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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 11/08/2015 à 11:17
» Dernière mise à jour le 25/08/2017 à 17:37

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XXIV - 4 - La fin
Je voulus fuir.

Je voulus me réveiller de ce cauchemar.

Je voulus défaillir.

Je voulus mourir.


Objectivement, je faisais une crise d'hyperventilation.


Dès lors que le monstre avait été abattu, les orages avaient commencé à se dissiper. Le ciel rouge était revenu surplomber les immondices.

J'étais tombé à genoux.

La vue du sang noir couler du trou de son crâne me déchirait l'âme. Je ne faisais pas de syncope ; j'étais en proie à une torture interne tempêtueuse, innommable. Mes bras, mes jambes, mon tronc, ma tête, tous mes muscles et mes organes étaient possédés par d'horribles spasmes internes qui me coupaient la circulation. Mais c'était faux, puisque j'étais toujours en vie, et je ne m'évanouissais pas.

Je me sentis bouillir de froid. J'étais figé dans l'atrocité du présent.


C'était trop. C'était trop. C'était trop, trop, trop.


Sur le côté, je vis un bras fin, étroit et violet se tendre. Je tournai la tête ; c'était Genesect. Il avait tout un côté d'arraché, qui crépitait et duquel pendait des fils électriques, des circuits, des bouts de métal. Son canon n'était plus là non plus ; c'était à peine s'il lui restait des jambes, un abdomen, un capot de tête tout cabossé, un phare cassé et une patte, celle qu'il me tendait.

- Réparable, prononça-t-il.

Je pris sa griffe. Il m'aida à me relever. Sa tête plate abîmée se tourna vers le corps de la chose. Son phare unique clignota.

- J'ai fait de mon mieux.

Je voulais lui dire "moi aussi". Mais je ne pouvais pas. Je perdis l'équilibre et m'effondrai sur Genesect ; il me rattrapa, et je vomis par terre. Paléozoïque attendit, stoïque, que j'eusse fini. Enfin, il me remit sur mes jambes. J'avais un goût horrible dans ma bouche, pâteuse. Je ne pouvais plus pleurer. Je ne savais même plus ce que je ressentais.


Je ne sais pas quand, Julie était sortie de l'endroit où elle s'était abritée. Je ne sais pas combien de temps non plus elle regarda la scène. Ce n'était pas elle que je regardais.

- Appel à Pyrax et Cizayox ; appel à Pyrax et Cizayox. Teck est mort. Zekrom est mort. Latias... Elle est sous le choc, on a besoin d'aide de toute urgence. On a- Quoi ? Oui, Zekrom nous a quitté, oui. On a également un Genesect qui a entre autres perdu un bras et un Reshiram très mal en point. Lugia s'en est tiré, je crois. Ceux qui le souhaitent, retrouvez Chris et moi dans le labo de Teck. Gardevoir reste sur place pour s'occuper de Latias. ...Bien reçu. Je fais suivre. Terminé.

Je crois qu'elle s'adressa à moi.

- Latios est en route. Il devrait arriver dans quelques secondes. Chris, il faut qu'on parte. Nous devons aller au labo de Teck pour que nous assurer que le Virus n'a pas été multiplié et transmis aux réceptacles.

...

- ...À moins que tu ne préfères rester là, bien sûr. Je comprendrais.

La voix éloignée de Gardevoir trancha d'un ton net, alarmée :

- Non, non ! Il doit venir avec toi, Julie... Il faut le sortir d'ici - Chris a besoin d'aide, lui aussi. Et il faut commencer par l'éloigner de... Faites-le sortir, c'est tout. J'attends Latios, je vous rejoindrai dans quelques minutes.

La voix de Genesect vibra près de mon oreille.

- Chris. Je vais vous accompagner jusqu'au téléporteur. Gardevoir pense que c'est la meilleure chose à faire pour vous.

Il m'accompagna jusqu'au téléporteur. Mon regard quitta le gros crâne percé pour courir sur le dallage sali. Quelques gouttes noires ici, puis il n'y eut plus que des pierres, des pierres, des pierres...

- Attention à votre Sac. Voilà, je vous l'ai remis sur l'épaule.

...Des pierres, des pierres, des dalles, puis le socle. Grand, épais, gris, il fallait légèrement remonter le pied pour se positionner dessus. Je vis les chaussures noires féminines de Julie passer sur le côté, et s'arrêter sur ce socle. Ce socle gris. Ce socle... Ce socle... Genesect me positionnait droit, sans chercher à me faire lever les yeux. Je me répétai "socle", "socle", "socle", "sss-oo-cllle" jusqu'à la destruction complète du mot. Il n'était plus que des sons qui ne voulaient rien dire. Comme tout le reste.

Un flash rouge me recouvrit la vue.







Le flash rouge s'éteignit. Je recouvrai la vue.

Tout était silencieux.

Julie partit devant. Son mouvement me fit relever les yeux. Nous étions dans une petite salle. Enfermés entre trois murs noirs et une porte blindée. Julie passa la carte noire rayée de rouge devant un boîtier accroché au mur. La serrure s'ouvrit en un clic, et un voyant vert s'alluma. La porte glissa dans sa courroie dans un souffle. Julie me demanda de la suivre. Je m'exécutai.
Nous parcourûmes apparemment le même couloir que l'on avait pris en sortant du laboratoire de ma transformation, après s'être officialisé "groupe Gallame" et lancé dans le démantèlement de Cipher.

Nous passâmes la porte du laboratoire, et nous voilà revenus dans la pièce où je m'étais réveillé. Le Purificateur, le Dispositif de Transfert de Conscience, un des réceptacles de la MODE, quelques bureaux couverts de dossiers, des écrans d'ordinateurs ici et là, et les prisons forcées. La plupart des grandes fenêtres étaient toujours là, le trou créé par... Le trou agrandi par Lugia était toujours là aussi. Le ciel rouge par delà les vitres ne m'indiquait pas à quel moment de la journée nous étions.

Julie se hâta d'aller à l'ordinateur relié au réceptacle violet. Elle pianota à toute allure, et je regardai l'écran. Je n'y comprenais rien, des mots groupés par groupe de mots, des colonnes et des lignes, des chiffres, un graphique, à un moment.

- Bon... Les réceptacles ne communiquent plus entre eux, la destruction de la MODE a dû tous les déconnecter... Maintenant, est-ce que la MODE a copié ou diffusé le Virus...

Elle pianota de plus belle, les clics du clavier pleuvaient - soudain, elle s'arrêta. Elle fixait l'écran. Je ne voyais rien à part un "0 %".

La jeune femme brune leva ses mains. Puis, elle les porta à son visage. Elle se couvrait le nez et la bouche, comme un masque pour cacher une surprise trop énorme. Je vis ses yeux se mouiller. Elle souffla dans ses mains :

- Oh putain, c'est bon...

Elle me regarda.

- C'est bon, Chris... On a... On a réussi...

Puis Julie me sauta au cou. Elle m'embrassa en pressant ses lèvres contre les miennes ; je ne sais pas si elle se souvenait que je venais de vomir. Elle me serra dans ses bras, son menton posé sur mon épaule. Je remarquai que nous faisions ma même taille. Je m'étais toujours vu plus petit jusqu'ici, mais non.

- On a réussi... répétait-elle. On a réussi... Cipher ne dominera pas le monde...

Je la laissais me serrer aussi fort qu'elle voulait. J'étais occupé à regarder autre chose. Je regardais le Dispositif de Transfert de Conscience. Mon corps d'Aéroptéryx n'y était plus. Un corps humanoïde, couvert de plâtres, était dans le lit d'à côté. Sa tête était découverte. Il avait une tête blâfarde, rendue hideuse par un rictus, des yeux convulsés, et une masse de cheveux longs, bleus, sales, en bataille.

Mon regard fut attiré par une queue qui disparut derrière un bureau.

Je repoussai Julie violemment ; elle ne comprit pas. Je voulus crier "ATTENTION !", mais seule ma bouche fut contractée par l'exclamation et animé par la prononciation. Il n'y a qu'un son torturé et raillé qui sortit de ma gorge. Un reptile emplumé bondit en un éclair sombre et lui atterrit dans le dos, toutes griffes dehors. L'espionne fut plaquée à terre. Le Pokémon Oisancien était décharné, le regard fou, dégoulinant d'obscurité ; il lui attaqua le dos en piaillant et rugissant. À la vue de ces yeux injectés de sang, je réagis aussi sec : je visai dans l'angle mort de la bête, que je connaissais bien, et je décochai un coup de pied en pleine gueule de ce voleur de corps. L'oiseau reptilien vola, et alla s'écraser contre le Purificateur. Julie se retourna, à terre, et recula sur ses coudes pour voir ce qui venait de l'attaquer. La bestiole nous hurla, démente :

- JAMAIS ! VOUS NE VAINCREZ JAMAIS ! VOUS AUREZ BEAU NOUS DÉTRUIRE, NOUS REVIENDRONS TOUJOURS, PLUS FORTS ENCORE ! J'IRAI JUSQU'À OBSCURCIR ARCEUS LUI-MÊME S'IL LE FAUT !

La bestiole prit son élan, et sauta à nouveau, en battant des ailes avec grand peine et un mauvais sens de l'équilibre. Il agitait trop ses ailes d'avant en arrière alors qu'il fallait les agiter de haut en bas. Il ne fallait pas le presser, ce corps.

Donc, il bondissait sur nous, ou vers la fenêtre, je ne savais vraiment vu comme il s'y prenait mal, lorsque j'entendis un coup de feu qui me fit sauter le coeur.
L'oiseau tomba directement à terre, à plat. Mort, descendu. Je tournai la tête vers Julie. Elle tenait le flingue dans ses mains. Puis, elle le baissa, et remarqua que je la considérais.

- Je l'ai ramassé, au cas où ça aurait pu nous servir, se justifia-t-elle. Il faut croire que j'ai bien fait.

La MOCLASM alla voir le corps sans vie du dernier Pokémon Obscur, et vérifia qu'il enterrait bien le Virus avec lui. Elle s'approcha ensuite du Dispositif du Transfert de Conscience. Elle regarda le corps de l'Administrateur, sans vie lui aussi.

- Artus... Il a dû savoir qu'il allait mourir des suites de ses blessures, et a dû je ne sais comment venir ici pour utiliser le corps d'Aéroptéryx et continuer de vivre... Je me demande s'il s'attendait à ce que ce corps soit encore celui d'un Pokémon Obscur...

Elle alla vers un bureau, posa le flingue machinalement, et regarda je ne sais quoi sur un écran.

- C'est étrange... Je n'aurais jamais cru que le Virus aurait infecté le corps, bien que ton esprit n'y soit plus...

Elle arrêta de taper sur le clavier, et tourna sur sa chaise, regardant encore le corps d'Oisancien.

- Ce Virus est bizarre. Mais bon, quoi qu'il en soit, nous sommes maintenant sûrs qu'il ne fera plus de mal.

Je ne répondis rien. La jeune femme brune me vit ne rien répondre, ne rien faire. Elle se leva, alla vers une armoire précise du laboratoire, l'ouvrit, et en sortit un lit de camp et un oreiller. Je l'entendis fouiller à côté, et elle sortit une bouteille d'eau et un paquet de mouchoirs en papier. Elle déplia le lit, posa l'eau, les mouchoirs et l'oreiller dessus, puis poussa le lit contre un mur.

- Tiens, fit-elle. Mon père avait l'habitude de vivre ici, donc il a quelques choses utiles. Tu as l'air d'un zombie. Bois un coup, essuie-toi, éponge-moi tout ce sang et repose-toi. Je t'aiderai à panser tes plaies si tu veux...

Elle retourna vers le placard, et déplaça des flacons. Je voyais de grandes griffures dans le dos, causés par l'Aéroptéryx, et sa tenue noir déchirée.

- ...J'ai du désinfectant, là, fit-elle en sortant la petite bouteille d'alcool médical. Je me chargerais de te trouver un truc à manger pour ton réveil. Ta mission est finie maintenant, je m'occupe du reste.

Je ne répondis rien. Je regardai le lit, et la regardai elle. Cette jeune femme en noir me sourit.

- Hé bien, quoi ? Oh, attends, je sais ! Tu crois que je vais venir te trahir dans ton sommeil, m'enfuir avec une copie du Virus et faire revivre Cipher ? Héhé.

Je ne répondis pas. Je vins vers le sommier de fortune, et m'assis. Je pris la bouteille d'eau ; je voulus l'ouvrir, mais ma main moite et pleine de sang séché dérapait. Elle m'aida, et l'ouvrit pour moi. Je bus goulûment, sentant avec délice l'eau me laver la gorge de poussières, de chaleur, de mes régurgitations, comme si je me sentais me réhydrater. Je finis la bouteille en deux ou trois fois. J'ouvris les mouchoirs, m'épongeai et m'essuyai ici et là. Julie, me voyant faire, prit quelques-uns de ces bouts de papier doux qu'elle imbiba de désinfectant et passa sur mes plaies. Je dus poser le Sac à Trésor à terre, retirer mon haut, mes chaussures et mon pantalon pour laver correctement mes blessures, puis elle me donna un coup de main pour mes bandages de fortune. Vu que je me retrouvai en caleçon, la jeune femme alla me chercher une couverture, "au cas où tu aurais froid" (Ténébscuriax était volcanique, je rappelle). Elle posa l'édredon au pied du lit, et une fois tous ces petits soins accomplis, elle me dit qu'elle allait fouiller dans les dossiers de son père en attendant que les autres arrivent. L'espionne fit donc, en revenant sur le même ordinateur que précédemment, et se concentra sur l'écran.
Je pris l'oreiller, et j'y calai ma tête. Je n'y croyais pas, à ce sommeil, mais une fois allongé, je m'assoupis rapidement.






Je dormis mal. J'avais froid, je me réveillais pour mettre la couverture; j'avais chaud, je transpirais sous la laine qui me grattait, et je faisais tomber l'édredon. Je faisais des cauchemars, mais je ne me souvenais plus à quel sujet ; je me réveillais mal dans ma tête, avec l'impression que tous ceux que j'aimais allaient mourir, avec l'impression que ma vie était fichue.
Au bout de longues tentatives harassantes pour essayer de trouver une position confortable ou un bout d'oreiller frais, je finis par ne plus arriver à me rendormir. Je me redressai alors, l'esprit lourd, le cœur battant lentement, le torse, les cheveux et le front moites de sueur. Je m'étais endormi sur un bras, et je ne le sentais plus ; j'ai cru qu'on me l'avais coupé, puis, quand je le vis toujours attaché, qu'il était désarticulé ; mais il me fallut me faire à l'évidence et attendre impatiemment que le sang circule de nouveau pour que des Fermite me courent dans les muscles et que je sente mon membre à nouveau.

Enfin, les paupières subissant encore la question du sommeil, je regardai autour de moi.
J'étais toujours dans le laboratoire. Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé depuis que Julie m'avait procuré tous ces petits soins : par les grandes fenêtres en ogive, le ciel rouge sombre était là, éternel, avec toujours la même luminosité, je crois. Julie n'avait pas bougée de sa chaise de bureau, et seul son dos était maintenant bandé. Il n'y avait pas d'horloge aux murs, ici. De toute façon, je m'en fichais, du temps.

Je passai les jambes sur le côté, et mes plantes de pieds touchèrent le froid du dallage au sol. Je me grattai mes cheveux sales, et je regardai le reste du laboratoire. De l'autre côté de la pièce, près des fenêtres, se trouvait Walker, accoudé à une des fenêtres qui avait été ouverte. Le Gardevoir et le Métalosse qu'il avait capturé au Capstick étaient toujours là, un peu plus loin, en train de discuter à côté du trou béant dans le mur.

À l'opposé des fenêtres, à l'autre bout du Laboratoire, près des anciennes cages et de la plateforme sur laquelle des bras mécaniques avaient retenu Lugia lors de ma Purification, se tenaient un Dracaufeu, un Fragiladay, et à leurs pieds, un Grelaçon et un Polarhume. Si les deux grands Pokémon taillaient une bavette, les deux p'tiots me semblaient plus jouer ensemble que discuter, et je pense que Hugwald ne supportait pas vraiment la présence d'un autre petit type Glace vu comme il s'énervait à chaque fois que Bisou lui éternuait dessus. Soit que mon lit grinça ou que l'on vit du coin de œil me redresser, mais Fire m'aperçut, me montra d'une griffe en s'exclamant avec un grognement, et les trois autres W.T.F. se retournèrent. S'ils accoururent tous les quatre à mon chevet, Lilas fut la plus rapide, et la première à me prendre entre ses feuilles.
Je sentis sa coiffe végétale se coller contre mon épaule, mon cou, et la moitié de mon visage. Sa grande fleur, si elle était flétrie, n'avait pas fanée. Je pris le Pokémon Chef-Fleur également dans mes bras. Son corps frais allié à la texture de plante était comme une bouffée de fraîcheur et de naturel dans ce chaos de béton gris, de métal morne, de dallage noir, de néons et de volcan. Sa couronne fleurie diffusa un parfum subtil, très agréable, reposant.
J'entendis qu'elle sanglotait, qu'elle s'agitait de soubresauts. Je me retirai un peu, et lui fit relever sa jolie tête. De l'eau perlait de ses yeux en gouttes d'or. Elle me semblait épuisée, et je ne savais vraiment si ces larmes étaient celles de la joie ou de la tristesse. Je repensai à ce qu'elle avait dit, ce matin près de l'aéroport de Parsemille ; qu'elle m'avait aimé en tant qu'Aéroptéryx. Je ne savais plus comment ses pensées avaient évolué depuis lors. Lilas s'essuya le visage avec une feuille, et elle épousseta machinalement sa robe. Enfin, elle me considéra dans ce corps d'humain presque nu. Elle dissipa le doute en me regardant avec une mine radieuse, heureuse.

Hugwald et Bisou sautaient partout, l'un en criant "GRELA ! GRELA !" et l'autre en applaudissant avec ses petites pattounes, sa roupie se balançant joyeusement.
Je levais les yeux plus en haut, derrière l'épaule de Lilas ; Fire me regardait, souriant. Il passa une griffe sous la bandoulière du Sac à Trésor qu'il avait ramassé, et à laquelle il avait de nouveau accroché son badge d'explorateur-secouriste ; il me fit un clin d'œil. La Fragilady, en voyant nos regards se rencontrer, laissa gentiment place à son partenaire, et le Dracaufeu vint me faire une accolade. Je l'entourai à mon tour de mes bras. La sensation de son corps lisse et chaud me détendit les muscles ; son odeur de brasier mâle avait aussi quelque chose de revigorant. Lorsque le Pokémon Flamme se redressa, il me fit un clin d'œil, et fit le V de la victoire en souriant à pleins crocs. Je me forçai à sourire, mais c'est à peine si je relevai les coins des lèvres et plissait les paupières inférieures. Je crois qu'ils s'en rendirent tous les quatre compte, et toute l'équipe des We Tackle At Foes perdit de son sourire, et me regarda d'un air peiné. Le fait que je savais très bien qu'ils étaient heureux de me retrouver en vie et qu'ils voulaient désespérément me montrer le bon côté de toute cette aventure me noua davantage encore la gorge.

Hugwald poussa quelque chose vers moi qui racla contre le sol. Je baissai les yeux, et trouvai un plateau, avec une nouvelle bouteille d'eau (maintenue au froid par une couche de givre), un sandwich, une pêche et une Baie Résin. Je regardai ce dernier fruit avec un peu d'étonnement, quand je vis Polarhume pointer la Fragilady, qui me fit une révérence en mettant une feuille sur son cœur. Fire se pointait aussi de la griffe, derrière Chef-Fleur, en me chuchotant des grognements. Je souris, comprenant que cette attention venait d'au moins l'un des deux fondateurs de l'Équipe de secours, si ce n'est des deux. Quant à la couche de givre encore récente, je me doutais bien que Bisou et Hugwald y étaient pour quelque chose, vu comme le Polarhume s'en vantait et comme le Grelaçon protestait. Je les remerciais pour ces attentions, en me rappelant que Julie m'avait dit qu'elle me trouverait quelque chose à manger, et en m'imaginant les W.T.F. avoir insisté pour l'aider.

Sur ce, je déjeunai avec mes amis secouristes. Ils me racontèrent des tas de choses en m'épatant avec leurs talents d'imitateurs et de mimes. Vu comme ils jouaient les rôles de trois vierges effarouchées, des femelles propres sur elles, étincelantes et assez colériques, et que Hugwald restait couché à terre, la langue pendue et l'air idiot, je compris qu'ils me parlaient des WAKYA ; et ainsi je devinais assez rapidement, au fur et à mesure, ce qu'ils voulaient me dire précisément. Ils me firent comprendre par la suite avec leurs expressions et leurs actions que l'Équipe des filles avait aidé à délivrer Lilas et Bisou en faisant diversion et en attirant une masse de sbires Cipher qu'elles se chargèrent de paralyser dans un coin sombre. Je dévorai mon repas en jouant ainsi avec eux, ce qui eut au moins l'avantage de me divertir, et, parfois, de me faire un peu rire.


Après ce moment, et peut-être songèrent-ils que j'avais besoin d'être un peu laissé seul, les We Tackle at Foes me dirent à tout à l'heure, et retournèrent vers les cages continuer ce que Fire expliquait sur un bout de Carte au Trésor. Je m'habillai, enfilai ces vêtements salis par nos luttes et nos peurs. Je me levai de ce lit, et, trouvant Julie bien absorbée par ses recherches, je décidai d'aller voir le Pokémon Ranger à la fenêtre.
Il m'entendit arriver, et se retourna, me salua.

- Hé, Chris. Tu t'es un peu remis ?

Je ne répondis pas.

- ...Ouais. Non, laisse tomber, c'était idiot comme question.

Il se lança ensuite dans des explications sur notre situation. Il devait juger de mon air perdu.

- Tu dois te demander ce qu'il s'est passé depuis que Julie et toi aviez... arrêté Cipher. Hé bien, tes parents, les We Tackle at Foes et moi avons rejoints Julie ici, comme elle nous l'avait demandé.

Il fit un signe vers le Métalosse et le Gardevoir.

- Ces deux-là ont tenu à m'accompagner, aussi.

Après quoi, il enchaîna avec un rapport détaillé des faits.

- Latios, lui, est allé directement voir Latias, Gardevoir et Genesect, qui étaient restés dans le Centre de Contrôle avec Lugia et Reshiram. Goyah les a rejoints par le téléporteur une fois arrivé ici. Le temps que l'on s'assure de notre sécurité dans ce laboratoire, Julie a voulu appeler le QG pour nous envoyer des renforts, mais les lignes avec le continent avaient été coupé. Nous nous sommes un peu installés dans le labo et aux alentours de l'étage pendant qu'elle nous reconnectait aux réseaux de communications extérieurs. Nous avons changé tes pansements et nous nous sommes occupés du dos de Julie ; puis Lovis et Cynthia ont décidé de prendre soin de tous vos Pokémon mis K.O. face à Teck. Ils ont installé une infirmerie de fortune dans la pièce d'à côté. Gardevoir, Latias et Latios sont revenus ici quelque temps après ; Goyah, lui, est revenu il y a quelques minutes. Il se relaie désormais avec ton père et ta mère pour essayer de soigner tous les Pokémon en même temps, ceux à l'Infirmerie et ceux au Centre de Contrôle (Lugia, Reshiram et Genesect sont toujours là-bas à ce que j'ai compris). Le groupe Pyrax a en effet trouvé plein d'objets de soin utiles lors de leur mission de sauvetage des Pokémon enfermés. Et puis, grâce au Pass VIP de Teck, on peut emprunter le téléporteur pour se rendre directement en haut de cette Tour de Contrôle ; je ne sais pas comment ils pourraient gérer les deux groupes de malade sinon. Julie et moi leur avons proposé notre aide, mais ils insistent tous les trois sur le fait que nous risquerions plus de les gêner dans leur organisation plutôt qu'autre chose. Ils ont simplement demandé à Julie de leur dire où se trouvait les armoires à pharmacie au cas où ils viendraient à manquer de médicaments.

Il fit un mouvement de tête vers la jeune femme brune, qui était face à l'ordi.

- Julie a rétabli la connexion avec le QG MOCLASM il y a cinq minutes. Nous attendons l'arrivée des hélicos désormais.

Le Pokémon Ranger s'arrêta là. Il me considéra, prit une inspiration, et regarda par la fenêtre.

- C'est dingue. Je n'aurais jamais cru que réussir à sauver le monde allait être si peu réjouissant. Je veux dire ; nous étions tous conscients des enjeux, je pense, mais, même avec ça...

Il s'arrêta.

- ...Et ce ciel rouge, sombre, toujours...

Il s'arrêta à nouveau. Puis :

- Je suis désolé. Je parle pour ne rien dire. Cette mission a été... Enfin, elle nous a tous fatigués. Certains plus que d'autres, bien sûr, mais... Rah, zut. Je... Je préfère m'arrêter de parler, j'ai trop peur de dire des conneries.

Le jeune homme aux lunettes sur le front fit un autre signe de tête vers l'espionne au dos bandé.

- Je pense que tu peux aller voir Julie. Ça devrait lui faire plaisir de savoir que tu es levé - je suis sûr qu'elle est tellement impliquée dans ses recherches qu'elle n'a même pas remarqué ton réveil. C'est toujours comme ça, avec elle ; elle ne fait jamais les choses à moitié.

Le Pokémon Ranger me regarda, puis retourna s'accouder à la fenêtre.

- Enfin, bref. Si tu as d'autres questions en rapport au déroulement de la mission, ou pour que je te répète où trouver chaque membre du groupe, n'hésite pas.


J'allai donc voir Julie. Je fis demi-tour, contournai le Purificateur, passai à côté du Dispositif de Transfert de Conscience. Le corps d'Artus était toujours là, mort, sous la cloche de verre. On avait disposé le corps d'Aéroptéryx sous l'autre cloche. J'évitai de regarder la grimace de haine et de rage qui avait contracté le museau du Pokémon avant son abattage. Je fis quelques pas rapides, et j'arrivai aux côtés de la jeune femme brune. Elle se retourna sur sa chaise pivotante.

- Oh, Chris ! Tu es réveillé !

Je ne répondis pas. L'évidence me semblait parler d'elle-même. Elle embrassa du regard le labo, et s'arrêtait plus longtemps quand ses yeux étaient vers les fenêtres.

- Tout est bien calme maintenant, n'est-ce pas ?

Le gris de ses yeux me parut s'être dissipé ; ou ce devait être la lumière. Le bleu intense qui restait dans ses iris me rappela les yeux bleus de Reshiram. Elle resta un instant à ne rien faire, à regarder tout ça.

Soudain, comme si elle se rendait compte qu'elle perdait du temps, elle pivota à nouveau sur elle-même, et se mit à moitié face à moi, à moitié face à l'ordinateur.

- Comme je te l'ai dit, la MODE n'a pas pu diffuser le Virus. Les Administrateurs qui restaient ici - Bouledisco et Vamper - n'ont donc pas pu obscurcir leurs Pokémon. On ne sait pas vraiment où est-ce qu'ils sont, mais ce n'est pas très grave, ils ne sont pas bien méchants. Bouledisco est Bouledisco et Vamper est juste intéressé par la politique. Ils doivent traîner quelque part sur Ténébscuriax à l'heure qu'il est ; ils seront arrêtés une fois que les renforts arriveront. A côté de ça, Goyah a retrouvé les six Pokémon de Teck en allant au Centre de Contrôle. Si la blouse de mon père n'a pas vraiment pu l'empêcher d'être écrasé par les éboulements produits par l'explosion de la MODE, les Poké Ball ont été bien plus résistantes. Je les ai déjà envoyé il y a deux minutes à peine au Professeur Syrus pour qu'ils les purifient. A côté de ça, le groupe Pyrax a réussi impeccablement sa mission ; ils ont pu faire évacuer tous les Pokémon retenus et ont relâché Kyogre et Groudon. Il ne nous restera plus qu'à faire évacuer les rescapés de Hoenn encore présents sur l'île, faire tomber tout le béton qu'il ont foutu ici, et on enterrera avec tout ça les plans de Cipher.

Elle marqua une pause.

- Bref, tout ça pour dire que, "mission accomplie".

Je ne répondis pas. Elle se tourna vers l'écran d'ordinateur, et se remit à taper sur le clavier. Soudain, elle s'arrêta, et se mit le visage dans les mains. Elle soupira.

- ...Pourquoi, alors, ne disparais-je pas ?

Je ne relevai pas cette remarque. Elle était complètement troublée.

- Nous avons tout fait... Cipher n'a plus de quoi créer les Pokémon Obscur... Tous les Pokémon qu'ils ont obscurci ne le sont plus... Tu étais la seule autre personne à avoir encore le Virus, mais tu as été purifié... Le corps d'Aéroptéryx a été contaminé, mais il ne pourra pas l'inoculer par reproduction désormais... Alors pourquoi est-ce que j'existe ? Comment ma mère a-t-elle put rencontrer mon père ? Pourquoi est-ce que j'ai été envoyée dans le passé ?

Je pensais à ce que Dialga avait fait pour moi, suite au paradoxe qui m'avait concerné lors de ma première mission. Je songeai au fait qu'il avait pu faire de même pour Julie, sans qu'elle n'ait à passer par la porte "PARADOXE TEMPORELS".

La jeune femme se reprit en main, et dirigea de nouveau ses doigts sur le clavier tactile.

- Bon. Je verrai ça avec les MOCLASM au QG une fois qu'on sera rentrés. Je vais continuer les recherches dans les dossiers de mon père en attendant. Vraiment pratique, ce Pass VIP.

Mon regard tomba sur l'écran. Je la vis faire une recherche de fichiers, et taper "543". Elle accéda au dossier informatique portant ce numéro.

J'eus un brusque souvenir qui émergea.

Je pris un papier sur le bureau, attrapai un stylo, et écrivit. Je tendis le papier à Julie.

- "893-0-0-1" ? Oui, hé bien ?

Je rajoutai des guillemets de part et d'autre de la suite de chiffres, et j'écrivis : "Derniers mots de Eudes à mon égard. Je ne sais pas ce que ça signifie."

- Pourquoi est-ce que tu écris ? me demanda-t-elle. Tu ne veux pas parler ?

"Non."

- C'est à moi en particulier, ou...?

"Non."

- Bien. Alors, heu...

Je pointai la barre de recherche avec le stylo, puis pointai un dossier. Elle ne voyais pas où je voulais en venir. Je soupirai, et écrivis : "Numéro de dossier ?", puis entourai le "893".

- Ah ! comprit-elle. Attends, je vais faire une recherche...

L'espionne ouvrit une nouvelle fenêtre, revint dans la barre de recherche et tapa "893". Elle tomba sur un dossier nommé "893", et l'ouvrit. Je vis des tas de données passer sous mon nez. Puis je crus voir un "Chris", quelque part.

- C'est ton dossier, m'informa-t-elle. C'est plein de fichiers sur toi : tes antécédents médicaux, des photos, des informations sur ta vie, un suivi de tes faits et gestes...

Je repris ma feuille de papier, et entourait le "0-0-1", puis l'annotai d'un point d'interrogation. Elle entra de nouveau dans la barre de recherche, et tapa "0-0-1". Elle appuya sur la touche "entrée", et le curseur de la souris se changea en icône nous indiquant le chargement de la commande. Cela surprit un peu Julie.

- Pourquoi ça rame, soudain ?

Finalement, une nouvelle fenêtre apparue, avec la question et les réponses suivantes :


"Rechercher la trace du code génétique Obscur de XD001
chez le sujet 893 - Chris ?"

"Oui" "Non"

Julie cliqua sur "Oui".

Une autre icône de chargement.





[...]





"Présence confirmée."



...

- Ça ne nous apprend que ce que l'on sait déjà, remarqua Julie. C'est là que Teck a dû voir que tu étais porteur du Virus, qu'il a dû halluciner, se sentir chanceux ou je ne sais quoi, et qu'il a préparé ton enlèvement. Peut-être qu'Eudes nous avait passé ce code pour que l'on sache que tu étais contaminé... On l'utilise trop tard.

Sans doute.

- Bien, fit-elle. Je n'ai aucune idée de ce que ce code puisse signifier d'autre. Tu avais autre chose à regarder ?

Je ne répondis pas.

- Okay. Je vais continuer mes recherches, alors, m'indiqua-t-elle. Si tu veux aller voir tes Pokémon, ils sont dans l' "infirmerie" tenue par tes parents et Goyah : c'est la première à gauche en sortant d'ici.

Je la quittai donc, et je partis en direction de la sortie du laboratoire.

- Oh, Chris, attends.

Je m'arrêtai, et me retournai. Elle me tendait le revolver, le tenant par le canon, la crosse vers moi.

- Je ne sais pas si tu voulais que je te rende ton arme... Je sais que Peter te l'a confié, mais après ce qu'il s'est passé... Et, il ne reste plus qu'une balle, donc je ne sais pas...

Je ne répondis rien. Je m'approchai rapidement, je la pris, et je la mis brusquement à ma ceinture. Julie ne réagit pas. Je repartais, quand elle éleva la voix et m'avoua :

- Merci encore pour tout. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi.

Je ne me retournai pas. Je passai la porte automatique, et je sortis du laboratoire de son défunt père.


Je trouvai rapidement la première porte à gauche. Elle s'ouvrit sans bruit, elle aussi.
La salle était remplie de couleurs. Tous mes Pokémon étaient là. Colhomard et Noctunoir aussi. Ils étaient étendus par terre, sur des tissus divers - serviettes, draps, couvertures semblables à la mienne. Les seuls Pokémon debouts étaient le gros Maraiste bleu de mon père, qui courait ici et là avec des pansements, le Mustéflott de mon père, qui assistait mon père près de mon Aligatueur, le Carchacrok de ma mère, qui veillait sur mon grand Charkos, et le Roserade de ma mère, qui assistait Shaymin dans son réveil. Ils s'affairaient tous à prendre soin de tout le monde en même temps, et à essayer de n'oublier personne.

Lorsque j'entrai, il y eut deux réactions presque simultanées de la part de mes Pokémon : la joie de me retrouver, et la tristesse de me voir après... ce que j'avais fait.
Je savais tout le monde au courant rien qu'à cette réaction. Et, ils avaient dû l'entendre, depuis leurs Balls.

Mon père demanda à tout le monde de ne pas perdre le rythme ; son Maraiste et son Mustéflott reprirent où ils en étaient, et la Carchacrok et la Roserade de ma mère retournèrent à veiller sur leurs patients. Goyah, qui était dans un coin de la salle, aux côtés de Lançargot et de Drak, ne s'était, lui, pas retourné.


Je passai voir mes amis, chacun à leur tour. Je félicitai Noctali, en lui caressant sa petite tête. J'étais content de lui et de sa confiance envers Julie. Vu qu'elle était juste à ses côtés, je grattai le long cou de Vaututrice, qui croassa de joie. Je souris en vantant sa précision, vu les coups dans l'arrière-train d'Élecsprint qu'elle avait donné. Elle rit, et je crois que Charkos, qui était non loin, fit un blague salace ou à autres sous-entendu, parce que je le vis rire et ma Vostour lui crier dessus en lui lançant son os. J'allais donc aussi voir ce grand Charkos, je posai ma main sur son énorme crâne dur - il ne sentait rien. Alors, je vins vers sa mâchoire inférieure et lui caressai le cou ; ce brave gars me sourit, et son bonheur fut communicatif, sur l'instant.


Je saluai Colhomard, en passant, qui avait sa pince emplâtrée. Il me fit un signe amical, pour la première fois sans doute depuis que l'on se connaissait.


Shaymin, elle, était toujours dans sa forme Mythique ; elle allait bien et se remettait vite. Elle me dit également qu'elle ne sentait pas ce nouveau pouvoir la quitter, et peut-être allait-elle rester comme ça pour toujours.

- J'ai perdu ma Gracidée d'origine face à Kyurem Altéré, me rappela-t-elle. Et je ne sais même pas comment un Shaymin est censé faire s'il ne l'a plus... Heureusement cette Gracidée d'une autre espèce a pu me sauver, et c'est dès qu'elle l'a remplacée que j'ai pris cette forme. Du coup, ben, pas de chance pour tous les troufions qui viendront encore nous chercher des noises, ils seront obligés de goûter à mon Draco Météor de la mort !

Je caressai son dos écailleux et ses touffes d'herbe, et elle ne trouva ça "pas si désagréable, mais qu'elle n'était pas un putain de clebs, donc que je ne devais pas m'y habituer non plus". Je souris.


Noctunoir, lui, était dans un coin, en retrait, comme je l'avais toujours connu. J'allai le voir, et je le remerciai.

- Avec plaisir, me dit-il. Évite de te jeter à nouveau sur le terrain en plein combat contre un des boss finaux, la prochaine fois.

Je souris. Il me tendit sa grosse main sombre. Avec une certaine dignité, je lui serrai la patte.


Je passai à Aligatueur, qui était regardé de près par mon père.

- Ah, Chris, fit-il. Je... Je, hm, je soigne Aligatueur. Félicitations pour son évolution. C'est un beau spécimen, bien costaud.

Je fis un signe de tête, et je me penchai aussitôt sur mon Pokémon Mâchoire. Je lui caressai la tête, puis sa crête rouge. Il me fit un faible coucou de la patte, et esquissa un sourire avant d'être repris par la douleur.

- Il a été gravement brûlé, poursuivit mon père. Julie m'a expliqué ; cette explosion de Brume Noire à coup de... De "Vortex Noir", c'est ça ? Enfin, bref, cette combinaison, là, l'a sévèrement blessé.

Je ne répondis pas. Je regardais mon Aligatueur laisser ses yeux entrouverts, fixer le plafond.

- Oh, il va s'en sortir, ajouta ce connaisseur en type Eau. Il lui faut juste beaucoup de repos et appliquer plusieurs crèmes réparatrices. Il devrait s'en sortir avec une cicatrice sans être plus affecté physiquement.

Je pris la patte de mon Aligatueur, et le serrai fort. Je pense qu'il savait que j'étais content et fier de lui. Il me la serra fort en retour. Je me levai, et allai vers le cinquantenaire aux cheveux rouges, lorsque mon père me héla.

- Hé, Chris, attends.

Je m'arrêtai, et me retournai. Ce catcheur de père s'approcha de moi.

- Tu... Hm... Je ne sais pas vraiment quoi te dire. Tu me connais, dans les moments comme ça, j'ai plutôt tendance à tout faire foirer plutôt que d'arriver à arranger les choses. Mais, hm, je voulais te dire que si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que je suis là pour toi, hein ?

Je ne répondis pas.

- Je sais qu'on ne s'est pas vus beaucoup dernièrement, à cause de mon boulot à l'arène, ou d'autres trucs. Et c'est pas vraiment ces affaires de MOCLASM qui nous ont fait passer du temps ensemble.

Mon père marqua une pause. Il regarda Aligatueur, et poursuivit.

- Si tu veux, on s'entraînera lorsqu'on sera de retour à la maison, d'accord ? Ça me ferait plaisir de te voir combattre à nouveau. Si tu me montres de quoi ton Aligatueur préhistorique est capable, alors là, je ne te raconte même pas mon état, haha !

Je regardai Aligatueur. De là où il était, il ne pouvait pas tourner la tête.

- Donc, heu, voilà. Je voulais savoir si... Enfin, j'allais demander si tu allais bien ou si tu avais bien dormi, mais je me rends compte que c'est une question que je détesterait qu'on me pose si j'étais dans ta situation... Enfin, non, non c'est pas ce que je voulais dire ! Rah... Bon, oublie : ce que je veux que tu saches, c'est que ton père sera toujours là pour te soutenir. D'accord ?

Je ne répondis pas. Maraiste l'appelait au chevet de Colhomard.

- Oui, Maraiste, j'arrive !

Mon père passa à côté de moi, m'embrassa sur la joue, et rejoignit son Pokémon. Je restai immobile un moment, à regarder la blessure obscure d'Aligatueur, et mon Pokémon qui souffrait silencieusement. Puis je fis demi-tour, et je revins vers Goyah.


Je trouvai le Maître en train de bander Drak. Non loin, posé sur une table, se reposait Lançargot. Le Dragon me vit venir, et m'offrit un grand sourire sur sa gueule carmin cornue.

- Salut, Chris, me salua l'homme sans se retourner.

Je ne répondis pas.

- J'ai parlé avec Latias, m'annonça-t-il d'emblée. Elle m'a raconté ce qu'il s'est passé. Je voulais te dire qu'à mon avis, tu as agi comme il fallait. Si Zekrom ne pouvait être sauvé ou capturé... Tu n'as fait que te défendre.

Je restai muet. Le Maître changea de sujet, en continuant de nouer les rubans blancs autour d'une aile de Drak.

- Je soigne ton Drakkarmin et ton Lançargot, ne m'apprit-il pas, parce que je le constatai justement. J'ai demandé à le faire parce que j'ai un Drakkarmin et un Lançargot, moi aussi.

Je le regardai. Il me jeta un coup d'œil rapidement, et le Maître dut déceler quelque chose de salement ironique dans mes yeux, car il s'excusa derechef.

- Je sais que c'est affreux de te dire ça alors que je n'ai pris aucun de mes Pokémon pour cette mission. Tous les tiens ont souffert, et moi, comme un connard d'égoïste, je n'en ai apporté aucun.

Il marqua une pause, et prit un autre rouleau blanc désinfecté.

- J'ai perdu un Pokémon, il y a longtemps, m'annonça-t-il. Une maladie. Il l'a choppé lors d'une de mes missions MOCLASM. C'était con, mais je n'ai rien pu faire. Depuis, je n'emmène plus mes Pokémon avec moi. Je ne veux pas les mettre en danger ; je ne veux pas les perdre. C'est égoïste, je sais - mais je ne veux pas. Je pense que toi, désormais, tu peux me comprendre - je parle de ce qui est arrivé à tes Pokémon, en voyant leur été dans cette infirmerie. Je ne parle pas de Zekrom. Ça, c'est une autre histoire.

Il colla le pansement avec son épaisse main, et demanda à Drak de bouger l'aile. Caverne s'exécuta, et Goyah trouva le bandage trop serré à son goût, alors il prit une paire de ciseaux, en coupa les trois-quarts, et recommença. Je regardais Drak, son corps se gonfler, s'abaisser lentement au rythme de sa respiration. Je lui caressai son crâne rugueux. Goyah songea tout haut :

- Dire qu'avec Rayquaza et Kyurem, ils ont eu les deux plus puissants Pokémon Dragon entre vos mains, qu'ils ont tué l'un et transformé l'autre en monstre... Alors que leurs aptitudes combinés à l'obscurcissement aurait pu en faire des créatures aux pouvoirs inimaginables... Mais leur empressement a réduit à néant cette possibilité...

Le bruit des ciseaux coupa net un autre bout de compresse. Drak poussait des grognements mignons sous mes caresses.

- Pour ce qui est de ton Lançargot, reprit le Maître en levant les yeux vars l'armure de Chevalier, j'ai fait ce que j'ai pu, mais la fulguration a été importante. Julie nous a expliqué pour les attaques Obscures, et dans son cas pour la Foudre Noire, et comment elle avait détruit son Abri. Si l'attaque était si puissante, ce bonhomme est bien plus résistant que le premier Lançargot venu. Tu l'as capturé dans le passé, lui aussi, c'est ça ?

Je ne répondis pas. Je frottai la tête de Drak une dernière fois, je quittai son chevet, et j'allai à celui de Lançargot. Mon Pokémon Insecte avait les yeux ouverts, mais ne me regardait pas. Il se recroquevillait dans son armure et, me voyant venir, se cacha les yeux avec sa lance. Outre la brûlure due à l'électricité qui avait noirci nombre de ses pièces d'armure, son cimier était tout éclaté, ébouriffé ici et là, des touffes de poils rouges manquant.

- Je crois qu'il ne digère pas ce K.O. qu'il s'est pris, avisa Goyah. Je pense que sa confiance en soi, et aussi sa dignité, en a pris un coup. Si un Lançargot détourne le regard, c'est que tu es soit insignifiant, soit trop important et qu'il ne se sent pas à la hauteur de ton attention. Dans notre cas, je pense sincèrement qu'il se dit qu'il ne te mérite pas.

J'écoutai, et je cherchai toujours le regard de mon Pokémon. Il déplaçait sa lance à chaque fois que je trouvai une faille de lumière qui pouvait me laisser le regarder à nouveau dans les yeux. J'essayai d'écarter gentiment sa pique, mais elle tenait aussi fermement que si elle eusse été construite avec la pièce. Alors je posai une main sur sa carapace d'acier, et je lui dis, tout bas, qu'il avait été formidable à mes yeux, et qu'il le serait toujours. Que perdre confiance en ses grands talents d'escrimeur était la pire chose à faire, après celle qui consistait à me considérer comme valant mieux que lui, et lui indigne de moi. C'était moi qui était chanceux de l'avoir à mes côtés. Bien sûr, comme je m'en doutais, cela ne suffit pas à ce que je revois ses yeux sous son heaume, mais au moins, je lui avais dit. Je lui caressai encore son armure polie et tiède, et je lui souris.


Je me retournai pour m'en aller voir le dernier de mes Pokémon, quand je trouvai celui-ci justement derrière moi. Le gros bouclier de Bastiodon, tenu fermement sur ses quatre pattes blindées, qui se réjouissait de ma venue. Je m'accroupis alors en face de lui, posant une main sur son épais crâne taillé en forteresse. Je me réjouissais qu'il se porte bien et soit déjà sur pattes. Il me fallut un peu de temps pour que je remarque les quelques pommades qu'on lui avait appliqué sur le ventre ; je le vis quand je lui caressai le flanc et que ma main effleura une pâte sèche. Bouclier, de son côté, regardait mon bras bandé, là où je m'étais pris les éclats de Faiblo Ball. Il fit une tête un peu inquiète, et me regarda avec un peu de peine. Je lui dis que je n'avais plus mal. Que ça n'avait pas d'importance comparé à... Que ça n'avait pas d'importance.

Mon cher partenaire s'approcha de moi, et colla sa grosse tête de roche et d'acier contre moi. Je le serrai dans mes bras, comme je pus, aussi fort que je pus. Longtemps. Je sentis son souffle puissant, son rythme respiratoire apaisant. Je me sentais reposé, avec lui. Puis, je lui fis un bisou. Je ne sais pas s'il sentit quelque chose, sur cet énorme bouclier, mais je vis qu'il était tout content, en souriant derrière ses crocs proéminents. Cela dit, mon Bastiodon me regarda avec une chère inquiétude lorsqu'il me vit me lever et partir.
Je ne me retournai plus.


J'allai vers la sortie.

- Gardevoir est dans la salle de repos, si tu veux lui parler, me lança mon père depuis le milieu de la salle. Elle est avec Latios et Latias. Tu vas à gauche, et c'est la première à droite. Mustéflott, tu peux aller voir si Aligatueur a besoin de quelque chose ?

Je m'arrêtai dans l'encadrement de la porte juste avant de sortir. J'ai hésité, ici, à faire demi-tour. J'avais, sans doute, envie de rester avec eux tous, dans une pièce confortable, toute ma vie, sans danger, sans problème, sans blessures, sans morts. Une vie pleines de sensations douces et heureuses, chacun ayant leurs couleurs, leurs odeurs, leurs textures de peau, et même l'aura qui les entourait leur était propre. Elle se chargeait d'histoires, d'anecdotes, de fous rires, de pleurs, de combats et d'espérances.

La gorge me serra davantage.

Je ne me retournai pas. J'aurais sans doute pleuré si je l'avais fait.

Je sortis, j'entendis mon père lancer un "A tout', fiston !" et je poursuivis mon chemin, allant vers la salle de repos.


Quelques pas, et voilà que j'étais devant cette porte. J'hésitai à m'avancer. Mais un corps la fit s'ouvrir de l'intérieur pour moi : c'était Gardevoir, qui sortait. Je la trouvai extrêmement pâle.

- Oh, Chris ! J'allais pour te voir, justement...

Sa surprise fut brève. Elle s'était sans doute imaginée que je dormais encore, mais me voir dans ce couloir lui fit se foutre de toute la discussion et la mise en scène qu'elle comptait sûrement me donner pour adoucir les enjeux des événements.

- Latias est forte, m'assura-t-elle. Elle...

Gardevoir s'arrêta. Je la félicitai pour sa Méga-Évolution, ce qui l'étonna, puisqu'elle ne pensait plus du tout à cela. Elle me parut un peu gêné.

- Oh, hé bien, merci. C'était un peu inattendu pour moi aussi, je dois dire. Latios m'avait dit que ce collier était spécial, mais je ne savais pas que vous aviez une Gemme Sésame dans le Coffre au Trésor de Fire... Enfin, je suppose que toi non plus. J'en ai touché deux mots au Dracaufeu, et il m'a dit qu'il te la donnerait.

Je lui fis comprendre que je n'avais rien reçu de lui.

- Ah ! Il a sûrement dû oublier, alors.

Elle s'arrêta. Elle restait devant la porte, et moi devant elle.

- Je... J'aurais dû venir, me téléporter, te protéger... Tu allais mourir... Il n'allait pas s'arrêter...

Je compris aussitôt qu'elle faisait référence à la charge du monstre haineux, vers moi, levant ses griffes au ciel, faisant trembler le sol, gronder le tonnerre, régner l'obscurité, et juste avant que je-

- Je pensais qu'il allait s'arrêter... Je pensais qu'il allait te reconnaître... Je pensais que ses souvenirs... Nos souvenirs... Votre amitié... Je pensais que ça allait l'atteindre, même perdu dans ses instincts...

Elle ne pleura pas. Elle tremblait.

- Je... Je... Je ne pensais pas que tu allais tirer...

Je ne répondis rien. Je n'avais rien à répondre. J'étais venu pour elle, pas pour repenser à ce que j'avais fait.

- Je... Je vais bien, moi, me répondit-elle, fébrile. Enfin, non, je ne vais pas bien, puisque tu ne vas pas bien. Tu sais à quel point je suis réceptive à tes émotions, Chris, me dit-elle, en relevant la tête. Tu... Tu m'inquiètes beaucoup. Ce que tu as fait- Je ne sais pas. Je ne peux pas ne pas y penser. J'ai tout vu... Je ne...

Elle s'effondra dans mes bras. Je la rattrapai, je la relevai ; elle réussit à se remettre sur ses pattes, faible ; je la serrai contre mon cœur. Je lui dis de ne pas s'en faire. Qu'elle avait fait de son mieux, et plus encore. Elle ne devait pas se rendre triste pour quelqu'un d'autre.

- Mais... Je tiens beaucoup à toi, Chris... Nous tenons tous beaucoup à toi...

Je ne répondis rien. Je continuai de l'étreindre. Elle m'étreignit aussi. Sa douce peau de fée velouté, sa délicatesse féminine, et sa puissance d'âme me cajolaient les sentiments.


La porte derrière elle s'ouvrit. La tête bleue de Latios surgit.

- Chris !

Il attendit que je cesse l'embrassade avec sa petite-amie, et il me prit à son tour dans ses pattes.

- Merci... Merci d'avoir sauvé Latias... Je... Je... Elle m'a raconté... Ça a dû être horrible... Merci... Merci... Je suis tellement... Tellement...

Je crois qu'il pleurait, lui. En temps normal, j'aurais été réellement étonné.

- Enfin, bref... Merci, merci infiniment...

Je demandai si je pouvais voir Latias. Il me laissèrent entrer. La salle de repos avait ses lumières éteintes, et des bougies avaient été allumées ici et là, posées sur une table ou même à terre. Cet éclairage plongeait la pièce dans une lumière sereine et apaisante.


Latias était au fond. Je la trouvai allongée par terre, sa tête profilée posée sur le sol, pensive. Ses yeux dorés, extrêmement fatigués, me virent arriver. Elle se leva doucement, en lévitant.

- Chris...

Je restai au milieu de la pièce. Je ne disais rien. Elle me disait rien non plus. Elle ouvrit la gueule :

- Je... Je... Je...

Puis elle la referma. J'ouvris la mienne.

- Je suis désolé.

- Je le suis aussi, dit-elle.

Un temps.

Elle recommença, et articula avec peine :

- Il... Il... Il t'aimait beaucoup, Chris. Il ne t'aurait jamais chargé comme il l'a fait. Le monstre qu'il... Le monstre que tu avais en face de toi n'était pas Zekrom... Ce n'était plus Zekrom... Tu n'as pas... Tu n'as pas tué Zekrom...

Ma gorge s'étrangla complètement. J'essayai de déglutir. Je serrai les poings :

- Il suffisait qu'on le capture... Que j'aie la Master Ball sur moi, à ce moment... Qu'on le purifie de force, pour que...

- Non, envoya-t-elle sèchement. Arrête, Chris. Cela ne s'est pas fait. Alors envisager qu'on aurait pu ne rime à rien. Nous n'avions aucun moyen. Il allait me... Il allait te tuer. Tu t'es défendu. Tu l'as descendu avant. Il n'y a rien de plus. C'était toi, ou le monstre. Si tu n'avais pas tiré, il serait encore envie et Arceus seul sait ce qu'il m'aurait-

- Non. Dunmeist.

- Arrête, Chris, répéta-t-elle, énervée. Il s'est passé ce qu'il s'est passé. Tu as agis, tu as fait tes choix, ou non. On s'en branle, du destin, ou de je ne sais quoi. Tout ce que je sais, c'est que toi, un gentil humain, tu es vivant, et cette chose, ce monstre méchant, il ne fera plus de mal.

- Ce n'est pas si simple.

- Si. Ça l'est, insista Latias. Tout dépend de ta manière de voir les choses. Je préfère les voir comme ça plutôt que d'être torturée pendant tout le reste de ma vie.

La femelle Éon se tut. Je ne parlai plus. Nous nous prîmes dans nos pattes, nous serrant une dernière fois. Je sentis son cœur battre contre le mien, à la même vitesse.


Je finis par prendre congé, et laisser Latias prendre du repos. Alors que je me retrouvai dans le couloir, Gardevoir me demanda :

- Où est-ce que tu vas ?

- Dans la salle du téléporteur.

Elle se précipita :

- Non, Chris. N'y vas pas.

- Pourquoi ?

- Tu vas te faire du mal inutilement.

- J'ai dit que j'allais dans la salle du téléporteur. Je n'ai jamais dit que j'allais me prendre.

- Ne joue pas au plus malin avec moi. Tu sais très bien que tu n'y allais pas pour te faire des crêpes.

- Certes. Mais peu m'importe ton avis, Gardevoir. Tu sais comme je t'aime, mais si je veux aller au Centre de Contrôle, j'irai.

- Non...!

- Ma mère est là-bas, rétorquai-je. Genesect, Reshiram, Lugia y sont aussi. J'ai le droit d'aller les voir, non ?

Mon Pokémon me lâcha le bras. Elle me considéra de ses doux yeux abattus. Ses cheveux verts tombaient avec une beauté rare, que j'aurais préféré si la joie, et non l'abattement, les avait peints.

- Très bien. Fais comme tu veux, Chris.

- Merci, Gardevoir. Je t'aime.

- Je t'aime aussi.

Et je me dirigeai vers la salle des téléporteurs.


Je trouvai le Pass VIP posé dans une boîte, elle-même posée sur une chaise, à côté de la porte de la salle. Je supposai qu'on l'avait laissé à libre disposition pour les allers et retours de mes parents et de Goyah. Je pris la carte noire rayée de rouge, je la passai devant le boîter électronique, et j'entrai. Je me plaçai sur le socle, et je passai à nouveau le Pass sur un boîtier à portée. Il y eut un flash rouge, et une énergie crépitante me remplit. Le flash s'éteignit, les crépitement se dissipèrent. Je me retrouvai directement dans le Centre de Contrôle.

Le corps du monstre que j'avais arrêté n'était plus là. À la place, une montagne de débris.

Il y avait Reshiram, qui était allongé, non loin. Il dormait. Le Togekiss de ma mère veillait sur lui : il voltigeait doucement à côté, et chantait une douce et joyeuse mélodie. Ma mère, elle, était à côté de Genesect, ses longs cheveux blonds tombant dans son dos, n'étant agités par aucun vent, malgré le ciel ouvert. Elle avait également sortit son Lucario, et je voyais celui-ci les paumes en avant, diffuser des Vibra Soin sur Paléozoïque.

- Les réparations manuelles seront toujours nécessaires, clignota l'insecte génétiquement modifié.

- Cela ne fait aucun doute, lui répondit Cynthia. Je demanderai au QG de faire le nécessaire, ne t'inquiète pas. Rien n'est impossible pour les MOCLASM.

Elle tendit une main vers le téléporteur, sans se retourner.

- Goyah, tu as pensé à l'Élixir que je t'ai demandé ? demanda-t-elle en pensant que j'étais le Maître.

Genesect, lui, me vit.

- Salutations, Chris.

Ma mère se retourna brusquement. Lucario aussi.

- Chris ?! Mais... Q-Qu'est-ce que tu fais là ? Gardevoir m'avait dit que...

Je descendis du socle, et avançai tout droit, cherchant le troisième Légendaire du regard.

- Gardevoir n'a rien à voir là-dedans. Elle me fait confiance. Lugia n'est pas avec vous ?

Ma mère répondit d'un ton neutre. Elle me regardait marcher, un peu étonné de l'imperturbabilité que j'affichais.

- Oh... I-Il est parti il y a à peine cinq minutes, m'apprit-elle.

- Parti ? Où ?

- Je ne sais pas. Dans l'océan, répondit-elle, dans le vague. Voir Kyogre, peut-être. Il ne m'a rien dit.

Je m'arrêtai. Je tournai les yeux vers Blanc Réel. Le Pokémon Célébration de ma mère se posa non loin, et reprit un peu de souffle. Le Dragon de la Réalité me parut patraque.

- Reshiram se repose, m'indiqua ma mère. J'ai demandé à Togekiss d'apaiser les esprits, d'aider à faire face et d'amener un peu de bonheur dans tout ça, mais toute cette tristesse et cette morosité l'épuise.

Je marchai jusqu'à elle. En passant, je regardai la montagne de débris, celle qui avait remplacé le corps. Je crois que ma mère remarqua que je ne quittais pas cette colline de pierres du regard.

- C'est Lugia qui a eut l'idée. Il savait que tu n'en ferais qu'à ta tête. Mais il le fait aussi pour Zekrom, bien entendu.

Je ne répondis rien. Je n'avais rien à dire. Si Lugia n'était pas là, je n'avais rien à faire ici. Je m'approchai quand même pour saluer Paléozoïque, et je lui demandais s'il se remettait.

- Cynthia me certifie que je serai de nouveau opérationnel après être passé par leurs centres de recherche. Retourner dans un laboratoire ne me réjouis guère. Mais si cela peut me faire retrouver mes capacités, je le ferai.

- Nous te sauverons, Genesect, ne t'en fais pas, promit maman.

Je souris à l'attention de Paléozoïque. Puisque Reshiram dormait, et qu'il n'y avait plus aucun corps à portée de vue, je pouvais partir d'ici. Je retournai vers le téléporteur. Mon regard, sur le chemin, tomba sur une giclée noire, au sol. Je continuai ma route. Mes jambes se mirent à flageoler subitement, et je m'effondrai sur le sol. Ma mère accourut en criant mon nom. Elle me prit par le bras, et me souleva. Je fus remis sur la plat morne des semelles des chaussures que j'avais aux pieds.

- Est-ce que ça va...? s'inquiéta-t-elle. Gardevoir t'avais pourtant dit de-

- Ça va, ça va, l'interrompis-je, en me défaisant de son étreinte. Je vais sortir, maintenant. Goyah doit sûrement attendre de l'autre côté le Pass pour pouvoir te rejoindre.

- Chris... dit-elle doucement, tristement.

- Quoi ?

- Je... Je suis désolée.

Je sentis un vif sentiment me prendre la tête.

- AH OUI ?! m'écriai-je brutalement. POURQUOI ?! QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ TOUS, LÀ ?! EST-CE QU'ON NE VIENT PAS DE SAUVER LE MONDE ?! OÙ EST LA FÊTE ?! OÙ SONT LES RÉJOUISSANCES ?! OÙ EST LA RÉCOMPENSE DE LA MISSION ACCOMPLIE ?! OÙ EST LA NUIT DE FOLIE À PASSER DANS LES BRAS DE LA PERSONNE AVEC QUI ON SE MARIE À LA FIN ?! HEIN ?! OÙ EST LUGIA ?! OÙ EST ZEKROM ?!

J'avais hurlé sec. Sans verser une larme. Ce n'est qu'après que j'avais crié que je sentis mon visage se contracter et les larmes monter. Je me repris tout aussi brusquement que j'avais éclaté, et je ravalai mon chagrin.

- Pardon, fis-je. C'est... C'est... Tout ça...

Ma mère me regarda avec une profonde compassion mêlée d'un chagrin immense.

- Ne t'en fais pas, Chris. Je... Ne t'en fais pas.

Il y eut un silence. Nous n'osâmes parler de rien d'autre.

Je me redressai, et marchai d'un pas décidé vers le téléporteur sans me laisser le temps de réfléchir davantage.

- Bon, je vais y aller, moi.

- Où vas-tu ?

- Prendre l'air.

- ...D'accord. À tout à l'heure, répondit maman.

- Hm.

Je montai sur le socle et activai le téléporteur sans attendre.




Je déambulai dans Ténébscuriax. J'avais pris tous les escaliers que je trouvai, j'étais descendu pour rejoindre la terre, et j'avais marché droit vers l'océan. Un fois que je l'avais trouvé, longeant une falaise, je m'étais mis à suivre cette route au bord de mer. C'était un chemin de terre rouge, comme ceux sur lesquels on avait détalé avec Julie. Il longeait les affreux bâtiments de béton de Cipher, mais tant que j'avais la mer à côté, je m'en fichais. Ils avaient néanmoins bâti un muret tout le long de la falaise, comme si, pour l'océan, il fallait protéger les gens d'une chute, alors que les torrents de lave, ça n'avait pas été considéré comme assez dangereux.


Je levais les yeux au ciel sur quelques mètres. Je le trouvais rouge sang. A peine une minute plus tard, le soleil perça à l'horizon. Je fus enveloppé dans la chaleur de ses rayons de feu, orange vif. Alors il était tard dans la journée... Je finis par m'arrêter, et vouloir continuer de baigner dans cette belle chose qu'était ce coucher de soleil sur l'océan. Un océan apaisé, qui ne tempêtait plus.

Je m'accoudai au muret, et laissai mon regard se perdre sur les vagues. J'inspirai à pleins poumons. L'air marin, frais, me pénétra les poumons. J'avais l'impression de respirer un vent qui avait parcouru le monde entier.

En regardant ces flots, je songeai à Lugia. À son silence après ce que nous avait dit Teck. À ses mots qu'il avait prononcé quand il avait tenu le scientifique fou sous sa patte. Au fait qu'il m'avait appelé "mon fils".

Je pensai au Glas Tempête, qui devait être dans ma poche. Je plongeai la main jusqu'à sentir un grelot, et je l'extirpai de là. Son éclat argenté m'était à peine apparu que j'entendis quelque chose tomber à terre, et rouler à mes pieds, comme si cela venait de tomber de ma poche. Je m'écartai légèrement du muret pour ramasser l'objet.

J'eus une vision d'horreur qui m'étrangla. Je gardai la bouche entr'ouverte, le souffle coupé.
La Master Ball.

Je fus aussitôt possédé par des tremblements atroces qui me jetèrent à terre. J'explosai en larmes. Je mis un temps avant de pouvoir faire passer de l'air dans ma trachée, temps pendant lequel ma bouche s'ouvrait et se refermait, incapable de s'exprimer.

- NON ! ... NON ! ... NON ! ELLE- ELLE... ELLE N'ÉTAIT PAS LÀ ! ELLE N'ÉTAIT PAS LÀ ! NON ! NON ! C'EST FAUX ! C'EST FAUX !

Je m'arrachai les cheveux de désespoir.

- C'EST PAS VRAI ! C'EST PAS VRAI ! C'EST UN CAUCHEMAR ! C'EST UN CAUCHEMAR ! RGH ! RGH !

Je recommençai à faire une crise d'hyperventilation. Mais tout cela ne dura pas assez longtemps pour que je me rende bien compte de ma souffrance et de tout ce que la présence de cet objet dans ma poche signifiait.

Lorsque je me retrouvais à terre, une ombre se trouvait non loin de moi, sur le chemin de terre.
L'être portait une longue et grande veste noir, et un chapeau noir. On eût dit qu'elle me tournait le dos. Je me relevai aussitôt, mes semelle grattant la terre ; j'enfonçai le Glas Tempête dans ma poche, je sortis le revolver, et l'empoignai ferme vers la silhouette inconnue.

- Inconnue ? Chris. Je ne me rappelle pas que tu aies la mémoire courte.

Mon corps tremblait toujours. Le soleil couchant me tapait sur la moitié du visage et sur l'arme. Le canon tremblait en même temps que moi.

- Qu-qu-qui êtes-vous ?! criai-je à la silhouette.

- Je pense que cette question n'a pas lieu d'être.

Q-Quoi ?

- Quelle ironie, cette Master Ball qui était justement dans ta poche...

- NON ! m'égosillai-je. NON ! ELLE N'Y ÉTAIT PAS !

- Pourtant, elle vient de-

- NON ! JE SAIS CE QUE JE DIS ! JE SAIS CE QUE J'AI SENTI ! J'AI FOUILLE MES POCHES ! AVANT MÊME D'APPELER RESHIRAM ! ELLE N'Y ÉTAIT PAS !

- Dire que tu aurais pu sauv-

Je m'arrachai la gorge à hurler. Ma voix, déjà enrouée des évènements du jour, dérailla brutalement.

- LA FERME ! LA FERME ! LA FEEERME !

La chose se tut. Je me baissai à terre, et je ramassai la Master Ball, tenant toujours en joue la silhouette humanoïde.

- COMMENT EST-CE QUE VOUS SAVEZ POUR LA MASTER BALL ? VOUS M'AVEZ SUIVI ? QUI ÊTES-VOUS ? UN DE CES CONNARDS DE CIPHER ?!

La silhouette rit.

- Non, pas vraiment, non. Je veux dire ; j'ai forcément dû avoir un rôle dans leur histoire, mais je ne fais pas partie de leur organisation, non. Je travaille en free-lance.

- AH OUI ?! QU'EST-CE QUE VOUS VOULEZ QUE ÇA ME FOUTE ?! ÇA NE ME DIT PAS QUI VOUS-

- Qui je suis ?

La voix se tut, et me fit salement patienter. Avant de déclamer :

- Le Destin.






[...]






- Ou Dunmeist, si vous voulez me donner un nom.






[...]






- Cela revient au même, après tout.






[...]






- Chris ?

Il n'avait pas fallu me le dire deux fois.

Je lançai la Master Ball. Ça aussi, c'était un putain de réflexe de survie qui me fit balancer le bras.

Je vis la balle violette s'envoler, traverser les rayons du soleil.

Elle arriva sur Dunmeist.

Elle lui passa au travers, sans le moindre bruit, sans le moindre trou, comme elle aurait traversé un Spectre.

Elle tomba à terre, rebondit plus loin, et roula.

Elle s'ouvrit dans son éclatement rond, cristallin.

Le rayon rouge de la Ball jaillit, et alla capturer la silhouette noire. Elle fut dématérialisée en lumière rougeoyante.

La lumière fut aspirée dans la Master Ball.















Bip.


























Bip.

































Bip.







































Et elle se rouvrit.

La Master Ball laissa s'échapper le Pokémon dans un éclair blanc.


La silhouette noire se retrouva dressée face à moi, me tournant toujours le dos.

- Oh. Quel dommage. Je dirais même plus : "Rah ! Ça y était presque !"

Mais... Mais... Que... Une Master Ball... Celle qui capture n'importe quel Pokémon à coup sûr... Elle... Je...

- N'importe quel Pokémon ?

Le Destin fit semblant de s'étonner.

- N'importe quel Pokémon n'a pas le talent "Intouchable". Hm ? Quoi ? "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Hé bien, j'ai justement Le Dictionnaire Ultra-Complet Des Talents sur moi. Voyons voir...

J'entendis des bruits de pages. Je ne sais pas s'il feuilletait vraiment un livre ou si cela était dans ma tête.

- Hmmmmmmmmmmmmm... "Intouchable"... "Intouchable"... "Imposteur", "Impudence", "Inconscient", "Infiltration"... Ah, voilà.

Il s'éclaircit la gorge.

- Hm hm. "Intouchable, (adj) : Le Pokémon ne peut être capturé."

QUOI ?!

- Oh. Quel dommage, vraiment, soupira Dunmeist.

Je restai coi. Je n'avais plus que me flingue entre les mains, qui tremblait encore plus.

- Bien. Maintenant que je t'ai laissé agir, à moi, reprit la silhouette au chapeau. Qu'est-ce qui te fait croire que la Master Ball n'était pas dans ta poche au moment de l'attaque de Zekrom Obscur ?

- Je... J'ai vérifié dans ma poche...! Je... Je ne l'ai pas sentie...

- Mais elle vient d'en tomber, à l'instant, considéra le Destin. Ma théorie - mais ce n'est qu'une théorie, loin de moi l'idée de vouloir imposer mon avis - c'est que tu étais tellement perdu, faible, tremblant, blablablah que tu ne la juste pas senti entre tes doigts. Tu as ensuite vu, puis été distrait par l'espoir que représentait le Galet Blanc, puis, après, la Master Ball était oubliée ; il n'y avait plus que le flingue.

- ELLE N'Y ÉTAIT PAS ! hurlai-je.

- Ah oui ? Mais elle vient d'en tomber, à l'instant, considéra le Destin. Ma théorie - mais ce n'est qu'une théorie, loin de moi l'idée de vouloir-

- FERMEZ-LA ! JE VOUS DIS QU'ELLE N'Y ÉTAIT PAS !

Il se tut.

- Hm.

- QU'EST-CE QUI VOUS PREND ?! m'égosillai-je. LE DESTIN ? DUNMEIST, VRAIMENT ? LÀ, MAINTENANT ?

- Pourquoi pas ?

Je déflagrai. Il m'offusqua, me révolta comme jamais je ne l'ai été.

- "POURQUOI PAS" ??!! MAIS, BORDEL D'ARCEUS, POUR QUOI FAIRE ?! VOUS VENEZ POUR QUOI, LÀ ? CONTEMPLER VOTRE CONNERIE ? CONTEMPLER LE MAL QUE VOUS FAITES AUX GENS ?! ÇA VOUS AMUSE, DE NOUS VOIR SOUFFRIR ?!

- "Amuse", "amuse"... Je dirai plutôt que c'est jouissif.

- JOUISSIF ?! ET TA SŒUR ?!

- Ohlà, doucement.

Je pétais un câble monumental quand le Destin haussa les épaules.

- Et puis, c'est vous qui décidez de souffrir. Moi, je ne fais que décider ce qu'il se passe. Ici et là. Parfois. À chaque fois que je peux, en fait. Pour faire plus simple, disons que je décide tout.

- DONC, QUOI ? ME FAIRE CONNAÎTRE ZEKROM ? POUR ME FAIRE TUER ZEKROM ?

Le Destin prit un air songeur.

- Hm, non, plutôt "sauver le monde une première fois" et "sauver le monde une deuxième fois".

Je pleurais, de toute façon. Les larmes me dissolvaient les joues, et le chaleur du soleil devenait insupportable. Le flingue se fusionnait avec mes mains, son métal horrible et sa masse énorme me collaient atrocement aux paumes. Je geignis.

- Ça revient au même... Vous m'avez fait capturer Zekrom... J'ai dû vivre toute une aventure avec lui... Vous me le renvoyez en plein milieu de la deuxième, pour nous lier davantage encore... Et là, je le tue... Je le tue... Vous m'obligez à...

- Tututut. Ce n'est pas si simple, rétorqua Dunmeist. La Destinée, ce n'est pas si simple.

- Je ne vois pas où est le problème !

- C'est bien ça, votre problème, vous, les humains... Simplifier des choses qui ne sont pas simples. Quelque chose vous arrive : "c'est le destin". Bim ! Allez, prends-toi ça dans la gueule, Dunmeist !

- Je... Je ne comprends pas...

La silhouette au manteau noir haussa les épaules :

- Je n'ai jamais dit que vous comprendriez. Je décide de ce qu'il va se passer. Vous, de votre côté, décidez de le faire, ou non.

Hein ?

- Mais, réfléchis-je avec le soleil dans les yeux, si vous décidez de ce qu'il va se passer... Quoi que l'on choisisse, vous l'avez prévu, non ?

- Ah, ben oui, reprit Dunmeist. Le dernier mot me revient toujours, bien entendu.

J'armai mon arme, et la pointait de nouveau vers lui.

- DONC C'EST DE VOTRE FAUTE ! TOUT ÇA EST DE VOTRE FAUTE !

Il rit.

- Ça dépend de votre manière de voir les choses.

- NON, ÇA NE DÉPEND PAS ! VOUS VENEZ DE ME DIRE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS LE DERNIER MOT !

- Ça dépend. Si je dis "Chris, dans le futur, donne naissance à Teck", là, tout de suite, ça ne se réalise pas. Il faudra attendre que tu grandisses pour que tu fasses un enfant, et que celui-ci soit envoyé dans le passé lors d'un accident pour que...





[...]





QUOI-QUOI-QUOI ?!


- Ah. Oups, fit le Destin.

- DEPUIS QUAND TECK EST MON FILS ?! hurlai-je, estomaqué.

- Hé bien, depuis que je l'ai décidé, répondit Dunmeist. C'est assez simple, dans mon histoire. Dans quelques années, Cipher réussit à dominer le monde, toi ni personne n'arrive à les en empêcher, mais tu survis. Tu grandis en vouant une haine sévère au régime Cipher, et tu commences à penser, en te souvenant de ta première mission, que les voyages dans le temps, ça permet de résoudre pas mal de problèmes. Tu te mets en tête de construire une machine pour revenir à cette époque et empêcher Cipher de dominer le monde ; Teck, ton fils, qui veut aussi stopper Cipher par tous les moyens, t'aide à la construire. De son côté, il fait ses petites affaires, et a une fille, Julie. Ça ne change rien au fait qu'une fois ta machine terminée (alors que t'es quand même assez vieux à cette époque), tu demandes à ton fils Teck de venir avec toi dans ce voyage dans le temps, ouah, père et fils unis contre l'adversité, c'est splendide. MAIS ! Plot twist ! La machine explose. Toi, Chris, tu meurs (parce que t'es trop vieux, parce que tu t'es mal positionné, parce que je l'ai décidé, peu importe), mais Teck, lui, est envoyé dans le passé, et paf ! amnésique. (J'adore ce plot twist.) Il devient Teck, genre le Teck de ce matin, scientifique fou, et tout, participe à l'histoire de Cipher, Cipher est mise en déroute une première fois, mais réussissent ce fabuleux come-back auquel vous avez insisté durant cette aventure, et rebelote. Ta vie est au cœur d'un joli cycle temporel, si tu veux mon avis.


Quoi...


Quoi...


...


...Alors ça veut dire que Teck est mon fils...?


...Alors ça veut dire que Julie est ma petite-fille... ?


- Une minute, lançai-je alors, nous avons empêché Cipher de dominer le monde avec Julie... Elle me l'a dit, aujourd'hui même, qu'ils n'avaient plus aucun moyen de faire revenir les Pokémon Obscurs !

- Ah oui ? Alors pourquoi, gros malin, ne disparaît-elle pas, puisqu'elle n'a pas été envoyé ici pour améliorer ce futur si radieux que vous venez de vous assurer ?

- QU'EST-CE QUE J'EN SAIS, MOI ?! Un caprice de Dialga, ou de-

- Tututut. Elle n'est pas passée par le bureau des paradoxes temporels, comme toi. Hé puis, non. Juste non.

- ALORS QUOI ? CIPHER N'EST PAS MORT ?

- Tout juste.





[...]





Non... Non... Non... Le cauchemar... Je croyais...Que c'était fini...

- Du moins, vous avez tué ce Cipher-, rajouta Dunmeist.

- C'est impossible... Ils ne peuvent pas revenir... Le Virus Obscur a été détruit... Plus aucun Pokémon ne le porte...

- Je n'ai jamais parlé de Pokémon, souffla-t-il.





[...]





- Je... J'ai un frère ? J'ai une sœur ? Quel autre humain pourrait porter le Virus ?

- Ah, un frère ou une sœur caché ! Tiens, j'aurais pu le faire, ça, mince, fit le Destin en claquant des doigts. Bon, on va dire que c'est trop cliché, que je l'ai fait trop de fois auparavant, et qu'alors mon esprit ultra-original n'y a même pas songé. Oui, donc, non, pas de frère, pas de sœur. Tu mets en doute les talents de Teck pour avoir réussi à trouver l'unique porteur du Virus ?

- ...Mais...J'ai été purifié...

- Ah oui...? Qui t'a dit ça ?

J'allais dire "Teck". Mais j'enchaînai trop de stupéfactions pour pouvoir prononcer son nom.

- Haha ! Teck t'a dit ça ?! Autrement dit, le même mec qui t'a fait croire que la Faiblo Ball de Heatran renfermait "ton" Zekrom ? Tu l'as vraiment cru lorsqu'il t'a dit que son Purificateur allait t'enlever la Virus Obscur ? Il l'a copié, oui. Te l'enlever... Non, non, tu étais bien trop précieux à ses yeux. Il savait que tes amis et toi représentiez un danger ; si vous arriviez à détruire Cipher - ce que vous avez fait - le Virus Obscur aussi aurait été anéanti. Te laisser ce Virus dans l'esprit permettait ainsi de laisser à Cipher une chance de renaître, plus tard...

- Vous voulez dire que je vais encore me faire enlever ? Que je vais encore me faire transformer en Pokémon pour qu'on puisse me reprendre le Virus, et refaire des Pokémon Obscurs ?

- Ça, c'est à voir, fit Dunmeist d'un air nonchalant. Ce qui est sûr, c'est que, comme tu le vois, Cipher domine le monde dans le futur, puisque Julie est toujours là. La suite, je te l'ai racontée. Tu voudras empêcher à nouveau Cipher, et tu échoueras, encore une fois. Tu voudras remonter dans le temps, ton fils deviendra la fondateur de Cipher, ta petite-fille sera envoyée ici... Et caetera, et caetera.

Il marqua une pause.

- La seule chose qui a changé par rapport au plan initial, c'est Zekrom. Je crois que maintenant, dans notre futur, le fait que tu sois coupable de la mort de Zekrom te poussera plus personnellement encore dans ta volonté de remonter le temps que dans les futurs d'avant, ou tu souhaitais uniquement arrêter Cipher. Cela dit, ça reviendra au même : tu meurs dans l'explosion de ta machine et ton fils est envoyé dans le passé. Je l'ai décidé, après tout.

- Donc, si je comprends bien... Je suis le seul à être la cause de tout ce qui nous arrive...

- Disons que tu es le seul à porter le Virus, donc oui.

Machinalement, je portai le revolver à ma tempe.

- Donc, si je comprends bien, si je me tue... Il n'y a plus de Cipher.







[...]








- Hm. Voilà quelque chose d'intéressant, opina le Destin.

- Hein ? Hein ? C'est bien ça ? demandai-je, exténué.

L'embout rond du canon tremblait contre ma tempe. Le soleil me cognait dur. Je me demandai pourquoi est-ce qu'il ne se couchait pas plus vite. C'était désagréable, en parlant de son suicide.

Le Destin ne me répondit pas.

- Alors ?! m'écriai-je, à bout de souffle. ALORS ?

La silhouette ne bougea pas.

- Alors, dit-il enfin, à toi de voir ce que tu fais de cette dernière balle. Elle peut être là juste pour toi, en effet. Est-ce que tu dois mourir ici, plutôt que dans l'explosion de ta machine, désespéré, rongé par la culpabilité ? Est-ce que ton suicide est prévu dans mes plans, et est-ce que Cipher dominera quand même le monde avec les Pokémon Obscurs par un moyen dont je ne t'ai pas parlé ? Julie est bien là, après tout... Ou alors, en effet, est-ce au moment où tu appuieras sur la gâchette et que tu éradiqueras toute possibilité de renaissance des Pokémon Obscurs que Julie disparaîtras, signant par ta mort celle de Cipher ? ...Qui sait ce que nous réserve le Destin ?

Le revolver était armé. Ma main tremblait. Mon index était sur le petit pressoir de métal, et la balle prête à partir. Le Destin reprit, avec ses questions :

- Vu que tu es le père de Teck, et que Teck a joué un rôle primordial dans la création de XD001, et que tout porte à croire que Lugia est ton père - qui sait ? -, est-ce que te tuer créera un paradoxe temporel, puisque, mort, tu ne peux avoir d'enfants, qui ne peuvent obscurcir Lugia, qui ne peuvent te faire naître, et tu n'as donc pas pu te tuer ? Ou est-ce que, peu importe ce que tu fasses, Cipher dominera le monde, et qu'il vaut mieux que ta culpabilité envers Zekrom s'arrête là ? Qu'est-ce que ta mort changerait, dans ce monde ?

Je... Je...

- Qu'est-ce qu'une seule balle changerait ? Qu'est-ce qu'une seule décision, prise sur un petit chemin de terre, au bord de la mer, face à soi-même, changerait pour le destin du monde ?


...Mon esprit était fatigué.


...J'avais tué Zekrom.


...J'étais au bout du bout.


...J'en avais marre.


...Je voulais en finir.


...J'appuyai.