02 : Personne sans intérêt
"J'ai dit que je vous dirais la vérité. Je n'ai pas dit que c'est ce que vous voudriez entendre."
(Harold Finch, Person of Interest Saison 1)
- Ah !
Seth se réveilla et se releva brusquement, ayant vu les deux silhouettes qui se tenaient à proximité. Juliet Reid s'étonna du comportement du blond, mais se contenta de lui adresser un signe de main poli. Eviter de le brusquer était sans doute la meilleure solution pour le moment.
- Bonjour, je m'appelle Juliet !
- Juliet... répéta le trentenaire complètement perdu.
- C'est ça. Voici Robbie, mon mari.
Lequel hocha la tête en signe d'approbation. Seth sembla se calmer un peu, et se laissa retomber sur le sable. De toute évidence, il n'avait pas la force de s'enfuir à toutes jambes. Le couple Reid regardait ce pauvre jeune homme désemparé, les yeux fixés vers le sol et la mine sombre. Il n'en savait certainement pas plus qu'eux au sujet de l'endroit mystérieux où ils se trouvaient.
- Où est-ce qu'on est ? demanda finalement le blondinet après d'interminables secondes de silence pesant.
Robbie grimaça. Juliet soupira un grand coup et s'installa en face de Seth, puis posa ses mains sur les épaules du jeune homme, qui tressaillit à ce contact. Le regard bienveillant de la femme blonde le rassura quelque peu, mais il pensait avoir compris. Eux non plus, ils ne savaient pas. Ils étaient perdus.
- Je suis vraiment désolée, nous sommes comme vous... Perdus. Je crois que ça résume plutôt bien notre situation.
- Chérie voyons, on trouvera bien un moyen de quitter cet endroit ! souffla son mari, bien que peu convaincu de sa propre idée.
- J'espère bien, mais là n'est pas la question. On devrait explorer les environs, déjà...
Seth acquiesça mollement, les yeux tournés vers les vagues, hypnotisé par leur mouvement pourtant peu intéressant. Le vent soufflait plus fort qu'avant, si bien que des grains de sable dansaient, invitant même quelques feuilles à se joindre à la fête. Soucieux de ne pas se retrouver avec du sable plein les yeux, les trois adultes se précipitèrent sans réfléchir dans la jungle, sans regarder où ils mettaient les pieds. Par chance, aucun d'entre eux ne trébucha sur quoi que ce soit, évitant donc des complications inutiles et non désirées. Mais - car il y avait toujours un mais - à présent ils étaient dans une jungle. Qui dit jungle, dit Pokémon dangereux et impitoyables.
- Vous êtes certaine qu'explorer les environs est une bonne idée, euh... Juliet ?
- Non, bien sûr que non, c'est même une très mauvaise idée, on risque de tomber sur des Pokémon psychopathes qui vont nous manger sans même avoir besoin de mâcher ! Mais que voulez-vous que je vous dise ? On est paumés, autant essayer de faire quelque chose...
Le blondinet se tourna vers Robbie, une expression ayant l'air de signifier "mais-bon-sang-elle-est-flippante-votre-femme" peinte sur le visage. Le brun allait répliquer lorsqu'une substance verdâtre peu attrayante vint trouver refuge sur sa main. Provoquant inévitablement un fou rire chez Juliet, qui avait tendance à ricaner pour rien.
- Je viens de me prendre une fiente de Piafabec, de Roucool ou je ne sais quelle bestiole volante sur la main, et toi tu te marres ? Bah merci ça fait toujours plaisir... marmonna Robbie.
- Oh allez, je plaisantais ! C'est le fait que ça arrive comme ça, pouf ! Que ça tombe du ciel jusqu'à ta main, franchement t'as pas de chance !
Seth sourit, quelque peu amusé par la situation comique qui se jouait devant ses yeux. Le brun lui lança à son tour un regard signifiant "oui-ma-femme-est-flippante-parfaitement", tout en nettoyant sommairement sa main avec une feuille prélevée sur un bananier. Une fois débarrassé de la fiente de Pokémon oiseau, le mari de Juliet reprit son sérieux.
- Juliet a raison, on ne peut pas rester là sans rien faire, on mourrait avant d'avoir passé la nuit... je suppose qu'au point où nous en sommes, on ferait mieux de rassembler quelques provisions et...
- Et aller voir si y'a pas d'autres survivants ! compléta la blonde, radieuse.
- Ouuuui mais tu seras gentille de ne pas m'interrompre, souffla Robbie.
- Oui papa !
- Vous êtes toujours comme ça ? Enfin, je veux pas contester votre mode de vie, mais ce serait sympa de rester sérieux en de telles circonstances, rappela Seth, qui n'avait presque pas dit un mot jusque-là.
Les deux autres se regardèrent, intrigués par le soudain regain de confiance du blondinet, et hochèrent la tête en choeur. Certes. Il avait parfaitement raison, se disputer - même gentiment - ne résoudrait rien du tout. Survivre était leur priorité absolue, ils n'avaient pas le choix...
* * *
Tic. Tac. L'horloge ne cessait d'émettre son bruit agaçant, contribuant à augmenter le stress - déjà à un niveau hallucinant - du jeune homme blond assis dans la salle d'attente du cabinet d'avocats Fry&Holland. Une des firmes les plus importantes de Boston, qui n'accueillait que des candidats ayant étudié au préalable dans des universités reconnues. Lorsque la secrétaire, vêtue d'un habit affreusement classique, sortit de la pièce voisine pour appeler son nom, il sentit son cœur rater un battement.
- Monsieur Seth Bowman, est-ce correct ? questionna le fondateur du cabinet, monsieur Fry.
- C-c'est exact, oui.
Le jeune homme n'avait jamais autant stressé de toute sa vie. Il venait de fêter ses trente ans et allait peut-être devenir un employé dans ce cabinet de légende. Peut-être. C'était ce mot-là qui lui donnait la chair de poule. Il pouvait échouer, si l'employeur ne le trouvait pas à son goût. Là était le principal défaut de Seth : son manque de confiance en lui et sa peur de l'échec.
- Monsieur Bowman ?
- Ah, hein ? Euh, oui, veuillez m'excuser, j'ai eu une absence. Vous disiez ?
- Je disais. Vous êtes sorti second de votre promotion à Harvard, est-ce correct ?
- Tout à fait correct... bredouilla le blondinet.
Ce tic de langage qu'avait monsieur Fry le stressait encore plus. Du moins si cela était possible au vu de l'état du jeune homme qui était à deux doigts de craquer psychologiquement. Tout en parcourant le dossier de long en large, le patron du cabinet ne disait plus un mot. Et ce jusqu'à la fin de sa lecture sommaire, après quoi il se leva, tapota gentiment l'épaule de Seth et, d'un ton enjoué, lui annonça :
- Bienvenue chez Fry&Holland, mon garçon !
* * *
- Madame Malone, je ne voudrais absolument pas vous manquer de respect, mais... vous seriez pas taxidermiste ou un truc du genre ?
Vesper eut du mal à retenir un petit rire. Taxidermiste ? Pour qui ce gamin la prenait-il ? Bon, soit, il était vrai qu'elle venait de tuer de sang-froid le huitième Abo qu'elle voyait depuis son réveil, mais... c'était eux ou elle. Et en l'occurence, la femme préférait survivre plutôt que de se laisser dévorer par ce genre de bêtes venimeuses.
- Non, je ne suis pas taxidermiste. Et appelez-moi Vesper, je vous en prie.
- Mouais. Ils disent tous ça. Les taxidermistes, je veux dire, répondit Wallace.
L'enseignante secoua la tête, amusée, et d'un coup de pied, envoya valdinguer le corps inerte du serpent dans les buissons. Soudain, un éclair de génie traversa son esprit.
- Oh mon Dieu, pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?!
- Madame Vesper, vous vous sentez bien ?
- Parfaitement bien, jeune homme ! Je crois avoir découvert le moyen de décamper d'ici !
Voyant l'expression désorientée du brun, elle s'empressa de sortir un objet sphérique, rouge et blanc, de la poche de sa veste. Wallace écarquilla les yeux en reconnaissant une Pokéball.
- Mais oui, bon sang ! On peut utiliser des Pokémon volants pour se tirer de cet enfer !
Vesper hocha la tête et lança la sphère juste devant elle. Une créature quadrupède au pelage noir et gris, parée d'une paire d'yeux menaçants, apparut. Le Grahyèna se tenait fièrement devant sa maîtresse, attendant un ordre. Le visage de l'étudiant se décomposa. Quoi, elle croyait quitter cette jungle à dos de chien volant ? Non, assurément, ça ne tenait pas debout.
- Enfin madame Vesper ! Vous n'avez rien d'autre ? Sauf votre respect, on partira pas avec ce genre de Pokémon...
- Il est bien là, le problème : mes deux autres Pokémon, Airmure et Milobellus, ont disparu... vous aurez plus de chance, peut-être...
Wallace hocha la tête, peu convaincu, et tira deux Pokéballs de sa poche. Mauvais signe, déjà, il lui en manquait une. Un Queulorior et un Mangriff en sortirent, tous deux en pleine forme. Vesper haussa un sourcil.
- Je vois, et que vous manque-t-il donc ?
- Un Carapuce... enfin je vois pas trop comment on volerait à dos de Carapuce non plus !
L'enseignante approuva d'un signe de tête et rappela son Pokémon, imitée par l'étudiant.
- Je crois comprendre... les Pokémon aquatiques et volants nous ont sans doute été dérobés...
- Dérobés ? Vous seriez pas un tantinet parano ? Enfin j'sais pas, mais voilà, qui aurait pu faire ça ?
- Si je le savais je vous le dirais, croyez-moi... souffla Vesper. Et ce n'est qu'une hypothèse, rien de plus. Bon, et si on sortait de cette jungle ?
Wallace ne se fit pas prier et lui emboîta le pas, pressé de revoir un semblant de civilisation. Manque de chance, à la sortie, seule les attendait une plage de sable fin et la mer - à moins que ce ne soit l'océan - à perte de vue. Personne ne se trouvait là.
- Madame Vesper... je crois qu'on est sur une île en plein milieu de nulle part...
* * *
- Eh, Bowman, tu viens prendre un café avec nous ?
Le blondinet, qui s'apprêtait à partir, fourrait quelques documents dans sa mallette de travail. Il se tourna vers son collègue et refusa poliment son invitation.
- Non, désolé Francis, je n'ai pas le temps, et...
- Oh allez, fais pas ton type coincé ! Un mois que t'es là et jamais t'es venu boire un café avec nous !
Seth ferma la mallette d'un coup sec et regarda Francis, très sérieusement et passablement énervé. Non, c'était non, il n'y avait pas à chercher plus loin que ça. C'était plutôt logique, non ? Le blond quitta son bureau sans un au revoir pour son collègue frustrant. Lequel l'attrapa par le bras.
- Lâchez-moi, Francis, je ne plaisante pas. J'ai autre chose à faire que de venir prendre un café.
- Bowman, Bowman, Bowman... tu piges que dalle à l'intégration ! Tu vas te retrouver tout seul si tu continues à t'isoler comme ça !
Seth se dégagea de l'emprise de l'homme plus âgé et planta son regard glacé dans le sien.
- En attendant, ce n'est pas à vous que la secrétaire fait du gringue, Francis, mais bien au type coincé qui se trouve juste devant vous.
Et il le planta là, fier de sa réplique cinglante, laissant derrière-lui un Francis éberlué.
* * *
Benjamin Finch, qui somnolait au pied d'un arbre, éreinté par sa marche ponctuée de cris et de fientes de Piafabec, ouvrit les yeux et manqua de faire une crise cardiaque lorsque son regard en croisa un autre, d'une couleur émeraude.
- Mais mais mais c'est quoi ce délire ?!
Il se leva d'un bond, faisant tomber son agresseur en arrière. Ou plutôt son agresseuse, puisqu'il s'agissait d'une jeune femme rousse aux cheveux plutôt courts et en bataille.
- Super, je tombe sur une psychopathe, sur une plage ! Et dire que j'étais persuadé de rêver !
- Rêver ? Mon pauvre, tu tombes de haut ! Elle a l'air irréelle, cette île, peut-être ?!
- Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ? T'es juste une tarée, c'est tout ! Et t'es qui d'abord ?
Keira Lloyd haussa un sourcil. Quoi, elle l'agressait à moitié et lui, il demandait son nom ? Il lui faudrait peut-être revoir son sens des priorités, à celui-là... Quoi qu'il en soit, elle lui tendit sa main en signe d'excuse et se présenta brièvement.
- Keira, comme Keira Knightley ?
- Oui, si tu veux... soupira la rouquine en levant les yeux au ciel.
- Quoi, c'est plus facile à retenir ! Bon, moi c'est Benjamin Finch, ou Ben, comme tu veux, je m'en fiche. Tout ce qui m'importe, c'est de rentrer chez moi.
- On peut dire que tu manques pas d'ambition toi, en tout cas.
Benjamin haussa les épaules et reprit sa place au pied de l'arbre exotique auquel il était adossé, juste avant que Keira ne vienne le déranger. La rousse le suivit du regard et finit par s'asseoir elle aussi, épuisée après avoir autant forcé sur sa jambe blessée.
- Tu t'es fait ça comment ? s'enquit le blond, curieux.
- Bah... tu me crois quand je te dis que j'en ai aucune idée ?
Il haussa les épaules et détourna son regard pour observer l'eau d'un bleu magnifique. Keira soupira longuement et, après un moment d'hésitation, posa sa main sur l'épaule de Benjamin, qui sursauta à ce contact inopiné.
- Bon, écoute, on est partis sur de mauvaises bases, toi et moi...
- Très, très mauvaises ! confirma le jeune homme.
- Ouais, bon ça va, pas la peine de me charrier ! grommela la rouquine. Je te propose de faire équipe avec moi.
Benjamin pencha la tête sur le côté, en signe d'incompréhension.
- Faire équipe avec toi pour quoi ?
- Pour éventuellement trouver d'autres gens et se tirer d'ici, parce que se retrouver sur une île au milieu de j'sais pas où... très peu pour moi.
Joignant le geste à la parole, elle tendit sa main ouverte à son interlocuteur. Après quelques secondes passées à peser le pour et le contre, il la lui serra.
- Te méprends pas, c'est juste parce que t'es sexy.
Après quoi elle leva les yeux au ciel.
* * *
- Argh...
Encaisser une dizaine de coups n'était pas chose facile, d'autant plus qu'il n'était pas très résistant. Seth sentait le goût métallique du sang dans sa bouche et tout son corps le faisait souffrir.
- Tu t'es foutu de ma gueule enfoiré !
Francis, face à lui, le rouait de coups tout en le couvrant d'injures. Le blond ne comprenait pas. Qu'est-ce qu'il avait fait pour se retrouver dans pareille situation ? Il n'en savait rien. C'était peut-être un délire paranoïaque de son collègue, après tout. Il n'en savait rien, et puis qu'importe. Il pensait mourir. Son bras devait être cassé, comme le lui laissait penser le craquement sinistre qu'il avait entendu quelques minutes auparavant. Son œil droit peinait à rester ouvert et ses cheveux blonds étaient teintés de rouge.
- C'est de ta faute, tout ça ! De ta faute !
Encore un coup, puis un autre, et un plus fort encore. Mais bon sang, pourquoi ? Cette question tournait, et tournait, et retournait dans sa tête. Il voulait lui demander, mais non, il n'osait pas, de peur de se faire vraiment tuer cette fois. Même si ça ne tarderait pas au vu de la force que mettait Francis dans ses coups. Il avait peur. Cette sensation qu'il croyait connaître se révélait plus atroce encore que ce que son imagination lui laissait penser.
Le dernier coup dont il se souvenait conduisit à son évanouissement, qu'il croyait être sa mort.
* * *
- Vous pensez vraiment que se séparer est une bonne idée ? s'étonna Robbie. Qui sait quels dangers rôdent ici...
Seth acquiesça vivement, sûr de lui. Il retira sa cravate bleue et l'attacha au tronc d'un arbre, bien en vue.
- Ca nous fera un point de rendez-vous, expliqua-t-il en voyant les mines perplexes des deux autres.
- Oh. Pas bête ! admit Juliet. Mais... on fait quoi, on va chacun d'un côté ?
- Non, restez avec votre mari, je vais explorer seul. On se retrouve ici, quoi qu'il arrive. Si je ne reviens pas... ne vous mettez pas en danger pour venir me chercher, d'accord ?
Mari et femme se regardèrent, peu convaincus. Cela ne faisait pas partie de leur éthique, mais s'il y tenait... ils devaient bien y consentir.
- Je... je pense qu'on devrait longer la plage, proposa Juliet.
- Pas de problème, je vais dans la jungle, approuva Seth.
- Tout seul dans la jungle ? Vous êtes inconscient ! protesta le brun.
Pour toute réponse, le blond sortit de sa poche une Pokéball.
- Il m'aidera en cas de besoin, ne vous en faites pas pour moi. On ne peut pas rester là à ne rien faire, alors même si c'est risqué... on doit essayer de trouver quelque chose.
Robbie hocha la tête, compréhensif, et s'éloigna avec sa femme. Seth les observa un moment puis, décidé, s'engouffra dans la jungle. Il lança sa Pokéball et une sorte de petit dinosaure orange, avec une flamme rougeoyante au bout de la queue, apparut tout sourire devant lui. Les yeux du Salamèche pétillaient de joie, arrachant un sourire au jeune homme.
- On y va mon bonhomme, je compte sur toi.
Le petit Pokémon Feu répondit par un cri enjoué et tous deux se mirent en marche, longeant les rares sentiers de terre qu'ils trouvaient. Il valait mieux suivre un chemin plutôt que de traîner sans précautions dans une jungle. Enfin peut-être.
Ils s'accordèrent plusieurs pauses pour s'abreuver auprès des quelques points d'eau qu'ils rencontraient sur leur route. Ils passèrent même près d'un grand lac, ce qui rassura Seth : au moins, s'ils devaient rester longtemps sur l'île, ils ne manqueraient pas d'eau. Le problème de la nourriture pourrait être plus conséquent, en revanche.
- Je crois qu'on devrait aller par là, le sentier se prolonge de ce côté...
- Salamèche ! approuva le minuscule dinosaurien en hochant la tête.
Le blondinet acquiesça et allait se relever, au moment ou il sentit une main se saisir de son col de chemise. Paniqué, il ordonna à son Pokémon d'attaquer, mais il se ravisa en voyant le couteau placé sous sa gorge. De toute évidence, celui qui se tenait juste derrière lui ne lui voulait pas du bien...
- Qui... êtes-vous ? se risqua-t-il à demander.
Plusieurs secondes passèrent, avant que l'agresseur ne décide de répondre.
- On en discutera plus tard. C'est moi qui pose les questions, pour l'instant.
- Une femme ? Vous êtes-vous réveillée ici sans savoir comment ?
- Comment le savez-vous ?
Seth ne répondit pas. Comment il le savait ? Ce n'était pas bien difficile, lui aussi était passé par là. Une seconde voix, masculine cette fois, se fit entendre.
- Madame Vesper, je pense pas que tuer quelqu'un soit très utile, surtout en l'état actuel des choses...
Vesper soupira et retira finalement le couteau. Puis elle fit asseoir, sans se soucier de la délicatesse dont elle ne faisait pas preuve, le blondinet à même le sol, pointant toujours son arme vers lui. Salamèche tremblait de tout son être, effrayé par cette femme à l'air complètement cinglée.
- Pourquoi avez-vous un couteau ? demanda finalement la victime de l'agression.
- C'est moi qui pose les questions. Et j'ai horreur de me répéter.
Seth plissa les yeux. D'accord, il se retrouvait sur une île au milieu d'Arceus sait où, et maintenant une folle furieuse accompagnée d'un type pas moins bizarre le tenait en respect avec un foutu couteau ?! Vesper, en dépit de son attitude rude, affichait une mine sereine. Wallace quant à lui, observait le petit Pokémon sans dire un mot. Il fallait dire que lui aussi avait peur de la femme brune...
* * *
Seth, le bras en écharpe et des pansements un peu partout, prit place sur une chaise, au centre de détention. Francis lui faisait face, menotté et l'air complètement perdu.
- Ecoute, mec, je suis désolé pour ce qui est arrivé, j'ai perdu le contrôle.
Le blond tressaillit. Il s'en souvenait encore parfaitement, dans les moindres détails. Pourtant d'habitude, on avait tendance à tout effacer de la mémoire en cas de traumatisme... Lui, il avait tout gardé.
- Francis, je ne comprends pas.
- Tu ne comprends pas ? répéta le prisonnier.
Seth secoua la tête.
- Non, je ne comprends pas. Pourquoi m'avoir agressé ?
Francis soupira longuement.
- Ecoute, tu sais... la dernière affaire que t'as eu à traiter...
- Quel est le rapport ? s'étonna le blond.
- Le truc c'est que... enfin voilà, ta cliente, c'était ma sœur. Et parce que t'as pas réussi à la défendre, elle est en taule maintenant !
Le jeune homme commençait à assembler toutes les pièces du puzzle. Ah, d'accord. Il avait échoué et sa cliente prenait vingt ans de prison. Sa cliente s'avérait être la sœur de son collègue. Lequel l'a tabassé sans retenue. Ouais, bon, c'était un peu tiré par les cheveux mais ça prenait sens.
- Mec, il faut que tu me fasses sortir !
Seth secoua la tête, peiné.
- La prochaine fois, parle avant de frapper. Adieu, Francis.
Et il s'en alla, sans un regard en arrière. La douleur ne s'en allait pas comme ça. Pas aussi facilement.
* * *
Benjamin jeta sa peau de banane au sol et se tourna vers Keira, qui le regardait, les yeux plissés.
- Quoi ? J'ai jamais été très écolo, j'y peux rien.
- Bah. Qu'est-ce que j'en ai à faire de toute façon...
Le jeune homme leva les yeux au ciel et se redressa en prenant appui sur le rocher auquel il était adossé. La rouquine l'imita, mais sa jambe la faisait toujours souffrir, lui arrachant un grognement de douleur.
- Eh bien, tu t'es salement blessée on dirait, t'as mal ?
- ...sans déconner, Einstein.
- Oh ça va, j'essayais, d'être gentil ! souffla le blond.
Keira secoua la tête, un sourire imperceptible aux lèvres, et sortit une Pokéball de sa poche. Benjamin la regarda avec des yeux ronds.
- Sérieux ! Comment ça se fait que j'aie pas pensé à ça ?!
- Va savoir, t'es peut-être con, Ben...
Sans attendre de réponse de la part de son compagnon d'infortune, elle fit sortir le Pokémon de sa maison sphérique. Un imposant quadrupède vert clair, dont le cou était orné d'une fleur rougeâtre, apparut devant eux.
- Super, et tu vas faire quoi avec ça ?
- Quelle question, il va me porter, je suis blessée !
- Cool, et... wah !
Il ne termina pas sa phrase, un Piafabec plongeant en piqué sur lui. Il eut tout juste le temps de se jeter sur le côté, et tomba face contre terre. Keira se retint de pouffer et s'approcha de lui.
- Ben, relève-toi, on a pas le temps de traîner.
Pas de réponse. Légèrement inquiète, elle le secoua doucement. Toujours rien. Il était pas mort, quand même ? Il n'oserait pas ! Précautionneusement, elle le retourna et grimaça à la vue de l'entaille qui lui barrait le front.
- Comme si j'avais besoin de ça... grommela-t-elle.
Elle sortit quelques bandages et son désinfectant, prête à arranger cette vilaine blessure. Un bruissement de feuilles attira son attention.
- Qui est là ?
Deux personnes apparurent, une femme et un homme. La première était blonde, le second brun. Tous deux la regardaient, un air soulagé sur le visage. Pourquoi, elle n'en savait rien.
- Vous êtes qui, vous deux ?
Juliet lui offrit un sourire rassurant - aussi bien pour se rassurer elle-même que pour Keira - et lui tendit la main.
- Nous sommes comme vous.