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» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 04/08/2016 à 14:25
» Dernière mise à jour le 04/08/2016 à 14:25

» Mots-clés :   Drame   Kalos   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Suspense

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Chapitre 15 - Déchirure
Une dispute s’oublie en général bien vite. Mais un conflit laisse toujours des marques indélébiles dans le cœur des gens.

~*~


Une explosion secoua la pièce toute entière, suivie par deux flashs de lumière irisée. Un Raichu et un Akwakwak émergèrent de la fumée, haletants, le corps en sueur. De l’autre côté de la vitre qui le séparait des deux Pokémon, le scientifique jubilait.

- Cette fois, c’est la bonne ! Ma Méga-Evolution artificielle est parfaitement au point !

Bien qu’il sût que cette requête de faire méga-évoluer de force des Pokémon n’ayant pas de Méga-Gemme connue lui eut été faite par le Chasseur, Xanthin était certain que cette avancée serait utile à Lysandre. Une fois que le chasseur de Pokémon l’aurait testée sur le terrain, il ne manquerait pas de faire part des résultats à son chef. Car après tout, ce mégalomane de masqué n’avait pas à être le seul de profiter de son génie scientifique…

- Alors, Xanthin, ça avance ?

L’intéressé sursauta. Justement quand on parlait du loup…

- Mes compliments, Chasseur, votre timing est parfait ! fit le scientifique d’une voix mielleuse. Vous arrivez pile au bon moment pour recevoir vos Pokémon artificiellement Méga-Evolués opérationnels !
- Bien.

Le Chasseur récupéra donc ses créatures, non sans noter au passage leur état déplorable. Il allait encore falloir faire un tour à la machine de soins… Qu’il ne manquerait pas de surveiller attentivement cette fois. Il confia ensuite son Arcanin, qui lui aussi devait recevoir sa Méga-Evolution artificielle, à Xanthin.

- Ooh ! s’exclama alors ce dernier. Je vois que mes Sépiatroces chéris sont avec vous ! Oh, mais que t’est-il arrivé ma pauvre X ? Quelle vilaine balafre !

Le Chasseur regarda le « chef » des Sépiatroces – qui apparemment était une femelle, et s’appelait X (pas très original, songea-t-il) – repousser du mieux qu’elle pouvait son « dresseur », tandis que les deux autres, en non meilleur état, tentaient discrètement de se faire la belle. La masqué se garda bien de préciser qu’il était en partie responsable de leur défiguration…

- Je vais m’occuper de vos blessures, mes petits, ne vous en faites pas ! (Les Sépiatroces grognèrent de concert.) Ils sont merveilleux, ne trouvez-vous pas, Chasseur ?

Manifestement, cet imbécile de scientifique était bien trop gaga de ses « chéris » pour se demander où ils avaient reçu leurs blessures. A moins que ce ne fut pas la première fois… Mais qu’importe.

- Ils sont très intéressants, en effet. Des Pokémon comme eux, on n’en croise pas tous les jours…

Sur ce, il quitta la pièce, jetant au passage un dernier coup d’œil entendu au Sépiatroce balafré. Tous deux se souvenaient de leur accord. Accord qu'ils ne manqueraient pas de mettre à profit très prochainement, ils le savaient...

- Chasseur ! l’interpella soudain Xanthin.
- Qu’y a-t-il encore ? demanda l’intéressé en dissimulant du mieux qu’il pouvait son irritation.

Le scientifique désigna du doigt l’opposé de la trajectoire du masqué.

- Si vous voulez aller à la nouvelle machine de soins, c’est dans cette direction. On vous l’a déjà dit, pourtant.


~*~

Dissimulant sa honte derrière des mouvements brusques et furieux, l’homme masqué entra dans la pièce où les membres de l’organisation Team Flare pouvaient faire soigner leurs Pokémon, et claqua la porte. Fort heureusement, il n’y avait aucun sbire sur les lieux. Le chasseur était suffisamment énervé comme cela ; pas besoin d’en rajouter avec les ragots de cette bande d’incapables dont la tenue avait de quoi brûler la rétine.

« Un jour, il faudra sérieusement que je fasse quelque chose contre ce foutu sens de l’orientation… » Lui qui aimait à se donner l’image d’un combattant qui inspirait la crainte venait de se faire ridiculiser. Il avait une furieuse envie de tout démolir. Néanmoins, il se força à conserver son sang-froid et plaça ses Pokéballs dans la machine, qui s’illumina d’une lueur verdâtre tandis qu’elle opérait.

- Vous devriez vous méfier de ce Rattata de Xanthin, fit une voix dans son dos. Ce n’est pas quelqu’un de fiable.

Le Chasseur fit volteface. Il n’avait pas remarqué la présence de Malva dans la pièce. La jeune femme aux cheveux roses était allongée dans un petit sofa, une tasse de café fumant à la main et un journal dans l’autre.

- Parce que toi, tu es fiable, peut-être ? rétorqua le masqué.
- Allons, ne soyez pas si médisant. J’ai une sainte horreur des mensonges, je préfère largement dire tout ce que je pense réellement.
- C’est ça, et moi je suis le seigneur de Fort-Vanitas. Tu vas me faire croire que ne pas révéler ta véritable identité alors même que tu es connue dans toute la région de Kalos en tant que présentatrice, ce n’est pas un mensonge ?
- Dixit celui qui porte un masque en permanence pour qu’on ne voie pas son vrai visage…, répliqua Malva avec un sourire. A ce propos, vous l’enlevez quand même, de temps à autres ? C’est qu’il doit faire chaud, là-dessous.
- La ferme. Si tu n’as rien de mieux à faire que de me critiquer, tu peux aussi bien aller te faire voir.

Décidément, tous les membres de cette foutue Team Flare avaient décidé de lui taper sur les nerfs, aujourd’hui… Voilà pourquoi il détestait s’allier à une organisation. Le social, ce n’était clairement pas pour lui… Mais bon, le mercenaire qu'il était n'avait pu résister à l'astronomique somme proposée par le gérant de la plus grande entreprise de tout Kalos… C’était la crise, après tout. Et maintenant que Xanthin se chargeait de rendre ses Pokémon plus forts avec sa soi-disant Méga-Evolution artificielle, le Chasseur était coincé ici jusqu’à ce que ses travaux soient terminés.

Mais bon, tant pis, il devait faire avec. De toute manière, une fois qu’il serait certain que Raichu, Arcanin et Akwakwak maîtrisaient pleinement leur nouvelle puissance, il ne s’attarderait pas avec ces fous qui lui rappelaient un peu trop la Team Rocket, et par-là même son passé.

- Vous êtes énervé, nota Malva sans détacher les yeux de son journal. C’est de ne pas avoir réussi à mettre la main sur ce jeune dresseur qui vous irrite à ce point ?
- Depuis quand ma vie t’intéresse-t-elle ? Et d’abord, comment es-tu au courant de ça ?
- Les informations circulent vite, ici, à Kalos, répondit-elle simplement. Regardez plutôt.

Elle posa son journal, ouvert à la page des faits divers, sur une petite table. L’homme au masque s’approcha et étudia l’article.

« Etrange attaque d’un Centre Pokémon forestier ! Deux adolescents et une jeune enfant mis en examen. Un suspect en fuite. »
A côté du texte était présentée une photo du suspect en question. Le Chasseur reconnut le gamin qu’il avait affronté. Apparemment, un Arcanin – le sien, en l’occurrence – aurait tué plusieurs personnes lors de l’attaque de ce Centre Pokémon. La police aurait retrouvé le jeune garçon loin de la scène du crime. Ce dernier les aurait agressés à son tour, avant de s’enfuir.

« Quelle misère… Déjà que je soupçonne Genzo de s’être mêlé à tout ça, si en plus de ça, les flics s’y mettent, on n’est pas sortis de l’auberge… » Malgré tout, il en fallait plus pour l’impressionner. Le Chasseur ne laissait jamais s’échapper une proie. Jamais. Et ce gamin ne ferait pas exception.

- C’est bien ce jeune dresseur que vous avez pris pour cible ? questionna soudain Malva.
- Oui, et après ? Si tu crois que c’est parce qu’il erre dans la nature avec la police à ses basques que je vais renoncer à m’emparer de ses Pokémon…
- Savez-vous seulement le nom de ce garçon ? l’interrompit la présentatrice.

Le masqué fut surpris par la question.

- Je n’ai pas l’habitude de me renseigner sur l’identité de mes proies, répondit-il. Je les vole, un point c’est tout.
- Pourtant, je suis certaine que celle de ce jeune dresseur pourrait vous intéresser, fit Malva avec un sourire mystérieux sur les lèvres. Il se nomme Sacha Ketchum, et est originaire de Bourg Palette, dans la région de Kanto.

Pour la première fois depuis longtemps, le sang du Chasseur ne fit qu’un tour. Ce morveux… ? Impossible.

- Es-tu sûre de ce que tu avances, Malva ?
- Sûre et certaine. Lorsqu’il s’agit de l’info, j’aime reposer sur des sources fiables.
- Alors c’est lui…

Il peinait à y croire. C'était presque trop beau pour être vrai. Après tant d’années, il avait finalement, sans le savoir, retrouvé celui qu’il cherchait par tous les moyens. Celui qui avait brisé sa vie il y a cinq ans, en lui prenant ce qu’il avait de plus cher au monde.

Sacha Ketchum.

Ce fut au tour du masqué de sourire :

- Tu seras vengé, Fantôme…, murmura-t-il.


~*~

L’odeur de tabac, âcre et irritante, emplissait l’air tout entier. A croire que la touffeur de la pièce n’était pas un supplice suffisant pour les poumons. La salle, de dimensions ridiculement restreintes, était plongée dans la pénombre. Seule une petite lampe de bureau, le genre qui devait certainement dater du siècle dernier, éclairait faiblement les lieux, jetant au passage d’inquiétantes ombres sur le visage des deux personnes qui se faisaient face.

L’une d’entre elles, un gros bonhomme joufflu aux tempes grisonnantes, frappa la petite table qui le séparait de son interlocuteur, désignant de sa paume une photo imprimée représentant un jeune garçon d’environ quinze ans, aux cheveux noirs et aux yeux ambrés.

- Je te le demande une dernière fois, petit, dit le joufflu d’une voix rauque, est-ce l’un ou l’une d’entre vous sait où a bien pu passer ce jeune homme ?

Lem rajusta la position de ses lunettes sur son nez, et déclara avec un calme parfait :

- Non. Aucun de nous ne le sait.

Il coula un regard vers sa sœur cadette, assise à côté de Serena. Toutes deux secouèrent la tête pour confirmer ses dires, sans un mot.

- Mais vous avez bien un moyen de le contacter, non ? insista le bonhomme.
- Non, monsieur. Aucun.

Le joufflu devint rouge comme une pivoine ; une veine commençait à battre sur son front luisant de sueur. A côté de lui, du haut de son perchoir, un Canarticho fixait les trois enfants, les yeux plissés. Nullement impressionné, Lem le regarda se rassoir et tirer sur sa pipe d’un air mi-furieux, mi-las. Cela devait bien faire une demi-heure qu’ils débattaient, et la situation en était toujours à un point mort.

Comme toutes les fois où il s’était assis durant cet entretien, le joufflu s’affala dans son siège, faisant tendre dangereusement le tissu de son uniforme, qui menaçait d’éclater à chaque instant, bien trop court pour contenir l’embonpoint important de l’homme. Pour un policier, cela faisait très peu professionnel, en plus de lui donner un air ridicule… Et comme si cela ne suffisait pas, il fallait que son nom soit prédestiné : Magret. Lem avait tout d’abord songé qu’il s’agissait du nom du Pokémon – même si cela lui paraissait exagéré d’appeler son Canarticho « Magret » – mais il s’était avéré que c’était le patronyme de cet individu pour le moins repoussant.

Mais il ne fallait pas s’y tromper ; malgré ce portrait peu élogieux, cet homme n’en restait pas moins le commissaire de la ville de Fessheim. Aussi valait-il mieux garder ses commentaires pour soi lorsque l’on était face à lui…

- Faites un effort, les mômes, s’impatienta le joufflu. Ce garçon est votre ami, oui ou non ?

Lem fut bien tenté de répondre oui, mais curieusement, le mot resta bloqué dans sa gorge. Le jeune inventeur ne cessait de repenser à ce message vidéo laissé par Sacha. Celui où il leur avait fait ses adieux. A ce moment-là, ni Lem ni les filles n’avaient compris ce qui se passait. Mais par la suite, les choses s’étaient accélérées. La patrouille de l’agent Jenny était rentrée au poste, bredouille, et avec un terrible retournement de situation : Sacha était accusé d’avoir attaqué la patrouille, avant de prendre la fuite. La nouvelle n’avait pas mis longtemps à être diffusée dans les journaux ; en ce moment même, toute la région nord-est de Kalos était à la recherche du jeune dresseur porté disparu.

Ce qui nous mène à la situation présente : Lem, Serena et Clem, en tant que proches amis de Sacha, avaient été placés en garde à vue, et devaient désormais être interrogés, afin de déterminer leur degré d’implication dans l’affaire. En tant que seul membre masculin de l’équipe désormais, Lem s’était senti le devoir d’assurer leur plaidoyer, ainsi que celui de Sacha. Bien que tous, lui le premier, aient été choqués d’apprendre ce qu’avait fait leur ami.

« Bon sang, Sacha, tu ne m’as pas laissé la tâche facile… »

- Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, les jeunes, fit le commissaire en lâchant un nouveau nuage de fumée, mais votre copain est accusé d’un délit grave. Agression envers les forces de l’ordre ! S’il n’était pas mineur, cela lui vaudrait la prison !
- J’en ai bien conscience, croyez-moi. Mais le fait est que nous sommes comme vous : nous ne comprenons pas ce qui s’est passé. Sacha n’est absolument pas le genre de personne à défier l’autorité sans raison.
- Ouais, renchérit soudain Clem. C’est pas un malfaiteur ! Il aurait jamais pu faire ça !
- Et pourtant.

Lem s’apprêtait à sermonner sa cadette pour son intervention impromptue, quand la voix claire et posée de l’agent Jenny s’éleva dans l’ombre. Postée dos contre la porte, elle avait quitté son traditionnel képi et avait défait ses cheveux vert d’eau. Elle se redressa et fixa le frère et la sœur droit dans les yeux.

- Le fait est que l’on ne peut donc pas qualifier ce qui s’est passé d’accident ou d’acte involontaire. Je suis d’accord avec toi, rien en effet chez ce garçon ne laissait présager qu’il ferait une telle chose. Pourtant, son attaque était parfaitement menée : il a effrayé un groupe de Trompignon avec l’attaque Tonnerre de son Pikachu, afin de libérer les spores des Pokémon Plante. Un coup de maître, qui nous a pris par surprise, si bien que nous avons tous été neutralisés en un instant. Son acte était de toute évidence prémédité.
- Qu’en savez-vous ?

Serena s’était subitement levée, des éclairs de rage dans les yeux.

- Vous ne savez rien de lui ! Auquel cas, vous sauriez qu’il est parfaitement incapable d’attaquer des gens sans raison !
- Serena, calme-toi…, chuchota Lem en vain.
- J’étais sur les lieux à ce moment-là, répliqua Jenny avec calme. Et je sais reconnaitre un acte volontaire quand j’en vois un. Les responsables ont tous la même lueur de détermination qui brille dans leurs yeux. Et je peux t’assurer que ton ami avait la même.

La jeune fille serra les poings, tentant difficilement de contenir sa colère. Lem n’aimait pas la tournure que prenaient les événements ; si ça continuait ainsi, ils finiraient tous en prison…

- Qui plus est, poursuivit la policière, il accompli son acte pile après avoir appris la nouvelle au sujet de l’attaque de l’Arcanin. Avouez que cela est pour le moins suspect.
- Vous insinuez que Sacha est coupable de ce qui s’est passé ?! Mais c’est lui la victime dans cette affaire !
- IL SUFFIT !

Le cri rauque du commissaire fut immédiatement suivi du coup de poireau de son Canarticho sur la table. Visiblement, il avait bien appris à imiter son dresseur…

- Cet interrogatoire ne mène à rien, autant le conclure maintenant, fit le joufflu d’un ton sans appel. Ecoutez, les enfants, soit vous êtes d’excellents menteurs, soit – et je suis navré d’avoir à l’espérer pour vous – vous n’aviez effectivement aucune idée de la vraie nature de votre ami et la découvrez en même temps que nous. Auquel cas, l’enquête continue d’en rester à un point mort.

Il fit un signe à Jenny, et celle-ci ouvrit la porte. Une bouffée d’air pur s’engouffra dans la pièce, sans pour autant parvenir à rafraîchir Lem, dont le cerveau commençait à bouillonner.

- Vous êtes libres, fit Magret. Enfin presque. Le temps que l’on décide dans quel sac vous ranger, vous avez interdiction formelle de quitter la ville. De plus, il se pourrait que vous puissiez nous fournir des informations précieuses à l’avenir, enfin, on verra bien… Allez, du balai.
Manifestement, le commissaire était aussi épuisé par cet entretien que l’étaient les trois jeunes. Ces derniers furent escortés dehors par un policier, tandis le commissaire jetait un dernier coup d’œil au dossier sur lequel on lui avait demandé d’enquêter :

Nom : Ketchum

Prénom : Sacha

Age : 16 ans

Originaire de : Bourg Palette, Kanto

Motif(s) d’accusation :

• Atteinte à la sécurité d’une personne détenant le pouvoir public. Aucun dommage, ni corporel ni matériel.
• Suspecté d’implication dans un homicide.

Statut : En fuite.



~*~

Lurxray et Roussil ayant été diagnostiqués hors de danger, leurs dresseurs avaient reçu l'autorisation de les reprendre avec eux. Fessheim étant l'une des rares villes de Kalos à ne pas accueillir de Centre Pokémon, l'activité de l'hôpital suffisant largement, Serena et la fratrie occupaient une chambre à l'hôtel. C’est là qu’ils furent reconduits après leur entretien au poste de police.

Une fois que son frère eut fermé la porte derrière eux, Clem s’affala sur son lit, l’air épuisé.

- C’est pas juste…, geignit-elle. Pourquoi personne ne nous croit quand on dit que Sacha n’est pas un criminel ?
- Peut-être parce qu’on n’en est pas sûr nous-mêmes, répondit laconiquement Lem en s’asseyant à son tour.

Sa cadette se redressa, les yeux écarquillés de stupeur. Mais avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, une voix sèche la coupa :

- Ne me dis pas que tu l’accuses, toi aussi ?

Serena, qui n’avait pas décoléré depuis son altercation avec Jenny, fusillait Lem du regard.

- Je n’accuse personne. J’essaie simplement de trouver la vérité.
- Il ne faut pas s’étonner que la police ne nous croie pas, dans ce cas, rétorqua la jeune fille. Si tu ne crois pas toi-même en l’innocence de celui que tu es censé défendre, comment comptes-tu convaincre qui que ce soit ?
- Depuis quand suis-tu des études de droit ? répliqua l’inventeur. Plus sérieusement, je ne pense pas que Sacha soit entièrement blanc sur ce coup-là. Nous savons tous qu’il n’a rien à voir dans l’attaque de l’Arcanin ; en revanche, rien ne nous permet d’affirmer qu’il ne s’en est pas réellement pris à la patrouille de police. Et d’ailleurs, je suis persuadé que c’est bel et bien le cas. L’Agent Jenny ne mentirait jamais.
- Mais c’était peut-être un accident ? hasarda Clem.
- Alors comment expliques-tu le message laissé par Sacha ? Il s’est servi de l’Holokit de l’Agent Jenny pour l’envoyer, ce n’est pas un hasard. Elle a raison quand elle dit qu’il les a attaqués sciemment.

La fillette ne trouva rien à répondre. Cela tombait sous le sens, en effet. Mais tout de même, elle avait du mal à imaginer Sacha, ce même Sacha avec qui ils avaient voyagé tout ce temps, et partagé tant d’aventures, faire une chose pareille.

- Même si c’est vrai, il avait forcément une bonne raison de le faire, marmonna Serena. Il a dû se passer quelque chose après que l’Arcanin l’ait emporté avec lui suite à l’attaque…
- Peut-être, concéda Lem. Mais rappelle-toi que Sacha avait déjà changé bien avant cet événement. Depuis son combat contre celui qu’il appelle « l’Homme Masqué », son comportement est devenu radicalement différent.

En voyant l’expression sombre de son frère, Clem se souvint d’un détail en particulier.

- Lem… Tu penses à ce que Sacha nous a dit la dernière fois ? Tu crois que…c’était comme une sorte… d’avertissement ?
- Ce n’est pas impossible, répondit-il.

Serena pencha la tête, un peu perdue.

- Attendez, de quoi parlez-vous, tous les deux ?
- Ah, c’est vrai… Tu n’étais pas là à ce moment-là, Serena…, murmura la fillette, l’air triste.
- C’était peu avant l’attaque de l’Arcanin, expliqua Lem. Sacha s’apprêtait à partir seul à la recherche de Pikachu
- Quoi ? Tout seul ?

L’inventeur hocha la tête, les yeux fermés. Il se massa l’épaule, il se remémorant la hargne avec laquelle Sacha l’avait empoigné à cet endroit. Le regard fou de son ami à ce moment-là.

- Si tu l’avais vu, Serena…, souffla le jeune garçon. Il paraissait complètement désespéré. Il disait vouloir régler cette histoire par lui-même. Que l’on n’avait rien à voir dans cette affaire et qu’il ne voulait pas nous y mêler.

L’adolescente se figea. Ces mots lui étaient cruellement familiers.

- Oui, fit Lem en écho à ses pensées. Sacha a employé les mêmes termes dans son message. Je pense qu’en fait, il avait prévu depuis le début de partir en nous laissant derrière. La preuve en est : même après avoir retrouvé Pikachu, il a tout mis en œuvre pour s’éloigner de nous.

Un silence pesant accueillit cette révélation. Silence finalement rompu par la voix, tremblante d’émotion, de Serena :

- Donc, tu es en train de me dire… Que tu savais ce que Sacha avait prévu de faire, et que tu n’as rien fait pour l’en dissuader ?
- Détrompe-toi, j’ai essayé. Mais, comment dire… ?
- Tu l’as laissé partir, l’interrompit la jeune fille.
- Il ne voulait rien entendre ! s’emporta Lem. Et ça peut se comprendre, au fond. Qu’est-ce que tu ferais, toi, si un type que tu n’as jamais vu débarque devant toi, blesse tes Pokémon à mort, et te prend l’un d’eux sous ton nez ?
- Justement, raison de plus pour le retrouver ! riposta Serena sur le même ton. Sacha se sentait responsable de tout ce qui est arrivé à ses Pokémon ! Et maintenant, il est au courant de ce que cet Arcanin a fait aux médecins ! Tu imagines combien cela doit lui peser ? Il doit se sentir plus coupable que jamais… (Elle prit une inspiration, afin d’éviter que sa voix ne se brise.) On doit aller l’aider.
- L’aider tu dis ? D’accord, imaginons que tu arrives à le retrouver – ce qui tiendrait du miracle –, qu’est-ce que tu lui dirais ?

La jeune fille hésita. Que pourrait-elle bien lui dire, en effet ? Que rien n’était de sa faute ? Qu’il n’avait pas à se sentir coupable ? Pour avoir eu en face d’elle son ami brisé, toute lueur d’espoir ayant quitté ses yeux, Serena était la plus à même d’avouer que de simples mots de réconfort ne changeraient absolument rien à la situation.

- Il ne s’agit pas forcément de lui dire quelque chose, dit-elle après réflexion. Mais je veux au moins être à ses côtés, pour le soutenir.
- Je crois que tu ne saisis pas bien la situation…
- Bon, ça suffit à la fin, qu’est-ce qui te prend ?! s’écria soudain Serena. Pourquoi est-ce que tu restes aussi passif ? On dirait que ça t’es complètement égal, ce qui arrive à Sacha !
- Bien sûr que non, ça ne m’est pas égal, répliqua Lem en haussant la voix. Mais sois réaliste, Serena : il a suffi d’un seul Pokémon de ce fameux Homme Masqué pour terrasser les nôtres, et le reste de son équipe a littéralement massacré celle de Sacha ! Si nous le rejoignons maintenant, à quoi cela servira-il ? Nous serions rien de plus qu’une gêne pour lui.

Serena n’en revenait pas. Lem approuvait la décision de Sacha ?

- Alors tu proposes qu’on le laisse seul, livré à lui-même, et de nous terrer en attendant que l’orage passe ? Comment oses-tu te prétendre l’ami de Sacha après ça ?!
- C’est toi qui ne comprends pas ! On ne peut rien faire pour l’aider ! Rien du tout !
- ARRÊTEZ !!

Les deux adolescents sursautèrent. Clem s’était interposée entre eux, bras écartés pour les séparer. De grosses larmes roulaient sur ses joues.

- Arrêtez…, répéta-t-elle. C’est pas vous hurler dessus qui fera revenir Sacha !

Bouleversés, les aînés se rendirent compte qu’ils s’étaient levés, poings serrés, chacun prêt à frapper l'autre. Et cela les choqua profondément. A quoi jouaient-ils, bon sang ?
Lem prit sa sœur dans ses bras, et cette dernière se mit à pleurer silencieusement, incapable d’en dire plus à cause des sanglots qui l'étouffaient.

- Ecoute, Serena. (L’intéressée leva la tête au son de la voix de Lem.) Je suis parfaitement d’accord avec toi sur un point : rien de ce qui s’est passé jusqu’à l’attaque de l’Arcanin n’était la faute de Sacha. Mais à partir de cet instant, il a commencé à prendre certaines décisions, notamment celle de partir seul de son côté. C’est son choix. Et c’est justement en tant qu’ami que je comprends les sentiments de Sacha et les respecte.

Serena regarda Lem, puis Clem, avant de fermer les yeux.

- Si c’est ce que tu penses, je n’essayerai pas de te contredire, répondit-elle. Mais n’oublie pas que tout le monde fait des erreurs, même Sacha. Qu'est-ce qui te permet alors d'affirmer que son choix était le bon ?

L’inventeur se raidit imperceptiblement. Sans attendre de réponse, Serena poursuivit :

- Sacha a toujours été là pour nous soutenir quand nous avions des problèmes. A présent, c’est à nous de lui renvoyer l’ascenseur. Toutefois, si tu comptes réellement rester sans rien faire, libre à toi. Mais ne compte pas sur moi pour faire de même. Moi aussi j’ai pris ma décision : je pars retrouver Sacha. Même si pour cela, je dois y aller seule.

Sans un mot de plus, et sans que personne ne trouve le courage ou la force de la retenir, Serena sortit de la chambre, laissant le claquement sec de la porte achever de déchirer ce qui fut un jour leur équipe.