temps de contrattaquer et de reprendre ce qui m’appartenait. Mais quand on arriva devant mon ancien repère, je me rendis compte qu’il n’y avait plus grand-chose qui m’appartenait…

- Vous êtes sûr que c’est ici ? Demanda Diplôtom.

- Certain. Les Nettoyeurs n’auront pas fait les choses à moitié…

Tout avait été détruit et rasé. Plus seulement l’intérieur, comme quand je l’avais quitté, mais tout le bâtiment. Quelque sans-abri humains avaient élu domicile sur ce qui restait des fondations. En même temps, ça ne m’étonnait pas trop. Les Nettoyeurs traquaient principalement les bâtards G-Man, mais ils ne laissaient jamais passer pour autant une entreprise illégale.

- J’en suis désolé, fit Diplôtom.

- Bah, ce n’était qu’une base. Ça se reconstruit, ou j’en trouverai une autre. Ce qui m’importe, c’est de savoir où est allé mon traître de fils. M’avoir vendu lui a sûrement conféré une certaine indulgence de la part de l’Empire, qui l’aura sans doute aidé à ouvrir sa propre affaire ; légale cette fois. Cherchons un peu.

Diplôtom fit donc le tour des rues et se mit à poser des questions aux Pokemon du coin ; si un nouveau commerce quelconque avait ouvert récemment, si l’Empire avait fait des travaux, s’ils connaissaient un Pokemon du nom de Phamôme. Toutes les réponses convergèrent vers un seul lieu : le tout nouveau Centre de Renseignement de la ville-basse, ouvert il y a quelques jours et dirigé par un dénommé Phamôme, avec le soutient des autorités impériales.

- Officiellement, c’est un coin pour échanger des tuyaux et des nouvelles sur tout ce qui a trait à la ville-basse, nous dit un Mr Mime patibulaire. Mais en réalité, c’est une filiale des Nettoyeurs. Ce Phamôme recueille des infos pour eux et se fait payer. L’Empire a décidé de mettre son grain de sel dans la ville-basse !

Le Pokemon cracha pour montrer son mécontentement, et je le comprenais. Les habitants de la ville-basse s’étaient toujours sentis plus ou moins délaissés par l’Empire, qui les considérait comme des moins que rien. Donc, ils ont fait en sorte de pouvoir vivre par eux-mêmes, en se débrouillant comme ils pouvaient, souvent de façon illégale. L’Empire, par désintérêt, avait plus ou moins laissé faire… jusqu’à présent. J’étais peut-être le responsable d’ailleurs. Scalpuraï avait dû penser qu’il était temps de mieux contrôler ce qu’il se passait en bas si des Pokemon gredins comme moi pouvaient planquer un bâtard G-Man dans sa bande pendant des années.

Diplôtom m’amena jusqu’à ce fameux Centre de Renseignement ; discrètement bien sûr, car mon traître de fils pourrait sentir mon énergie spectrale si j’étais trop prêt, et aussi parce que Diplôtom lui-même devait être sur la liste noire des Nettoyeurs comme complice de la fuite de Six. Le bâtiment, neuf et flamboyant, contrasté pas mal avec la misère des rues de la ville-basse. La devanture présentait le dessin de Phamôme qui s’adressait à une foule de Pokemon, avec pas mal de flèches signifiant l’échange d’information. Le symbole discret de l’Empire Pokemonis attestait de l’officialité du bâtiment et le protégeait de toute dégradation, qui était chose courante ici.

Sans trop m’approcher, je pouvais discerner l’intérieur, propre et tout reluisant. Je reconnus plusieurs des Pokemon employés ; mes anciens comparses. Phamôme se les était visiblement payés. Un profond sentiment de haine à l’égard de mon fils m’habita. J’avais crée Phamôme moi-même il y a douze ans, en combinant un masque mortuaire antique, une âme vagabonde et une part de mon énergie spectrale. Je ne m’étais pas créé une « progéniture » par sentimentalisme, mais parce que j’avais un royaume à léguer. J’étais un Pokemon important, et il me fallait un héritier.

Je m’étais toujours douté que Phamôme était quelqu’un de très cupide, vu qu’il tenait en parti de moi, mais j’avais sous-estimé son ambition. Et elle me répugnait. S’il s’était contenté de m’évincer pour me voler mon organisation et mes richesses, j’aurai sans doute trouvé ça normal, mais qu’il ose s’allier à l’Empire pour pratiquer de la délation rémunérée, et ce en usant de mes anciens partenaires, ça m’écœurait. Un faux-cul, voilà ce qu’il était. Un faux-cul dont j’allais devoir m’occuper très bientôt.

- Voilà donc notre cible, fis-je. Nos alliés G-Man n’apprécieront pas trop que les Nettoyeurs aient une antenne dans la ville-basse. Ça va contrarier leurs déplacements et leurs propres projets. Je ne doute donc pas qu’ils m’aident à me débarrasser de cette horreur.

- Nous rentrons alors ? Demanda Diplôtom.

- Oui. Je ferai un rapport à Stuon et Kashmel, en espérant qu’ils se bougent rapidement le fion, que je remette en ordre ce qui m’appartient.

Bien évidement, une fois mon corps retrouvé, j’étais bon pour la clandestinité la plus totale, car dans le collimateur de ce taré de Scalpuraï. Je ne serai plus une figure importante et influente au sein de la ville-basse, mais tant pis. Il y avait divers moyens de faire de l’argent, et beaucoup de façon de se cacher dans la ville-basse. Je la connaissais mieux que personne. Les Nettoyeurs ne pourront jamais m’attraper si je décidais de me cacher.

Alors que Diplôtom commençait à léviter pour quitter la ville-basse par les airs - sa prérogative de Pokemon Spectre - des cris et des explosions retentirent de l’autre côté du cercle inférieur d’Axendria, le quartier nord de la ville-basse. Avec ma sensibilité de Pokemon Spectre, je pouvais sentir qu’il y avait des victimes. Et qu’elles ne cessaient pas. La curiosité me prit.

- Allons voir ce qui se passe.

- Je doute que ce soit une très bonne idée, monsieur Immotist, répondit Diplôtom.

- Tout ce bordel n’est pas du fait des Nettoyeurs ; ils sont en général beaucoup plus discrets. Et donc, si ce n’est pas eux, ils auront fort à faire contre les responsables sans se préoccuper de nous.

Diplôtom se rendit donc là-bas à contrecœur, et plus nous approchions, plus nous pouvions discerner les cris des Pokemon.

- Fuyez ! C’est un attentat !

- Les G-Man de Lance nous tuent ! Sauvez-nous !

Un peu en hauteur au dessus du quartier en question, nous assistâmes à un spectacle ahurissant. En plein jour, aux yeux de tous, cinq humains portant capes, masques et épées, avançaient dans la ruelle centrale en attaquant tous les Pokemon qu’ils croisaient. Diverses attaques sortaient des bouts de leurs épées ou de leurs mains, quand ce n’était pas des sphères bleues. Sans distinction, ils frappaient tous les Pokemon qu’ils voyaient, et quand ils n’avaient pas de cibles à portée, ils détruisaient les habitations. C’était la première fois que je voyais ces gus à cape rouge avec un masque blanc. C’était donc eux, le fameux groupe terroriste G-Man Lance ? Ils avaient un certain culot de s’attaquer à des Pokemon dans la capitale de l’Empire en plein jour, même si ce n’était que la ville-basse.

Les G-Man masqués, tout en poursuivant leur tuerie aveugle, beuglaient parfois des trucs comme « La tyrannie de l’Empire est terminée ! », « Mort aux Pokemon qui nous oppriment », ou encore « Le pouvoir aux G-Man ! ». Certains Pokemon tentèrent de résister ou de les arrêter, mais ils furent vite défaits. Il était connu de tous que les G-Man, grâce à leur sensibilité dans l’Aura, étaient immensément supérieurs aux Pokemon. Je les vis s’en prendre à une famille de Lampignon, des Pokemon Plante et Fée patauds en forme de champignon. L’un des deux Lampignon suppliait les G-Man d’épargner leur fils Spododo, mais le gamin fut le premier à mourir sous les yeux de ses parents, qui ne tardèrent par à le rejoindre.

- C’est horrible… commenta Diplôtom. Pourquoi faire cela ?

- Pour se faire voir, j’imagine. Pour instiller la peur dans la population. Pour défier l’Empire. Bref, pour des raisons de terroristes. Tirons-nous avant qu’ils nous remarquent ou que les flics arrivent.

Diplôtom ne se fit pas prier, bien qu’à son visage, il aurait aimé intervenir pour secourir les Pokemon attaqués, même si ça n’aurait conduit à rien.

- Et c’est avec ces gens que Lord Kashmel souhaite s’allier ? Des fous qui s’en prennent à des innocents ? Demanda Diplôtom, furieux.

- Pour eux, aucun Pokemon n’est innocent, j’imagine. Tout est noir ou tout est blanc. C’est souvent le cas avec les extrémistes.

Personnellement, n’étant plus dans le circuit des Pokemon importants de la ville-basse, les actions meurtrières du groupe Lance m’indifféraient. Si j’avais été encore là-bas en revanche, c’aurait été différent. Ces gars masqués n’étaient certainement pas bon pour le commerce clandestin et le trafic d’esclaves. Maintenant, ils pouvaient se déchirer autant qu’ils voulaient contre l’Empire ; ça n’en serait que mieux, car ça occuperait les Nettoyeurs et surtout ça causerait des problèmes à Phamôme. Ceci dit, au fond de moi - et bien que jamais je ne l’avouerai à voix haute - je partageais l’indignation de Diplôtom quant au fait que ces fous pouvaient s’en prendre à des Pokemon innocents dont des enfants. Je n’avais jamais eu une morale bien grande, mais il y avait des choses que même un gredin comme moi n’acceptait pas. J’espérai que Kashmel savait ce qu’il faisait avec ces terroristes.


***


Rohban




C’était samedi aujourd’hui ; le jour où je faisais la lecture à ma mère, qui ne quittait plus beaucoup sa chambre à cause de sa maladie. Cela faisait près d’un an que Lady Sareim ne se montrait plus au public, et pour cause : elle était atteinte d’un mal incurable, que même les plus puissants G-Man guérisseurs n’avaient pu soigner ni même définir. Cette maladie n’était vraisemblablement pas mortelle, mais elle rendait mère totalement indolente et absente. Tous ses gestes étaient lents, elle ne parlait plus ou presque, et on se demandait parfois si elle comprenait ce qu’on lui disait.

Du plus loin que je pouvais me souvenir, mère avait toujours été une femme triste. Soumise à père, elle effectuait ses tâches de dame G-Man et d’épouse du Grand Maître avec monotonie et lassitude. Si toutefois elle ne semblait rien éprouver pour son mari, elle aimait énormément ses enfants. À vrai dire, elle était la seule dans la famille qui m’aimait, quand mon père m’ignorait et quand ma sœur n’avait que mépris pour moi. Sa dépression s’était accélérée justement à l’époque où mes pouvoirs de G-Man tardaient à se manifester et où j’allais peut-être me faire exécuter. Quand mes pouvoirs étaient enfin apparus, mère avait été tellement contente et soulagée.

Elle était la seule personne qui comptait vraiment à mes yeux dans ce fichu manoir, et donc, et bien que père n’aimait guère cela, chaque samedi soir, je venais dans la chambre où elle était constamment alitée pour lui parler et lui lire des livres. J’étais le seul à faire cela. Ni père ni Meika ne semblaient se soucier de mère, la considérant comme un poids inutile et une source d’embarras. Durant ces petites séances, mère parlait rarement, mais me tenait toujours la main avec un sourire sur le visage, et ça me suffisait. J’allai donc toquer à sa porte, un vieux bouquin entre les mains.

- Mère ? C’est moi.

Je ne demandai pas la permission de rentrer, je le fis sans détour ; elle ne m’aurait sans doute rien répondu. Mère était assise dans son lit, les jambes sous les couvertures. Elle regarda par la fenêtre d’un air absent, comme à son habitude, mais ses yeux semblèrent s’éclairer quand ils me virent, et mère me fit un sourire. Quand les G-Man voulaient nous complimenter, moi ou ma sœur, ils disaient qu’on ressemblait à notre mère. C’était un compliment facile mais efficace, car Sareim Therno avait vraiment été une beauté, la plus belle femme de l’Ordre.

Mais c’était avant. Une vie passée avec un mari non désiré, des enfants qu’elle ne put voir autant qu’elle le voulait et des tâches protocolaires de toute sorte l’avait prématurément vieilli. Ses cheveux jadis d’un blond éclatant avaient tous blanchi, ses yeux saphirs avaient perdu de leur éclat, et de nombreuses rides étaient apparus par endroits. Père avait dû trouver son plaisir de partager sa couche autrefois, quand elle était encore fraiche et belle, mais il était chose connue que peu de temps après ma naissance, il avait délaissé mère pour des esclaves humaines. Chaque mois, il en achetait une au prix fort, il couchait avec elle, puis selon la loi, il la tuait. Ça lui revenait cher, mais l’argent n’était pas un problème pour père. Moi, je trouvais ça écœurant, immoral, et surtout insultant pour mère.

Mais, bien qu’elle le sache très bien, elle ne s’en était jamais plainte. Elle devait même considérer comme un soulagement de ne pas avoir à supporter la compagnie de père au lit. Je pouvais comprendre ça. Comme j’étais né d’une de leur union, je n’allais pas me plaindre, mais je savais que mère n’avait jamais rien ressenti pour père. Ce n’était pas le G-Man qu’elle avait voulu épouser. Celui qui aurait dû être son promit, c’était son frère ainé, Kashmel Irlesquo, dont elle avait été réellement amoureuse. Mais père avait manœuvré pour écarter son frère, en dénonçant le crime de leurs propres parents et en mettant en lumière leur propre bâtardise. Total, mes grands-parents furent exécutés, Kashmel fut déchu et dut s’enfuir pour sauver sa vie, et mon père, qui a bénéficié de la clémence du Seigneur Xanthos, put prendre la tête de la famille, et acquérir la femme qu’il désirait.

- Vous allez bien, mère ?

N’attendant pas de réponse, je commençai mon monologue. Si mère ne répondit pas, je savais qu’elle écoutait, et qu’elle était heureuse de le faire.

- Vous savez quoi ? J’ai dansé au bal d’hier soir. Oui, moi. Enfin, c’était juste avec Tilveta, parce que ses parents l’avaient obligé. Du coup, j’ai dansé trois fois avec elle, histoire de lui épargner la compagnie de trois jeunes abrutis en chaleur. J’ai dû bien lui écraser les pieds une dizaine de fois, mais bon… Ah, et j’ai parlé avec une petite nouvelle, Lady Sixtine Jastermine, une cousine éloignée de Lord Stuon. Drôle de fille. Elle a un petit côté sauvage avec ses cheveux blancs et ses yeux rouges, et même si elle essayait de jouer à la parfaite petite dame bien élevée, j’ai tout de suite vu que ce n’était pas son truc. Si elle n’est pas trop bête et qu’on s’entend plus ou moins, j’essaierai de l’inviter dans mon cercle d’amis intellectuels. Elle a toujours vécu dans la campagne, et il nous manque justement la vision de quelqu’un d’extérieur à la capitale concernant l’Empire, l’esclavage des humains, et plein d’autres sujets !

Je pouvais discuter de mes opinions politiques avec ma mère sans crainte ; non pas parce que je ne craignais pas qu’elle ne puisse les répéter, mais parce qu’elle les partageait totalement. C’était elle qui m’avait appris à réfléchir sur tout, à tout remettre en cause, même l’idéal impérial, et de ne pas tout gober sans penser comme la grande majorité des G-Man. Bien sûr, elle avait fait ça avec moi dans le dos de mon père, qui aurait été fort mécontent d’apprendre que sa femme « souillait » l’esprit de son fils avec des idées dangereuses. Elle n’avait pas essayé avec Meika avant moi, ceci dit. Elle a dû se rendre compte que ma sœur partageait pleinement l’idéal des G-Man touts puissants et des humains méprisables de père.

- Tenez, j’ai déniché ce livre au Grand Atlas, poursuivis-je. C’est le fameux Récit de Vérité de l’historien Venorlume, de l'an 124 du Calendrier Impérial. Il a été dur à trouver. Et heureusement d’ailleurs, car si les autorités impériales étaient tombées dessus, il aurait été détruit. C’est peut-être le seul exemplaire restant !

L’historien Venorlume avait été un Pokemon de science et de savoir, qui avait vécu des siècles auprès des humains, dans un ancien pays nommé « Conglomérat », où il était chargé de former les futurs rois. Après la Guerre de Renaissance, qu’il a vu de ses yeux, il a écrit plusieurs ouvrages dans lesquels il contestait la nouvelle vision de l’Empire pour rétablir un semblant de vérité sur nombre de sujets. Venorlume avait vite été déclaré ennemi de l’Empire et exécuté, et quasiment tous ses livres avaient été détruits. Celui que je tenais était apparemment son dernier, qu’il avait écrit juste avant sa mort.

- Il y a tout un chapitre sur les G-Man et sur Sacha Ketchum, dis-je à ma mère d’un air ravi. On y apprend pas mal de choses que l’Empire a effacé sur nos ancêtres. Il semble confirmer qu’Abeos Irlesquo, le fondateur de notre maison, fut effectivement l’arrière-petit-fils de Ketchum. Venorlume parle aussi d’une légende qui a été largement reprise ensuite, celle du fameux Pikachu de Ketchum quand il était encore dresseur. L’histoire officielle veut qu’il soit mort durant la Guerre de Renaissance, mais la légende voudrait qu’il fut placé par Sacha dans une espèce de sommeil éternel, d’où seul pourrait le tirer un de ses descendants. Et selon les écrits d’Ivilys Irlesquo, la fille d’Abeos, il aurait été placé dans l’une des caves de notre manoir familial, dans une salle secrète ! Ce serait génial qu’on tombe dessus en fouillant dans les souterrains non ? Imaginez, un Pokemon qui a vécu la Guerre de Renaissance et qui a côtoyé Sacha Ketchum pendant des années ! Sans doute sait-il pourquoi son maître a trahi les humains en se ralliant à Xanthos, et que…

Je m’interrompis quand mère leva lentement son bras pour me poser la main dessus.

- Tu es un gentil garçon, Rohban…

C’était rare que mère parle, surtout ces derniers temps. Quand elle le faisait, la moitié du temps, c’était des paroles sans queue ni tête. Ces quelque mots me mirent énormément de baume au cœur, et je cherchais encore quoi répondre quand la porte de la chambre s’ouvrit violement. Je craignis que ce ne soit père, qui détestait que je vienne ici parler à mère, mais c’était Meika qui me toisait de ses yeux gris et froid. Ce n’était pas mieux que père. Si Meika ne trouvait rien à dire que je vienne chaque semaine faire la lecture à notre mère, son attitude ô combien dédaigneuse et insultante envers celle qui nous avait donné la vie m’irritait au plus haut point.

- Père a levé une assemblée, dit-elle d’un bout en blanc. Nous devons y assister, tous les deux.

Je haussai les sourcils. Que Meika assiste aux assemblés G-Man de père, ça paraissait normal, elle qui était la future Grande Maîtresse. Mais moi ? Qu’est-ce que j’irai bien faire là dedans, alors que père m’avait toujours accordé la même importance qu’aux domestiques ?

- Euh… en quel honneur ? Demandai-je.

- Il y a eu un autre attentat du groupe Lance, cette fois en plein jour, dans la ville-basse. Plusieurs Pokemon ont été tués ; des cibles choisies au hasard. Tu dois être présent pour montrer à l’Ordre entier que tu partages le souci de père concernant ces terroristes.

Je soupirai d’avance. Bien sûr, on ne m’avait invité que pour l’image. Ceci dit, ce ne serait pas entièrement faux. Si j’étais bien sûr contre les idéaux racistes et dépassés de l’Empire, je condamnais pleinement le fait d’aller assassiner des Pokemon comme Lance le faisait. La dernière fois, ils avaient assassiné de hauts fonctionnaires de l’Empire, choisis spécifiquement. Mais si là il s’agissait d’attaques au hasard parmi une foule de Pokemon lambdas, comme le disait Meika, c’était un nouveau stade de franchi dans la politique de terreur de l’organisation. Ces idiots pensaient-ils réellement faire entendre leurs idéaux d’égalité par le meurtre ?!

- Je vais me préparer alors, dis-je en me levant. Mère, pardonnez-moi, mais je dois y aller. Je reviendrai demain.

Je lui déposai une bise sur sa joue et passa par la porte que Meika gardait ouverte. Elle regardait mère avec un mépris non dissimulé. Même pas un mot ou un geste pour elle. Meika la détestait pour une raison connue d’elle seule. Mais même alors, face à cette froideur excessive, mère ne détacha pas son sourire de ses lèvres quand elle regarda sa fille aînée.