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» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 26/02/2017 à 10:58
» Dernière mise à jour le 26/02/2017 à 10:58

» Mots-clés :   Drame   Kalos   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Suspense

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Chapitre 29 - Pagaille sur le champ de bataille
Un chef peut bien avoir une armée entière sous ses ordres, s’il combat un groupe, même minuscule, de personnes unies, c’est comme s’il se battait seul.


~*~


À l’Usine de Pokéballs, les éléments se déchaînaient. Le vent, cinglant, sifflait tel un nid de serpents furieux. L’orage, si proche que l’on pouvait sentir l’électricité plomber l’air, faisait vibrer le sol. À la lisière du complexe, deux Pokémon électriques s’affrontaient. Le plus grand d’entre eux fouettait l’air de ses queues jumelles, effilées telles deux lames de rasoir. Son adversaire, bien plus petit, évitait ses assauts à répétition avec une célérité telle que, le temps d’un simple battement de cils, il se trouvait déjà à l’opposé de sa position d’origine. Un observateur téméraire aurait été bien incapable d’affirmer qui avait le dessus sur qui. Les rôles du dominé et du dominant s’inversaient sans cesse. Aux coups de griffes répondaient les coups de queue, aux coups de queue répondaient les morsures. Cette lutte acharnée s’accompagnait d’arcs électriques impressionnants, qui jaillissaient de part et d’autre en carbonisant tout ce qu’ils touchaient. Toute cette tension électrique attirait la foudre du ciel à eux. L’orage était devenu vivant ; et il joignait ses griffes et ses crocs à ceux des deux créatures qui s’entretuaient sous son ciel obscur.

Mais cela, personne parmi les êtres rassemblés à l’extérieur ne parut s’en soucier. Tous les regards pointaient désormais dans une seule et même direction : un homme, encerclé de trois Pokémon, et mis à terre aux côtés d’un Galopa. Ses longs cheveux ébène dressés sous l’effet d’électricité statique, ses yeux d’un bleu aussi sombre qu’une tempête en pleine mer, les marques en forme d’éclair qui se dessinaient en dessous… aucun détail n’échappa à ceux qui découvraient ce visage pour la première fois.

Aux côtés du Pokégroupe et de leurs Pokémon, Malva, la célèbre journaliste, rajusta ses lunettes sur son nez, et déclara avec un professionnalisme déconcertant :

- Gauthier Ketchum. Quarante-sept ans, originaire du Bourg-Palette, dans la région de Kanto. Ancien soldat de la Team Rocket, il a quitté l’organisation il y a cinq ans, peu après l’arrestation d’un autre membre surnommé "Fantôme au Masque d’Acier". Chasseur de Pokémon aguerri, il travaille essentiellement en tant que mercenaire pour le compte de nombreux clients dont l’identité reste d’autant plus inconnue qu’il effectue toujours son travail dans la plus parfaite discrétion.

Elle croisa les bras puis, sans laisser filtrer la moindre émotion, ajouta :

- Et ce bref résumé peut désormais s’enrichir d’une nouvelle information : cet homme est père d’un jeune homme de seize ans nommé Sacha Ketchum. Bien sûr, au départ, cette déduction a été faite uniquement à partir du nom. Mais la ressemblance physique évidente nous permet dès à présent d’affirmer que celle-ci était fondée.

Serena avala péniblement sa salive, oubliant presque de respirer. Enfin, après de longues semaines de souffrance, d’incompréhension et de terreur, le secret de l’Homme Masqué avait été révélé au grand jour. Sauf que la vérité était bien pire que tout ce que la jeune fille et ses amis s’étaient imaginés.
Cet homme, l’homme qui avait menacé de tuer Sacha, avait tenté de s’emparer de ses Pokémon, avait conduit Pikachu à devenir un Pokémon Obscur… Celui qui avait divisé leur équipe… Cet homme était le père de Sacha.

Ce dernier, le teint livide, écrasait le cuir de sa casquette entre son poing et sa poitrine. Son autre main trouva celle de Serena, et la pressa de toutes ses forces. Aucun mot ne pouvait décrire l’élan de pitié qui s’empara de la jeune fille en cet instant. Lui plus que quiconque devait être ébranlé par cette nouvelle.
Sacha la regarda à peine ; il inspirait et expirait avec une lenteur presque méthodique, s’accrochant à sa main comme s’il craignait de tomber sous le vent. Serena entremêla ses doigts aux siens, espérant que le jeune garçon arriverait à puiser une certaine force dans ce simple contact. Car de la force, il allait en avoir besoin.

Pendant ce temps, le chasseur de Pokémon – Gauthier Ketchum, donc – se redressa en position assise, de même que Galopa se coucha, ses pattes blessées repliées sous lui. Tous deux se dévisagèrent en silence.
Puis, contre toute attente, Gauthier sourit.

- Galopa… Tu n’as pas changé. Regarde-toi : dans quel état t’es-tu encore mis ? Ç’a décidément toujours été une manie chez toi, de t’attirer des ennuis, n’est-ce pas, vieux fripon ?

Serena craignit d’avoir mal compris. Pourquoi l’Homme – non, ce n’était plus l’Homme Masqué – le chasseur de Pokémon se comportait-il comme s’il connaissait Galopa ?

- Dis-moi, poursuivit-il, pourquoi restes-tu avec ce bon à rien de Genzo ? Ce n’est pas lui, ton dresseur, tu sais ?
- Je ne suis pas plus son dresseur que toi, Gauthier ! répliqua l’intéressé d’une voix vibrante. Pas après ce que tu lui as fait il y a cinq ans. Dois-je te rappeler que tu l’as abandonné ?
- C’est faux, répondit tranquillement le chasseur de Pokémon. Je n’ai jamais abandonné Galopa. Je lui ai laissé le choix : devenir plus fort, ou partir. (Son sourire se mua en rictus sinistre.) Il n’a simplement pas suivi l’exemple de ses petits camarades.

Arcanin et Florizarre grognèrent et rugirent, tendus comme des arcs, prêts à attaquer au moindre signe de leur dresseur. Le seul à rester calme fut Méga-Alakazam, le visage toujours dénué d’émotion.

- Tu as fait une grave erreur en choisissant de marcher sur les traces de Fantôme, dit Genzo. Les Pokéballs Obscur sont des objets bien trop dangereux pour être utilisés. Et ça, Galopa l’avait compris bien avant toi.

L’équidé hennit bruyamment, et tenta de se relever, en vain. Ses pattes flageolantes ne pouvaient plus supporter son poids. Indifférent, le chasseur le regarda faire sans mot dire.

- Alors Galopa était le Pokémon de l’Homme Masqué ? murmura Serena. Moi qui croyais que c’était celui de Genzo…
- En parlant de ce Genzo, intervint Lem en chuchotant, je le reconnais : il était dans la même base de données que ce Gauthier. Tous deux faisaient partie de la Team Rocket : l’un en tant que soldat, l’autre en tant qu’instructeur-formateur. Et tous deux ont quitté la Team Rocket le même mois de la même année.

Serena hocha la tête. Elle était déjà au courant des antécédents de Genzo et de son ex-élève.

- Je ne pensais pas qu’on le verrait ici, cela dit, ajouta Lem. Dis-moi, j’ai l’impression que vous le connaissez, Sacha et toi ?
- Moi pas vraiment, mais…

Serena coula un regard vers Sacha. Le jeune dresseur restait toujours aussi stoïque. Des mèches de cheveux noirs masquaient en partie ses yeux ; impossible de savoir à quoi il pouvait bien penser.

- Tu ne m’as jamais compris, Genzo, lâcha Gauthier avec mépris. Tout comme tu n’as jamais cherché à comprendre Fantôme. Pour vous, il était la pire des crapules… mais la vérité est que vous aviez peur de lui. Car il avait réussi là où tant d’autres avaient échoué.
- Tu peux me dire ce qu’il a réussi ? Mis à part maîtriser un pouvoir que personne au sein de la Team Rocket n’a jamais voulu créer ? Le projet des Pokéballs Obscur a été un véritable fiasco, et cet homme en a fait une arme dangereuse !
- Un fiasco ? Ah, non… (Gauthier détacha l’une des balles noires de sa ceinture, et la caressa du pouce.) Les Pokéballs Obscur sont loin d’être un échec. Elles ont permis aux Pokémon de retrouver leur puissance d’antan.

Serrant le noyau dans sa paume gantée, Gauthier se leva, et alla flatter l’encolure de son Florizarre. Le Pokémon émit un son guttural, sans quitter Genzo des yeux.

- Et cette puissance, c’est à présent moi qui la maîtrise, tout comme Fantôme l’avait fait avant moi, lâcha-t-il avec satisfaction. Ce que tu appelles un fiasco est en réalité l’essence même du pouvoir. Mais comme bien trop souvent, les lâches de ton espèce fuient ce pouvoir qu’ils convoitaient pourtant tellement, dès lors qu’ils s’en approchent de trop près. Sans vouloir me vanter, ni reprendre les termes de ce fou mégalomane de Lysandre, je dirais qu’il faut être un élu pour pouvoir contrôler cette force !

Son discours fut ponctué d’un rire sinistre. Sinistre, non plus à cause de l’écho métallique que renvoyait autrefois son masque de fer, mais à cause de la folie qui s’en dégageait.

- Et cet élu, poursuivit Gauthier, c’est moi, aujourd’hui ! En tant que digne héritier de Fantôme, j’ai fait mien ce pouvoir originel qui sommeille en chaque Pokémon ! Je suis désormais le dresseur le plus puissant de tous les temps ! Mais quoi ? Vous croyez peut-être que mon but est d’utiliser cette force pour conquérir le monde ? Eh bien, non… Je suis bien au-dessus de ça. Ce monde égoïste ne mérite pas que je m’intéresse à lui. Et vous autres, qui avez l’audace de vous dresser contre moi, ne valez pas mieux que des punaises. Je me sers de ma puissance non pas pour asservir, mais pour écraser tous ceux qui m’ont trahi, et m’ont fait souffrir ! Comme c’est votre cas à vous tous !

Ce fut le signal. Le combat allait commencer. Arcanin, Florizarre et Alakazam bandèrent les muscles, prêts à bondir. Mais Genzo fut plus rapide. Pokéball à la main, il s’avança vers Gauthier.

« Puisqu’il semble impossible de te raisonner, je n’ai plus le choix… Pardon, Sacha. »

- Que ce soit bien clair, clama Genzo haut et fort. Je suis le seul responsable des actions de ce forcené. C’est donc à moi qu’il incombe de l’arrêter avant qu’il ne commette plus de dégâts. Et je ne veux voir personne intervenir !

La Pokéball fendit l’air. Un flash bleu illumina les jardins, et un Tyranocif se matérialisa au beau milieu des combattants. L’espace d’un instant, ses yeux vitreux se posèrent sur chacune des personnes – humaines et Pokémon – présentes autour de lui. Puis il rugit, et une tempête de sable se leva.


~*~

Le sable était partout. Mêlée aux vents furieux de l’orage déjà menaçant, la tempête de sable devint dévastatrice. Il devint rapidement difficile d’y voir à plus d’un mètre devant soi. Genzo enfila une épaisse écharpe, et s’en couvrit le nez pour pouvoir respirer.

« C’est bien… Au moins, personne ne pourra interférer dans ce combat. Je ne voulais pas en arriver là, mais c’est la seule solution. »

- Tu peux me dire ce que cela signifie ?

N’étant plus habitué à ce que sa voix porte moins que lorsqu’il avait son masque, Gauthier dut s’y prendre à deux fois avant que Genzo ne l’entende au milieu de cette tempête. Les yeux fermés, il tâtonna pour trouver ce qu’il restait de son masque. Une fois celui-ci en main, il en extirpa la visière en verre rouge, et la plaça sur son nez. Si le sable brouillait toujours sa vision, au moins il pouvait mieux distinguer les silhouettes floues du vieil homme et de son Tyranocif.

- Depuis que tu as quitté la Team Rocket, je n’ai eu de cesse de te chercher, répondit Genzo. Je sais que c’est toi qui as volé les plans des Pokéballs Obscur après la mort de Fantôme.
- Et même si c’était le cas, qu’est-ce ça ferait ?
- Je te l’ai déjà dit : ces objets sont dangereux, et tu l’es encore plus ! Je me suis juré de t’arrêter une bonne fois pour toutes…et ce moment est venu !

Tyranocif rugit encore, et chargea. Nullement gêné par le sable, il était capable de repérer ses ennemis même à travers la plus terrible tempête. Le plus proche des Pokémon de Gauthier était alors Florizarre. Le Pokémon Plante bloqua l’offensive de son adversaire avec son corps massif. Front contre front, les deux mastodontes tentèrent de se repousser l’un l’autre.

- J’ai échoué à te garder dans le droit chemin, dit Genzo. Tes petites escapades avec Fantôme ont eu une mauvaise influence sur toi, et je n’ai pas réussi à le repérer juste à temps. Sa mort aurait dû sonner comme une libération, mais il n’en fut rien. Quand tu as annoncé que tu quittais la Team Rocket, j’ai compris qu’il était trop tard. Tu avais déjà changé.

Gauthier ne répondit pas. Tyranocif et Florizarre grognaient sous l’effort, aucun ne réussissant à prendre le dessus sur l’autre.

- Je me suis toujours senti responsable de ce changement. (La voix de Genzo se brisa.) Parce que je n’ai pas su détecter le problème alors qu’il était juste sous mes yeux. Et à cause de ça, je…
- Arrête de parler, et bats-toi.

Genzo sursauta. Même sans masque, la voix de Gauthier restait sombre et grave, quand bien même elle était étouffée par les mugissements du vent.

- Tu as parlé de m’arrêter, non ? Eh bien, vas-y, ne te gêne pas. Mais pour cela, il faudrait d’abord que tu arrêtes de bavasser, vieux schnoque.

Genzo grommela dans sa barbe. Tant d’années avaient passé… et enfin, il avait trouvé le courage de se confronter de nouveau à Gauthier. Le souvenir de sa dernière défaite le tourmentait encore, en cet instant crucial. Mais voir le courage et la détermination de Sacha pour sauver son Pikachu lui avait redonné espoir. Il avait décidé d’agir, une bonne fois pour toutes.

D’une certaine manière, le chasseur avait raison. Les mots étaient devenus inutiles. À quoi bon tenter de raisonner un homme dont le cœur avait été corrompu depuis si longtemps ? Le seul langage que comprenait Gauthier, c’était celui du combat. Et s’il le fallait, Genzo était prêt à y répondre. Le vieil homme serra les dents.

- Tyranocif, lance Poing-Glace !

Le lézard géant arma son poing et frappa avec une brutalité déconcertante. Florizarre fut prisonnier de la glace en un instant. Ou du moins, Genzo le crut-il. Mais aussitôt, la glace se brisa, révélant un enchevêtrement de lianes formant un barrage au-dessus de la tête du Pokémon Fleur.

« Il s’est protégé ! » comprit Genzo. L’ouverture était parfaite pour permettre à Gauthier de riposter ; quelle erreur ! Mais contre toute attente, le chasseur ne réagit pas. Passé les premières secondes d’incrédulité, Genzo se ressaisit vite.

- Utilise Lame de Roc !

Tyranocif recula promptement, et frappa le sol de son poing. Des pics rocheux acérés surgirent de terre, prêts à transpercer Florizarre.

- Canon Graine.

Le Pokémon Plante tira une rafale de graines depuis sa fleur géante, qui explosèrent en rencontrant les pics rocheux. Le vent tourbillonna furieusement, si bien que Genzo dut s’accroupir pour éviter de s’envoler. Tendu, il attendit la contrattaque de son adversaire.

Qui ne vint pas. Gauthier restait obstinément planté derrière son Florizarre, sans esquisser le moindre mouvement. Étonné de le voir aussi impassible, Genzo choisit de continuer l’offensive.

- Contourne-le, puis lance Draco-Queue !

Le Pokémon Roche/Ténèbres s’exécuta, se déplaçant à grande vitesse malgré son corps gigantesque. Sans le quitter des yeux une seconde, Florizarre bloqua sa queue aux écailles rugueuses à l’aide de lianes puissantes.

- Lance encore Poing-Glace ! enchaîna le vieil homme.

Mais au moment même où Tyranocif s’apprêtait à frapper, les lianes le tirèrent vers l’arrière. Déséquilibré, le lézard géant s’étala de tout son long avec fracas. De nouveau, alors que son adversaire s’attendait à une riposte, Florizarre resta immobile, les yeux rivés sur son opposant.

Genzo n’y comprenait plus rien. Florizarre avait beau avoir l’avantage du type, il ne faisait qu’esquiver les coups. Non, c’était pire que ça : il fuyait le combat. Florizarre parait chaque assaut de Tyranocif avec une habileté déconcertante, mais ne répliquait jamais, même quand l’occasion se présentait. Fou de rage, Genzo serra les poings.

« À quoi joues-tu, Gauthier ? » N’était-ce pourtant pas son ex-élève qui lui avait demandé de se battre ? Alors pourquoi lui refusait-il de le faire ?!


~*~

Les Sépiatroces, que toutes ces histoires d’humain ne concernaient absolument pas, se concertèrent du regard. Avec cette tempête de sable, plus personne ne pouvait les voir. C’était le moment ou jamais de filer en douce. Qu’importe que la production de l’usine eût été stoppée. Ils avaient déjà tout un stock de Pokéballs Obscur, qui n’attendaient que d’être livrées à leur quartier général. Leur objectif était atteint, même si ce n’était que partiellement. Plus rien ne les retenait ici, encore moins maintenant que la situation s’envenimait.

Furtivement, ils se dirigèrent vers l’extérieur de l’usine, où les attendaient pas moins de deux camions déjà chargés à ras bord de leur précieuse marchandise. Plus qu’à prendre le volant – car comme si cela ne suffisait pas, ces Pokémon savaient conduire – et alors que les humains s’entredéchireraient, eux seraient déjà loin.
Mais tandis qu’ils jubilaient de ce plan d’évasion si parfait, des voix s’élevèrent de derrière les engins :

- Hé, vous avez vu ça ? On dirait qu’il y a du grabuge à l’usine !
- Occupe-toi plutôt de décharger tout ce bazar, au lieu de flâner !
- Bon sang, mais y’en a encore combien, de ces Pokéballs ?

Les Sépiatroces en restèrent béats. Deux humains escortés de quatre Pokémon étaient en train de dévaliser leurs camions ! L’un d’entre eux, un Qulbutoké, les remarqua, et poussa aussitôt plusieurs cris d’alerte. Dérangés dans leur travail, les bandits levèrent les yeux. Et se figèrent d’un seul coup.

- Oh-oh… On a de la compagnie…, miaula Miaouss.

Furieux, le Sépiatroce balafré tira un Rayon Signal droit sur les sbires de la Team Rocket. Ceux-ci s’écartèrent en hurlant tout ce qu’ils savaient, lâchant par-là même quelques sacs remplis à craquer de Pokéballs Obscur. Cette vue attisa la rage des Sépiatroces. Ces humains horripilants avaient dépassé les bornes, cette fois. Leur patience était à bout.

- Vous cherchez la bagarre ? les provoqua James.
- Navrée, mais ces Pokéballs sont à nous désormais, enchérit Jessie. Banshitrouye, lance Canon Graine !

Le Pokémon Spectre mitrailla les Sépiatroces, qui ripostèrent à grand renfort de Coupe Psycho et Rayon Signal. Mais leur fatigue les trahit ; les graines de Banshitrouye eurent vite fait de passer au travers de leurs attaques.

- Ils sont épuisés ! comprit James, qui n’allait pas laisser une si belle occasion lui échapper. Sépiatop, utilise Charge !

La pieuvre miniature sourit. Enfin elle tenait sa revanche sur ses prétentieux d’aînés ! Sans retenue, Sépiatop frappa de toutes ses forces en plein dans l’abdomen du premier Sépiatroce, lui arrachant un hoquet de douleur. Le second s’apprêtait à venir en aide à son collègue, quand de puissantes racines surgirent du sol, et l’immobilisèrent. Une lueur verte émana ensuite des végétaux, et le Sépiatroce sentit aussitôt ses forces déjà bien maigres s’amenuiser davantage.

- On fait moins les malins, pas vrai ? dit Jessie avec un sourire triomphant.

Croassant férocement, le Sépiatroce balafré trancha l’attaque Vampigraine avec Coupe Psycho, et libéra son semblable. Ce dernier s’écroula, à bout de forces. Voyant que la victoire allait finir par leur échapper, le Pokémon Révolution décida de jouer le tout pour le tout. D’une attaque Psyko, il envoya Banshitrouye percuter Sépiatop.

- Ils sont déterminés ! s’écria Miaouss, de plus en plus nerveux.

Sépiatroce hurla, et alluma ses lumières ventrales au maximum.

- Attention ! hurla le félin. Protégez vos yeux de la lumière !!

Pokémon et humains fermèrent les paupières, détournèrent la tête, cherchant par tous les moyens à fuir cette lueur aveuglante. Soudain, ils entendirent le croassement de Séptiatroce.

- Il va nous attaquer !! traduisit Miaouss. Il veut profiter qu’on ait les yeux fermés pour nous pilonner comme des poulets !
- Qulbutoké, fais quelque chose !! hurla Jessie.

Malheureusement, le Pokémon bleu n’osait pas ouvrir les yeux, de peur d’être hypnotisé par ces affreuses lumières. Le Sépiatroce balafré sourit. Il n’y avait pas d’échappatoire pour ces mécréants. D’un croassement sec, il ordonna à son collègue de faire feu. L’intéressé puisa dans ses dernières ressources, et se prépara à attaquer.

Quand soudain, surgie de la tempête de sable à proximité, une ombre fondit droit sur lui, et referma ses mâchoires sur son cou. Le Sépiatroce n’eut même pas le temps de pousser un cri. En un instant, le Lance-Flammes tiré à bout portant le brûla au premier degré. Son corps cramoisi et fumant tomba avec un bruit mat sur le sol, sous les yeux exorbités de son complice.

Les lumières s’éteignirent d’elles-mêmes. Surpris, Jessie et les autres ouvrirent prudemment les yeux. Et faillirent hurler de terreur.

Un Arcanin au regard de braise se tenait entre eux et le Sépiatroce.


~*~

Du côté de Serena et ses amis, c’était la panique. Le sable soulevé par le Talent Sable Volant frappait les visages, bouchait les narines, et s’engouffrait sous les paupières. Les Pokémon se rassemblèrent aussitôt autour de leurs dresseurs afin de faire écran au sable – une bien maigre protection, cependant.

- Grand-frère ! J’y vois plus rien !
- Mais qu’est-ce qui se passe ?! s’écria Lem. Je croyais que Genzo était de notre côté ?!

Serena ne sut quoi lui répondre. Pour elle aussi, la réaction de Genzo était très étrange. D’un autre côté, peut-être cherchait-il à les protéger ? Avec cette tempête, le chasseur de Pokémon aurait plus de mal à les trouver… Mais pourquoi tenait-il tant que ça à l’affronter lui-même ?

Serena réfléchissait à tout cela lorsque soudain, elle réalisa qu’elle ne sentait plus la main de Sacha dans la sienne. Le jeune dresseur s’était éclipsé sans qu’elle ne s’en rende compte. Folle d’inquiétude, elle l’appela à travers la tempête. Mais au milieu du sable, ses cris devenaient inaudibles.
Une main se posa alors sur son épaule. Les yeux mi-clos à cause de la poussière, Serena espéra reconnaître Sacha. Mais la voix qui lui souffla à l’oreille fut celle de Malva :

- Reste près de moi, jeune fille. Ne vous éloignez pas, c’est compris ? ajouta-t-elle à l’intention de Lem et Clem.
- Sacha ! s’écria Serena. Sacha a disparu !
- Oh non ! Croâporal aussi ! renchérit Clem.
- Quoi ? s’étrangla son frère. Mais où est-ce qu’ils sont encore passés ?! C’est vraiment pas le moment !

Une cacophonie de cris s’éleva soudain du groupe de Pokémon. Les trois amis levèrent la tête, et poussèrent un même cri de stupeur : Alakazam se tenait juste devant eux ! Les cinq cuillers du Pokémon Psy tournaient en cercle autour de lui, légèrement illuminées par un halo violacé.

- Il semblerait que le combat soit inévitable, commenta Malva.

Au même instant, Alakazam fit prendre à ses cuillers une forme de pentagone, duquel se forma une Ball’Ombre surdimensionnée. Immédiatement, Malva riposta avec un Lance-Flammes de son Démolosse. Les deux attaques firent se mêler poussière et fumée, au grand dam des trois compagnons et de leurs Pokémon, qui suffoquaient.

- Filez d’ici, dépêchez-vous, leur ordonna Malva. Échappez-vous par ce côté.
- Mais…et vous ? demanda Lem.
- Je m’occupe de calmer les ardeurs de ce Pokémon Obscur. Vous, il faut que vous alliez à l’extérieur du complexe. Je suis certaine que les Sépiatroces profiteront de la pagaille générale pour s’enfuir.

Les trois amis écarquillèrent les yeux malgré eux, avant de les refermer lorsque les grains de sable y pénétrèrent. Les Sépiatroces ! Ils avaient failli les oublier ! Lem hocha la tête, avant de se dire que leur alliée improvisée ne pouvait peut-être pas le voir au milieu de tout ce sable volant.

- D’accord, on s’en occupe. Et vous, soyez prudente ! (Puis, à l’intention de Clem et Serena :) Allez, les filles, on y va !

Les deux intéressées ravalèrent leur surprise et suivirent le jeune champion. L’urgence de la situation semblait lui avoir subitement donné des ailes. À moins que ce ne fût l’idée de pouvoir enfin se rendre utile en stoppant les Sépiatroces…

Seulement, leur retraite avait beau être masquée par la tempête, elle n’échappa pas aux sens surdéveloppés d’Alakazam. Le Pokémon Psy se tourna dans leur direction, et prépara plusieurs Ball’Ombre. Soudain un Vibrobscur le frappa de plein fouet, faisant par-là même exploser ses projectiles spectraux. Alakazam rappela ses cuillers autour de lui, et braqua ses yeux sans émotion sur Démolosse et Malva.

- Navrée, très cher, sourit tranquillement Malva. Mais j’ai bien peur de ne pas pouvoir te laisser faire du mal à ces jeunes gens.

Démolosse gronda, avant de sauter sur son adversaire. Celui-ci s’esquiva, se déplaçant avec fluidité dans l’air malgré la tempête de sable. Démolosse le prit en chasse, mais chaque fois qu’il bondissait sur lui, ses mâchoires se refermaient sur du vide. Au bout d’un moment, Alakazam lévita un peu plus haut dans les airs, joignit les mains, et poussa un cri guttural, quoique teinté d’une légère mélodie. Un craquement sinistre se fit alors entendre.

« L’orage ? » se demanda Malva. Une goutte humide et froide tomba alors au creux de son cou. Puis une deuxième s’écrasa à ses pieds, suivie d’une troisième. En quelques secondes, ce fut un véritable déluge qui s’abattit sur les jardins de l’Usine Pokémon. L’air et le sol furent lavés de tout le sable, dont il ne restait plus que de vulgaires flaques boueuses imprégnant le gazon.

Malva remonta ses lunettes – à présent nettoyées – sur son nez. Amusée, elle se prit à sourire de nouveau.

- Danse Pluie, hein ? Je vois. En utilisant cette attaque, non seulement tu t’évites les dégâts dus à la tempête de sable, mais en plus tu affaiblis les attaques de type Feu de mon Démolosse. Je dois l’admettre, c’est bien joué. Tu as beau ne plus avoir toute ta volonté, tu n’en restes pas moins un Pokémon très intelligent, et très bien entraîné.

Démolosse secoua son pelage détrempé, sans toutefois quitter des yeux son adversaire. Celui-ci descendit de quelques mètres, avant de replacer ses cuillers en formation pentagonale.

- Seulement, poursuivit Malva sans se démonter, tu sembles avoir négligé – ou ton dresseur semble avoir négligé – un détail crucial.

La jeune femme porta sa main à son cou, et dévoila un pendentif dissimulé derrière son pull. A l’extrémité du cordon, retenue par un alliage métallique soigneusement travaillé, une Gemme Sésame resplendissait de toute sa beauté irisée. Lorsque les doigts de Malva l’effleurèrent, la gemme s’illumina.

- …ton adversaire n’est pas n’importe quel dresseur. Je suis Malva, membre du Conseil Quatre de la région de Kalos. Et je vais te montrer ce que cela signifie.

Le collier de Démolosse se mit à briller lui aussi, sa lumière entrant en résonance avec celle que Malva tenait au creux de sa main.

- Enflamme-toi, Démolosse… Méga-Évolution !

Le hurlement du chien cornu perça la tempête, tandis que son corps se métamorphosait sous les yeux de Méga-Alakazam. Et, pour la première fois depuis longtemps, dans ces yeux brilla l’éclat d’une émotion particulière.

La stupeur.


~*~

Loin du tumulte de l’extérieur, Sonistrelle vagabondait dans les couloirs sombres de l’usine, les oreilles dressées pour capter la moindre information que lui renvoyaient ses ultrasons. Avec la panne d’électricité, le bâtiment était plongé dans l’obscurité ; Sonistrelle était ainsi dans son plein élément. Aussi silencieux qu’une ombre, il appliquait à la lettre les recommandations de Sacha : ne surtout pas se faire repérer.

Toutefois, lui non plus ne repérait personne, pour le moment, à sa grande déception. Si seulement il pouvait trouver quelque chose, ou même quelqu’un capable d’aider Sacha et les autres… !

Soudain, un cri résonna au fond du couloir. Sonistrelle pila, et se maintint dans les airs quelques instants, toute ouïe. Le cri provenait de la droite. Son origine était assez loin par rapport à la position du type Dragon. Seuls le vide des lieux et le matériau composant les murs permettaient à son écho d’être aussi bien renvoyé. Sonistrelle écouta encore. Ce cri, s’il ne se trompait pas… Il devait en avoir le cœur net. Sonistrelle suivit la direction de l’écho.

Il déboucha sur une pièce relativement grande, dépourvue de machines comme celles de tout à l’heure. De grandes baies vitrées remplaçaient les murs sur trois faces, et le mobilier se résumait à un bureau et deux-trois étagères. Lesquels, en l’occurrence, étaient brisés en morceaux et gisaient à présent sur le sol. Des bouts de papier déchiquetés s’envolèrent sous le vent, qui s’engouffrait par un trou créé dans la baie vitrée. Au milieu des débris de verre, Sonistrelle finit par trouver celui dont il avait reconnu le cri.

Brutalibré.

- Ni ! Nini-strelle ! (Ohé ! Herma-Libré !)

En entendant les babillements de son jeune homologue, Brutalibré fit volte-face. Ses yeux jaune-orangé luisaient dans la faible pénombre. De petites étincelles crépitèrent brièvement au niveau de son crâne. Un grondement sourd s’échappa de sa gorge tandis qu’il avançait, lentement, en direction de Sonistrelle.
Celui-ci atterrit sur une planche de bois dressée vers le ciel, et bombarda son ami d’ondes sonores. La fréquence choisie lui permit de constater l’état physique de Brutalibré ; et il n’était pas très bon. Fractures, contusions et même lésions internes étaient légion. C’était à se demander comment le Pokémon Combat pouvait encore tenir debout.

- Niii… (T’es blessé…) Soso-nistrelle. (Attends, on va aller voir papa-Sacha. Il va te guérir, j’suis sûr.)

Brutalibré ne répondit pas, mais s’arrêta. Ses grognements gagnèrent en intensité. Bien que nerveux, Sonistrelle ne bougea pas de sa position, et essaya encore de raisonner son ami :

- Soni ! Strelle ! (Allez, viens !) Ni-ni, ni- (J’t’emmène près de papa-Sacha. Il-)

Brutalibré n’attendit pas la fin. Vif comme l’éclair, il se jeta sur Sonistrelle, et le frappa en plein ventre. Le souffle coupé, le petit Pokémon fit plusieurs culbutes dans les airs. À peine réussit-il à se redresser que Brutalibré le renvoyait visiter le sol d’un violent Poing-Karaté. Sonistrelle traversa le bois d’une commode, qui explosa sous le choc. Des petites échardes piquèrent la peau fine sous ses écailles, lui arrachant une plainte.

- Soni ! Sonistrelle ? (Arrête ! C’est moi, tu m’reconnais pas ?)

Mais le type Combat ne l’écoutait pas. Hurlant comme un sauvage, il écarta les ailes, et lança Flying Press. Réactif, Sonistrelle roula sur le côté à temps, puis chercha à s’enfuir par les airs. Seulement Brutalibré ne semblait pas disposé à le laisser s’échapper. Utilisant les nombreux débris au sol, il prit de la hauteur, et réussit à atteindre Sonistrelle. Ses griffes tailladèrent l’air en croix. Sonistrelle replia aussitôt ses ailes, et l’attaque Plaie-Croix ne trancha que la vitre, qui explosa. En atterrissant, Brutalibré se coupa la peau des pieds sur les tessons, et gémit de douleur.

- Soni ! Soni ! (Herma-Libré ! Arrête, tu vas te blesser !)
- Brutaaa !!

Sourd aux appels de son ami, Brutalibré sauta, genou en avant. Par réflexe, Sonistrelle vira de côté pour l’éviter, avant de se souvenir que Pied Voltige infligerait de lourds dégâts si Brutalibré ratait son attaque. Ses yeux s’agrandirent sous la terreur, mais il était trop tard. L’oiseau catcheur s’écrasa sur le bureau, et son sang moucheta le bois verni.
Inquiet, Sonistrelle appela une fois de plus Brutalibré. Puis ses yeux perçants remarquèrent quelque chose d’étrange.

Un petit objet semblait être accroché au sommet du crâne de l’oiseau de combat. Au moment même où ses yeux se posèrent dessus, l’objet en question crachota de petites étincelles violacées. La seconde suivante, Brutalibré hurlait comme un forcené, avant de sauter en direction de Sonistrelle. Heureusement – ou peut-être pas – le corps de Brutalibré le ramena à la réalité : ses jambes cédèrent avant qu’il n’ait fini son saut, et Brutalibré s’écroula. Cependant, malgré un corps meurtri et son état d’extrême fatigue, l’oiseau catcheur persistait à vouloir attaquer Sonistrelle. Les yeux de ce dernier se voilèrent. Pourquoi Brutalibré voulait-il tant lui faire mal ? N’étaient-ils pas amis ?

Puis soudain, une idée lui vint. Sonistrelle prit son envol, avant de s’arrêter dans les airs, ailes écartées au maximum, pile au-dessus de Brutalibré.

- Niiii ! (Por Mexico !)

Sonistrelle lança Charge sur Brutalibré. Il percuta son torse de plein fouet. Le coup, s’il arracha un gémissement à l’oiseau, ne le fit en revanche même pas basculer. Les étincelles crépitèrent de nouveau. Brutalibré gronda, mais ne bougea pas.

Rapidement, Sonistrelle s’écarta, prit de l’altitude, et recommença :

- NIIII !! (POR MEXICO !!)

Une fois de plus, l’attaque Charge toucha Brutalibré en plein torse. Mais le coup était si faible qu’il le fit à peine chanceler. Immobile, l’oiseau de combat fixait Sonistrelle, ne sachant comment réagir. Ces mots, "Por Mexico"… Pourquoi lui étaient-ils si familiers ?

Le Pokémon Dragon, au lieu de s’écarter, s’accrocha cette fois à son aîné. De petites larmes salées roulèrent sur ses joues.

- Ni-strelle… (J’suis dev’nu fort moi aussi…) Soni ! (Et j’vais te sauver, Herma-Libré !)

Les pupilles de Brutalibré s’étrécirent légèrement. Des souvenirs vinrent l’assaillir de manière confuse.

Une forêt immense. Lui en train de s’entraîner dans cette même forêt. Ses compagnons, qui s’exerçaient à ses côtés. Et Sonistrelle, l’air heureux et fier, qui lui montrait ses progrès.

Sa puissance est ridicule… Mais il se donne à fond ! Ce pequeño a dou courage !

Brutalibré manqua de s’étouffer. Ces mots… étaient-ce les siens ? Oui, c’était ce qu’il avait pensé lorsque Sonistrelle avait testé son attaque Charge sur lui.

Que de faiblesse. Comment peut-il survivre ?

Brutalibré secoua la tête. Non ! Il survivrait ! Sonistrelle ne mourrait pas. Pas ce petit gars si courageux…

Tue-le. Tu dois te battre. Pour survivre !

Mais quelle était cette voix qui lui parlait ? Allait-elle se taire ? Pourquoi lui demandait-elle de tuer…

Porqué tou me démandes de touer el pequeño ?!

Brutalibré hurla à s’en briser la voix. Sa tête lui faisait tellement mal ! Son cerveau semblait s’être changé en bloc de lave en fusion. Il suffoquait, incapable de respirer sans avaler sa langue. Ses yeux injectés de sang ne voyaient plus la pièce, ni le bureau, ni Sonistrelle.

Ce dernier, devant la souffrance de son ami, décida qu’il était temps d’agir. Puisant dans ses dernières forces, il grimpa le long du torse de Brutalibré, et s’accrocha à sa tête. Aveuglé par les ailes du petit Pokémon qui lui bouchaient la vue, Brutalibré s’ébroua comme pour chasser une mouche. Sonistrelle tint bon et, dans un dernier effort, mordit la puce noire qui trônait au milieu des plumes de l’oiseau catcheur. Il sentit l’appareil miniature se briser sous ses crocs, et mourir en crachotant quelques dernières étincelles.

Brutalibré se figea sur place. Lentement, la douleur s’estompa. La présence parasite qui paraissait avoir élu domicile sous son crâne s’en alla, et les voix se turent.
Le silence retomba dans la pièce. Tout doucement, Sonistrelle descendit de son perchoir, levant de grands yeux inquiets sur son aîné. Les prunelles de ce dernier retrouvèrent leur couleur d’origine. Brutalibré cligna des paupières, et parut apercevoir Sonistrelle pour la première fois. Il sourit.

- Bruutaa. Libréé… (T’as réoussi. Pequeño…)

Les jambes de Brutalibré cédèrent sous son poids. Son corps s’affala mollement sur le sol, juste devant Sonistrelle. Celui-ci appela Brutalibré avec frénésie. Quel ne fut pas son soulagement lorsqu’il vit les flancs de son ami se soulever et s’abaisser de nouveau, régulièrement. La fierté gonfla le cœur du petit Pokémon. Brutalibré était redevenu comme avant. Il l’avait libéré de l’énergie négative.

Ce fut donc heureux et rasséréné que Sonistrelle s’évanouit aux côtés de celui qu’il appelait son "grand-frère".


~*~

Tyranocif chargeait, chargeait encore et toujours, sans jamais réussir à atteindre son adversaire. Celui-ci multipliait les ruses pour échapper à ses coups : barrage de lianes, contrattaques à distance… Si Tyranocif n’était jamais touché, ces offensives qui ne trouvaient jamais leur cible l’épuisaient à rythme bien trop élevé. Et cela Genzo s’en rendit bien compte.

« Tyranocif ne tiendra pas longtemps… Son système nerveux est encore trop instable pour supporter un combat extrême. Je pensais en finir rapidement avec lui, mais… »

Bien que le sable lui brûlât les yeux, l’ancien formateur de la Team Rocket chercha à croiser le regard de son élève. Avec cette visière rouge qui remplaçait ses yeux, Gauthier ressemblait à un cyclope au milieu d’une tempête. Le reste de son visage ne laissait filtrer aucune émotion.

- Eh bien, que t’arrive-t-il ? hurla Genzo. Tu as peur de m’affronter ou quoi ? Arrête de fuir, et bats-toi sérieusement, Gauthier !

L’intéressé ne répondit pas. Ce fut à peine s’il remua un cil. Genzo sentit une sueur froide lui tremper le dos. Sa tentative d’invectiver Gauthier avait échoué, ce qui était particulièrement anormal. Dans ses souvenirs, son ancien élève était plutôt du genre à répondre à ce genre de provocations…
Soudain, par-delà les sifflements du sable, un grondement sourd résonna autour d’eux. Rapidement, la tempête de sable fut dissipée, à mesure que la pluie s’invitait sur la zone de combat.

« Il pleut ?! Non, pas maintenant ! » L’avantage que tirait Tyranocif de la tempête de sable n’était plus d’actualité, désormais, ce qui signifiait que la défense de Genzo allait considérablement diminuer. « D’un autre côté, s’il ne riposte pas, ça ne posera pas de problème… »

Sauf que le problème était là, justement. Pourquoi Gauthier ne ripostait-il pas ? Il avait pourtant l’avantage du type. Et même sans cela, ce n’était pas le genre d’homme à refuser un combat. Alors pourquoi ?

- … Je ne gagnerai décidément jamais rien à te combattre, Genzo.

L’intéressé n’en crut pas ses oreilles. Ces mots, teintés d'une émotion à mi-chemin entre le dépit et la lassitude, lui firent l'effet d'un coup de poing en plein ventre. Secouant la tête, Gauthier poursuivit :

- Tu n’as pas changé : toujours à balancer de belles paroles en l’air. Mais quoi que tu fasses, tu n’es bon à rien ! Tu n’as jamais su me comprendre comme le faisait Fantôme !

Un éclair alluma le ciel. Alors Genzo la vit. Le verre rouge des "lunettes" de Gauthier s’était fissuré, lui faisant perdre de son opacité. Genzo put voir ses yeux. Et surtout, il vit la douleur qui brillait au plus profond de ces prunelles. L’énormité de sa faute lui tomba dessus comme une masse, lui coupant le souffle.

Gauthier ne fuyait pas le combat. Il attendait quelque chose de cet affrontement. Il cherchait à tirer quelque chose de cet affrontement. Mais quoi ? Que cherchait-il ? Ne pas avoir de réponse à cette question était là la plus grande faute de Genzo. Et il s’en rendait compte à présent.

Sauf qu’il était trop tard.

Genzo entendit à peine l’ordre de Gauthier. Les sons se brouillèrent, sa vue se troubla. Tout ce qu’il vit et entendit furent les bribes d’un souvenir surgi des tréfonds de sa mémoire :

« Gauthier ! Combien de fois dois-je te le répéter ?! Cesse d’attaquer sans réfléchir ! Tu dois apprendre à ob-ser-ver les mouvements de ton adversaire. Autrement tu te prendras toujours son attaque de plein fouet !
- Rah, la ferme ! Arrête de me dire ce que je dois faire, vieux schnoque ! T’es pas mon père !! »


- Florizarre, utilise Tempête Florale !

Le Pokémon Plante rugit férocement, et déclencha une vraie tornade faite d’eau et de feuilles acérées. Tyranocif, bien trop proche, ne put l’éviter. Les feuilles tailladèrent ses écailles rendues molles par la pluie, et cisaillèrent la peau fine en dessus. Son cerveau fragile ne put supporter une telle décharge de douleur. Avec un hurlement déchirant, il s’évanouit et s’écroula sur le sol. Le fracas de sa chute réveilla instantanément Genzo.

- Tyranocif, non !

Le vieil homme voulut se précipiter aux côtés de son Pokémon, quand une violente bourraque le déséquilibra. Emporté par le souffle de l’attaque Tempête Florale, il s’étala de tout son long dans la boue. Une violente douleur remonta le long de sa colonne vertébrale.

- Malgré toutes ces années, tu continues de me prendre de haut…

Genzo recracha le sable et la boue qui s’étaient introduits dans ses narines. Trempé, vaincu, déshonoré, il ne trouva pas la force de relever la tête. Mais plus que la défaite, ce fut ce sentiment d’échec, ce sentiment de ne pas avoir été – une fois de plus – à la hauteur pour aider Gauthier, qui lui fit monter les larmes aux yeux.

- Parce que c’est toi l’aîné, tu penses tout savoir sur tout ? cracha le chasseur avec un mépris palpable. Tu crois être en droit de me corriger ? Mais qui es-tu pour me dire si mes actions sont justes ou injustes ?!

Genzo n’eut ni la force, ni le courage de répondre quoi que ce soit. Il avait échoué. Plus rien d’autre ne comptait. Devant un tel silence de la part de son ancien maître, Gauthier sentit sa frustration grandir. Genzo était comme tous les autres. Les ordres, les ordres, toujours les ordres. Il s’était toujours pensé meilleur juge que lui parce qu’il était son supérieur hiérarchique. Mais qui se souciait de ce qu’il pensait lui ? Qui ?

- Personne, évidemment…, répondit-il à soi-même. Vous n’en avez jamais rien eu à faire, de ce que je pensais ! Jamais ! Utilise Canon Graine !

Florizarre réagit aussitôt, et braqua le sommet de sa fleur vers Genzo. Ce dernier relâcha ses muscles. Cette fois, c’était terminé. La haine de Gauthier l’avait emporté. Genzo espéra juste que sa souffrance soit de courte durée…

Tout à coup, une explosion le tira de sa torpeur. Instinctivement, le vieil homme se redressa, les sens en alerte.

Il crut bien rêver en reconnaissant Galopa, campé bien droit entre lui et Florizarre. Sous la pluie battante, les flammes de l’équidé rapetissaient à vue d’œil. Néanmoins, elles continuaient de brûler avec ardeur, tandis que le type Feu toisait son ancien dresseur avec une colère non dissimulée.

- Eh bien, eh bien… Qu’est-ce qui te prend, Galopa ? Tu protèges ce moins-que-rien, maintenant ?
- Pou…pourquoi tu fais ça… ? haleta Genzo. Arrête tes conneries, et va-t’en, stupide canasson…

Galopa fit la sourde oreille. Qu’importent ses blessures, qu’importe la pluie, et qu’importe que ce monstre qui se cachait derrière ce Florizarre fût un jour son dresseur. Jamais il ne laisserait quiconque faire du mal à celui qui l’avait nourri, soigné et protégé durant ces cinq dernières années.

Cependant, lui-même devait l’admettre : son intervention ne ferait jamais pencher la balance. Ses jambes peinaient à supporter son poids ; ce n’était que grâce à son entêtement impressionnant que Galopa trouvait encore la force de se tenir debout. Dansant d’une patte sur l’autre, il hennit avec défi à l’intention de Gauthier et Florizarre.

- Tss… Sérieusement ? Tu crois encore pouvoir me tenir tête ? Ta persévérance minable est en train de te tourner en ridicule, tu sais.

Indifférent aux paroles de son ancien maître, Galopa maintint le contact visuel, sans cesser de transférer son poids d’une patte à l’autre. Ces spasmes incessants ne firent qu’accroître l’angoisse de Genzo.

« Ne fais pas ça ! Fuis tant qu’il est encore temps ! », voulut-il dire. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.

- Cela dit, reprit le chasseur, je savais qu’un jour, tu finirais par revenir vers moi…

Il porta la main à sa ceinture, et brandit une Pokéball noire. Si Galopa écarquilla les yeux, il ne broncha pas. Gauthier avança d’un pas.

- Si tu savais comme j’ai été déçu d’apprendre que tu refusais de me suivre… Toi, mon plus fidèle compagnon. Ç’a été une véritable torture pour moi de devoir te remplacer dans mon équipe.

Encore un pas. Galopa tremblait de plus en plus. Le souffle rauque, il luttait contre tout un tas d’émotions contradictoires. Les souvenirs de sa rencontre avec Gauthier vinrent l’assaillir. Il secoua la tête pour chasser la pluie qui coulait dans ses yeux. Quoique cette pluie… n’était-ce pas plutôt des larmes ?

- Si tu m’avais suivi, à l’époque…, murmura le chasseur. Si tu avais accepté de rentrer dans cette balle… Eh bien, rien de tout cela ne te serait arrivé. Regarde-toi : crois-tu que ces blessures te rendent plus fort ? Plus courageux ? Plus héroïque ?

Gauthier avait presque craché le dernier mot. Galopa se mit à renâcler nerveusement. Son cœur tambourinait incroyablement fort dans sa poitrine.

- Enfin qu’importe, soupira le chasseur. Je suis prêt à passer l’éponge pour toi, Galopa. (Il braqua la Pokéball sur le Pokémon.) Ceci est ta dernière chance de rédemption. Rejoins-moi, et tout ira mieux pour toi…je te le promets.

Gauthier lança sa Pokéball Obscur. Presque au ralenti, les souvenirs défilèrent devant les yeux de Galopa. Puis, fébrile, il inspira à fond, et intercepta la balle avec Lance-Flammes. Bien que les flammes fussent affaiblies par la pluie, la capsule noire explosa dans les airs avant d’atteindre sa cible.
Gauthier en resta coi. Les dents serrés à s’en faire ma aux gencives, il dut mobiliser toute sa volonté pour ne pas hurler. Un sentiment indescriptible l’envahit, tandis qu’il regardait son Pokémon lui tenir tête, droit et fier.

- Fichu Pokémon ! Tu ne comprends vraiment rien à rien ! C’est pour ton bien que je te demande ça ! Mais puisqu’il en est ainsi, tant pis pour toi. Les Pokémon faibles de ton espèce n’ont rien à faire dans mon équipe. Ils doivent tous disparaître !

Avec un cri de rage, Gauthier ordonna à son Florizarre de lancer Végé-Attak. Galopa, à bout de forces, s’écroula. Ses jambes ne lui obéissaient plus. C’était la fin pour lui. Accordant un dernier regard empli de colère à celui qui fut son dresseur, celui qu’il avait aimé et protégé au péril de sa vie, celui grâce à qui il avait découvert le monde, il inspira un grand coup, et attendit l’impact.

Impact qui n’arriva jamais.

Éclair bleuté traversant le rideau de pluie, Croâporal dégaina son attaque Coupe, et trancha les racines comme du petit beurre. Des myriades de petites explosions retentirent, et une fumée noire se dégagea des végétaux découpés, avant d’être dissoute par la pluie.

Gauthier fut tout aussi sidéré que Galopa et Genzo furent surpris. Le Pokémon Eau s’était interposé de justesse.

- Vous me dégoûtez.

Les anciens membres de la Team Rocket sursautèrent. Les poings serrés, insensible à la pluie battante qui rabattait ses cheveux trempés contre son visage, Sacha se plaça aux côtés de son Croâporal, entre Gauthier et ses vis-à-vis.

- Vous voulez qu’on s’occupe de ce que vous pensez, mais vous ne le faites même pas avec vos propres Pokémon. C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité.
- De quoi tu te mêles, sale morveux ? éructa le chasseur. Ce Pokémon m’appartient, et j’ai le droit d’en disposer comme je le souhaite !
- Ouais, c’est bien ce que je dis. Vous me dégoûtez.

Genzo rampa aux côtés de Galopa. Le cheval de feu semblait bouleversé. Son regard faisait la navette entre Gauthier et Sacha. Bien que le jeune dresseur lui tournât le dos, Genzo pouvait sentir la détermination émaner de son aura. Et elle était d’une intensité remarquable. Presque effrayante.

- Vous êtes sûr que vous êtes bien mon père ? lâcha le jeune garçon d’une voix atone. Vous, cet être ignoble qui a fait souffrir tant de gens, et de Pokémon ?

Gauthier ne répondit pas tout de suite. « Père. » Utiliser ce mot pour le désigner lui avait toujours fait ce drôle d’effet. Tout comme se tenir devant son fils, ce fils qu’il n’avait jamais vu grandir, le perturbait plus qu’il ne l’aurait cru.

Non. Ce n’était pas le moment de penser à cela. Ce garçon ne faisait pas partie de sa vie, sa nouvelle vie. Il n’était que le vestige d’un passé que Gauthier tenait plus que tout à voir disparaître. Il ne voulait pas se souvenir de lui. Ni d’elle…

- Celui que j’ai été autrefois n’existe plus, affirma-t-il en levant les bras. L’homme qui t’a donné la vie n’était qu’un faible, bien différent de celui que je suis devenu !
- Ah ouais ? Ça m’arrangerait bien, tiens…

Sacha enfila sa casquette sur son crâne. Puis leva la tête ; la visière dégoulinante de pluie souligna la courbe de ses yeux, tout en les assombrissant quand un nouvel éclair vint illuminer l’orage.

- Parce que rien que de penser qu’on partage le même sang, vous et moi, ça me donne envie de vomir.