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Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 06/01/2016 à 08:31
» Dernière mise à jour le 09/11/2016 à 18:34

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 38 : L'héritage de la rébellion
Astrun


J'étais si heureux et soulagé de voir Ludmila en vie et en bonne santé devant moi que son mauvais caractère et son éternel ton ronchon furent pour moi le plus beau des présents. Bon, évidement, ça aurait été mieux si Ludmila était revenue avec la Pokeball de l'Empereur. Mais plus ma cousine me faisait son rapport, plus je prenais conscience du caractère quasi-impossible de cette mission qu'on avait mise au point. Qu'elle soit revenue en vie, et avec Tannis, relevait déjà du miracle.

- Tu as donc échappé au colonel Tranchodon une nouvelle fois, résuma Astrun quand elle eut fini de lui raconter son embuscade à l'Asicon. Je crois que tu dois être la seule...

Ludmila balaya la flatterie d'un geste de la main.

- Il n'y a pas à pavoiser. Si on a pu s'en tirer, c'est uniquement grâce à Dame Sol. Notre but était aussi de la ramener, et elle est sûrement morte maintenant. J'ai échoué sur les deux tableaux...

Je soupirai. Si Ludmila était très orgueilleuse, elle avait la fâcheuse tendance de prendre sur elle tout ce qui allait mal. Elle n'était jamais satisfaite d'elle-même. Elle s'en demandait toujours plus. Justement parce qu'elle était très orgueilleuse...

- Vous avez tout de même détruit une Cohorte à vous seul, et vous avez tué ce Lancargot, un des principaux officiers du Général Légionair.

Ludmila grimaça de plus belle.

- J'ai rien fait. C'est ce crétin de Kerel qui a buté ce Pokemon, et en plus en se payant le luxe de me sauver la vie, mmgrrr !

Je compris immédiatement la morosité de ma cousine. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était d'avoir une dette envers quelqu'un.

- Et puis, en plus de tout ça, poursuivit Ludmila, y'a toute la Vallée des Brumes qui a été détruite, ainsi que sa gardienne, le Pokemon Légendaire Cresselia. J'suis pas vraiment fan des Légendaires, mais celui-là semblait un bon Pokemon, qui aurait pu être une future alliée, vu qu'elle s'entendait bien avec Dame Sol.

- Mais, tu as ramené Tannis, insistai-je, déterminé à trouver quelque chose de positif dans la mission de Ludmila. Il est conscient, bien disposé à l'égard des Paxen et ses souvenirs affluent de la façon dont nous l'espérions. Nous pourrons apprendre beaucoup de chose de lui. S'il a pu se souvenir où Xanthos a planqué la Pokeball de l'Empereur, il pourra se souvenir d'autres trucs utiles.

Ludmila eut un soupir méprisant, dévoilant le faible intérêt qu'elle pouvait accorder à Tannis et à ses souvenirs. Avec sa nonchalance habituelle, elle grimpa sur la table du conseil Paxen pour s'asseoir dessus.

- On est pas plus avancé que quand on est parti, Astrun. Nous comptions sur Dame Sol pour nous défendre quand l'Empire nous attaquera, et sur la Pokeball pour parvenir un jour à détruire définitivement Daecheron. Nous avons ramené aucune des deux. Qu'est-ce qu'on fera, quand Légionair enverra sur nous toutes ses Cohortes ?

Oui, qu'est-ce que nous ferons ? Moi aussi, je me posais souvent cette question. Et depuis le temps, je n'avais toujours trouvé qu'une seule réponse.

- Nous nous battrons, répondis-je simplement.

- Et nous mourrons, ajouta Ludmila.

- Possible. Ce n'est pas pour autant que la lutte pour la liberté se terminera. Les Premier et Second Fondateurs sont toujours dans l'Empire Lunaris. Nous avons d'autres bases dispersées sur le continent. Et enfin, le peuple ne cessera jamais de se révolter contre Daecheron, pour la simple bonne raison que c'est un tyran.

- Ils préféreront se ranger derrière un tyran victorieux qu'une rébellion moribonde, déclara Ludmila.

Je me retins de répliquer. Il me semblait que depuis que j'avais remplacé Braev Chen comme leader des Paxen, Ludmila ne perdait jamais une occasion de critiquer mes choix et décisions, et de me rappeler constamment que je serai probablement le chef Paxen sous lequel la rébellion aura disparu. Si je ne la connaissais pas comme je la connaissais, j'aurai pu penser qu'elle cherchait à obtenir mon poste en me rabaissant constamment. Mais il ne s'agissait de rien de tel ; Ludmila était comme ça avec tout le monde. Elle n'avait jamais émis le moindre souhait de prendre ma place. Dommage, en un sens ; j'aurai été plus que ravi de la lui refiler, m'épargnant ainsi tous ses tracas, et perpétuant ainsi la tradition qui voulait que, depuis le Cinquième Fondateur Jyvan Chen, ce soit toujours un Chen qui dirige les Paxen.

- Tu sais, Ludmila, commençai-je, je me...

L'ouverture de la porte me coupa dans ma déclaration. Escortés par deux Paxen, un humain et un Pokemon entrèrent, l'air incertain. L'humain devait avoir entre seize et dix-huit ans, les cheveux rouges et les membres solides. Le Pokemon avait un pelage beige, de grands yeux ambrés et des oreilles très longues qui ressemblaient à des ailes. Aux vues des descriptions que m'en avait faites Ludmila, je devais avoir devant moi les prénommés Kerel et Cielali, de la cité de Ferduval. Les deux nouveaux venus furent soulagés en voyant Ludmila, mais ce fut la réaction de cette dernière qui fut la plus intéressante. L'arrivée soudaine de ces deux là l'avait momentanément figé de surprise, puis je pus lire dans ses yeux bruns une joie qui ne lui était pas coutumière. Elle semblait ravi de les voir, mais faisait tout pour ne pas le montrer.

- Vous ! Vous êtes vivants ?!

- On dirait, répliqua Kerel. Désolé de te décevoir.

Ludmila s'approcha, le poing levé. Je crus qu'elle allait cogner le jeune homme, mais elle se contenta de lui donner un petit coup sur l'épaule, clairement fraternel. Ludmila avait longuement critiqué ce Kerel dans son rapport, mais elle avait l'air malgré tout de tenir à lui. Ce genre de moment avec Ludmila était si rare qu'il en devenait touchant. Ludmila grattouilla ensuite rapidement Cielali derrière les oreilles, ce qui équivalait pour elle à une embrassade.

- Comment vous avez fait pour trouver la base ? Demanda fébrilement Ludmila. Est-ce que... Penombrice...

- Il est ici, la rassura Cielali. C'est bien lui qui nous a retrouvé et amené ici. Il discute avec Sire Cernerable en bas.

Ludmila ne tenta pas de cacher son sourire cette fois. Un sourire qui hélas disparut bien vite après que Kerel et Cielali nous eut informé du sort de Solaris et Dracoraure.

- C'est Penombrice qui a assisté à ses derniers instants, expliqua Cielali avec douleur. Il pourra... vous raconter.

Cette nouvelle n'en était pas vraiment une ; Ludmila s'était doutée que nos Troisième et Quatrième Fondateurs ne s'en étaient pas sortis, mais en avoir la confirmation était quand même difficile.

- J'ai peu connu Dame Solaris, intervins-je, mais je suis sûr qu'elle serait profondément ravie de tous vous savoir en vie ici. C'est une lourde perte qui nous assaille, mais nous devrons faire face, en son honneur, et en celui de tous les Paxen qui nous ont quitté. Cielali et Kerel ; Ludmila vient de me raconter votre rôle dans tout ce qui s'est passé. Je vous souhaite la bienvenue chez les Paxen. Je suis Astrun Beneos, leader de la rébellion.

Kerel hocha respectueusement la tête, mais Cielali fit plus en se prosternant presque devant moi. Une attitude peu commune venant d'un Pokemon ayant vécu toute sa vie dans une cité impériale et habitué aux esclaves humains.

- Messire Astrun, me dit Cielali d'un ton presque suppliant. Kerel et moi, nous avons été forcé de quitter notre foyer. Nous avons perdu toutes nos attaches, et nous sommes recherchés dans tous l'Empire, à présent. Nous vous supplions de bien vouloir nous accorder asile.

- Cela va de soi, répondis-je, surpris. Tous ceux qui fuient l'Empire sont les bienvenus chez les Paxen. Nous pourrons vous trouver des quartiers, la cité n'en manque pas, et...

- Nous n'avons pas l'intention de n'être que des réfugiés, le coupa Kerel. Nous voulons nous battre. Pour quoi que ce soit qui puisse nuire au colonel Tranchodon, ma maîtresse et moi sommes à vos ordres.

Ludmila haussa les sourcils devant cette détermination certaine.

- Eh ben, il t'est arrivé quoi, le toutou des Pokemon ? Cette violence ne te sied guère, toi qui n'arrêtais pas de remuer la queue devant tes maîtres adorés...

- Que ce soit clair : je me fiche des Paxen et de votre cause. Si je veux me battre contre Tranchodon, c'est seulement pour venger Sol, et les parents de ma maîtresse. Nous voulons bien nous battre à vos cotés pour cela, mais nous ne sommes pas des Paxen pour autant.

- Je comprends, dis-je. Et si votre souhait est de combattre le colonel Tranchodon, je pressens que vous n'aurez pas longtemps à attendre. Il a réduit notre plan à néant et a tué Dame Solaris. De quoi le mettre en confiance. Il voudra certainement nous achever très vite, et son supérieur, le Général Légionair, va aller dans ce sens. Nous serons sûrement attaqués bientôt, que ce soit dans quelque jours ou quelque mois. Vous connaissez donc les risques de rester ici.

- Nous les connaissons, répondit Cielali. Et nous restons quand même. Nous lions notre sort aux Paxen.

- Fort bien, conclus-je. Juste une chose qu'il faut que vous sachiez : même si vous ne faites pas officiellement parties des nôtres, il y a des règles à respecter pour vivre ici. La première - et la plus importante - est la stricte égalité qui doit régner entre Pokemon et humain. Entre ces murs, un Pokemon ne peut avoir d'esclave, et aucun humain ne doit appeler un Pokemon « maître ».

- Je comprends, répondit vite Cielali. De toute façon, Kerel a cessé d'être mon esclave dès qu'on a quitté Ferduval. Il continue de m'appeler « maîtresse » que par habitude.

- Cette habitude devra prendre fin ici, insistai-je. Si un de nos membres humains entend un autre humain donner du « maîtresse » à un Pokemon, ça pourrait provoquer des problèmes.

Kerel fit la moue. J'avais souvent vu ça. C'était un peu le cas de tous les anciens esclaves qui rejoignaient les Paxen ; ils avaient toujours du mal à supprimer de leur esprit des années de conditionnement.

- À chaque fois qu'il m'appellera « maîtresse », même en privé, je lui lancerai une petite attaque Lame Air sur les fesses, promit Cielali. Ça te va Kerel ?

- Oui maît... euh... dame Cielali, répondit le jeune homme

- Cielali tout court, imbécile, soupira la Pokemon.

Je retins un sourire. Ces deux là formaient une sacré paire. C'était rare une telle complicité entre un Pokemon et son ancien esclave. Je devinais que Cielali avait dû être une maîtresse douce et attentionnée. Même l'esclavage me répugnait, qu'il existe encore des Pokemon comme elle me faisait plaisir.

- Je vous recevrai personnellement et chacun son tour plus tard, si vous le voulez bien, dis-je à mes nouveaux invités. J'aimerai entendre votre histoire. D'ici là, je vous invite à considérer cette cité comme la vôtre. Si cela ne vous dérange pas, j'aimerai que vous partagiez le même logis que ce monsieur Cresuptil. Vous venez de la même cité, et tout comme vous, il se refuse à intégrer officiellement les Paxen.

- Oh, je suis sûre qu'il le ferait de bon cœur, si vous lui proposez quelque sacs de jails, plaisanta Cielali.

Ludmila ne m'avait pas dit du bien de ce Cresuptil, ancien maire corrompu et trafiquant d'esclave, mais Cielali semblait contente d'apprendre qu'il avait lui aussi survécu.

- Nous avons déjà dû lui en donner un peu, répondis-je. Depuis qu'il est arrivé ici, il ne cesse d'en réclamer, affirmant qu'il le mérite parce qu'il vous aurez sauvé la mise une ou deux fois.

- C'est très vite dis, ça, marmonna Ludmila. M'enfin, ce gus connait Téléport. Ça nous fait une raison de le garder.

Je hochai la tête. Téléport était une attaque très recherchée par nous les Paxen, et les Pokemon qui la maîtrisaient étaient fort rares. Cielali m'assura qu'elle partagera ses quartiers avec Cresuptil sans problème, puis se retirèrent. Je lançai un regard à Ludmila.

- Intéressants, ces deux là.

- Mouais, vite fait alors... La Pokemon fait style d'être forte et de savoir vivre à la dure, mais c'est qu'une princesse gâtée. Quant à ce gus aux cheveux rouges de Kerel, c'est un coincé du cul notoire qui n'accepte aucune autre vision que la sienne. Il est bien trop soumit aux Pokemon pour pouvoir faire un bon Paxen.

- Mais il t'a sauvé la vie, lui rappelai-je.

Le visage de ma cousine se fit ombrageux.

- Oui, et si tu ébruites ça dans la base, je te balance du dernier étage, chef ou pas chef.

Mon sourire s'accentua. Il était si facile de chambrer Ludmila.

- Tu devrais passer plus de temps avec ce garçon. Qui sait ? Peut-être un coup de foudre inattendu pourrait arriver. Comme avec Tannis. Tu en pinçais pour lui à l'époque justement parce qu'il t'avait sauvé une fois, aussi.

Ludmila rougit, mais plus par colère que par embarras.

- C'est du passé, Tannis ! J'étais jeune et... et je ne veux plus t'entendre parler de ça !

En effet, ce n'était pas le genre de chose à dire en ce moment.

- Oui. Je suis désolé, dis-je.

- Et concernant l'autre débile de Kerel, c'est raté d'avance, navré. Je sais que tu tiens tant me caser avec quelqu'un pour que je donne de petits nouveaux Chen aux Paxen, mais mélanger mon sang avec celui de Kerel fera clairement régresser la lignée.

Ludmila me planta là, avec un air digne et offensé. Je soupirai, moitié amusé moitié accablé. C'était vrai que ça me soulagerait beaucoup si Ludmila avait rapidement une descendance. Elle était la dernière qui portait le nom de Chen, un nom qui était lié à celui des Paxen depuis le début. Si jamais il venait à disparaître, ce serait catastrophique pour notre image. Sachant cela, tous les Chen depuis Jyvan faisaient des enfants très tôt, et en grand nombre de préférence. Mais, il y a très exactement vingt-six ans, tous les frères et sœurs de Braev Chen périrent lors d'une embuscade impériale, spécialement préparée pour détruire les Chen. Braev, le cadet, fut le seul survivant. Il avait alors six ans.

Pour ne pas perdre le dernier des Chen, Dame Solaris, qui était encore avec nous à ce moment là, fit tout pour le garder en sécurité à la base. À seize ans, Braev épousa Yolys Berbena, une Paxen elle aussi descendante d'une famille humaine ancienne. Braev était très amoureux d'elle, et ils donnèrent rapidement naissance à Ludmila. C'était très rare d'avoir une fille du premier coup, et tout le monde vit là un signe du destin. Mais Yolys périt un an après. Braev en fut dévasté. Tout le monde attendait pourtant de lui qu'il se trouve une nouvelle femme pour donner plus de petits Chen aux Paxen. Mais Braev refusa de se remarier. Depuis Yolys, il ne toucha plus une seule femme. Il savait qu'il portait préjudice aux Paxen en faisant ça, mais son amour et sa fidélité pour Yolys dépassait tout ça, même au-delà de la mort. Ainsi, Ludmila n'eut aucun frère et sœur.

La lignée des Chen tenait maintenant qu'à un fil. Le bon sens aurait voulu que je cloître ma cousine entre les murs de la base en lui interdisant de sortir tant qu'elle n'aurait pas fait plusieurs enfants. Mais le bon sens ne marchait pas sur Ludmila Chen. Elle avait toujours fait ce qu'elle voulait, et ce n'était pas prêt de changer. La retenir contre son gré allait juste la retourner contre moi, et Arceus seul savait quelle folie elle pourrait commettre. Lui imposer un homme de force serait tout aussi contre-productif. Je me rappelait très bien ce qu'elle avait fait au dernier Paxen qui avait été... un peu trop entreprenant avec elle. Le pauvre bougre ne pourrait plus jamais avoir d'enfant.

Il n'y avait plus qu'à attendre que Ludmila se déniche son homme idéal. Le problème, c'était que ma tendre cousine était totalement imperméable à des notions sentimentales comme l'amour. Elle ne vivait que pour le combat et la vengeance, et en plus de cela, elle était un vrai garçon manqué. Les Paxen étaient tous si ravis quand elle était née fille, mais il aurait peut-être mieux valu qu'elle soit un garçon, finalement...



***


Kerel



Je me devais d'avouer mon sentiment de quiétude après deux jours passés dans la base Paxen. Je n'avais plus si bien dormi depuis que j'ai quitté Ferduval. Pas même dans la Vallée des Brumes. Non pas que j'ai revu ma position sur les Paxen ; je ne leur faisais toujours pas confiance. Mais cette cité antique dégageait une espèce d'aura, un sentiment qui faisait qu'on ne pouvait que s'y trouver en paix. Peut-être était-ce là le fait de Jartobylon. Le Pokemon Merveilleux étant de type Plante en plus de son type Sol, il se pouvait que des effluves florales propres à apaiser les esprits se dégagent de toute la végétation que la cité qu'il portait contenait. Même Cresuptil semblait détendu, mais impossible de dire si c'était à cause de l'endroit ou du sac de jails que les Paxen lui ont donné qu'il portait constamment.

Concernant les Paxen eux-mêmes, ils n'étaient aussi pire que je les imaginaient. Je les avais toujours plus ou moins pris pour des brigands insubordonnés et souvent violents, mais en réalité, j'avais l'impression de voir devant moi des soldats. Chacun avait sa tâche à faire, et pas grand monde ne s'occupait de nous. Il y avait toutefois pas mal de Paxen civils dans la base ; des soutiens de la rébellion mais qui n'allaient pas au combat. Comme la mère de Tannis, par exemple. Il nous l'avait présenté hier. J'ai trouvé Tannis assez différent de la fois où nous l'avons quitté. Il semblait plus posé, plus attentif et sérieux. Sans doute retrouvait-il ses racines, et son esprit embrumé était en ébullition. Mais c'était le seul humain que je ne connaissais ici et avec qui je pouvais causer. Je n'avais plus revu Ludmila depuis la dernière fois, et elle ne me manquait pas vraiment.

Comme Astrun nous l'avait demandé, ma maîtresse et moi avons dû passer une petite heure dans son bureau, chacun son tour, pour répondre à ses questions. Il m'interrogea ce qu'il s'était passé lors de la mission de Ludmila bien sûr, mais aussi sur des choses plus personnelles. Mon passé, ma famille, mes sentiments vis-à-vis de l'Empire... Je ne savais trop que penser du chef des Paxen. Il était très différent de Ludmila. C'était un homme calme, poli et raisonnable ; tout le contraire de sa cousine en fait. Il m'avait fait l'effet de quelqu'un de très cultivé et intelligent, mais d'une intelligence telle que je n'arrivais pas à voir ce qu'il pensait. Ses manières le rendaient très distingué, de même que son look global. Avec ses cheveux blonds coiffés en queue de cheval, ses lunettes et son manteau rouge à bordure en laine, il avait tout d'un noble. L'aurais-je croisé à Ferduval sans savoir qu'il était, je l'aurai pris pour un G-Man de l'Empereur.

Astrun nous avais promis de penser à nous dès qu'il y aurait la moindre opération contre les forces du colonel Tranchodon. En attendant, nous devions patienter. C'était bien la première fois de ma vie que je me retrouvais sans rien faire. À la maison, en tant qu'unique esclave, j'avais toujours quelque chose à faire pour le bien-être de mes maîtres. Ici, c'étaient les Paxen qui se chargeaient de tout, et je n'avais pas l'intention de me mettre entre leurs pattes pour réclamer du travail, même si je commençais à m'ennuyer. Maîtresse Cielali était partie nouer des contacts avec les Pokemon Paxen de la base. Elle aurait sans doute voulu que je fasse de même avec les humains, mais plus j'évitais les Paxen, mieux je me trouvais.

Faute de mieux, j'entrepris de visiter la cité de fond en comble, ce qui, vu sa taille, était une tâche conséquente. À en croire Penombrice, cette cité-tour était âgée de milliers d'années, et laissée dans son état d'origine. En l'investissant, les Paxen n'avaient osé touché à rien, se contentant de s'aménager des appartements dans les nombreuses salles antiques. La végétation luxuriante du premier et du second niveau faisait penser à une forêt, et parfois, je trouvais des ruines cachées sous la verdure. Le cinquième et dernier niveau était pas mal aussi. J'aimais bien aller là-bas, à l'air libre, et contempler cinq cent mètres au dessus du sol le monde autour de moi. Mais le cinquième niveau était souvent utilisé par les Paxen pour des entraînements, des matchs Pokemon ou des assemblés, ce qui faisait qu'il était rarement libre. De plus, comme il était le seul niveau à l'air libre, il fallait être prudent qu'un Pokemon espion impérial ne nous voit pas.

En ce moment, j'étais à mon exploration du quatrième niveau. Il y avait beaucoup d'arsenaux Paxen à coté desquels j'évitait de me balader, car ils étaient constamment gardés. Il y avait aussi le laboratoire d'Anthroxin. Tannis était rapidement devenu - ou redevenu - ami avec ce Pokemon, mais sachant ce qu'il avait fait à la race humaine il y a de ça plusieurs siècles, il n'était pas spécialement le genre de Pokemon que je tenais à avoir comme ami. Il y avait aussi un bar à cet étage, qui était toujours plein semblait-il. Je n'y avais encore jamais mis les pieds, et si l'envie me prenait un jour de me saouler, ce n'était sûrement pas là que j'irai le faire. On disait les bagarres permanentes.

Entre tout ça, j'en vins à trouver un large couloir dans lequel quantité d'objets étaient exposés. On aurait dit un mausolée. Il y avait des tablettes de pierres antiques, des symboles gravés sur les murs, des objets mécaniques qui devaient dater d'avant la Guerre de Renaissance, et une dizaine de tableaux, chacun représentant un individu. Sur le dernier d'entre eux, je reconnus Astrun. Quelque autres avaient tous un air de famille plus ou moins prononcé avec Ludmila.

- Oui, fit une voix grave et âgée derrière moi. Ce sont tous les chefs des Paxen que tu as devant toi.

Je me retournai précipitamment, en m'inclinant.

- Messire Cernerable ! Je... je ne vous avez pas vu... Je suis désolé de vous déranger... Je... je visitais les lieux.

Le grand et noble Pokemon cerf abaissa ses ramures devant moi, comme pour me saluer.

- Ce lieu est ouvert à tous, jeune Kerel. C'est le mausolée des Paxen, où nous y conservons notre passé et l'héritage du monde d'avant l'Empire.

Le regard rouge du Fondateur se posa sur la rangée de tableaux.

- Je viens ici parfois, pour me remémorer tous mes anciens partenaires. Nous avons dans nos rangs une famille de Queulorior, qui, de père en fils, représentent de leur vivant tous nos dirigeants.

Cernerable me montra le premier tableau de la file.

- Voilà Jyvan Chen, premier leader Paxen et Cinquième Fondateur. C'est l'arrière-arrière-grand-père de Ludmila, et l'humain qui m'a fait réfléchir sur la véritable nature de l'Empire. Il était mon esclave, vois-tu ? Un lien fort s'était forgé entre nous, à tel point que j'ai décidé de trahir ma patrie pour créer à ses cotés une rébellion. Depuis Jyvan, je suis devenu le partenaire Pokemon de tous les chefs qui lui ont succédé, jusqu'à Astrun aujourd'hui. Je me souviens de tous, même ceux avec qui j'ai passé qu'un an ou deux.

Je me disais que vu le nombre de chefs pour seulement un siècle, aucun d'entre eux n'avaient dû mourir de vieillesse. C'était bizarre que Cernerable ait survécu à tous ses partenaires. Le Pokemon sourit, amusé par quelque chose.

- Tu es nouveau ici, donc tu ignores probablement que mes cornes me permettent d'entendre les pensées des humains autour de moi. Effectivement, j'ai vu mourir mes partenaires les uns après les autres, tout en restant en vie.

Une bouffée d'air chaud envahit mon visage, et je balbutiai de honte.

- Je... je ne voulais pas... je suis désolé, messire...

- Tu n'as pas à t'excuser. Peut-être t'imaginais-tu que j'étais un lâche qui se débrouillait toujours pour survivre à ses partenaires ? Eh bien, c'est à moitié vrai. Je ne suis pas un lâche, mais en effet, je me débrouille toujours pour survivre. On a décidé cela, avec Jyvan, au tout début. Parce que j'ai une espérance de vie bien supérieure à celle des humains, ma mission est de rester en vie pour prendre en charge le futur chef humain. Je suis le partenaire de nos leaders successifs, mais en réalité, je ne les accompagne jamais en mission. Je fais seulement office de conseiller à l'intérieur de la base.

- C'est... c'est tout aussi important et honorable que d'offrir sa vie, messire, dis-je en tentant de me rattraper.

- Important oui. Honorable, je sais pas. Mais il en va ainsi. On a tous notre mission, chez les Paxen. J'ai la mienne, qu'elle me plaise ou non. Mon sacrifice est de voir partir chacun de mes partenaires les uns après les autres, tandis que je suis condamné à demeurer et à pleurer leur perte. Le dernier a été pire que les autres.

Cernerable tourna sa tête vers l'avant-dernier portrait, à gauche de celui d'Astrun. Il représentait un jeune homme aux cheveux noisettes ébouriffés, avec un grand sourire et des yeux bruns qui luisaient de confiance et de force.

- C'est... Braev Chen ? Devinai-je. Le père de Ludmila ?

- En effet. Le plus grand meneur que nous n'ayons jamais eu. Et un grand ami, peut-être le meilleur pour moi depuis Jyvan. Il est mort en mission, défiant Xanthos les armes à la main, tandis que je me trouvais ici...

Messire Cernerable avait l'air tellement abattu que je me forçai à changer de sujet.

- Euh... messire ? Je peux vous poser une question ?

- Naturellement, mon jeune ami.

- Vous étiez un Pokemon respectés dans l'Empire, n'est-ce pas ? Vous aviez la renommé et la richesse. Pourquoi avoir décidé de tout abandonner pour vous rebeller ? Était-ce vraiment pour les humains ?

C'était une chose que j'aimerai bien savoir. Je m'étais toujours demandé quelle était la raison qui poussait des Pokemon privilégiés à risquer leurs vies chez les Paxen.

- Pour les humains ? Je mentirai en disant que ce fut totalement le cas, admit Cernerable. Certes, côtoyer Jyvan m'a fait prendre conscience que les humains étaient bien plus que les créatures imbéciles que l'Empire décrivait, et qu'ils méritaient mieux que le sort que les Pokemon leur réservaient. Mais la principale raison, c'était que j'étais un penseur, un philosophe... et un historien. Autrefois, étudier l'histoire d'avant la Guerre de Renaissance était mal vu, mais pas interdit. Mais c'est à cette époque que les autorités impériales ont commencé à juger les anciens écrits hérétiques, et la recherche du passé blasphématoire. Enterrer le passé était pour moi une abomination. Se couper de notre passé, c'est se couper de notre avenir. Une société qui nie son passé ne peut pas évoluer. Elle stagnera, pour au final sombrer dans la décadence. C'est ce qui est en train de se passer pour l'Empire Pokemonis. Il a autrefois était une grande et belle chose, c'est vrai, mais plus le temps passe, plus il est gangrené par la corruption et les dérives totalitaires. C'est parce qu'il a tourné le dos aux leçons du passé, et qu'il n'imagine pas un futur qu'il ne peut totalement contrôler.

Les yeux perdus dans le vague durant son argumentation, Cernerable regarda tout autour de lui, tous les trésors du passé que les Paxen avaient réussi à réunir et sauvegarder.

- Voilà pourquoi je me bats, Kerel. Pour tout ceci. Pour l'héritage de nos ancêtres que l'Empire veut enterrer. À cause de Xanthos et Daecheron, nous avons tant perdu de choses. Des choses qui auraient pourtant pu être la clé de notre futur. Vois ce symbole, par exemple.

Il me désigna une espèce de hiéroglyphe bizarre gravé sur le mur.

- Euh... qu'est-ce que c'est ? Demandai-je bêtement.

- Le signe d'une civilisation qui a existé il y a plus de dix mille ans. Le Grand Empire des Mélénis. Les légendes d'autrefois racontent que les Mélénis était une race d'humains possédant un pouvoir obtenu d'Arceus lui-même. Ils étaient puissants, ils pouvaient vivre fort longtemps, et ils possédaient une science de l'univers et de ses fondements comme personne avant ni après eux. Mais leur Empire s'est effondré, et les rares survivants Mélénis se sont dispersés dans le monde. Au début de la Guerre de Renaissance, ils étaient peu, mais leur communauté recommençait à revivre. Hélas, Xanthos a bien entendu vu en eux une menace pour son règne, et les a fait exterminer. Il n'en reste plus un seul, aujourd'hui. Mais leur héritage n'a pas entièrement disparu. Ni leur sang, d'ailleurs. Prends la jeune Ludmila, par exemple.

- Ludmila ? Répétai-je, perplexe.

- Une de ses lointaines ancêtres, la compagne du légendaire Régis Chen, était une Mélénis, m'expliqua Cernerable. Depuis, la lignée Chen se transmet une part de sang Mélénis. Bien sûr, aucun Chen n'a pu utiliser les pouvoirs propres aux Mélénis. Il est en sommeil, mais n'a pas totalement disparu. Et Ludmila n'est sûrement pas la seule. Je suis sûr qu'il y a plusieurs descendants de Mélénis dans le monde. Peut-être qu'un jour, quand l'Empire sera tombé et que le passé sera ravivé, nous pourrons espérer que ces êtres formidables renaissent. Eux, comme tant d'autres merveilles de notre passé !

Il y avait une telle conviction dans la voix de messire Cernerable que je ne pouvais m'empêcher d'être moi aussi porté par sa vision, bien que l'idée d'une Ludmila capable d'utiliser des pouvoirs et pouvant vivre des siècles me faisait un peu peur... Mais alors, Cernerable se tourna vers moi.

- Et toi jeune humain ? Pourquoi veux-tu te battre contre l'Empire ?

Je redoutais cette question, mais je n'essayai pas d'inventer quelque chose. Après tout, Cernerable pouvait lire les pensées humaines, donc il connaissait déjà la réponse.

- Pour la vengeance, dis-je simplement. J'aimerai pouvoir avancer une cause aussi noble et profonde que la vôtre, mais je n'ai que la vengeance qui compte. La vengeance pour ma maîtresse, qui a perdu ses parents du fait de Tranchodon. La vengeance pour moi-même, qui me suis fait arracher Sol par les mains de cette même ordure.

Et en effet, Cernerable ne fut pas surpris.

- Près de 90% des Paxen ici se battent pour les mêmes raisons, dit-il. L'Empire les a fait souffrir d'une façon ou d'une autre, et ils veulent se venger. C'est légitime.

- Oui mais... je ne peux m'empêcher de penser que Sol ne m'approuverai pas, fis-je piteusement. Elle a toujours condamné la vengeance.

- Dame Solaris était une sage, acquiesça Cernerable en hochant la tête. Un esprit aussi profond qu'ancien. Elle m'a enseigné beaucoup de chose. Elle et Dracoraure. Mais elles aussi se sont battues pour la vengeance autrefois. Elles en ont souffert énormément, et en ont tiré toute les leçons. Quand il viendra pour toi le moment d'en faire pareil, de tirer les leçons de ton désir de vengeance, rappelle-toi d'elles. Rappelle-toi des Troisième et Quatrième Fondateurs des Paxen, et sache qu'on peut revenir de ce chemin sombre pour que la lumière brille à nouveau sur nous, plus forte que jamais, et qu'elle éclaire ceux qui nous entourent. Comme Solaris l'a fait...