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Les Nuits de Sang de BioShocker



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» Auteur : BioShocker - Voir le profil
» Créé le 12/12/2015 à 22:50
» Dernière mise à jour le 12/12/2015 à 22:50

» Mots-clés :   Action   Hoenn   Présence d'armes   Suspense   Unys

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005 : On l'appelait Owen
"La meilleure arme politique, c'est la terreur. La cruauté inspire le respect. Les hommes peuvent bien nous détester. Mais nous ne demandons pas leur amour ; seulement leur peur."
- Heinrich Himmler



En ce premier janvier 1962, les rues de la ville étaient inhabituellement désertes. Certes, il y avait quelques officiers. Seulement, il y en avait bien moitié moins que d'habitude, ce qui ne présageait rien de bon. C'était là le signe qu'il s'était passé quelque chose, et qu'il valait mieux perdre le moins d'hommes possible. Les Hoennais membres de la résistance voyaient du moins les choses de cette façon. Il faisait toujours froid, mais le temps commençait à s'adoucir depuis quelques jours.

Ce manque d'activité apparent était, en réalité, dû à une seule chose : la soirée du réveillon avait été des plus mouvementées. Un individu, seul, avait attaqué le quartier résidentiel militaire en incendiant plusieurs maisons d'officiers. Depuis, ces derniers ne se sentaient plus vraiment en sécurité, et beaucoup demandaient à se faire transférer dans un coin plus tranquille, comme Clémenti-Ville, connue pour son taux de criminalité extrêmement bas. Il était normal de vouloir se mettre en sécurité, après tout, mais bon nombre de demandes se voyaient refusées ; le colonel Waltz avait besoin de main d'œuvre à Mérouville, quoi que l'on en dise. Et puis, le fait qu'un homme seul ait pu attaquer le quartier militaire sans se faire tuer mettait leurs nerfs à rude épreuve : qui sait de quoi cet individu était encore capable ? La peur régnait dans les rangs de l'armée Unovite, et ce à cause d'un seul homme. S'ils ne se reprenaient pas vite en main, la situation dégénererait et les Hoennais pourraient récupérer leur territoire. Situation des plus critiques, donc, pour l'honneur d'Unys.


*
* *


Une odeur d'encens, mêlée à celle âcre de la fumée de cigarette, donnait une atmosphère presque mystique à la pièce. Presque mystique, mais agréable. Le colonel Waltz, à demi allongé dans son fauteuil, ne quittait pas des yeux le dossier posé sur son bureau. Ses subordonnés arriveraient d'un moment à l'autre, et il relisait pour la dixième fois ce qui était écrit en noir sur le papier blanc. Il avait passé un bon moment à chercher parmi ses fichiers pour retrouver ce dossier-là. Celui de l'inconscient qui avait attaqué, à lui seul, le quartier résidentiel des officiers de Mérouville. Un coup à sa porte, suivi de l'entrée d'un soldat, lui fit lever la tête.

- Les voici, mon colonel ! Je les fais entrer ?

- Oui, merci Hermann. Vous pouvez disposer.

- A vos ordres, monsieur.

Le jeune soldat, après avoir salué son supérieur avec respect, quitta précipitamment la pièce. Hans Waltz sourit et accueillit ses visiteurs en désignant les trois fauteuils disposés devant le bureau. Le lieutenant Alex Raine semblait fatiguée, comme en témoignaient les cernes noirs sous ses yeux. Ses cheveux, d'ordinaire impeccablement noués en un chignon serré, étaient simplement relevés en une queue de cheval qui ne lui allait pas vraiment. Son long manteau de cuir brun était mouillé, signe qu'il avait dû pleuvoir dehors. Le major Jim Warden, lui, paraissait avoir bien dessoûlé depuis la veille. Ses yeux bleus n'étaient pas injectés de sang et ses cheveux étaient, comme habituellement, parfaitement soignés, de même que sa tenue. Son manteau noir était également trempé. Le pire des trois devait être le docteur Joseph Watson, qui bâillait toutes les deux minutes, sans doute éreinté par l'épouvantable nuit qu'il avait pu passer. Ses cheveux blonds désordonnés et sa petite taille lui donnaient l'air d'un adolescent, en dépit de ses trente-deux ans.

- Eh bien, en voilà des têtes ! Vous n'êtes pas contents d'avoir du travail ? s'étonna faussement le colonel Waltz, pour les taquiner.

- Si votre maison avait cramé, vous seriez sans doute à même de comprendre... grommela Warden en retirant son manteau de cuir mouillé.

Surpris, Waltz haussa un sourcil.

- Votre maison a brûlé hier soir ?

- C'est ça. Pas folichon, hein ? Je suis obligé de dormir chez ce bon docteur Watson, et j'ai constamment l'impression d'abuser de son hospitalité.

- Mais non, mais non ! intervint le médecin. Restez tant que vous le souhaitez, vous laisser sans toit me dérangerait plus que de vous accueillir.

Apparemment gêné, le major détourna le regard pour se concentrer sur le paysage hivernal du dehors. La neige avait cédé sa place à la pluie, ce qui n'était pas plus réjouissant. Le temps éternellement gris mettrait bien du temps à laisser apparaître le soleil et ses bienfaits, ce qui n'arrangeait pas le moral de l'officier. Le lieutenant Raine se tourna vers le colonel.

- Si vous en veniez au fait, monsieur ?

Il écrasa sa cigarette dans le cendrier de son bureau et hocha la tête, un sourire narquois aux lèvres.

- J'y viens, j'y viens. Vous êtes tous au courant, bien sûr, qu'un individu peu recommandable, soupçonné d'appartenir aux rebelles Hoennais, a vandalisé le quartier résidentiel des officiers aux alentours de minuit.

- Hmpf... marmonna Jim Warden, maussade.

- J'étais trop terrorisé pour sortir du bâtiment... avoua timidement le docteur Watson.

Les mains dans les poches, Hans Waltz se balançait sur son fauteuil en acquiesçant.

- Je peux comprendre, ce n'est pas tous les jours qu'un danger public vient souiller nos rues. Si on lui met la main dessus, il sera exécuté publiquement, celui-là. J'aimerais bien le tuer moi-même, si je n'avais pas peur de me salir les mains avec son sang de détraqué.

Il avait dit tout cela sur le ton de la plaisanterie, mais au vu du regard qu'il arborait, ce n'en était pas une. Watson déglutit, tout tremblant. Ce type lui ferait presque peur. Raine et Warden ne bougeaient pas, mais ils étaient dans le même état. Ils savaient que le colonel en était capable. Encore fallait-il qu'il retrouve cet impertinent.

- Donc, je vous ai convoqués ici pour vous certifier que j'ai retrouvé cet homme qui a incendié notre beau quartier.

Silence de mort. Bouches qui s'ouvrent. Yeux qui s'agrandissent. Bras ballants, le long du corps. Haussement de sourcils. Sourire satisfait.

- Eh bien ? Cela vous surprend ? Vous savez... je n'ai pas usurpé mon poste de directeur des services de renseignement. J'ai réuni beaucoup de dossiers concernant les habitants de la région, et avec les témoignages d'hier, j'ai pu éliminer pas mal de suspects, par conséquent...

- Ouais, vous l'avez retrouvé, on a compris, ça ! soupira Warden, las.

- Major Warden... soupira Alex, les dents serrées.

- Hmpf.

Le colonel ne les interrompait pas. Etudier leur comportement était bien plus intéressant à son goût. Les dents serrées, les sourcils froncés, quelques gestes nerveux, Raine dégageait une aura de frustration presque palpable, alors que Warden, lui, se contentait de laisser échapper un soupir ou un grognement, sans que son visage ne montre rien. Watson, en retrait, n'osait pas s'interposer.

- Maintenant que vous me laisser parler, je vais pouvoir vous confier votre prochaine mission. Mais avant cela, voyons un peu le profil de notre pyromane local...

- Je me demande bien quel genre de psychopathe ça peut être... admit Warden, curieux.

- Vous le saurez dans une seconde.

Waltz tourna le dossier dans leur direction et leur intima de s'approcher. Ils purent voir la photo du type qui avait en effet mis le feu à plusieurs maisons. Le regard gris presque mauvais, les cheveux blonds coupés courts, quelques mèches en bataille ici ou là, les lèvres pincées, il n'inspirait pas confiance. Mais il ne ressemblait pas vraiment à un soldat ou à un tueur en série.

- Il s'appelle Tobias Owen, expliqua finalement le colonel. Un avocat, apparemment, qui résiderait à Algatia. C'est terriblement loin d'ici, aussi vous demanderai-je d'aller inspecter sa résidence secondaire, située à Clémenti-Ville.

- Tobias Owen... répéta Raine. Jamais entendu parler de lui. Pourtant, les avocats sont des gens relativement importants...

- Relativement, comme vous dites, souffla Waltz avant de se lever. Vous retrouverez le major Greene sur place, juste devant l'hôtel de ville. Partez maintenant, et vous pourrez revenir dans la journée. Au travail, soldats.

Ils saluèrent respectueusement l'intrigant bureaucrate et prirent congé, prêts à remplir leur mission d'exploration.


*
* *


La température extérieure, déjà basse, n'arrangeait en rien l'atmosphère glaciale qui régnait dans le bunker souterrain de Cimetronelle. Les couloirs gris et sombres n'inspiraient rien de bon, et les lumières jaunâtres n'éclairaient plus aussi bien qu'auparavant. Sur les quelques tables disposées ça et là dans les couloirs, on pouvait encore voir des plats ayant contenu de la nourriture, ainsi que quelques couverts. La dernière fois que le ménage avait été effectué remontait à un certain temps. Mais les résistants n'avaient pas le temps. Leur cause était plus importante que les conditions de vie dans le bunker.

Dans le salon principal, il faisait bon vivre, si on le comparait au reste du bâtiment. Des tapis ornés de motifs anciens ou exotiques décoraient le sol. Les tables en acajou, recouvertes de nappes élégantes, sur lesquelles trônaient quelques verres et bouteilles, donnaient une atmosphère de richesse et de raffinement à la pièce, renforcée par la présence du tourne-disque vintage qui diffusait une agréable musique jazzy.

De part et d'autre de la pièce, l'un allongé sur un canapé, l'autre assis dans un fauteuil, deux hommes se regardaient sans dire un mot. Tobias Owen, les bras croisés derrière la tête, détourna les yeux pour observer le plafond, dégageant de temps à autre une mèche blonde qui venait taquiner son front. Winston Travis, une jambe posée sur l'autre, sa main retenant sa tête, semblait songeur. Il engagea finalement la conversation.

- Tu n'aurais pas du faire ça.

Silence, de nouveau. Tobias se redressa pour s'asseoir au bord du canapé, plantant ses yeux d'une couleur métallique dans ceux émeraude de l'autre.

- Je ne crois pas que tu sois en position de me dire ce que je dois faire ou non. J'ai choisi d'aller attaquer ces fichus Unovites. D'accord, j'en prends la responsabilité, si c'est ce que tu cherches. C'est ça que tu veux ?

- Reste calme, je ne cherche pas à créer de conflit entre nous. Je dis juste que tu aurais pu nous en parler. C'était dangereux et, ma foi, irréfléchi de faire ça. Tu aurais pu mourir, tu le sais ?

Le grand blond soupira, s'enfonça un peu plus dans le canapé, en regardant toujours son interlocuteur, qui ne bougeait pas. Peut-être bien qu'il avait raison, et que ç'avait été inconsidéré de faire ce genre de choses sans prévenir personne. Mais les bonnes habitudes ne se perdent pas. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours préféré travailler en solo, ou du moins, sans contraintes de la part de supérieurs. Là, il n'était clairement pas dans les meilleures conditions. Il secoua la tête. Il devait garder la tête froide et coopérer avec ses collègues Hoennais pour voir ces fumiers Unovites foutre le camp de leur territoire.

- C'est bon, j'suis désolé. Je ne le referai plus. Promis, soupira Owen en levant les mains en signe de reddition.

- J'espère bien. Tu es... indispensable, en quelque sorte, admit Winston avec un demi-sourire.

L'intéressé fit une moue pensive et alluma une cigarette, qui emplit la pièce d'une odeur âcre et forte. Le vinyle tournait toujours, agrémentant l'ambiance de musique des années cinquante. Le bruit de la lourde porte métallique qui s'ouvre alerta les deux hommes, qui se retournèrent aussitôt. Bridget Travis, dans toute sa sobre splendeur, apparut. Elle affichait, comme à l'accoutumée, une expression mi-joyeuse, mi-songeuse, qui faisait toujours craquer son mari trop sérieux. Lequel l'interrogea du regard au sujet de sa présence.

- Oh, je ne viens que pour te prévenir. On te demande au téléphone, chéri.

- On me demande ? Et qui est-ce ?

- Qui veux-tu que ce soit ? C'est Finkton, je ne sais pas ce qu'il veut. Tu ferais mieux de venir.

Sur ces bonnes paroles, elle quitta la pièce, aussi vite qu'elle était venue. Tobias ricana, attirant de nouveau l'attention de Winston.

- Finkton ? Tu traites avec ce politicard ?

- Je ne vois pas où est le mal. Il nous finance en grande partie, répliqua le brun.

- Tout le monde sait que Sullivan Finkton vient d'Unys. Les nôtres, s'ils apprenaient que tu fais affaire avec lui, ne te feraient plus autant confiance. Tu devrais te méfier de tes ennemis, mais aussi de tes alliés. Surtout de tes alliés, devrais-je dire. On ne soupçonne jamais leurs intentions, quelquefois.

Winston, la main sur la poignée de la porte de métal, allait partir, mais se retourna vers son collègue.

- Est-ce que cela vaut aussi pour toi ?

Owen ne répondit pas, trop absorbé par la contemplation d'un tapis posé au sol. Winston soupira et quitta le salon.


*
* *


Dans son bureau, qu'il trouvait bien trop grand pour lui, le caporal Hermann, secrétaire personnel du colonel Hans Waltz, rédigeait un rapport sur ordre de son supérieur, qui, selon ses propres dires, ne pouvait pas le faire en l'état actuel des choses. Le jeune homme ne s'était posé aucune question sur cet empêchement, mais nul doute qu'il s'agissait uniquement d'une envie de déléguer, ni plus ni moins. Hermann savait que le colonel Waltz n'appréciait pas la paperasse, et en venait parfois à penser que la guerre manquait à cet étrange personnage. Après tout, il avait entendu son supérieur parler, l'air presque nostalgique, des réunions d'Etat-major ou des stratégies militaires qu'il devait élaborer en temps de guerre.

La sonnerie stridente de son téléphone de bureau fit sursauter le caporal, qui en lâcha son stylo et fit tomber sa casquette de sa tête. Il attendit que sa respiration reprenne son cours normal et que ses battements de cœur ralentissent pour décrocher le combiné et le porter à son oreille. Il n'eut pas besoin d'entendre la voix de son interlocuteur pour comprendre à qui il avait affaire.

- Un problème, colonel ? Oui... d'accord, j'arrive immédiatement.

Il raccrocha sans plus de procès et sortit en hâte de son bureau pour aller se présenter devant son supérieur. Lequel l'attendait, serein, bien assis dans son fauteuil. Il invita le caporal à prendre place face à lui.

- Bien, Hermann. J'ose espérer que vous avez terminé de rédiger ce rapport ? demanda Waltz, sur un ton calme, presque amical.

- En très grande partie, monsieur. Je devrais avoir fini dans peu de temps.

L'officier supérieur hocha la tête puis sourit.

- Bien, dans ce cas, j'attendrai. Mais dites voir... je voulais avoir un avis extérieur sur la question. Que pensez-vous des récents événements ?

- Des... récents événements, monsieur ?

Le colonel fit un geste de la main.

- Oh, vous savez, tout ce qui se passe dans la région depuis quelques temps, à cause de ces idiots de rebelles.

Hermann ne savait pas trop quoi répondre à cette question. Bien sûr qu'il avait un avis à ce sujet, mais il trouvait étrange qu'un membre haut-placé de l'armée Unovite lui demande son avis, à lui, un simple officier subalterne comme un autre, secrétaire de surcroît. Il ne voyait vraiment pas l'utilité de cet entretien.

- Prenez votre temps, nous ne sommes pas pressés, assura Waltz avec un sourire avenant, qui ne rassura guère le pauvre caporal.

Le jeune homme mit un temps avant de répondre :

- Concernant les rebelles... eh bien je pense qu'il faut les éradiquer, ou du moins se débarrasser de leurs têtes pensantes, si vous voyez ce que je veux dire... sans berger, les agneaux sont désorientés.

Le colonel haussa un sourcil, intrigué par le bon sens rare dont faisait preuve ce jeunot. Effectivement, vues sous cet angle, les choses paraissaient limpides. Tuer le chef pour semer la panique dans les rangs ennemis. Une vieille stratégie qui s'avérait toujours aussi utile. Encore fallait-il les connaître, ces têtes pensantes qui dirigeaient la résistance Hoennaise.

- Hermann, je crois que vous serez bientôt promis à une augmentation de salaire !

Le regard dubitatif du jeune officier subalterne acheva d'élargir le sourire de Hans.



*
* *


Les premières maisons de Clémenti-Ville devinrent enfin visibles au loin, succédant au paysage sombre et morne du Bois Clémenti, une forêt reliant la ville la plus paisible de Hoenn à sa capitale. En effet, les rayons du soleil ne filtraient presque pas à travers les épais feuillages des arbres hauts du bois, si bien que même en plein jour, on n'y voyait pas grand chose. Le major Warden avait plus ou moins réussi à sortir ses compagnons de là, mais quelques branches restaient coincées dans les portières de sa belle voiture rouge, ce qui ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Alex Raine et Joseph Watson l'écoutaient jurer, sans oser intervenir, la première lassée, le second inquiet.

- Cette putain de forêt de merde va le regretter ! J'y passerai pas deux fois, et s'il le faut, mes Démolosse s'en occuperont ! Non mais, c'est pas croyable d'aussi mal entretenir un passage reliant deux villes, tout de même. Faire une route, ce serait beaucoup pratique...

Et ce fut ainsi pendant tout le reste du trajet qui les séparait de Clémenti-Ville. Heureusement, il n'était pas bien long et ils arrivèrent rapidement à destination. Warden se gara sur un parking à l'entrée de la ville et s'empressa de retirer les branchages indésirables qu'il haïssait tant. Une fois cette tâche accomplie, le trio se dirigea, comme convenu, jusqu'à l'hôtel de ville. Ils en profitèrent pour admirer les villas du quartier chic, principalement possédées par des riches étrangers ou des fonctionnaires importants de la région.

- Toutes ces baraques me font penser que la mienne est en ruines... soupira le brun, démoralisé.

Raine se tourna vers le docteur Watson.

- Vous êtes certain que ça va aller, avec lui chez vous ? Il passe la moitié de son temps à se plaindre.

Le médecin haussa les épaules.

- J'espère bien. Je ne l'ai hébergé qu'une nuit, et puis comme il était saoul, il dormait comme un bébé... dites voir, il l'emploie comment, l'autre moitié de son temps ?

Il n'obtint cependant pas de réponse de la blonde, qui avait pris la tête du groupe, le major ne connaissant pas bien Clémenti-Ville. Ils s'arrêtèrent devant un grand bâtiment en pierre, qui devait bien dater de plusieurs siècles. Sa façade semblait quelque peu abîmée par endroits et la grande porte de bois datait, à vue d'œil, d'une époque plutôt lointaine. Les immenses fenêtres n'avaient rien de rassurant, de même que la grande planche, tout en haut de l'édifice, qui indiquait en grosses lettres noires, "Mairie de Clémenti".

- Nous y sommes, annonça simplement le lieutenant Raine à ses deux compagnons, qui observaient toujours la lugubre bâtisse avec une mine déconfite.

- J'espère, même si très sincèrement j'en doute, que vous nous faites une bonne blague, là. Ce bâtiment tombe en ruines, regardez un peu ça !

Pour appuyer sa théorie, il donna un grand coup de pied dans la porte, qui s'ouvrit à la volée en se détachant presque de ses gonds.

- Qu'est-ce que je disais ? Si c'est ça, l'hôtel de ville, ça craint vraiment !

- Oh là, n'abîmez pas cette horrible mairie, elle est bien assez moche comme ça ! intervint une voix féminine que le major reconnut.

Les trois militaires se retournèrent vers une femme qui s'avançait dans leur direction. Elle portait, tout comme eux, l'uniforme militaire Unovite. Au vu de l'insigne accrochée à son épaule gauche, elle avait le rang de major. Ses cheveux bruns étaient coupés au carré et ses yeux pétillaient de malice. Elle souriait. Cette femme était l'antithèse d'Alex Raine, du moins sur le plan physique.

- Euh... major Greene ? questionna le docteur Watson ?

Elle se tourna vers lui et acquiesça avec un large sourire.

- Ouaip ! Major Jennifer Greene pour vous servir ! Vous devez être les trois rigolos envoyés par le colonel Waltz, hm ?

La brune ne leur laissa pas le temps de répondre et se tourna vers Jim.

- Eh ! C'est vous qui étiez bourré à la soirée du réveillon, et qui chantiez l'hymne national !

Alex et Joseph haussèrent les sourcils, tout en regardant le major, gêné et honteux. Visiblement, cette femme-là n'avait pas sa langue dans sa poche. Elle changea bien vite de sujet néanmoins.

- Bon, suivez le guide, on va voir la maison de ce fameux pyromane... son nom, qu'est-ce que c'était ?

- Tobias Owen, répondit Raine, lasse de voir cette femme se comporter aussi peu sérieusement alors même qu'ils étaient en mission.

Jennifer Greene hocha la tête, toujours son sourire rayonnant peint sur le visage, et se mit à marcher, le trio sur ses talons. Ils retraversèrent quelques unes des rues du quartier riche de la ville, puis bifurquèrent sur la droite, pour arriver sur une place fréquentée par des marchands de sandwiches chauds et des touristes étrangers qui grelottaient de froid. Elle leur désigna une maison, bien trop grande pour n'être habitée que par une personne. La façade, peinte dans une couleur jaune pâle, était entourée d'un jardin accueillant. Le major Warden pouffa.

- J'hallucine, ce psychopathe au regard de maboul a des fleurs dans son jardin ! Des foutues fleurs !

- Vous n'aimez pas les fleurs ? répliqua Greene. C'est joli, pourtant.

- J'ai rien dit à ce sujet, mais voyez, vu la tronche de ce gars... disons qu'il a une tête à brûler des maisons, pas à planter des fleurs.

- Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer... souffla le docteur Watson.

- Moi non plus. Croyez-moi docteur Watson, moi non plus... répondit le lieutenant Raine en secouant la tête.

Le groupe reprit son sérieux et le major Greene choisit de frapper à la porte, même si elle se doutait que personne ne se trouvait à l'intérieur de la maison. Pas de réponse, évidemment.

- Bon eh bien on va opter pour la méthode un peu moins douce !

Sans laisser le temps à ses coéquipiers de protester, elle donna un grand coup de pied dans la porte, faisant sauter le verrou. Comme avec celle de la mairie, elle se détacha quasiment de ses gonds.

- Et c'est qui le bourrin, on se le demande ! grommela Warden à l'adresse de la brune, qui se contenta de sourire.

- Après vous ! fit-elle en leur désignant la porte ouverte.

Alex traîna le major Warden à l'intérieur pour l'empêcher de continuer sa conversation avec Greene. Il était bavard, soit, mais ça n'excusait pas tout. Il y avait un temps pour se détendre et un temps pour travailler, et là, ils étaient en mission. Alors pas d'incartade, elle y veillerait au grain.

L'intérieur de la maison était tout aussi accueillant que l'extérieur. Le salon sentait un peu le renfermé, signe que le propriétaire des lieux ne venait pas souvent ici. Des fleurs fanées gisaient dans des vases aux apparences coûteuses. Il s'occupait sans doute plus régulièrement du jardin que du reste. Le canapé de cuir était jonché de coussins, si bien qu'on ne le voyait presque plus sous cet amas. Il y avait une table au milieu de la pièce, sur laquelle étaient posées diverses coupures de journaux. Une photographie parmi toute cette paperasse attira l'attention du docteur Watson. On pouvait y voir Tobias Owen, ainsi que deux autres personnes. Une très belle femme aux boucles rousses et aux yeux d'un marron éclatant, ainsi qu'un homme aux cheveux noirs, dont les yeux émeraude reflétaient un bonheur non dissimulé. Ces deux-là étaient serrés l'un contre l'autre, alors que le blond, souriant lui aussi, se tenait légèrement en retrait. Le voir ainsi, l'air heureux, déstabilisa le médecin. Il voulut reposer la photo, mais Greene fut assez rapide pour la lui prendre des mains.

- Tiens tiens, mais c'est que notre pyromane a des amis ! C'est qu'il est beau gosse en plus ! Je comprends mieux pourquoi le colonel a refusé de me montrer son visage. Il sait que je suis trop sensible au charme masculin... souffla la brune, consternant le lieutenant Raine.

- Gardez votre sérieux, je vous en prie, major Greene... soupira la blonde, les poings serrés, se retenant de les lui mettre dans le visage.

- On se détend, les filles, d'accord ? intervint Warden, trop fatigué pour avoir envie de regarder deux femmes s'entretuer.

Elles se regardèrent et soupirèrent en chœur, puis reprirent les recherches, l'une s'occupant de la cuisine, l'autre de l'étage. Le docteur Watson se sentait mal à l'aise en la seule présence du major Warden, mais celui-ci ne lui laissa même pas le temps de se lamenter.

- Venez, on en a terminé ici. Inspectons le sous-sol.

- Il y a un sous-sol, ici ? s'étonna le médecin.

Jim sourit et entraîna le blondinet jusqu'à un escalier en colimaçon qui descendait probablement jusqu'à la cave de la demeure. Plus ils descendaient, plus la lumière faiblissait, si bien qu'arrivés en bas, ils ne voyaient quasiment plus rien. Ils cherchèrent à tâtons pour trouver un interrupteur et, après quelques minutes et une ou deux chutes dans le noir, le docteur Watson appuya sur le bouton qui éclaira subitement la pièce, éblouissant les deux hommes.

- Putain, ça fait mal aux yeux ! jura Warden.

- Je ne vous le fais pas dire... soupira le médecin, alors que ses yeux peinaient à se faire à la soudaine clarté.

- Bon, eh ben observons un peu ce qui se trouve ici...

La cave n'était pas bien grande. Il ne s'agissait que d'une seule pièce, divisée en deux ; d'un côté on pouvait voir bon nombre de vins ou d'alcools stockés dans des cartons, de l'autre, des caisses de métal étaient alignées, soigneusement fermées. Un pied de biche reposait à côté de l'une des piles, permettant sans doute d'ouvrir ces boîtes volumineuses. Jim s'en saisit et commença à ouvrir l'une d'elles.

- Mais enfin, qu'est-ce que vous faites ?

- J'essaie d'ouvrir cette foutue caisse, Einstein, ça se voit pas ?

Le blondinet haussa les épaules et se remit à l'examination des bouteilles. Après tout, il y trouverait peut-être un poison ou une quelconque substance dangereuse. Finalement, Warden parvint à complètement ouvrir l'une des caisses. Il siffla, impressionné, en découvrant son contenu.

- Qu'y a-t-il là-dedans ? demanda le médecin, mi-curieux, mi-inquiet, redoutant qu'une bombe prête à leur exploser à la figure se trouve à l'intérieur.

- Des armes à feu, mon bon docteur. Voyez vous-même.

Hésitant, le docteur Watson finit par s'approcher et découvrit avec stupeur trois fusils de précision soigneusement disposés dans la grande caisse. Il y avait, en tout, une dizaine de caisses, ce qui devait totaliser environ trente armes de ce genre. Rien que d'y penser, il pâlit.

- Euh, major Warden...

- Je vous écoute.

- Vous savez, cette histoire au camp H119... le major qui a été tué...

Warden plissa les yeux. Il voyait parfaitement où le médecin voulait en venir, et ça ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Il se força tout de même à l'écouter.

- Poursuivez.

- Il n'a pas été tué avec une arme de précision ?

- Je crois bien que si, effectivement.

Watson hocha la tête.

- Avec notre technologie, je pense qu'un rapport ballistique serait possible. Si bien sûr la balle est toujours logée dans le crâne du major. On pourrait aisément faire le lien entre la balle et l'une de ces armes.

Le brun acquiesça et soupira, puis plongea ses yeux bleus dans ceux fatigués du médecin.

- Si ce connard a tué Tanner, croyez-moi, j'en ferai une affaire personnel, docteur Watson.