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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 11/08/2015 à 10:45
» Dernière mise à jour le 25/08/2017 à 15:34

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XXIV - 3 - A bout de souffle (2/2)
La Ball verte cerclée de marron arriva à son sommet, se scinda, puis s'écarta en deux. L'éclair de matérialisation s'échappa vers le terrain, et donna forme sous nos yeux à une créature terriblement massive. La bête se tomba à terre sur quatre grosses pattes en croix. La forme prit soudain ses couleurs : nous nous retrouvâmes face à un Heatran bouillonnant, qui laissa détoner un rugissement tonitruant.

Le monstre était incroyable. Mais le monstre n'était pas Zekrom.

- Ce n'est pas lui, Chris ! m'alerta Julie. C'était du bluff ! Il est encore temps...!

- VOUS N'ARRIVEREZ JAMAIS À VAINCRE MON HEATRAN OBSCUR ! VOUS PERDEZ VOTRE TEMPS ET VOTRE VIE !

Teck avait explosé sur le coup. Je ne sais pas s'il s'en rendit vraiment compte. Sérieusement en colère, le scientifique eut sa mèche agitée par la fureur.

- ALAKAZAM, KINÉSIE NOIRE ! Montre à ces gamins qu'on ne s'oppose pas impunément à Cipher !

Le Pokémon Psy qui lévitait toujours avec cette expression affligeante tendit ses cuillères vers notre camp : à l'aide de ses pouvoirs psychiques, il les plia en deux avec une obscure volonté instinctive. Crocrodil et Shaymin furent brusquement aveuglés, durant un laps de temps trop court pour les paralyser plus longtemps que cela. Julie s'écria, à mon attention :

- Il vient de baisser leur précision de manière considérable !

Merde ! Si Alakazam avait lui aussi été mis à mal avec Chute Noire, voilà comment il comptait s'en moquer : en se rendant plus difficile encore à toucher !

- Heatran, enchaîne avec Brume Noire !

- Shaymin, Attraction sur Heatran !

- Crocrodil, Danse Draco !

Le Pokémon Caldeira s'avança au milieu du terrain, ses multiples pattes galopant lourdement ; son corps de lave ronfla, luit de ténèbres, et Heatran Obscur vomit un torrent de fumée âpre par son masque d'acier. Crocrodil fit quelques pas de breakdance stimulante, avant d'être complètement engouffré dans le brouillard redouté ; Shaymin avait sauté, pris une tête mignonne et envoyé un bisou à l'adversaire : un cœur rose s'envola vers Caldeira mais passa bien à côté, avant que la Brume Noire qu'il crachait ne couvre complètement notre vue, et nos Pokémon avec.

- Faites gaffe ! criai-je. Restez le plus possible en mouvement !

- Revenez vers nous ! renchérit Julie. Il ne faut pas qu'on vous perde de vue !

- Courez autant que vous voulez ! menaça Teck. Alakazam ! Folie Noire !

Je ne vis pas le Pokémon Psy lancer l'attaque ; tout ce que nous vîmes, avec Julie, fut une ombre scintiller puissamment d'un mauve obscur.

- Il va les rendre confus ! me prévint-elle.

- Tiens-bon, Crocrodil !

Heureusement, nous vîmes les silhouettes de nos Pokémon se rapprocher de nous ; leur esprit fut néanmoins touché par les ondes psychiques, et après être tombés à mettre sous le choc mental, Mâchoire et Gratitude se relevèrent en vacillant d'une patte sur l'autre.

- Merde ! jura l'espionne. Shaymin, retente Attraction, sur Alakazam cette fois !

Elle ordonna à Gratitude de réitérer sa capacité irrésistible, pourvu qu'elle touche - mais pourquoi ne l'avait-elle pas rappelée ? Avait-elle une stratégie en tête, ou comptait-elle sur sa chance malgré le statut de Minshya ? Voir tant d'empressement et de volonté d'en finir rapidement m'influença sûrement dans les impératifs que je déclamai par la suite.

- Crocodil ! Attaque Mâchouille sur Alakazam !

Je vis mon Pokémon Eau bondir, tous crocs dehors et la gueule assombrie de l'attaque Ténèbres ; mais j'aurais été sans doute plus satisfait s'il avait bondi vers Alakazam, et pas contre le mur. De son côté, Shaymin avait bondi et fais de nouveau un bisou, mais que ce fût la Brume Noire, les effets de Kinésie Noire ou la confusion de Folie Noire, les chances minimes qui pouvaient lui rester passèrent à la trappe. Entre deux bouffées de fumée - qui commençait à nous faire tousser, ma coéquipière et moi - j'entraperçus le cœur rose envoyée par l'adorable Minshya voleter avec d'adorables courbes vers Crocrodil. Mon Pokémon Eau se relevait alors dans le brouillard après s'être blessé dans sa confusion, et recommençait à rester en mouvement, comme Julie leur avait conseillé ; mais il fut sûrement très étonné de voir Attraction lui filer dessus. Malgré l'épaisseur de la fumée en certains endroits, je vis Attraction atteindre Mâchoire, et le gros cœur qui éclata ensuite était signe qu'elle l'avait touché, lui.

- Aaaah non ! m'écriai-je en serrant les dents.

Ma coéquipière s'en rendit compte aussi.

- Merde !

Je m'imaginai Crocrodil avec l'amour dans ses yeux, en train de chercher vainement son coup de foudre - il suffisait que l'Alakazam ou que le Heatran Obscurs s'en rendent compte pour en profiter... Mais je ne voyais rien sur le terrain, bon sang !

- Rah, cette foutue Brume ! Il faut s'en débarrasser !

Mais aucun de nos Pokémon n'avait d'attaque Vol, ou d'autre moyens de-

- Oh, j'ai une idée ! s'exclama Julie.

- SHAYMIN, UTILISE FULMIGRAINE !

Shaymin avait réagit au quart de tour. Je fus surpris de voir la Brume Noire se dissiper au moment où le sifflement de chargement de Fulmigraine résonna dans la pièce. Mais oui ! pensai-je soudain. Shaymin allait pouvoir nous en débarrasser ! Puisqu'en effet, le buisson draconique était en train d'absorber toute la pollution ambiante, chargeant ainsi davantage de puissance : la Gracidée bleue autour de son coup aspirait, aspirait, et bientôt plus aucune particule Brume Noire ne serait répandue dans notre camp ! Tout réapparaissait peu à peu dans ce hangar : le Heatran déchaîné, le terrifiant Alakazam, Shaymin chargée à bloc et souriant maléfiquement, et Crocrodil, qui... Qui... Se tenait prêt à se mettre à l'abri ?

...Il n'était pas censé être tombé sous le charme d'Attraction ?

- Heatran, Ardeur Noire sur Shaymin !

Entre les quelques fumerolles noires restantes, le Pokémon de magma rugit dans un gargouillis horrible, et la lumière corrompue émise par la masse de roche en fusion nous parvint depuis le camp adverse. Une boule de feu incandescente, surchargée d'énergie Obscure, perça à travers la Brume Noire.

- PRENEZ ÇA, BANDE DE GLANDS !

Minshya avait prévenu. Elle scintilla d'émeraude, et relâcha toute la puissance emmagasinée. Ce fut formidable. Une soudaine explosion de chlorophylle déflagra depuis sa position, et balaya tout dans un rayon que je ne lui connaissais pas. Avec une telle puissance et une telle portée, Julie devait bien se moquer des effets de la Folie ou de Kinésie Noire, et avait réussi à nous débarrasser de la Brume. La vague émeraude surpuissante déferla, et alla frapper Heatran Obscur avec toute sa force ; quant à Alakazam, il voulut l'esquiver, mais resta balayé par les dernières particules purificatrices. Je mis mon avant-bras au-devant de mon front pour résister au souffle et à l'éclat de l'impressionnante Fulmigraine ; je sentis un poids contre mes mollets et remarquai que Crocrodil avait couru s'abriter derrière moi.

La courte et redoutable explosion prit fin ; le silence retomba avant les poussières au sol. La jeune femme brune et moi vîmes Shaymin, pliée sur ses appuis, assez salie, le souffle lourd ; mais elle était toujours debout, et son air déterminé comptait bien le rester pour un bout de temps.

- Bravo, Shaymin ! s'enthousiasma Julie.

La concernée, sans se retourner, s'apprêta sûrement à provoquer de nouveau le camp adverse, mais elle fut coupée dans son élan. La poussière soulevée s'évanouit à terre : Heatran se tenait là, en face, semblant toujours aussi fort, toujours aussi bestial. Il poussa un nouveau rugissement cruel, qui fit cette fois trembler le sol. À cause de sa face protégée d'acier, je n'avais pu le noter auparavant, mais désormais son regard fou et ses mouvements de pupilles saccadés me firent mal au cœur. Je m'attendais à ce que l'attaque Plante, bien que phénoménale, ne soit quasiment pas efficace face à un Pokémon Feu et Acier, sans parler des aptitudes défensives de celui-ci. Ce n'était pas le voir debout, rutilant et bouillonnant, comme s'il était intact, qui me gênait (contrairement peut-être à Julie ou Shaymin). C'était le voir aussi insensible et sans doute même inconscient de ce à quoi il venait de résister qui m'effraya. Personnellement, j'aurais trouvé la beauté du Pokémon dans l'air fier et défiant qu'il aurait pris après avoir si peu pris de dégâts ; je n'en trouvais aucune dans cette bête hargneuse qui s'époumonait parce que ses instincts de survie embrouillés surgissaient.

En ce qui concernait Alakazam, dire qu'il revint sur le terrain en lévitant, l'air aussi impassible que son maître, suffira. Le Ciel Noir, qu'on aurait bien préférer oublier, nous rappela sournoisement sa présence en saupoudrant le terrain de ses particules obscures et blessant nos deux Pokémon. Crocrodil était revenu sur le terrain pendant ce temps, et malgré le mal atmosphérique, il bondissait sur place comme lorsqu'il était Kaïminus, mais en donnant de petits coups de pattes, comme un boxeur ; il était toujours bien boosté par sa Danse Draco. Sa confusion semblait avoir disparue, contrairement à Shaymin qui semblait encore chercher ses marques.

- Profitons-en, déclarai-je ; attaque Alakazam avec Mâchouille !

Crocrodil trépigna rapidement, et se mit à sprinter vers le Pokémon Psy.

- Vous n'apprendrez donc jamais, envoya Teck avec un certain dédain. Alakazam, Psyko Noir.

Les yeux hallucinés du Pokémon jaune scintillèrent de l'aura malsaine ; Alakazam tendit rapidement ses cuillères en poussant un "Ala !" qui créa un champ de force autour de Crocrodil.

- Vite, Shaymin, aide-le ! Attaq-

- Non ! Elle est encore confuse ! m'exclamai-je en arrêtant Julie. Elle pourrait toucher Crocrodil !

- Pas de souci, je vais le sauver, moi ! nous cria Gratitude quand même, sans même nous regarder, puisque complètement paumée.

Puis, elle se mit à courir au hasard avec un "TAÏAUT !" et, bien entendu, finit par aller se manger le mur à l'opposé. En attendant, mon Crocrodil fut arrêté en pleine course par la force psychique primitive du Pokémon Obscur, et envoyé dans les airs, incapable de bouger.

- Heatran, Ardeur Noire sur le buisson à pattes avec des écailles, là, par terre.

- SHAYMIN !

Elle venait tout juste de se relever de son choc contre ce mur idiot. Nous vîmes cette fois Heatran exécuter l'attaque sans être caché par sa Brume Noire : le Pokémon Caldeira grogna, et en ayant à peine inspiré, il ouvrit grand sa gueule de fer pour en expulser une boule de feu chargée d'énergie Obscure. L'attaque traversa la distance qui le séparait de la forme Mythique de Shaymin aussi vite qu'une étincelle, avec une traînée de braises dans son sillage. Elle frappa Gratitude en la calcinant brutalement ; elle hurla sous le coup, fut projetée, et rebondit en dérapant à terre avant de s'arrêter contre un rocher tombé depuis Éboulement.
Julie fixait mon Pokémon avec un regard anxieux ; elle se mordait les lèvres. Alakazam passa à la suite du Psyko ; il croisa les cuillers en soufflant un lourd "KAZAM !" et Mâchoire se tordit de douleur devant nos yeux impuissants.

- Crocrodil...!

Je ne pouvais rien faire de mon côté, mon Pokémon était à la merci du cerveau obscurci d'en face ; les vagissements de douleur de Crocrodil firent néanmoins se lever les pointes blanches et vertes des oreilles touffues de Shaymin, et celle-ci, péniblement, se redressa sur ses quatre pattes parsemées d'écailles bleues. Elle souriait à plein crocs, et fusillait Heatran du regard, malgré son extrême abattement.

- Ah... Ah... C'est tout... C'est tout ce que tu peux faire...?! Vous attaquer à mes amis... Au lieu de vous mesurer à moi... Ah...

- C'en est exaspérant, souffla Teck en relevant ses lunettes noires.

- Ah... Vous... Vous ne vous en tirerez pas... !

- Sa confusion ! remarquai-je. C'est le moment !

Julie inspira, et s'exclama avec importance :

- SHAYMIN !

Et, au moment où Teck commanda :

- Heatran, une bonne fois pour toutes, attaq-

Je vis la Dresseuse tendre sa main en avant, et, déchaînée dans ce combat, elle coupa la parole à son père.

- DRACO MÉTÉOR !

Shaymin fut alors enveloppée d'une intense source d'énergie draconique, et planta ses griffes dans le sol. Un tourbillon de brillances dorées naquit en son sein, et la Gracidée bleue scintilla vivement. Elle releva la tête avec grâce, jeta sa mèche d'herbe en arrière, et rugit un boulet d'énergie concentrée, qui siffla magnifiquement vers le Ciel Noir. Arrivé à son point culminant, le boulet explosa avec une force ébouriffante, pour mieux se disperser en dizaines de météorites pleines de l'énergie Dragon accumulée. L'attaque déferla sur le camp ennemi en sifflant toujours et en faisant sauter les dalles malencontreuses sur leur chemin. Je tournai la tête et je vis Julie, avec le regard planté dans ce futur lumineux, le futur qui allait pleuvoir sur l'ennemi. Ses cheveux avaient été soufflés maint fois depuis le début du combat, et son profil d'espionne convaincue de rendre justice me fit ressentir, je crois, ce que j'avais ressenti dans un futur alternatif, pour cette même personne. Je me rendis compte que je ne l'avais pas embrassée pour nous porter chance. Je me dis que cet oubli n'était rien comparé au spectacle que menait cette jeune femme à cet instant précis.

Je ne fus en revanche point étonné par le côté badass que la situation lui donnait. Ordonner un Draco Météor inattendu à un Pokémon qui le valait bien, j'aurais même pu le faire à sa place. Je l'avais lu sur le Pokédex, moi aussi, hm.

La déferlante de Draco Météor bombarda donc le camp adverse de toute sa superbe. Le Heatran Obscur tenait diablement bien, son crâne d'acier baissé, rigide comme une pierre ponce, et imperturbable face aux impacts. Je suivis du regard les météorites qui chutaient vers l'Alakazam Obscur, qui étaient alors le seul espoir de Crocrodil. Alakazam avait pris connaissance de l'arrivée de l'attaque, sans même tourner sa grande tête ou vibrer ses longues moustaches jaunes. Il dirigea subitement l'une de ses pattes tenant une inconditionnelle cuiller vers la salve qui arrivait vers lui. Les Météor reluirent de violet, et furent brusquement freinés.

Je n'en revins pas. Il arrêta le Draco Météor. Son "Psyko Noir" avait arrêté le Draco Météor. Le Draco Météor de Shaymin, qui était un Pokémon fabuleux... Lorsque la plus puissante des attaques Dragon fut complètement tombé, le Heatran semblait n'avoir rien pris (je savais que là encore, ce n'était pas très efficace à cause de son type Acier...), et l'Alakazam retenait tout bonnement les derniers projectiles luminescents, sans avoir desserré une seule seconde le champ de force qui paralysait de douleur le pauvre Crocrodil. Julie restait aussi coite que moi face à une telle puissance psychique.

Teck tendit un bras vers Psy :

- Alakazam, finit-le.

Et un autre vers Caldeira :

- Heatran, débarrasse-moi d'elle avec Ardeur Noire.

Alakazam ne fit que retourner sa cuiller aux côtés de sa jumelle, en ramenant d'un coup sec la main qui tenait les Draco Météor vers celle qui tenait Crocrodil. L'effet fut immédiat : les projectiles draconiques furent envoyés furieusement contre mon Pokémon Eau. Enfin libérés, ils explosèrent à l'impact ; Crocrodil couina, valsa et retomba violemment contre des dalles précédemment défoncées.

- CROCRODIL !

Le Ciel Obscur se fissura à ce moment là, avant de s'évaporer ; toute l'obscurité retomba doucement, menaçant d'ultimes dégâts récurrents. Heatran, bien plus rapide que ces caprices atmosphériques, fit remonter son feu intérieur par sa gorge massive, et il cracha une nouvelle boule de feu obscure, qui déferla vers Shaymin.

Julie ne perdit pas la moindre micro-seconde, à peine avait-elle vu le Pokémon Caldeira réagir aux autres de son Dresseur qu'elle avait demandé d'exécuter, non sans une certaine tension :

- VOEU SOIN !

Shaymin s'était elle aussi exécutée à la perfection, et m'étonna une dernière fois. Elle brilla d'une aura chaude et lumineuse, avant que cette enveloppe ne s'élève vers le ciel comme une étoile. Éclairée à la fois par cette lueur, mais également par la rougeur de Ardeur Noire qui brûlait vers elle, Gratitude trouva la force de prononcer :

- Bah, ça vaut mieux pour eux, tiens. Ils n'auront pas à subir mon cour- rGH- !

Elle défaillit. L'Ardeur Noire toucha, et carbonisa à son impact.

Toutes les particules obscures tombèrent sur la surface du hangar comme un linceul. Elles touchèrent Crocrodil. Elles recouvrirent Shaymin.

Julie, essoufflée par le stress, tendit la Compét Ball vers Gratitude, et la rappela avec beaucoup de solennité.

- Reviens, Shaymin.

Le rayon rouge soupira dans le bruit électronique propre, dématérialisa le corps évanoui de Minshya et la fit revenir en sécurité. La jeune femme brune regarda la Ball dans sa main :

- Merci infiniment. Tu t'es surpassée.

Moi, je restai concentré sur Crocrodil. Il était à terre.

- Crocrodil... S'il-te-plaît... S'il-te-plaît... Je sais que tu peux te relever...

- Chris, commença Julie, rappel-

- NON ! m'écriai-je, en essayant de ne pas paraître trop brusque. Je sais qu'il peut !

A cet instant, une particule perdue de Ciel Noir descendit du plafond. J'avais les yeux rivés su Crocrodil. Je le vis bouger une patte. Puis l'autre. Puis, enfin, il gratta le sol avec une patte antérieure, mit les griffes au sol, et commença à se redresser.

- Oui, oui ! C'est ça, Crocrodil !

- Chris...

- CHUT ! JE SAIS QU'IL PEUT Y ARRIVER ! JE SAIS QUE...

La petite particule d'ombre voltigea vers Crocrodil. Elle se déposa sur son Ruban Joie. Mon Ruban Joie. Crocrodil flancha ; se retint, un poing dans la poussière. Il releva son museau rond. Il poussa un profond rugissement. Il étincela.

Mouahaha, je le savais, je le savais, je le savais tellement ! Je le connaissais après tout, ce Ruban Joie adoré !

Alors que j'étais dans une jubilation mêlée d'excitation, Julie fut époustouflée par mes prévisions, et Teck s'en moquait. Le centre d'attention était cet être trapu, grandissant et grossissant qui prenait forme dans le glorieux éclat de l'espoir ; la lumière de l'évolution. Ravivé par la lueur et exsudant un tourbillon de pouvoir ancestral, mon Pokémon Mâchoire se releva, se grandit sur deux pattes musclés et massives ; son dos se développa, se voûtant, ses omoplates sortant, et son épine dorsale doublant de taille ; le reptile passa d'un peu plus d'un mètre à une taille de presque deux mètres et demi. La lumière explosa sans dégâts, et un grand et costaud Aligatueur fit place. Il rugissait toujours, et désormais pouvait se vanter d'avoir une carrure des muscles conséquents pour impressionner l'ennemi. C'était splendide. Gosse, je m'aurais fait dessus.

Julie put résister à la tentation de sortir le Pokédex. Je l'aurais eu, je l'aurais pointé immédiatement vers mon Aligatueur (PRÉHISTORIQUE, ose-je le rappeler, huhu), juste pour l'entendre dire ce que je savais déjà, pour parler de lui, et pour me dire que le mien était encore plus beau et meilleur que celui qui s'afficherait en photo.

Julie dut sûrement me trouvé retombé en enfance, avec cette énergie et cette excitation soudaine qui m'habitèrent pendant cette évolution et les secondes qui la précédèrent. Je m'en moquai ; j'en profitai. C'était peut-être la dernière fois que je pouvais le vivre, alors je ne pensai plus à rien, me revis à la Ligue Hoenn, à la Ligue Sinnoh, à la Ligue Pokémon Mondiale ; je ressentis enfin le match, sans plus d'autres conséquences que la victoire ou la défaite, preuve immémoriale de la société humain - Pokémon. J'étais comblé.

Elle, un peu perturbé par mes émotions, décida de renvoyer Colhomard d'une manière qui m'échappa totalement, vu comme je piaffai d'impatience en ce moment. Je le vis le faire guérir du Poison Noir et retrouver sa pleine forme quand il arriva à terre avec la même aura chaude et lumineuse dans laquelle Shaymin avait laissé ses ultimes forces du match. Crapule se retrouva donc à faire équipe avec ALIGATUEUR (quel nom de roxxor, bon sang !), et ils faisaient toujours face aux deux méchants pas beaux.

- DANSE DRACO ! m'écriai-je.

Déjà qu'il ressentait toujours les effets de la dernière, voilà qu'il nous fit une petite démonstration pas piqué des Couaneton, qui aurait faitcraquer n'importe quel Jury de Concours sensé. Je vis les Bulles d'O de Colhomard filer vers les adversaires afin de les distraire, ou de les attaquer. Heatran contra avec une Ardeur Noire qui évapora les boules d'eau luisantes, sans pour autant remonter jusqu'à la pince de Crapule (il ne fallait pas exagérer) ; et l'Alakazam Obscur frima de nouveau avec ses pouvoirs psychiques en arrêtant celles qui lui étaient destinées en plein vol. Il fallait qu'on se débarrasse de ce Pokémon ! Si Heatran nous tenait tête avec ses résistances, nous n'avions pas de mal à l'attaquer ; Alakazam, par contre, commençait sérieusement à me courir sur le haricot, avec ses Folies, Psyko, ou autres Trucs Noirs ; impossible d'être assez rapide pour le toucher au corps à corps, et les attaques à distances, il les contenait dans...

Hé... Attendez, mais... Et, si Colhomard... Oh, oh, oh... J'eus, soudain, une tellement bonne idée !

- JULIE ! m'écriai-je, surexcité.

- Quoi ?! Qu'est-ce qu'il te prend, là ?!

- Je compte sur toi pour suivre le courant ! lui lançai-je en faisant un clin d'œil.

Elle me regarda comme si j'étais un pauvre ahuri. Je m'en fichai, je me redressai, de la sueur sur le front, et j'ordonnai, heureux :

- ALIGATUEUR ! HYDROCANON !

Mon Pokémon Mâchoire écarta les bras, bomba le torse, inspira fortement, et tira une grandiose trombe d'eau sous haute pression qui fusa vers Alakazam. Il fallait que Teck réagisse s'il ne voulait pas perdre son Pokémon, et j'étais certain qu'il ne se doutait de rien. Je le voyais me regarder bizarrement depuis l'évolution de Crocrodil, et il me parut, pour la première fois, déstabilisé - mais sans doute était-ce encore mon imagination en ébullition. En tout cas, il fit sa première erreur du match.

- Vite ! Psyko Noir !

Alakazam voulut arrêter le jet d'eau avec ses pouvoirs psychiques, mais ce fut inefficace ; les particules d'eau propulsées à une vitesse folle lui glissèrent entre les champs de force. Il s'en rednit compte avec un "ALA ?!" qui me fit sourire. Le Pokémon Psy se prit de plein fouet la trombe d'eau, qui le poussa avec une force inattendue contre le mur du fond, et le retint ainsi prisonnier.

- Maintenant ! criai-je à Julie.

Et, entre deux mèches brunes perdues dans le décryptage de mon message, elle eut un vif éclair de génie. Je la vis réagir aussi sec.

- COLHOMARD, UTILISE CASCADE SUR HYDROCANON !

Crapule, d'abord surpris par cet ordre, ne cependant laissa pas Aligatueur se fatiguer plus longtemps et courut en cliquetant des pattes vers le pont d'eau que j'avais créé pour lui. Il se jeta dans le jet d'eau massif, reparut pendant unn fraction de seconde glisser à sa surface, et fuser avec une impulsion qui dépassait n'importe quel temps de réaction. La vitesse de Cascade sur un cours d'eau était additionnée à celle qu'il gagnait en suivant le courant. Transformé en missile rouge imparable, il cogna donc avec force l'Alakazam, déjà enfoncé dans le mur et soumis à l'Hydrocanon. Crapule utilisa la force du choc pour bondir dans les airs, et faire un salto digne d'un MOCLASM. Je demandai à Aligatueur de cesser ; Psy se retrouva à terre, et Colhomard en l'air. Puis Julie se rua sur l'occasion, et, je l'entendis crier, à ma grande surprise :

- IKE ! TRANCHE-NUIT !

Colhomard, en plein saut, leva une pince obscure vers le plafond. Elle atteignit son apogée, et étincela de ténèbres. Puis Crapule fondit sur l'Alakazam, complètement apeuré, où il abattit sa pince dans un formidable mouvement. Le coup fut sourd et incroyable d'agilité et de force.
Crapule retomba sur ses quatre grosses pattes de crustacé. Aligatueur reprenait un peu son souffle. Ni Teck ni Heatran n'avait rien vu venir. Notre combo s'était déroulé en à peine cinq secondes. Et il avait, évidemment, fonctionné à merveille. Alakazam tomba à terre, des zigouigouis au-dessus des moustaches.

- YEAH !

J'avais beuglé ça. Julie ne m'avait pas suivi dans ce cri d'engouement ; elle était occupée à respirer.

Notre adversaire en blouse longue était resté implacablement neutre mais incapable face à notre coup fabuleux. Pour la peine, il riposta derechef.

- HEATRAN, montre-leur ce qu'il en coûte ! Noie-les dans ta Brume Noire !

Le Pokémon Caldeira, dernier rempart inexpugnable nous séparant de la victoire, fit trembler le sol sous ses pattes en croix et galopa lourdement jusqu'au centre du terrain. Alors que je m'attendais à ce que la masse bouillante de magma vomissent encore cette foutue brouillasse Obscur, là le type Feu/Acier l'émit par les taches de lave qui parcouraient son corps massif. Une Fumée Noire plutôt, épaisse et plus dense encore que les simples Brumes que nous avions eues jusque là, envahit notre moitié de terrain ; elle se diffusa dans un soufflement grave. Nos Pokémon Eau furent littéralement enfumés, encerclés par ces poussières lourdes, chaudes, qui nous parvenaient par vagues et nous étouffait, Julie et moi.

Non non non ! Je refusai qu'ils se perdent encore dans ces vapeurs opaque de merde ! J'avais placé deux Danse Draco ! Mon Aligatueur pétait le feu ; il fallait absolument que j'en profite !

- Reste en mouvement ! préconisai-je. Essaie de retrouver ce Heatran, et frappe-le avec Mâchouille ! Mets tes boosts à profit !

Je vis la silhouette pataude de mon Aligatueur courir ici et là avec une célérité impressionnante pour une telle carrure. Je finis par le perdre de vue, bien que j'entendais tout ses grognements et le pas de ses gros pas rapides contre les morceaux de dalles.

- Smith, balance Bulles d'O ! Essaie de retrouver Heatran !

À côté de Mâchoire qui sprintait, je voyais donc des lumières bleues à répétition, qui allèrent s'enfoncer plus profond encore dans la poisse ambiante. La lueur de roche en fusion de Heatran ne nous parvenait même plus ; nous ne savions pas où il se cachait. Un Pokémon de cette taille, bon sang !

Entre les bruits de mon Aligatueur en pleine chasse et de Colhomard qui tirait par rafales un peu au hasard, nous entendîmes, de l'autre côté du hangar, le soupir d'un retour dans une Poké Ball. Nous devinâmes qu'il s'agissait de Teck qui rappelait son Alakazam déchu, mais ne pûmes apprécier une quelconque réaction de la part du scientifique à l'égard de son Pokémon Psy. Voir pendant ce temps mon Aligatueur chercher vainement quelque chose pour se défouler alors que je savais qu'il n'avait qu'à le retrouver pour faire mal, très mal, me mit dans une rage subite. Il fallait qu'il le retrouve, viiiiiiiiite, avant qu'il n'arrive je ne sais quoi, bon sang !

- Heatran ! clama la voix claire de Teck. Il est temps !

Il marqua une courte pause. Un bref impératif fut hurlé.

- VORTEX NOIR !

Sur le coup, je ne sais pas exactement ce qu'il se passa. On entendit une puissance s'accumuler avec un bruit aigu, puis être relâchée. Tout était encore perdue dans cette Brume Noire sale et épaisse, lorsqu'une explosion catastrophique enflamma le nuage Obscur, et fit l'effet d'une bombe. Un boucan assourdissant agita la Tour de Contrôle. Le souffle brûlant nous envoya contre la porte d'entrée ; je me cognai l'arrière du crâne, et la gravité me flanqua au sol. Je geignis, et essayai de me relever. Latias, qui s'était rapidement remise, ou je ne sais quoi, vint m'aider en me tendant sa patte rouge. Nous vîmes Julie à terre, et alors que l'Éon allait l'aider à son tour, celle-ci se releva seule, aussi esquintée que moi. Je tournai la tête vers le terrain. Le sol et les murs étaient brûlés, le plafond s'était écroulé par endroit, dévoilant les soutiens de l'étage dessus.

À terre, Colhomard, inconscient, avait une de ses pinces fissurées, pressée par un éboulis. Les rochers des anciens Éboulement étaient rouges et sifflaient d'une chaleur horrible. Aligatueur gisait sur le sol, ses épaisses écailes bleues étaient noires de suie. Je vis mon Pokémon rudement amoché. Il me parut avoir été très gravement brûlé. Au milieu des fumerolles qui restaient dans l'atmosphère sulfureuse, le Heatran Obscur demeurait là. Il bouillait en maître, roi implacable et inconscient de ses horreurs qui avaient éliminé les forces adverses.

Je le vécus comme un dur retour dans cette réalité, métallique et imprenable. Le choc sur mon crâne, puis la vision de mon Aligatueur brûlé, à la merci d'un tel monstre, me flanqua une sale baffe. Ce n'était pas un match. Il n'y avait pas d'arbitre pour arrêter le combat. C'était une lutte cruelle, une bataille féroce, qui décidait du sort de notre monde. Toute la tension dans notre mission, Cipher, Ténébscuriax, Lugia, Zekrom, les Pokémon Obscurs, cette Tour de Contrôle, le futur de souffrance qui était suspendu au-dessus de nos consciences comme une épée de Damoclès ; tous ces enjeux, ce sérieux, cette gravité, revint me serrer la cage thoracique, et m'oppresser le rythme respiratoire. Je ne savais s'il s'agissait encore des restes viciés de la Brume Noire explosive, mais j'avais l'impression que mes artères s'empâtaient, se bouchaient. Je trouvais, quelque part, le force de tendre mon bras et de rappeler Aligatueur, en même temps que Julie fit revenir Smith.

- 1 à 2, annonça Teck en remontant ses lunettes teintées. La démonstration sera bientôt terminée.


Je... Je remerciai Aligatueur. Il devait savoir à quel point ses actions sur le terrain m'avaient rendu fier de lui.

Mais j'avais peur. Peur d'envoyer mon dernier Pokémon au combat.

Julie se retourna vers le Pokémon Éon, qui était restée assez muette pendant toutes ces démonstrations de force - ce qui ne l'avait pas empêchée de venir m'aider personnellement à deux reprises déjà.

- Latias, lui dit Julie. C'est le moment. Tu es la seule qu'il me reste pour ce combat.

La petite amie de mon ami hocha la tête.

- Je sais. Je vais le faire. Pour Zekrom.

Elle s'avança sur le terrain, face à Julie, et se mit en position. Elle considéra le Heatran Obscur, flamboyant d'un magma corrompu, et ses petits yeux sans personnalité.

- Je suis prête, prévint-elle simplement.

Elles n'attendaient toutes les deux plus que moi.

Je devais prendre ma Super Ball, et l'envoyer au combat. Je ne réfléchis plus. Je m'exécutai. J'agis mécaniquement, avec moins de conviction en notre victoire que d'obéissance à un destin que j'étais contraint d'affronter. Je m'étais juré de ne plus m'en plaindre. Je m'étais juré d'y faire face. Étreinte arriva gracilement sur le terrain, une grande fée invoquée au milieu d'un pays désolé, tombé dans les feux d'un tyran.

- Gardevoir... Je crois en toi ! m'exclamai-je.

Elle ne me répondit pas tout de suite ; elle respirait calmement, en portant une patte au collier de Latios.

- Je suis prête, assura-t-elle finalement, avec la même conviction que Latias.

Et le père de Julie tonna :

- VOUS ALLEZ REGRETTER D'AVOIR PERDU VOTRE T-

- LATIAS, BALL'BRUME !

L'Éon rouge releva le cou et sa tête profilée, elle chargea une sphère de brume éclatante devant sa gueule, et l'envoya promptement. La balle fusa jusqu'à toucher Heatran de face, où elle explosa en vapeurs lumineuses. Mais qui n'étaient rien comparé à ce que Teck décida de nous balancer à nouveau.

- HEATRAN, ENVOIE TA BRUME NOIRE !

Le Pokémon Caldeira rugit avec la force d'un volcan, et expulsa la fumée noire et acide par ses fissures.

- LATIAS, ANTI-BRUME, MAINTENANT !

Notre amie prit de l'altitude à une vitesse fabuleuse, et, en un coup net des ses fines ailes rouges, elle envoya des arcs aux couleurs célestes sur le brouillard grandissant dangereusement. L'attaque Vol balaya complètement le hangar, et dissipa en un rien de temps les obscures émanations sulfuriques. Parfait ; il ne nous handicapera plus avec ça.

De mon côté, je m'étais rapidement mis en têtel'objectif de frapper fort, et éliminer cet Heatran le plus vite possible - si les stratégies avaient pu être de mises jusque là, il ne fallait plus que je joue aussi défensif. Certains de mes Pokémon avaient pris trop de temps à mon goût à se renforcer ou à contre-attaquer (mais je les avais dressé de la sorte et je combattais ainsi, ce n'était pas leur faute). Désormais, il fallait donner l'assaut avec la même hargne que les Pokémon de Teck l'avaient fait, avec toutes leurs attaques Obscures : ne pas se soucier de soi, mais harceler en permanence l'ennemi. Je savais que le simple Psyko de ma Gardevoir n'allait pas être efficace, et que Exploforce allait pleuvoir - cela dit, je me rappelai des mots criés par Purple Eye, et ordonnai, sans réfléchir plus longtemps :

- POUVOIR LUNAIRE !

Et j'attendis la suite. Gardevoir leva ses délicats bras verts au ciel, et reluit d'un feu argenté. De brefs éclairs d'énergie dorée crépitèrent autour d'elle, et j'observai une perle d'un rose miroitant se former devant la corne de sa poitrine. Puis, une fois grossie, la sphère remplie d'une énergie que je ne connaissais pas fut projetée contre le Heatran Obscur qui venait de voir sa Brume Noire dissipée. Il se la prit en plein masque d'acier, mais resta solide sur ses quatre pattes, secoua la tête, et ne me parut guère affecté. Julie ne comprit pas :

- MAIS ! Qu'est-ce que tu fais ?!

- Je... J'ai vu Purple Eye demander cette attaque à son Gardevoir, alors...

- Bon, peu importe ; tiens, le Pokédex, j'en n'ai plus besoin, fit-elle en me le lançant. Si tu peux te renseigner sur tes propres Pokémon, aussi, ça serait mieux !

Et elle reconcentra son attention sur Latias pendant que je réceptionnai l'encyclopédie électronique. Perdu, je pointai rapidement l'objet vers Gardevoir, qui m'apprit qu'elle avait les particularité d'un type "Fée", et avait ajouté à sa liste d'attaques maîtrisée le fameux "Pouvoir Lunaire". Je consultai rapidement les affinités de ce type que je ne connaissais pas (le Pokédex pouvait me faire avaler tout ce qu'il voulait, vu l'état d'anxiété dans lequel j'étais), et je constatai son manque d'efficacité sur les types Feu et Acier... Merde !

- HEATRAN, VORTEX NOIR SUR LATIAS !

L'ordre vociféré par Teck me fit relever la tête. Nous assistâmes à ce qui semblait être l'attaque signature de cet Heatran Obscur. Caldeira rougit à son maximum, sa température corporelle fit grimper en flèche celle du hangar ; il balança son crâne d'acier, et, depuis sa gueule débordante de lave, il relâcha un torrent de flammes obscures extrêmement puissantes. L'énorme jet s'enroula sur lui-même et traversa le terrain avec brutalité, dans un mouvement de spirale. Julie ordonna à Latias d'esquiver ; l'Éon voulut s'envoler hors de portée, mais la dimension quee prenait la spirale sulfureuse primitive dépassa ses prévisions. Dans l'effroi général de notre camp, Éon se fut rattrapée, et les flammes l'abattirent, très violemment.

- VITE, EXPLOFORCE !

Gardevoir ramena ses paumes, et créa la boule d'énergie orangée que je me félicitai de lui avoir enseigné. Elle l'envoya efficacement, maîtrisant parfaitement l'attaque depuis ces années ; la balle de puissance Combat frappa Heatran qui finissait Vortex Noir et lui ferma sa gueule d'acier en détonant.

J'aurais sûrement félicité Étreinte en temps normal, et elle le sait bien ; mais la situation ne me le permit pas. Nous voyions la version Obscure du Vortex Magma aspirer et brûler Latias dans sa spirale infernale.

- LATIAS !

Latias tomba à terre, face à Julie. Les flammes dévorantes encerclaient toujours notre amie, et, lorsqu'elle se remit à léviter, très affaiblie, elle se retrouva prisonnière d'un sombre tourbillon, animé d'un incommensurable pouvoir. Je vis Teck qui ne put réprimer un petit sourire de casser son flegme.

- Parfait.

Le visage de Julie, fut, pour la première fois de notre combat, tranché par la peur.

- Sors de là, Latias ! s'écria-t-elle.

Latias tenta de s'échapper entre deux tourbillons ardents, mais ils laissaient trop peu d'espace ; elle ne put s'échapper par en haut, les colonnes de flammes rejoignant dallage et plafond. Julie serra les dents, et jura, deux fois, avec une voix cassée.
Teck envoya son bras en avant, et sa large manche blanche ne flanchait point. Il fixait mon Pokémon Psy, qui venait d'envoyer l'Exploforce dans la mâchoire de son Caldeira.

- HEATRAN ! METS-LES À GENOUX ! VORTEX NOIR SUR GARDEVOIR !

- ATTAQUE PSYKO !

Je voulus qu'elle arrête le maëlstrom de flammes corrompues par la force de son esprit. J'y crus. Mais je fis la même erreur que Teck, plus tôt, face à l'Hydrocanon. Gardevoir fit de son mieux pour retenir la tornade volcanique, mais le feu, inconsistant, soumis à une telle puissance, échappa à son champ de force et alla la frapper. Julie cria en voyant ce désastre.
Gardevoir fut repoussée, envoyée à terre, à mes pieds. Les flammes l'ayant poursuivie dans sa chute, le Vortex Noir l'encercla et la rendit prisonnière, elle aussi, d'une tornade d'un feu cruel. Nos deux Pokémon s'étaient fait piégés. Il ne restait plus qu'à Teck de les achever. Bien sûr, si Gardevoir n'avait pas en stock un moyen de fuir. Hors, c'était le cas.

- UTILISE TÉLÉPORT !

Depuis le centre du Vortex, mon Pokémon scintilla d'une lumière douce, et disparut d'un coup. Le Vortex, comme s'il savait qu'il n'avait plus rien à calciner, s'éteignit après que le flash eut lieu. Teck ne sourit plus. Il cherchait méthodiquement le Pokémon du regard, et Heatran tournait sa grosse tête de brute dans tous les sens. Latias fut blessée encore une fois blessée par le tourbillon qui la renfermait, et poussa un cri ; Julie lui ordonna de lancer Ball'Brume pour essayer de toucher Heatran d'ici ou de dissiper la tornade, mais la capacité de cette trombe à tout rogner de ses flammes eut raison de l'attaque.

- MAINTENANT ! UTILISE EXPLOFORCE !

Gardevoir apparut soudain sur le flanc droit de Caldeira, aussitôt la sphère orangée. Elle allait l'abattre, quand :

- BÉLIER NOIR !

"Qu'est-ce que c'était que ça ?!" aurais-je pu crier à Julie, mais là encore tout se déroula très rapidement, efficacement ; sans bavure autre que quelques gouttes de lave obscures. Heatran s'entoura d'une aura noire, et chargea brusquement au moment où Gardevoir lançait son Exploforce. La confrontation des deux Pokémon généra une nouvelle explosion. Entre les centaines de kilos que pesait Heatran, ancré dans le sol, et ma légère Gardevoir, en l'air, il ne fallut pas s'étonner de la voir voltiger sur la moitié du terrain, avant de tomber avec force dans le cratère creusé par Charkos. Une large contusion lui était apparue sur le bras gauche et sa poitrine. Je hurlai.

- GARDEVOIR !

Elle ne se releva pas. Je ne ressentais plus sa présence dans mon esprit.

Je... Je... Je ne faisais rien. Je ne pouvais rien faire. Je sentis mes mains trembler. Je devais la rappeler dans sa Super Ball. J'avais été battu. Les cris de Latias, qui agonisait au centre du maëlstrom infernal, me parvinrent ; Julie lui ordonnait d'utiliser Soin ; notre amie luttait avec son étincelle de guérison contre la tempête de feu et d'obscur. Teck regardait Gardevoir, dans le cratère.

J'obéis à ma destinée. Je sortis ma Super Ball.

- Heatran, attaque Ardeur Noire sur Chris.

Le scientifique avait prononcé ces mots. Je me dis d'abord que mon imagination me jouait des tours, avec ce long combat que nous venions de mener, et tous ces ordres que j'avais entendu et déclamé.

Mais non.

Alors que j'allais tendre mon bras vers Gardevoir, Heatran vomit une boule de feu obscure, qui vola dans ma direction. Je sentis la chaleur augmenter en flèche sur ma peau ; je bondis sur le côté et roulai à terre, ayant esquivé l'attaque.

- QU'EST-CE QUE...?!

Julie était effarée par une telle agression. Moi, je toussai, et me relevai péniblement. Alors que, les paumes à terre, je voyais ma sueur grisée de cendres goutter sur le dallage, j'entendis le scientifique hurler.

- Quel poison as-tu versé dans l'esprit de ma fille pour que celle-ci puisse me trahir ?!

Je tendis ma Super Ball.

- VITE, GARDEVOIR, REVIENS !

- HEATRAN, EMPÊCHE-LE !

Le rayon rouge partit ; Caldeira se jeta devant et lui fit brutalement interrompre sa course salvatrice.

- JE REFUSE DE TE LAISSER T'EN TIRER ! s'écria Teck. JE VOUS AI DÉMONTRÉ QUE MES POKÉMON RÉVÉLÉS SURPASSAIENT LES VÔTRES !

Je ne savais pas quoi faire.

Il n'y avait plus rien que je pouvais faire.

Ce fou allait me brûler vivant.

- HEATRAN, ATTAQUE VORTEX NOIR SUR CET HUMAIN !

Je fermai les yeux.

Je fus aveuglé par un éclat brusque.

Un souffle me révolutionna, et me fit ouvrir les yeux. L'éclat provenait de moi. Je m'éblouissais, moi-même. Je regardai sur le côté ; la source de ma lumière jaillissait du Coffre recouvert par le tissu du Sac à Trésor. Je tournai la tête vers le terrain. De grandes arches de lumière me reliaient, moi, le Coffre de Fire, et Gardevoir, debout, grande, belle, majestueuse, un bras en l'air. Elle fut habitée d'un flamboiement intense. Son collier s'agitait. Enfin, une brillance pharamineuse, multicolore, déflagra. Un petit esprit de couleur s'estompa au-dessus de son front. Je contemplai.

La sublime créature qu'était devenue ma Gardevoir tendait une main blanche, comme si elle fut recouverte d'une gant délicat : elle tenait en lévitation un mini trou noir, qui aspirait le monumental Vortex Noir. Elle était désormais intégralement vêtue de blanc : sa robe avait bouffé, et s'était notablement allongée, lui donnait l'apparence d'une mariée. Les éclats blancs de ses joues s'étaient agrandis, et courbaient verticalement comme deux somptueux croissants de lune ; ses cheveux verts s'étaient raccourcis, et revenaient lui caresser les joues en passant sous ces éclats lunaires. La corne de sa poitrine s'était séparée en deux, et une énergie intensément réconfortante m'enveloppait quand je regardai ce cœur rouge.

Elle... Elle avait changé de forme... Elle... Elle avait... Elle avait évoluée... ? Non, non, elle ressemblait bien trop à ma Gardevoir...

Entre tous les sifflements, souffles, et soupirs magiques des puissances de toutes les attaques qui avaient lieu dans cette salle, la voix du Pokédex me parvint.

- Méga-Gardevoir. Méga-Évolution de Gardevoir. La plaque rouge sur la poitrine de Méga-Gardevoir serait une manifestation physique de son âme. En ouvrant son cœur, ce Méga-Pokémon à accès à d'inimaginables pouvoirs psychiques.

En effet. Elle venait d'absorber dans ce trou noir toute l'attaque du Heatran Obscur.

J'acceptai les faits sans broncher. Je pensai irrémédiablement à la puissance d'un de ses Exploforce. À la victoire qui nous échoirait. À peine avais-je effleuré cette idée que "Méga-"Gardevoir concentra sa puissance entre ses deux mains blanches harmonieuses, et, avec le plus beau chatoiement qu'il m'ait été permis d'observer dans cette vie, elle projeta un Exploforce d'un diamètre et d'une couleur grandioses.

Il n'y avait rien que Teck pouvait faire. Moi-même, je me demandai sur l'instant ce qui pouvait rivaliser avec un tel pouvoir. L'Exploforce relâcha une puissance phénoménale sur Heatran, qui vola avant de s'écraser sur le sol détruit. Dans le même temps, le Vortex Noir de Latias cessa, et celle-ci s'écroula, à terre.


Il y eut un silence. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas entendu de tel silence...


Celui de cet instant où l'on ne se rend compte de rien, sauf du présent ; ce présent, lui-même incroyable, car c'était celui de notre victoire contre le boss de Cipher.





Il ne restait de debout sur le terrain que Méga-Gardevoir. Le Heatran Obscur était hors-jeu. Latias était au bord de l'évanouissement, et luttait néanmoins avec l'enveloppe lumineuse de Soin. Teck ne disait rien. Je remarquai son air dévasté par les événements derrière ses petites lunettes triangulaires. Julie avait assisté à l'exploi avec stupeur, et Latias, si elle était très faible, félicita Gardevoir dans un murmure. Ma chère amie s'enveloppa brusquement d'épais éclairs de pouvoir, et reprit sa forme habituelle. Essoufflée, à bout de forces, et elle même époustouflée par ce qui lui était arrivé, elle me souffla, satisfaite, et pas peu fière d'elle :

- Ah... Ah... Tu vois... Je te l'avais dit... Je ne laisserai personne... Personne... Te faire du mal...

En ce qui me concerne, j'étais toujours à terre, halluciné par ce à quoi je venais d'assister.

- NON ! NON ! JE SUIS SI PRÈS DU BUT !

Teck avait beuglé ça. Il avait été animé d'une rage fougueuse depuis un moment ; son flegme semblait avoir été laissé derrière par sa recherche d'efficacité. Le scientifique fut extrêmement rapide, tout comme sa fille. Il rappela Heatran ; Julie bondit sur le terrain et courut vers lui, mais le temps de traverser la salle, Teck avait déjà fait-demi tour, sortit le Pass Cipher VIP et s'était précipité sur le téléporteur. L'homme disparut dans une vive lueur et un crépitement rouges.

- Merde !

Julie changea aussi sec de direction et courut vers la porte qui jouxtait le socle. Je me relevai, et me remit à courir à sa suite, comme avant d'entrer dans ce hangar. La Tour de Contrôle avait une autre aura désormais, et ce rez-de-chaussée, dévasté par notre affrontement, était passé d'un simple garage vide et noir à un lieu de drames et d'espoirs. Julie se jeta contre la porte et s'engouffra dans la cage d'escalier. Je me concentrai à nouveau sur la mission du groupe Gallame et piquai un sprint, malgré mes blessures et ma fatigue. Gardevoir et Latias, toutes les deux blessées et exténuées, firent de même, en lévitant.


Julie ne m'attendait pas ; elle avait détalé et grimpé aux marches dans l'ombre, prête à tout gravir jusqu'au sommet. Lorsque je pénétrai dans cette cage, la température redescendit brusquement ; avec le Heatran Obscur, le stress, les attaques qui chauffaient et tout ce qui s'était déroulé dans le hangar, nous avions été soumis à une atmosphère étouffante. Mais là, et bien que l'on fût situé au beau milieu d'un volcan, je retrouvai ce froid de cage d'escalier détestable. Somme toute je grimpai le colimaçon sans plus attendre, me lançant à l'assaut de ma destinée, en respirant bruyamment.


J'entendais le bruit des chaussures de Julie contre le plat des marches, quelques mètres plus haut. Je me dépêchai, et me dépêchai encore. Une voix étouffée par les murs, beugla :

- ENCORE TROP DE FOUTUS SENTIMENTS ! PAS ASSEZ PRIMAL ! PAS ASSEZ RÉVEILLÉ !

Des raclements d'objets lourds sur un sol. Puis, trente secondes d'escalade plus tard, j'entendis de grands coups donnés sur une porte, et de courts gémissements poussés. J'essayai d'accélérer. Je trouvais Julie en train de frapper la porte avec son épaule ; le pan résistait, et par le trait de lumière qui dépassait de l'ouverture on voyait qu'un bureau et plus généralement un tas de bordel avait été entassé devant notre passage. J'arrivai, et, sans prévenir de quoi que ce soit, me mit à frapper la porte avec elle. On réussissait à déplacer le bureau, coup après coup. Je reconnus la voix de Teck qui résonnait derrière, survolté, fou, alarmé.

- VITE, VITE, VIIITE ! PLUS DE PUISSANCE ! PLUS OBSCUR ! PLUS VRAI QUE NATURE ! PLUS VIIIITE, MERDE !

Latias et Gardevoir, qui n'avaient pas besoin de courir, arrivèrent vite après moi. On enfonça la porte à quatre en même temps ; les deux Pokémon Psy envoyèrent tout valser et le passage fut libéré.

Nous entrâmes dans le Centre de Contrôle.

C'était un vaste pièce. Quand je dis vaste, je dis vaste. Elle devait faire a taille du dôme que j'avais vu. Oui, c'était dans la boule de béton, puisque la salle ronde était encerclée de vitres sans tain : nous pouvions voir d'un côté le ciel rouge, et de l'autre un bout de volcan ; de là nous pouvions sûrement voir une grande partie de Ténébscuriax si nous avions eut le temps d'aller aux fenêtres.

Dans un coin, il y avait le socle du téléporteur, éclairé par une lumière de sortie de secours. La salle était sinon occupée de bureaux, dossiers, et de chaises sans intérêt, contrairement au fond qui retenait toute notre attention : il était comblé par une machine gigantesque. Dans le même style bizarroïde, noir et violet que ses réceptacles, la MODE, Machine d'Obscurcissement truc bidule, nous faisait enfin face. Tous les autres murs restaient parcourus d'écrans, tous noirs. Là aussi, on avait l'impression d'avoir tout éteint et rangé comme avant de partir en vacances. Seule la MODE et la silhouette blanche qui pianotait avec acharnement dessus baignait dans une lumière blanche et bleue, faible et artificielle : la lumière de son écran, et de ses étincelles violettes.

Nous prîmes connaissance de cet endroit d'un seul coup d'œil. Notre objectif de mission était clair, et il ne pouvait plus s'enfuir. À peine rentrée, Julie courut, traversa la salle avec la rapidité d'une MOCLASM depuis l'âge de treize ans, et fit un bond agile. Elle atterrit sur Teck, qui se cogna brutalement contre la MODE, et le plaqua au sol. Elle lui attrapa les bras, et lui enfonça un genou le dos, afin de lui bloquer tout mouvement. Latias fila vers la MODE, et Gardevoir allait à mon rythme d'humain lambda, qui courut par petites foulées jusqu'à la machine ennemie. J'entendis Latias crier, et commencer à frapper la machine avec ses deux pattes avant. Lorsque j'arrivai enfin devant le grand tableau de commandes, je compris.

La Faiblo Ball. La Bordel de Faiblo Ball de Zekrom était dans la MODE. Je la reconnaissais entre mille, maintenant, ce n'était pas une erreur.

- C'est... Trop tard... gémit Teck, sous le poids de Julie. Il... Je...

Latias s'approcha de la tête du scientifique, et hurla :

- NON ! NON ! ARRÊTEZ ÇA ! ARRÊTEZ ÇA IMMÉDIATEMENT !

- Vous... Vous ne pourrez pas arrêter... Le progrès... L'humanité...

- AU DIABLE LE PROGRÈS, AU DIABLE VOTRE HUMANITÉ ! hurla Latias. C'EST ZEKROM QUI EST LÀ-DEDANS !

Gardevoir regardait les commandes, au sommet de l'anxiété et de l'alerte.

- Il doit bien y avoir un moyen...

Pour ma part, je fixai cette Faiblo Ball des yeux. Enfoncée dans la machine qui crépitait de courant électriques noirs, elle était était au centre d'un circuit complexe, reliée à d'épais câbles noirs, et envoyait des décharges autour d'elle à intervalles irréguliers. Toute la machine brillait d'une intensité obscure en ce point : toute la machine semblait charger, voire surcharger cette sphère où tout convergeait. Je me jetai alors dessus, pour la retirer. Mais j'eus à peine tendu la main que je me pris une décharge, et je fus projeté en arrière. Gardevoir se précipita pour m'aider à me relever.

- JULIE ! FAIS QUELQUE CHOSE !

- Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse ?! Je ne sais pas comment stopper le pro-

Teck se débattit alors comme un Démolosse ; je crois que Julie n'avait rencontré aucune résistance lors de sa mise à terre, alors elle ne s'y attendit pas. Elle fut repoussée par ses mouvements de furie, et son scientifique de père s'extirpa violemment. Avec une vitesse impressionnante, il s'enfuit vers le téléporteur ; Latias réagit au quart de tour, et envoya une Ball'Brume. La sphère de brume lumineuse toucha l'homme, qui cria. Ses lunettes noires volèrent, et il tomba à terre en laissant échapper son Pass VIP.

Latias vola vers lui, pleine d'une colère que je ne lui connaissais pas, pour lui dire deux mots. Mais elle fut interrompu.

Nous fûmes tous interrompus par la démolition subite d'une grande partie du dôme de béton, qui fut frappé d'un rayon- tornade lumineux, réduit en milliers de morceaux de pierres et de blocs de métal, et envoyé balader dans le lac de lave en contre-bas. Au-dessus du Centre de Contrôle apparut l'ombre géante d'un Oiseau Légendaire, ses grandes ailes se détachant sur le ciel rouge, sa queue fouettant l'air, et ses écailles dorsales frémissant de colère. Lugia réapparut ainsi, et fondit sur le petit corps de l'humain. Le Gardien des Sept Mers atterrit de tout son poids sur le sol, en faisant trembler la Tour entière ; je fus même étonné que l'étage tienne debout. Je remarquai que sa stature argentée était griffée ici et là, et qu'il avait perdu quelques-une de ses plumes serrées. Plongeon fit quelques pas de géant, et mit une de ses grandes pattes blanches sur le corps de l'homme, avant d'exercer une pression qui le fit hurler de douleur. Je voyais les yeux de Lugia briller d'une étincelle vengeresse. Retenant le scientifique sous son poids, l'Oiseau colossal baissa la tête, écarta les ailes, et, essoufflé après des obstacles dont je n'avais pas idée, il susurra en serrant les crocs, plein de haine :

- Je pourrais te tuer... Je pourrais te tuer... Je pourrais tellement te tuer... Et tu laisserais mon fils tranquille... Tu nous laisserais tous tranquilles...

Je ne réagis pas à ses mots. Je courus à nouveau vers la MODE ; Gardevoir voulut me retenir, mais sa volonté n'y changea rien. Je devais sortir Zek' de là. Mais je ne pouvais pas attaquer la machine de peur qu'elle réagisse bizarrement et brise la Ball... Il la fallait intacte pour transporter Zekrom jusqu'au Purificateur... Oui, c'était ça ; retirer cette Ball, et aller au Purificateur... Je regardai les commandes avec frénésie, mais tout était flou dans ma tête, tout me tournait, aucun bouton "ARRÊT" ou "STOP" ou rien, bordel de merde de bon sang de putain de MERDE !

Le tableau de commandes surchauffait lui aussi, et la MODE brilla de plus en plus ; l'électricité la parcourait toute entière, et j'aurais voulu tendre une main que je sentais que j'allais encore manquer de peu l'électrocution.

Teck ne répondait pas, et Lugia continuait de le tuer avec ses yeux de bête légendaire. Julie, voyant que son père était retenu par quelqu'un qui ne le laisserait pas s'échapper, me rejoignit devant la MODE.

- Chris...

- QUOI ? QUOI ? QU'EST-CE QU'IL Y A ?! hurlai-je.

- Je... Je ne... Je ne sais pas...

- OUI, MOI NON PLUS ! TU NE M'AIDES PAS, LÀ ! hurlai-je de plus belle.

Mes respirations s'accéléraient, mon cœur cognait ma cage thoracique comme s'il eut voulu fuir.
Mon regard se perdait dans la multitude de boutons, de leviers, de claviers, de commandes toutes aussi semblables, toutes aussi confuses - je devais... Je devais... Je devais trouver quelque chose ! La MODE continuait toujours à charger, briller, balancer sa merde violette, ces éclairs, cette saloperie de Virus de merde à la con ! RAAAH !

Je me jetai encore sur la Faiblo Ball, désespéré. Je l'agrippai. J'entrai en crise d'épilepsie. Je sentis une fulguration m'agiter la main de violentes contractions, qui remontèrent mon avant-bras, mon coude, mon biceps, mon épaule, mon poumon, mon coeu-

Gardevoir me tacla. Je fus envoyé à terre. Je l'entendis me hurler dessus, les larmes aux yeux. J'agrippai mon cœur. Le courant électrique s'était dissipé. J'aurais été mort si elle n'avait pas été là.

Il y eut, finalement, une surcharge complète de la MODE.
Je ne le vis pas, puisque mon regard de mort-vivant fixait un bout de sol quelconque, lors de cette explosion. Mais je fus de nouveau envoyé voler, et cette fois-ci, loin. Je me pris un bureau, je criai, je retombai à terre pour la énième fois de la semaine, je roulai, je perdis le Sac à Trésor, et je butai contre le mur. Des douleurs aiguës me mordirent les bras. Je cherchai un appui, je devais retrouver le sol, rouvrir les yeux ; le boucan était démentiel. Le craquement des foudres et le roulement des tonnerres se mêlaient à des rugissements assourdissants - mes oreilles sifflèrent, et mes tympans tambourinaient. Je ne m'entendais même plus gémir.

Mes paupières purent se lever, avec difficulté.



...


Un ouragan d'éclairs obscurs déchiquetait l'espace, une lumière aveuglante et abominable obscurcissait les cieux et ce qui restait du Centre de Contrôle. Au centre du monde se tenait un monstre démoniaque, à la silhouette d'un Dragon Noir bipède, déchiré d'obscurité. Il poussait des rugissements démiurgiques, fulminait d'une puissance malsaine, se déchirait les pouvoirs à invoquer des océans d'orages. Sa queue gargantuesque, possédée par une force rotative primale, grondait avec le tonnerre et déflagrait d'électricité couleur nuit, puant la corruption. Il donnait un spectacle ineffable, qui me souleva le cœur. J'étais en plein cauchemar.

Mais j'avais mal. Léthargique, je tordis le cou, jusqu'à poser mes yeux sur mon bras, bien qu'ils fussent à moitié aveuglé par les éclairs. Mon membre était recouvert de filets de liquide rouge, et des éclats solides y avaient été projetés. Pendant que la bête de l'apocalypse déchaînait ses facultés divines atroces, je relevai péniblement mon autre bras pour m'enlever ces bouts de métal du corps. Je remarquai alors, dans les flashs fulgurances améthystes, leurs reflets verts, tracés d'un léger trait marron clair.

La Faiblo Ball avait explosé.

Je voulus hurler. J'eus le souffle coupé et la voix brisée. Il y eut des coups de tonnerre.

Cette abomination - c'était Zekrom Obscur.


Mes cordes vocales avaient beau s'éclater et s'enrayer, mon hurlement se perdit dans le cataclysme qui avait lieu. Je ne sentais même pas les larmes couler sur mes joues, je ne voyais que les reflets de leur eau sur la pointe de mon nez, mon attention étant abandonnée à l'horreur de la vision.

Lorsque la tempête d'éclairs se stabilisa, je vis entre deux éboulements de plafond un grand Oiseau blanc s'approcher. Un éclair déchira les cieux, ce qui fit reluire l'Oiseau d'un éclat argenté au milieu de ces déflagrations chargées d'obscurité. Lugia prit place face à Zekrom Obscur, son long cou ondulant comme celui d'un dragon cernant sa proie ; il se grandit, et poussa un rugissement terrible. L'atrocité Noire qui lui tenait tête répondit à la provocation, et rugit de plus belle, avec une violence et une cruauté qui dépassaient l'entendement. Le monstre titanesque prit subitement de l'altitude, sa queue-turbine surchauffant, et je le perdis de vue dans les nuages. Lugia leva le bec au ciel, poussa un nouveau rugissement tonitruant, et s'envola en deux grands coups d'ailes. Plongeon s'élevait vers les enfers météorologiques quand, au cœur des cumulonimbus cauchemardesques, se forma un globe de foudre nuiteuse, d'une taille surdimensionnée. Il s'abattit comme un météore, et entra en collision inévitable avec l'Oiseau. En un éclair, Lugia fut abattu contre un des murs de la Tour, dans le grondement d'un écroulement de l'édifice, et ne se releva pas. Le monstre poussa un hurlement hideux en voyant son adversaire incapable de se relever.


Il fallait que je réagisse. Je ne pouvais quasiment plus bouger. Mais il le fallait.
Je me souvins brutalement de la Master Ball. J'enfonçai avec grand peine une main dans une poche ; il y avait mes Pokémon. Je geignis, et envoyai ma main dans l'autre poche. Il y avait le Glas Tempête, et d'autres de mes Pokémon, en sécurité. Mais aucune foutue Master Ball à portée de main.

Je redressai mon thorax. J'essayai de maintenir ma nuque droite afin que ma tête se relevasse dans le même moment. Je me serrai mon bras d'humain qui saignait toujours, et je ressentis dans mon mouvement une contusion brûlante, sur le côté droit de la hanche. Je fis face à la souffrance et pus me décoller du mur contre lequel je gisais. Difficilement, je déplaçai mon regard autour de moi. Des décombres, le sol couvert des débris de mobiliers, un bureau cassé, des feuilles volaient. Le Sac au Trésor était à terre. Je l'avais sans doute rangée là-bas...!

Je me laissai choir sur le côté gauche, celui qui ne me faisait pas crier. Je rampai avec un bras valide vers le Sac, et je tendais l'autre, qui allait pouvoir empoigner le tissu du Sac sans trop se faire saigner. Je pouvais toujours bouger les genoux, les bleus et éraflures que j'y avais n'étant plus rien. Mon tronc raclait le sol et traînait des conneries de débris avec moi. Au coeur de cette tempête d'horreur, ces centimètres figurent au panthéon des pires centimètres de ma foutue vie.

J'atteignis le Sac. Il était gros d'un rectangle à face courbée, le Coffre au Trésor de Fire. Je n'y songeai pas. J'empoignai le tissu du contenant, et je le tirai sur le côté, pour déverser son contenu : il en sortit le Pokédex, qui clignotait rouge pour une raison inconnue, et des cailloux sûrement renversés du Coffre roulèrent sur les dalles. Je tâtais, tâtais la matière, mais rien, aucune foutue Master Ball. Je pensais qu'elle avait dû rouler avec les cailloux, je tournai la tête. Je regardai, mais rien. Que des putains de cailloux terreux, et un galet blanc.





[...]





Bon sang de merde.

Je me jetai, s'il on puis dire vu mon état physique, sur l'Objet Rare. Je l'attrapai à plein doigts, et la serrai dans ma paume. Elle était bouillante.

- Reshiram... S'il-te-plaît, écoute-moi... Reshiram... Aide-nous...

Je serrai le Galet Blanc de plus en plus fort. Je susurrais plus que je ne parlais, vu mon état physique.

- Je sais très bien que je n'ai rien d'un héros... Je ne le suis pas... Personne l'est... Tout ça est voulu par votre stupide collègue du Destin... Jouer avec les destinées des gens...

Je secouai la tête, reniflai, et mes yeux se mouillèrent à nouveau.

- Mais s'il-te-plaît... Zekrom... Cette chose.. ça n'est pas lui... Pas notre vrai Zekrom... Pas notre réalité...

Je sanglotai, mais ravalai ma morve et des larmes salées.

- Tu... ne peux pas... Ne rien faire... Laisser Cipher vous détruire... Ce Virus Obscur... Ce n'est pas ça, la vraie nature des Pokémon... Je le sais... Je le sais...

- ...

Je criai.

- RESHIRAM !

Le Galet trembla. Je crus à une hallucination, mais non, la secousse reprit. Je desserrai ma poigne ; la pierre s'ôta de ma main, et lévita, partit en l'air. Mon espoir fatigué à forces de crises chroniques me faisait la considérer avec un air attentif, repu, et exténué. Le Galet, une fois élevé, se mit à briller d'une couleur d'albâtre, et à aspirer l'atmosphère environnante. Je tentai de ramener mes jambes afin de m'asseoir au lieu de rester allongé à plat ventre, et le Galet Blanc attira à lui des rubans animé d'une énergie blanche et luminescente, avant de les absorber d'un grand coup brut.

Puis le Galet tourna sur lui-même, tourna, tourna, de plus en plus vite, et grossit, grossit, prenant de plus en plus de place ; la couverture d'un blanc opaque devint translucide, laissant apparaître la silhouette d'un Dragon Blanc enroulé sur lui-même. Enfin, il acquit sa taille optimale.

Il déploya ses ailes immaculées ; son imposante queue se chargea en énergie mythique, rougit du TurboBrasier, et, depuis sa hauteur, laissa échapper de puissants cercles de feu qui recouvrirent les alentours. La tête relevée en arrière et, ses deux crinières blanches ondulant comme des bouffées d'air frais, rouges en leur pointe, il poussa un cri aigu similaire à un canidé draconique hurlant au ciel. Cela ne manqua pas d'attirer l'attention du monstre Noir. Ses épaisses pattes de vouivre et sa profusion de fourrure de couleur parfaitement pure ne se rapprochèrent pas du sol. Reshiram était conscient que ce Zekrom Obscur n'allait pas venir se poser à terre de sitôt, mais le Dragon Blanc Réel trouva le moyen de m'annoncer solennellement :

- La Réalité qui est en toi a été jugée valable.

Je lui fis un signe de tête. Il ne fit que me regarder avec ses yeux bleus. Je ne sais s'il savait que je n'étais pas vraiment en état de le mener au combat, alors je lui demandai juste de faire tout ce qui était en son pouvoir pour mettre hors-combat ce monstre qu'était devenu Zekrom. Reshiram acquiesça, battit de ses étroites des ailes, et se propulsa avec le moteur à réaction ardente qui lui servait d'appendice caudal. Il prit plus d'altitude encore, et Blanc Réel s'envola contre l'abomination vociférante qui avait été l'aboutissement d'obscurs idéaux.


Voilà. J'avais envoyé cet ange porteur d'espoir se propulser gueule la première vers la bête démoniaque. Je cherchai à nouveau à retrouver un rythme respiratoire normal, mais je n'y arrivais pas ; l'air était trop chaud, trop pollué pour que je ne puisse pas ouvrir la bouche et inhaler, exhaler fortement. J'avais trouvé une position, par terre, qui me paraissait convenable. Je fus pris d'un coup de fatigue subit ; la tête me tournait, et mes paupières balbutiantes me tiraient, recouvrant à moitié ma cornée. J'avais l'esprit complètement affligé.
Je ne sais pas si l'épuisement qui me tombait sur les yeux eut raison de ma conscience du temps qui passa, mais, à un moment, j'étais toujours là, par terre, sur ce carrelage sale, jonché de débris de bâtiment. J'entendais des rugissements de Dragons égosillés.

À un autre moment, plus tard, j'entendis deux bouts de métal se poser à terre avec un claquement singulier. Mon corps fut agité d'un spasme de surprise, qui m'envoya une décharge d'attention, accéléra encore plus ma respiration et me tira les paupières ouvertes. Je voulus reculer, pour aller me mettre à l'abri, mais j'étais incapable de faire un mouvement rapide. En quelques secondes, un corps de métal s'approcha, et je ne pouvais rien faire pour l'empêcher de me retrouver. Lorsqu'il apparut dans mon champ de vision, je vis une silhouette articulée, portant un canon d'artillerie sur le dos, à grande tête plate, avec deux phares rouges. Cette créature s'était penchée sur le Pokédex, qui clignotait comme un signal d'alerte.
Éventuellement, l'être électronique se redressa, et me vit, dans cet état, à terre. Il s'approcha. Il clignota, légèrement.

- Analyse en cours... Analyse terminée. Salutations, Chris.

- Salut, Genesect...

J'allais lui dire que je ne pouvais pas me lever, mais Paléozoïque me tendit une patte de lui-même.

- Vous semblez avoir besoin d'aide. Tenez. Prenez mon bras.

Je vis un des ces bras violets, avec une unique griffe, venir de près de moi. Je l'attrapai, et Genesect recula son bras pour me tirer sur mes jambes. Je geignis de douleur, et, une fois revenu à la verticale, un afflux de sang me monta brusquement à la tête et me causa cette fine douleur aux yeux et au front. J'allais trébucher et retomber quand G me rattrapa et mit mon bras autour de son cou rigide, entre sa nuque et son canon.

- Faites attention. Vous êtes blessé.

- Il faut... Arrêter ce monstre... Il faut... Retrouver Gardevoir... Latias... Julie...

Genesect clignota, et leva une griffe vers la scène de bataille dantesque qui se déroulait plus loin.

- Pour ce qui est de la créature non identifiée, un Reshiram est en train de s'en charger. Je n'ai repéré aucun Gardevoir ou Julie. En ce qui concerne une Latias, j'en ai remarquée une en arrivant. Voulez-vous que je vous conduise à elle ?

- ...Oui, s'il-te-plaît.

- Je crois reconnaître le sac de votre ami le Reptincel, m'informa G.

En effet, le Sac était toujours à terre, à coté des objets étalés sur le sol, c'est-à-dire le Pokédex et des cailloux. Le Coffre Noir, pavé volumineux, était la seule chose qui était restée enroulée dans le tissu.

- Voulez-vous que je le prenne ?

- Je veux bien, Genesect.

Tout en me retenant avec un patte, il se baissa d'un côté pour ranger avec une efficacité surprenante le moindre caillou, le Pokédex, et enfiler la bandoulière du Sac autour de son bras fin, jusqu'à le ramener sur son articulation d'épaule.

- Il ne fallait pas l'oublier, rajoutai-je, c'est très important pour mon ami. Merci de me l'avoir rappelé.

- C'est normal. Allons-y, clignota-t-il. Marchez doucement.


Tout cela s'enchaînait sans que je ne puisse l'expliquer. Depuis que nous étions tous descendus de cette fourgonette, sur cette place ensoleillée de Port Amarrée, tout s'était déroulé, enchaîné, implacablement, sans que nous n'ayons eut le temps de souffler, de faire un point, de dire "bon, okay, on reprend plus tard". Je ne me plaignais pas, je constatais ce fait. Évidemment, je savais que ça allait être éprouvant, mais je n'avais pas encore vécu à quel point. J'accusai aussi l'opération de Purification que m'avait fait subir Teck comme source de cette vive langueur mentale qui me collait au cerveau et suait par mes tempes brûlantes.
Porté ainsi par Genesect, nous avancions lentement. Je ne pouvais pas aller bien vite ; j'étais content qu'il le sache et qu'il ne me force pas la main, ou pousse à courir. En avançant pas à pas, nous nous rapprochions des cieux où s'affrontaient la Légende renaissante contre la Légende déchue. Nous n'étions que spectateur du cataclysme, de véritables chocs de titans. L'affreux monstre d'un noir hideux balançait les foudres chimériques du Jugement Dernier, contre les océans de flammes du Dragon pur qui inondaient la voûte céleste. Ces puissances me parurent hors de portée, intouchables ; je ne songeais même pas à contrôler l'un d'eux, et mon impuissance de petit humain blessé face à ces Dieux était scandalisant.


Entre deux mètres à traîner des pieds dans les décombres, je remarquai le Sac à Trésor se balancer, désormais au bras de Paléozoïque. Cela me fit penser qu'il avait fait partie des We Tackle at Foes, lui aussi, à sa manière.

- J'espère que votre ami le Reptincel se porte bien. Je ne vous ai pas demandé la dernière fois que nous étions avec monsieur N. Je suis désolé d'avoir oublié.

- Ce n'est pas grave, ça arrive. Oh, il va bien, je crois. Il a évolué en Dracaufeu, depuis. Il est partit sauver Lilas, la Fragilady qui nous accompagnait, et Bisou, le Polarhume.

- Ils sont en danger, aux aussi ?

Je levai les yeux au ciel, vers le tumulte des légendes.

- Tout le monde l'est, si on n'arrête pas cette horreur...

On ne parla plus pendant quelques pas.

- Est-ce que c'est Zekrom ? demanda Genesect. Mon analyse révèle sa présence, mais je ne le reconnais pas.

- ...Je ne sais plus ce que c'est. À l'origine, oui, ce doit être... Zekrom.

- Il est différent de la dernière fois, quand nous avions joué ensemble, et avec monsieur N.

Je ne répondis pas. Je ne voulais pas mouiller encore mes joues sales, mes précédentes larmes venaient tout juste de sécher. Je dis simplement :

- Des personnes lui ont fait subir des modifications. Il est devenu ce monstre là.

- Des modifications ? Comme moi ?

Je me tournai vers Paléozoïque. Son capot violet regardait la bataille, là-bas, tout en analysant notre chemin.

- ...Pas exactement. Si vous vous retrouvez tous les deux sortis d'un labo, Zekrom est toujours entièrement organique - et il n'y a pas d'autres moyens de le sauver que le ramener dans un autre labo.

- D'accord. Mais si Zekrom est en danger, il faudra que j'aille aider Reshiram pour le sauver, alors.

- Je pense que ton aide sera la bienvenue, acquiesçai-je. Tu me promettras juste de faire attention.

- Ne vous en faites pas, Chris. Je ferai de mon mieux.

Puis nous nous tûmes à nouveau.


Aux détours de ruines du Centre de Contrôle, nous nous rapprochions du vacarme, des fulminations, des gueules crachant le feu, des turbines déflagrant d'électricité, des griffes tranchant les peaux. La violence de la bataille était saisissante ; lorsque Reshiram rattrapait le Zekrom Obscur avec ses déluges carbonisants, ce monstre ripostait en se jetant sur lui pour le lacérer à coups de Colère noire ou l'électriser avec d'autres attaques obscures au nom chiant. Je n'en avais pas marre, je n'étais pas émerveillé, et n'étais même plus contemplatif ; je subissais la vision, le vacarme, les secousses, les odeurs d'incendies, les évènements et les déchaînements de puissances célestes, chtoniennes et puissamment légendaires à un point où mon âme elle-même en était secouée.

Je me demandai ce que Genesect ressentait. Je me rendis compte que c'était une question idiote, et qu'il pouvait ressentir tout ce qu'il voulait.


Alors que nous nous approchions, les deux titans volèrent bas, au-dessus de nous : Reshiram le Blanc, poursuivit par l'entité noire déchaînée. Genesect me couvrit rapidement, et les deux Dragons rugissants passèrent en soulevant des vents puissants dans le boucan de leurs turbines. Je constatai, d'aussi près, la taille significativement plus petite, et la carrure plus faible de Reshiram, comparé au monstre qui le pourchassait et voulait l'abattre. Dans le même temps, en passant si près de nous sans nous porter aucune attention, j'eus un aperçu de ce qu'il y avait à la place des yeux de Zekrom : deux étincelles d'une folie ardente. En voyant d'aussi près, pendant une fraction d'instant, cette bête grandiose, aux allures immortelles et invincibles, j'aurais pu percevoir quelque chose de sublime, quelque chose qui aurait pu me faire comprendre la fascination qu'avait eu Teck. Mais cette absence d'être sur cette gueule déchirée, ses trous injectés d'un sang brillant, ôtaient tout charme. Si physiquement impressionnant qu'il était, il y avait des limites.


Nous reprîmes notre lente marche. Je ne savais même pas pourquoi ou comment je pouvais avoir des points de côté. Ou alors, ce n'en était pas, et j'étais blessé aux flancs aussi ? Je n'avais même pas la force de regarder. J'étais déjà à moitié affalé sur Genesect, qui ne se plaindrait jamais. Il m'aidait sans doute à aller mieux, à bouger mieux les pieds ; si je respirais toujours fortement, cherchant l'oxygène, je respirais déjà moins vite. Il me guidait au travers de ce qu'il restait de ce Centre de Contrôle ; la vaste salle ronde, complètement détruite, m'apparaissait comme transformée en labyrinthe de gravas. Je ne pouvais pas envisager de grimper, pas encore en tout cas, alors Paléozoïque faisait de son mieux pour me conduire par les zones les plus stables et les moins défoncées.


À un moment, nous tournâmes derrière un tas de morceaux de béton : il restait un pan de mur, dans ce coin, et au pied de celui-ci, par terre, se trouvait Latias. Elle rayonnait de la lueur de Soin, mais cet éclat était faible. Elle ne devait plus avoir beaucoup de puissance et n'allait bientôt plus pouvoir l'utiliser avant de recevoir des soins plus concrets...

- Voilà votre amie, clignota Genesect.

Je l'appelai :

- Latias...!

Celle-ci ouvrit ses yeux dorés, redressa la tête et me vit, avec Genesect. Elle s'exclama, et se releva, lévitant vers nous ; je vis à son déplacement qu'elle était blessée à l'aile droite et au dos. Nous nous retrouvâmes finalement.

- Chris...! Tu es en vie...!

- Ouais. Je dois remercier Genesect pour m'avoir aidé à te retrouver.

- Et Reshiram ? demanda-t-elle. J'ai entendu son cri...

- J'ai réussi à le convaincre de le faire sortir.

Elle était affreusement triste, et au milieu de tout cet abattement, ses yeux se remirent à briller.

- Alors... Il nous reste peut-être une chance, dit ? Pour... Pour Zekrom ?

- Peut-être. Je ne sais pas.

Je n'en parlai plus.

- Où sont Gardevoir et Julie ? demandai-je.

- Je ne sais pas non plus, s'inquiéta Latias. J'espère qu'elles-

On entendit des appels, au loin, derrière moi. Les Dragons avaient poursuivit leur affrontement plus haut dans le ciel, alors le calme assourdi, donc très relatif, permit à ces voix lointaines de nous parvenir. C'était Julie qui appelait mon nom.

- JULIE ! criai-je. ON EST LÀ... !

Rah, putain, pousser la voix faisait un mal de Ponchien !

- On est au fond de la salle ! s'écriait-elle.

- RESTE LÀ... ! ON ARRIVE... !

On entendit alors Reshiram hurler, et tomber du ciel. Il fusait droit sur la Tour. On le vit cependant se retourner, étendre à nouveau les ailes, et amortir sa chute autant qu'il pouvait ; le Dragon blanc finit par s'écraser dans un grondement sourd qui décapa l'étage, avant de vite se redresser sur ses deux pattes musclées. Blanc Réel ne voulait pas perdre la face contre l'abomination noire, qui descendait par là à toute berzingue, recouvert du globe de foudre surdimensionné. Dans son déluge de braises rougeoyantes, Reshiram inspira avec le profil d'un prince sublime, et expulsa de sa gueule un feu aigue-marine extraordinairement puissant. Ce fleuve d'un bleu intense alla engloutir l'Éclair Croix Obscur, et trouva le moyen de l'embraser si fort que le monstre dut stopper son attaque. Je ne dis pas qu'il fût touché ou brûlé, mais le fait est que cela l'arrêta, et dut l'énerver encore plus vu le tonnerre grave et le rugissement craquant qui explosèrent et roulèrent dans l'air. Reshiram, malgré son apparent manque de taille face à la bête colossale, démontrait ainsi qu'il luttait âprement pour conjurer l'obscurité primordiale.

- Genesect, si tu en as toujours envie, tu peux aller aider Reshiram, lui assurai-je. Je vais retrouver Julie, avec Latias.

- Oui, me confirma l'Éon rouge, je ne peux plus m'envoler ou le prendre sur mon dos, mais je peux encore léviter, et mon cou va bien. Il prendra appui sur moi s'il en a envie - si tu veux y aller, ne te retient pas. J'ai peur que Reshiram n'y arrive pas.

Paléozoïque regarda Latias, puis moi, il me demanda si j'en étais sûr, je lui dis que j'étais entre de bonnes pattes. Alors il me rendit le Sac à Trésor, dont j'assumai à nouveau la responsabilité et le poids sur l'épaule, me dit à tout à l'heure, et commençait à se replier sur lui-même en prenant une forme de soucoupe violette pour voler à grande vitesse. Je lui mis la main sur la capot avant qu'il ne parte.

- Merci, encore... Et surtout, abuse de TechnoBlaster, mon ami.

- Comptez sur moi, mon ami.

Et il partit, célère comme jamais, volant vers le conflit qui faisait rage.


Mon bras reposant désormais sur la nuque et l'épaule de Latias, nous avançâmes tous deux vers l'endroit où nous avions entendu Julie. L'Éon fut forcée à arrêter Soin, et devait se contenter de la vitalité qui lui restait, et moi, je pouvais marcher légèrement plus vite et me tenir légèrement plus droit. Le gros coup de fatigue que j'avais eu commençait sans doute à s'estomper, ou je m'habituais à mes douleurs, je ne savais pas. Beaucoup de choses m'échappaient, dans toutes mes perceptions, dans mes idées, dans mon équilibre. Je ne pensai plus, et n'avait qu'en tête de rejoindre cet endroit. Latias ne parlait pas non plus, et nous nous aidâmes ainsi sans bruit, muets. Désormais, des Élécanon, d'occasionnels Ultralaser et des TechnoBlaster gelés à profusion rayaient le théâtre céleste des hostilités, et ajoutaient leurs bruits de laser suraigu aux explosions qui secouaient les nuages et aux rugissements qui les déchiraient.


Au bout d'un moment, la silhouette de la jeune femme en noire apparut de derrière un autre tas de décombres. J'eus un bref soulagement lorsque je vis Gardevoir et sa robe blanche juste à côté. Latias les vit elle aussi, et les appela ; les deux filles vinrent nous rejoindre.

- Chris !

- Latias ! Tu es là toi aussi !

Je serrai Gardevoir dans mes bras, et Julie fit de même à Latias. Étreinte me rendit mon embrassade ; l'Éon rouge, elle, ne s'attendait pas à cet élan d'affection, et lui tapota simplement dans le dos, en esquissant un gentil et court sourire.

Elles se trouvaient dans une partie plus dégagée du Centre de Contrôle que celles que j'avais traversé jusque là. Si je ne voyais pas tout dans l'obscurité ambiante, la lumière de la sortie de secours marchait encore, et était la seule à nous éclairer, avec les flammes lointaines et les brefs flashs de lumière drue, venant des éclairs invoqués par le monstre. Gardevoir m'expliqua qu'elle et Julie avait été soufflées non loin l'une de l'autre suite à l'explosion de la MODE ; mon Pokémon s'était soignée comme elle pouvait avec Voeu et avais pris soin de la jeune femme, en l'aidant dans ses bandages. Gardevoir m'apprit, d'un air concerné :

- J'ai essayé de te retrouver par télépathie, mais...

Elle désigna très vaguement le ciel.

- Il y a vraiment trop de mauvaises pensées, là-haut. Rencontrer l'esprit de... Cette chose était une expérience que je ne pouvais pas me permettre de revivre à nouveau.

Je compris. Je désignai rapidement le rectangle de plexiglas qui abritait l'ampoule et le petit panneau "EXIT".

- C'est... Le téléporteur, juste en-dessous, non ?

- Exact, fit Julie en se décalant, et me laissant ainsi voir le socle. J'ai eu le temps d'attraper le Pass VIP de mon père pendant que Lugia le maîtrisait ; quant au téléporteur, si étonnant que cela puisse être, il semble encore fonctionner.

Plus rien ne pouvait m'étonner.

- Tu sais où es ton père ? demanda Latias.

Julie fit un grand geste vers les décombres qui avaient remplis la salle.

- Sûrement quelque part là-dessous. Je ne pense pas que Lugia, lorsqu'il s'est relevé après la déflagration, se souciait encore de son cas.

Lugia...

- Il est à quelques éboulements d'ici, m'apprit Gardevoir. Nous l'avons trouvé avec Julie en vous cherchant. La chose lui a fait très mal, mais il est vivant.

Bien. Tant mieux.

- Ce Zekrom... réfléchit Julie à voix haute, en regardant en haut, derrière moi, vers les ténèbres de la raison. Je n'ai jamais vu un Pokémon aussi... Obscur...

- Peu importe le degré d'obscurcissement, rétorquai-je, on le purifiera. Lugia aussi a été changé physiquement par ce Virus, et il en est revenu.

- Oui, mais dans quel état...

C'était Latias qui avait ajouté ça, pensive et angoissée. Je soufflai :

- On va le sauver, ok ?!

Puis, j'expliquai rapidement :

- J'ai réveillé Reshiram, et Genesect est arrivé, et m'a aidé à retrouver Latias. Les deux sont en train d'affronter le monstre en ce moment.

- Okay. J'avais vu Reshiram, dit Julie, mais je me demandais quelle était cette petite chose qui tournait en rond et qui tirait des lasers. "Genesect", tu dis ?

- Oui. C'est une longue histoire, mais je t'ai déjà esquissé la trame : les Compét Ball, tout ça.

Julie se souvint de la discussion qu'on avait eu, et accepta de fait ce que je lui disais.
Nous fûmes tous les quatre subitement éclairés par une lumière sans nom. Elle venait de derrière.

Je ne pus m'empêcher de me retourner.



[...]



Tout là-haut, au milieu d'une pluie de flammes et d'éclairs, le réacteur caudal de la bête entra en une rotation démentielle et brilla d'une nuit profonde. L'électricité corrompue entoura tout le corps de l'abomination d'une foudre destructrice, incroyablement jaune, ce qui produisit un contraste aveuglant avec la noirceur ambiante. Reshiram passa juste en face, entre lui et nous. Son pouvoir illimité arrivé à son apex, le Zekrom Obscur, avec une fulgurance surnaturelle et une faculté indescriptible, se propulsa contre Blanc Réel et le percuta de toute son hyperpuissance, avec pour objectif pur et dur la désintégration.
Reshiram couina, et chuta. Il se fracassa contre les tas de gravas qui nous avoisinaient, avec un impact fantastique qui agita tout l'édifice.

Il ne se releva pas.

Le monstre, fumant, restait en l'air.

Nous voyions Genesect, seul. Le petit plateau violet lui tournait autour du crâne en clignotant, comme un Lumivole attiré par la lumière. Nous vîmes Paléozoïque se déplier pour tirer un nouveau TechnoBlaster ; mais la bête, extrêmement réactive, la happa avec une patte affreuse. Mon ami était prisonnier de la poigne du monstre et semblait se débattre, à juste titre.

Puis nos yeux, perdus dans ces scènes obscures, nous portèrent la vision en contre-jour du Dragon de l'apocalyspe mordre à pleines mâchoires l'insecte robotisé. Des bouts métalliques volèrent, avec des fils électriques, lors du déchiquetage. La carcasse fut aussitôt jetée contre notre tour, et tomba, de l'autre côté du labyrinthe.

Contemplant sa propre victoire, Zekrom Obscur tonna à nouveau. De sa gorge déployée émana un rugissement infâme, plein de violence.

Nous étions paralysés par la peur.

Ce monstre était invincible.

Je pensai le cauchemar arrivé à son paroxysme, mais nous vîmes soudain le monstre humer l'air. Ses trous injectés du sang brillant se fixèrent sur nous. L'horrible chose fondit droit sur nous. Julie, elle, avait encore l'usage de la parole.

- BARREZ-VOUS !

Je pris une direction au hasard, et je courus dans la pénombre. Je courus, je courus, je courus ; mes yeux trouvèrent le moyen de puiser dans mes dernières ressources aqueuses pour pleurer à nouveau. Je fuyais ainsi quand une vive douleur me lacéra les poumons, et mon souffle s'étouffa dans mon larynx ; mes genoux lâchèrent. Je tombai à terre. Une masse titanesque, derrière moi, à quelques mètres, atterrit lourdement. La Tour menaça de s'effondrer à cet instant, ou alors le sol de craquer, puisque le monde entier chuta subitement de dix centimètres, pour se stabiliser avec une inclinaison de quelques degrés. Néanmoins je rampai contre le premier tas de rochers venu, et m'y collai. Le bruit et la fureur s'étaient brusquement tus. J'essayais vainement de calmer ma respiration saccadée et à bout de nerfs, dernier souffle sifflant dans mes oreilles.

Un temps de désastre.


Les pas lourds du monstre secouèrent l'étage. Le bruit de sa respiration rauque sciait mes nerfs à vif. D'autres pas de géant.

- AAAAAAAAAAH ! NOOOOON !

Un cri d'épouvante fut poussé, et des pleurs atroces éclatèrent, là-bas. Des cailloux roulèrent, on traînait un corps qui hurlait.

Je reconnus la voix de Latias.

Ma paralysie fit place aux tremblements. Je me levai sur mes jambes, en me déchirant le mollet sur je ne sais quoi. Je me retournai vers la scène.


Je regardai.


Je ne respirai plus.


Zekrom Obscur avait coincé Latias dans un coin, entre deux éboulis. Elle se débattait sur le sol en gémissant, et les sursauts de ses sanglots horrifiés l'agitaient de brusques mouvements de fuite. Mais, blessée, condamnée à rester au sol, elle ne pouvait pas s'échapper. Le monstre l'attrapa par son aile valide, et la ramena plus de près de lui ; Latias griffait le sol. La bête commença à se pencher sur elle. La gueule ouverte, elle bavait de l'ombre, et respirai avec puissance. Un éclair transperça le ciel, derrière, et fit apparaître son profil. L'abomination était en rut.


- ZEKROM !

J'avais expectoré son nom, pour attirer son attention. Il m'ignora. Il se baissa, bestial, jusqu'à toucher Latias.

Je mis ma main à ma ceinture. J'empoignai la crosse du revolver. Je tendis l'arme devant moi. J'enlevai le cran de sécurité. Je visai le gros pied du monstre. J'appuyai sur la gâchette.
La détonation fut immédiate. Le coup partit, et le contrecoup me détruisit les bras. J'entendis un impact tiquer contre le sol. Le monstre noir tourna la tête, et lâcha mon amie. Alors que je me remettais de mon premier coup de feu, l'horrible chose se tourna, rugit en me voyant.

- ZEKROM !

La chose fit un pas, puis deux, puis accéléra, faisant souffrir les fondations de l'immeuble tout autant que mes jambes flageolantes.

- ZEKROM ! C'EST MOI, C'EST CHRIS !

Il sprintait, me tuant du regard. Le monstre leva une patte griffue au ciel, qui se mit à luire d'obscurité. Je vis ses trous noirs injectés de sang à la place de son regard rubis. Il y régnait une haine torturée contre toute forme de vie.

Il allait me reconnaître. Sortir de cet état.

J'en étais convaincu.

Il arrivait à portée de son coup.

Il allait me tuer.

Un réflexe. Une impulsion, qui me parcourut le bras, me les raidit en avant.

Un déclic.

Il y eut un coup de tonnerre.

Je ressentis un, puis deux contre-coups me déboîter les épaules.


De la matière noire gicla.


Le monstre tomba lourdement dans sa course. Emporté dans son élan, il glissa sur le sol jusqu'à ce que son crâne se trouve deux mètres devant moi. Sa griffe Obscure s'éteignit.

Il ne bougea plus.

Le revolver fut happé par la gravité.

Tout son poids m'échappa de mes mains, et chuta.

Avec un coup sec contre la pierre.





[...]





Le temps, affreux, reprit son cours, dans le silence de la mort.






...






Quoi....



Quoi...


Quoi...


Qu'est-ce que...



Qu'est-ce que j'ai fait...?