Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

N'abandonnez jamais de Goldenheart



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 21/05/2017 à 14:04
» Dernière mise à jour le 21/05/2017 à 14:04

» Mots-clés :   Drame   Kalos   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 32 - La fin d'une longue souffrance
Il ne faut pas avoir peur de souffrir sur le chemin de ses ambitions. La satisfaction d’avoir réussi à atteindre les objectifs qu’on s’est fixés en vaut bien trop la peine.

~*~


Le monde n’était plus que lumière.

L’éclat blanc, aveuglant, grandissait et s’étirait comme s’il souhaitait envahir tout l’espace.

Puis vint l’explosion. La détonation embrasa l’air, tandis que son souffle avalait tout ce qui se trouvait sur son passage.

À ce vacarme apocalyptique succéda le silence, presque irréel tant il fut soudain. Puis petit à petit, le grésillement de la bruine dissipa ce vide terrifiant. Le temps ainsi suspendu parut enfin se remettre en mouvement.

La poussière soulevée par l’impact peinait à s’élever au-dessus du sol, étant sans cesse rabattue vers ce dernier par les fines gouttes de pluie. Au milieu de ce décor désolé, un jeune homme luttait pour rester debout. Ses épaules, à peine moins lacérées que le reste de son corps, se soulevaient et s’abaissaient au rythme de sa respiration laborieuse. Ses yeux hagards cherchaient la silhouette familière de son ami. Celui-ci se tenait debout, au centre du cratère peu profond formé par l’explosion. Devant lui gisait une créature lui ressemblant, quoiqu’étant plus grande et plus musclée que lui. Des arcs électriques s’échappaient de leurs deux corps, et crépitaient dans l’air redevenu humide.

Un peu plus en avant, de l’autre côté du fossé, un homme était également étendu sur le sol, les yeux clos. Seul le mouvement régulier de sa poitrine indiquait qu’il était toujours en vie. Non loin de lui, un masque brisé remuait doucement, bercé par le vent qui s’engouffrait dans ses failles.

Bien que ses jambes flageolantes ne puissent plus le porter, le garçon réussit à rejoindre le petit Pokémon, dont la fourrure jaune se dressait sous l’effet de toute l’électricité qu’elle contenait. Alors que son ami arrivait derrière lui, le Pokémon s’écroula. Le garçon le rattrapa juste avant que sa tête ne heurte le sol.

- C’est fini, murmura-t-il. On a réussi, mon vieux.

Pikachu parvint à rendre son regard à son dresseur, et à sourire faiblement en réponse. Puis, vaincu par la fatigue, il se laissa aller à l’inconscience.

Cette scène, Genzo y assista du début jusqu’à la fin. Et pourtant, il eut du mal à y croire. Ce qui venait de se dérouler sous ses yeux lui paraissait tellement invraisemblable ; comme si tout était issu d’un rêve. Mais Genzo savait que c’était la réalité. Enfin, le moment qu’il avait tant attendu avait fini par arriver.

« Gauthier est vaincu. Sacha a réussi. L’Homme Masqué n’est plus, désormais. »


~*~

Lorsque Gauthier avait croisé le regard de Sacha, lorsqu’il l’avait vu se relever une énième fois pour lancer une ultime attaque, il avait su que tout était terminé. Il avait compris que Raichu ne tiendrait pas le dernier assaut de son adversaire. Cette sensation si familière, qu’il pensait pourtant avoir éradiqué à tout jamais, avait ressurgi des tréfonds de son passé, pour venir s’imposer à lui telle une sentence impartiale.

Mais à sa grande surprise, il ne ressentit ni rage, ni colère, ni frustration. Il se sentait juste… vide. Affreusement vide. Au final, cette défaite n’était d’un ultime échec à ajouter à son palmarès, rien de plus. Qu’il soit parvenu à s’éloigner du cercle vicieux de la médiocrité qui avait bercé sa carrière de dresseur autrefois n’avait rien changé : au fond de lui, il était et resterait toujours un faible. L’issue de ce combat n’avait fait que le prouver.

Gauthier grogna en voulant se redresser. Il avait laissé le souffle de l’attaque Électacle de Pikachu le balayer, et son corps en faisait les frais. Il avait mal partout.

Son regard se posa sur ce qu’il restait du masque qui avait dissimulé son visage au reste de monde ces cinq dernières années. À présent, il n’en restait plus que des fragments émiettés. Gauthier songea, non sans une certaine mélancolie, que ce masque brisé représentait à la perfection ce qu’avait été sa vie jusqu’alors. Une succession de fêlures et de déchirures, qui l’avaient morcelé au fil des années. Et alors qu’il pensait s’être enfin reconstitué en créant le personnage fort et implacable du Chasseur, voilà qu’il venait d’être broyé à nouveau. Tout ce qu’il avait construit – ou plutôt reconstruit – avait été détruit une fois de plus.

« Il semblerait que certaines choses soient vouées à ne jamais changer… » Se dit-il, amer.

Le plus ironique dans cette histoire était que sa vie avait été brisée deux fois par la même personne. Et cette personne n’était autre que son propre fils. D’abord la mort de Fantôme, puis cette défaite… Quand il y repensait, Gauthier n’avait jamais vu Sacha grandir ; il était parti bien trop tôt pour cela. Et pourtant, ce dernier était entré dans sa vie de manière plus vivace qu’il ne l’aurait imaginé. Bien que ce ne fusse pas par la meilleure des manières…

Des bruits de pas sur le sol boueux attirèrent l’attention du Chasseur. Ses cheveux poivre et sel plaqués sur son crâne à cause de la pluie, Genzo s’était approché, les mains croisées dans son dos voûté comme à son habitude.

- … Quoi ? Qu’est-ce que tu me veux ?

Gauthier n’essaya même pas d’atténuer le mépris dans sa voix. Il était déjà au plus bas ; la dernière chose dont il avait envie, c’était bien que le vieux Genzo vienne lui remonter les bretelles.

Mais Genzo ne dit rien. Bien qu'il craignît de lire le reproche – ou pire : la pitié – dans son regard, Gauthier daigna lever les yeux pour croiser ceux de son ancien professeur. À sa grande surprise, il n’y décela rien. Genzo le regardait d’un air parfaitement neutre, ne laissant filtrer aucune émotion.

- C’est terminé, dit-il simplement.

La voix du vieil homme fut aussi dénuée d’émotion que son expression, si bien que Gauthier hésita sur la manière dont il devait réagir. Au fond de lui, il aurait tellement voulu s’énerver, se défouler sur le premier venu – que ce soit Genzo ou un autre – pour pouvoir relâcher toute l’amertume qu’il couvait au creux de son être. Mais une petite voix ne cessait de lui souffler que cela resterait bien inutile. Alors Gauthier se laissa aller à la résignation, et regarda fixement le ciel. La pluie frappa doucement son visage, rendu sensible après tant de temps passé derrière un masque. Étrangement, Gauthier réalisa que sentir le vent et la pluie sur son faciès lui avait manqué.

- J’ai encore un peu de mal à le croire, tu sais, reprit Genzo après un silence. Qui aurait cru que toute cette histoire finirait ainsi ?

Gauthier ne daigna pas répliquer. Il se doutait que Genzo allait bien insister sur le fait que tout ce qu’il avait entrepris après avoir quitté la Team Rocket était une erreur, et que ça l’avait au final conduit à sa perte. Il n’avait aucunement envie qu’on lui rabâche les oreilles avec ça ; néanmoins il décida de laisser Genzo parler. Qu’il évoque l’état des faits si ça lui chantait. Gauthier n’en avait plus rien à faire. On ne risquait rien à invectiver une coquille vide, exempte de tout habitant, n’est-ce pas ?

Mais Genzo détourna le sujet de manière inattendue :

- Dis-moi la vérité. Sacha n’est pas le seul responsable de la mort de Fantôme, n’est-ce pas ?

Le chasseur de Pokémon se figea. Il foudroya le vieil homme du regard, se rendant à peine compte qu’il avait serré les poings.

- Nous savons tous que Fantôme a été retrouvé mort dans sa cellule, enchaîna l’ancien recruteur de la Team Rocket. La thèse du suicide a été privilégiée par les enquêteurs, et nous avons toutes les raisons de penser qu’ils ont eu raison. Cependant, un détail n’a jamais été révélé… Je veux parler de la manière dont Fantôme s’est donné la mort.
- En quoi cela vous aurait-il intéressé ? La plupart des hauts placés de la Team Rocket – Giovanni compris – avaient peur de Fantôme, et le détestaient, même s’il faisait partie de leur organisation. Sa mort a dû leur apparaître comme un soulagement : ils n’avaient plus personne pour leur faire de l’ombre ou… risquer de prendre leur place.
- Je ne te contredirai pas là-dessus. Nous soupçonnions tous une éventuelle traîtrise de la part de Fantôme, un jour ou l’autre. Mais c’est justement parce qu’il était un personnage si inquiétant que sa mort si subite nous a troublés. Les espions de la Team Rocket ont donc mené leurs recherches, et ont réussi à s’emparer des résultats de l’autopsie. Et il se trouve que celle-ci avait révélé des traces de toxines dans l’organisme de Fantôme.

Ces mots résonnèrent tel un coup de gong dans le silence.

- Fantôme a été empoisonné, répéta Genzo en détachant chaque mot. Et ce n’était pas dû à une intoxication alimentaire, loin de là. Le poison employé était un élixir à base de venin de Séviper, extrêmement mortel. Or, Fantôme avait été dépossédé de ses effets dès son entrée en prison. Alors comment aurait-il pu se procurer un tel poison ? La réponse est évidente : le seul moyen était quelqu’un de l’extérieur lui fournisse la toxine.

N’obtenant toujours pas de réponse, Genzo fit un pas de plus, et se planta face à Gauthier.

- Ce quelqu’un, Gauthier, c’était toi, je me trompe ?

L’homme ainsi accusé crispa les mâchoires au point de sentir ses dents craquer. Des images furtives traversèrent son esprit.

« Je n’ai plus ma place dans ce monde de misère. Alors fais-moi une faveur, gamin. Aide-moi à disparaître. »

- Il me l’a demandé…, marmonna Gauthier, incapable de contrôler le tremblement de sa voix. Il m’a demandé de l’aider à… à…
- Et toi, tu as accepté ? le coupa Genzo, désemparé. Alors même que cet homme était ton idole, ton maître ?
- Je ne pouvais pas faire autrement ! Il était si près de réaliser ses ambitions… Et tout lui a été arraché sous ses yeux. Il n’avait plus rien.

Cela avait beau être la vérité, ces paroles sonnèrent horriblement faux aux oreilles de Gauthier. Chassant cette idée, il leva la tête, et soutint le regard de son ancien professeur.

- Tu dis que ce mioche n’est pas le seul fautif ; mais s’il n’avait pas été là, Fantôme ne m’aurait jamais demandé une chose pareille.
- S’il n’avait pas été là, qui sait où en serait le monde aujourd’hui ? rétorqua Genzo. Cesse donc de rejeter toute la faute sur Sacha. Fantôme est mort avant tout parce que son ambition l’a mené trop loin.
- Il cherchait juste à réaliser son rêve… Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça ?!
- Tu compares le cas de Fantôme au tien… Mais lui et toi êtes deux personnes différentes ! Fantôme était avide de pouvoir et cherchait à tout contrôler ; toi tu essayais juste de rendre ta vie meilleure.
- Tais-toi… Tu ne sais rien de moi, alors ne réécris pas mon histoire !

Le regard acéré de Genzo se radoucit légèrement.

- Il n’y a pas besoin de connaître ton histoire pour déterminer qui tu es, Gauthier. Tes actions et tes mots parlent pour toi. Tu cherches des réponses à des questions que tu ne comprends pas, et es persuadé que devenir plus fort est le seul moyen pour toi d’obtenir ce que tu souhaites.

Gauthier renifla avec mépris. Ce vieux schnoque ne comprendrait jamais ce qu’il avait traversé. Il y avait certes du vrai dans ses propos, mais il ignorait bien trop de détails pour se donner le droit de le juger.

- Tu sais, ton fils et toi vous ressemblez beaucoup, dit soudain le vieil homme. Vous êtes aussi têtus l’un que l’autre.

Avant que Gauthier ne puisse répliquer, Genzo ajouta :

- Mais il y a une chose fondamentale qui vous sépare. Quelque chose que Sacha possède, et qui me pousse à croire que, depuis le début, il avait une chance de te vaincre.
- Depuis le… ? Mais de quoi parles-tu ? fit Gauthier, plus décontenancé qu’énervé.

Genzo se tourna en direction du cratère, où Sacha son Pikachu se tenaient toujours. Les trois compagnons du jeune dresseur, ses Pokémon – et même ceux de Gauthier ! – les avaient rejoints, et tous bavardaient entre eux. Des cris et des rires fusaient par moments du petit groupe. Sans avoir besoin de comprendre quels étaient les sujets de conversation, il était évident que chacun ressentait un immense soulagement. La joie de savoir cette longue bataille enfin terminée irradiait du petit attroupement. Genzo sourit, et répondit à son élève :

- Ce que Sacha a de plus par rapport à toi, ce sont des amis.

Le Chasseur en resta interdit. Il ne savait pas à quoi il devait s’attendre, mais certainement pas à ça.

- Je ne connais Sacha que depuis très peu de temps…, poursuivit Genzo en reportant son regard sur le groupe au loin. Mais en passant un peu de temps à ses côtés, et en ayant été impliqué – bien malgré moi – dans ses histoires, je pense avoir réussi à le cerner. Ce garçon a ce don unique qui lui permet de nouer des liens avec tous ceux qu’ils rencontrent. Qu’ils soient humains ou Pokémon, les autres se rassemblent naturellement autour de lui, et lui offrent leur soutien, quelles que soient les circonstances. Moi-même, qui ai toujours aimé jouer les vieux loups solitaires, je n’ai pas su résister à l’envie d’aider ce gamin lorsque je l’ai vu dans le besoin.

Genzo eut un petit rire sans joie.

- Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? maugréa Gauthier.
- Rien. J’ai dit que j’ai aidé ce jeunot… Mais la vérité, c’est que c’est surtout lui qui m’a aidé, dans l’histoire. Après tout, il a accompli en moins de deux mois ce que je n’ai pas été capable de faire en cinq ans. À savoir : trouver le courage de t’affronter pour stopper tes actions.

Son sourire disparut, et il reprit rapidement son sérieux.

- Sacha et toi avez tous les deux emprunté un sentier ténébreux en essayant de devenir plus forts. Seulement, là où tu as laissé ces ténèbres envahir ton cœur, Sacha est parvenu à les repousser. Et je pense… que c’est lié aux raisons qui le poussaient à vouloir te vaincre.
- Laisse-moi deviner, ironisa Gauthier. Il voulait protéger ses amis ?
- Entre autres, répondit Genzo sans se démonter. Mais pas seulement. Il voulait aussi protéger tes futures victimes. Et tes Pokémon.

Le Chasseur écarquilla les yeux. Genzo, sentant qu’il ne comprenait pas où il voulait en venir, lui exposa le fond de sa pensée :

- Vois-tu, je pense que Sacha est ce qu’on appelle quelqu’un de désintéressé. Quelqu’un qui parle et agit sans aucune arrière-pensée. Il dit toujours ce qu’il a sur le cœur, et ne ment jamais. Ou du moins, la seule manière pour lui de mentir est soit de ne rien dire, soit de se fourvoyer lui-même. Ce genre de personne est très rare, de nos jours… Des personnes qui se soucient des autres avant de se soucier d’eux-mêmes.
- Et pourquoi, selon toi ? répliqua Gauthier. Ce « genre de personnes » ne risque pas de faire long feu très longtemps s’ils ne se s’inquiètent jamais d’eux-mêmes. C’est ce que je me tue à répéter depuis le début : dans ce monde, c’est vaincre ou être vaincu. Il n’y a pas la place pour de telles inepties. Se soucier des autres, s’est se condamner soi-même.
- Et pourtant. Son amour pour ses proches est ce qui donne à Sacha sa force. il repousse sans arrêt ses limites dans le but d’aider les autres, humains comme Pokémon. Cela peut paraître stupide ou totalement inconscient, je te l’accorde. Mais c’est justement là que sa capacité à se créer des soutiens lui vient en aide. Ainsi, peu importe combien il se met en danger, il a toujours quelqu’un pour veiller sur lui et l’épauler en cas de besoin.

Le visage grave de Genzo se fendit de nouveau d’un mince sourire.

- Après, je ne dis pas que Sacha est infaillible. Il est des moments ou, s’il s’en sort, c’est par pure chance… Ce garçon doit avoir une bonne étoile ! ajouta-t-il en riant.

Mais Gauthier ne riait pas du tout. Une bonne étoile, des amis… En clair, ce mioche avait tout ce que lui n’avait jamais eu. Comment pourrait-il espérer se réconcilier avec lui en sachant cela ? Il n’éprouverait jamais que de la rancœur envers ce garçon que les autres appelaient « son fils ».

« Quelqu’un pour veiller sur lui, hein ? Ridicule… Je reste persuadé que cette bonté écœurante le conduira à sa perte. »

Pourtant, Gauthier ne pouvait pas ignorer certains points. Il y a longtemps de cela, quand il avait découvert le phénomène de la Méga-Évolution et avait appris à l’utiliser, son instructeur lui avait longuement souligné l’importance des liens entre le dresseur et son Pokémon. Hélas, même en parvenant à le maîtriser, ce pouvoir ne lui avait pas permis de s’illustrer en tant que dresseur de Pokémon. C’était donc désespéré qu’il avait décidé de marcher dans les ténèbres. Qu’importait le moyen, du moment qu’il devenait suffisamment fort pour être reconnu et respecté, s’était-il dit. Alors il avait suivi Fantôme. Avait découvert les Pokéballs Obscur. Était devenu le Chasseur.

Et malgré tout, aujourd’hui, cette puissance ne lui avait pas permis de remporter la victoire face à ce gamin. C’était un problème à s’arracher les cheveux. Mais que diable fallait-il qu’il fasse pour que la défaite cesse de lui coller à la peau ? N’y avait-il donc aucun espoir ?

Gauthier soupira, et battit des cils pour chasser une goutte de pluie s’y étant écrasée.

- Non, il n’y a rien à faire, marmonna-t-il comme pour lui-même. J’ai beau tout essayer, je rate tout ce que j’entreprends. Je n’ai jamais été capable d’accomplir quoi que ce soit de bon dans ma vie.
- Oh ça, je n’en suis pas si sûr, contra Genzo, un sourire énigmatique sur les lèvres. Même la nuit la plus sombre finit par donner naissance à un nouveau lever de soleil…

Gauthier ne vit pas de quoi il parlait avant de suivre son regard. Une émotion qu’il ne parvenait pas à identifier lui brûla les entrailles.

- S’il y a bien une chose dont tu puisses être fier, Gauthier, c’est d’avoir permis au monde de connaître une personne aussi formidable que ton fils…


~*~

Je pense pouvoir le dire en toute sincérité : je n’avais, à cet instant précis, jamais été aussi éreinté de toute ma vie. Mes jambes ne me portaient plus, si bien que je ne pouvais plus me tenir qu’à genoux. Et encore, même ça, cela me demandait un certain effort. Je peinais à retrouver mon souffle, comme si quelque chose m’obstruait les poumons. Et pour ne rien arranger, je commençais à voir trouble. Je dus serrer les dents pour ne pas tourner de l’œil.

Pikachu, blotti dans mes bras, semblait dormir tant il était paisible. Je ne sentais plus aucune onde négative se dégager de lui. Avait-il réussi à vaincre l’énergie obscure ? Tout en caressant mon ami, je levai les yeux vers ciel. Le nuage noir d’encre et rempli d’éclairs avait disparu ; ne restaient plus que des nuages filigranes, qui libéraient un faible crachin frigorifiant. Zekrom avait disparu. Je n’arrivais toujours pas à croire qu’un Pokémon légendaire d’Unys ait pu faire tout le déplacement jusqu’à Kalos, pour arriver pile au bon moment en plus. Ou bien j’avais une chance incroyable ou bien…

Des points lumineux vinrent soudain agresser ma rétine, m’obligeant à fermer les yeux. J’attendis que la terre cesse de tanguer sous mes pieds avant de rouvrir légèrement les paupières. Un goût de bile emplit ma bouche, et me donna la nausée.

- Sacha !

Je reconnus les voix de mes amis. Je les vis, tous les trois, se précipiter vers moi en toute hâte. De toutes les émotions qui se mélangeaient sur leurs visages, celle qui dominait toutes les autres était sans conteste l’inquiétude.

- Comment tu te sens ? fit Lem en s’arrêtant à ma hauteur.
- Tu nous as fait une de ces peurs !
- C’était dingue, ce qu’il s’est passé ! C’est quoi cette attaque incroyable que Pikachu a lancée ?
- Et au fait, comment va-t-il ?

Même si j’étais heureux de retrouver mes compagnons sains et saufs, les entendre me poser autant de questions tous à la fois me donna une migraine sans nom.

- Doucement, les gars, laissez-moi respirer…

J’aperçus soudain une silhouette familière s’approcher de moi en boitillant légèrement.

- Croâporal ! (Le Pokémon Eau, visiblement exténué, s’assit près de moi.) Tu vas bien, dis-moi ?
- Croâ…

Malgré ses yeux vitreux et son teint blafard, Croaôral parvint à hocher la tête. Son regard reptilien se posa ensuite sur Pikachu, exprimant une question silencieuse.

- Il va bien, dis-je en guise de réponse. Je pense qu’il est parvenu à reprendre le contrôle de lui-même. L’énergie obscure ne le corrompt plus.
- Avec une telle décharge d’électricité, la puce cérébrale a dû complètement disjoncter, intervint Lem en remontant ses lunettes. Elle ne devrait plus causer de soucis, mais il faut espérer qu’il n’y aura pas de conséquences sur le système nerveux de Pikachu.

Je battis des paupières, essayant de saisir le rapport entre une puce qui disjonctait et mon Pikachu, avant de renoncer. Un étau semblait se resserrer sur mon crâne dès lors que je tentais de réfléchir. Je grattai doucement Pikachu derrière les oreilles, en priant pour qu’il aille mieux et se réveille rapidement.

- Ça m’avait manqué, tes explications scientifiques, Lem, dis-je de but en blanc.

L’inventeur parut surpris, puis son visage se fendit d’un léger sourire. Clem, quant à elle, fut moins réservée : elle me sauta littéralement au visage.

- Tu nous as manqués aussi, Sacha ! J’suis si contente que tu sois revenu !
- Moi aussi Clem, répondis-je en riant. Moi aussi…

Dedenne pointa alors le museau hors de la sacoche de Clem, les moustaches frétillantes. Il grimpa sur mon bras, et envoya une petite décharge sur la joue de Pikachu. La réaction de mon vieux copain fut immédiate. Ses oreilles remuèrent légèrement, et il entrouvrit des yeux troubles.

- Bonne idée, Dedenne, dit Lem. Après une telle attaque Électacle, Pikachu doit être complètement vidé de toute électricité. Le recharger devrait l’aider à se sentir mieux.

Dedenne couina son assentiment, avant de coller sa bajoue contre celle de Pikachu. Des étincelles craquèrent à ce contact. Au bout de quelques secondes, Pikachu retrouva des couleurs. Malgré tout, ses paupières semblaient lui peser des tonnes.

- Ça va aller, lui chuchotai-je. Repose-toi, mon vieux, tu l’as mérité.

Pikachu me prit au mot, et replongea dans l’inconscience. Attendri par son visage endormi, je le caressai de plus belle.

- J’espère qu’il va aller mieux.

Je fus surpris de retrouver Serena accroupie à côté de moi. Je ne l’avais pas entendue approcher. J’acquiesçai en silence.

- … Et toi ? Comment tu te sens ? me demanda-t-elle ensuite.
- J’ai jamais eu autant envie de dormir, avouai-je. Et j’ai un mal de tête pas possible.
- Toutes ces épreuves ne t’ont pas ménagé, fit remarquer Lem, compatissant.

Je ne pus m’empêcher de rire à la remarque. Ah ça ! J’en avais connu, des expériences éprouvantes, mais là, j’avais clairement eu ma dose…

Tout à coup, sans que je m’y attende, Serena se pencha vers moi, et m’embrassa sur la joue. La stupéfaction fut générale ; et si les visages de Lem, Clem et Croâporal devinrent subitement écarlates, j’ignorais parfaitement quelle tête je devais avoir après ça. Une chose était sûre : ça m’avait fait un effet bizarre.

- Tu sais t’y prendre pour t'attirer des ennuis, toi…, murmura-t-elle, si bas que je fus sûrement le seul à l’entendre.

Je la regardai un instant, interdit, avant de laisser mes lèvres s’étirer en un large sourire. Je ne savais vraiment pas comment elle faisait, mais Serena avait un don pour m’aider à me sentir mieux. J’avais presque déjà oublié ma fatigue.

Un concert de cris interrompit soudain cet instant de flottement. Un groupe de Pokémon quittait l’usine et se dirigeait vers nous. Ils étaient quatre, dont Brutalibré et Sonistrelle. Quant aux deux autres…

« Roucarnage et Akwakwak ! »

- Qu’est-ce que ces Pokémon font ici ? s’exclama Serena.
- Vous croyiez qu’ils appartiennent au Chasseur ? dit Lem en se saisissant d’une Pokéball.
- Attends ! Ne les attaque pas !

Mon ami posa des yeux étonnés sur moi. Je puisai dans le peu de ressources qu’il me restait pour me remettre debout. Lem me soutint au début, avant de me laisser approcher les quatre Pokémon. L’aile de Roucarnage pendait mollement le long de son corps, mais il paraissait avoir trouvé assez de forces pour porter Akwakwak et Brutalibré sur son dos. L’oiseau de combat tomba plus qu’il ne descendit de son perchoir lorsqu’il me vit. Le pauvre était dans un sale état ; difficile de savoir si le rouge qui recouvrait ses plumes était naturel ou s’il s’agissait de sang.

- Brutalibré, tu es redevenu comme avant ? s’étonna Serena.

En effet, je me souvins que Brutalibré avait été enfermé dans une Pokéball Obscur en voulant protéger Sonistrelle. J’avais vu la folie meurtrière danser dans ses yeux lorsque je l’avais retrouvé. Mais à présent, son regard était de nouveau parfaitement sain, lavé de toute trace de démence. Et pour achever de m’en convaincre, Brutalibré marmonna quelques mots dans sa langue, tout en se frappant – pas trop fort – le torse d’un air confiant. Croâporal vint le rejoindre, et échangea deux-trois mots avec lui. S’il ne le montrait pas clairement, il était assurément rassuré de revoir son camarade agir comme avant.

- Content de voir que t’as réussi à te libérer, mon vieux, soufflai-je, soulagé.

Mais Brutalibré secoua la tête négativement. Il posa une patte sur la tête de Sonistrelle, en le désignant puis en se désignant lui-même.

- Tu veux dire que c’est grâce à Sonistrelle ?

Brutalibré acquiesça. Le Pokémon Dragon, quant à lui, se dandinait d’une patte sur l’autre, visiblement mal à l’aise. J’avisai les blessures, pour la plupart légères comparées à celles des autres Pokémon, qui recouvraient son petit corps. Impressionné, je gratifiai Sonistrelle d’une caresse sur le museau.

- Bravo, mon grand. Je suis fier de toi, tu sais.
- Ssso-nii ! babilla le petit Pokémon, les yeux brillants.
- C’est tout de même étrange… (Je me tournai vers Lem, qui paraissait dubitatif.) Je suis heureux d’apprendre que Brutalibré n’est plus sous l’influence des Pokéballs Obscur, mais ma question est : comment a-t-il pu s’en libérer aussi facilement ? Même avec le concours de Sonistrelle, il ne devrait pas être parvenu à agir sur la puce cérébrale…
- C’est parce que la Pokéball qui l’a enfermé n’est pas la même que celle qu’utilise le Chasseur.

Nous sursautâmes tous d’un seul mouvement. La grande dame que j’avais aperçue en compagnie de Lem et Clem un peu plus tôt se dirigeait vers nous, en compagnie de son Démolosse et d’un Arcanin.

… Arcanin ?

- ROAAR !!

Je crus bien défaillir lorsque le canidé rugit, une bave enflammée dégoulinant le long de ses crocs aiguisés. Mais la dame aux cheveux roses posa sa main sur l’encolure du Pokémon et, aussitôt, celui-ci se calma. Je ne savais plus si je devais être terrorisé ou impressionné.

- Tout va bien, dit-elle en remarquant mon état de panique. Ce gentil molosse ne nous fera aucun mal… n’est-ce pas ?

Arcanin rabattit les oreilles en couinant comme un chiot qui viendrait d’être réprimandé.

- Malva mérite bien son titre de membre du Conseil Quatre, grimaça Lem. Elle a vraiment un talent particulier pour dompter les Pokémon Feu.
- Voyons, cela n’a rien à voir avec mon titre, démentit la dénommée Malva, modeste.

Abasourdi, je ne pouvais plus détacher mes yeux de la dresseuse aux cheveux roses. Ce que Démolosse dut moyennement apprécier, car il grogna à mon intention. Embarrassé, je baissai les yeux au sol, le cerveau soudain en ébullition.

« Un membre du Conseil Quatre… » Ce qui signifiait que, si je voulais devenir Maître Pokémon un jour, il faudrait que je l’affronte. Plus précisément, si je gagnais la Ligue de Kalos, je pourrai l’affronter elle, ainsi que les trois autres membres du groupe.

Cela dit, rien qu’à voir l’intensité qui faisait brûler les prunelles du chien cornu, il était clair que je n’avais pas encore le niveau pour l’affronter, et encore moins le vaincre. Et cela valait sûrement pour le reste des Pokémon de Malva. Toutefois, même si cette impression était similaire à celle que j’avais ressentie en combattant l’Homme Masqué, j’eus une réaction différente de celle qui m’avait poussé à fuir mon ennemi. Une réaction… qui ressemblait plus à ce que le moi d’avant tous ces événements aurait eue.

J’étais surexcité. Impatient de recommencer à m’entraîner, à me dépasser avec mes Pokémon. En y réfléchissant, je savais pourquoi j’avais soudain cette furieuse envie. Je voulais devenir comme Malva. Elle et le reste de l’Élite de Kalos représentaient le but que je m’étais fixé depuis ma plus tendre enfance. Être un jour le meilleur dresseur de tous les temps. Un Maître Pokémon.

En jetant un œil à Croâporal et mes autres Pokémon, je remarquai qu’eux aussi lorgnaient Démolosse avec admiration. Ils devaient sans aucun doute rêver de devenir aussi forts et impressionnants que lui, un jour.

- Excusez-moi, mais que vouliez-vous dire par « les Pokéballs Obscur ne sont pas les mêmes que celles du Chasseur ? » demanda Serena.
- C’est simple. Lorsque le Chasseur a pris possession de l’usine avec les Sépiatroces, j’ai mené ma petite enquête. Et j’ai remarqué, en examinant de plus près les Pokéballs produites dans cette usine ainsi que celles qu’utilise notre homme, que le système servant très probablement à l’insertion de la puce électronique dans le cerveau du Pokémon était légèrement différent. Je pense que les Sépiatroces n’ont pas réussi à reproduire entièrement l’opération quasi chirurgicale effectuée lors d’une capture. La puce électronique ne peut que se fixer sur la tête du Pokémon, et lui envoyer des impulsions à travers le tissu organique. C’est moins efficace que d’envoyer les décharges directement dans la zone du cerveau concernée, mais cela fonctionnait de la même manière. J’ai vu les Sépiatroces essayer leurs prototypes sur des Pokémon sauvages des environs : ils paraissaient très satisfaits de leur travail.

Je n’avais pas tout compris, mais j’étais impressionné par le travail d’investigation mené par cette femme. Tout de même, ces Sépiatroces n’étaient pas des Pokémon ordinaires… À entendre Malva, ils avaient presque agi comme… comme des humains.

- À propos de Sépiatroce ! s’exclama soudain Lem. Vous avez réussi à retrouver celui qui s’est échappé ?

Avant que Malva ne puisse lui répondre, trois voix que je connaissais bien la devancèrent :

- Ne t’en fais pas, morveux ! Cette pieuvre de malheur est désormais sous notre contrôle !

Les surprises s’enchaînaient. Voilà que la Team Rocket nous rejoignait, traînant derrière eux un Sépiatroce en piteux état. Aussi fier que des pêcheurs ayant attrapé une grosse prise, les trois énergumènes redressèrent le Pokémon inconscient. Nous pûmes ainsi contester que son ventre avait été recouvert d’une matière blanche ressemblant à… du scotch.

- Mesure de précaution, dit James en surprenant mon regard. On a déjà eu la chance de le trouver dans les vapes, alors autant ne pas prendre de risques.
- C’est un peu… rudimentaire, commenta Serena. Mais tant que ça marche…
- Ne sous-estime pas les ressources de la Team Rocket, fillette ! miaula Miaouss.
- Vous devriez nous remercier, enchérit Jessie. Grâce à nous, tout danger a été définitivement écar… Ouah !! Qu’est-ce que c’est que ça ?!

Nous pivotâmes en direction de ce qui l’avait effrayée. Mon sang ne fit qu’un tour lorsque je vis que Raichu s’était relevé, et grognait à notre intention d’un air très menaçant. Croâporal et Brutalibré, malgré leurs blessures, se postèrent immédiatement devant moi et Pikachu. Mais ils n’eurent pas besoin d’intervenir. Un halo bleu entoura Raichu, qui flotta au-dessus du sol. Désemparé, le Pokémon Électrik tenta de lancer une décharge. Malheureusement pour lui, ses réserves d’énergie étaient totalement épuisées. De ses joues ne jaillirent que de faibles étincelles inoffensives. En désespoir de cause, il battit vainement l’air en poussant des cris furieux.

Nous fûmes tous surpris de voir que celui qui l’avait ainsi neutralisé n’était autre qu’Alakazam, le Pokémon de l’Homme Ma… du Chasseur. Florizarre se tenait près de lui, et l’épaula en ligotant Raichu avec ses lianes. Le rongeur leur cracha au visage, mais ni l’un, ni l’autre ne parurent s’en soucier. Ils s’adressèrent à leur compère de leur voix grave et profonde.

- Ils disent qu’il ne sert à rien de se débattre, traduisit spontanément Miaouss. Que tout est terminé.

Arcanin grogna en direction de Raichu. Akwakwak, assis près de Roucarnage, émit un bruit rauque tout en foudroyant le Pokémon électrique du regard. L’oiseau, quant à lui, ne daigna même pas le regarder.

- Vous avez remarqué ? dit Serena. Ils ne semblent pas beaucoup s’apprécier.
- T’as raison, opina Clem. C’est bizarre… Ils font pourtant partie de la même équipe…
- Peut-être que les Pokéballs Obscur les ont tellement militarisés qu’ils ont oublié le sens de la camaraderie ? suggéra Lem.

« J’en suis pas si sûr. » À bien y regarder, tous les Pokémon du Chasseur semblaient détester Raichu, et Raichu uniquement. Ce dernier, s’il s’était un peu calmé, conservait une expression féroce, et grognait contre quiconque osait croiser son regard. Florizarre et le reste de l’équipe du Chasseur n’avaient jamais manifesté de haine les uns envers les autres. Et en voyant leur comportement de maintenant, Raichu apparaissait clairement comme exclu de leur groupe.
Mon regard s’arrêta sur les deux silhouettes solitaires qui se tenaient un peu plus loin. Mu par une soudaine inspiration, je me levai, Pikachu toujours dans les bras, et me dirigeai vers eux.

- Sacha ? Où tu vas ?

Je ne répondis pas. Dans mon dos, j’entendis Lem dire aux filles qu’il valait mieux me laisser faire. Je remerciai silencieusement mon ami, et partis rencontrer mon père.


~*~

Gauthier et Genzo levèrent simultanément la tête lorsque Sacha vint à leur rencontre. Son Pikachu inconscient dans les bras, l’adolescent s’arrêta à bonne distance, sans cesser de fixer son père. En voyant ses cheveux ébouriffés dépasser de sa casquette retournée, et en croisant son regard insolent, Gauthier ne put s’empêcher de remarquer une fois encore combien ce gamin ressemblait à celui qu’il avait été à son âge.

- Ne dis rien, grinça-t-il. Maintenant que tu as enfin réussi à me vaincre, tu es venu t’assurer que je respecte notre petit marché ?

Les yeux de Sacha s’agrandirent. Il semblait ne pas comprendre de quoi Gauthier parlait.

- Tu as exigé que, si tu gagnais, je devrais libérer mes Pokémon, lui rappela ce dernier. À présent que tu as atteint cet objectif, tu viens réclamer ton droit de vainqueur, hein garçon ?

Le sarcasme de Gauthier fit à peine sourciller Sacha. Celui-ci considéra son père encore quelques instants, avant de soupirer :

- Vous vous trompez.

Il s’assit en tailleur, et regarda Gauthier droit dans les yeux.

- Je n’ai pas gagné contre vous.

La stupéfaction se peignit sur les visages des deux adultes. Sacha ôta sa casquette, et la plaça devant lui.

- Si je suis encore ici aujourd’hui, c’est grâce à mes amis. Cette « victoire » n’est pas la mienne, mais celle de tout le monde. On s’est tous ligués contre vous et vos Pokémon.

L’humeur de Gauthier s’assombrit. En effet, il avait été seul contre tous. Mais n’avait-ce pas été le cas toute sa vie durant ?

- Akwakwak et Roucarnage se sont évanouis parce que le toit leur est tombé sur la tête, continua Sacha. Alakazam et Arcanin ont été vaincus par d’autres personnes. Quant à Raichu, il a fallu l’intervention de Zekrom pour que Pikachu puisse le terrasser.
- Ah oui ? Et Florizarre ? répliqua Gauthier, non sans colère. C’est bien toi et ton Croâporal qui l’avez battu, non ? Et à ce propos, j’aimerais vraiment que tu m’expliques ce qu’il s’est passé à ce moment-là. Une telle puissance… C’est complètement surnaturel !

Sacha ne répondit pas, mais son air confus en disait long. Il n’avait visiblement aucune idée de ce qu’il était arrivé lorsque lui et Croâporal avaient commencé à changer d’attitude, en synchronisant leurs mouvements et en déployant une force et une vitesse phénoménales.

- Qu’importe ce qu’il s’est passé, tempéra Genzo. Ce qu’essaie de dire Sacha, c’est qu’il a eu besoin d’aide pour réussir à défaire chacun de tes Pokémon.
- C’est vrai, acquiesça le jeune dresseur avant que Gauthier n’ait pu protester. J’aurais jamais été capable de vous vaincre dans un combat singulier. Je…

Un hennissement l’interrompit. Galopa s’approchait d’eux en boitant ostensiblement sur ses pattes blessées. Il dut mobiliser toutes ses ressources pour ne pas s’écrouler sur Sacha. Celui-ci, une fois le Pokémon couché à sa hauteur, lui flatta doucement l’encolure.

- Hé, te surmène pas trop… T’es blessé, j’te rappelle.

En voyant son Pokémon, son plus vieux partenaire après Florizarre, Gauthier éprouva des sentiments partagés. D’un côté, ça lui faisait plaisir de revoir Galopa après toutes ces années. De l’autre, il aurait préféré ne jamais recroiser sa route. Depuis le jour de leur rencontre, Gauthier avait énormément changé. Aujourd’hui, il était loin d’être le garçonnet insouciant qui avait réussi à faire du Ponyta sauvage son fidèle compagnon. En revanche, Galopa, lui, était resté le même. Du point de vue de Gauthier, un fossé devenu infranchissable s’était creusé entre lui et son Pokémon. Plus jamais ils ne pourraient retrouver leur complicité passée.

- Je me demandais pourquoi Galopa semblait autant t’apprécier dès le départ, marmonna Genzo. Mais puisque tu es le fils de Gauthier, et que Galopa était son Pokémon, j’imagine que ça explique pas mal de choses…

- Pas forcément, lâcha le Chasseur. Ce canasson a toujours été du genre facétieux. Il s’acoquine avec qui l’intéresse. Cela dit, ajouta-t-il à l’intention de Sacha, il n’est pas impossible qu’il t’ait reconnu. Même si tu étais très jeune, et que vous ne vous êtes pas fréquentés très longtemps, il a pu garder un souvenir de toi…

Sacha se crispa, mais ne dit rien. Un éclair de douleur passa dans ses yeux ambrés ; lui reprochait-il son brusque départ de la maison familiale ?

« Évidemment. » Quelle autre réaction aurait pu adopter un enfant faisant face à celui qui aurait dû être là pour s’occuper de lui, et n’avait au final brillé que par son absence ? Malgré lui, Gauthier esquissa un sourire sans joie et, enfin, accepta de céder à la tentation qui l’avait tiraillé depuis près de quinze ans : il replongea dans ses souvenirs, revivant cette époque passée qu’il avait tant voulu effacer de sa mémoire.

Aussitôt, l’image d’une belle jeune fille s’imposa à son esprit. Il revit ses longs cheveux bruns flotter au vent, son sourire innocent, ses yeux ambrés emplis de gentillesse. Le parfum de la mer et le bruit des vagues l’assaillirent. La nostalgie s’empara de lui, le drapant dans un cocon de chaleur bien réconfortante après tant de temps passé dans le vide glacé de l’oubli.

- Dis-moi… Comment va Délia ?

Sacha parut surpris par la question. Il hésita plusieurs secondes avant de répondre :

- Elle va bien. Elle vit toujours au Bourg-Palette.
- … A-t-elle trouvé quelqu’un d’autre ?

Gauthier se sentit parfaitement stupide de demander cela. Délia méritait cent fois mieux que lui, alors pourquoi s’inquiéter de qui vivait à ses côtés ? Seulement, son cœur avait parlé à la place de sa raison.

Sacha le toisa d’un air contrit, mais accepta tout de même de lui répondre :

- Non. Elle n’a jamais voulu se remarier après votre départ. Mais elle n’est plus seule : y’a un M.Mime qui l’accompagne, désormais. (Un temps.) Et… elle est très heureuse comme ça.

Gauthier hocha distraitement la tête, déchiré entre soulagement et culpabilité. Le soulagement de savoir Délia heureuse et en pleine santé ; la culpabilité de l’avoir abandonnée sans un mot, sans une explication.

- Je l’aimais vraiment, murmura Gauthier, sans savoir s’il s’adressait à Sacha ou à lui-même. c’est la seule femme que j’ai jamais vraiment aimée, et j’aurais tout donné pour pouvoir rester avec elle. Malheureusement, tout est parti de travers… J’ai pris le mauvais chemin. Et je ne voulais pas mêler Délia à mes affaires. Je ne l’aurais jamais supporté. Alors j’ai préféré partir sans rien dire, pour la protéger. Ne crois pas que je me cherche des excuses : tout ce que je te dis n’est que la pure vérité. Par la suite, j’ai bien tenté de l’oublier, de passer à autre chose. Mais au bout du compte, je n’ai jamais réussi. Même enfouir mes sentiments derrière ce masque n’a pas empêché mon cœur de regretter chaque jour son absence.

Gauthier désigna d’un geste vague les restes de son masque brisé. Pendant un moment, tous restèrent silencieux. Puis Sacha repoussa gentiment le museau de Galopa, et chercha le regard de son père.

- Vous avez vécu des moments heureux, avec Maman. Et vos Pokémon ont aussi un jour connu le bonheur, à vos côtés, j’en suis sûr. Pourquoi avoir voulu tout oublier ? Et par-dessus tout : pourquoi avoir forcé vos Pokémon à oublier ?

Sacha se tourna vers Florizarre et les autres Pokémon de Gauthier, tous regroupés autour de Malva, Lem et Serena. Le Chasseur suivit son regard et caressa des yeux les silhouettes si familières de ses anciens partenaires.

- Si j’ai placé mes Pokémon dans des Pokéballs Obscur, c’était pour les rendre plus fort, déclara-t-il. Je savais pertinemment les effets secondaires que cela impliquerait. Mais c’est mieux ainsi. Ceux que nous étions avant ce changement n’étaient que des aberrations. À l’instar de mes Pokémon, qui allaient voir leurs souvenirs effacés pour acquérir plus de puissance, j’ai renié celui que j’avais été pour devenir quelqu’un d’autre, et commencer une nouvelle vie…
- C’est n’importe quoi… Vous avez préféré fuir dans l’oubli et le déni plutôt que de combattre vos propres faiblesses ! Vous pensez que c’est mieux ainsi, mais que faites-vous de vos Pokémon ? Est-ce qu’ils souhaitaient vraiment changer, eux ? Vous n’avez rien arrangé, tout ce que vous avez fait, c’est rendre malheureux tous ceux qui vous aimaient ! Vos Pokémon sont peut-être devenus des bêtes de combat, mais à quel prix ?!

Sacha s’interrompit pour reprendre son souffle. Lorsqu’il reprit la parole, sa voix passa de la colère à la tristesse :

- Ils sont malheureux, vous savez. Vos Pokémon ont peut-être eu la mémoire effacée, mais au fond d’eux, il reste encore des traces de ces souvenirs heureux que vous avez partagé ensemble. Vous dites que vous n’êtes jamais parvenu à oublier ma mère ; mais que se passerait-il si vos Pokémon n’avaient eux non plus jamais réussi à oublier ces moments de joie ? Ça ne vous a jamais traversé l’esprit qu’eux aussi pouvaient regretter cette époque où ils n’étaient que des Pokémon ordinaires, simplement heureux d’être avec leur dresseur ?

La question de Sacha demeura sans réponse. Gauthier n’avait rien à dire pour sa défense, et il le savait.

- C’est pour ça que tu as demandé à ce que Gauthier relâche ses Pokémon ? demanda Genzo après un moment de silence.

Sacha acquiesça. Galopa souffla doucement par les nasaux, observant le jeune dresseur de ses yeux pétillants d’intelligence.

- Oui, finit par dire Sacha. C’est vrai, c’est pour ça que j’ai proposé ce marché stupide. Mais… J’ai changé d’avis.

Tous en restèrent bouche bée. Avant que quiconque n’ait pu intervenir, Sacha poursuivit :

- Ne vous détrompez pas : je veux toujours que vous relâchiez tous vos Pokémon. Mais je ne veux pas que vous le fassiez parce que vous pensez avoir perdu un combat qui n’en était pas un. Je vous ai dit combien vos Pokémon étaient malheureux. À défaut de le voir, vous pouvez être affecté par cet état de fait, non ?

Gauthier ne répondit pas. Son expression était indéchiffrable.

- Pourquoi avoir proposé un marché, dans ce cas ? questionna-t-il. Si ce n’était pas pour me contraindre, à quoi bon ?
- J’avoue, c’était complètement stupide de procéder comme ça. J’ai horreur des combats à enjeux, d’autant plus que c’est à cause de ça que toute cette histoire a commencé. Sauf que c’est pas la bonne solution. On n’obtient rien de bon par la violence, et en forçant les gens à agir contre leur volonté. (Sacha leva la tête, et planta son regard dans celui de Gauthier.) Si vous devez relâcher vos Pokémon, je voudrais que ce soit de votre propre chef. Vous les avez trop longtemps fait souffrir… Il est temps que ça s’arrête.
- Petit prétentieux… Tu crois vraiment que…
- S’IL VOUS PLAÎT !

À la surprise générale, Sacha se mit à quatre pattes, et se prosterna jusqu’à toucher terre.

- J’vous le demanderai à genoux s’il le faut… Mais je vous en prie, s’il reste une parcelle de dresseur en vous, acceptez de relâcher vos Pokémon ! C’est pas pour moi que je le fais, mais pour eux ! S’il vous plaît…

Gauthier fut complètement ébranlé par le changement d’attitude soudain du jeune garçon. D’abord il lui faisait la morale, ensuite il se retrouvait à le supplier à genoux. Tout ça pour des Pokémon qui n’étaient pas les siens, et qui avaient même tenté soit de le tuer, soit de blesser à mort ses propres Pokémon. Genzo et Galopa étaient tout aussi impressionnés par un tel altruisme.

- Gauthier…, intervint le vieil homme. Pour une fois, fais ce que tu n’as jamais voulu faire : apprends de tes erreurs. Ne les laisse pas se reproduire. Relâcher tes Pokémon ne signifie pas que tout sera terminé pour toi. Nous t’offrons simplement une chance de tout recommencer à zéro. Et cette fois, tu ne le feras pas seul. Réfléchis-y, Gauthier.

Un malaise ambiant imprégna le silence. Sacha n’avait pas changé de position. Face contre terre, il attendait le verdict. Dans un premier temps, Gauthier fulmina : accéder à la requête de ce gamin sans rien dire ? Son honneur en serait à jamais sali. Puis il réalisa qu’en vérité, son honneur, il l’avait perdu depuis bien longtemps déjà. Qui était-il, sinon un être brisé qui avait souhaité tuer son propre fils pour venger un homme mort en partie à cause de lui ? Pouvait-on vraiment parler d’honneur, dans ces conditions ? Le respect et l’affection que Gauthier avait éprouvés pour Fantôme l’avaient aveuglé, lui qui s’était déjà engagé sur un sentier ténébreux.

Puis Gauthier se souvint d’un détail. Il avait délaissé délia pour la protéger du malheur qui le suivait partout où il allait. Mais ses Pokémon, eux avaient sans cesse baigné dans chacune de ses mésaventures.

Tout à coup, une immense lassitude envahit Gauthier. Il en avait assez de ce cycle répétitif et sans fin qui ne le menait qu’à une seule chose : le désespoir. Il en avait assez de passer son temps à pourchasser le spectre de l’homme qu’il avait toujours rêvé d’être, et qui lui était inaccessible.

Il devait bien donner raison à Sacha sur un point : il était temps que tout s’arrête.

- … C’est d’accord.

Sur ses joues, une larme salée se mêla à la pluie ruisselante.


~*~

Le crachin n’était désormais plus réduit qu’à une fine bruine proche du brouillard. Au loin, le ciel s’éclaircissait progressivement, sans toutefois que les nuages ne s’écartent suffisamment pour laisser passer le soleil.

De l’Usine de Pokéballs, il ne restait plus qu’un bâtiment à moitié détruit. Des volutes de fumée noire s’échappaient encore par certains endroits, malgré le travail de la pluie.

La police arriva sur les lieux en moins d’une heure. Très vite, officiers et Pokémon encerclèrent le Chasseur et le Sépiatroce. Tandis qu’ils s’affairaient, l’agent Jenny vint nous saluer, accompagnée d’un homme à l’embonpoint important et aux tempes blanchies par l’âge. Sa corpulence impressionnante faisait d’ailleurs qu’il peinait à tenir sur ses jambes. Mais malgré cela, il gardait une posture fière et droite allant de pair avec son œil sévère. Lem et Clem eurent la surprise de reconnaître en cet étrange personnage un certain commissaire Magret. Comme j’étais un peu perdu, Lem me raconta brièvement ce qu’il était advenu après ma fuite précipitée. Lorsque j’appris que mes amis avaient été placés en garde à vue et interrogés comme des criminels, la culpabilité m’écrasa de tout son poids. Je n’aurais jamais pu imaginer que ma lâcheté égoïste les mettrait dans un tel pétrin…

- Ne t’en fais pas, mon garçon, s’empressa de me rassurer le commissaire. Tes amis et toi avez été lavés de tout soupçon. À présent, nous savons qui était derrière tout cela, et grâce à vous, nous avons pu l’appréhender…
- Peut-être, mais pour l’usine ? fit valoir Lem. C’est tout de même l’un des piliers économiques de la région de Kalos. Le fait d’avoir été inculpés dans sa dégradation ne risque-t-il pas de nous porter préjudice ?
- En effet, vous n’êtes pas tout à faits blancs dans cette affaire, admit le policier. Néanmoins, je sais que vous n’avez jamais eu de mauvaises intentions, les enfants. Aussi… je vais faire de mon mieux pour alléger votre charge. Je ne sais pas si ma voix aura beaucoup de poids, mais j’espère réussir à vous éviter une tâche sur votre casier judiciaire.

Éberlués par une telle proposition, mes amis remercièrent chaleureusement monsieur Magret. Je me serais sans doute joint à eux, mais j’avais en réalité décroché de la conversation depuis un moment. Mon esprit était focalisé sur autre chose.

Le Chasseur, à présent dépossédé de son masque et de son uniforme, ne portait désormais plus qu’un justaucorps et un pantalon de cuir épais. Docile, il tendit les bras pour laisser l’agent lui passer les menottes. S’apercevant que je le fixais, il m’interpella :

- Au fait, gamin. Tu as bien dit que tu voulais devenir Maître Pokémon ?

J’acquiesçai sans rien dire.

- À voir ton regard, tu sembles prêt à tout pour atteindre cet objectif…, ricana-t-il. Mais j’ai une question pour toi : pourquoi tiens-tu tant à devenir un Maître Pokémon ?

Je fus complètement déstabilisé. Pourquoi ? Je ne m’étais jamais posé la question. Ce rêve, je le nourrissais depuis que j’étais tout petit, mais… Comment en étais-je arrivé à vouloir devenir le plus grand Maître Pokémon de tous les temps ? Je cherchai désespérément une réponse, sans qu’aucune ne me satisfasse vraiment.

Face à mon silence, le Chasseur esquissa un rictus qui m’irrita profondément.

- Le seul moyen de mentir, c’est de ne rien dire, hein… ?

Une sourde colère bouillonna en moi. J’avais envie de lui hurler : « Qu’est-ce que tu insinues ? Ce n’est pas toi, la raison ! Je n’ai jamais eu l’intention de marcher sur tes traces, ni de devenir comme toi. Tu n’as jamais été un exemple pour moi ! » Mais aucun de ces mots ne franchit mes lèvres.

Étonnamment, le Chasseur secoua la tête, comme s’il me demandait d’oublier ce qu’il venait de dire.

- Une dernière chose. Quand tu reverras ta mère… Dis-lui que je suis désolé. Pour tout.

La gorge serrée, je soutins son regard sans répondre. L’homme eut un sourire en coin, puis se détourna.

- Allez. Il est l’heure, dit l’agent Jenny.

Le Chasseur hocha lentement la tête, et laissa les officiers le conduire jusqu’à la voiture.

- Et vous aussi, vous venez avec nous, ajouta Jenny à l’intention de Genzo. Nous aurions quelques questions à vous poser, monsieur Genzo Yamato.

Le concerné fit la grimace. À présent que sa véritable identité, à savoir ancien agent de la Team Rocket, avait été révélée, j’imaginais qu’il devait être nerveux à l’idée de passer un interrogatoire de police. Néanmoins, il s’inclina respectueusement, acceptant la situation sans broncher.

- Quant à vous, nous allons vous escorter jusqu’à l’hôpital de Romant-sous-Bois histoire que vous passiez une batterie de tests, nous informa monsieur Magret. Vos Pokémon seront également pris en charge, cela va sans dire, ajouta-t-il en glissant un regard vers Pikachu.
- Merci beaucoup, monsieur, répondit Lem.

Les yeux baissés sur mon vieux copain toujours endormi, je restai muet, ruminant de sombres pensées. Quand soudain…

- AAAH !!

Je sursautai violemment à ce cri, les sens subitement en alerte. Horrifié, je vis Sépiatroce repousser les policiers chargés de l’escorter grâce à ses pouvoirs psychiques. Les Caninos, ainsi que l’Élecsprint de l’agent Jenny se jetèrent aussitôt sur lui pour tenter de le maîtriser. Malheureusement, la pieuvre les cloua au sol en une fraction de seconde. Ses tentacules glissèrent hors des menottes à la manière de deux anguilles.

- Il n’est pas décidé à se rendre ! Il dit qu’il abattra tous ceux qui tenteront de se mettre en travers de sa route ! s’égosilla Miaouss, traduisant les croassements furieux du Pokémon Psy.

Ce dernier, une fois ses membres libérés, s’attaqua aux bandes de ruban adhésif qui l’empêchait d’utiliser Hypnose, tout en lançant des Coupes Psycho au petit bonheur. Humains et Pokémon s’écartèrent vivement dans le désordre le plus total, chacun essayant d’échapper aux lames psychiques du mieux qu’il pouvait. Dans la confusion, je fus bousculé par Arcanin, et Pikachu m’échappa des mains. Je bondis aussitôt pour le rattraper. Une Coupe Psycho passa à deux centimètres de ma tête, et je partis en roulé-boulé, Pikachu de nouveau dans les bras.

- Sacha, attention !!
- DERRIÈRE TOI !

J’avais à peine repris mes esprits que les vois de Lem et Serena m’assaillirent. Lorsque je fis volteface, Sépiatroce se tenait au-dessus de moi, l’œil mauvais. Un vent de panique me glaça les sangs. Je n’arrivais plus à bouger, ni à penser. Tout ce dont j’eus conscience fut ce tentacule acéré qui se dirigeait à toute vitesse vers ma poitrine.

Puis plus rien. Tout cessa d’exister.