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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 24/08/2015 à 07:03
» Dernière mise à jour le 29/05/2020 à 12:47

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 02 : Ambiance électrique
(Modifié le 04/04/20)

(Le premier pas d’un long voyage)
Les yeux de Bianca et des autres adolescents s'écarquillèrent. Là, tout de suite, alors qu'un orage menaçait d'éclater, les adolescents allaient se défier ? Mais ils venaient à peine de faire connaissance, enfin, certes le combat était un bon moyen de faire connaissance—White et Black s'étaient bien affronté dès la première minute de leur voyage—mais pourquoi autant d'inimité ? Élin avait-elle embêté Syd durant la minute que la scientifique leur avait laissée pour se présenter ? Était-ce possible, en une seule petite minute, de se faire détester ? Rah quelle erreur d’avoir accepté la blonde dans son voyage ! Quelle erreur !

Bianca ne savait pas encore à quel point elle allait regretter sa décision.

— Mais... les enfants... vous êtes sûrs ? tenta-t-elle, effrayée.
— Parfaitement, lui répondirent deux voix spectrales. 

Aussitôt, Élin et Syd firent signe à leur Pokémon de s'approcher, le Gruikui très étonné et le Baggiguane déjà blasé. Les deux créatures se firent face à face. Elles qui ignoraient absolument l'existence de l'autre avant de sortir de leurs Pokéball allaient devoir se battre ! Quelle situation cocasse, tout de même.  

— Tu vas perdre ! souffla Élin avec détermination.
— Tu rêves, rétorqua un Syd méprisant. 

Soupirant, Bianca se déclara arbitre. Elle prit le parti de ne pas mentionner les noms de famille des participants—Élin était la fille adoptive de Black Hei, star reconnue, et souhaitait peut-être garder son identité secrète pour ne pas être dans l’ombre de son père. Ce serait à la gamine de choisir de révéler son identité ou non.

— Ce match oppose Élineera de la Ville Noire à Syd de Maillard. Il se déroulera en une manche simple.

Élin et Syd se braquèrent.

— Mimi Queue !
— Tabasse-le !

Les spectateurs sursautèrent face à cet ordre bâclé et peu orthodoxe. Bianca retint une exclamation étonnée avant de comprendre—mais oui, avec un père silencieux comme le sien, elle ne devait pas bien connaître les noms des capacités… Élin n’avait pas eu une enfance facile, de ce point de vue-là… Dans tous les cas, le Baggiguane ne fit que hausser les épaules, ne distinguant pas un « mauvais » ordre d’un « bon ». Ce n'était que des règles arbitraires d'humain. Sans plus de façon, il se rua sur Gruikui et lui asséna un coup de poing bien senti, ce qui arracha un grognement de protestation au cochon. Cependant, le regard du Pokémon Combat fut attiré par la queue frétillante de son adversaire, et ce mouvement pitoyable le fit suffisamment ricaner pour qu'il baisse sa garde.

Syd, connaissant chaque capacité et ses effets, repéra que son ordre avait fonctionné et n'hésita pas une seule seconde.

— Charge !

Brusquement, Gruikui bondit et se rua vers Baggiguane qui, trop sûr de lui, n’avait pas vu l'attaque venir. Il n'y avait que quelques mètres à parcourir dans ce petit belvédère, aussi le bipède fut percuté de plein fouet, et lâcha un juron Pokémonesque bien senti !

— Rah ! trépigna quant à elle Élin, fouillant son esprit pour trouver ce qui lui permettrait de contre-attaquer.

Syd ordonna une nouvelle Charge, peu soucieux de la bienséance et désireux de prendre un avantage irréversible. En combat Pokémon, sa famille lui avait toujours appris de privilégier la simplicité sur l'originalité, et il appliquait ces principes à présent. Et puis voilà qui clouerait le bec à cette gamine ! Gamine qui, tremblant d'anticipation, saisit brusquement une des idées flottant dans son esprit et s'écria aussi vive que la foudre :

— Baggiguane, saute !

De nouveau, l'ordre étonna Bianca et les autres enfants. Elsa, en retrait, fronça les sourcils avec incertitude, mâchouillant le coin de sa lèvre en réfléchissant à toute vitesse. Peut-être que la blonde n'avait jamais touché à un Pokédex ? Mais... normalement, chaque enfant d'Unys recevait une éducation formelle à propos d’un nombre important d’Attaques... à côté d'elle, Bianca souffla un intriguant « bien évidemment que son père ne lui a rien appris… ».

Quoiqu'il en soit, le Pokémon obéit à l'ordre de la dresseuse, et fit un bond impressionnant de plusieurs mètres. Gruikui, confus, s'arrêta net en ne distingua plus personne devant lui—c’est vrai que les Gruikui, Grotichon et Roitiflam avaient une mauvaise vue... aussi, malgré la mise en garde de Syd, le cochon de feu menaçait de se faire écraser. Alors le dresseur réfléchit et demanda à son Pokémon d'esquiver. Baggiguane connut un atterrissage légèrement douloureux et s'étala dans une flaque d'eau due au mauvais temps de la semaine.

C'est alors que les yeux d'Élin se mirent à briller.

— Hey, pousse-le dans une flaque d'eau ! C'est un Pokémon Feu donc ils n'aiment pas l'eau, vas-y !
— Tu crois vraiment que je vais me laisser avoir si tu cries aussi fort ? répliqua Syd d'un air tranchant. Gruikui, Charge, encore !

Bandant leurs muscles, les deux Pokémon se ruèrent vers leur adversaire, lâchant un cri de guerre féroce. Ils désiraient tous les deux bien faire pour leur nouveau dresseur, ou au moins montrer leur force. Ainsi la collision fut brutale, les deux créatures retombèrent sur leur dos... et Gruikui roula jusque dans une large flaque de boue, grouinant avec douleur. Élin s'exclama malicieusement « yes ! » et tira la langue à Syd.

— Je vais gagner !
— Tu rêves ma pauvre ! siffla en retour le dresseur mis en difficulté, reprenant sa formule du début de combat.

Les regards des dresseurs s'entrechoquèrent. Étincelants. Syd était sûr de lui et de ses capacités—il avait tiré les leçons de ces premiers coups. Les ordres de la blonde étaient certes atypiques et surprenants, mais elle semblait rien n’y connaître en Attaques Pokémon, et c'était un avantage sur lequel il se devait de jouer. Pas question de se laisser déstabiliser. Quant à Élin, ce n’était pas du genre à s’embarrasser de règles ou de précisions comme le nom des Capacités—elle n’était pas du tout inquiète. Aussi, souriante, elle poursuivit :

— Tape-le !
Syd répliqua avec un calme absolu.
— Charge. 

D'un seul mouvement, les deux Pokémon s'élancèrent, la vitesse avec laquelle ils filaient sur le carrelage trempé du Belvédère annonçant une collision brutale. Les deux créatures de force égale subiraient sûrement les mêmes blessures, ce qui n'avantagerait aucun adversaire. Analysant rapidement la situation, Élin réalisa qu'il fallait changer son approche. Aussi, au dernier moment humainement possible, la blonde s'égosilla par-dessus la cacophonie : 

— VITE, fais une glissade sur le sol les pieds en avant !

Son Starter n'eut pas le temps de réfléchir, il obéit tout simplement à sa dresseuse, se penchant brutalement en arrière et terminant sa Charge allongé, les pieds en avant, comme un joueur de Pokéfoot souhaitant dérober la balle à l'adversaire. La descente ne fit qu'accélérer sa vitesse, et il cria fièrement de sa voix rauque en percutant Gruikui, qui n'avait pas eu le temps de changer de trajectoire, avec une force inouïe, l’aspergeant du même mouvement.

Syd serra les dents, étudiant à son tour la situation : il fallait que son Pokémon reprenne l'avantage sans endurer de nouvelles blessures, et pour cela mieux valait baisser la défense de l'adversaire. Le Baggiguane serait alors à leur merci.

— Tant pis, Mimi Queue ! s'écria-t-il en serrant les poings, conscient que les regards de tous étaient braqués sur lui.

L’Attaque eut l'effet escompté. Baggiguane, qui était resté allongé par terre avec un sourire crâneur, baissa encore plus sa garde... décidément, Élin n'avait pas appris de ses précédentes erreurs.

— Charge ! enchaîna-t-il, satisfait.

Elsa frissonna : après une baisse de la défense et à bout portant, la Capacité infligerait sûrement des dommages irréparables au Baggiguane... Si Élin voulait gagner le match, il fallait qu'elle réagisse avant que l'Attaque ne touche son Pokémon. Cependant, la gamine ne savait même pas ce qu'était une Mimi Queue : elle aussi, forte de son idée originale, avait baissé sa garde et se pavanait... Une fatale erreur.

Le Baggiguane se fit toucher brutalement par la Charge de l'adversaire et s'envola vers d'autres cieuuuuux... Élin écarquilla les yeux.

— BAGGY !

Le surnom lui échappa sans qu’elle y réfléchisse, trop inquiète par la chute de son Pokémon.
Elle capta le sourire confiant de Syd du coin de l’oeil et s’irrita.
Non il ne fallait pas qu’elle perde !

— Rattrape-toi à la rambarde du belvédère comme un gymnaste ! réagit-elle.

Baggy lui obéit, semblant jurer dans le même temps, et tournoya autour de la balle de métal. Syd le fixa avec surprise—c’est qu’il prenait de la vitesse en plus, glissant encore plus vivement à chaque nouveau tour. Il fallait que—

— Propulse-toi sur Gruikui ! poursuivit Élin avec confiance, sautillant. Syd, tu vas perdre !
— Pas question ! rugit-il avant de jeter toute prudence au vent : Gruikui, CHARGE !

Les deux Pokémon se rapprochèrent un clin d’oeil. Le Baggiguane acrobatique voltigeait le plus vite vers son ennemi, mais le cochon avait un poids supérieur et une meilleure résistance. Ils percutèrent en un choc retentissant, grognant de douleur et—vacillèrent… tous les humains retinrent leurs souffles… Élin écarquilla les yeux… Syd se mordit la joue… Mais ils chutèrent tous les deux en un bruit mat, terrassés par les blessures et la fatigue de leur premier affrontement. 

— … Match nul, conclut Bianca, surprise. 

À ces mots, les adversaires furent comme sortis d’une torpeur. Élin sourit au même moment que Syd fronçait les sourcils, déçu. Elle se précipita vers Baggy et lui tapota fièrement la tête avant de le remercier, le rappelant dans sa Pokéball pour qu’il se repose. Ce n’était que le début d’une merveilleuse aventure. Pendant ce temps, Syd s’excusait auprès de Gruikui, se disant qu’après tout, il essuierait de nombreux échecs avant de battre tous les Champions d’Arènes et guérir Otis.

— C’était un super match, tenta Élin, emportée par la fierté d’en avoir conduit un.
— Tu ne connais même pas les Attaques de ton Pokémon… renvoya Syd de mauvaise grâce.

La gamine fronça les sourcils. Décidément, elle avait été trop gentille. L’adrénaline du combat lui avait fait oublier à quel point le garçon était désagréable !
Ils se fixèrent dangereusement, la tension enfla. 
Mais c'est à ce moment que les nuages noirs pesant sur le ciel, qui menaçaient d'éclater depuis une heure au moins, se déchirèrent en une averse torrentielle. 
Curieusement, l'orage n'eut pas que des conséquences attendues... La Vipelierre surexcitée du garçon hippie, effrayée par l'averse soudaine, se ruant sur son dresseur et remonta le long de son pantalon. 

[…]

— WOH mais casse-toi de là ! s'égosilla Oscar, vacillant puis s'écroulant dans une flaque de boue, sur le cul il faut le dire.
— Ne panique pas Oscar, je vais t'aider ! s'écria à son tour Bianca—une main vissée sur son béret pour l'empêcher de s'envoler, faisant fi de la pluie.
— Euh non je n’préfère pas, sauf vot' respect ! WOUARPS !

Le beau-gosse crotté se tordit sur le côté, saisit d'un spasme et d'un fou rire incontrôlable—rire tout à fait charmant d'ailleurs, qui plut tout de suite à Élin-–et il termina face contre terre. Elsa avait détourné son regard, ses joues s'embrasant vivement, et balbutiait quelque chose d'incompréhensible. Pendant ce temps, Syd avait rappelé son Pokémon sans annoncer son retrait du match. Ceci ne fit que raviver l'irritation d'Élin.

Mais son attention fut bientôt happée par le Vipelierre qui ressortait du jeans d’Oscar, victorieuse, un ruban aux crocs. Ses yeux brillaient, comblés.

— Vipvip Lierree !
— Hein, t'as de la dentelle sur ton caleçon ou quoi ? s'étonna Élin, se retournant vers un Oscar se redressant avec peine, essoufflé.
— Quoi m-mais pas du tout ! se défendit faiblement celui-ci.

Elle lui lança un regard dubitatif—
Et c'est à ce moment que l'averse redoubla, les glaçant jusqu'à l'os et engloutissant leurs paroles et leurs poumons. Le teint cireux, crachant de l'eau gelée, Bianca s'écria tant bien que mal :

— Vite les enfants, réfugions-nous au Centre Pokémon !


(Un point partout)
— VOILÀ les enfants, s’écria Bianc avec ravissement. Maintenant vous savez ce qu'est un Centre Pokémon, et vous comprenez l'utilité absolue de ces refuges pour âmes damnées ! 

Avec inquiétude, les jeunes lancèrent des coup d'yeux à la masse colorée de dresseurs qui se réfugiaient dans le Centre pour s'abriter de la pluie, mais ils semblaient plus préoccupés par la location d'une chambre que par le groupe de quatre bambins trempés et tremblants. Leurs voix, leurs rires et leurs grognements se mêlaient jusqu'à presqu'engloutir la musique de l'accueil... Même l'Infirmière Joëlle était débordée. Aucun échappatoire possible.

— Alors, vous n'êtes pas trop mouillés ?

Ils reportèrent leurs regards de bêtes traquées sur Bianca, qui se laissa lourdement tomber sur un des pauvres canapés de l'accueil. Le tissu beige fut bientôt complètement trempé, surtout que la scientifique prit soin d'essorer son béret rouge par-dessus les coussins tremblants du mobilier. Malgré leurs différences et divisions, chacun des adolescents la fixèrent d'un œil saisi d'effroi. Ils avaient bien raison—l’adulte avait plus l'air d'un Léviator que d'une innocente jeune femme, avec ses cheveux en bataille, son teint cireux et son regard de bête acculée. Agrémenté d'un sourire carnassier quand elle regardait le canapé.

Élin, la plus courageuse ou la plus inconsciente, s’ébroua et souffla :

— Dès que la pluie est finie je vais défier Tcheren, comme ça je serai la première à gagner un badge !

Comme ça, elle gagnerait son premier badge le premier jour, et pourrait enchaîner rapidement sur les suivants... quand son père reviendrait de Kalos, elle aurait le niveau pour le vaincre pour sûr !
Cette remarque interpella Bianca. La scientifique se redressa avec une expression intriguée, arqua un sourcil et lâcha platement :

— Tiens, ton père ne t'a pas mis au courant. Tcheren est en voyage.

La réponse eut le don de rabattre le caquet à Élin, qui rougit brutalement mais ne sembla pas capable de former de mots, comme un Magicarpe.

— Quand revient-il ? demanda Syd, beaucoup plus calmement.
— Dans... trois jours il me semble, répondit Bianca, après une légère incertitude. Il vient de m'alerter, en réalité, son départ n'était pas du tout prévu. Beaucoup de dresseurs sont dans la même situation que vous.

Élin fronça les sourcils, déçue.

— Mais on va faire quoi pendant trois jours, le ménage au Centre Pokémon ? s’écria-t-elle.
— Mais non, mais non, répliqua à son tour la scientifique, se voulant apaisante. 
— Ah bon, alors quoi ? répliqua Élin en réponse, désignant le Centre Pokémon inondé. Apprendre à nager ?
— Vous pouvez explorer le Pokédex et apprendre par cœur les Attaques de vos Pokémon ! 

Cependant Bianca vit bien, à la moue des adolescents, que faire de la théorie au Centre Pokémon sans partir aussitôt à l'aventure ne serait pas assez. Elle soupira.

— Écoutez, vous n’avez pas le choix. Il faut attendre Tcheren, sans quoi vous n’aurez pas votre Badge… 

Ils étaient coincés. Face à l’évidence, les adolescents maugréèrent quelques vagues affirmations. Élin était furieuse, le baba-cool déçu, et même la fille timide semblait avoir pâli. Seul Syd affectait l’indifférence.

— Je veux savoir où vous êtes à chaque instant, leur rappela Bianca. N’allez nulle-part sans me prévenir. Quant à moi, je dois aller déclarer la Pokéball et le Baggiguane d'Élin en ligne...

Après quelques minutes et des aux-revoirs polis, la thésarde franchit les portes coulissantes du Centre Pokémon et, déployant un parapluie d'un magnifique jaune poussin, elle s'enfonça au cœur de l'averse grise. Elle fronçait déjà les sourcils, s'inquiétant la venue d'Élin. La scientifique en devenir réalisait sa thèse sur « l'influence des relations interhumaines sur les Pokémon » : il ne fallait pas non plus que son groupe d'adolescents soigneusement sélectionné vole en éclats à cause d'un ajout de dernière minute...

L'un d'entre eux était médiocre à l’école, populaire, la seconde brillante mais timide, et le troisième avait connu des hauts et des bas et avait eu de nombreux rendez-vous avec le psychologue scolaire en raison d’un comportement solitaire. Voilà comment elle avait sélectionné le groupe... Élin y correspondrait-elle ? 

Les adolescents étaient à des lieux de ces préoccupations. En réalité, après un vague moment de flottement, Élineera se retourna, préparant une pique orgueilleuse pour Syd, sous les yeux plus qu'inquiets des deux autres... Et le vit pianoter sur son portable avec un air concentré. Malheureusement pour le garçon, se sentir ignoré, faire face au silence, était la pire chose qu’Élin puisse envisager, et elle venait de comprendre que le téléphone avec une importance pour Syd. Avec un sourire machiavélique, elle lui arracha et s’éloigna en quelques pas dansants.

La victime cligna d’abord des yeux, étonné. Puis il se rua après elle, une veine palpitant à se tempe et cria :

Rends-moi ça !
— Jamaiiis ! chantonna Élin.

Ravie d’avoir trouvé un point sensible, la gamine se cacha derrière un canapé et scanna l’écran, lisant [Otis est ravi que tu aies eu Gruikui !] puis [Tu vas battre tous les Champions d’Unys fils !] d’une voix moqueuse.

— Je doute que tu les battes si tu n’arrives pas à me battre ! s’enorgueillit-elle. Elle délire ta môman !

Mais elle n’avait pas réalisé qu’en s’arrêtant pour lire, Syd avait pu trouver sa cachette et s’en approcher dangereusement. Une main s’abattit sur son épaule et elle en lâcha le téléphone portable de surprise, faisant volte-face pour rencontrer les yeux furieux de Syd.

— Je vais t’appendre à te moquer de ma famille ! rugit le garçon.

Élin prit peur et décampa, dérapant sur le sol glissant. Malheureusement pour elle, trop à sa fuite, elle ne fit pas attention et percuta une masse chaude de plein fouet. Elle tituba en arrière, manquant de heurter Syd, qui l’avait poursuivi, et releva la tête. Devant ses prunelles surprises se tenait une sévère Infirmière Joëlle, robe trempée, serpillère à la main. 

— Vous voulez bien m'aider, oui ? Les dégâts de l'orage et des dresseurs trempés ne se réparent pas tout seuls !

Il y eut un moment de flottement. Elsa se pencha vers un des balais qui avaient été appuyés le long du mur.

— Mais HEIN ? s'indigna Élin. On est des dresseurs pas des techniciens d'surface !
— Et moi je suis infirmière, rétorqua austèrement l'adulte, fronçant brusquement ses sourcils roses. Un Centre Pokémon s'entretient par tous les dresseurs qui bénéficient de ses services, alors puisque vous êtes jeunes, autant apprendre.
— MAIS— 

Brusquement, une voix sèche retentit.

— Ne vous inquiétez pas, elle est vraisemblablement pourrie-gâtée, mais ça lui passera quand je lui aurais collé une raclée.

Les regards du groupe se tournèrent vers... Syd. L'adolescent attendait à quelques pas de l'Infirmière, se tenant avec toujours autant de superbe, dégageant une aura de sérieux. Il avait récupéré son téléphone portable et foudroyait Élin du regard. Celle-ci, loin de se sentir coupable, gonfla sa joue d’irritation.

— Hey tu m’as pas battu, tu décides pas ce que je dois—
— Que pouvons-nous faire pour vous ? poursuivit-il en ignorant la blonde, lissant son pantalon sobre d'une main.

Alors l'Infirmière Joëlle se départit d'un sourire bref, son expression s'adoucissant avec soulagement, la transformation impressionnante à observer tant elle était rapide et totale. Voir sa charge de travail quotidien presque inhumaine allégée, ne serait-ce qu'un peu, la réjouissait plus que raison.

— Merci.

Un flottement où Élin n'eut pas le bon goût de se sentir gêné. Ça se voyait, la fille de millionnaire n'était pas du tout habituée à faire le ménage, mais plutôt à tout salir... Quant à Oscar, il restait fixé sur un air surpris, ne venant pas non plus d'une famille où on passait beaucoup l'aspirateur. La dernière du groupe, Elsa, souriait timidement. Bien que peu sûre de la marche à suivre, elle admirait Syd pour sa prise en main rapide de la situation. En fait, de par son tempérament plutôt doux, elle préférait obéir à des directives précises, et serait soulagée une fois sûre des consignes.

— Les garçons, pouvez-vous allez me chercher des seaux ? Il y a une fuite dans la salle numéro deux-cent-six, , je vous y guiderai. Les filles, ce serait gentil de passer la serpillère dans le hall, les dresseurs ont tout mouillé, ce sont vraiment des mal-élevés !

Sur le visage rose de l'adulte fleurit un nouveau sourire quand les adolescents acceptèrent, avec plus ou moins d'enthousiasme évidemment. On confia des chiffons déjà tout sales et trempés à Elsa et Élin—cette dernière grimaça de dégoût, elle qui n'avait jamais fait le ménage de sa vie—et enfin l'Infirmière fit signe à Oscar et Syd de la suivre. À peine formé, le groupe se séparait déjà.

Les deux garçons suivirent l’Infirmière Joëlle jusqu’à un premier réduit empli de seaux et d’autres outils, qui luisaient dans la pénombre. La femme aux cheveux roses leur lança un regard désolé avant de les charger comme des Galopa, puis de les mener encore plus loin dans le Centre, s’enfonçant dans un dédale de couloirs trempés et surveillés par des Nanméoui.

Les garçons peinaient à suivre son pas rapide, leur charge clinquant à chaque pas. Plus ils avançaient plus l’eau se faisait profonde, dépassant peu à peu leur cheville, l’onde glacée trempant leurs pantalons et leurs chaussures—« Mes vans ! » gémit l’autre garçon, ce que Syd trouva très superficiel. Ils se retrouvèrent essoufflés quand ils arrivèrent à la salle deux-cent-six mais durent se mettre immédiatement au travail, remplissant leurs seaux d’eau pour les jeter par une grande fenêtre que l’Infirmière avait ouverte.

Cependant, le deuxième garçon était complètement inefficace et Syd et l’Infirmière faisaient le gros du travail, se penchant et traînant les lourds seaux vers le dehors. Le sentiment d’injustice couplé au souvenir du vol de son portable—Otis—plongea Syd dans une humeur noire. Surtout qu’à un moment, le paresseux ne fit pas attention et le percuta avec sa propre charge, le faisant tomber dans l’eau froide—et il ne trouva qu’à s’exclamer niaisement :

— Waouh, vous êtes genre, tellement efficaces ! C’est trop impressionnant !

Pendant ce temps, les filles balayaient dans un silence total, seulement brisé par les battements de la pluie au-dehors. Enfin, « balayaient ». Élin avait d’abord chassé les mauvais souvenirs de son vol raté de portable, et essayé de parler à la brune qui lavait avec elle. Mais celle-ci bégayait tellement qu’elle avait abandonné toute tentative de communication. Ensuite elle avait joué avec sa Pokéball. Puis elle s’était assise sur un canapé encore un peu sec pour en tester les ressorts. Enfin la boutique du Centre, avec ses dizaines de rayons colorés, avait capté son attention.

Il y avait des affiches aux murs, annonçant des tournois, des concours du plus beau Buffalon, et récapitulant le programme des candidats aux prochaines parlementaires. C’était la première fois que la gamine voyait un Centre de sa vie, et y être lui donnait le sentiment de devenir enfin une dresseuse—elle voulait explorer. Et puis la blonde passait rapidement d’une chose à l’autre quand la première tâche demandait trop d’efforts ou l’ennuyait, ce qui était le cas du balayage. Elle lâcha donc définitivement sa serpillère, lança un sourire lumineux à sa camarade de voyage et la planta là sans que l’autre ne puisse réagir à part quelques bafouillements.

— Ciao je vais faire quelque chose de plus intéressant, mais vu que tu as l’air d’apprécier le ménage je te laisse mon balai !

Quand l’Infirmière Joëlle revint avec les garçons, Élin avait disparu depuis un quart d’heure, et la pauvre Elsa ne réussissait plus à endiguer les vagues qui s’infiltraient par les portes automatiques dès qu’un dresseur s’y précipitait. Étonnée puis agacée, l’Infirmière planta deux mains sur ses hanches et chercha la blonde capricieuse qui avait d’abord refusé de mettre la main à la pâte.

— Où est votre amie ? s’indigna-t-elle.
— Ce n’est pas notre amie, coupa tout de suite Syd, refusant d’être associé à cette gamine voleuse.

Elsa bredouilla quelques mots et ils finirent par comprendre qu’elle « n’aimait pas balayer ». Puis la brune tenta de leur communiquer l’endroit où s’était réfugiée la blonde, mais les autres ne comprirent rien. Oscar tenta quand même de la remercier d’un « super, Greta ! », mais cela n’eut pour effet que d’attrister la jeune fille. Syd, distrait, le corrigea d’un rapide « elle s’appelle Elsa » avant de froncer les sourcils. S’il y avait une chose qu’il détestait, c’était les tricheurs et les flemmards.

— Vous pouvez la retrouver ? soupira l’Infirmière. J’ai vraiment besoin de cette aide.

Syd hésita. Son téléphone portable venait de vibrer dans sa poche, et il ne voulait pas s’occuper de cette gamine. Mais voyant que les deux autres hochaient docilement de la tête, il se résigna.

— Je vais la retrouver, gronda-t-il, avant de se diriger vers le coin des canapés. Cette peste ne savait pas ce qui l’attendait.

Effectivement, Élin n’avait aucune idée de ce qui l’attendait, car elle était perdue dans les rayons de la boutique, occupée à remplir son panier d’au moins une bonne dizaine de Pokéball en tous genres sans aucune attention pour les prix. Elle avait volé assez d’argent à son père en partant pour être capable de s'acheter une villa de luxe à Vaguelone par jour pendant deux mois… enfin, selon ses estimations.

Après quelques minutes, elle voulut ressortir son Pokémon pour mieux apprendre à le connaître, et le Baggiguane blasé apparut devant elle. Elle se pencha à son niveau avec un grand sourire, lui montra ses Pokéball—puis voulut savoir s’il était un garçon ou une fille… la créature était effectivement un mâle et lui asséna un coup de poing au ventre.

— Urf ! se plaignit-elle. J’suis ta dresseuse, t’as pas le droit de me taper !

Le Pokémon lui répondit pas une moue insolente et un cri qui lui ferait presque comprendre le langage Pokémon. Irritée, détestant l’insolence sauf quand c’était la sienne, Élin bondit sur ses pieds et le foudroya du regard.

— Tu vas voir ! éructa-t-elle en agitant son poing d’un air menaçant.

Élin avait été éduquée de façon laxiste, et jamais on ne lui avait dit qu’elle ne pouvait pas en venir aux poings au milieu d’un Centre, avec son propre Pokémon. Malheureusement pour elle, et heureusement pour Baggy, il était beaucoup plus rapide et ne fit que ricaner avant de disparaître au coin du rayon. Élin ne put qu’émettre un « quoi ? reviens ici ! » indigné avant de s’élancer à sa poursuite, ripant sur le carrelage mouillé du Centre.

On dit que le hasard fait bien les choses. Syd s’était approché de la boutique au moment où Baggy s’était enfui, et avait tout de suite reconnu le Pokémon. Se doutant que si l’iguane était libéré, la dresseuse ne devait pas être loin, il se rua vers les rayons, comptant donner une bonne leçon à la peste qui avait volé sous téléphone portable et lut ses textos.

Au lieu de ça il percuta Élin de plein fouet.

La collision fut brutale. Les deux adolescents, plongés dans leur propre monde et déterminés, se heurtèrent avec la force de toute leur rage, leur nervosité, leur excitation en ce premier jour de voyage initiatique. Ils s’étalèrent sur le carrelage boueux du Centre, les Pokéball d’Élin volèrent, et retombèrent comme des météorites sur leur crâne.

Il y eut un grand silence. Baggy ricana. Puis Élin se releva et, avant même de voir qui l’avait percuté, cria :

— T’aurais pu faire attention, t’es aveugle ou quoi ?

Quand elle vit qui s’était mis en travers de son chemin, sa colère ne fit que s’intensifier. Syd lui rendit bien son regard noir.

— Regarde, siffla-t-il en désignant les Pokéball autour d’eux. Regarde ce désastre, t’as réussi à ficher le bordel dans les rayons en plus de laisser le Centre s’inonder.

Quelle irresponsabilité !

— Mais non, idiot, c’était mes achats ! rétorqua Élin, avant d’ajouter avec mauvaise foi : et j’allais payer avant que tu ne viennes te mettre en travers de mon chemin !
Tout ça c’est tes achats ?

Syd écarquilla les yeux. Lui venait d’une famille à revenus modestes—son père était maçon, sa mère possédait un salon de coiffure, et ils refusaient tout le temps d’emprunter de l’argent à sa tante Aloé. Il ne pouvait pas s’imaginer qu’on puisse s’acheter autant de Pokéball—des Luxeball, des Hyperball—dès le premier jour du voyage, c’était jeter de l’argent par les fenêtres ! Quelle gosse de riche !

Dire que lui en était réduit à espérer qu’un hôpital privé veuille bien soigner son frère, s’il battait assez de Champions d’Arène. Sans doute qu’Élin pouvait se payer toutes les cliniques qu’elle voulait—sans doute que si elle avait eu un frère blessé, il serait guéri depuis longtemps.

De son côté, Élin, sentant qu’elle avait tapé sur un nouveau point sensible et voulant enfoncer le clou, sortit une liasse de Pokédollars de sa poche et s’amusa :

— T’en as déjà vu au moins ? T’en veux ? Tu veuux des Pokédollars ?

Une veine palpita à la tempe de Syd. Sous les yeux horrifiés d’Oscar, d’Elsa et de l’Infimière qui les avait rattrapés, il sauta à ses pieds et hurla un mot au moins aussi violent que la colère qu’il ressentait. Cette fois, c’en fut trop—Joëlle les vira du hall avec un coup de pied au cul, ordonnant du bout des lèvres à Nanméoui de leur montrer une chambre et surtout de les y enfermer.

Syd, rouge de honte, fulmina silencieusement jusqu’à leur destination et se retrancha le plus vite possible dans le haut d’un lit superposé. Il et sortit son téléphone portable—sans craindre de se le faire voler—pour discuter un peu avec sa famille, lisant quelques textos : [Comment s’est passée la remise des Pokémon ?] [Alors neveu, un Gruikui comme tu le souhaitais ?] [Comment est madame Lenoir ?] À cause de cette peste, il n’avait pas pu discuter avec ses parents ou Aloé, et en avait même oublié Otis.

Malheureusement Élin prit le lit opposé et la voir raviva sa colère. Il tenta quand même de se concentrer sur son téléphone portable, mais un geste au coin de sa vision lui arracha un sursaut. Élin enlevait son tee-shirt.

— Mais arrête ! cria-t-il, horriblement gêné.

Il entendit deux soupirs venant du bas de la pièce—Oscar et Elsa passèrent leurs têtes pour voir ce qui posait problème, encore… Pourtant Élin ne réagit pas pendant quelques secondes, tout simplement confuse.

— Bah quoi ? s’exclama-t-elle, revêche. Y a un problème ?
— Oui ! On ne se déshabille pas devant des étrangers !
— Pourquoi pas ? J’veux dormir donc je me déshabille !
— Mais non tu ne peux pas faire ça, c’est évident ! T’es une enfant sauvage ou quoi ?
N’importe quoi ! s’écria Élin, rouge. J’ai un papa comme tout le monde !
— Alors pourquoi il ne t’a pas éduquée comme tout le monde ? Remets ton tee-shirt.

Pour toute réponse, la jeune fille se cura le nez avec un geste obscène. Frissonnant de rage et d’embarras, et furieux d’être embarrassé, Syd se cacha sous sa couette et n’adressa plus la parole à personne. À un moment donné quelqu’un éteint la lumière—il ne sut pas qui, et la première journée de son voyage initiatique se termina dans une ambiance maussade.


(Les MystèreBall)
Six mois auparavant, White Bai avait fait un malaise. Chaque cellule de son corps s'était faite... essorer, tordre. Puis l'air avait comme changé de qualité, le monde avait changé de saveur. La dresseuse se rappelait distinctement de cette sensation étrange.

Aujourd'hui, ses yeux dérivaient douloureusement, malgré toute sa volonté. Cela faisait des heures qu'elle et Tcheren discutaient, émettaient des hypothèses toutes plus incertaines les unes que les autres sans parvenir à quoi que ce soit de concret. La nuit était depuis longtemps tombée... dehors, oh dehors ! brillaient les gratte-ciels de Vaguelone, les innombrables boîtes de nuits... Mais le visage trop sérieux de Tcheren et la baie vitrée la renvoyaient à sa propre fatigue, sans arrêt.

La dresseuse légendaire se prit la tête entre les mains, repoussant ses cheveux fous, lâchement noués en chignon sur le haut de son crâne. Tcheren parlait, parlait encore, lui posait des questions, enchaînait sans l'attendre avec ses propres conclusions... et si habituellement elle lui aurait vivement coupé la parole pour qu'il l'écoute, là...

Était-ce le silence de l'immense salon ? La trop faible lumière qu'émettaient ses lampes « design », voilée d'un blanc cassé ? Ou la journée éreintante qu'elle avait passé, à vérifier qu'aucun champion n'avait revu la Team Plasma récemment ? Elle ne savait pas, mais tout son corps était faible, et sa tête lui vrillait. Cela lui venait périodiquement, depuis ces six mois.
 
Ses prunelles bleues coulèrent vers la ville, puis Tcheren, et ensuite la table basse... elles s'arrêtèrent sur les « MystèreBall », comme ils les avaient nommées. Moitié inférieure entièrement noire, luisante. Dessus d'un blanc éclatant, pur... peint du logo complexe de l'ancienne Team Plasma. Vides et presque démontées.

— Mais tu les as trouvées dans quelle pièce ? l'interrogea une nouvelle fois Tcheren d'un air frustré. La colère lui venait vite quand il était dépassé par une situation.
— Je t'ai dit, deux chambres à coucher... marmonna White en guise de réponse, elle aussi irritée de devoir répondre cent fois aux mêmes questions. En plus, avec ces meubles qui me bloquaient le passage, j'ai pas arrêté de galérer... il est chiant ce manoir...
— Il fallait t'y attendre en même temps...

Il y eut quelques secondes de silence, et White se laissa lourdement retomber sur le canapé, se lovant contre un coussin.

— Dis, t’penses pas que les Ball aient un rapport avec les fantômes du manoir, si ? demanda-t-elle pateusement, à tout hasard. Tcheren lui renvoya une œillade incrédule.
— Tu crois vraiment à ces conneries, grande championne White ? lança-t-il avec ironie.
Ladite grande championne y consacra quelques secondes de réflexion.
— ... Non.
— Bon.
 
Alors, White sombra dans un état semi-comateux, bavant sur les coussins du canapé, coincée dans l'antichambre du sommeil. Parfois elle rouvrait faiblement les yeux, et apercevait le regard de Tcheren qui la contemplait, une expression indéfinissable sur le visage, mais elle était trop fatiguée pour y réfléchir. C'était dingue ! D'habitude, c'était elle qui voulait toujours rester éveillée plus tard, repoussant sans cesse les limites de la fatigue... c'était elle qui enchaînait les bars ou les films d'horreur, s'entraînait avec ses Pokémon jusqu'à pas d'heure ! Mais en ce moment, elle était tout le temps éreintée -– elle devrait peut-être songer à aller chez le médecin... 

White ferma les yeux, puis, sentit quelqu'un la secouer et se réveilla en sursaut. Les yeux marrons de Tcheren rencontrèrent ses iris bleutées, et il l'aida à se redresser, marmonnant qu'il allait s'occuper de réparer les Ball et faire des recherches là-dessus, mais qu'elle devrait vraiment se coucher dans un vrai lit, il était presque trois heures du matin et...

— Rah t'es chiant depuis que t'es Champion...
— N'importe quoi, je ne sais pas pourquoi vous me le reprochez tout le temps...

White allait répliquer. Mais soudainement son corps se raidit. Un flash purulent de puissance se déchira en elle, écorchant son estomac, son cœur et ses poumons, jusqu'à ce que— 

Jusqu'à ce qu'elle ne s'effondre par terre sans connaissance.


(Anto)
Lilien était pragmatique. Il croyait bien entendu à la mission de la Team Plasma—restaurer un roi de droit divin à Unys et libérer tous les Pokémon afin qu'ils appartiennent à N, le Seigneur Dieu. Mais il savait aussi que la noble quête de la Team Plasma nécessitait l'accomplissement de quelques basses oeuvres. Comme disaient les pauvres, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs.

Et pour... casser des oeufs... Lilien avait fait venir Anto. Anto était un outil. Il savait voler et tuer. Il dressait de très bons Pokémon. Il avait été recueilli par la Team quand il était encore un jeune garçon et avait d'abord été affecté à la protection personnelle de Nikolaï, mais avait ensuite été placé sous les ordres de tous les sages. Anto était efficace. Anto était à genoux devant lui.

— Tu iras à Port Yoneuve prêter main forte à Auric, ordonna Lilien.

Sa voix résonna dans le grand espace blanc du quartier général. Seuls les ordinateurs laissés par le secrétaire de Lilien plus tôt dans la soirée crépitaient dans le silence. De grandes fenêtres couvertes d'un store noire et opaques étouffaient la clameur de Volucité.

— Il faut d'abord mettre de l'ordre dans ses comptes de campagne.

Auric était un homme impétueux. Il aimait les discours télévisés, avait trop dépensé en affiches publicitaires. Lilien méprisait ce genre de politique faite sur mesure pour les incultes des classes populaires, mais Auric était très populaire à Port Yoneuve. Il devait donc fermer les yeux et envoyer Anto pour renflouer les comptes son collègue.

— Nous avons déjà des hommes infiltrés dans le port. Prends contact avec eux et élimine les gangs de trafiquants. Nous allons reprendre la vente de Pokémon à notre compte, toute la filière... C'est malheureusement... nécessaire.

Glaucus et Azelan, de nature plus délicate, ne savaient bien sûr pas que la Team Plasma revendait bon nombre de Pokémon « libérés » pour financer ses activités. Cela restait aussi un secret pour la plupart des Sbires, qui croyaient avec ferveur que les pauvres bêtes étaient relâchées dans leur milieu naturel. Lilien leur mentait avec regret. Lui savait que certains maux étaient nécessaires pour le plus grand bien de tous.

— Auric a aussi fort à faire avec le soit-disant « Refuge Plasma »... poursuivit Lilien, levant une main vers son menton.

Il marqua un pause, grimaçant.

— Azuro et Carmine... il faudra les éliminer... Dans quelques mois. Après les élections. Il ne faut pas effrayer les bons sujets de Port-Yoneuve.

Il leva sa canne vers Anto et poussa son menton, forçant le sous-fifre à le regarder dans les yeux.

— As-tu compris ?
— Oui, monseigneur, répondit le garçon. Lilien baissa sa canne.
— Bien. Va !

Quand Anto disparut, Lilien alla à la fenêtre et attendit l'aube.

(Sous les rayons de l'aurore...)
Élin s’éveilla très tôt. Elle se demanda d’abord où elle était, désorientée, puis se rappela sa fugue et serra les poings. Si elle avait été confinée à sa chambre climatisée durant son enfance, elle avait à présent un Pokémon, un Pokédex, et pouvait parcourir le monde ! Elle allait battre son père ! Même le souvenir des disputes de la veille ne put dissiper joie. Émue, souriant avec presque incrédulité, la gamine sauta de son lit et atterrit au milieu de la sombre chambre où sommeillaient encore ses « camarades de voyage ». Elle observa leurs frimousses endormies, trépignant, puis caressa sa Pokéball. Dans le calme ouaté de la chambre, elle se pencha vers le baba-cool, puis vers la timide, espérant vainement qu’ils s’éveillent pour ne pas s’ennuyer. S’il y avait une chose qu’Élin détestait, c’était le silence.

Mais le silence lui permit pourtant de se rendre compte d’une chose : aucune averse ne martelait la vitre, aucun torrent ne s’enrageait sur le toit du centre. Elle pouvait seulement entendre quelques perles de pluie tomber de la gouttière avant d’éclater contre le trottoir gris.

— La pluie a cessé, souffla-t-elle, ravie.

Elle se rua vers la fenêtre et tira les rideaux, une chaude lumière d’été s’épandant soudain dans la chambre.

— La pluie a cessé !

Son exclamation émerveillée, couplée à la lumière, tira les autres de leur somme. Trois minois encore embrumés se dressèrent, à moitié cachés par la couette, et la foudroyèrent unanimement du regard. Mais Élin était trop contente pour remarquer leurs cernes et leurs teints pâles, séquelles du manque de sommeil. Et puis ce n’était pas le genre de personne à se laisser facilement intimider. Aussi elle leur sourit très largement, sautillant un peu, et répéta :

— La pluie a cessé ! On peut aller dehors, courir, s’entraîner !

Sûrement que même ce rabat-joie de Syd sourirait à cette annonce. Malheureusement pour la blonde, elle avait mal anticipé les réactions du dresseurs aux yeux d’ambres.

— Tcheren ne va pas revenir pour autant, gronda-t-il, irrité par tant de bonne humeur si tôt le matin.

Élin gonfla la joue, surprise par le manque d’enthousiasme. Elle chercha le regard des deux autres, mais ils attendaient de voir si la discussion allait dégénérer en dispute et s’ils devaient se réfugier sous leurs couettes. Élin serra les dents. Elle n’allait pas laisser Syd ruiner sa journée. Il fallait persuader le grand dadet et la timide de la suivre. Car elle ne désirait pas partir seule à l’aventure—elle détestait être seule…

La blonde chercha une activité sympa à proposer aux autres pour les convaincre, soufflant. Fouillant son esprit, la gamine repensa à son enfance, aux excursions dans lesquelles Matis l’embarquait secrètement autour de la villa de vacances de White, quand elle le suppliait assez longuement. Durant ces longues marches dans la forêt, son aîné lui racontait souvent les aventures qu’il avait vécu avec Écho et Mélis, omettant, elle s’en doutait, les détails plus gores. Une fois, il lui avait décrit un ranch non loin de Pavonnay…ou plutôt vers Amaillide… un ranch où ils avaient sauvé un Ponchien de la Team Plasma… mais oui !

— J’ai trouvé ! s’exclama-t-elle fortement, fière, tirant Oscar et Elsa de leur torpeur. Je connais un endroit super à explorer, où on peut aussi capturer des Pokémon rares et beaux !
— Où çaaa ? souffla alors le brun, curieux. Elsa se dressa à sa suite, souriant timidement—elle semblait imiter tous les mouvements du beau-gosse. 

Syd arqua un sourcil.

— Il faut attendre Tcheren.
— Où çaaa ? répéta Oscar.

Le sourire d’Élin se fit plus large, la blonde ravie d’être au centre de l’attention. Elle se trémoussa quelques secondes pour faire plus d’effet, jetant un regard supérieur à Syd, et révéla :

— Le Ranch d’Amaillide !

Cette fois, Elsa fut celle à spontanément réagir. Elle avait une connaissance encyclopédique d’Unys et avait étudié la faune et la flore remarquable du Ranch. On pouvait y capturer des Riolu, des Azurill, des Wattouat : que de Pokémon difficiles à trouver ailleurs ! Ils avaient d’ailleurs été introduits très récemment à Unys dans le cadre d’accords plus généraux entre les régions de la fédération de Poképolis. La perspective de découvrir le Ranch l’enchantait…

Elle sourit à Élin, et Syd, captant ce mouvement, se renfrogna davantage.

— … Il faut attendre Tcheren ! rappela-t-il de nouveau, agacé que l’idée d’Élin séduise.

Comment pouvait-elle obtenir ce qu’elle voulait aussi facilement ? C’était injuste !

La blonde leva les yeux au ciel, irrité par le garçon si rabat-joie. Comment pouvait-il préférer une semaine d’attente au Centre à une excursion vers Amaillide ? C’était idiot de coller si près des règles, de l’attendu, alors qu’on pouvait s’amuser autrement ! 

— L’excursion prendrait juste une semaine aller-retour, sourit-elle faussement, donc on serait revenus à Pavonnay pile à temps pour affronter Tcheren !

En réalité, c’était un mensonge, elle n’avait aucune idée de la durée du voyage. Mais bon, tant pis ! 

Syd se leva et croisa les bras. Il ne voulait pas aller au Ranch d’Amaillide—cette excursion signifierait dévier de son plan. Il avait besoin d’affronter un maximum de Champions d’Arène le plus vite possible pour gagner de l’argent, et changer de route dès le début du voyage ne lui plaisait pas ! Il n’y pouvait rien, il était comme ça, il désirait faire les choses logiquement, et l’incrustation de cette gamine dans le V.I.E. l’empêchait de fonctionner normalement ! Pourquoi insistait-elle tant ? Ne pouvait-elle pas se taire et se comporter de manière attendue, juste une fois ? Au lieu de faire un caprice ?

— Madame Lenoir nous a demandé de ne pas bouger ! insista-t-il rudement. 
— Bianca nous a dit de rester ensemble et nous on part ! répliqua instantanément Élin.

Quoi, elle refusait même de l’appeler « madame » comme tout le monde ? 

— N’utilise pas son prénom, sois respectueuse, rétorqua-t-il avec force, fronçant les sourcils. 
— Je l’appelle comme je veux, nanananèreuuh !

Malheureusement pour Syd, on ne raisonne pas les gamines. Et puis, on n’aime pas un rabat-joie. Les autres étaient déjà parvenus à une décision, et ce n’était pas en la faveur de l’ennui, de la logique, de l’attente patiente qu’ils allaient pencher en ce début de voyage initiatique. Après tout, ils étaient des adolescents. 

— Je vote pour l’excursion ! sourit Oscar.
— M-M-M-Moi aussi ! l’imita immédiatement Elsa.
— Vu que c’est moi qui ai proposé l’idée, vous connaissez mon vote… sifflota Élin, saluant comme une cheffe d’orchestre.

Syd pâlit de fureur et serra sa Pokéball.

— Vous ne pouvez pas partir.
— Ben empêche-nous ! chantonna Élin, empoignant son sac et des vêtements de rechange, suivie des deux autres.
— Je vais prévenir Madame Lenoir tout de suite.
— Elle va te demander pourquoi tu n’es pas avec nous alors qu’elle fait un doctorat sur « comment les rapports interhumains affectent les Pokémon », je parie.
— C’est une thèse !
— C’est la même chose ! 
— Non !
— Si je le dis c’est que c’est vrai !
— Non !
— Si !

La dispute était tombée à un tel niveau qu’Oscar et Elsa ne savaient plus ou en donner la tête. Finalement Élin tira la langue au garçon et fila dans le couloir, entraînant les deux autres par le poignet.

— On part à l’aventure WOUHOUUH !

Et Syd se retrouva seul dans la chambre. Il serra les poigns. Son téléphone portable vibra. Il sursauta et hésita, déchiré. Puis il craqua, jura, et s’élança à leur poursuite, dévalant les escaliers alors que les trois autres quittaient le Centre et qu’Élin criait victoire. Mais elle était infernale cette peste !

Les quatre étaient partis pour des mois, voire des années à sillonner les routes ensemble, contre vents et marées... ils grandiraient ensemble, s'opposeraient, s'apprécieraient, s’aimeraient peut-être, qui sait ? Sous les rayons de l’aurore, ils s’élançaient à l’aventure, suivant leur Idéal par-delà la Réalité.