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Sans ét(h)iquette de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 17/09/2017 à 13:03
» Dernière mise à jour le 17/09/2017 à 13:03

» Mots-clés :   Action   Présence d'armes   Présence de transformations ou de change   Science fiction   Suspense

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4- De l'autre côté de la barrière
« Quand un type vous escorte jusqu'à une jolie fille, d'ordinaire, vous allez pas râler, pas vrai ? Ce serait quand même dommage de s'en plaindre. Seulement, faut toujours faire attention aux circonstances. Quand ce type-là a l'air de vous prendre pour le con que vous êtes sûrement, y a pas à sourire. C'est dangereux, les gens qui savent vous prendre pour ce que vous êtes. »

Willem Ryan, détective privé.


* * *


La porte a claqué et puis maintenant... Maintenant quoi ?

Debout les bras ballants dans un vestibule qui n'est pas le sien, l'air aussi hagard qu'un gosse perdu dans une fête foraine, il n'en mène pas large, monsieur le détective. Sa valise commence à lui peser sérieusement, alors il la pose par terre, sans trop savoir qu'en faire d'autre.

A côté de lui, scorvol, pour une fois, paraît presque trop sage. D'habitude il gesticule dans tous les sens et n'obéit pas, et le voilà qui fait le gentil. Ses grands yeux jaunes bougent dans tous les sens pour essayer de capturer ce qu'il voit dans son intégralité.

Willem regarde un instant la silhouette fine de la femme qui va s'installer au salon en lui lançant un « suivez-moi » froid comme de la glace pilée. Puis il se met à maudire silencieusement Clemens et tous ses ancêtres, et puis tous ses descendants sur treize générations, parce que bon sang, ce type-là a quand même un culot monstre !

Faire irruption dans son bureau, le convaincre de se traîner jusque-là dans un rafiot sans passagers à part eux, puis déambuler au milieu d'un chemin sauvage, et maintenant sympathiser avec une foutue inconnue dans son appartement de riche...

Y a quand même quelque chose qui cloche, et le plus beau c'est qu'il ne peut rien y faire. Il verra le docteur demain, apparemment. Demain. C'est loin, demain, c'est dans quelques heures, au moins une dizaine. Surtout si ce n'est pas le matin.

Bon sang ! Des tas de questions à lui poser, et tout ce qu'il trouve à faire, ce maudit beau borgne, c'est de filer à l'anglaise. Décidément, les choses sont bien ironiques. Beaucoup trop à son goût. Le privé serre les poings.

Finalement, puisque faire attendre une dame n'est pas digne d'un gentleman — non pas qu'il se qualifie digne du titre, mais c'est bien de le laisser penser de temps à autre —, il laisse sa valise en plan, ainsi que son pokémon, et quitte le vestibule sombre pour déboucher dans un salon spacieux et décoré de façon...

Il n'aurait pas les mots pour décrire à quel point le papier peint lui déplaît, mais le reste est plutôt sobre et moderne. Une grande table basse au milieu de la pièce, un canapé et deux fauteuils de part et d'autre prennent l'essentiel de la place. Sur un meuble, un petit téléviseur prend la poussière.

Contre le mur du fond, il n'y a que des étagères de livres contenant aussi quelques vinyles, et un tourne-disque posé près de la fenêtre. Une radio et un service à thé se disputent le buffet près de la porte menant, sûrement, à la cuisine. Dans un panier rembourré de coussins, un persian somnole.

Somme toute, c'est un salon charmant, mais ce qualificatif, juge le détective, sied quand même plus à la propriétaire convenablement assise sur le canapé, les jambes croisées dans des collants noirs.

Avec ses cheveux rouquins tombant jusqu'aux épaules et son regard d'un vert émeraude saisissant, elle est d'une beauté classique mais non moins envoûtante. Un sourire pincé couvert de rouge et une attitude distante lui donnent des airs, en quelque sorte, dangereux, qui ne sont pas sans attrait.

Dans sa main gauche, une cigarette à peine entamée, qui crache des volutes de fumée odorants. Elle en tire une nouvelle bouffée, puis l'invite à s'asseoir sur l'un des fauteuils en cuir brun, couverts d'une sorte de drap à fleurs de mauvais goût. Sûrement un cadeau de sa mère, songe l'Unysien en se rappelant l'appartement d'un collègue, à l'époque où il travaillait encore en agence.

« Cette situation est... Particulière, je comprends que vous ayez l'air perdu. Un café ? »

Il hausse un sourcil, surpris, mais ne se laisse pas démonter. Contrairement à ses apparences de « femme fatale » intouchable, elle parle d'une voix douce et sur un ton aimable. Il fait « non » de la tête, hésitant à prononcer quoi que ce soit, parce que sa gorge commence à s'enrouer à cause du changement drastique de température entre l'extérieur et l'immeuble.

C'est ce moment-là que choisit scorvol pour débarquer, probablement ennuyé par l'attente dans le vestibule. Et puis, après tout, cette bestiole est toujours mue par une curiosité maladive. Et une envie de désobéir qui l'est encore plus.

« Bon sang, scorvol ! grommelle le privé en se levant d'un bond.
— Laissez, monsieur Ryan, ça ne fait rien. Il a pas l'air bien dangereux. »

Contrarié, il se rassoit néanmoins, et triture du bout des doigts les accoudoirs du fauteuil, comme si ça pouvait l'aider à se sentir mieux. Le pokémon violacé se dirige vers le panier du félin, qui le regarde d'un œil encore ensommeillé. Heureusement, il n'a pas l'air disposé à se battre ou quoi que ce soit du genre.

Mal à l'aise, l'homme brun retire son manteau et le pose sur ses genoux, faute de mieux. Puis attend qu'elle se remette à parler, qu'elle dise quelque chose qui le mette sur la voie ; actuellement, il est juste perdu, tout seul dans un autre monde, et elle est le seul guide alentour.

Elle écrase son mégot à moitié consumé dans le cendrier de la table basse, et émet un soupir enfumé, avant de lui adresser un demi-sourire teinté d'ironie. On dirait un peu le même sourire que Clemens, mais en plus séduisant, en tout cas de son point de vue.

« Je m'appelle Dana Bell, et je suis une... amie du docteur Clemens.
— Alors il est vraiment docteur ? » fait mine de s'étonner Ryan.

La rouquine laisse échapper un petit rire, et à ce moment-là il a l'impression que c'est le son le plus doux qu'il a entendu de toute sa vie. Cependant, hors de question de se laisser charmer ; même si c'est déjà à moitié fait.

« Vous en doutiez ? C'est vrai que Ralph a plus l'air d'avoir besoin de soins que d'en donner, mais il a plusieurs diplômes. Enfin, il travaille plutôt dans la recherche. Ma foi, il est très secret, pas étonnant qu'il ait rien dit. »

L'Unysien hausse les épaules, seulement à moitié intéressé par ce genre de détails qu'il aurait fini par apprendre tout seul, et daigne s'enfoncer un peu plus dans son fauteuil confortable. Il sent le regard émeraude de la femme sur lui, et ça le met un peu dans de mauvaises dispositions ; elle a l'air aussi cachottière que son « ami ».

« Bon, euh, et j'imagine que vous êtes aussi secrète que lui ? qu'il demande, pas certain d'avoir l'ascendant dans cette conversation. Parce que voyez, j'aimerais bien qu'on réponde un peu à mes questions...
— Oui, oui, j'entends bien... »

Phrase typique qu'on vous sort quand on n'écoute pas, songe-t-il. Cependant elle a vraiment l'air de l'écouter, elle. En tout cas, elle le regarde bien, et ne semble pas penser à autre chose qu'au moment présent.

Elle décroise les jambes dans un geste bref et gracieux, puis croise les bras sur sa poitrine, comme si elle attendait de lui quelque chose ; seulement elle n'attend rien, ou peut-être juste les mots à mettre sur sa pensée.

« Allez-y, posez-moi quelques questions, ça me fera du bien de parler un peu à quelqu'un. Ce que vous voulez, mais j'ai pas réponse à tout. »

Le détective prend note, et réfléchit un peu à tout ce qui l'a tracassé jusqu'ici. Beaucoup trop de choses, à vrai dire, et ce sera difficile de trouver matière à entretenir une conversation avec ça... Surtout si c'est à lui de poser les questions. Le problème est là, elles sont trop nombreuses.

Autant parler de la ville, parce que de toute façon, il devra y travailler pour une durée indéterminée. Ça aussi, ça lui fait peur, d'avoir un contrat de ce genre, sans date limite... Sans contrat tangible à signer, d'ailleurs.

« J'avoue qu'un truc me travaille en particulier... Clemens a dit que la ville s'appelle Etheria, si j'ai bien compris. C'est quand même un drôle de nom, ça vient d'où ? »

Étonnamment, la rouquine a presque l'air surprise par sa question, qui, pourtant, est l'une des premières qu'on se poserait en arrivant dans une cité appelée d'une telle façon — ou peut-être pas, vu sa réaction...

Le privé ne sait pas comment l'interpréter, et puis de toute manière, il n'est pas là pour ça ; c'est bien à elle de répondre aux questions, non ?

« Vous me prenez au dépourvu, je dois dire ! Je m'attendais à des questions sur Clemens ou sur votre contrat... Mais soit. Si la ville s'appelle comme ça, c'est à cause de la source mystérieuse qui coule en son centre. Enfin, le périmètre est étroitement surveillé évidemment... Le fondateur de la ville a trouvé ça et l'a appelé « éther », voilà tout. Pas une info sensationnelle, mais ça peut toujours servir.
— Intrigant, quand même... C'est quoi, cette fameuse « source » ? Pas de l'eau, visiblement... Si quelqu'un a trouvé une source naturelle d'alcool, je demande à voir ! » lance-t-il avec un rictus amusé.

Dana Bell le considère un moment avec étonnement, comme si elle ne croyait pas un tel individu capable d'être alcoolique ; il est vrai qu'elle n'y a sans doute pas pensé, puisque ce n'est pas le détail le plus frappant chez la plupart des gens qu'elle croise.

Elle retrouve son sourire pincé, et saisit le verre d'eau posé sur la table basse pour le vider d'un trait. A croire qu'elle n'a pas bu depuis le début de la journée, pense avec amusement le détective.

Derrière eux, les deux pokémons semblent se prêter à une sorte de jeu dans leur drôle de langage ; peut-être s'amusent-ils à parler de leurs dresseurs. Scorvol paraît presque rire, et ses yeux malins scrutent le fauteuil où est installé son « maître ».

« Non, c'est pas de l'alcool, c'est... Je n'en sais trop rien, en fait, seuls les grands pontes et les chercheurs le savent vraiment. J'en connais quelques uns là-bas, dont Ralph, mais il ne parle pas beaucoup de son travail. Toujours secret, je vous dis... Enfin. C'est tout ce que vous voulez savoir ?
— Bien sûr que non, ça tombe sous le sens, grommelle l'Unysien en rajustant sa cravate. Seulement je commence à fatiguer, alors... Si vous voulez bien on s'en occupera demain, hein ? J'ai l'impression que mes yeux vont exploser... »

Elle acquiesce sans un mot, puis se lève, dans l'intention de lui préparer le canapé pour dormir un tant soit peu comme il faut. Pendant qu'elle va chercher le linge de maison quelque part dans ses placards, il l'imite et va se poster à la fenêtre, faisant attention de ne pas écraser l'une ou l'autre des pattes des deux pokémons.

Au moins scorvol ne s'entend pas trop mal avec le félin, c'est déjà mieux que rien. En y pensant, ce gros chat ressemble beaucoup à sa dresseuse dans sa façon d'être, nonchalant et confiant comme si le monde lui appartenait. Pas le genre de personne que Ryan affectionne, d'ordinaire.

Doucement, du bout des doigts, il écarte les rideaux et observe ce nouveau monde depuis le deuxième étage qui, compte tenu du plafond assez haut de chaque palier, surplombe plutôt bien les environs. Une myriade de lumières, de néons en tout genre parsèment l'immense cité.

Cependant, plus loin, il n'y a que quelques rares lumières allumées, et on dirait que la ville est morte de ce côté-là, direction le nord. Il fronce les sourcils, ne comprenant pas bien cette différence. En se penchant un peu plus par la fenêtre et à l'aide des enseignes lumineuses du dehors, il parvient à discerner une sorte de grand édifice, probablement un mur d'enceinte, mais qui sépare deux parties de la ville.

En entendant Dana revenir, il referme et se tourne vers elle, dans l'intention évidente de la questionner. Elle l'a bien remarqué, mais elle s’attelle quand même à la préparation du canapé pour en faire une couchette confortable.

« Dites, y a des murs pour séparer les quartiers, chez vous ? C'est bizarre, dehors... On dirait que c'est coupé en secteurs, ou je sais pas quoi, on n'y voit rien. »

La femme laisse tomber l'oreiller sur le canapé puis, l'air las, le rejoint près de la fenêtre. Elle a l'air un peu plus pâle qu'avant, mais la lumière tamisée fausse un peu l'impression.

« Là-bas, ce qu'il y a derrière ce mur... C'est la zone nord, il faut pas y aller. Si le mur est là, c'est pour empêcher que le danger qui vient de l'autre côté passe chez nous, vous voyez. Quoi qu'il en soit, moins vous en savez là-dessus, mieux c'est. »

Il va pour répliquer, mais la voilà déjà qui repart dans sa chambre, qu'elle ferme à double tour derrière elle. L'Unysien reste un moment là, interloqué, puis se décide à aller dormir un peu. Il aura tout le temps de poser des questions demain...