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» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 05/06/2016 à 12:06
» Dernière mise à jour le 20/06/2016 à 09:43

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-3 : Raymond
"Ce n'est pas la plus forte ni la plus intelligente des espèces qui survivra, mais celle qui sera la plus apte à changer."
- Charles Darwin -

Mai 1885, comté de Lavandia, Hoenn.

Les marches interminables s'enchaînaient tandis que Robert et Rebecca suivaient la silhouette fine et discrète du lugubre majordome qui les guidait à travers le manoir. Ce domestique d'une petite cinquantaine d'années n'inspirait pas confiance au premier abord, peut-être était-ce à cause de cette étrange mèche blanche qui parsemait ses cheveux noirs, ou ce bijou quelque peu ésotérique qui pendait à son oreille droite. De toute évidence, cet homme était un fervent admirateur d'histoires fantastiques. C'était ça, ou bien il avait un sens de la mode excentrique pour une telle époque.

Le scientifique remarqua que sa camarade tremblait légèrement et peinait à soutenir le rythme de marche. En bon gentleman, il lui saisit la main, la pressa un peu comme pour lui intimer de se calmer, et lui murmura quelques paroles rassurantes, tout cela sous les yeux intrigués du maître de maison, qui ne cessait d'observer, suspicieux, cet étrange duo qui venait de mettre les pieds chez lui. Le baron Raymond St John ne savait pas quoi penser d'eux. Ils débarquaient de nulle part, empruntaient le portail ouvert, quand bien même il était de notoriété publique que l'accès au manoir devait se discuter avec le propriétaire au préalable, et se comportaient tout à fait comme des individus suspects.

Lorsque l'on fut installé dans le salon du troisième étage - cette maison devait contenir d'autres pièces du même genre -, le maître des lieux jeta un coup d'œil à son majordome et lui demanda le plus poliment du monde de leur apporter un thé ainsi que des biscuits. A voir la façon dont il s'adressait à son domestique, il devait beaucoup le respecter en dépit de leur différence de statut très conséquente, fait qui ne manqua pas d'étonner le voyageur temporel très observateur. Il glissa d'ailleurs une remarque à ce propos à son hôte.

"Bien sûr que je respecte Marvin. Depuis mon enfance, il travaille pour ma famille et n'a jamais failli à sa tâche. C'est quelqu'un de bien, et même s'il est mon majordome personnel, je préfère le traiter comme un ami. C'est le seul de mes proches qui soit suffisamment cultivé pour que l'on partage des conversations intéressantes. Cela vous paraît... étrange ?"

Robert s'avoua très intrigué par ce trentenaire fringant et, visiblement, très instruit. En observant la pièce plus en détail, il put voir plusieurs étagères contenant de nombreux livres. Le baron suivit son regard et esquissa un sourire.

"J'aime bien avoir des livres un peu partout chez moi, mais la plus grande partie est dans la bibliothèque, au premier. Êtes-vous un amateur de littérature ?
— On peut dire ça, approuva le voyageur temporel. Néanmoins je suis plutôt du genre scientifique.
— Nous en discuterons plus tard, car il y a des choses plus importantes à régler dans l'immédiat. N'êtes-vous pas d'accord, monsieur, mademoiselle ?
— A-assurément..." murmura Rebecca, mal à l'aise dans cette atmosphère guindée.

L'infirmière peinait à s'habituer à toutes les différences entre son époque et celle dans laquelle elle se trouvait actuellement. Il y avait bien cent-vingt ans d'écart entre 1885 et 2011, par ailleurs. Elle avait le sentiment de s'être retrouvée entraînée dans un autre monde. Tout cela semblait tellement irréel à ses yeux... mais peut-être n'était-elle pas assez ouverte d'esprit pour assimiler les cultures et les mœurs de l'époque. Pour l'heure, elle n'en savait rien, et le regard acéré de Raymond St John ne l'aidait pas à se concentrer pour réfléchir en paix. Il ferait presque peur, avec ses yeux gris si perçants qu'ils semblaient capable de lire au plus profond de son esprit...

Rebecca manqua de sursauter en entendant Marvin lui demander si elle voulait du sucre dans son thé. Elle n'avait pas prêté attention à quoi que ce soit pendant plusieurs minutes affreusement silencieuses. Elle s'excusa auprès du majordome et accepta volontiers une tasse de thé sans sucre, qu'elle sirota avec appréhension, malgré le goût agréable du breuvage. Des questions en quantité tournaient dans sa tête. Qu'allait-il se passer ensuite ? Robert prévoyait-il de tout raconter à propos du voyage dans le temps ? Raymond les enfermerait-il dans la cave à vin avec son majordome qui les torturerait des heures durant, un sourire dément peint sur son visage de mort ? Elle n'en savait rien, et elle ne voulait pas douter de ces gens tout de suite, mais il lui semblait plutôt évident que dans le conflit politique opposant le baron à un autre type, Dover, le jeune homme n'était pas tout blanc.

"Vous ne voyez pas d'objection, si je vous demande de vous présenter ? questionna le maître de maison.
— Je ne crois pas que nous ayons le choix. Je suis le comte Steiner et voici ma sœur.
— Enchantée", ajouta Rebecca, mal à l'aise.

L'attitude anxieuse de la jeune femme aux cheveux noirs ne laissait place à aucun doute. Raymond savait bien qu'ils ne disaient pas la vérité, mais peu importe, il l'obtiendrait. Il jeta un coup d'œil significatif à son majordome, qui se contenta d'un très léger hochement de tête avant de disparaître dans une autre pièce. Lorsqu'il en revint, ce fut avec une fine épée à la lame d'un argent bleuté et à la poignée incrustée d'or. Robert soupira.

"Vous nous menacez ? Ce n'est pas très malin...
— Sachez rester à votre place. Je n'aime pas avoir recours à ce genre de méthodes peu orthodoxes, mais en cas de besoin, je n'hésiterai pas. Qui êtes-vous vraiment ? Je ne veux entendre que la vérité.
— Je retire ce que j'ai dit, en fait, vous êtes quelqu'un de perspicace..." marmonna le scientifique, dépité.

Le regard perçant du riche trentenaire passa de l'homme à la femme plusieurs fois, pour finalement s'arrêter sur ce dernier, visiblement contrarié de devoir répondre à ses questions. Comprenant qu'il n'avait pas d'autre choix, Robert opta pour la vérité, au grand dam de Rebecca qui se mordillait nerveusement les lèvres, au bord de la crise de nerfs.

"Je vous préviens, ce que je m'apprête à vous dire est la vérité.
— Je l'espère.
— Vous ne me croirez peut-être pas...
— Fort bien, je jugerai de cela après vous avoir écouté.
— Bon... - il prit une grande inspiration et rajusta sa cravate noire - Je suis Robert Steiner, homme de science passionné, né en 1936 et mort en 1964. Si je suis ici, c'est parce qu'un mauvais pressentiment sous forme de voix dans ma tête m'a conduit jusqu'ici et je crois que le comté de Lavandia est en danger."

Le rouquin avait annoncé tout cela rapidement, ne laissant pas le temps à Raymond et son majordome pour assimiler autant d'informations d'un coup. Lorsqu'ils eurent intégré ce qu'il venait de dire, le maître de maison se leva, l'air calme mais avec une pointe de colère dans son regard gris, les poings serrés et la respiration saccadée.

"Vous... vous vous moquez de moi impunément ? Je vous ai demandé la vérité, pas un mensonge encore plus odieux que le précédent ! Je n'apprécie pas de voir le sang couler, et cela arrivera si vous jouez les imbéciles encore longtemps, monsieur Steiner. Marvin est très doué à l'épée, feu mon père a eu des années pour le former. Je suppose que la seule part de vérité dans votre histoire est votre nom."

L'aristocrate soupira longuement, se resservit une tasse de thé, observé par Robert et Rebecca, laquelle tremblait de tout son être à présent. Elle maudit le scientifique de l'avoir entraînée là-dedans. Si elle avait su, elle n'aurait jamais accepté de l'aider à résoudre ce problème qui toucherait peut-être sous peu les environs. Et puis quel genre d'homme de science se fiait à une petite voix dans sa tête, sérieusement ?

"Vous prétendez être né en 1936, ce qui ferait de vous un homme né cinquante-et-un ans dans le futur, et mort en 1964 à vingt-huit ans, - âge regrettable pour mourir -, et pourtant vous êtes bien vivant... ce qui pose problème, en plus de cela, voyez-vous, c'est que vous dites venir du futur, or cela est clairement impossible. Peut-être avez-vous lu trop de livres fantastiques.
— Bon en maths à ce que je vois, monsieur le baron, ricana Robert, sarcastique. Mais non, je vous dis la vérité... et si vous écoutiez ce que cette jolie jeune femme peut vous dire ? Vous en seriez étonné."

Intrigué, Raymond haussa un sourcil et regarda, insistant, la jeune femme mal à l'aise qui se tortillait sur le canapé d'en face, son front brillant de sueur et quelques mèches noires retombant entre ses yeux. Elle comprit, en voyant l'épée magnifique que tenait le majordome, que si elle refusait de parler d'elle, les conséquences seraient terribles. Rebecca inspira et expira plusieurs fois pour se détendre, et se présenta à son tour.

"Je suis Rebecca Vosch... née en 1986, et je vis en 2011... ce type est venu me voir soudainement, couvert de sang, à l'hôpital où je travaille, et au départ, je ne l'ai pas cru, moi non plus, mais il dit la vérité. Grâce à sa montre, s'il se concentre sur un lieu et une date précis, il peut nous y emmener pour peu que l'on soit en contact physique avec lui."

Le brun reprit sa place sur le canapé, posa sa jambe droite sur la gauche et croisa les bras, en proie à une intense réfléxion qui dura une bonne minute. Ce laps de temps permit à la jeune femme de se remettre à paniquer, et elle commença à se ronger nerveusement les ongles, sous le regard observateur du scientifique qui semblait étudier son comportement comme si elle était un cobaye. A vrai dire, il trouverait ce genre de petites mimiques typiquement humaines très intéressantes. Cela l'aidait à cerner toujours plus la personnalité de ses semblables. Observer, c'est savoir. Il avait pour habitude de prononcer ces mots, au laboratoire de recherche de Voilaroc où il travaillait dans les années soixante. Major de sa promotion universitaire à vingt-deux ans là où ses collègues en avaient bien quatre ou cinq de plus, il s'était rapidement fait un nom dans le monde de la science et n'avait eu aucun mal à trouver un métier bien rémunéré après ses études. Il était le genre de personne que l'on qualifiait de génie.

"J'ai énormément de mal à y croire, mademoiselle Vosch, et j'en suis navré, mais je ne peux pas me fier aux paroles de deux seuls individus, annonça finalement le riche maître de maison.
— Si je puis me permettre, monsieur Raymond, intervint le majordome affublé d'un bijou d'oreille plutôt ésotérique, s'il existe des preuves que le voyage temporel est possible, peut-être que ces jeunes gens daigneront vous en montrer.
— Certainement", ajouta le rouquin avec un sourire sarcastique et un regard éloquent.

Le gouverneur du comté de Lavandia soupira, vaincu, et s'approcha de Robert, d'un pas lent et mesuré. Il le regarda droit dans les yeux et put remarquer à quel point ils étaient d'un bleu clair très peu marqué. Jamais il n'avait vu une telle couleur auparavant.

"Si vous dites la vérité, vous allez devoir tout m'expliquer au sujet de cette voix dans votre tête et de tout le reste. Si une menace plane sur mon territoire, je ne resterai pas les bras croisés à attendre que le comté soit complètement ravagé par des puissances occultes ou quoi que ce soit dans ce genre. Je peux compter sur vous pour me dire la vérité, monsieur Steiner ?
— La vérité, toute la vérité et rien que la vérité, répondit le voyageur temporel avec son habituel air décontracté.
— J'espère que vous ne craignez pas trop les maux de ventre, monsieur St John, ajouta Rebecca, un peu plus sereine à présent.
— ...les maux de ventre ?" répéta le baron sans comprendre.

L'infirmière lui assura qu'il allait comprendre, puis Robert intima à l'aristocrate de lui tenir le bras, ainsi qu'à Rebecca et à Marvin, qui souhaitait accompagner son employeur par sécurité. Une fois qu'ils furent en cercle, en contact les uns avec les autres, formant un cercle, l'homme de science demanda à Raymond de lui indiquer une destination.

"Eh bien... je ne sais pas trop. Le comté de Lavandia au Moyen-Âge ?
— Fort bien, vous allez être servi. Attention, ça va secouer."

Un flash de lumière aveuglant les enveloppa pendant quelques instants. Rebecca expérimentait de nouveau les joies du voyage spatio-temporel - seulement temporel en l'occurence, puisqu'ils ne changeaient pas de lieu - et espérait sincèrement éviter tout vomissement. Les deux hommes du dix-neuvième siècle ne savaient pas ce qui les attendait.

Une fois arrivés à destination, Raymond et son majordome eurent la joie de dégobiller le contenu de leur estomac. Haletants, ils se relevèrent et jetèrent un œil aux alentours. Ils n'étaient plus en 1885, et un seul regard leur suffit pour le comprendre. Un château fort se dressait fièrement au sommet d'une colline. Le baron connaissait cet endroit. A son époque, l'édifice n'était cependant qu'un tas de ruines, ce qui signifiait qu'il se trouvait bel et bien dans le passé.

Lorsqu'un chevalier en armure de fer passa à quelques mètres, sur un Galopa lancé à toute allure, il ouvrit des yeux ronds comme des billes. Marvin eut la même réaction, et son visage neutre s'éclaira d'un sourire impressionné.

"Monsieur Steiner, vous disposez d'un pouvoir fort intéressant. Je ne doute pas que monsieur Raymond soit tout disposé à vous croire, à présent.
— En effet, Marvin... je suis sûr et certain que ce pouvoir est bien réel... pas de doute possible..."

L'aristocrate observait les alentours, émerveillé. Il avait toujours aimé se plonger dans les livres d'histoire, et ce qu'il voyait à cet instant même correspondait parfaitement aux croquis de l'ancien château de Lavandia, appartenant à l'un de ses ancêtres. Il s'accroupit puis saisit une fleur au sol, qu'il examina sous tous les angles. Oui, aucun doute possible, tout cela était bel et bien réel.

"C'est incroyable... je ne comprends aucunement comment tout cela est possible, mais c'est une capacité étonnante et fabuleuse... la science aurait atteint ce niveau en 1960 ?
— Malheureusement, je crains que ça n'ait rien à voir avec l'avancée scientifique, parce qu'en 2011, les machines à voyager dans le temps n'existent toujours pas, répondit Rebecca.
— ...ce que je suis à présent est un mystère, je le crains", ajouta Robert, l'air peiné.

En ayant assez vu, Raymond suggéra au voyageur temporel de les ramener en 1885, dans le manoir St John. Ils réapparurent dans les jardins à l'arrière du manoir, tout aussi magnifiques que ceux de devant. Pas de vomissements cette fois-ci, au grand soulagement du maître de maison et de son majordome. Robert, n'y tenant plus, sortit de sa poche une cigarette et un briquet, observé attentivement par un Raymond perplexe.

"Qu'est-ce donc ? s'étonna-t-il.
— Quelque chose d'indispensable à mon époque pour tout gentleman. Vous voulez essayer ?"

L'aristocrate accepta volontiers, curieux, et offrit un sourire franc à ce mystérieux homme de science des années soixante. Décidément, cette histoire de voyage temporel l'intriguait au plus haut point, et il avait hâte d'en apprendre plus sur cette fameuse menace dont il parlait.