Chapitre 8 : L'ultime baillement du swag
D’où viennent exactement les Primordiaux ? Je crois qu’eux-mêmes ne le savent plus. Ob-Verso est leur planète mère et la capitale de leur Empire Infini, mais cette planète, tout comme les autres, ils l’ont colonisée. Certains d’entre eux pensent que leurs ancêtres ont vu le jour ici, sur Terre. Dans ce cas, les Primordiaux étaient-ils humains autrefois ? Ou bien autre chose ? Seul Arceus doit avoir la réponse.
*****
La sortie de Galatea à la capitale allait encore être prolongée d’une journée. Mais cette fois-ci, c’était du fait de Régis. Il avait appelé le numéro que ce Bertsbrand lui avait donné pour planifier un combat Pokemon entre eux. Régis avait dû fouiller au plus profond de ses dernières réserves de patience pour Galatea Crust, ses achats et ses dédicaces de romans ; c’était donc la moindre des choses qu’il se réserve un petit plaisir avec un dresseur qui en valait la peine. Et puis surtout, Bertsbrand l’intriguait. Il se demandait comment un fichu Parecool, fut-il chromatique, était venu à bout de tous ses adversaires de la Ligue d'Unys.
Ainsi donc, le lendemain matin à dix heures, Régis et Bertsbrand devaient s’affronter dans l’un des nombreux stades Pokemon de la ville, que Bertsbrand avait loué pour l’occasion. En présence bien sûr des médias et d’une foule de fans de Bertsbrand. Galatea serait là bien sûr, mais plus pour admirer et encourager Bertsbrand que soutenir Régis. Ceci dit, la jeune femme était toujours perturbée, et ce depuis qu’ils avaient quitté la Place de la Victoire. La preuve en était qu’elle n’avait admiré les signatures de Bertsbrand sur ses bouquins que seulement une heure d’affilée depuis qu’ils étaient rentrés à l’hôtel.
- Ce qu’il portait, c’était dangereux, j’en suis sûr ! Répétait-elle. J’aurai dû lui enlever, ou le mettre en garde… S’il était blessé, je…
- Encore avec ton fichu bijou surnaturel ! Soupira Régis. Écoute, il avait l’air de le porter depuis longtemps, et il est toujours entier.
- Mais ça avait une telle présence dans le Flux… Je n’avais jamais senti un truc pareil ! C’était comme si ce saphir était le réacteur nucléaire le plus puissant de la planète.
- C’est ça, se moqua Régis. Probablement que cette pierre bleue se charge de la puissance du swag de Bertsbrand.
Galatea lui jeta un regard peu amène en s’affalant sur son lit.
- Tu parles pour rien dire. Qu’est-ce t’y connais, en Flux ?
- Absolument rien, avoua Régis. Et ton Bertsbrand non plus, vu qu’il n’a rien senti de ce que tu as senti. Ne vas pas impliquer dans tes affaires mystiques les humains parfaitement normaux, et ils ne s’en porteront que mieux. Demain, je fais ce combat contre ce type, puis je te dépose direct à Cinhol. On a que trop tardé, et Igeus va penser que tu t’es enfuie.
- Je me fiche de ce qu’il pense, ce blanc-bec arrogant ! Répliqua la Mélénis avec humeur. Il croit que nous sommes ses prisonniers ? Si on reste à Cinhol, c’est uniquement parce qu’on le veut bien ! Il se prend pour Arceus le Tout Puissant parce qu’il a embrigadé Eryl et lui a posé une couronne factice sur la tête ?
Régis se garda de répondre. Lui-même n’avait qu'une confiance limitée en Igeus, et trouvait du plus grand absurde la nomination d’Eryl comme reine de la Confédération Libre. Régis connaissait bien la jeune femme, qui avait vécu un temps chez son grand-père le professeur Chen, et aussi douce et courageuse soit-elle, Régis ne la voyait absolument pas mener une guerre. Ce couronnement n’était qu’un plan tordu d’Erend Igeus pour acquérir encore plus de pouvoirs. Le problème, c’était qu’Erend Igeus était bel et bien le mieux placé pour combattre Venamia. Régis ne l’appréciait pas trop, mais de l’autre coté, il n’allait pas non plus se ranger corps et âme derrière les rebelles Rockets, même s’il commençait à mieux connaître et apprécier sa demi-sœur Estelle.
- Quoi qu’il en soit, on bouge demain, reprit Régis. Je suis le chef de file des champions de Kanto, et je dois gérer pas mal de dossiers. Igeus m’a demandé le listing d’une centaine de stratégies possibles et innovantes grâce aux Pokemon pour la guerre qu’il prépare. Peut-être que ce Bertsbrand m’apprendra de nouveaux trucs, et tout ça aura eu son utilité finalement.
- Crétin, sourit Galatea. Bertsbrand possède un style de combat que tu ne pourras jamais imiter. Tu te feras écraser sans pouvoir rien faire !
- Ah, c’est vrai que tu es une de ses fangirls. Tu as déjà dû le voir se battre à la télé. C’est quoi donc, le secret de son Parecool ?
- Tu n’apprendras rien de moi. Tu découvriras les terribles pouvoirs de Marie-Eglantine sur le terrain, en même temps que la plus profonde des impuissances ! Ah ah ah !
Elle lui tira la langue et se retourna dans son lit. Régis leva les yeux au ciel en se couchant lui-même. Quand il pensait que cette fille immature et un peu timbrée sur les bords possédait un pouvoir capable d’envoyer voler une armée entière, ça lui faisait un peu peur. Régis la croyait capable de changer de camp et d’aller se mettre au service de Venamia si jamais Bertsbrand décidait de lui faire allégeance. Comme elle l’avait justement dit, c’était uniquement parce qu’elle le voulait bien qu’elle restait à Cinhol avec son unité comme leur avait demandé Igeus.
Lui et Estelle pouvaient bien dire ce qu’ils voulaient, aucun humain ne pourrait jamais contrôler des Mélénis. Et ça c’était inquiétant. Ils étaient chanceux que les jumeaux Crust se plient à l’autorité, mais si jamais l’un d’eux était devenu comme leur demi-sœur Venamia, à vouloir dominer le monde ? Régis songea un moment avec effroi à ce que serait un monde dominé par Galatea Crust. Ça lui donna de telles sueurs froides qu’il préféra penser à autre chose. Il avait un match demain. Autant ne pas avoir une nuit pourrie par des cauchemars.
***
Bien que ça fasse six mois qu’il s’y trouvait, Régis n’était pas encore tout à fait familier de la capitale Fubrica. Et c’était normal, car la mégalopole futuriste était la plus grande ville du monde. Il savait qu’il y avait plusieurs stades de combats Pokemon ci et là dans la ville, mais il ne s’était pas douté que Bertsbrand avait eu l’audace de louer le plus grand. En effet, le lieu où il avait convié Régis était le Stade Central de Fubrica, là où se jouaient les compétitions officielles. Un stade digne d’une Ligue Pokemon. Le louer pour un match amical était ahurissant, tout comme le nombre de spectateurs qui étaient venus. Régis s’était attendu à ce qu’il y ait quelques fans de Bertsbrand bien sûr, mais là, quasiment le quart des gradins étaient plein, ce qui devait faire quand même 20.000 personnes au bas mot.
- Nan mais c’est pas possible, murmura Régis en voyant cette foule. On a prévu ce match que hier ! Comment tant de personnes peuvent être au courant ?!
- Bertsbrand a un blog qu’il met constamment à jour, lui expliqua Galatea. Tous ses déplacements sont suivis à la lettre par ses fans. Et puis, ça fait tellement longtemps qu’on ne l’a plus vu se battre qu’on ne peut pas laisser passer ça. Tâche de ne pas perdre au bout d’une minute seulement, hein ?
Elle le planta de son coté du stade pour aller rejoindre les tribunes derrière Bertsbrand, qui était bien sûr les plus garnies. Il y avait une dizaine de caméras qui filmaient les faits et gestes de Bertsbrand, et ses fans hurlaient son nom, lui lançaient des pétales de roses ou le demandaient en mariage. Avec son air de playboy sûr d’être le maître de l’univers, ce dernier saluait la foule ou lançait quelques baisers de droite à gauche. Régis pouvait voir certaine filles dans les gradins se battre pour pouvoir se placer sur la trajectoire des baisers invisibles de Bertsbrand. Le niveau de connerie local recommençait à devenir extrêmement dangereux. Régis commença à regretter d’avoir pris part à ce spectacle.
- Mesdames et messieurs ! Hurla le speaker du stade. Nous assistons ce matin à un évènement historique ! Le grand, le fameux Bertsbrand, qui nous a fait l’honneur de visiter notre belle région pour la sortie de son nouveau roman, 50 nuances de Moi, déjà en tête des ventes avec plus d’un million six cent mille exemplaires vendus en à peine une semaine…
Le speaker fit une pause, pour laisser le temps au public d’ovationner encore plus Bertsbrand, et ce dernier de prendre sa pose ridicule, les bras levés vers le ciel comme s’il visait quelque chose avec un fusil invisible.
- … va aujourd’hui, pour notre plus grand bonheur, nous dévoiler une fois de plus ses incroyables talents de dresseurs Pokemon, conclut le commentateur. Le grand Bertsbrand s’est très sportivement proposé pour un petit combat amical avec notre challenger que voici, le dénommé Régis Chen, champion d’arène de la région Kanto et petit-fils du célèbre professeur Samuel Chen.
Le visage de Régis passa enfin sur les écrans du stade. Si deux trois personnes l’applaudirent poliment, la plupart le huèrent comme s’il était un pestiféré. Régis resta de marbre. Jadis, il avait été un petit con qui recherchait la popularité partout où elle pouvait être. Il avait même un fanclub personnel qu’il amenait partout avec lui. Bref, il avait été comme ce Bertsbrand. Aujourd’hui, tout cela l’indifférait totalement. Il en avait même assez du regard émerveillé et envieux des autres parce qu’il s’appelait Chen.
- Dresseurs, veillez approcher ! Leur demanda l’arbitre au milieu du stade.
Régis s’avança vers Bertsbrand. Il avait changé de tenue depuis la veille, mais portait toujours son espèce de pierre bleue en médaillon, celle que Galatea suspectait de sorcellerie. Bertsbrand tendit la main à Régis et ce dernier la serra. Le public poussa un grand soupir collectif, comme si tout le monde aurait voulu être à la place de Régis.
- J’aimerai vous remercier pour cette proposition de match, mon bon, lui dit Bertsbrand. Elle tombait à pic, je dois dire. Cela faisait un moment que je n’avais plus démontré mon swag sur un terrain. Faisons un beautiful match, pour tous ces braves gens présents.
- C’est ça, marmonna Régis.
L’arbitre leur demanda de spécifier les règles du match. Comme Régis voulait en finir au plus vite, il demanda qu’un match en trois Pokemon, même s’il en avait six.
- Comme vous voulez, mon cher, acquiesça Bertsbrand. Je me fiche du nombre de Pokemon. De toute façon, je n’ai que Marie-Eglantine.
- Euh… alors, on fait du 1vs1 ? Demanda Régis.
- Mother of Arceus, non ! Ce serait terriblement court pour les spectateurs. Prenez-en trois. Marie-Eglantine me suffit, quoi que vous envoyiez.
Régis se demanda si Bertsbrand se fichait de sa gueule, ou s’il était vraiment à ce point confiant pour le combattre à trois Pokemon avec un seul Parecool. Peut-être qu’il bluffait, et qu’il espérait que Régis le laisse gagner ? Car le jeune homme commençait à se dire que ça serait risqué pour sa vie de gagner. Les fans de Bertsbrand descendraient peut-être des gradins pour sauter sur lui et le démembrer ?
- Dresseurs, prenez place ! Lança l’arbitre en levant ses deux drapeaux.
Régis remarqua brièvement le badge que portait l’arbitre sur sa poitrine. Le logo de la confédération officielle des arbitres professionnels. Il se retint de lever les yeux au ciel. Bertsbrand n’avait-il donc aucune mesure ? Quel intérêt de prendre un arbitre pro pour un fichu match amical ? Arrivé au bout du terrain, dans le rectangle qui lui était réservé, Régis étudia son adversaire qui parlait doucement à sa Parecool chromatique. Celle-ci bailla et se mit à trottiner sur le terrain. Le Pokemon regardait Régis avec l’air de dire « allez, dépêche d’envoyer tes Pokemon, que j’aille me recoucher ».
En tant que premier des champions d’arène de Kanto, Régis Chen était avant tout un dresseur stratégique. Il basait ses choix et ses actions sur l’étude de l’adversaire et sur ses propres connaissances en Pokemon, qui étaient considérables. Mais là, en ce moment, il était embêté. Il n’avait aucune idée de la stratégie à employer face à ce Parecool dont tout le monde ne cessait de vanter les mérites. Parecool était un Pokemon Normal d’une faiblesse avérée. De plus, à cause de son talent spécial handicapant, Absentéisme, il ne pouvait attaquer qu’un tour sur deux. Régis avait beau se creuser la tête, il ne voyait vraiment pas en quoi ce Pokemon au surnom si ridicule pouvait être dangereux, même s’il était violet. Il décida de ne plus hésiter longtemps. Après tout, il avait droit à trois Pokemon. S’il y avait un piège quelque part, il le verrait bien.
- Très bien. Arcanin, à l’attaque !
Son fidèle Arcanin, qu’il avait depuis très longtemps, apparut dans un flash de lumière dès que sa Pokeball toucha le sol du stade. Quand le grand Pokemon canin vit quel était son adversaire, il lança un regard furtif à son dresseur, comme pour demander s’il ne se moquait pas de lui.
- Oui, je sais… soupira Régis. Mais reste sur tes gardes. Je ne sais pas de quoi cette bestiole est capable.
Arcanin poussa un aboiement courroucé. Il avait l’air de prendre pour une insulte qu’on lui oppose un Parecool qui louchait et se grattait la tête avec son air débile. De l’autre coté du terrain, Bertsbrand surprit Régis en se mettant à danser. Mais en fait, ce n’était pas une danse ; juste une pose de combat abusivement longue.
- Maaaaaaarie-Eglantine, ma chère, fit-il d’une voix de soprano. Je te confie ma gloire une fois de plus ! Ne déçois pas nos fans. Bats-toi avec swag. Non, ne te bats pas avec ; sois le swag lui-même !
Le public acclama Bertsbrand comme s’il venait de sortir une phrase terriblement profonde et intelligente. Régis commençait à en avoir assez.
- Arcanin, attaque Croc Feu !
Le Pokemon Feu se précipita sur sa proie, la bouche bouillante. Bertsbrand chantonna :
- Marie-Eglantine, lance donc ton attaque Bâillement ultra-swag !
Le Pokemon chromatique bailla avec une telle force que Régis lui-même avait soudain l’envie de bailler. La stratégie de Bertsbrand était donc de l’endormir ? Ridicule ! Bâillement mettait un tour à faire effet, et Arcanin aurait d’ici là le temps d’achever ce Parecool en une seule attaque. Et même si par miracle ce n’était pas le cas, il se réveillerait bien avant que cette Marie-Eglantine n’arrive à lui faire sérieusement mal. Mais étrangement, Arcanin s’était stoppé dans sa course. Régis le vit tituber, puis s’écrouler au sol. Profondément endormi, et sur le coup. Le public renouvela ses ovations pour Bertsbrand.
- Que…
Régis ne comprenait pas. L’attaque Bâillement ne fonctionnait pourtant pas si vite. Le Pokemon touché avait toujours le temps de lancer une attaque, voire deux s’il avait attaqué en dernier. Quel était ce tour ?
- Ohhhh, lança le speaker du stade. Le voici ! L’ultime Bâillement du swag de Marie-Eglantine ! Symbole de la toute-puissance de Bertsbrand, il n’échoue jamais, fonctionne à tous les coups et endort l’adversaire immédiatement !
- Attendez ! Protesta Régis à l’arbitre. Ce n’est pas normal ça ! Bâillement ne peut pas endormir directement !
- Il n’y a aucune irrégularité, répondit l’arbitre, imperturbable. L’attaque Bâillement du Parecool de Monsieur Bertsbrand est bien connue comme étant particulière.
- Oh my god ! S’écria Bertsbrand. Se pourrait-il que vous ne soyez pas au courant, Mister Chen ? Mais alors, vous n’avez jamais vu un seul de mes matchs ?!
Le public, qui avait tout entendu des paroles de Bertsbrand, hua Régis comme s’il avait commis un crime inqualifiable. Ce dernier serra les dents.
- Bien sûr que non, crétin, fit-il à voix basse. Il y a deux jours, je ne te connaissais pas encore…
Bon, son Parecool était particulier. Son attaque Bâillement endormait directement, sans temps d’attente. Soit. Et alors ? Ce n’était pas un drame. Régis n’avait juste qu’à attendre que son Arcanin se réveille, et alors il contrattaquerait avec Vitesse Extrême, ne laissant pas le temps au Parecool de renouveler son attaque. Mais au bout de cinq minutes, Arcanin ne s’était toujours pas réveillé, ce qui n’était pas normal. Cinq minutes était la durée maximale pendant laquelle une altération d’état de sommeil pouvait faire effet. Et, encore plus bizarre, Bertsbrand n’avait rien ordonné comme attaque entre temps, et son Parecool n’avait pas bougé de place.
- C’est quoi ce délire ? Demanda Régis. Pourquoi mon Arcanin ne se réveille-t-il pas ?
- Ahhhh, mon cher champion d’arène de Kanto… soupira Bertsbrand de façon dramatique. Vous ne savez donc rien des pouvoirs si swag de Marie-Eglantine ? Quelle tragédie so tragic ! Sachez très cher qu’endormir directement n’est pas la seule particularité du Bâillement de Marie-Eglantine. Ceux qui sont touchés par son attaque sont endormis pour une durée… illimitée.
Régis n’aurait pas été plus surpris si Bertsbrand lui avait dit que le ciel était vert.
- Heeeeinnnnn ?
- Comme vous dites, acquiesça Bertsbrand. L’attaque Bâillement de Marie-Eglantine est unique en son genre. Peut-être parce qu’elle est chromatique ? Ou peut-être parce qu’elle a le dresseur le plus swag de tous les temps ? En tous cas, je crains que votre Arcanin ne puisse pas se réveiller naturellement. Il lui faudra soit un séjour dans un Centre Pokemon, soit un objet de soin comme un Réveil.
Il en avait des bonnes, ce Bertsbrand de malheur ! Régis ne s’était pas trimballé avec des objets de combats Pokemon sur lui ! Et de toute façon, il n’aimait pas les utiliser, du moins pas en combat. Il avait toujours considéré cela comme déloyal. Ceci dit, moins déloyal qu’avoir une attaque capable d’endormir l’adversaire indéfiniment…
- Cette manche est à moi, conclut Bertsbrand. Marie-Eglantine, je te prie…
Le Parecool bailla de nouveau, puis entreprit de pousser l’Arcanin endormi de Régis. Ce dernier comprit ce que Bertsbrand voulait faire. Il voulait faire sortir Arcanin hors des limites du terrain pour qu’il soit disqualifié. Mais le problème… c’était que son Parecool de malheur n’avait pas fini ! Il poussait Arcanin centimètre par centimètre, et en baillant toutes les dix secondes ! Et pendant ce temps, le public acclamait Bertsbrand et huait Régis, qui ne pouvait rien faire. Il aurait certes pu rappeler son Arcanin, mais ça n’aurait servi à rien vu qu’il ne pouvait pas se réveiller, même dans sa Pokeball. Il dut donc patienter au moins vingt minutes que le Parecool le tire hors du terrain, en restant immobile comme un con à subir les railleries du public, pendant que Bertsbrand prenait ses poses débiles.
C’était ça, la façon dont Bertsbrand avait gagné la Ligue d'Unys ? Empêcher son adversaire de jouer et l’humilier des minutes entières alors qu’il ne pouvait rien faire ? Régis n’avait jamais vu une façon de se battre aussi déplorable. Même si c’était légal, c’était une insulte aux valeurs des combats Pokemon et du travail des dresseurs. Ce Bertsbrand était un imposteur, et tous ces abrutis dans le stade qui l’acclamaient des idiots qui ne comprenaient rien à la beauté d’un vrai match Pokemon. Quand l’arbitre signifia la disqualification d’Arcanin et que Régis le rappela, il se promit de faire payer cette humiliation à Bertsbrand. Il lui suffisait seulement d’attaquer en premier. Un Parecool n’était pas rapide de nature. Il appela donc son puissant Elekable. Marie-Eglantine, elle, soufflait encore de ses efforts pour pousser Arcanin hors du terrain. Parfait.
- Elekable, attaque Poing-Eclair ! Ordonna Régis.
Elekable était déjà à dix mètres de Parecool, et Bertsbrand n’avait encore rien ordonné. De toute façon, même s’il l’aurait fait, l’attaque Poing-Eclair aurait porté bien avant que le lent cerveau du Parecool analyse l’ordre de son dresseur puis décide d’attaquer. Mais alors, Parecool bailla, sans que Bertsbrand ne lui ait ordonné. Elekable tomba endormi comme Arcanin tout à l’heure. Le public reparti dans ses cris.
- Mais c’est impossible ! S’exclama Régis à Bertsbrand. Vous n’avez ordonné aucune attaque, et il aurait été trop tard pour qu’il en utilise une !
Bertsbrand s’autorisa un petite sourire hautain que Régis jugea des plus insupportables.
- Je n’ai en effet donné aucun ordre d’attaque. Mais Marie-Eglantine n’en a pas besoin. Elle baille naturellement chaque dix secondes, et ses bâillements normaux ont les mêmes effets que l’attaque Bâillement.
Et tout recommença. Le Parecool commença à pousser Elekable hors des limites, et ce de nouvelles longues minutes d’humiliation pour Régis. Il se demandait même s’il ne devrait pas abandonner pour s’épargner la suite, car il savait qu’il ne pourrait rien faire contre ce bâillement surnaturel. Il aurait pu la contrer avec un Pokemon Spectre, mais il n'en avait aucun sur lui. Peut-être un Pokemon avec Insomnie aurait pu résister, mais il n'en avait pas non plus. Il avait bien Noctali avec Synchro, ça aurait pu lui permettre d’endormir Parecool en même temps que lui, mais ça n’aurait pas pu l’endormir indéfiniment, tandis que Noctali oui.
Régis, même s’il savait sa défaite certaine, décida de ne pas abandonner. Ce serait le comble de l’humiliation. Mais il imaginait bien que les adversaires de Bertsbrand, quand ils étaient piégés dans cette situation horrible, devaient souvent envisager l’abandon. Cette façon de jouer était horrible. Il n’y avait aucune gloire, aucune expérience à en tirer. Mais parce que mec était célèbre, il s’en fichait : chacune de ses victoires ne faisaient que renforcer sa célébrité.
- Eh bien, mon cher Mister Chen ? Lui lança Bertsbrand. Vous voilà bien démuni face à moi… Mais je ne vous en veux pas. C’est tout à fait normal. Car je suis Bertsbrand, et le swag est avec moi.
Il reprit sa pose du joueur qui venait de marquer un but et le public scanda son nom. Régis devait se retenir à grand peine de parcourir tout le terrain pour aller lui coller une beigne. Quand Elekable fut enfin en dehors des limites, Régis appela son Tortank et tenta une attaque Hydrocanon avant que Parecool ne puisse bailler. Mais à cette distance, même le lent Parecool n’eut aucun mal à esquiver. D’ailleurs, il n’était pas si lent que ça, cet enfoiré. À moins que ce soit autre chose. Il semblait avoir une capacité d’esquive supérieure à la moyenne. Régis n’aurait pas été étonné que Bertsbrand lui ait fait porter de l’Encens Doux pour augmenter son esquive.
Tortank tomba endormi juste après, et comme cette fois ci Marie-Eglantine fut incapable de le pousser, Bertsbrand lui ordonna d’attaquer. Là, Régis fit taire son honneur et abandonna de lui-même. Hors de question que Tortank soit blessé alors que le match était de toute façon fini. Le speaker hurla la victoire de Bertsbrand, et ce fut une nouvelle fois la folie dans les gradins. Régis fit demi-tour directement. Il n’avait aucune envie de serrer la main de Bertsbrand. Ce type ne le méritait pas. Il fut surpris en sortant du terrain de voir que Galatea l’attendait, adossée contre le mur près des loges. Elle avait sur son visage un air d’amusement et de pitié qui fit bouillir encore plus Régis.
- Alors ? Fière de ta star ? Lui demanda Régis. En effet, il a l’âme d’un GRAND dresseur ce gars. On devrait tous prendre exemple sur lui et ne se battre qu’à coups de Bâillement.
Galatea ricana, mais pas méchamment. Elle tapota même l’épaule de Régis.
- Je savais à quoi m’attendre. Je ne t’ai rien dit parce que c’est toi qui l’avais défié, pour que ça te serve de leçon. Mais tu sais, j’aime Bertsbrand pour ses livres et son physique, pas pour ses combats Pokemon. Je suis dresseuse, moi aussi.
Régis comprit ce qu’elle voulait dire. Même si elle était fan de ce type, elle savait très bien que sa façon de se battre était déloyale et humiliante au possible. N’importe quel dresseur qui aimait ses Pokemon et qui aimait les combats ne pourrait pas dire le contraire. Et l’estime de Régis pour Galatea remonta un petit peu.
- Allez, viens, lui dit la jeune femme sans se départir de son sourire. On rentre à Cinhol, et si tu veux, avant que tu partes, je te ferai l’honneur d’un combat Pokemon avec moi pour te faire oublier ça. Rassure-toi, j’utilise pas Bâillement.