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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 15/12/2016 à 09:26
» Dernière mise à jour le 31/05/2018 à 22:08

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 33 : Histoires Reliées
(N)
La pâleur du soleil glissait le long du marbre patiné, teintant les Colonnes Lances de rosée. Elle frappait les épis fuchsias d’Anthéa, réchauffant à peine sa silhouette gelée, ses doigts mordus par le froid et la roche. À ses côtés, Concordia frissonnait, la trachée brûlée par l’air des hauteurs, les vêtements en lambeaux. Au-dessus d’elle, le ciel violacé plongeait d’infini en infini, perclus de brillances. Elles étaient au sommet du monde… là où jamais les chansons des humains ne briseraient le silence.

Des runes anciennes étaient gravées dans les ruines, ombres à géométrie variable dans l’aurore. Anthéa s’en approcha doucement, frappée d’une stupeur muette, d’une révérence instinctive. Elle pouvait déchiffrer les écrits millénaires, alors que Concordia n’y voyait que d’obscures inscriptions. Elle pouvait déchiffrer les écrits de son peuple, figée par le gel et la pierre ; sentir encore l’aura de ceux qui étaient là à l’aube du temps.

Elle rata presque l’inspiration brutale de Concordia.
Mais elle ne la rata pas.
— Que—

N.

Un battement de cœur.
Une bourrasque qui sifflait le long du givre.
Et un sentiment de plénitude après des années de douleur.

— Nous vous avons cherché partout !

Le roi sacré avait encore grandi, s’était épaissi et. Il les dominait maintenant. Elle déglutit, combattant les larmes. Déjà gelées. Son cœur gelé pulsa. Toussa. Trop émue, alors que Concordia lâchait un sanglot puis portait une main honteuse à sa bouche, rouge. Les cheveux de l’élu avec foncé et c’était significatif—elle. N… son aura… l’aura de l’élu les irradiait.

Il semblait chercher ses mots, et le silence permis à Anthéa de se rappeler sa place. L’adulte tomba à genoux, immédiatement suivie de Concordia, et se prosterna profondément.

— Non !

N accourut vers elles, attrapa leurs épaules—Concordia se laissa aller, hésitante, mais sa consœur resta obstinément agenouillée, serrant les dents. Elle entendait à sa voix que le roi était devenu un homme, mais il n’avait toujours pas accepté la place qui lui était due.

— Seigneur, il est inutile de vous apitoyer, murmura-t-elle le plus doucement possible, maîtrisant sa frustration avec dureté.
— Anthéa… chuchota sa compagne, gênée de la voir résister.
— Je refuse de vous voir vous abaisser pour moi alors que vous m’avez sauvé la vie ! s’écriait l’élu.

Les adultes fermèrent les yeux face à ce souvenir atroce, cette plaie suppurante qu’il valait mieux croire cicatrisée.
Ne comprenait-il donc pas ?
Anthéa et Concordia avaient été élevées pour lui obéir, bien avant que Ghetis ne les enlève.

— Vous ne vous rappelez de rien… tenta encore Anthéa. Mais…
— Ce n’est pas une question de se rappeler où non ! contesta le roi sacré, accroupi devant elle, si prêt qu’elle pouvait le sentir son corps chaud bouger. Nous sommes égaux—
— Ce n'est pas notre destin, grinça-t-elle en réponse. Puis elle ferma les yeux, honteuse d’avoir manqué de respect.

Concordia, vacillant sous l’émotion, observa N et Anthéa. Elle était plus jeune, ne se rappelait presque de rien. Les aînées n’avaient pas eu le temps de l’initier avant… avant la fin et… Tous ses souvenirs venaient de la Team Plasma, des sages, du Château de N. Elle voyait encore les chambres luxueuses—désertes—éclairées par des chandeliers vacillants. Elle écoutait encore les demi-silences de velours—étouffés—drapés de nuits languissantes.

— Où avez-vous été, pendant tant d’années ? demanda-t-elle, le cœur gros. Nous vous avons cherché partout…

L’élu se tourna lentement vers elle, ses yeux écarquillés, électriques. Le bleu semblait trop intense pour un visage aussi doux.

— J’étais avec Zekrom… souffla-t-il, perdu dans ses souvenirs. Et après… j’ai erré.
Puis il ferma les yeux.
— Nous nous sommes échappées… murmura Concordia, jouant nerveusement avec sa tunique. Nous vous avons cherché partout, oui… même auprès des Sages Carmine et Azuro…
— J’étais… déjà partit, expliqua difficilement le roi. Il y a huit ans, avec Zekrom… et la seconde fois, après notre captivité… pour chercher l’Idéal. Mais il n’est pas revenu…

Le jeune homme déglutit. Pivota vers Anthéa, encore crispée, prosternée. Il semblait à peine contenir son émotion, tremblait un peu.

— Je suis désolé.
— Je vous prie de ne pas vous excuser envers nous, siffla immédiatement la jeune femme, se raidissant.
N—choqué—sauta sur ses pieds et cria, rouge—
— Mais j’ai de quoi me sentir coupable ! J’aurais dû venir vous chercher ! J’ai essayé d’y retourner ! Mais je ne vous trouvais plus, vous n’étiez plus là, c’était comme—
— Un autre monde… dit Concordia. Elle rougit, embarrassée de son interruption. Je vous présente mes excuses, Seigneur…
— Non…

Une nouvelle bourrasque s’accrocha à leurs silhouettes, leurs maigres vêtements, mordante. Le roi sacré n’était vêtu que d’un vieux jean et d’un tee-shirt trop larges, des vêtements d’Humains qu’elles avaient connu lors de leur court séjour à la « Pension Plasma ». Il ne ressemblait plus du tout à l’adolescent de leur souvenir… mais il n’avait pas la carrure d’un adulte, non plus.

— Peut-être pourrions-nous vous en dire plus sur l’histoire de notre peuple, si cela vous agrée.

N coula un regard anxieux Anthéa, le jeune homme se faisant soudain fébrile. Cherchant un échappatoire. Mais il se mordit la lèvre et dit « oui ».
Lentement, Anthéa se redressa, sans monter ses yeux vers ceux de l’élu. Ses traits durs se détendirent, et elle intima à Concordia de commencer.
La blonde ferma les yeux, perdue.

— Il y a longtemps… chercha-t-elle, bafouillant. À l’aube des temps… Le Dieu parmi les Dieux, Joyau du Mont Couronné, créa notre monde. Il délégua un grand nombre de Ses tâches divines—(elle allait trop vite, elle avait sauté les étapes de la création, elle—) p-pour que malgré son p-profond sommeil, Son œuvre soit à jamais protégée.

Comme si les Colonnes Lances réagissaient à ses mots, une légère brume s'éleva parmi les fissures. Exhalation des esprits morts, retenus par le pouvoir du Créateur. Et dans les tentacules blancs, luisants comme des fils de rosée, N saisissait, horrifié, des impressions de ce qui avait été.

— Parmi le grand nombre de nobles protecteurs—(Concordia allait devoir dire son nom, elle fit le geste d’excuse rituel—) Il nomma Rem gardien du Yi, le sens de la moralité des Dieux.

En prononçant son nom, Concordia avait invoqué la puissance du dieu longtemps disparu... et surgissant du néant, cette puissance les irradia.

— Ce gardien devait d’administrer la justice, et punir les autres Dieux s’ils ne respectaient pas les vœux du Créateur… Le Juste remplit sa tâche avec efficacité, et une période bénie s’installa, où nos ancêtres, les premiers Pokémon, exploraient le monde et grandissaient en nombre.

Leurs cris semblaient encore résonner, se répercuter parmi les rayons de soleil tandis que les Dieux travaillaient. Un sentiment de joie, de confiance et de soumission totale s'élevait de la brume, des ruines. Et les runes inscrites dans la pierre se fendillaient d'or, serrures à travers lesquels on pouvait apercevoir l'origine du temps, un monde harmonieux.

— Les Dieux offrirent une force à leurs créatures pour qu'elles puissent survivre sans leur aide : le Ji. Les Mew, seule espèce crée à l’Origine, se différencièrent ainsi et maîtrisaient de nouvelles capacités en fonction de leur habitat.. Certaines nouvelles espèces crachaient le feu ; d’autres exploraient les plus profonds abysses marins ou volaient par-delà les nuages ; quelques uns se déformaient, monstrueux ; quelques autres acquerraient de formidables capacités mentales… Parmi ces dernières espèces en figuraient une qui s’appelait les Humains.

Loin au-dessus, le ciel violacé tournoyait de vents violents, plongeait jusqu’aux brillances de l’aube des temps.

Anthéa serra les dents et poursuivit à la place de Concordia, tandis que la blonde vacillait, s'étouffait sur de l’air glacé.

— Notre Créateur a ordonné l’énergie en trois formes : le Qi, le Yi, et le Ji. Le Qi est la force vitale que chacun possède : tandis que le Qi des Dieux est infini, notre Qi s’évapore au fil de notre vie, et nous mourrons. Le Yi est—était—un sens de la moralité que seuls possédaient les Dieux. Et le Ji était un cadeau fait à leurs créatures, les Pokémon, pour qu’elles puissent survivre sans aide : cette force unique permet de se servir de capacités hors norme, et s’en souvenir à travers morts et naissances. … Les Humains étaient parmi les plus intelligents des Pokémon, au point qu’ils se firent bénir des Dieux, à l’instar des Cresselia, des Manaphy, de Celebi, de tous ces Pokémon presque divins. Pour les récompenser… les Dieux leur offrirent le Yi, le sens de la moralité.

Anthéa souffla.

— Ils les offrirent aux rois sacrés des Humains, à vos ancêtres... Et ces rois sacrés étaient à l'image des Dieux ; ils étaient l'incarnation des Dieux comme vous êtes l'incarnation des Dieux. Autour de ces élus les Humains s'organisèrent en cités et prospérèrent ; leurs nombres augmentèrent. lls apprirent à maîtriser la nature.

À ces mots, le visage d’Anthéa se fit tranchant, comme si elle avait avalé une dague couverte de sang.

— Cependant, alors que les autres espèces bénies profitèrent de leur nouvelle lucidité pour assister les Dieux, les nombreux Humains ne firent que s’accaparer les ressources naturelles qu’auparavant, tous partageaient.

La brume se rétracta. Un cri sourd s'éleva—mille voix frappés d'horreur. La rumeur enflait puis se brisait sur une seule note statique, arrachant un tremblement à N ; alors que les deux soeurs s'efforçaient de rester stoïques. Souriant d’un air tendre et nostalgique, Concordia, prit la main de sa consœur.

— La nature d’un Pokémon est bonne, souffla-t-elle à l’adresse du roi. Son instinct sera toujours d’aider l’autre.
— Mais l’humain est un prédateur pour lui-même, grinça Anthéa. Comprendre la justice ne leur a servi qu’à s’entre-déchirer, et ils prirent peu de temps pour ravager notre monde avec des guerres atroces. Eux-mêmes prirent conscience qu’ils allaient disparaître à force de se tuer ! Alors—
— Ils portèrent la raison de leur guerre au Juste parmi les Dieux, dans l’espoir qu’il tranche sur la question…
— Assassins, cracha Anthéa. La nature de leur question était de diviser, et face à une interrogation insoluble, le Juste se scinda en deux parties : Reshiram, la Réalité, et Zekrom, l’Idéal.

Un souvenir aux proposions monstrueuses se refléta sur le ciel, chimérique—une force depuis longtemps morte et pourrissante, qui s'animait partout où l'on prononçait son nom. Concordia arrêta doucement la jeune femme, d’une main gelée.

— Cependant, dans le malheur survint la réunification, dit-elle. Tandis que le Réel et l'Idéal se battaient pour les deux factions d’humains qui avaient sollicité le Juste… ils ne remarquèrent pas les restes de leur précédent état, un corps gelé et difforme… (elle frissona.) Kyurem.

Sans comprendre pourquoi, comme si le contrôle de son corps lui avait été arraché, comme s'il n'était qu'un pantin, N trembla d'effroi. La brume se figea. Elle se rétracta à nouveau, se dissolvant, exhalant soudain une odeur de charogne.

— Ce cadavre ne possédait plus de moralité Yi, ni de capacité Ji… poursuivit Concordia, déglutissant. Il lui restait juste de quoi survivre, le Qi : et une faim insatiable… Depuis les ruines divines où le Juste s’était scindé, il gela Unys, peu à peu, et dévora tous le Yi et le Ji des créatures qui tombaient victimes de ses attaques. Le camp du Réel et celui de l’Idéal furent touchés sans distinction. Les humains durent s’unir pour combattre la menace…
— C’était trop tard, coupa Anthéa. Il fallut un sacrifice. Une femme au nom inconnu décida de pénétrer dans le vide autour de Kyurem. Elle était capable de danser pour attirer le Ji, et chanter pour aspirer le Yi : assez pour apaiser et endormir Kyurem, assez peu pour qu’il n’ait plus l’énergie d’attaquer. Elle disparut, mais son souvenir resta. Au fil du temps, cette femme se fit appeler Meloetta.
— Pour punir les Humains, les Dieux se réunirent et retirèrent leurs pouvoirs. Seuls les rois sacrés et leur descendance directes retirent le Ji que les Dieux leur avaient d'abord confié. Aujourd’hui, les Humains ne retiennent aucun souvenir d’avoir été, un jour, des Pokémon.
— Cependant, Zekrom et Reshiram ne pouvaient plus se réunir avec Kyurem, et redevenir Rem… leur séparation déchira notre dimension, crée par les Régisseurs… (elle accomplit le geste rituel, pour s’excuser de prononcer leurs noms—) Palkia, et Dialga. Ainsi, les Humains, mais aussi les Pokémon bénis, tous ceux qui perçoivent la moralité Yi, sont en décalage avec le reste de la dimension…
— Ils sont séparés en deux mondes, souffla Anthéa. Le Monde Blanc, et le Monde Noir.

Les yeux de N s’écarquillèrent. Les iris électriques sautèrent d’Anthéa à Concordia, puis dans le sens inverse—il n’osait se fixer—effaré.

— Mais… deux mondes… balbutia-t-il, ses doigts se serrant par réflexe autour du coude gauche.
— Vous n’avez jamais senti la texture du monde changer… ? demanda gentiment Concordia. La saveur de l’air… et les villes qui ne sont plus les mêmes…
— Les Humains sont en deux exemplaires, expliqua Anthéa, tranchante. Ceux du monde Blanc, et ceux du monde Noir. Ils ne percevront jamais leur double, ni le monde qui existe au-delà de leurs croyances. Mais les Pokémon, les descendants des Rois sacrés—nous ne sommes qu’un, et c’est pourquoi nous existons à la fois dans les deux mondes. Ce serait faux de dire que nous voyageons d’un monde à l’autre, car ce serait de la perspective des Humains.
— Non. Non ! cria N, fermant les yeux, plaquant deux poings tremblants sur ses paupières. Je ne veux pas entendre ces vieilless légendes—
— Je pense que vous savez très bien que nous ne vous avons pas raconté « de vieilles légendes », rétorqua Anthéa.

Un silence gelé balaya les ruines. Le silence des hauteurs.

— Ce chien de Ghetis vous a imposé le nom de code « N », cracha Anthéa, car en ancien kantonnais, N est la première lettre de Nirenhua. Gijinka en johtonnien. Le représentant d’un Dieu sur terre, possédant à la fois son Yi et son Ji, comprenant à la fois les Humains et les Pokémon, mais soumis à la volonté de son maître. Il n’a aucune manière d’influencer le futur, et quand un Humain devient Gijinka, toutes ses actions sont condamnées à s’effacer.

Déjà l’élu secoua la tête. Condamné...? Il avait erré justement pour échapper à ce mot... à cette idée...
Mais n’avait-il pas voyagé avec Zekrom pendant plus de deux ans, une fois échappé des griffes de Ghétis ? N’avait-il pas suivi et obéit au Dieu… n’avait-il pas remarqué qu’il était capable d’actions hors norme… N leva le regard vers l’horizon, tentant à nouveau de s’échapper, effrayé. Il ne voulait pas savoir. Il désirait juste trouver une existence normale…

— Nous descendons des rois sacrés, fit doucement Concordia. Notre peuple a vécu au Mont Renenvers pendant des milliers d’années, honorant le Dieu et son représentant…
Anthéa la coupa. Elle releva son visage, froid, et poursuivit d’une voix atone.
— Jusqu’à ce qu’un fou nous massacre. Ghetsis.

Concordia frissonna et N lança une grimace dégoûté à sa gardienne—comment pouvait-elle parler avec autant de froideur ? Alors que… qu’ils avaient passé leur enfance auprès de ce type, qu’ils— !

— Pour s’assurer que votre père ne lui opposerait pas de résistance, il nous a plongé dans un cauchemar sans fin. Il voulait capturer notre roi et le reste d’entre nous pour des expériences, trouver comment s’accaparer nos pouvoirs. Mais votre père a résisté, et a préféré tous nous détruire pour que jamais nous ne tombions aux mains de Ghetsis. Vous, Concordia et moi-même sommes les trois seuls à avoir survécu—avant… avant que le massacre ne commence, la mère de Concordia nous avait poussé… dans la forêt.

Anthéa se défit, une seconde, de son respect rigide, et plongea ses iris obscurs dans le regard stupéfié de N.

— Vous étiez le prince. Votre sang est le plus pur. L'Idéal vous a béni. Concordia et moi… nous avions neuf et onze ans. Et—
— Nous avons fait de notre mieux pour vous éduquer et vous protéger, murmura Concordia, apaisant sa camarade tremblante. Mais les villageois autour du Bois des Illusions vous ont vu parler à des Pokémon, et Ghetsis… il n’a pas mis longtemps à nous retrouver…
— Je me rappelle… chuchota N, regard figé.

Il baissa la tête, sa folle et sombre crinière venant un instant cacher l’horreur. Le passé surgissait et marquait à nouveau les traits de son visage… Il se voyait grandir au milieu de Pokémon mutilés, un prince élevé dans l’ignorance parfaite. Il revoyait Black, son sourire arrogant, regard pétillant et mains vives… Ghetis avait retrouvé N deux ans après la défaite de la Team Plasma. Il tenait déjà Concordia et Anthéa. Il avait…

— Comment vous êtes-vous échappées ? demanda-t-il enfin, timbre éraillé.
— La GJBall de Concordia a mal fonctionné et Nikolai ne l’a pas remarqué, souffla Anthéa. Elle a saisi l’opportunité.
— Anthéa nous a guidé jusqu’au manoir de notre enfance… sourit la blonde d’un air triste. Nous avons laissé les GJBall sur les lits de nos chambres.

N croisa les bras, ses doigts griffant ses épaules. Il le méritait. Il s’était enfuit en laissant ses amies couvrir sa fuite. Il n’avait jamais réussi à retrouver Zekrom.

— Je vous présente mes excuses, murmura-t-il.

Et sous les yeux déboussolés des femmes, l’élu tomba à son tour à genoux, le tissu élimé de son jean se déchirant contre les ruines des Colonnes Lances. Agenouillé dans une flaque de soleil, toison verdoyante, il leva deux yeux électriques vers ses gardiennes.

— Il faut que je retrouve la petite fille, chuchota-t-il dans un silence glaçant. La petite fille avec qui je me suis échappée.


(MystèreBall)
— Tcheren.

Dehors, le goudron se maquillait d’ambre. Les pavés humides scintillaient. Déjà, les halos blafards des réverbères fleurissaient au bout des ténèbres, aiguilles lumineuses contre le crépuscule. Les sombres silhouettes des parents bruissaient et murmuraient sous sa fenêtre, éreintés après une longue journée d’été. Et les élèves qui participaient au camp de vacances se pressaient contre les grilles de l’école, impatient retrouver leur famille, de se laisser bercer par leurs questions, histoires, bercer dans la voiture jusqu’à la maison.

— Tcheren.

La mine décomposée de Bianca semblait incongrue dans la pénombre de son appartement. Un problème de pixel. La blondeur de son amie percutait les verres de ses lunettes, prêtant un air inquiétant au Champion. Il attendait sans respirer, corps abandonné au soir et à la nuit.

— Tcheren… relança la scientifique, souhaitant qu’enfin il lui réponde.

N’était-ce pas lui qui avait toujours été le plus fort ? Durant leur jeunesse, n’était pas lui qui attendait toujours au tournant, chargé de remarques sarcastiques, de conseils blessants ? Pourquoi son arrogance et son intelligence le lâchaient maintenant ? Pourquoi Bianca n’obtenait-elle pas de réconfort après tant d’années à le supporter !

Réponds-moi ! hurla-t-elle, claquant une main contre le bureau, se dressant contre le visiophone !
— Répète d’abord, réplique en chuchotement de verre.

Fantôme de son ami.

— Les MystèreBall… réitéra-t-elle comme dans un rêve. Les MystèreBall servaient à contenir des humains.
— Et que veux-tu que je te dise ? demanda-t-il.

Le Champion plongea dix doigts dans sa toison noire, se dégonflant en une exhalation, l’esprit anesthésié. Un môme cria quelque chose dehors, un défi peut-être, et l’exclamation provocatrice frôla son balcon. Bianca. Un problème de pixel.

— Cette révélation peut bouleverser notre compréhension du monde, Tcheren ! Non seulement une Team a réussi à recréer une Pokéball indépendamment—alors que le système est aussi complexe qu’une arme atomique—mais en plus elle est parvenue à l’encoder pour capturer un être humain !

Elle avala une grande goulée d’air, elle se brûla les poumons, elle gela sa trachée, elle hoqueta sans pouvoir continuer.

— Je sais, constata Tcheren, froidement. Cette découverte est aussi grave que l’invocation d’un Pokémon Légendaire.

Le soleil mourrait.

— Écoute, Bianca. La seule chose que je peux te dire, c’est que ta découverte va être transmise au plus haut lieu. Nous allons agir de notre mieux pour neutraliser la menace.

Les paroles se désagrégèrent lentement dans le noir. Une menace abstraite. Des actions qu’on promettait d’exécuter pour « protéger ». Un haut lieu retiré des inquiétudes mortelles, surpuissant. Et dans la rue, juste à côté, le cri d’un gamin qui ne pensait pas au-delà de la soirée.

Bianca resterait figée devant l’écran de son visiophone pendant trente-cinq minutes. Incongrue. Un bug. Un problème de pixel. La scientifique se trouverait prise par le ressac des angoisses, ballotée par les implications des MystèreBall. Seul le retour de White secouerait enfin la thésarde, prisonnière de pensées qui tournaient en boucles de plus en plus rapides, saisie de vertiges, respirant difficilement. « Pourquoi tu refais une crise de panique ? » lui lancerait la Maîtresse, coupante. Après tout… Bianca n’avait pas fait d’hyperventilation, depuis Kanto.

Pas depuis Kanto.

Tcheren coupa la communication et se rebrancha sur la conférence des Champions, qui avaient assisté au dialogue dans un silence morbide. Il les observa tous, gravement. Amana. Strykna. Artie. Inezia. Bardane. Carolina. Watson. Chaque paire d’yeux lui renvoyait un dégoût, indescriptible, une rage à peine contenue. Aucune Team n’avait jamais réussi à voler ou recréer l’encodement des Pokéball jusqu’à présent… Comment cela pouvait-il arriver à Unys ? Dans leur région ? Où avaient-ils échoué ? Quand avaient-ils raté la plus grande menace…

— Va allumer tes lumières, là c’est juste glauque ! cracha brusquement Strykna, cherchant à dissiper sa colère, sa fureur, à la dépenser sur quelque chose d’anodin. À sa portée.

Tcheren lui obéit sans un mot, anéanti. Las.

— Il faut… il faut dessiner un plan d’action, conseilla Artie, lourdement.
— Ce n’est pas le moment de parler croquis, le coupa Strykna—
— Nous devons réactiver tous nos vieux réseaux pour organiser un travail de fond.

Watson les balaya d’un regard métallique. Calculant la probabilité que l’un des Champions s’oppose à son ordre du jour, à la tactique qu’il leur imposait. Mais chacun de ceux qui avaient refusé cette priorité à la dernière réunion n’osaient rencontrer ses yeux, leurs faces voilées, obscurcies. Tcheren. Strykna. Bardane. Carolina. Amana. Chacun avait voté pour une traque de Ghétis quelques jours avant le drame du Ferry, cédant à la panique de l’instant. Cédant à leur désir d’en finir de manière radicale et rapide, alors qu’un quadrillage sérieux d’Ondes-sur-mer aurait permis de découvrir le nouveau repère des Plasma. Et ainsi d’empêcher la plus grande prise d’otages de l’histoire d’Unys…

— Je me suis gravement… siffla Tcheren, luttant contre sa fierté. Je me suis gravement trompé à notre dernière rencontre. Je ne peux plus parler en spécialiste de la question Plasma. Leurs tactiques ont changé, Ghetis ne se montre plus, et je suis… je suis aussi perdu que vous.

Un silence pesant s’étira. Les yeux des adultes se fatiguant à observer le découragement pixélisé de leurs collègues, détails technicolors contre la nuit. Puis Carolina se redressa et les toucha finalement du regard, ses iris bleus frôlant les mines sombres, hésitants.

— Au moins admets-tu tes erreurs… souffla-t-elle. La rousse avait toujours été la plus clémente de tous.
— J’me suis aussi lancé avec la vague… admit Amana—et Tcheren lui concéda un remerciement bref, énervé qu’un homme aussi superficiel soit en position de l’absoudre.
— Moi aussi j’ai foiré mon coup, compléta Bardane. Et pourtant, avec la disparition de la Pension Plasma, j’avais d’quoi m’poser des questions.

Artie lança un regard sans équivoque à Strykna. Elle grommela une excuse de mauvaise grâce.

Certains parmi les Champions affrontaient la Team Plasma pour la troisième fois. Ils avaient déjà connu Unys terrifiée par les ravages de la Team, et surtout politiquement déchirée. Ils avaient observé la Team se greffer sur d’autres revendications sociales et absorber le mécontentement légitime comme un monstre repus. Ils savaient tout le chaos que pouvaient causer les amalgames, les raccourcis, la violence insidieuse des criminels. La Team Plasma n’était pas une simple organisation de bandit comme la Rocket de Kanto et Johto. Watson le comprenait. Bardane le comprenait. Artie, Carolina, et l’ex-Championne Aloé le comprenaient. Strykna et Tcheren aussi.

Le plus jeune Champion savait très bien que la Team n’était pas, comme il l’avait cru adolescent, une organisation de malfrats autour de laquelle gravitaient des idéalistes manipulés. Elle avait des racines beaucoup plus profondes que la dernière décennie… Elle trouvait ses origines dans la plus ancienne noblesse d’Unys. Tous les noms civils des sages contenaient des particules… et Ghetis finançaient Nikolaï grâce aux fonds du Parti Royaliste. Si Team Plasma n’était qu’une dérive récente d’ultras, elle participait d’une lutte de pouvoir bien plus complexe au sein d’Unys. Les anciennes élites souhaitaient regagner du pouvoir et de l’argent, et ne s’arrêteraient pas sur les moyens pour parvenir à leur fin.

Seuls, les Champions n’arriveraient à rien.

— J’ai discuté avec Iris, annonça calmement Watson. Nous avons pris beaucoup de décisions, qu’elle vous partagera tout à l’heure.
— Comment !

Choc et. Chacun se tourna vers Artie, son poing qui venait d’abattre, son expression furieuse.

— Tu prends des décisions pour nous ? De quel droit ? poursuivit la vedette d’Unys, rouge. Ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons !
— Iris est ma petite-fille, lui rappela froidement le Champion de Janusia.
— Cela veut-il dire que nous ne pouvons plus compter sur toi ? Que tout ce que l’on dit en réunion va droit dans l’oreille d’Iris ?

La colère d’Artie leur arracha un sursaut d’indignation, de dignité. Chacun se redressa lentement et se pencha vers Watson, visages transformés en de masques accusateurs.

— Faire des compte-rendus à Iris derrière notre dos, c’est un manque de respect inimaginable ! s’emporta Carolina. Tu te rends compte de la confiance que l’on t’accordait en tant que collègue ?
— Aloé n’rait pas approuvé, gronda Bardane, jetant un regard orageux à la ronde. Inezia acquiesça.
Moi je n’approuve pas ! enchaîna Strykna, jurant avec violence. Iris sert de liaison avec le gouvernement civil, tout ce qu’on lui dit, elle peut le répéter !
— C’est notre supérieure hiérarchique ! contra Watson, irrité.
— Et alors ? asséna Artie, mauvais. Nous avons l’autorité pour décider de la marche à suivre concernant les Plasma sur notre juridiction, et nous avions choisi de ne pas informer Iris ! Si tu lui as parlé de nos décisions, c’est en traitre—

Un neuvième écran s’anima, et la mine grave de la Maîtresse d’Unys fouetta leur rétine, son regard violacé scrutant longuement chaque visage abasourdi.

— Bonsoir à tous.

Silence gardé.

— Vous m’excuserez, annonça la jeune femme. Je sors d’une réunion avec la toute nouvelle Commission parlementaire antiplasma, qui surveillera chacune de vos activités et prendra part à chacune de vos réunions à partir de demain.

Et maintenant. Un silence glacé, parsemé de rires nerveux, de jurons à peine sifflés. Seule Watson restait de marbre, accablé de regards brûlants.

— La… la commission parlementaire antiplasma ? bafouilla Carolina.
Is this a joke? lança Strykna, les yeux furieux et dilatés. ’Cause seriously, it isn’t funny.
— Non, ce n’est pas une blague, coupa Iris. Nous n’avons le temps ni pour les blagues, ni pour les objections futiles.
— Nous cherchons juste à comprendre, énonça Artie, la rage bouillonnant dans sa voix creuse—à peine contenue. Nous cherchons juste à comprendre quel est ton rôle dans ce bouleversement.

Le regard de la Maîtresse s’aiguisa.

— Si c’est ce que tu insinues, non, je n’ai pas impliqué le parlement pour vous tenir en laisse. Un comité d’enquête dont on ne m’avait pas mise au courant, dirigé par des élus royalistes, a tout simplement amassé suffisamment de preuves de vos erreurs dans l’affaire du Ferry pour demander un droit de contrôle. Il a été voté à majorité de deux tiers. Face à cela, j’ai ordonné à Watson de m’informer de toutes vos conneries, histoire de ne pas avoir l’air d’une idiote durant la première réunion de la commission. Satisfaits ?

Elle acheva sa tirade d’une brusque grimace, sa propre colère déformant un instant son visage altier. Artie refusa de rencontrer son regard, les yeux fixés sur Strykna. Bardane et Inezia tenaient un dialogue silencieux. Face au mutisme, Iris ne pu que pousser un soupir frustré.

— Tcheren, je veux ton rapport sur l’affaire des MystèreBall.
Le concerné baissa la tête.
— Elles…
Il ne parvenait pas à terminer sa phrase, l’horreur revenant, balayant toute indignation.
— Elles ont été crées… La Team Plasma a réussi à les créer toutes seules. Et elle les a programmées pour contenir des êtres humains.

Les lèvres d’Iris s’écartèrent légèrement, sa réponse envolée.

— Des humains… murmura-t-elle, ailleurs.

Les Champions lui jetèrent des regards furtifs, curieux, provocateurs. Iris sentit les yeux verts d’Artie glisser à l’encontre des siens. Cela—Un brusque frisson secoua son échine, car la conscience d’être observée—suffisait à se ressaisir.

— C’est impossible, asséna-t-elle. Tu es en train de me dire que la Team a réussi à percer un secret mieux gardé que l’arme atomique ? Que les artefacts divins même ?
— Oui.
Personne n’osa dire : Iris, ils ont déjà volé le Galet Blanc et invoqué Réshiram.
— Et ils ont réussi à recréer une Pokéball dans leurs propres laboratoires ?
— Oui.
— Alors même que les machines spécialisées dans la création de Pokéball coûtent prêt d’un milliard de pokédollars chacune ?
— Oui.
— Qui t’a donné cette information ?
— Fargas, un spécialiste de Johto, ami du professeur Chen.
— Je ferai vérifier cette information.
— Oui.
Et Iris fouilla vainement dans sa mémoire à la recherche d’un autre obstacle, luttant contre la défaite. Mais elle ne plongeait que dans une vague blanche, immatérielle.
— Ils ont réussi à l’encoder pour capturer des êtres humains…
— … Oui, souffla encore Tcheren, tête baissée.

On laissa à la Maîtresse Pokémon le temps d’assimiler cette information. Le teint de la jeune femme, d’habitude halé et resplendissant, s’était creusé. Ses yeux violacés s’assombrissaient, en écho à ses cernes. Derrière elle, les chambres de fonction luxueuses, que la jeune femme avait tant bien que mal essayé de transformer en pièce utilitaire. Son échec les moquait cruellement, leur renvoyant une image pathétique.

Ils ne s’attendaient pas à ce que Watson coupe le silence.

— Iris, tu ne peux pas informer la commission pour ces MystèreBall.

Chacun approuva, se joignant de mauvaise grâce au traitre du moment. Le vieil homme regardait sa petite-fille avec la même dureté qu’il réservait à chacun au conseil de guerre, ses iris d’acier étincelant contre les prunelles étranges de la Maîtresse. Mais celle-ci n’était pas réticente, bien au contraire.
Elle répliqua d’un froncement de sourcil et d’une voix tranchante.

— Qui te dit que je veux informer le parlement ? Qui vous dit que je veux informer le parlement ! J’ai été convoquée à une commission, cela ne veut pas dire que je suis devenue leur Ponchienne.

L’insulte claqua brusquement aux oreilles des champions, et certains soupirèrent, partagés entre le soulagement et la honte d’avoir suspecté une alliée.

— Nous devions vérifier, les excusa Artie, neutre.
— Mais alors qu’comptes-tu faire ?

La question de Bardane perça le cœur purulent du problème. Unys se déchirait de toute part, et si elle ne souffrait pour l’instant que d’égratignures… l’ennemi était assez puissant pour infliger des plaies béantes.

— Très bien, répondit Iris, souriant pour la première fois et—l’ambiance se fit électrique—passons à notre contre-attaque.

Strykna qui l’avait observée avec méfiance, grimaçant, sentit son cœur palpiter. Amana ricana. Artie et Carolina se penchèrent vers leurs écrans, concentrés. Watson et Bardane croisèrent les bras, muscles tendus. Inezia ouvrit les yeux. Et Tcheren… Tcheren releva la tête, visage saisi par les lumières dorées de son appartement.

— Comme vous venez de l’apprendre, nous avons à présent les pieds et poings liés. La commission antiplasma va assister à toutes nos rencontres et aura droit de regard et de véto sur chacune de nos décisions. Pour ainsi dire, le parlement, qui comprend plus d’un quart d’élus royalistes depuis les dernières législatives, dirigera pratiquement toutes nos opérations contre la Team Plasma.
— Justement—souffla Artie—
— C’est pour cela que nous ne pouvons plus agir officiellement, poursuivit Iris. Nous allons à présent devoir monter toutes nos opérations dans l’ombre. Impossible de mobiliser des employés confirmés du réseau des arènes, il va falloir employer au noir, créer de toute pièce une armée secrète. Celle-ci ne pourra avoir aucun lien évident avec nous, et nous ne devrons jamais la mentionner en public ou entre nous—qui sait si à partir de demain, les royalistes n’auront pas piraté nos appels ? C’est pour cela que je vous ai appelé ce soir, pas pour vous manipuler ou vous engueuler.

On la fixait avec sidération, exultation.

— Nous avons une tâche immense devant nous, termina finalement Iris, à bout de souffle. À présent… nous devons créer une Contre-Team.

[…]

Son visiophone sonna quelques minutes après la fin de la conférence—quelques minutes après minuit. L’écran s’éveilla à quelques centimètres de son corps las, affichant l’identité du correspondant en lettres bleues. Watson appelait sur leur ligne encryptée.

Tcheren contempla l’écran jusqu’à ce que l’appel se termine, ne décrochant pas.

Sans un mot, il s’attela au rapport manuscrit qu’Iris avait requis, destiné à être discrètement délivré par Pokémon. « Les MystèreBall ont été retrouvées par White Bai le 6 juin 2999 au manoir de l’étrange, sur le mont Renenvers. Elles se trouvaient sur deux lits de l’étage supérieur, dans ce qui semble être des chambres d’enfants… »

[…]

Bardane composa un numéro qu’il connaissait par cœur, inquiet et fatigué. Cependant, au moment où il allait appeler… une main ferme se posa sur son poignet. Le Champion ne sursauta pas, trop éreinté, mais il inspira brusquement. Et leva ses yeux pour rencontrer le regard sympathique de son mari, Linden.

— Je n’t’avais pas entendu entrer… souffla Bardane. ‘Marche t’jours à pas de Loupio, toi…

Linden lui sourit, et puis l’enlaça tendrement, lui offrant un peu de réconfort, même provisoire.

— Tu allais appeler Inezia, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il à l’oreille.
— J’m’inquiète pour elle, avoua Bardane. L’est déjà pas très résistante, la p’tite…
— Et votre conférence s’est mal passée ? devina son compagnon.
— … Asseyons-nous, lâcha le Champion d’un ton bourru.

Ils se séparèrent. La chaleur se dissipa. Et, dans le vieux bureau du troisième étage, tout en bois et en lampes vacillantes, ils se firent face.

— Linden, je n’vais plus pouvoir tout t’confier comme auparavant, annonça Bardane, à contrecœur. L’état d’Unys va de mal en pis… une commission parlementaire, tu te rends comptes, va nous surveiller not’ travail… Nous n’sommes mis d’accord, entre Champions, de n’rien révéler à nos familles. Même si Tcheren et Watson te connaissent et t’aiment bien. Par conséquent, pour les MystèreBall du jeune, je n’peux plus rien de te dire non plus… je te d’mande pardon pour ça, je sais que tu suivais l’affaire avec intérêt, vu que c’t’un… bidule électronique…

Et l’homme finit par bafouiller, désolé, l’esprit plombé par six heures de vives discussions. De déchirements. Ils leva un regard honteux vers son mari, plus vieux de quelques années mais encore sportif, un homme qu’il adorait depuis plus de trente ans.

— Ne t’inquiète pas, lui sourit Linden.

Il rigola, ensuite, pour la plus grande surprise du Champion. Et poursuivit, affectueux, moqueur, tendre, nostalgique :

— Je t’ai marié en connaissance de cause… ta fonction passe avant ta vie, avant moi, je le sais très bien. C’est cliché mais : c’est comme ça que je t’aime. Alors ne t’inquiète pas. Et à chaque fois que tu auras besoin de soutien, même si tu ne peux rien me dire de tes journées, je serai là.

Linden lui prit une main, calleuse, ridée, la peau épaissie et lissée par tant d’années de travail. Lentement, il l’attira vers la chambre à coucher, et éteint les lumières.

[…]

Artie s’appuya lentement contre la vite du soixante-quinzième étage, contempla le verglas chatoyant de Volucité. Les surfaces patinées des gratte-ciels qui se reflétaient sur le ciel noir, lumineuses et scintillantes et rutilantes, pétarades de néons. Jaune. Azur. Rouge. Carmin. Pourpre. Violet. Blanc. Les couleurs fouettèrent une à une ses rétines, tâchèrent toute sa silhouettes de brillances contraires.

Yeah… souffla une voix enrouée à travers son Vokit. It’s really beautiful.
— Pas de raillerie indécente pour glorifier Ondes-sur-mer, Na-na ? murmura-t-il, distant.
— M’appelle pas comme ça. Sinon—elle affecta une moue méprisante—nos graffitis de lapines en chaleur ont clairement plus la classe que vos tags de Rattatac au régime.

Il répliqua quelque chose d’amusant, de bonne grâce, tout simplement pour compléter leur routine. Le corps, l’esprit du Champion… se délitaient. Il était épuisé, ivre des couleurs de Volucité.
Mais Strykna. Jamais Strykna ne relâchait la garde.

— Artie. Pourquoi tu m’as appelé ?

Strykna voulait dire, pourquoi tu m’as appelé sur le téléphone que m’a donné une amie d’enfance, grâce au téléphone que tu as volé à une de tes conquêtes, ce dont tu as toujours honte deux ans après ? Pourquoi notre ligne secrète ? Pourquoi tant de mystère depuis cinq minutes ?

— Watson nous as dit de réactiver tous nos réseaux, si tu te rappelles… lança Artie, neutre. Je l’avais déjà fait, dès la conférence avant le Ferry. Et l’indic que j’ai réactivé…
Yeah ?
— Il était simple sbire chez les Plasma auparavant. Cependant, il est à présent affecté à une position clef dans l’organisation. Il va pouvoir me rapporter des informations capitales.
— Et tu n’as rien dit à Iris, s’étouffa Strykna. Sidérée.
Le regard d’Artie se fit dur. Il plissa les yeux.
— L’information est trop sensible pour risquer de la fuiter ! Imagines-tu ce qui arriverait si les Plasma prenaient conscience de la faiblesse en leur sein ? Nous perdrions la vie d’un agent, et une source d’informations capitales !

Strykna leva brusquement deux mains en signe d’acceptation, mécontente, intéressée, rude. Elle scruta le visage crispé de son plus proche ami, se rassurant qu’il était encore là, toujours le même.

— Ok, lâcha-elle. Et si tu m’en parles, j’imagine que tu veux qu’on gère cette affaire à deux.
— Oui, répondit Artie, soulagé. L’agent a un nom de code… Malotrus.

[…]

Iris ripa sur les tuiles humides, glissant vers une gouttière argentée. Mais elle se rattrapa sans un bruit, continuant simplement son escalade à quatre pattes, ses doigts s’enfonçant dans les plus petites interstices. Seule la lune fut témoin de sa chute, perles de lumière blanche roulant vers le corps malingre de la Maîtresse. Autour de la Ligue,la nuit s’étendait de noir en noir, sauvage.

— Trioxhydre…

Sa starter s’éleva devant elle, prunelles violacées répondant à ses prunelles violacés. Ses ailes majestueuses déchiraient l’obscurité en lambeaux menaçants. Iris se tendit vers elle, flottant sur la pointe des pieds.

On dit que le Trioxhydre mord trois fois. La première pour blesser, la deuxième pour tuer. Et la troisième, pour le plaisir de mutiler.


(Rixi)
Une tour d’ivoire où l’on disait que les légendes naissaient, et mourraient. Ruines millénaires battues par l’orage et rongées par le givre, plongée dans les ombres d’un lac désolé. La Tour Dragospire.

Rixi y pénétra en frissonnant.

Une pièce caverneuse attendait sous le crépuscule de l’orage. Le vent s’y faufilait en de murmures anciens. Le ruissèlement de la pluie répondait en de notes cristallines.

Il s’avança.

Ses chaussures claquèrent contre les dalles humides, striées de lichen. La pièce était baignée dans une lueur irréelle, l’orage extérieur se reflétant contre l’eau profonde des ruines… Quand il s’approcha du bassin, le jeune homme, mal-à-l’aise, remarqua que l’onde était entraînée par un courant obscur.

Les étages supérieurs avaient été sculptés en de pièges gigantesques, suspendus dans les ténèbres, seulement éclairés par quelques fissures dans la pierre… Sur les murs lézardés, on pouvait déceler les restes de fresques chatoyantes, les pigments effacés par le temps et par le vent. Un silence mort régnait entre les bourrasques. Il s’enfonçait dans le noir jusqu’aux entrailles de la Tour.

Rixi gravit toutes les marches polies et glissantes, se coupa sur les mécanismes des pièges, ripa au pourtour des abysses. Il cria, et l’écho de son timbre éraillé se répercuta longuement contre le marbre des ruines, chaque rebond l’effaçant, peu à peu.

Il émergea dans une salle au-delà des nuages.
Une petite rousse lui faisait face, l’étudiant de prunelles célestes, puits de lumière.

« Je suis la représentante de Victini parmi les humains, et je sais que tu cherches San »



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DUNDUNDUNDUN.

Yup ces cycles sont enfin finis pour la saison.

Ndlr : récemment, j’ai relu mes fanfics Hunger Games préférées, de Fernwithy. Ce qui fait que j’ai été déprimée pendant plusieurs jours par la mort de Finnick, Chaff, Seeder, Wiress, Cecelia & tous ses O.C : Jack Anderson, Harris Greaves, Philo, oh gosh… Bref je vous avoue sans honte que la saison 3 d’E.I fera un peu penser aux Hunger Games. :p

Mais patience : D’abord le 32… le 33… puis la finale en trois parties. Ce qui veut dire que la saison 3 commencera à l’épisode 37.

Je me suis pour l’instant décidée sur trois fils principaux pour cette saison, que je ne vous révèle par encore pour ne pas vous spoiler. ;)

Mais j’attends vos pronostics avec impatience ! Syd trahira-t-il ? Elsa empêchera-t-elle une catastrophe ? Qu’est-ce qui attend les héros à Port Yoneuve ? Qu’en est-il de Maëlle et Anto ? La suite dans… de nombreux épisodes ! *roulements de tambours*