Chapitre 7 : La reine de l'Innocence
Le Grand Forgeron Memnark avait pour but de faire primer l’esprit sur les limites que nous imposaient nos prisons de chairs. C’est là tout le dilemme des Primordiaux. Leur savoir et leur sagesse sont quasiment illimités, mais ils ont des corps faibles, qu’ils ne maintiennent en vie que grâce à la science.
*****
Erend, accompagné de Ladytus, tapa à la porte des quartiers de la reine Eryl, et attendit patiemment que la servante qu’il avait loué à la reine ouvre.
- Commandant Suprême Igeus, Dame Ladytus, fit-elle en s’inclinant. Sa Majesté est en méditation. Dois-je la déranger ?
Erend retint un sourire ironique. Méditation, hein ? Depuis qu’Eryl Sybel avait découvert sa vraie nature d’incarnation d’un Pokemon Légendaire, elle avait acquis l’agaçante habitude d’essayer de s’adonner au paranormal. Selon elle, Erubin était issue du Flux, et comme elle-même était issue d’Erubin, elle devait être capable de se plonger dans le Flux. Pas comme des Mélénis style les Crust, certes, mais à un certain niveau, qui lui ouvrirait en autre une sensibilité accrue des effluves de la Corruption, propagées par leurs ennemis.
- Loin de moi l’idée de déranger Sa Majesté durant sa méditation, répondit Erend. J’attendrai le temps qu’il faudra.
- Je vous en prie, installez-vous, poursuivit la servante en désignant la grande table en marbre blanc. Voulez-vous des rafraîchissements ?
- Bien volontiers.
Erend et Ladytus s’assirent à cette table vieille de plusieurs siècles qui devaient valoir autant qu’un vaisseau de guerre. Erend savait qu’Eryl se fichait pas mal du luxe, et qu’il ne devait pas espérer l’acheter avec ça. Mais elle devait quand même être entourée de jolies et nobles choses, pour l’image. Tout chez « Sa Majesté Eryl » était une question d’images soigneusement entretenues. Une fois les boissons servies, en l’occurrence un thé très raffiné dans un service en porcelaine du XVIe siècle, la servante se retira avec une révérence. Ladytus, qui s’était retenue jusque là, dit enfin :
- Tout cela est ridicule Erend. Tu pourries cette fille de haut en bas. Il y’a d’autre façons de se servir d’elle que de l’enfermer dans une maison de poupée en cristal.
- La guerre n’a pas encore commencé, mon amie, rétorqua Erend en buvant nonchalamment une gorgée de son thé. Eryl aura l’occasion de briller. D’ici là, je la veux près de moi. Alors autant qu’elle soit bien installée.
- Elle est censée représenter la lutte contre la Corruption, qui elle est symbolisée par le Marquis des Ombres et ses Sept Démons Majeurs. Et ces sept Pokemon comprennent, permets-moi de te le rappeler, les péchés de l’envie, de l’orgueil, de l’avarice ou encore de la gourmandise. Eryl aura du mal à les combattre si elle-même en est remplie.
- Que veux-tu dire ? S’étonna Erend. Eryl est la pureté incarnée !
- Tu as fait d’elle ce qu’elle n’est pas. Et ça va lui monter à la tête. Ça commence déjà. En dépit de ce qu’elle est, elle n’en garde pas moins l’apparence et l’esprit d’un humain. Et n’importe quel humain peut succomber à la corruption si on l’y pousse suffisamment. Ça commence doucement, et puis ça s’emballe sans qu’on ne remarque rien, jusqu’à qu’il soit trop tard.
Erend rigola doucement.
- Tu t’inquiètes trop. Notre Reine de l’Innocence ne va pas devenir la prochaine Marquise des Ombres juste parce que je lui paies une bonne et un service à thé hors de prix. Outre le fait que ce sont des choses qui conviennent maintenant à son rang, c’est aussi pour moi une simple occasion de paraître gentlemen.
Ladytus regarda Erend d’un air sévère, comme un enfant qu’on sermonnait.
- Tu n’es pas un gentlemen, Erend Igeus. Tu fais semblant de l’être. Dans chacun de tes gestes ou paroles gracieuses se cachent un but précis.
- Je plaide coupable, sourit le jeune homme. Mais là c’est différent. Il ne s’agit pas que de contrôler Eryl. Du moins pas seulement. Je l’aime bien, voilà tout. Et je suis en droit de la courtiser si tel est mon désir.
- Elle a déjà quelqu’un, signala Ladytus.
- Elle avait quelqu’un, rectifia Erend. Elle a rompu avec Mercutio Crust avant même qu’on revienne à Bakan.
- Parce qu’elle voulait entièrement se léguer à son nouveau rôle. Pas pour que tu tentes ta chance.
Erend soupira en trempant un biscuit dans son thé.
- De grâce Ladytus… J’apprécie toujours tes conseils et tes critiques, mais pas sur les relations amoureuses entre humains. C’est un domaine que tu ne pourras jamais cerner.
Erend n’aurait accepté de conseils de n’importe qui sur ce sujet, d’ailleurs. Il faisait bien la distinction entre le Commandant Suprême Igeus, qui se devait à la Confédération, à son peuple et à ses alliés, et qui devait écouter les conseils de tout le monde, et le simple Erend, jeune homme de vingt ans comme tant d’autre, qui vivait aussi pour lui. Ladytus n’insista pas, mais son regard critique ne s’effaça pas de son visage immaculé. Finalement, Eryl sorti de sa chambre un quart d’heure plus tard. Erend se leva pour l’accueillir, plus par galanterie que parce qu’elle était censée être sa souveraine.
- Erend. Tu es là depuis longtemps ? Tu aurais pu me prévenir.
- J’ai quelque temps à moi, et tes quartiers débordent d’une telle sensation de paix et de bien être que j’y passerait volontiers toute la journée.
Le passage au tutoiement entre eux s’était fait il y a deux mois. En privé seulement. En public, elle était Sa Majesté la Reine Eryl, et même Erend lui donnait du « Votre Grâce ». Mais c’était Eryl elle-même qui lui avait avoué qu’elle avait besoin de temps en temps de redevenir la simple Eryl Sybel et de pouvoir parler normalement avec des gens. Elle salua Ladytus puis s’assit avec grâce devant Erend, qui s’était perdu dans la contemplation de ses magnifiques yeux noisettes et de ses cheveux violets brillants.
Erend l’avait fait reine pour qu’elle puisse servir ses intérêts, c’était un fait. Mais en même temps, il se disait qu’il n’y avait pas que ça. En effet, même vêtue de vêtements très simples, Eryl Sybel rayonnait. Elle avait une présence naturelle qui illuminait le cœur de son auditoire. Erend avait déjà remarqué ça chez elle la première fois qu’il l’avait vu, il y un peu moins d’un an. Elle était venue le rencontrer d’elle-même pour le mettre en garde contre Horrorscor et ses Agents de la Corruption. À l’époque, il ignorait qu’Eryl était la légendaire Pierre des Larmes d’Erubin sous forme humaine, mais il avait bien remarqué son aura rayonnante et sa voix apaisante. Il avait mis cela sur le compte d’un possible coup de foudre, mais maintenant, il était sûr que c’était le fait de sa nature : celle d’un être au-delà de l’humain, né d’un Pokemon Légendaire et symbole de l’innocence.
Objectivement parlant, Eryl n’était en fait rien d’autre qu’une pierre. Une larme du Pokemon Légendaire Erubin, déesse de l’Innocence, qui s’était transformée en roche d’une pureté sans pareille. Cette fameuse Pierre des Larmes avait servi à quasiment anéantir Horrorscor, et les Gardiens de l’Innocence n’avaient cessé depuis de vouloir la retrouver. L’un d’eux a réussi : Dan Sybel, qui fut le précédent Premier Apôtre des Gardiens. Mais après, on ne sait pas très bien ce qu’il s’est passé.
Dan avait une fille, Lyre, et un disciple, Silas Brenwark. Lors d’un combat contre le Marquis des Ombres de l’époque, la jeune Lyre avait été blessée, et Silas, qui tenait alors la Pierre des Larmes dans ses mains, avait utilisé un pouvoir inconnu qui transforme l’imaginaire en réel. La Pierre des Larmes qu’il tenait s’est alors transformée en double de Lyre en parfait état ; ce que souhaitait voir Silas. Après cela, Dan a caché la Pierre des Larmes ayant pris forme humaine en faisant croire qu’il s’agissait de sa fille, et en modifiant son nom en Eryl. Puis il est mort peu de temps après, en emportant le Marquis des Ombres avec lui. Mais aujourd’hui, il y avait un nouveau Marquis, et il avait à ses cotés Lyre Sybel et Silas Brenwark. C’était de la bouche de sa double originale qu’Eryl avait appris ce qu’elle était en réalité.
Erend imaginait parfaitement le choc. Apprendre qu’en réalité, depuis toujours, nous n’étions pas celle que nous croyons. Que nos parents n’étaient pas nos parents. Que nous n’étions même pas humains. Juste une copie. Mais Eryl, au lieu de s’effondrer, a accepté ce qu’elle était et son rôle : celui d’anéantir Horrorscor. Pour cela, elle a quitté la X-Squad et les Gardiens de l’Innocence pour partir à la recherche d’Erend, celui qu’elle pensait comme le meilleur allié possible dans son combat contre la corruption. Et la voici : en reine improvisée de la Confédération Libre qu’Erend avait fondée.
- Eh bien ? Demanda Eryl. Que me vaut le plaisir de votre visite, vous deux ? Pas encore des décrets que je dois signer j’espère…
Erend retint un sourire. Elle avait déjà bien acquis les manières d’une reine.
- Tu as déjà signé le décret qui m’autorise à les signer à ta place, lui rappela-t-il.
- Vraiment ? Tu me l’as glissé en douce dans une pile de documents sans intérêt pour fomenter un Coup d’Etat ?
Et drôle avec ceci. Drôle, belle, intelligente, reine, et incarnation d’une déesse par-dessus le marché. Trop, beaucoup trop bien pour un type comme ce Mercutio Crust.
- J’aimerai que tu te rendes à Cinhol pendant une semaine ou deux. Le gens de là-bas me connaissent de nom et me respectent, mais ils ne savent encore pas grand-chose de toi. Comme ils ont des rois et des reines depuis la nuit des temps, il serait bon que tu te fasses connaître d’eux comme reine de la Confédération Libre dont ils font parties.
- Le duc Isgon te causes des difficultés ? Demanda Eryl.
- Pas vraiment non. C’est un brave type, quoi qu’un peu limité niveau stratégie à long terme. Ce que je veux, c’est unir le plus possible tous les composants de notre Confédération avant qu’elle ne parte au combat contre Venamia. C’est toi qui représente la cohésion de la Confédération. Fais-toi apprécier des gens de Cinhol. Ce sont des gens simples. Ils ne comprennent rien à la politique ; ils se battent seulement pour les dirigeants qui se soucient d’eux.
- Je vois.
Elle semblait même voir au-delà des simples paroles d’Erend. Elle comprenait que tout cela ne serait encore qu’une mascarade, qu’elle allait devoir faire mine d’adorer le peuple de Cinhol pour mieux se servir de lui ensuite. Mais si Eryl était la reine de l’innocence, elle n’était pas celle de la sottise. Elle savait très bien que les guerres ne se gagnaient pas avec seulement des bons sentiments.
- J’y serai bien allé moi-même, poursuivit Erend. Armé d’Espérance, j’aurai fait mon petit effet. Ces paysans me considèrent comme le sauveur de leur royaume. Comme je suis le descendant d’Uriel, ils pensent que je suis des leurs. Mais j’ai un emploie du temps un peu trop chargé pour prendre quelque jours de congé à Cinhol.
- Je comprends. Et que suis-je censée faire, pour gagner leur sympathie ?
- Bah, être toi-même, ça suffira largement. Participe à leurs banquets, vante leur nourriture et leurs coutumes, intéresse-toi à leurs histoires et à leurs problèmes. Et surtout, deviens amie avec Alroy. Ça ne devrait pas poser de problème. Cet enfant roi est un mordu de Pokemon. T’étais dresseuse toi aussi. Parle-lui de Pokemon, prête-lui les tiens, fais quelque combats…
- Des combats ? Contre les légendaires Pokemon de Castel ? Les miens se feront détruire avant que j’ai le temps de dire ouf, surtout avec mes piètres capacités de dresseuse.
- Tant mieux, approuva Erend. Les gamins de son âge détestent perdre. Ah, il y aura le prince Julian aussi avec lui. Encore un bambin à se mettre dans la poche pour plus tard.
Eryl plissa les yeux, soudain préoccupée. Erend comprenait qu’elle n’avait pas forcément envie de faire ami-ami avec le fils de Lady Venamia, qui était en plus le neveu de son ex-fiancé. Mais Erend ne se faisait pas de souci. Eryl adorait les enfants, et les enfants l’adoraient.
- Leaf devrait rester là-bas, poursuivit-il. C’est une chouette fille. Ça te fera de la compagnie. Et tu pourras en profiter pour passer dire coucou à tes anciens potes de la X-Squad sur place.
- Pourquoi « anciens » ? S’étonna Eryl. Ils n’ont jamais cessé de l’être.
- Bien sûr… mais tu ne les as pas trop vu ces six derniers mois non ?
Erend remuait le couteau dans la plaie. Il voulait être sûr qu’il ne risquerait rien à laisser Eryl avec Mercutio un court moment. D’ailleurs, ce dernier était actuellement au nord de Bakan avec Syal, donc ça tombait bien.
- La faute à qui ? Demanda Eryl. C’est toi qui les retiens prisonniers à Cinhol depuis qu’ils sont arrivés !
- Prisonniers est peut-être un terme un peu fort, tempéra Erend. Je les qualifierai plus d’invités.
- Ils sont de notre cotés, insista Eryl. Je connais ces gens, Erend. Eux et moi, on était ensemble à de nombreuses reprises contre de nombreux ennemis.
- Bien sûr. Mais tu m’excuseras juste deux trois précautions quand il s’agit de la Team Rocket. Je te rappelle que Venamia faisait partie de la X-Squad autrefois. Zeff Feurning était un agent de la Garde Noire puis l’un des commandants au service de ce Zelan Lanfeal. Leur ancien colonel Tuno est porté disparu et il y a des rumeurs à Johkan comme quoi ils auraient perdu la boule et accumulerait les horreurs. Quant à cette Solaris, n’en parlons pas. C’est sans doute la pire criminelle contre l’humanité de ce siècle.
Eryl ouvrit la bouche, toujours prête à défendre son amie, mais Erend l’interrompit :
- Oui oui, je sais ce que tu vas dire. Elle a eu une enfance tragique, elle a été manipulée, et depuis elle s’efforce de se racheter en servant les Gardiens de l’Innocence. Soit. J’ai toujours été pour les secondes chances. Mais ça n’empêche pas d’être vigilant. Je ne nie par les pouvoirs ou l’utilité dans la X-Squad, mais beaucoup de ses membres méritent une attention particulière.
- Et c’est pour ça que tu y as envoyé ton demi-frère ? Demanda Eryl. Un G-Man clandestin reconverti dans l’assassinat ?
Erend eut une moue ironique. C’était sûr qu’Ithil n’était pas le meilleur exemple de vertu.
- Mon frère reste mon serviteur, en toutes circonstances. C’est un outil, Eryl. Un outil n’est pas mauvais ; c’est celui qui le manie. Mon père s’est servi d’Ithil pour des actes infâmes servants ses propres intérêts. Je m’en sers moi pour des actes infâmes servant l’intérêt du monde et de la paix.
- Quelle tristesse de parler de son propre frère comme d’un outil…
Ce n’était pas Eryl qui venait de parler, mais Ladytus. Erend fut surpris. Son amie Pokemon n’avait pas pour habitude d’intervenir dans une conversation, encore moins contre Erend.
- J’aime Ithil, se défendit Erend. Autant que j’aimais Zayne. Je ne lui ai jamais rien demandé qui allait à l’encontre de ses valeurs. De ce que je sais, il a bien fini par s’intégrer dans la X-Squad et s’y plait plus ou moins. Une vie là-bas est plus saine qu’une vie passée à assassiner les gens, et tant que je peux l’y laisser, je l’y laisse.
Erend ne révéla pas cependant à Eryl que qu’il avait infiltré Ithil dans la X-Squad, c’était certes pour les espionner, mais aussi pour les tuer tous si jamais ils devaient finir par soutenir Venamia. Ils ne l’avaient pas fait, et c’était tant mieux. Ithil aurait obéit, bien sûr, mais il ne l’aurait pas fait de bonne grâce.
- Si tu l’aimes vraiment, tu devrais lui accorder sa liberté, dit Eryl.
- Ithil n’est pas mon esclave. Mais il a été élevé par mon père, depuis sa naissance, à servir et obéir. Il ne sait faire que ça. Il n’a aucune volonté, aucun but à lui. Si je devais cesser de lui ordonner des choses, il serait perdu.
- Et la X-Squad… elle sait qu’il est ton espion ?
- Pas que je sache. On a joué la comédie après la bataille de Safrania, où je leur ai fait croire que je le reniais. Ils doivent penser qu’il me déteste. Et je te prierai de ne pas les détromper.
Eryl se gonfla d’indignation.
- Tu me penses du genre à révéler de tels secrets ?
- Je pense que tu es une personne honnête et sincère, et que les gars de la X-Squad étaient… enfin, sont toujours tes amis.
- Je sais faire la différence entre l’amitié et le devoir, merci bien !
- Je n’en doute pas, sourit Erend.
C’était toujours amusant de voir Eryl en colère. C’est une émotion qui ne lui allait vraiment pas. Normal après tout ; la colère était le plus dangereux des Péchés Capitaux.
- Alors, pour en revenir à notre affaire… Tu acceptes de passer quelque temps à Cinhol pour faire notre publicité ?
- Naturellement. Je ne peux faire que ça de toute façon dans cette guerre.
- Loin de moi une telle pensée !
En réalité, cette pensée était très proche, au contraire. Eryl, en l’état actuelle des choses, ne servait à rien au combat. Elle ne possédait ni le Flux offensif ni les pouvoirs Pokemon d’Erubin. La seule chose qu’elle pouvait faire - en tant que Pierre des Larmes - était d’annihiler la Corruption. Elle avait détruit l’Agent de la Corruption Slender rien qu’en le touchant. Et le but final était qu’elle détruise le Marquis et Venamia de la même façon, et donc du même coup Horrorscor qui partageait leurs corps. Le problème, c’était qu’elle avait déjà essayé contre le Marquis, et ça n’avait rien donné. Quant à Venamia, avec son armée, son Pokemon Ecleus, ses gadgets défensifs et son pouvoir de prémonition, ce serait quasi mission impossible pour elle de l’approcher.
Et puis, même si elle en était capable, Erend ne voulait pas qu’elle essaye. D’une, parce qu’il ne voulait pas la perdre, et deux, parce qu’il tenait à être celui qui éliminera Lady Venamia. C’était à la fois une question d’image, et à la fois personnel. Ils avaient eu l’occasion de croiser le fer, tous les deux, lors du carnage que Venamia a perpétré au Plateau Indigo. Erend s’était servi de Triseïdon et Venamia d’Ecleus. Un combat dieu guerrier contre dieu guerrier. Mais il s’était soldé par un match nul. Et Erend estimait avoir eu de la chance, car Venamia disposait d’armes et de pouvoirs que Erend n’avait pas. Son seul moyen de la vaincre en duel serait de posséder le mode Revêtarme de Triseïdon, la forme ultime des Pokemon Dieux Guerriers qui se changeaient alors en armure recouvrant le corps du dresseur. Mais ni Erend ni Triseïdon n’avaient aucune idée de la façon dont ce mode pouvait être débloqué. Sans doute après des années et des années de combats ensemble et de confiance mutuelle. Ceci dit, c’était possible. Castel l’avait prouvé en s’unissant avec Hafodes.
- Peut-être que si tu médites assez, reprit Erend en plaisanta, tu te transformeras carrément en Erubin. Je compterai alors sur toi pour être mon Pokemon, à moi et à moi seul.
- Erend Igeus, oserais-tu prétendre commander à la déesse Erubin comme si c’était le dernier des Pokemon ?
- Sans la moindre hésitation, il pourrait, confirma Ladytus. Erend a un faible pour les Pokemon extrêmement rares, intelligents ou puissants, et il n’a aucun remord à en faire ses esclaves. S’il avait été en possession d’une Master Ball le jour où il a sauvé Arceus, il n’aurait pas hésité à le capturer. Triseïdon et moi, nous maudissons souvent notre destin qui a été de se faire exploiter par cet homme là.
De l’humour venant de Ladytus, c’était rare. Trop pour que sa remarque ironique ne soit entièrement que de l’humour.
- J’ajouterai, poursuivit-elle, qu’il fait exactement pareil avec les humains, à ceci près que eux, il ne les enferme pas dans des boules.
Erend écarta les bras, comme une victime.
- Regarde Eryl, comment mon premier Pokemon - à qui j’ai appris à parler et tout ce qu’elle sait d’autre - me traite. Et pour ma défense, je ne vous enferme quasiment jamais dans vos Pokeball, à Triseïdon et toi.
- Evidemment que non. Triseïdon te sert d’arme et moi de conseillère. Le prochain te servira sans doute à te préparer le thé.
Eryl rigola de cet échange, et Erend fut finalement très reconnaissant à Ladytus. Le rire d’Eryl - que trop rare - était comme la plus douce des mélodies pour lui. Il se prit à réfléchir d’une remarque profonde et drôle pour continuer à l’entendre, quand on frappa à la porte, et qu’elle s’ouvrit sans entendre de réponse. C’était Velca.
- Pardonnez-mon intrusion, Majesté, Commandant Suprême, mais c’est urgent.
Erend soupira mentalement. Était-ce vraiment si impossible que ça de passer un peu de temps avec Eryl sans se soucier des affaires d’état ?
- Qu’il y-a-t-il, Velca ? Demanda-t-il.
- Une communication avec l’Indomptable, que vous avez envoyé dans les villages du nord pour inspection. Ils sont attaqués.
- Par qui ?
- On a le contact visuel. Le vaisseau nous montre les images en ce moment même, tandis que l’Amirale Syal et une escouade sont au sol face à l’ennemi. Vous devriez venir voir.
Erend se leva, et Eryl en fit tout autant.
- Vous n’avez pas besoin de venir, Votre Majesté. Je vous ferai un rapport détaillé sur…
- Tu m’as dit que Mercutio et Zeff faisaient parties de ce groupe de Stormy Sky, rétorqua Eryl sans repasser par le ton officiel. Ils sont là bas ?
Elle interrogea Velca du regard, qui ne put que confirmer.
- Oui Majesté. Avec l’Amirale Syal.
Eryl partie la première. Erend ressentit comme un léger agacement. Elle avait beau avoir rompu avec Mercutio Crust, elle s’inquiétait visiblement encore beaucoup pour lui. Enfin, Erend ne pouvait pas espérer qu’elle se fiche de son sort du jour au lendemain. Il se surprit à espérer que - quelque soit l’ennemi qu’il affrontait - ce Mélénis connaisse une fin tragique et héroïque. Puis il se réprimanda juste ensuite pour cette pensée. Mercutio Crust ne devait pas mourir ; ses pouvoirs étaient trop importants pour Erend.