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» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 25/06/2016 à 22:25
» Dernière mise à jour le 25/06/2016 à 22:25

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-6 : Can't change the past ? Of course you can.
"Les plus jolies choses du monde ne sont que des ombres."
- Charles Dickens (1812 - 1870) -

Mai 1885, quartier de Lavandia Bay, Hoenn.

"Non ! Laissez-moi tranquille !"

L'homme en tenue de pêcheur se mit à courir, effrayé par cet individu étrange qui le suivait depuis près de dix minutes. De grande taille, portant un masque et une capuche, il n'inspirait pas confiance. De plus, s'il cachait ainsi son identité en pleine nuit, il devait y avoir une bonne raison, que le pauvre fuyard ne voulait pas connaître. Tout ce qu'il souhaitait, c'était rentrer chez lui, mais ce type étrange — ce devait être un homme, à en croire sa voix — l'avait abordé avant même qu'il n'atteigne sa rue. A cette heure-ci, c'était un miracle de pouvoir croiser qui que ce soit dans les rues de ce quartier connu pour son activité commerciale en journée.

Courant aussi vite qu'il le pouvait, évitant les étals vides, sautant par-dessus tous les cageots qui seraient remplis de fruits et légumes le lendemain, il se fatiguerait bientôt, mais il en serait de même pour son poursuivant ; il finirait bien par être lassé de cette poursuite stupide. Et puis, qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir ? Peut-être était-ce le propriétaire de son appartement qui lui reprochait son loyer en retard, et qui voulait le lui extorquer par la force ? Non, il en doutait beaucoup. L'homme à qui il louait son appartement était un vieillard impotent incapable d'aller faire ses courses tout seul. Tandis que ce grand type masqué et encapuchonné courait vite derrière lui, sa respiration résonnant dans son masque étrange.

"Mais lâchez-moi, à la fin ! Qu'est-ce que je vous ai fait ?!" hurla inutilement le pêcheur.

Son poursuivant ne prit pas la peine de répondre. Il avait déjà gagné, il le savait. Il connaissait la ville comme sa poche, et visiblement, ce n'était pas le cas de ce pauvre pêcheur, car il se précipitait droit dans une impasse. Après quelques bifurcations, il put lui-même s'en rendre compte ; un mur lui faisait face, et derrière-lui se trouvait l'homme tout de noir vêtu. Il ne l'avait pas vu au premier abord, mais le type masqué tenait un objet long et fin à la main. En voyant la lumière de la lune se refléter dessus, il put rapidement en déduire qu'il s'agissait d'une lame. Le pauvre homme s'agenouilla à terre, impuissant, les mains tremblantes au contact du pavé froid, les yeux embués de larmes, des sanglots étouffés se noyant dans sa gorge.

"Pitié... non...
— Tu as eu le malheur de te trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Je suis désolé, mais tu vas devoir mourir ici et maintenant."

La voix lui semblait étrangement calme et rassurante, quand bien même cet individu mystérieux brandissait une lame dans sa direction. Une voix désincarnée, qui pourrait presque provenir d'outre-tombe. Elle lui faisait froid dans le dos, mais en même temps, l'apaisait. Avait-il, en face de lui, la mort ? La religion arcésienne se méprenait-elle, lorsqu'elle disait que Giratina incarnait la mort ? Il n'en était pas certain, mais ce qu'il savait, c'était sa fin imminente. Il ferma les yeux, serra les dents, et attendit en silence que la foudre divine s'abatte sur lui.

Le premier coup fut décisif, puisque porté au cœur. La lame s'enfonça dans la poitrine comme si elle traversait du beurre, et fut retirée d'un coup sec. Des filets de sang la parsemaient à présent, et coulaient jusqu'à rejoindre le sol. Mais l'homme au masque ne s'arrêta pas là, non ; il porta un nouveau coup au niveau de l'abdomen, et trancha avec force. Le sang gicla sur son masque, et sur le sol pavé. Il rangea sa lame dans son fourreau, retira ses gants, posa sa main dans le sang de sa victime, et traça avec, à côté du corps, une croix arcésienne. Enfin, il ferma les yeux restés exorbités du pêcheur, lui donnant ainsi un air plus paisible.

L'homme au masque s'éloigna de quelques pas pour observer son œuvre avec un peu de recul, et hocha la tête. C'était suffisamment convaincant, mis en scène assez théâtralement pour attirer l'attention. Il s'éloigna, sa longue cape flottant au vent, tandis qu'une odeur de mort commençait à se répandre aux alentours.


***

Robert, dans la grande bibliothèque du manoir St John, passait depuis le matin son temps à fureter entre les rayonnages, stupéfait de voir autant de livres appartenant à une seule personne. Raymond le lui avait dit, il était un grand amateur de lecture en tout genre, mais le scientifique n'aurait jamais pu imaginer une telle collection d'ouvrages divers et variés. Il avait trouvé son bonheur, et rien ni personne ne le lui enlèverait.

"Monsieur Robert, vous ne voulez pas nous accompagner en ville ? J'emmène mademoiselle Rebecca, et Marion nous accompagnera, proposa le maître des lieux.
— Non, allez-y sans moi. J'ai beau avoir apprécié ma balade en Galopa hier, j'aime encore davantage me plonger dans des bouquins poussiéreux à souhait. Merci quand même, monsieur le baron, répondit le rouquin, sans même détourner les yeux du gros livre qu'il feuilletait.
— Dommage... une prochaine fois, peut-être, quand nous ne serons pas occupés à devoir sauver le comté de Lavandia. D'ici là, portez vous bien, nous ne reviendrons peut-être pas avant demain."

Robert hocha la tête comme s'il s'en fichait éperdument, et ne les regarda pas quitter la bibliothèque, trop occupé à tourner les pages d'un volumineux traité de médecine. Marvin sella les montures ; un Arcanin à la majestueuse fourrure rousse zébrée de noir pour Raymond, et les deux Galopa loués la veille pour Rebecca et Marion. L'infirmière avisa les deux lavandiens. Si l'homme semblait ne pas être habitué à monter un Pokémon, la jeune femme à la chevelure rougeoyante, elle, avait un maintien parfait et une posture adéquate. On aurait dit qu'elle avait monté des Galopa toute sa vie, au vu de son aisance. Elle fit claquer l'étrier contre le flanc du Pokémon, et celui-ci se mit aussitôt au galop. Les deux autres firent de même, et leurs montures s'élancèrent à sa suite, appréciant de pouvoir gambader dans les étendues verdoyantes entourant le manoir.

"J'aimerais bien pouvoir aller à la plage, aussi... ça fait un temps fou que je n'ai pas eu de vacances", songea Rebecca, légère.

La jeune femme aux cheveux noirs appréciait le vent fouettant son visage, ses cheveux volant derrière elle, cette sensation de flottement, comme si elle volait. Les promenades à dos de Pokémon étaient une expérience incomparable, et elle s'en voulait d'être passée à côté de ça pendant si longtemps. Finalement, peut-être que l'arrivée de Robert dans sa vie avait eu du bon. Cet homme mystérieux, ce scientifique qui prétendait être mort, était comme un ange gardien bienveillant, en quelque sorte. Et il lui avait fait découvrir les joies de la balade en Galopa. En attendant d'avoir du nouveau concernant les Dover et l'Ordre de Mew, elle profiterait au mieux de ses vacances improvisées en 1885.

"Dites-moi, mademoiselle Dwight... vous aimez votre travail pour le baron St John ? N'est-ce pas éprouvant ? demanda-t-elle, désireuse de faire la conversation.
— Je vous en prie, appelez-moi Marion. Mon travail... eh bien, pour tout vous dire, il est plus éprouvant de supporter les railleries de mes subalternes masculins que de protéger le manoir et monsieur. A cause du fait que je suis une femme, j'ai du mal à leur faire comprendre qu'ils doivent m'écouter et suivre mes ordres. Malgré cela, j'aime ce que je fais. Monsieur Raymond a toujours été bienveillant envers moi, et je me dévoue corps et âme à sa protection. Cela répond-il à votre question ?
— Je comprends ce que vous pouvez ressentir... même en 2011, là d'où je viens, l'égalité entre hommes et femmes n'est pas parfaite.
— Ainsi, le sexisme a subsisté quelques cent ans dans le futur... soupira la jeune femme aux cheveux rouges. Intéressant. Déjà que l'année 1975, où j'ai demandé à voyager pour vérifier que votre ami, monsieur Robert, disait la vérité, m'a paru très bizarre... je n'ose imaginer de quoi 2011 est faite."

Rebecca hocha la tête, et se laissa de nouveau submerger par toutes ces sensations incroyables que pouvait procurer une promenade à dos de Galopa. Pour rien au monde elle n'aurait troqué cette monture très agréable pour une voiture au ronronnement pénible incessant.

Ils arrivèrent en ville plus rapidement que ce à quoi elle s'était attendue. Raymond avait proposé à l'infirmière de lui faire visiter l'un des plus beaux quartiers de la ville, celui que l'on appelait Lavandia Bay. Situé plus proche de la mer, son commerce était particulièrement florissant dans le domaine de la pêche. Des odeurs de poissons s'élévaient dans l'air, et on pouvait entendre des conversation animées un peu partout sur le marché. La jeune femme venue du futur appréciait particulièrement cette ambiance bon enfant, qui ne la faisait pas le moins du monde regretter sa propre époque. Tandis que des effluves de nourriture agréables flottaient dans l'air, à Céladopole, en 2011, on plissait le nez à cause des odeurs nauséabondes d'essence.

En passant devant plusieurs restaurants bondés, desquels s'échappaient des fumets divins, elle se retint de traîner ses deux comparses par le bras pour aller manger. Mais, en l'état actuel des choses, elle ne pouvait que se plier aux manières de l'époque et suivre tranquillement Raymond. Après tout, on approchait de midi, et peut-être les emmenait-il dans un restaurant qu'il connaissait bien. En observant la tenue de Marion, elle grimaça ; en tant que chef de la garde du manoir, elle se devait de porter un pantalon pour ne pas être entravée dans ses mouvements, et portait même une épée au côté, bien rangée dans un solide fourreau. Tandis qu'elle, obligée de porter une robe à froufrous, peinait à marcher correctement avec et jalousait grandement son acolyte.

Alors qu'ils se frayaient un chemin parmi la foule venue faire ses emplettes, on saluait avec enthousiasme le gouverneur du comté, on lui faisait des courbettes, tandis que lui serrait des mains, souriant. Rebecca ne s'étonnait plus de sa position élevée malgré son jeune âge ; il était charmant, sympathique, et surtout, proche du peuple. A en croire leurs airs émerveillés, les femmes se l'arrachaient ; mais comme tout bon aristocrate de l'époque, il devait bien avoir une fiancée qui attendait de l'épouser quelque part. Elle n'en savait rien, et se voyait mal lui poser une question embarrassante de ce genre. Le riche lavandien se tourna vers elle et sourit.

"Est-ce que cela vous intéresserait de découvrir l'une des traditions spécifiques à Lavandia, avant que nous allions manger ?
— Eh bien... je meurs de faim, mais vous avez piqué ma curiosité. Quel genre de tradition est-ce ?
— Vous le découvrirez très vite, suivez-moi.
— Je pense que cela va vous plaire, ça a un charme particulier", ajouta Marion, souriante.

Intriguée par cette fameuse tradition, elle se laissa tenter, l'esprit léger, et suivit ses deux comparses à travers les rues animées du quartier de Lavandia Bay. En un peu plus de cent ans, le monde avait connu des changements très impressionnants, et selon elle, c'était bien dommage, car l'absence de hautes technologies ne rendait 1885 que plus agréable encore.

Lorsqu'ils arrivèrent sur la grand-place du quartier, Raymond et Marion s'arrêtèrent, et elle regarda partout autour d'elle pour comprendre ce qui rendait cette ville si particulière. En voyant deux Pokémon, l'un face à l'autre, s'affronter, sans même que leurs dresseurs ne donnent d'ordres, elle écarquilla les yeux. Au sol, à côté de chacun des deux possesseurs de ces créatures, des billets et des pièces étaient posés. Sûrement une mise. Une foule entourait les deux combattants, un Makuhita et un Mangriff, enthousiaste.

"C'est donc cela... des combats de rue dans lesquels les Pokémon agissent d'eux-même... souffla l'infirmière, impressionnée, les yeux brillants.
— En effet, répondit l'aristocrate lavandien. Chez nous, c'est une coutume qui date de quelque cinquante ans auparavant. Nous aimons voir les instincts sauvages de nos compagnons ressortir, dans ces intenses combats. Et puis tant qu'à faire, nous en avons fait un jeu d'argent, comme les affrontements conventionnels dans lesquels les Pokémon obéissent aux dresseurs.
— N'est-ce pas un peu immoral ? Les Pokémon se battent, et pourtant, ce sont leurs dresseurs qui empochent tout l'argent."

Raymond haussa un sourcil et sourit.

"Un Pokémon n'a que faire d'argent. Le dresseur peut l'utiliser pour faire plaisir au Pokémon, ou pour lui, c'est son choix. Dans tous les cas, nos lois stipulent que cette discipline, si on peut l'appeler ainsi, est totalement légale, alors ne vous inquiétez pas. Il n'y a encore jamais eu d'incident grave ou de danger causé par cette pratique. Dans le cas contraire, nous serions effectivement obligés de revoir un peu la réglementation.
— ...je suppose que je devrais oublier ça et me contenter d'apprécier ce spectacle intéressant, admit-elle.
— J'ai déjà participé à ce genre de combats. L'entraînement intensif que suivent les officiers de la garde du manoir m'a bien aidé", ajouta Marion.

L'infirmière acquiesça et reporta son attention sur le combat qui avait lieu devant ses yeux. Le Mangriff, rapide, se jeta sur son adversaire et lui asséna un puissant coup de griffe — sans doute une capacité Eclategriffe —, qu'il ne parvint pas à esquiver à cause de sa lenteur. Cependant, le petit Makuhita encaissa très bien l'attaque et répliqua en utilisant Contre, envoyant le furet au tapis. Tous les spectateurs applaudirent vivement, et le vainqueur récupéra ses billets, ainsi que la somme d'argent déposée par le perdant, et tous deux se serrèrent la main, en dépit de l'animosité visible dans les yeux du dresseur de Mangriff.

"C'est assez spécial, comme pratique... mais je dois admettre que c'est très divertissant de voir comment se débrouille un Pokémon dressé une fois qu'on le laisse livré à lui-même. J'imagine qu'en combattant aux côtés d'un dresseur, il commence à développer des notions stratégiques. Robert aurait adoré voir ça, à mon avis. Pourquoi ne lui avez-vous pas dit que nous irions voir de tels combats ? demanda Rebecca à Raymond.
— Il n'avait pas l'air disposé à en entendre parler. Ma bibliothèque lui a semblé être un vrai paradis, plaisanta le lavandien.
— Sur ce point-là je ne peux que le croire."

Marion allait suggérer qu'ils se rendent dès à présent au restaurant pour calmer leur faim, mais un cri strident l'interrompit alors qu'elle ouvrait sa bouche. Nombreux furent ceux qui se précipitèrent en direction de là d'où venait le son, et bientôt, une foule s'agglutina à l'entrée d'une ruelle, alors qu'un jeune homme conduisait une vieille dame en sueur, accompagnée de son Caninos, à l'écart. Le baron lavandien, inquiet, vint s'adresser à elle.

"Madame... veuillez m'excuser, que s'est-il passé ? Vous êtes vous faite agresser ?"

La femme âgée secoua la tête, réclama son Caninos, que le jeune homme lui tendit, et se mit à le caresser machinalement.

"J'ai vu... il y a un corps... Caninos a senti une odeur étrange et s'est précipité pour aller voir, et... un corps... au bout de l'impasse...
— Madame. Tout va s'arranger. Restez-là et surtout, ne bougez pas."

L'aristocrate rejoignit les deux femmes et se fraya, tant bien que mal, un chemin jusque dans la ruelle se terminant en impasse. En apercevant une forme inerte à l'odeur nauséabonde au fond de l'allée sombre, il écarquilla les yeux. Peut-être bien que ce rouquin avait raison, et que le comté de Lavandia était réellement en grand danger, après tout...