Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak

Tannis



Ludmila avait fini par nous guider jusqu'à la base Paxen, après trois jours de voyage sur les terres impériales. On se serait fait attraper plusieurs fois si Cresuptil n'avait pas été là. Sa téléportation nous a été très utile, et même Ludmila devait le penser, en dépit de son agacement à l'idée qu'un Pokemon comme lui ait pu nous sauver la donne. Finalement, nous étions arrivés dans une immense forêt, la Vermurde, où nous avons fait la connaissance du maître des lieux, un Pokemon gigantissime répondant au nom de Jartobylon, qui portait un immense édifice sur le dos ; édifice qui se trouvait être la base Paxen. J'avais déjà vu cette immense cité-tour remplie de végétation dans mes souvenirs cachés lors de mes sessions avec Dame Sol. Je connaissais donc cet endroit.

Jartobylon avait penché son très long cou vers nous et avait accueillit Ludmila comme une amie. Il avait aussi salué mon retour, et je ne pus que balbutier deux trois mots incohérents devant la taille de la gueule de ce Pokemon. Il avait enfin souhaité la bienvenue à Cresuptil, qui avait dû se demander combien de jails un Pokemon de sa taille pouvait transporter. Après quoi, nous sommes montés sur la tête de Jartobylon, qui était sertie d'une petite tour en comparaison de celle sur son dos, mais déjà très grande pour les petits humains que nous étions. Une fois à l'intérieur, Jartobylon a relevé la tête et nous a déposé devant la base qui faisait office de carapace.

Alors que nous traversions les différents niveaux de la citadelle, nombre de Paxen, humains comme Pokemon, saluèrent Ludmila avec respect et enthousiasme. L'héritière des Chen était très appréciée ici, sans l'ombre d'un doute. Beaucoup me saluèrent à moi aussi, mais avec un ton nettement moins amical. Ils semblaient se forcer à sourire. J'étais peut-être le boulet de service avant mon amnésie ?

Ludmila monta directement au dernier étage, le plus fourni en combattants Paxen, qui s'entraînaient ci et là. Celui-ci ne contenait aucune habitation, alors que les quatre autres en avaient pas mal. Nous rencontrâmes brièvement le chef Paxen, Astrun Beneos, un type distingué et fringué comme un noble. Il avait pris Ludmila dans ses bras pour l'accueillir, et, chose étonnante, Ludmila lui avait rendu son étreinte. Je commençais à craindre qu'il y ait quelque chose entre ces deux là, avant de me rappeler qu'ils étaient des cousins éloignés. Astrun attendait visiblement un rapport détaillé de la part de Ludmila, et apparemment seul à seul. Il nous éloigna bien vite, Cresuptil et moi.

Il appela un Paxen, un Pokemon violet à l'allure bizarre que je ne connaissais pas, pour le charger de me conduire jusqu'à ma mère, que je devais avoir hâte de revoir après tout ce temps.Très honnêtement, j'avais oublié que j'avais une mère. Penombrice m'avait bien dit qu'elle était toujours vivante dans la base Paxen, mais ça m'était sorti de l'esprit. J'étais incapable de me la représenter, et je craignais un peu cette rencontre. Ma mémoire ayant fichue le camps, ce serait comme rencontrer une inconnue. Je n'avais pas envie de lui faire de la peine en agissant comme un étranger.

- Euh... dis-moi mon pote, commençai-je en m'adressant à mon accompagnateur Pokemon. Je sais pas si ma mère est au courant, mais je crains d'avoir perdu de vue certaines choses après mon coma...

- Nous sommes au courant, acquiesça le Pokemon. Ta mère l'est également. Ne t'en fais pas. Tu retrouveras la mémoire en temps voulu. Ta présence ici pourra accélérer les choses. Jusqu'à là, tu peux compter sur nous pour te renseigner sur quoi que ce soit.

- Cool, c'est sympa. Alors euh... on se connait, toi et moi ?

Le Pokemon avait un look étrange, celui d'un petit gars sombre à l'intérieur d'une espèce de boule violette gélatineuse hérissée de pointes. Il avait deux autres boules à droite et à gauche, qui semblaient faire office de bras, mais qui avaient pourtant des yeux et une bouche. Son aspect me disait quelque chose, mais je n'arrivai pas à mettre de nom dessus.

- On s'est déjà vu, oui, acquiesça le Pokemon. Je me nomme Anthroxin. Je suis le chef scientifique des Paxen.

- Anthroxin... Ce nom me dit quelque chose.

- C'est bien possible, sourit tristement Anthroxin. Je suis assez connu. C'est moi qui ai conçu le poison qui a considérablement réduit pour les humains les chances d'avoir une fille à la naissance. J'ai fait cela lors de la Guerre de Renaissance, alors que j'étais du côté de Xanthos. C'est à cause de moi que l'espèce humaine a considérablement diminué, et qu'elle risque l'extinction.

- Oh ? Fut tout ce que je trouvé à dire.

En effet, ça me revenait. Penombrice m'en avait parlé.

- Tu... vous étiez alors une Etoile Impériale autrefois ?

- Tu peux continuer à me tutoyer, Tannis. En effet, j'ai été l'un des Cinq Pokemon qui dirigeaient l'Empire aux cotés des Seigneurs Protecteurs, en tant que directeur de la section recherche et développement. Mais c'est du passé tout ça. J'ai pris conscience de la folie qui consumait Xanthos, et de l'ambition qui déchirait Daecheron, et j'ai fui l'Empire pour me rallier aux Paxen, il y a soixante ans maintenant. Ce ne sera pas suffisant pour racheter mes crimes commis envers ton espèce, mais je suis prêt à mourir pour que vous autres humains puissiez redevenir libres.

- N-non, c'est... cool de ta part, lui assurai-je. Faut avoir de sacrées tripes pour se retourner contre l'Empire alors qu'on a une position toute pépère comme Etoile Impériale !

- Techniquement, je n'ai pas de « tripes », répondit Anthroxin. Mon corps n'est qu'une immense cellule ultra évoluée qui a connu une symbiose avec un organisme chimique semi intelligent. Tu connais le Pokemon Symbios ?

- Euh... l'espèce de truc vert qui ressemble à de la gelée ?

- Oui. Nous sommes un peu de la même famille, lui et moi. Si Symbios et ses avant-évolutions sont des Pokemon psy fabriqués à partir de cellules saines et protectrices, moi je suis un Pokemon psy et poison, composé de cellules nocives. C'est grâce à mon corps particulier que j'ai pu créer tout mes poisons, dont le Desgen, qui anéanti l'ADN Pokemon et qui est utilisé dans quasiment toutes les armes Paxen.

- Tu as fabriqué une arme anti-Pokemon ? M'étonnai-je. Tu ne dois pas être bien vu parmi les tiens, j'imagine...

- Assurément, acquiesça Anthroxin. Je suis considéré dans l'Empire comme le pire traître depuis messire Cernerable, l'un des Fondateurs Paxen. Et pour beaucoup d'humains, je suis celui qui a condamné leur race à l'extinction. En clair, je suis un grand indésirable.

- Bah, tu m'as l'air d'un Pokemon sympa, fis-je pour le consoler. Et puis, je sais ce que c'est, d'être indésirable. Ludmila me le faisait sentir quasi-constamment !

Anthroxin et moi parlions de façon détendue et naturelle tandis qu'il me faisait plus ou moins visiter la citadelle durant notre trajet jusqu'à l'appartement de ma mère. Je l'aimais bien, ce Pokemon. Il avait beau avoir plus de six cent ans et être une ancienne Etoile Impériale, il avait le don de me faire sentir à l'aise, alors qu'en ce moment, je ne l'étais pas du tout, dans cette base que j'étais censé connaître mais dont j'ignorais tout.

- Oh fait, euh... tu peux m'en dire plus, sur ma mère ? Je sais que ça fait très fils indigne de demander ça, mais...

- Il n'y a pas de problème, répondit aimablement Anthroxin. Je connais bien les humaines Paxen de la base. Parce qu'il y en a peu, déjà, mais aussi parce que je suis celui qui les aide à chaque fois à accoucher. Je combine les tâches de scientifique avec celles de médecin, du fait de ma connaissance de l'organisme humain.

- Genre ? C'est donc toi qui m'a mis au monde, mon pote ?

- Comme tout les Paxen qui sont nés ici, du moins ceux qui ont moins de soixante ans, acquiesça Anthroxin. Enfin... au début, il a fallu un peu de temps avant que les Paxen ne me confient leurs femmes et leurs bébés. Ce qui est naturel, bien sûr, quand on sait d'où je viens et ce que j'ai fait... Bref, ta mère, Cesta Chalk, est une Paxen de la première heure, née ici, dans cette base. Elle était une compagnon d'arme de Braev Chen, notre ancien chef. Son partenaire Pokemon était un Dimoret. C'est lors d'une mission d'infiltration dans une cité de l'Empire que ta mère a rencontré ton père, un esclave du gouverneur Pokemon local. Il l'a aidé dans sa mission, et ils ont eut une courte aventure ensemble. Il a ensuite rejoint les Paxen avec ta mère qui était alors enceinte. Ivran, c'était son nom. Un brave homme, plein d'humour malgré sa vie d'esclave. Mais il n'a hélas pas survécu longtemps. Il est mort au cour d'une mission avec ta mère. Elle s'en est sortie, mais gravement blessée. Une attaque de Pokemon l'a touchée aux jambes, et depuis, et ce malgré mes soins, elle ne marche plus aussi bien qu'avant, et est incapable de courir. Aussi a-t-elle renoncé aux missions, et son partenaire Dimoret est devenu le tien quand tu fus en âge de combattre.

- Il est ici, ce Dimoret ? Demandai-je. J'aimerai le voir aussi, si on a été partenaire...

- Il a hélas péri lors de la bataille de Balmeros, celle où Ludmila est venue à bout du Seigneur Xanthos. Je suis désolé.

- C'est moi qui devrait l'être, soupirai-je. On m'apprend la mort de mon père, de mon partenaire et l'histoire tragique de ma mère, mais ça ne me fait rien, comme si tous ces gens étaient les proches d'un autre.

Anthroxin me tapota l'épaule avec son bras extensible. Je me retins de reculer en voyant la main du Pokemon qui me faisait des grimaces.

- Donne le temps à ton esprit. Il a subi de nombreux sévices. Je le sais. C'est moi qui me suis chargé de toi depuis qu'on t'a ramené de chez les impériaux. Ce qu'ils t'ont fait pour te soutirer des informations dépasse même mes nombreuses compétences psychiques. C'est pour cela qu'on voulait tant t'amener à Dame Solaris. Sa nature d'humaine lui permet de contrôler les pouvoirs mentaux d'une façon différente de la mienne, à laquelle tes bourreaux n'ont de toute évidence pas songé quand ils ont formaté ton esprit.

- Mouais... Enfin, je suis en vie, c'est le principal hein ? Des souvenirs, je peux m'en faire d'autre.

Anthroxin me laissa quelque minutes plus tard devant l'une des innombrables portes de pierre du second niveau de la citadelle. Les quartiers de ma mère.

- Bonne chance, mon jeune ami, me dit le Pokemon. Prends tout le temps que tu voudras. Si tu as besoin de moi, dis juste mon nom à haute voix. Je t'entendrai, où que je sois dans la base. Je dois aller m'occuper de ton ami Cresuptil maintenant.

- Faites gaffe si vous avez des objets de valeurs à proximité, lui conseillai-je.

Anxieux, je pris une grande respiration, mais j'entrai. Une femme m'attendait, debout au milieu d'un petit espace personnel, combinant chambre, salon et salle de bain. À voir son visage, Cesta Chalk semblait aussi anxieuse que moi.

- Euh... salut, m'man, dis-je maladroitement.

Ma mère avait la quarantaine, un visage avenant, de beaux cheveux bruns. J'avais beau me dire de toute mes forces que cette personne m'avait donné la vie, et que je l'aimais sans nul doute, mais je n'arrivai pas à voir quelqu'un d'autre qu'une inconnue.

- Ils ont dit que tu étais rentré avec Ludmila... murmura Cesta d'une voix tremblante. Je n'ai pas osé y croire...

- Je suis là, confirmai-je avec un sourire forcé.

Je fis un rapide tour d'horizon de la pièce. Il y avait un projecteur holographique miniature sur lequel se succédaient diverses images. Je me trouvais sur la plupart d'entre elles. Moi bébé dans les bras de ma mère, bien plus jeune, avec derrière un homme qui ne pouvait être que mon père. Moi à six ans, tenant par l'épaule une toute jeune Ludmila qui devait avoir quatre ans, avec derrière nous ma mère et un individu qui semblait être celui de Ludmila, le célèbre Braev Chen. Une autre image me montrait tel que j'étais aujourd'hui, sans doute donc peu de temps avant ma capture et mon coma, avec à mes cotés un Dimoret. J'avais donc la preuve en image que j'étais bien ici chez moi, et que cette femme devant moi était bien ma mère, mais mon cerveau n'arrivait pas à le concevoir.

- Excuse-moi m'man, dis-je à Cesta avec un pauvre sourire. Je ne me rappelle quasiment de rien. J'ai juste quelque flashs parfois, quelque impressions... Je... Je ne sais pas bien comment réagir à tout ça. Ça parait totalement nouveau pour moi...

Ma mère hocha la tête, et, n'y tenant plus, m'enfoui dans ses bras. Elle avait beau être fine et petite, elle avait une forcé étonnante.

- Tu es revenu. Tu m'es revenu, sanglota Cesta en tremblant. C'est tout ce qui importe, mon chéri... Deux ans... Cela fait deux ans que je ne pouvais plus t'atteindre !

Gêné, je lui tapotai dans le dos. Mais son étreinte débloqua quelque chose en moi. Même si je ne me souvenais toujours de rien concernant Cesta Chalk et notre passé commun, le sentiment qui m'assaillit tandis qu'elle me serrait contre elle, lui, était bien réel. Si mon esprit était impuissant à se rappeler des choses, les sentiments de ma mère pour moi et les miens pour elle semblaient graver à tout jamais dans mon cœur. Des larmes se mirent à couler sur mes joues sans que je ne comprennes pourquoi. Je sus alors, véritablement, que j'étais bien chez moi.

- Je suis rentré, maman...


***


Cielali




En tant que Cielali, j'étais située plutôt vers le bas dans la moyenne des tailles de Pokemon. Certes, il y avait pas mal de Pokemon plus petits que moi, mais il y en avait plus qui étaient plus grands. J'étais donc habituée à lever les yeux voir la tête pour parler avec mes congénères. Sauf que là, face à Jartobylon, lever la tête ne suffisait plus. Il me fallait reculer de plusieurs mètres. Pour moi qui n'était jamais sortie de Ferduval, voir un Pokemon si immense était un choc. Je devais l'avouer, j'étais un peu effrayée. Mais l'expression sur l'immense tête de Jartobylon semblait amicale ; celle d'un vénérable ancêtre regardant avec tendresse la génération d'aujourd'hui. Kerel n'en menait pas large non plus. Il semblait paralysé, la bouche grande ouverte.

- Ohhhh, mais ne serait-ce pas le jeune Penombrice que voilà ? Fit Jartobylon d'une voix profonde qui fut pour nous, êtres minuscules, comme un coup de vent.

- C'est bien moi, noble Jartobylon, répondit Penombrice en inclinant la tête.

- Oh oh oh, c'est bien, cela, c'est bien... Tu as manqué ta partenaire de peu. Elle vient de revenir il y a quelque heures.

Penombrice releva soudainement la tête, n'osant apparemment pas y croire.

- Ludmila ? Elle est ici ? Elle est rentrée ? Elle va bien ? Et Tannis et Cresuptil ?

- Ils sont tous là, et ils vont bien, mon jeune ami, le rassura Jartobylon.

Pour Penombrice, ce fut comme si un énorme poids venait d'être retiré de ses épaules. Il ne l'avait guère montré durant notre voyage, mais j'avais bien vu qu'il était très inquiet pour sa partenaire. Pour moi aussi, ce fut un soulagement de les savoir vivants, même le maire Cresuptil. Un sourire se peignit sur le visage de Kerel. Même si lui et Ludmila étaient toujours comme Mangriff et Seviper, il avait appris à tenir à elle.

- C'est... une très bonne nouvelle, et un grand soulagement pour nous, noble Jartobylon, déclara Penombrice, visiblement ému. Nous avons été séparé lors d'une bataille il y a plusieurs jours...

- Il n'y jamais de véritable séparation avec ceux qu'on aime, dit sagement Jartobylon. Toutes les routes finissent par se rejoindre. Et qui sont tes deux amis que voici dis-moi ?

Ça me semblait presque incroyable que Jartobylon ait pu voir quelqu'un qui comme moi était si infime à ses yeux.

- Voici Cielali et Kerel, de la cité de Ferduval, répondit Penombrice. Ils nous ont accompagné lors de notre quête depuis le début, et envisagent de nous rejoindre.

- Cela est fort bien. Montez donc, chers amis.

Jartobylon posa sa tête sur le sol ; une tête qui devait faire dans les cinq mètres de haut, et sans compter l'espèce d'édifice à deux étages qui se trouvait dessus. C'était dans cette petite tour que nous grimpions. Une fois dedans, Jartobylon releva son long coup et le tourna jusqu'à que sa tête atteigne le haut du premier étage de la cité qu'il transportait sur son dos. Nous posâmes enfin pied sur la base Paxen.

- J'imagine que Ludmila doit être avec Astrun tout en haut pour faire son rapport, si elle n'a déjà pas fini, nous dit Jartobylon.

- C'est là que nous nous rendrons, acquiesça Penombrice. Merci, noble Jartobylon.

Avec un dernier sourire, l'immense Pokemon repositionna son cou à la normale, et se mit à manger quelque arbres devant lui. Kerel et moi, nous regardions partout autour de nous et au dessus de nous. La base Paxen était impressionnante. Plus qu'une cité-tour à cinq étage, c'était carrément une ville qui se trouvait à l'intérieur. Une ville où se mélangeaient les ruines et la végétation. Mais pour des ruines, les édifices étaient particulièrement bien entretenues. Il y avait des dômes de pierre et d'autres bâtiments qui semblaient très vieux. Certains servaient d'habitations, d'autres d'entrepôts. La base était très animée. Il y avait beaucoup d'humains et de Pokemon qui passaient ça et là, vaquant à leurs affaires, sans se soucier de nous. Les humains présents étaient... différents de ceux dont j'avais l'habitude à Ferduval. Ils n'étaient pas soumis, ils ne regardaient pas le sol quand ils marchaient. Ils se tenaient droits, et fiers. Quant aux Pokemon, ils parlaient aux humains comme à des égaux, plaisantant avec eux, se disputant parfois. Une véritable société égalitaire, sans discrimination ni classe sociale. Tous étaient Paxen, et tous avaient le même but : la destruction de l'Empire.

- Je vous ferai visiter plus tard, nous dit Penombrice. Je dois vite m'entretenir avec le chef Astrun.

- Astrun est déjà au courant de l'essentiel, fit une voix vénérable derrière nous. Mais tu peux peut-être lever quelque incertitudes, Penombrice.

Penombrice s'agenouilla tout en se retournant, sans même prendre la peine de vérifier l'identité de son interlocuteur.

- Sire Cernerable.

Comme je connaissais bien évidement ce nom, je fis comme Penombrice et baissa la tête en signe de respect. Le Pokemon qu'on avait devant nous était une légende. Il était celui qui, dans la pensée collective des Pokemon Impériaux, était l'unique chef et fondateur des Paxen. Celui qui, il y a cent ans, était le plus grand sage et philosophe de l'Empire, et qui s'était allié à un humain, Jyvan Chen, pour créer la rébellion. Depuis, il est le partenaire Pokemon de tous les chefs Paxen humains qui se sont succédés.

Cernerable avait l'allure d'un cerf très âgé, une longue toison beige pendant autour de son cou. Ses cornes étaient fournies et épaisses, et chacune avait une sphère grise collée dessus. Son front bombé était comme de l'acier, lisse et solide. La rumeur voulait que Cernerable soit l'évolution du Pokemon Cerfrousse, mais bon nombre de scientifiques Pokemon rejetaient cette hypothèse car personne n'a jamais vu un Cerfrousse évoluer. Ceci dit, vu son corps, j'y voyais bien un air de famille. De plus, Penombrice m'avait raconté que Cernerable avait été le professeur, il y a longtemps, de celui qui allait devenir le Général Légionair, le supérieur de Tranchodon. Or, Légionair était l'évolution d'Airmure, et personne n'avait non plus jusque là imaginé qu'Airmure puisse évoluer. Probablement que Cernerable lui avait enseigné comment faire.

- Il est bon de te savoir en vie, dit Cernerable à Penombrice. Ludmila s'inquiétait beaucoup à ton propos.

- Messire... J'implore votre pardon. Notre mission est un échec complet. Nous avons perdu la Pokeball que nous étions censés ramener, et de plus, j'ai l'immense regret de vous apprendre la mort de Dame Solaris.

Cernerable baissa la tête, affligé mais restant digne.

- Je vois... Ludmila ne pariait certes pas sur sa survie, mais n'en savait rien... Ainsi donc, mes vieilles amies Solaris et Dracoraure s'en sont allées ? C'est un bien triste jour pour les Paxen. Mais nous ne devons pas nous laisser abattre. Elles ne l'auraient pas voulu. Et à deux Paxen qui nous quittent, deux nouveaux semblent arriver.

Le Fondateur Paxen nous dévisagea, Kerel et moi, de ses yeux rouges et profonds. J'eus du mal à soutenir son regard pourtant bienveillant, tellement il recelait d'intelligence et de sagesse. À coté de ce Pokemon, je n'étais qu'un bébé.

- Sire Cernerable, voici... commença Penombrice.

- Cielali et Kerel, acheva Cernerable. Oui, je sais. Ludmila nous a parlé de vous. Vous étiez tous deux les protégés de Solaris, et j'ai ouï dire que vous avez pas mal aidé. Vous êtes donc les bienvenus ici.

- C'est... c'est un honneur, messire, balbutiai-je.

Cernerable se pencha pour me sentir. Je n'en étais pas offensée ; c'était un geste commun de pas mal de Pokemon qui en rencontraient un autre pour la première fois.

- Une jeune Pokemon idéaliste, commenta Cernerable après avoir fini de me renifler. Un cœur chaleureux mais brûlant de colère et de ressentiment. Une vie privilégiée, mais un esprit qui se veut ouvert et empathique. Du courage, oui. Mais de la fierté aussi. De la peur.

Je me sentis perdue. Ce Pokemon pouvait-il vraiment dire tout ça rien qu'à mon odeur ?! Il se tourna ensuite vers Kerel, et ses yeux se firent encore plus profonds, comme s'il pouvait voir quelque chose connu que de lui seul. Mais il ne le renifla pas, et ne fit aucun commentaire.

- Vous pouvez monter jusqu'au dernier étage, vous deux, nous dit-il à Kerel et à moi. Ludmila sera contente de vous revoir, et Astrun voudra aussi vous parler. Vous pourrez retrouver ensuite Tannis et Cresuptil, qui se sont déjà installés. Je dois m'entretenir seul à seul un moment avec Penombrice.

Nous hochâmes la tête et nous mîmes en marche. Malgré moi, j'étais un peu offensée que Cernerable ne veuille pas dire à Penombrice des trucs devant nous. Se méfiait-il déjà de nous ? Nous voulions pourtant rejoindre les Paxen. Nous n'avons aucun autre choix. Cernerable et Penombrice s'étaient mis à parler quand nous fumes assez loin, mais tous les deux sous-estimaient la portée de mes oreilles. J'étais une Cielali. Mes longues oreilles me servaient à voler, mais me servaient aussi à entendre des choses que personne d'autre, ni humain ni Pokemon, n'auraient pu entendre. Et ce que j'entendis fut la chose suivante :

- Sire Cernerable, commença Penombrice. Dame Solaris... elle m'a dit de vous dire, à propos de ce garçon...

- Je sais qui il est, coupa Cernerable. Ce qu'il est. Je l'ai senti, et ça se voit aussi sur son visage. J'en parlerai à Astrun. Toi, mon ami, tu devras faire silence à propos de tout...

Je n'en entendis pas plus. Mais j'en avais entendu assez pour être troublée. Penombrice et Cernerable semblaient savoir des choses sur Kerel. Des choses que moi-même, qui avait été sa maîtresse depuis dix ans, j'ignorais.

- Maîtresse ? Quelque chose ne va pas ?

Je regardai mon esclave. Mon ancien esclave. Peut-être me faisais-je des idées. Qu'est-ce que je pouvais bien ignorer sur lui ? Kerel était Kerel, rien de plus. Un simple esclave, serviteur du simple Pokemon que j'étais, à l'intérieur d'une simple cité. Penombrice et Cernerable devait parler de quelqu'un d'autre...

- Rien, Kerel. Viens donc. Allons commencer notre nouvelle vie !





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Images d'Anthroxin et de Cernerable :