La couleur de la lumière de MissDibule

Le groupe avait finalement passé le rocailleux Mont Couronné, et approchait de la ville de Célestia. Candice semblait étrangement nerveuse. Chrom le remarqua et lui demanda :
- Quelque chose ne va pas, Candice ?
La jeune fille eut un rire nerveux :
- Euh… Non, non, tout va bien !
- Tu ne sais pas mentir, Candice, fit remarquer à son tour Shaïna.
Son amie émit un soupir :
- Bon j’avoue… Je suis un peu nerveuse à l’idée de revoir ma grand-mère, la Doyenne de la ville… Elle est Professeur Pokémon.
- Ta grand-mère est la Doyenne de la ville ? s’écria Chrom.
- Ta grand-mère est Professeur Pokémon ? s’écria Shaïna.

Candice éclata de rire et répondit affirmativement aux deux questions. Mais elle se reprit bien vite, toujours angoissée :
- Elle a toujours été gentille avec Cynthia, et sévère avec moi… Grand-mère Carolina pense, comme le reste de ma famille, que je suis ma sœur en moins bien…
Elle avait vraiment l’air abattu. « La pauvre. Ça ne doit pas être facile pour elle… », pensa Shaïna.
- C’est la Doyenne de la ville, je ne vais pas pouvoir juste passer dans Célestia sans aller la voir…
Shaïna la prit dans ses bras et tenta de la rassurer :
- Ne t’inquiète pas, on sera avec toi ! On va lui rendre une simple visite de courtoisie, puis tu iras faire ton Concours, et je suis sûre qu’elle sera fière de toi !
- Tu crois ? fit Candice, les yeux brillant d’espoir.
- Bien sûr ! intervint Chrom.
A ces mots, Candice sourit enfin, au grand soulagement de ses deux amis.

Il était temps, car ils atteignaient enfin Célestia, ce village antique ancré dans la mythologie de Sinnoh. Afin de rapidement apaiser Candice, ils décidèrent de commencer par la visite du laboratoire du Pr. Carolina. Bien plus modeste et authentique que celui du Pr. Sorbier, il n’en était pas moins impressionnant : tout en bois, il était la parfaite combinaison entre un édifice naturel de l’extérieur, recelant une immense technologie à l’intérieur. Dès qu’ils eurent passé la porte, certains scientifiques se retournèrent vers eux, et, reconnaissant la petite-fille de leur patronne, y allèrent tous de leur commentaire : « Bonjour, mademoiselle Candice ! », « Ravie de vous revoir ici, mademoiselle Candice ! », « Comme vous avez grandi, mademoiselle Candice ! », etc…

La concernée, un peu gênée, saluait poliment, ses interlocuteurs d’un geste de la main, jusqu’à ce que les trois amis atteignent finalement le fond de la pièce ultramoderne où se tenait une femme d’un certain âge, vêtue d’une blouse blanche. Ses cheveux châtains coupés au carré, agrémentés d’une frange droite, renforçaient l’aura stricte déjà inspirée par ses petits yeux gris. Elle fixait les nouveaux venus d’un air sévère, mais lorsqu’elle reconnut sa petite-fille, un léger rictus qui pourrait s’apparenter à un sourire se dessina au coin de ses lèvres :
- Bien le bonjour, ma petite Candice ! Que me vaut l’honneur de cette visite impromptue ? Oh, et je vois que tu n’es pas seule ! Ce sont tes amis ?

Candice se tortilla soudain sur elle-même, puis finit par répondre :
- Bonjour grand-mère… Je suis contente de te voir. Je te présente mes deux nouveaux amis, Shaïna et Chrom.
Les deux intéressés s’empressèrent alors de saluer respectueusement la Doyenne. Une fois les présentations faites, cette dernière revint au sujet qui l’intéressait :
- Alors, Candice ? Quelle raison te pousse à revenir voir ta vieille grand-mère ? demanda à nouveau la spécialiste des Pokémon légendaires.
Sa petite-fille fixait intensément ses pieds, sans répondre, jusqu’à ce que Shaïna lui donne un coup de coude pour l’obliger à prendre confiance en elle et à répondre à sa grand-mère.
- Grand-mère, je… Je suis là pour participer au Concours de Célestia. J’ai pris ma décision, je vais être coordinatrice. Regarde, j’ai déjà gagné un ruban à Floraville ! expliqua-t-elle en désignant sa boîte à rubans serti de son seul et unique trophée -pour le moment.

A ces mots, ainsi qu’à la vue du petit écrin, le professeur Carolina abandonna presque immédiatement son air sévère et sourit cette fois-ci à pleines dents. Elle prit ensuite brusquement Candice dans ses bras :
- Ma chérie ! Je savais qu’un jour tu comprendrais !
La concernée, au contraire, semblait ne rien comprendre du tout. Son visage affichait la stupéfaction la plus totale : et pour cause, sa grand-mère ne l’avait jamais enlacée de la sorte.
- Euh… Grand-mère… Comprendre quoi ?
- Mais ma chérie, ce que tu vaux vraiment, enfin, quoi d’autre ? répondit Carolina d’un air étonné. Sais-tu pourquoi j’ai toujours été stricte avec toi ?

Candice secoua la tête en guise de négation.
- Pour t’aider à affirmer ton caractère et pour que tu te rendes compte que, même si ta sœur et toi êtes différentes, ça ne signifie pas que tu es moins bien qu’elle. Certes, je ne m’y suis pas forcément très bien prise, mais le résultat est là : tu as enfin trouvé ta voie, quel soulagement !
Sa petite-fille était abasourdie : alors sa grand-mère l’estimait autant que sa sœur ? Elle avait toujours cru en elle ? Quel choc ! La joie envahit le visage de la jeune fille qui serra de plus belle sa grand-mère dans ses bras.

Puis, suite à ces touchantes retrouvailles, Carolina promit à sa petite-fille qu’elle viendrait la voir au Concours le lendemain -le Concours quotidien ayant déjà commencé- puis le petit groupe s’en alla. Shaïna était heureuse pour son amie, elle avait retrouvé son habituel sourire, et ses angoisses s’étaient envolées. Le trio, qui sortait du laboratoire, se demandait bien quoi faire maintenant. Après tout, ce n’était que le milieu de l’après-midi, et l’idée d’aller se terrer au Centre Pokémon ne leur plaisait que moyennement. Ils errèrent un instant jusqu’à s’arrêter devant un immense panneau en bois qui était en réalité une carte de la ville. La consulter sembla donner à Candice une idée de génie :
- Hé ! Puisqu’on a du temps à tuer, si je vous faisais visiter la grotte ? Y’a une gravure mythologique dedans !

Elle semblait être la seule à être vraiment enthousiasmée par le projet, mais n’ayant rien de mieux à proposer, ses deux amis la suivirent docilement. Ils descendirent les escaliers qui menaient au site antique, et, au moment où ils s’apprêtaient à entrer dans la grotte, des sbires de la Team Eclat en sortirent, détalant comme des Laporeille, les bras chargés d’un métal aux reflets iridescents. Le sang des trois amis ne fit qu’un tour : il fallait les arrêter ! Mais ils furent devancés par un jeune homme accompagné d’un étrange Pokémon qui sortit à son tour de la grotte en hurlant : « je ne vous laisserai pas faire !! ». Les trois amis eurent à peine le temps de l’entendre que déjà le dresseur et son Pokémon poursuivaient les malfrats.

Le trio en fit autant et se lança sur les talons du mystérieux jeune homme. La destination finale de la course était la place centrale de Célestia où trônait le panneau qu’ils avaient consulté à peine quelques minutes plus tôt. Là, l’adolescent persécutait sans relâche ses opposants grâce aux attaques de son Pokémon. Malheureusement, les sbires Eclat, qui semblaient rudement bien organisés pour une fois, firent tous appel à un Pokémon Vol et s’enfuirent par les airs, laissant le jeune homme totalement désemparé. Le groupe d’amis arriva juste à temps pour voir les sbires s’envoler avec leur butin, ce qui fit revivre à Shaïna l’affront qu’elle avait subi un peu plus tôt.

L’inconnu se tenait debout au centre la place, les poings serrés. Il avait rappelé son Pokémon dans sa Ball. Shaïna put alors l’observer plus en détail : c’était un adolescent d’environ son âge, plutôt beau garçon. Il était grand et élancé. Sa silhouette était impeccablement mise en valeur par un jean noir et une chemise blanche à manches courtes. Ses mains étaient recouvertes de mitaines noires. Ses cheveux d’un délicat blanc argenté tombaient en une fine frange devant ses yeux… rouges. Shaïna était étonnée : elle n’avait croisé que de rares personnes, qui, comme elle, possédaient des yeux de cette couleur. Cependant, en y regardant de plus près, elle constata une nette différence entre la couleur d’yeux de l’adolescent et la couleur de ses propres yeux. Tandis que les yeux de Shaïna étaient d’un éclatant rouge écarlate, ceux du bel inconnu étaient bien plus sombres, d’un rouge presque grenat.

« Ses yeux sont super beaux, je suis presque jalouse… » pensa Shaïna. Elle se dirigea alors vers lui pour le féliciter :
- Tu as été très courageux de t’opposer à eux. Ces criminels n’en sont pas à leur premier méfait, lui lança-t-elle.
Celui-ci se retourna, surpris. Il dévisagea Shaïna pendant de longues secondes, puis commença à ouvrir la bouche pour lui répondre, mais Candice ne lui en laissa pas l’occasion :
- Ouais, franchement, t’assures ! Dommage qu’ils aient réussi à s’enfuir…
- C’est vrai, c’était courageux de te frotter à la Team Eclat tout seul, renchérit Chrom.
Le jeune homme passa la main dans sa chevelure argentée, gêné par tant de félicitations.
- Courageux... Ou stupide. Toujours est-il que malgré tout mon courage, je n’ai rien pu faire pour les empêcher de voler ce métal bizarre… Tout ce que j’ai fait n’a servi à rien… répondit-il avec tristesse.

Candice sursauta tout à coup :
- Un métal bizarre… Tu veux dire la perléane ? Je n’avais même pas réalisé que c’était ça qu’ils avaient emporté ! C’est pas possible ! Je croyais pourtant qu’elle était en sûreté !
- Apparemment, pas assez… J’étais en train de visiter la grotte quand je les ai surpris en train de voler ces pierres, alors j’ai tenté de les arrêter mais comme vous l’avez vu, ça n’a pas été un grand succès.
- Tu as essayé, au moins, et je t’en remercie. Ce métal fait partie du patrimoine historique de Célestia, et même de Sinnoh tout entier… Ma grand-mère va être dévastée en apprenant que la perléane que notre famille gardait depuis des générations a été volée… Dire que je n’ai rien pu faire !
Candice semblait au bord des larmes. Chrom la prit par les épaules afin de la consoler. Shaïna était surprise : c’était ce qu’elle comptait faire, mais son ami lui avait coupé l’herbe sous le pied ! Il avait perdu de sa timidité…

Shaïna voyait déjà au loin un petit groupe de scientifiques, mené par le professeur Carolina, se diriger vers la place, sans doute alertés par des villageois. Après tout, la grand-mère de Candice était la Doyenne, celle que l’on consultait en cas de problème. Ce qui était le cas à ce moment précis : la perléane, ce matériau si précieux conservé par la famille de la Doyenne depuis des décennies, venait d’être volée par une bande de criminels. Un problème de taille, en somme. Puis Shaïna se tourna vers le garçon aux yeux grenat et réalisa soudainement que ni ses amis, ni elle, ne s’étaient présentés au jeune inconnu, pas plus que lui ne s’était présenté. Il fallait remédier à cela :
- Au fait, comment t’appelles-tu ? lui demanda-t-elle alors.

Il parut surpris qu’on lui accorde à nouveau de l’attention, comme la jeune fille l’avait arraché à ses pensées. Il consentit néanmoins à répondre :
- Shuno, fit-il, sans donner plus de détails.
- Enchantée, Shuno ! intervint soudain Candice avec sa jovialité habituelle. Je suis Candice.
Apparemment, Chrom avait réussi à la réconforter. Elle poursuivit :
- Je te remercie encore une fois d’avoir pris de tels risques pour tenter de récupérer la perléane que gardait ma famille…
- Ravi de faire ta connaissance. Mais tu sais, ce n’était rien…
- Tu es trop modeste, Shuno, fit remarquer Chrom. Enfin bref, moi c’est Chrom, ravi de te rencontrer, fit à son tour le garçon aux yeux vairons.
- Enchanté, répondit Shuno.

Shaïna, un peu vexée que ses deux amis se soient présentés avant elle alors qu’elle était celle qui avait lancé la conversation, s’immisça dans la discussion :
- Dites donc, vous deux, vous pourriez me laisser me présenter, moi aussi ?
Le ton de sa voix, plus amusé que réellement agressif, fit rire les deux concernés. Elle-même rit de bon cœur, comprenant qu’il n’y avait pas lieu de s’énerver pour si peu, puis se présenta une bonne fois pour toutes à Shuno :
- C’est un plaisir de te rencontrer, Shuno, je suis Shaïna !
Shaïna était presque sûre d’avoir vu les sombres pupilles grenat du jeune homme briller à cet instant. Il se contenta pourtant de répondre :
- Tout le plaisir est pour moi, Shaïna.