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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 11/08/2015 à 00:18
» Dernière mise à jour le 12/08/2015 à 21:11

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XXIV - 2 - Arracher une plume de l'aile
Cette fois-là, je me réveillai en sursaut. Mais, contrairement aux autres réveils en sursaut que j'avais eus ces derniers jours, celui-ci fut sans doute l'un des plus brusques et des plus horribles, car animé non pas par la peur du cauchemar, mais par la peur de la réalité.
Lorsque j'ouvris d'un coup les paupières, un projecteur blanc m'éblouit la moitié du museau, et le reste de la pièce, trop sombre par contraste, restait indistinct pour moi.

J'eus brusquement froid ; je sentis mes ailes attachées, mes pattes bloquées, ma queue entravée.

- Chris !

J'entendis plusieurs voix m'appeler, de non loin. Elle étaient présentes dans la pièce, et y résonnaient. Je ne pus parler ; j'avais la gorge sèche et l'esprit assommé.

- Ah ! Vous vous réveillez.

Une voix s'était doucement exclamé de la sorte, depuis les ténèbres. J'entendis quelque chose se poser sur autre chose avec un petit bruit sourd, des pas, le frottement d'un pantalon, et finalement je vis dans un sursaut une main blanche attraper le lampadaire et l'écarter. J'entendis le clic d'un bouton, puis un bruit de mécanisme ; je sentis alors que mon corps était attaché à une table, et que cette table, doucement, se redressait.

La lumière enlevée, il me fallut un petit moment pour m'habituer à l'éclairage de la pièce où je me trouvai. C'était, tout compte fait, une grande pièce. Vraiment grande. Elle n'avait pas de plafond, mais se terminait en voûte d'ogive, à plus de dix mètres de haut. Circulaire, la pièce avait sa moitié ouverte sur le reste de l'île : de grandes et hautes fenêtres, elles aussi en forme d'ogive, couraient le long d'une demi-circonférence. Dehors, le ciel me parut rouge sombre, et je ne sus si c'était mon abrutissement ou ma fatigue, mais la couleur du ciel se distinguait mal des murs de notre intérieur : ces derniers étaient faits d'une pierre sombre ou de je ne sais quoi, un matériau assez singulier, lisse. La salle, que ce soit autour de moi, ou par-ci par-là, était remplie de bureaux, de boîtes d'où dépassaient plusieurs dossiers, ou encore d'écrans d'ordinateur. Cela dit, malgré l'apparent désordre sur les bureaux, le sol était propre et net ; sur le moment je ne perçus que quatre gros câbles qui convergeaient tous vers l'imposante machine au centre de la pièce.

Ce qui attira mon attention en premier lieu se trouvait au beau milieu de la salle : une énorme machine cylindrique, d'une couleur froide et métallique, entourée de quatre piliers lumineux et similaires, chacun encastrés d'un quart à l'intérieur du gros cylindre principal. Ce qui semblait être le corps principal de la machine était coiffé d'un plus petit dôme de lumière, au centre de sa face supérieure. Lui aussi à demi-enfoncé dans la machine, un grand couffin lové dans une coque en verre se tenait debout, face à moi.

Derrière cette grande machine, j'en percevais le haut d'une autre, cette fois-ci d'un métal sombre, noir-violet. Elle me semblait beaucoup plus développée que celle qui trônait en plein milieu, car elle me sembler arborer courbes et technologie mystérieuse, aux allures presque extra-terrestres. Je n'en voyais pas plus de là où j'étais.

A ma droite, au fond, contre le mur, se trouvait une autre machine remarquable. Moins imposante que celle du centre, elle était toute fois notable par sa démesure ramassée dans ce coin. Sous un impressionnant écran plat pendu au mur, deux cercueils de verre étaient ancrés côte à côte, au cœur d'une machine massive et complexe. Elle était faite de tout un bloc, avec une couverture en acier mate, clair ; j'avais, avec cette machine-ci, davantage l'impression qu'elle avait été construite récemment, non pas à la va-vite mais plutôt à force d'efforts acharnés, qui seraient venus ajouter un dispositif par ici et un accélérateur par là. Ce qui expliquerait cet aspect lourd, embrouillé et refermé sur lui-même, tout autour de ces deux lits sous transparence.

Si ma vue s'adapta assez rapidement à la luminosité, une douleur aiguë dans la poitrine m'empêchais de m'exprimer ou de tenter le moindre mouvement. Je ne pus donc exprimer ma stupéfaction lorsque, sous l'une de ces cloches de verre, sur l'un de ces lits, je reconnus mon corps d'humain, enfermé dans cette machine.

Cette vision me paniqua davantage. Savoir que mon corps était là, juste là, une dizaine de mètres, séparé de moi par seulement quelques bureaux - quand j'y repense, je ne sais pas pourquoi cela m'affola autant. J'aurais sans doute dû me mettre en colère, m'animer d'une impétuosité désireuse de retrouver son corps... Mais la vue de ce corps d'humain, de mon ancien corps et de son insignifiance, qui reposait là-bas, comme s'il était mort... Je ne sais pas pourquoi cela me paniqua autant. J'ouïs alors des bips stridents, qui avaient toujours été là de puis mon réveil, brusquement s'accélérer, en même temps que je les remarquai. Je reconnus les sons distinctifs du moniteur d'un électrocardiographe, un peu habitué après tous mes passages par des hôpitaux.

- Bon retour parmi les vivants, fit de nouveau cette voix.

Je tournai légèrement le museau, et je remarquai que l'homme qui me parlait se tenait à ma droite, à quelques mètres de moi. Je ne sais pas pourquoi je ne le remarquai que maintenant, alors que, dès l'instant où je le vis, j'eus l'impression qu'il n'y avait que lui ici. Il faisait face à un écran, et tapait avec adresse sur un clavier tactile. La lumière bleutée de l'appareil lui éclairait le visage, et je vis qu'il n'arborait aucun sourire machiavélique, aucun rictus étrange. L'homme portait une paire de petites lunettes triangulaires, aux verres légèrement teintés. Il était brun, avec des cheveux mi-longs qui lui tombaient sur la nuque, mais le plus remarquable dans sa coupe était cette grande et longue mèche qui partait de son front, et qui était cassée en plusieurs endroits. Il portait une longue blouse blanche évasée, à manches larges, parcourus de traits bleu électrique à certains endroits. Un pantalon d'un violet dru et d'épaisses chaussures noires venaient compléter sa tenue. Autre signe distinctif : son double col, dont un relevé derrière la tête, et un autre relevé au niveau de sa gorge. Je le vis ouvrir la bouche, et continuer de taper sur son clavier illuminé, sans me regarder.

- Je viens de te sauver la vie, au cas où tu te demanderais. Tu avais besoin de quelques raccommodages par ci et qu'on te rafistole le cœur, aussi. Ça devrait tenir assez longtemps pour la Purification.

D'autres appels à mon nom résonnèrent dans la salle, nombreux. Maintenant que je me repérai un peu mieux, je compris qu'ils venaient de derrière moi, aussi bien de la droite comme de la gauche. Je voulus tourner la tête pour les voir, mais les attaches d'acier qui me cernaient les membres me clouaient à la table d'opération et m'empêchaient de me tourner.

- Ce sont tous tes amis qui sont là. Ne t'en fais pas, ils ne louperont rien du spectacle.

...Quoi ? Tous ? ...Lugia ?

- ...

Est-ce que tu...

- Oui. Je suis dans le fond, derrière toi, à ta droite. Je suis retenu par une espèce d'armature métallique. Il y a aussi... Zekrom, Latios, et Latias. Oh, Gardevoir est avec eux, aussi. Ils sont tous les quatre dans une grande cage électronique, avec des murs pleins et translucides...

...Qui y a-t-il d'autre ?

- À ta gauche, il y a, dans une première cage, similaire à celle qui retenait le Professeur Syrus, Noctali, Bastiodon, Drak et Lançargot. Fire, Hugwald, puis les Pokémon de tes parents, Carchacrok et Mustéflott, sont dans une autre cage semblable. Non loin de ces différentes prisons, il y a ton Charkos, ta Vaututrice. Eux deux sont chacun arnachés comme je le suis : des bras mécaniques retiennent nos membres, des fils électriques pendent un peu partout, et de gros câbles sortent du socle sur lequel nous sommes chacun retenus. Et je crois que Shaymin est dans ce cas aussi... Quant aux humains... Ils sont, eux, enchaînés au mur, non loin des cages. Il y a tes parents, Cynthia et Lovis, accompagné du Professeur Syrus, et de Goyah. Oh, et je viens d'apercevoir les cheveux en l'air et les lunettes protectrices sur le front du Pokémon Ranger, aussi.

...Je notai que Julie manquait à l'appel. Comme par hasard. Mais à côté de ça... Ont-ils vraiment réussi à tous nous avoir ? Même vous trois ?

- C'est que, faire le tour de l'Île en volant... Ils nous ont un peu pris par surprise, nous aussi.

Mais... Avec quoi...? Comment...?

- Je ne sais pas vraiment... Les armes paralysantes et autres filets électriques ont fusé dans tous les sens... C'était rapide et confus, mais diablement efficace... Il faut croire qu'ils savent se défendre contre les Pokémon Légendaires... Ils nous ont apporté par la grande porte, au fond de la pièce, un peu en face de toi.

La grande porte ? Je ne vois que cette machine violette et des fenêtres, à côté...

- Ben, ils doivent avoir un mécanisme pour abaisser un pan de mur ou autre... C'est assez bizarre, même moi je me sens un peu dépassé par tout ça...

Bon, c'est pas grave. Savoir comment vous vous êtes retrouvés là ne changera rien au fait que vous vous trouvez prisonniers.

- Certes.

Mais quand même... Nous capturer, tous, en si peu de temps, et nous ramener ici...

...Lugia ne répondit pas.

Hm ? Lugia ?

- ...Ça fait deux jours que nous sommes ici.





[...]





Oh. ...Merde. Deux jours... Vraiment ? J'ai l'impression que... Je me suis fait endormir il y a un quart d'heure...

De son côté, le scientifique n'avait rien ajouté depuis sa mention du "spectacle" à venir. Il avait l'air calme et concentré, appliqué sur ce qu'il faisait. Comme je le disais, c'était assez curieux, cette allure consciencieuse et sérieuse.

Soudain, il fit quelques entrées de touche plus saccadées, plus décisives, puis il revint vers moi. J'eus de nouveau peur, mais il n'en fit rien. Il m'ausculta rapidement, me tâta les cuisses, la poitrine, puis la gueule ; j'étais tellement sonné que je me laissai faire physiquement, mais une telle proximité et une telle désinvolture de la part de cet inconnu m'angoissèrent vraiment. J'entendis les bips s'accélérer.

- Reste tranquille un moment. Je n'en ai pas pour longtemps, dit-il.

En activant un levier sous la table, les attaches de mes membres s'ouvrir d'un coup. Cet homme m'empoigna, me souleva dans les airs, puis m'emmena jusqu'à la machine centrale. J'eus voulus me débattre, je n'aurais pas pu ; comme je l'ai déjà dit, je ne sais si c'était les effets d'un anesthésiant, d'un dysfonctionnement corporel, ou de l'angoisse, mais je me sentais aussi mou, rugueux, incapable, et froid qu'un Magicarpe hors de l'eau. Puisqu'il me retourna pour me porter vers ce qui devait être, selon ses dires, le Purificateur, j'entrevis, dans le fond de la pièce, tous les captifs dont Lugia m'avait parlé, et le Gardien des Sept Mers lui-même. Ils étaient tous à moitié dans l'ombre ; seules les vingt paires d'yeux inquiets fixés sur moi m'étaient clairement perceptibles.

Je fus posé aussi lourdement qu'un corps inerte sur une surface capitonnée. Le scientifique alla sur la console du Purificateur, entra quelques commandes. Soudain, mon lit bougea, et s'enfonça en arrière, dans la machine. Lorsqu'il s'arrêta, les murs du cylindre d'acier s'abaissèrent, et il ne resta que les quatre colonnes lumineuses pour porter le toit de l'engin et son dôme de lumière blanche. Je crois que le scientifique tapait moins vite, avec une certaine tension. Je vis sa bouche serrée, et son regard collé sur l'écran, plongé dans la lueur électronique de la machine. On entendit une turbine se mettre en marche. Des étincelles crépitèrent autour des quatre pylônes. Puis, le temps que le courant passe et que le démarrage s'effectue, les quatre socles sur lesquels quatre des Pokémon prisonniers étaient retenus s'allumèrent. Je vis celui de Shaymin à ma droite, celui de Vaututrice à ma gauche, et celui de Lugia face à moi, derrière la table d'opération où j'avais été allongé. Une quatrième lueur venant d'en haut me fit conclure que Charkos était retenu prisonnier dans un système similaire non loin derrière moi.

Mon lit s'inclina à 45°. Puis, venant du haut de la machine, un casque recouvert d'électrode descendit, et vint se coller sur mon crâne. Si mon inquiétude grandissait encore et toujours, je ne sentis rien, à part la froideur de l'artificiel. Un "clac" résonna dans la pièce. Plus aucun bruit, à part un léger vrombissement. Un moment de silence, puis je vis l'homme à la longue blouse redresser sa longue mèche, pour enfin, après une inspiration, qu'il appuie sur un dernier bouton. Les quatre socles, les quatre pylônes, et le noyau centra où je me trouvai : tout cela s'alluma de plus belle, et les étincelles, bien que légères et pas spécialement menaçantes, redoublèrent. Je ne vis ni n'entendit un des quatre prisonniers souffrir ou crier. Vaututrice et Shaymin gardait leur air sérieux et fortement inquiet, cependant, notre Gratitude arborait une mine plus colérique et vengeresse quand elle fixait le scientifique du regard, et Vostour semblait éreintée par son enfermement et rongée par l'anxiété. Je ne pus voir comment réagissait ce grand Charkos. Quant à Lugia, en face de moi, il arborait une mine profondément attristée, et baissait le bec vers le sol. Je pense qu'il ne regardait rien de particulier, et ce fut une raison de plus pour me démoraliser. Je ne l'avais jamais vu aussi pensif, aussi perdu.


Tout ce dispositif et cette mise en scène terminée, le scientifique s'éloigna, et soupira de soulagement. L'air toujours un peu préoccupé, il regarda autour de lui, par les fenêtres, ses hautes voûtes, les prisonniers, vers une porte, là-bas sur ma droite, perdue dans l'ombre, et partout dans la pièce. Puis, il revint vers la console qu'il venait d'activer, regarda longuement l'écran, se passa une main sur le visage, et expira, l'air satisfait, une nouvelle fois. Enfin, il ouvrit la bouche.

- Bien ! Mes chers amis, tout est en place. Il n'y a plus qu'à patienter.

Il fit quelques pas devant sa console, alla vers une de ces fenêtres, et s'y arrêta, le regard vers les cieux. Il ne fit rien pendant plusieurs secondes qui me parurent une éternité. Personne ne soufflait mot dans la pièce. Je ne sais pas s'ils avaient tenté quoi que ce soit pendant ces deux derniers jours, mais ils semblaient résignés, et attendaient, eux aussi. Mais comme ces dernières quarante-huit heures étaient passées en coup de vent pour moi, je m'accordai le droit de l'ouvrir.

- Est-ce que nous pouvons avoir quelques explications, au moins ?

- Ne gaspille pas ta salive, fiston, cette tête de Piafabec ne veut rien nous dire, me répondit mon père depuis son enchaînement.

En effet, le scientifique ne nous dit rien. Les bras croisés derrière le dos, il continua de regarder par l'une de ses grandes fenêtres le ciel rouge cendre qui s'étendait à perte de vue.

Je l'entendis inspirer, puis expirer.

Enfin, il me parla de nouveau, sans se retourner.

- Après tout, nous avons du temps à perdre, désormais. Que désires-tu savoir ?

Oh. Hm. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi direct... Je réfléchis à une première question, et je demandai, en tournant mon museau casqué vers lui :

- Hé bien, qui êtes-vous ?

Silence. L'homme semblait perdu dans l'horizon qu'il scrutait.

- Mon nom est Teck, dit-il enfin.

Un autre silence.

- Je suis le créateur des Pokémon Obscurs.

Puis il patienta à nouveau. Je n'avais rien d'autre à répondre que mon mutisme. J'avais... Tellement d'autres questions, sûrement... Je ne savais ce qu'il attendait, mais il se décida à se retourner. Il s'avança vers le Purificateur, les mains toujours dans le dos, puis il me regarda, regarda le Purificateur, les quatre socles, puis les prisonniers. Enfin, il posa de nouveau le regard sur moi, derrière ses lunettes triangulaires, et parla.

- C'est vrai que, maintenant que j'y pense, tout cela doit être bien compliqué pour vous tous. C'est l'inconvénient, lorsque l'on essaie de ses mêler des affaires des autres : ne pas très bien les comprendre. Et malgré votre incompréhension, vous vous obstinez à mettre leurs plans en déroute, persuadés du bien-fondé de vos actions, et de la vilenie des leurs.

Teck regarda en l'air, puis regarda ses machines.

- Oh, je ne dis pas que nous ne sommes pas blâmables. Nous avons beaucoup de sang sur les mains. Cela dit, dévoiler la véritable nature des Pokémon demande des efforts surnaturels. Quelques actions que certains qualifieront d'inhumaines étaient donc de mise.

Il baissa de nouveau son regard vers moi.

- As-tu une autre question ?

Bien. Il m'avait cherché, cette fois. Je le regardai droit dans les lunettes, et, le souffle court, je lui posai une simple question, avec tout l'empressement du monde.

- Pourquoi moi ?

Il me regarda. Il regarda les prisonniers, à nouveau. Puis retour sur moi. Je commençai à détester ces allers-retours du regard. Je voulais qu'il crache le morceau. Maintenant. Tout de suite. Nous étions tout prêts. Nous allions enfin savoir. Nous devions enfin savoir... Teck ouvrit la bouche une première fois, puis la referma. Il sembla hésiter, mais finalement, il se lança, et me dit :

- Parce que tu es le fils de Lugia.









[...]









[...]









...Quoi ?








Personne ne dit rien parmi les prisonniers. Ceux qui avaient assez de force pour être perdus dans l'incompréhension laissaient leurs front se froncer sous l'influence de l'invraisemblance de cette affirmation. Je n'eus aucun regard vers mes parents sur le coup. J'entendis juste leurs chaînes bouger. Mon père lança un "Et ta mère ?!" avant de traiter le scientifique de charlatan, de poltron, et de sale clown. À part vers Teck, j'eus un seul regard, vers Lugia. L'Oiseau ne bougeait pas d'une plume. Teck ramassa un papier qui était par terre, se redressa, et rangea le papier sur un bureau.

- C'est là toute la vérité. Mais vu votre incrédulité, je dois sans doute vous donner plus d'explications.

Il ferma le dossier qu'il venait d'ouvrir, puis fit quelques pas devant moi. Il commença ainsi son récit.

- Comme je vous l'ai dit, mon nom est Teck. Au cours de ma carrière de scientifique, j'ai mené des recherches dans divers secteurs de biologie Pokémon, que ce soit sur leur histoire évolutive ou sur leur psyché. Mes travaux portaient sur la recherche d'une essence Pokémon, ou ce qui, en quelque sorte, définirait à lui seul le Pokémon, et sa différence avec les autres formes du vivant. Il y a à peu près vingt-cinq ans, j'ai découvert, au hasard de mes recherches, que l'esprit Pokémon était, malgré ses capacités bien supérieures aux nôtres, beaucoup plus fragile ; je travaillai sur une entité psychique qui irait jusqu'à faire ressortir ces spécificités de leur esprit, ce qui me révélerait alors la particularité première de ces créatures. Mais cette entité psychique de ma création a réagi étrangement à l'esprit Pokémon, ce qui l'a, en quelque sorte, fait muter. Pour faire plus simple, elle s'est transformé en une sorte de virus, de virus de l'esprit. L'entité était capable d' "enfermer" certaines parties de la conscience et autres sentiments atténuateurs du Pokémon, pour ne laisser plus que place à son subconscient déchaîné. Dans cet état, le Pokémon se transforme en véritable arme, libérant une énergie dévastatrice, cruelle, sans limite, car sans distinction de bien ou de mal. Juste, l'action et la satisfaction du pouvoir. Ces Pokémon que, plus tard, nous appelions un Pokémon Obscur.

Teck fit quelques pas devant le Purificateur, et poursuivit.

- Certains chefs d'organisations eurent vent de cette découverte. Pendant deux ans, beaucoup ont essayé de me dérober ce virus que j'avais créé par accident. Mais finalement, un vieux monsieur, qui avait fait fortune dans les mines de la région de Rhodes, m'a proposé la meilleure offre.

Le scientifique regarda en l'air.

- Il me parla de folies des grandeurs, de contrôle de la Région de Rhodes, et des possibilités de pouvoir qui s'ouvraient à la Team Ombre que l'on créerait. Sans compter le poste d'Administrateur qu'il m'offrait immédiatement. Dans mon empressement de jeune scientifique, j'acceptai. Si travailler à développer les Pokémon Obscurs pouvait m'aider dans la recherche de l'essence Pokémon, qui plus est en ayant tous les fonds que je désirais... J'étais un scientifique comblé.

Teck baissa la tête, et continua de n'arborer ni sourire, ni tristesse. Il resta impassible et stoïque.

- Je mentirai si je niai m'être intéressé à cette histoire de puissance révélée des Pokémon. Après tout, nous ne les améliorons en aucun cas, ni ne les changions. Nous ne faisions qu'emprisonner ce qui les empêchait d'être au plus profond d'eux-mêmes. Plus nous emprisonnions leur conscience, plus l'obscurcissement était efficace. Je ne parlerai même pas des Pokémon naturellement plus puissants que d'autres - l'idée de les obscurcir nous grisait tellement qu'elle devenait priorité. Pour respecter les quotas et faire grossir la Team Ombre, je formai d'autres scientifiques à l'obscurcissement : comment multiplier le virus, en imprégner une Poké Ball, et, dans les cas extrêmes, y exposer directement le Pokémon. Les plus méritants d'entre eux me rejoignaient dans le laboratoire de recherche et de développement, où j'œuvrai à l'amélioration du virus. Une de mes élèves fut particulièrement importante à mes yeux ; elle s'appelait Angéline.

Teck s'arrêta un instant devant une de ses fenêtres, avant de reprendre.

- Comme vous le savez, la Team Ombre a été mise en déroute une première fois. Un de nos chefs a perdu la boule après sa défaite et s'est fait arrêté. J'ai pu m'enfuir avec quelques Pokémon Obscurs, et le soutien d'Angéline. Ce premier échec, s'il avait été difficile à vivre, ne signait pas la fin de nos ambitions pour autant. Je songeai à ce qui n'avait pas été. Si Angéline fit de son mieux pour trouver un avenir à notre organisation et pousser notre Grand Maître à remettre la Team Ombre sur pied, je décidai de poursuivre les recherches de mon côté. La création de Pokémon devait être plus efficace. Au lieu de chercher à les exposer de force, les uns après les autres, nous devions faire en sorte qu'ils se multiplient par eux-mêmes.

Le scientifique remit convenablement ses lunettes.

- Je ne sais pas si je vous l'apprends, mais le subconscient est une zone encore aujourd'hui très mystérieuse de notre psyché. Les pulsions qu'il renferme dépassent l'entendement. Si le Pokémon Obscur était violent et incroyablement puissant, ses pulsions sexuelles n'en n'étaient pas moins bridées. J'expérimentai donc, et laissai deux Pokémon Obscurs se reproduire. Vous conviendrez de mon étonnement lorsque je vis que le virus s'était transmis à leur descendance.

Il y eut un malaise dans la salle. Nous sentions que nous nous rapprochions de l'explication tant attendue.

- J'utilisai cette particularité du virus pour approfondir mes recherches et développer la psychogénétique Pokémon, à savoir l'étude de la transmission de caractères psychiques via les gènes. Pendant ce temps, Angéline poursuivit ses ambitions dans son coin, et cinq ans après notre premier échec, elle revint vers moi, en m'assurant que la Team Ombre avait de quoi ressusciter, avec une splendeur encore plus grande. Notre Grand Maître avait fait l'acquisition d'une île, perdue dans l'océan et inaccessible ; elle fut nommée Île Ténébra et deviendrait notre camp de base. Elle m'assura surtout que la nouvelle Team Ombre visait plus haut que la fois précédente, en voulant créer un Pokémon Obscur ultime, qui serait impurifiable... Et il suffisait que ce Pokémon soit assez Légendaire pour vous laisser imaginer de la puissance formidable qui nous échoirait.

Là, il s'interrompit, et nous expliqua :

- Oui, car le Virus Obscur n'avait jamais atteint la perfection jusqu'ici. Il subsistait toujours des zones de conscience ouvertes, réceptives aux sentiments, et un ou deux Dresseurs fouineurs se sont amusés à se mettre en tête de nous "purifier" nos Pokémon par divers moyens. Après notre premier échec, le Professeur Syrus ici présent travailla dans l'élaboration d'un Purificateur qui faciliterait le retour cet état impropre qu'on les Pokémon, tout ça dans le cas où nous reviendrions en force. L'enjeu était double pour nous, puisqu'il fallait aussi contrer cette avancée technologique du côté de la fade lumière.

Puis, Teck reprit son récit sur la formation de la seconde Team Ombre.

- Angéline reprendrait ma place au sein de la nouvelle organisation. Pour ma part, je songeai au rôle que j'avais joué pendant notre première tentative, et je décidai que je ne voulais plus me compromettre ouvertement et agir comme Administrateur officiel. Je travaillerais avec eux dans l'ombre, et aiderait mon ancienne élève à arriver à ses fins, tout en pouvant continuer mes recherches. Angéline eut de toute façon assez de cran pour me prouver qu'elle pouvait prendre en main le projet XD001.

Il regarda Lugia à cet instant :

- Il s'agissait de capturer Lugia et d'en faire un Pokémon Obscur.





[...]





Lugia ne bougeait toujours pas. Il gardait le bec vers le sol, les ailes retenues en l'air par la machine à laquelle il était attaché.

...Les choses commençaient sans doute à se remettre en ordre. Mais comment est-ce que moi...

Teck continua son histoire :

- Angéline rétablissait notre laboratoire, moi je me chargeais de développer la reproduction entre Pokémon Obscurs. Les nouveaux-nés présentaient de nouvelles caractéristiques ; en étant nés Obscurs, il n'y avait plus lieu de s'inquiéter de souvenirs qu'ils auraient pu avoir de l'époque où il n'étaient pas Obscurs. Ils ne connaissaient que l'obscurcissement, et grandissaient avec, en développant de nouvelles capacités obscures exceptionnelles. En faisant ressortir de la sorte leurs instincts, les pulsions sexuelles n'étaient plus un problème - mais c'était désormais mon devoir de les rendre plus féconds. D'augmenter leur chance d'avoir une descendance.

Le scientifique inspira et expira. Il y eut un silence, avant qu'il ne reprenne :

- Comme je vous l'ai dit, j'ai travaillé sur de nombreuses espèces Pokémon. Lorsque la nouvelle Team Ombre m'a montré son potentiel en capturant Lugia, j'ai sauté sur l'occasion d'étudier plus en détail le pouvoir des Pokémon Légendaires. En associant mes recherches avec d'autres travaux, publiés ou tenus secrets par d'obscurs scientifiques, j'ai découvert que, afin de compenser leur puissance, les Pokémon Légendaires étaient biologiquement restreints : ils étaient tous atteint d'oligospermie sévère, ou cryptozoospermie : ils possèdent une quantité de spermatozoïdes par millilitre de sperme anormalement faible, très faible. En ajoutant au Virus Obscur, qui imprégnait le code génétique de l'hôte, la possibilité pour lui de pallier à cette déficience en gamètes reproductrices, je nous donnais la possibilité, en obscurcissant un Pokémon Légendaire, de non seulement rendre celui-ci fécond, mais également de nous assurer une horde de Pokémon Légendaires Obscurs de naissance.

Teck se retourna dans sa marche, et nous regarda tous :

- Avec tant de puissance à portée, je vous laisse imaginer l'état d'euphorie dans lequel une organisation criminelle comme la nôtre était.

Nous ne laissant pas le temps de souffler, le scientifique reprit son récit :

- Avec le Virus Obscur transmis aux nouveaux-nés, nous aurions rendu au monde ses véritables créations. La nouvelle Team Ombre était prête à entrer en scène, avec des Pokémon Obscurs plus forts, plus développés. Angéline et moi travaillâmes d'arrache-pied dans l'obscurcissement de Lugia, qui devait être notre fer de lance pour notre première armée de Légendaires. Il nous fallait d'autant plus le rendre impurifiable, car les fouineurs dans votre genre auraient pu revenir et faire tout rater.

Les mains dans le dos, le regard insensible, Teck regarda à nouveau Lugia :

- Son obscurcissement fut une véritable œuvre d'art. Le Virus renforcé et formidablement installé sur son hôte dépassa toutes nos espérances : XD001 était tellement bien obscurci que le Virus l'avait changé physiquement, véritable victoire de l'esprit sur la matière. Il lui avait redonné son apparence véritable. Je me souviens de ton beau plumage sombre, ton air féroce, la hargne de ton rugissement, et les lames d'argent autour de tes yeux qui brillaient comme des rubis...

Lugia, la tête baissé, le fusillait du regard.

- Allez vous faire voir, souffla-t-il, plein de haine.

- Hm.

Teck cessa de regarder l'Oiseau, et poursuivit :

- Tout se passait alors merveilleusement bien pour la Team Ombre. Lugia Obscur dans notre poche, nous pûmes l'utiliser afin d'attaque le Libra et de nous emparer des Pokémon à bord. Je ne m'étais enfui cinq ans auparavant qu'avec quelques spécimens, et nous devions obscurcir d'autres espèces si nous voulions diversifier notre armée.

Le scientifique se racla la gorge, et retourna regarder par sa fenêtre.

- Cependant, cette première sortie dans le vaste monde pour Lugia Obscur ne se passa pas comme prévu. Nous en perdîmes le contrôle durant un instant ; il lâcha le Libra en plein désert, et nous perdîmes sa trace. Nous le cherchâmes toute la nuit durant : vous pouvez imaginer que la situation était grave. Avoir perdu un spécimen de cette puissance en pleine Région... Nous le cherchâmes toute la nuit, et le retrouvâmes à l'aube, au nord-ouest de Rhodes. Nous le récupérâmes, et l'emmenâmes sur l'Île Ténébra. Nous l'examinâmes afin de nous assurer de la stabilité de son état, et de sa bonne santé physique : il avait été une nuit dans la nature et nous ne savions ce qu'il avait vécu.

Teck baissa la tête.

- XD001 était bien portant. La seule chose qu'il lui manquait était un quantité notable de sperme.

Puis, il se retourna, et, toujours aussi impassible, s'adressa soudain à ma mère :

- Cynthia... N'étiez-vous pas en lune de miel à Rhodes, en ce temps-là ? N'êtes-vous pas tombée enceinte de Chris pendant ce voyage ?





[...]





Mais... Mais non... Mais comment...

Je... Je laisse imaginer l'état dans lequel une telle déclaration nous mettait tous...

Ma mère se débattit fougueusement. Je vis sa chevelure blonde s'agiter, et je l'entendis insulter Teck de la même manière que mon père l'avait fait plus tôt. J'y entendis peut-être plus de rage que chez Lovis... Quant à moi, je protestai vivement :

- Vous vous foutez de nous, ou bien vous le faites exprès ?!

Le scientifique resta imperturbable :

- J'ignore comment cela est arrivé. Tout ce que je dis est la vérité, cependant.

- SALE DEMEURÉ ! hurla Cynthia. Comment est-ce que vous pouvez insinuer des choses pareilles ?!

Teck se retourna vivement :

- M'accusez-vous de mentir ?

- Oh, ça, oui ! Mentir n'est même pas assez fort pour décrire vos conneries !

- Hé bien, Cynthia ? répéta Teck. Vous me dites que vous n'étiez pas à Rhodes, le soir où le Libra s'est fait attaqué par Lugia Obscur ?

Ma mère argua de plus belle :

- ET ALORS ?! Ce n'est pas que Lovis et moi nous trouvions dans la Région au moment des faits que...

- Ah ! Voilà, conclut Teck. C'est tout ce que je voulais entendre, merci.

Sur ces mots, le scientifique s'approcha rapidement du Purificateur, et donc de moi. Cynthia se débattit de plus belle, et s'écria, vers sa droite :

- Lugia ! Dis quelque chose, merde !

Mais le grand Oiseau ne répondit rien. Il restait le regard fixe, le bec pointé vers le sol. Teck, en constatant cette scène, se retrouva face à moi.

- Chris... Votre père officiel me prend pour un charlatan, votre mère m'insulte et Lugia reste muet, entre deux rancunes tenaces. Vous êtes un scientifique, tout comme moi. Je vais donc vous demander votre avis. Que pensez-vous de ma théorie ?

Ce que j'en pensais...? Son idée de me mettre Lugia comme père était tellement farfelue qu'elle m'aurait fait rire dans d'autres occasions.

- Je pense, rétorquai-je, que je ne vois comment, biologiquement parlant, Lugia pourrait être mon père.

- Si vous parlez de la manière dont le sperme de ce Lugia a fécondé un ovule de l'humaine ici présente, moi-même je n'en sais rien. Cela dit, génétiquement, l'aptitude à la reproduction est tout à fait probable.

- Ah oui ? Et depuis quand le génotype humain est compatible avec un génotype Pokémon ?

- Hé bien, depuis que les Pokémon Légendaires ont bien plus en commun avec les humains que n'importe quelle autre espèce Pokémon.

Hein ? Comment ça ?

- Laissez-moi vous expliquer : les espèces de Pokémon Légendaires sont connues pour être des êtres immémoriaux. De plus, la paléogénétique nous a appris leur génotype ou leur aspect ne présente aucune différence avec ce qu'ils étaient autrefois. Les Pokémon Légendaires n'étant pas soumis à une reproduction sexuée (du moins, sans mon Virus Obscur), il ne peut y avoir mutation ou sélection naturelle : ils naissent plus ou moins parfaitement semblables à leur prédécesseur, la provenance de leur œuf restant encore un grand mystère pour la science.
Mais ce point là n'était plus un mystère pour moi, car je savais que c'était Arceus le responsable... Et suivant ce principe, sa théorie collait : Arceus créant le nouveau Pokémon Légendaire, le plus identique possible au précédent, afin de perpétuer l'équilibre mondial...

Il marqua une courte pause, songeur.

- Ma théorie à ce sujet, poursuivit Teck, est que l'espèce humaine, dans l'histoire de la vie, a été conçue sur ce génotype immémorial. Puisqu'aucune espèce Pokémon n'a, à ce jour, été considérée comme proche de l'humain d'un point de vue évolutif, il est probable que l'humain soit plus proche du Pokémon Légendaire que du Machopeur ou du Chimpenfeu. De même, nous n'avons aucune indication précise sur l'apparition de l'être humain, ou de la divergence évolutive qui lui aurait fait "perdre" son essence Pokémon, et qui le ferait donc descendre des Pokémon. Ainsi, je pense que, comme les Pokémon Légendaire, l'humain a été créé, et ce à partir d'un génotype de base, semblable à celui utilisé pour les Légendaires. De ce fait, l'humain pourrait être vu comme une espèce de Pokémon Légendaire, sans le moindre pouvoir. Enfin, hormis celui qui consiste à pouvoir voir plus loin que le petit monde qui lui a été livré.

...

...C'était... Une idée...

Teck se tourna vers moi :

- Alors ? Qu'en dites-vous ? Me croyez-vous si je vous dis que Lugia est votre père ?

- Je... J-Je ne vous crois absolument pas... Mais, supposons que tout ce que vous dites est vrai... Donc, quoi ? Vous m'en voudriez parce que je serais son fils ?

- C'est presque cela.

Le scientifique s'éclaircit la voix, et reprit l'histoire de la Team Ombre :

- Aujourd'hui, vous savez que, lors de l'apogée de la nouvelle Team Ombre, un autre Dresseur est venu rajouter son grain de sable, encore une fois, et a mis en déroute la Team Ombre, au complet cette fois. Même notre nouvelle organisation, avec de nouveaux administrateurs, et de nouvelles méthodes, n'a pas suffit. Nous avons tout donné contre ce Dresseur, et, en retour, il nous a volé l'intégralité de nos Pokémon Obscurs, pour les purifier. Il...

Teck marqua une pause à ce moment, chose notable vu le débit de parole qu'il tenait depuis le début.

- Il a même réussi à nous voler XD001, reprit-il calmement, et, par je ne sais quelle diablerie scientifique, ce jeune abruti et le Professeur Syrus réussirent malgré tout à purifier Lugia. Nous avions- non, plutôt, j'avais, moi, investi tout dans cette résurrection. Tous les Pokémon Obscurs avaient été envoyés au combat, et tous nous furent dérobés ; tous nos efforts contenus dans XD001, envolés avec notre spécimen.

Il marqua une autre pause ici. Il fouilla dans certains de ces papiers, puis, tranquillement, revint vers le tableau de commande du Purificateur. Apparemment, tout se passait bien, puisqu'il n'entra aucune commande supplémentaire, que l'intensité lumineuse de nos prisons n'avait pas changée, et que le vrombissement continuait.

- Si Angéline et d'autres membres de la Team Ombre s'évanouirent dans la nature, Artus, un des fils de notre Grand Maître, garda une foi inébranlable dans le potentiel des Pokémon Obscurs. Le seul inconvénient avec lui est sans doute sa trop grande radicalité dans ces décisions. Il a failli faire sauter Ténébra par seule rage... Si Eudes et le Grand Maître l'en ont empêché, il s'est enfui après la dissolution de la Team Ombre, en promettant de faire revivre la Team Ombre... Je vous laisse contempler autour de vous ce que, presque vingt ans plus tard, il a réussi à rebâtir.

- Donc, quoi ? C'est Artus qui dirige Cipher, cette troisième "Team Ombre" ? Et quel est le rapport avec moi ? demandai-je à nouveau.

- J'y viens, dit Teck, j'y viens. Artus qui dirige Cipher ? Non, non, bien sûr que non. Il est beaucoup trop impétueux et n'est pas assez logique. Non, il m'a proposé de prendre en charge cette nouvelle organisation : s'il a été intelligent sur un point, c'est de laisser le créateur des Pokémon Obscurs se charger de Pokémon Obscurs. Son désir de pouvoir était tel qu'il ne me demandait que la puissance des Pokémon Obscurs en retour. J'acceptai, à condition qu'on me laisse une certaine liberté d'action et de choix. Nous tombâmes vite d'accord sur les clauses du contrat, et, lentement mais sûrement, nous construisîmes Cipher. Nous avons repris le nom que les anglophones nous donnaient pour un peu plus de panache. La "Team Ombre", c'était du passé, mais notre héritage indéniable : il fallait repartir de zéro tout en acceptant les deux derniers échecs.

Il nous expliqua ensuite rapidement, en accélérant un peu son débit de parole :

- Je vous passe les détails de notre construction lente et minutieuse. Il ne fallait plus voir à l'échelle de Rhodes, mais à l'échelle planétaire. Si nous nous étions déjà associé à une Team régionale par le passé, cette fois-ci, nous avons décidé de nous associer avec des organisations d'autres Régions. Giovanni de Kanto et Purple Eye revenu d'Oblivia acceptèrent ; nous retrouvâmes également d'anciens collaborateurs, que vous connaissez déjà : Bouledisco et Dakim, de la première Team Ombre, Vamper de la seconde. Les deux premiers ne sont pas bien malins et les convaincre fut facile, quant à Vamper, il lui suffit de lui promettre de gouverner Ténébscuriax pour le faire revenir.

- Ténébscuriax ?

- Oh, oui. L' "Île Gentille" est bien évidemment inexistante, officieusement, puisqu'il s'agit en réalité de l'Île Ténébra, en version remasterisée par nos soins. Plus grande, mieux aménagée, et à échelle internationale.

- Personne ne s'est rendu compte de ça ?! m'écriai-je.

- Il faut croire que nous avions aussi des membres infiltrés dans les sphères officielles, nous dit-il simplement.

- Une minute, interrompit Walker, de là où il se trouvait. Comment est-ce que vous avez pu financer cette organisation, si vous aviez tout perdu après XD001 ? Vos moyens sont colossaux, et après deux coûteux échecs, vos possibilités devaient être bien limitées...

- Le braconnage, les cambriolages et autres actes frauduleux rapportent bien plus que vous le croyez, lui répondit Teck. Comme je vous l'ai dit, si Cipher voulait réussir là où la Team Ombre avait échoué, il fallait changer ses méthodes, être encore plus physique qu'avant s'il le fallait, et devenir plus efficace. L'action directe était donc la solution la plus rentable. Ainsi il nous fallut aussi une équipe de personnes armées, avec des tenues efficaces et protectrices, sans perdre de temps dans le grand guignolesque. Pour ce qui est des attentats, braconnage ou autres vols à main armée, je laissai Artus s'en charger, cela lui faisait passer ses envies de commander quelque chose. En tout cas, je dois admettre que ces méthodes pour se faire fournir en Pokémon forts ou de grande valeur en allant se servir dans les Centre Pokémon a été efficace.

- Et pour les Pokémon Feu ? demanda Goyah. Pourquoi cette obstination particulière avec ce type de Pokémon ?

- Pour constituer une source d'énergie, répondit simplement Teck ici aussi. La lumière qu'ils nous fournissent alimentent nos panneaux photovoltaïques, et le feu qu'ils produisent nous aide également à faire fondre nos matières premières. Ténébscuriax, avant de vouloir devenir le monde, est avant tout une usine : elle doit s'agrandir, produire, et s'armer face aux résistances rencontrées.

- Alors quoi ? C'est encore une histoire de domination du monde ? grogna le Maître de la Ligue d'Unys.

- Pour Artus, sans doute, oui, répondit le scientifique. En ce qui me concerne, j'ai d'autres ambitions, comme je vous l'ai dit.

- Je suis moyennement convaincu par la logique de vos méthodes, tout de même, poursuivit Goyah. Détruire des Régions alors que vous désirez contrôler le monde... Pour quoi faire ? En reconstruire un, ou une connerie du genre ?

- La destruction de Hoenn vous prouve simplement que je ne mentais pas lorsque je vous parlais d'Artus et de son goût pour le radicalisme. Il me semble que ce fou aux cheveux bleus compte d'ailleurs toutes les rendre inhabitables, une à une, afin que leur population n'ait d'autre choix que de migrer vers l' "Île Gentille", vers Ténébscuriax. Comme couverture, dans la plupart des cas, il suffira selon lui de faire porter le chapeau de ces catastrophes aux Teams Régionales qui n'auraient pas voulu coopérer. Vous en avez eu un exemple avec Hoenn : utiliser les reliquats des Team Magma et Aqua pour les accuser de ce désastre, et passer inaperçus. De plus, des cataclysmes d'ampleur Régionale ont pour effet de réveiller les puissances protectrices et autres Pokémon Légendaires qui y sont endémiques : une aubaine pour mettre la main dessus. En résumé, une fois le monde entier venu habiter sur notre continent, il est évident que notre continent deviendra le monde entier. Enfin, avec tous les Pokémon que tout ce monde ramènera avec eux, au fur et à mesure de nos attaques, nous aurons des sujets à l'obscurcissement à profusion, et cette nouvelle armée de Pokémon Obscurs nous permettra de nous aider dans notre conquête de Régions plus éloignées.




[...]




Devenir le monde... Rien que ça...

- Construire un continent ?

Goyah s'esclaffa fort, mais je crois qu'il le fit exprès pour souligner la démesure du plan que Teck venait de nous exposer.

- Ben tiens ! Et comment compte-t-il le créer, son continent ? Toutes les usines du monde ne seront pas capable de... de...

Puis, le Maître s'arrêta soudain. Il vit que les Pokémon Légendaires ne riaient pas. Teck, lui, se racla la gorge.

- Ose-je vous rappeler que Groudon est en notre possession ?

Putain... Putain de putain de putain... C'était donc pour ça...

Ici, Teck marqua à nouveau une pause, puis aurait pu hausser les épaules, mais il n'en fit rien.

- Comme je vous le disais, nous optons pour des méthodes plus radicales.

Peu m'importait sur le coup. J'étais loin d'être satisfait.

- Au risque de me répéter, repris-je, qu'est-ce que je viens faire dans cette histoire de conquête du monde ?

- Comment ? Vous n'avez pas compris ?

Teck s'était étonné. Cela m'étonna en retour, de voir une expression autre que le sérieux derrière ses petites lunettes et sa grande mèche grise. Mais, dans tous les cas, non, je n'avais pas compris.

- Hé bien, le problème est simple : Cipher a tout ce qu'il lui faut, sauf des Pokémon Obscurs. Comme je vous l'ai dit, notre dernier échec et XD001 ont été le fruit de tout notre travail sur le Virus Obscur. Une fois tous ces Pokémon purifiés, le Virus avait tout bonnement disparu. Et, comme je vous l'ai dit, je ne peux pas le créer de zéro, puisque je l'ai découvert par sérendipité. Je ne sais comment le produire.

Teck retourna à sa fenêtre, regarder le ciel.

- Oh, j'ai bien essayé, pendant des dernières années. Toute tentative a été un échec. Mes travaux sur Kyurem et ma tentative d'obscurcissement directe n'en ont fait qu'un monstre idiot et dégénéré. Cette forme altérée était loin de la perfection et de la révélation d'un véritable obscurcissement ; c'était plus une erreur de laboratoire qu'autre chose. Je l'ai donnée à Artus pour qu'il s'amuse avec ; au moins, il avait quelque chose qui était puissant, et s'est senti fier sur le coup. En tout cas, je n'ai jamais pu recréer le Virus, et, même si j'y arrivai, il n'aurait pas le même charme, la même innocence que le premier.

A cet instant, le scientifique leva la tête, et ferma les yeux, comme s'il se représentait une scène particulière.

- Je vous laisse imaginer mon excitation lorsque j'envisageai la possibilité que, lors de son escapade nocturne, notre Lugia Obscur avait versé le Virus dans quelque créature fécondable ! Nous avions envisagé qu'il s'était probablement déchargé tout seul, ou même une erreur d'analyse, mais lorsque j'eus cette idée... ! L'idée que notre Lugia Obscur avait eu un enfant... ! Le dernier porteur du Virus Obscur ! L'élément manquant pour l'accomplissement de la destinée de Cipher !

- D'autres mois de recherche me furent nécessaires. Il me fallait refaire tout le chemin parcouru par XD001 durant cette nuit, grâce à nos archives. XD001 avait été aperçu cette nuit-là dans quelques villes de la côte. Les Pokémon sauvages étant quasiment inexistants à Rhodes, et, de toute façon, incompatibles à la reproduction, je me laissai envisager l'idée qu'une humaine, se trouvant ce soir-là, dans ces villes, avait pu être porteuse... Puis, des mois plus tard, lorsque je suis tombé sur ton dossier psychologique, Chris... Hé bien, hé bien ! je sus que c'était toi.

Hein ? Comment ça ?

- Mon dossier psychologique ?

- Hé bien, tendance aux terreurs nocturnes lorsque tu étais enfant, difficultés dans le développement de ta psyché, et une certaine fragilité émotive. Tout ça se trouve dans un dossier médical. Il m'a suffit de demander à Dakim d'organiser ton enlèvement pour qu'il te ramène d'ici, et que je te fasse passer quelques tests. Il enleva aussi tes Pokémon au passage, pour le bien de Cipher. Question d'efficacité.

Ça me semblait un peu fort, tout ça.

- Ah oui ? Mais c'est assez courant, tout ça. Le fait que je faisais des cauchemars en étant petit ne prouve en rien que je sois le fils de Lugia.

- Je n'ai jamais dit que je t'avais trouvé du premier coup, rajouta Teck. J'ai dû faire enlever un certain nombre d'autres personnes et analyser leur génotype avant de me rendre compte qu'elles ne portaient pas le Virus. Alors que, toi, hé bien, tu le portes.





O_o





Je restai estomaqué. Teck ouvrit un dossier, et me présenta plusieurs feuilles de résultats d'analyses, les fit défiler, les unes après les autres, et finit par me montrer un caryotype, qui affichait mon matériel génétique de manière ordonnée. L'un de mes chromosomes avait l'un de ses bras entouré d'un cercle tracé au stylo. Ce cercle mettait en évidence une petite trace sombre qui le teintait.

- Tu as le Virus, me répéta Teck.

- M-Mais... Mais...

Le scientifique me coupa dans mon bégaiement.

- Mais, comme je te disais, les humains ont beau avoir des ressemblances génotypiques avec les Pokémon originaux, un humain n'en est pas pour autant un Pokémon complet. Le Virus Obscur ne se manifestait donc pas chez toi ; pas plus que par ces maux enfantins. C'est pour cela que tu ne t'en es sans doute jamais douté. Malgré cela, tu étais bien porteur, et il fallait me trouver désormais un moyen de récupérer ce Virus.

Teck posa une de ces mains sur la machine qui me retenait enfermé.

- C'est là que je pensai au Purificateur. Si le Professeur Syrus et son jeune petit malin avaient été une plaie par le passé, leur invention pouvait finalement m'aider à récupérer le Virus.

Là, ce fut au tour du Professeur de s'emporter :

- Espèce de sale arriviste ! Le Purificateur ne fait rien d'autre que d'ouvrir la conscience et de supprimer le virus !

- C'est pour cela qu'il m'a fallut y apporter quelques modifications, afin que le Purificateur isole le Virus sans le détruire, répondit sèchement Teck. Je ne suis pas idiot, Professeur. Je sais parfaitement ce que je fais. Taisez-vous et contemplez plutôt l'utilité finale de votre machine dans l'histoire de la science, alors qu'elle aurait pu garder son titre d'aberration scientifique.

Teck regarda à nouveau son Purificateur modifié.

- Mais bien sûr, poursuivit-il, même avec cette idée de récupération du Virus en tête, le Purificateur reste destiné à être utilisé sur les Pokémon.

Et, finalement, il laissa tomber son regard sur moi. Toute cette histoire s'éclaircit brusquement dans mon esprit, juste avant qu'il ne l'explicite :

- C'est pour cela qu'il m'a fallu développer une machine capable de transférer ton esprit dans le corps d'un Pokémon. Si le Virus Obscur se transmet génétiquement, il n'en reste pas moins, comme je vous le disais, un virus de l'esprit. Transférer ton esprit (composé de tes mémoires, ta conscience, ton subconscient, et j'en passe), dans le corps d'un Pokémon me permettait d'utiliser le Purificateur modifié afin de récupérer le Virus.

J'eus un regard vers la machine compacte aux deux cercueils de verre, dont l'un retenait mon ancien corps prisonnier. Teck, en me voyant y jeter un coup d'œil, se tourna vers cette autre invention, et se dirigea vers mon corps.

- Il me fallut donc rapidement un corps de Pokémon, prêt à recevoir un esprit. On fit voler un fossile d'Arkéapti au Musée de Maillard, on ressuscita le Pokémon ; je n'avais qu'à le laisser en état de mort cérébrale afin qu'il ne développe une conscience et qu'il puisse recevoir ton esprit. Chose que je fis grâce à mon Dispositif de Transfert de Conscience. L'opération était beaucoup plus simple que prévu, et utiliser un Pokémon Fossile me permettait de ne pas me soucier du transfert de la conscience d'un Pokémon qui aurait déjà vécu avant toi. J'avais la possibilité d'en faire une espèce de réceptacle.

Arrivé près du lit où reposait son corps sous une cloche de verre, le scientifique posa l'une de ces mains sur ce sarcophage.

- Après le transfert de conscience, il ne me resterait plus qu'à maintenir ton corps en vie artificiellement, pour te remettre dedans une fois ta Purification terminée. Je ne comptais pas abandonner un humain dans un corps qu'il n'avait pas choisi. L'expérience était déjà étrange à organiser, alors je ne voulais pas imaginer faire vivre une vie de Pokémon à un humain. Je travaille sur les Pokémon ; pas sur mes congénères. De plus, te transférer, toi et le Virus, dans le corps d'un Pokémon... Est-ce que l'Arkéapti allait devenir Obscur ? Est-ce que, puisqu'il contient l'esprit d'un humain, le Virus n'allait en fait pas se montrer sur tes capacités physiques et mentales ? Ou est-ce que, déchiré entre un esprit humain et un corps de Pokémon, le Virus Obscur n'allait se manifester que de manière aléatoire, séquentielle, par crise ?

Teck marqua une pause, regardant le deuxième lit vide, celui qui avait accueilli le corps d'Arkéapti, à côté de mon corps.

- Je pense qu'après tout ce que tu as dû vivre, tu dois savoir que cette dernière théorie s'est avérée la bonne.

Alors dans l'aéronef, au-dessus de l'Inlandsis... J'avais été un Pokémon Obscur ? Et cette voix dans ma tête... Ces cauchemars... Ces prises de têtes... Ces excès de folie... Tout ça...

- D'ailleurs, poursuivit Teck sans se retourner le moins du monde, tes actions face à Artus, dans cet aéronef, m'ont impressionné. Une telle violence n'avait pas été constatée depuis vingt ans.

- Comment ça ? demanda Shaymin. De quoi parlez-vous ? En quoi Chris est-il responsable du crash de l'aéronef ? Je croyais qu'il y avait eu un accident...

- Oh, il ne vous a pas dit ? s'étonna Teck pour le deuxième fois. Chris, tu ne leur as pas dit ?

Je me taisais. Je regardais dans le vide. Je ne voulais pas y repenser.

- Ma foi, poursuivit le scientifique, c'est bien Chris le responsable de cet accident. Le Virus Obscur est ressorti comme jamais, et, non content d'avoir arraché le bras d'Artus et détruit le cockpit, il a fallu qu'il balance un Aéro Noir et envoie notre engin contre Kyurem Altéré. Il faut croire que le choc du coup a remis les idées en place à Frontière, même s'il aurait certainement pu être tué.

Sans doute pour la première fois, je fusillai Teck du regard. Mais son impassibilité était déstabilisante. de toute façon, il ne daignait toujours pas me regarder. Il gardait ses yeux rivés sur son Dispositif de Transfert de Conscience, et il regarda à nouveau mon corps d'humain.

- D'ailleurs, cela nous fait une preuve en plus pour soutenir ma théorie en quoi Lugia serait ton père, Chris. Aux dernières nouvelles, un Aéroblast ne peut être produit que par Lugia, l'Aéro Noir, le penchant Obscur de l'Aéroblast, n'avait pu être observé qu'au temps de Lugia Obscur. Même si je ne m'explique pas comment cette capacité à lancer cette attaque signature a pu être héritée simplement par l'esprit, je me plais à penser que le type Vol de ton corps d'Arkéapti puis d'Aéroptéryx a également pu aider dans ce miracle. Ici, nous aurions une démonstration d'une influence mutuelle surprenante de l'esprit sur le corps et du corps sur l'esprit... Il nous reste tant de choses à découvrir.

Teck marqua une pause. Je le crus plongé dans ces pensées. Je ne savais que faire, peut-être lui parler, mais il reprit la parole de lui-même.

- Dire que j'avais réussi le Transfert... Faire changer de corps à un être vivant... Passer de l'humain au Pokémon... Pour moi, ce n'était qu'une étape vers la récupération du Virus Obscur, mais pour d'autres scientifiques, ç'aurait été la consécration... Ce changement de corps... N'était... Qu'une simple étape...

Puis, je vis les doigts qu'il avait posé sur le dôme transparent se raidir, un peu.

- MAIS il a fallu que quelqu'un D'AUTRE se MÊLE de nos AFFAIRES. J'avais fini ton transfert de conscience, tu étais prêt pour la Purification, je n'avais qu'à te prendre, et à te déplacer, juste là, au centre de la pièce... C'est à ce moment que Rayquaza nous attaqua. Je ne sais comment il sut pour nos plans ou ton transfert de conscience. Le fait est qu'il attaqua Ténébscuriax, et, pensant sûrement bien faire, il t'enleva, toi et la Compèt Ball de ce Pokémon génétiquement modifié. Nous nous lançâmes à sa poursuite jusqu'au dessus d'Unys, et, bien que mes collègues réussirent à l'attraper, Rayquaza te lâcha au-dessus du continent, avec cette Ball en plus. C'est là que nous avons perdu ta trace. Nous avons tout fait pour te retrouver... Notre futur dépendait de ce que tu avais dans la tête...

Teck s'arrêta. Il retira sa main, laissa tomber sa manche, inspira profondément, et expira.

Puis, il se tourna vers moi. Le scientifique était de nouveau parfaitement flegmatique.

- Mais maintenant, te revoilà parmi nous. Nous pouvons reprendre l'expérience XD002 là où elle s'était arrêtée.


Non pas que je ne fusse pas flatté d'avoir été baptisé XD002, c'est plutôt le baptiseur et tout le sous-entendu de ce nom de code qui me laissèrent sur une impression profondément mitigée. Ce récit, bien que long, avait été plutôt calme, et nous avions eut les explications que nous désirerions. Teck avait parlé posément, sans envolée machiavélique - hormis quelques-uns de ses derniers mots, lorsqu'il relatait l'attaque de Rayquaza. Et, non des moindres, ce scientifique ne me voulait apparemment aucun mal. Comme il l'avait dit : me prélever le Virus, puis me remettre dans mon corps d'humain. C'était tout. La Purification était toujours en cours, et je ne ressentais rien. Le chef des abrutis de connards de merde allait m'aider. Du moins, sur ce point.

Comme il y avait encore du temps à perdre, Teck m'expliqua rapidement le fonctionnement du Purificateur : le Pokémon que l'on voulait purifier devait être placé au centre, puis être entouré par divers Pokémon non-Obscurs dans un sens précis, selon les affinités entre les types. Le type du Pokémon purifié devait être super efficace contre le type du premier Pokémon de la boucle. Chacun devait être super efficace face au type de son voisin, et ainsi de suite, jusqu'à ce que la boucle se referme avec un Pokémon qui serait super efficace contre le celui qui avait commencé la boucle. Dans mon cas, en tant que Pokémon en voie de Purification, j'étais super efficace face à Lugia, qui se tenait en face de moi (mon type Roche contre son type Vol). Puis Lugia commençait la boucle, en partant de sa gauche et en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre : son type Vol était super efficace contre le type Plante de Shaymin, le type Plante de Shaymin était super efficace contre le type Roche de Charkos, celui-ci était super efficace contre le type Vol de Vaututrice, et le type Ténèbres de mon Pokémon Vostour permettait de conclure la boucle en étant super efficace contre le type Psy de Lugia. Cela nous éclairait un peu plus quant à l'utilité de ces socles et de quatre autres Pokémon nécessaires à la Purification. Mais pourquoi ces quatre Pokémon là, précisément ? Vaututrice et Charkos était déjà en sa possession depuis bien longtemps, et il avait eu le temps de les mettre en place pour l'expérience, quant à Lugia, dès que Cipher avait été mis au courant de son implication dans mon périple, Teck avait éprouvé un malin plaisir en prévoyant le mettre en face de moi, afin de lui rappeler si subtilement son passé de Pokémon Obscur. Pour ce qui est de Shaymin, son type Plante complétait parfaitement la boucle, et Teck savait que, même si elle leur avait échappé en même temps que Drak, Fire et moi, il savait qu'elle reviendrait avec nous - son changement de forme entre-temps ne lui ayant que rajouté le type Dragon, rien n'était bousculé dans les plans du scientifique.

Nous restâmes je ne sais combien de temps encore à attendre la fin du processus. Tout le monde emprisonné, encagé, enchaîné ou attaché, il n'y avait pas vraiment grand-chose d'autre à faire. Le chef de Cipher et son imperturbabilité consultaient des dossiers, pianotaient sur des claviers tactiles, vérifiaient le bon déroulement de la Purification, et vérifiaient la bonne santé de mon corps d'humain, qui m'attendait, là-bas.

Je ne pouvais connaître les réactions de tout le monde sur le coup des révélations de Teck. Comme je crois l'avoir décrit, je ne les voyais pas vraiment depuis l'ombre dans laquelle mes compagnons de route étaient retenus. La lumière du socle de Lugia éclairait à peine mes parents, la prison aux parois translucides de Zekrom, Gardevoir, Latios et Latias reflétait légèrement sur la grosse coupe de cheveu de Goyah, et la flamme de la queue de Fire me laissait distinguer la silhouette de Drak et des lueurs orangées miroiter sur la glace d'Hugwald. Les anneaux dorés de Noctali brillaient de leurs côtés, mais ne me permettaient pas de distinguer Lançargot, que je m'imaginai davantage dans le fond, silencieux. Pour ce qui est de Walker et du Professeur Syrus, je ne les voyais pas.

Non, je ne pouvais connaître leurs émotions ou leur état. Seule la silhouette de mes parents me donna l'image d'un couple accablé et énervé. La cage translucide des Pokémon Légendaires me laissait entrevoir les deux Éons et Gardevoir pensifs, et un Zekrom attentif aux moindres faits et gestes de Teck.

Seul Lugia m'était présenté tout éclairé, et bel et bien face à moi.

L'Oiseau n'avait pas plus bougé que tout à l'heure. Attaché par ses grandes ailes, il avait le cou penché vers le sol, et, si je le voyais respirer, je ne le voyais plus ouvrir les yeux. Il ne m'avait pas parlé depuis l'annonce de Teck, non plus. Et je ne pensais pas que penser de telles choses le ferait davantage utiliser son don de télépathie.

...Tu ne veux vraiment pas parler ?

...

Aucune réponse. J'étais seul dans ma tête. J'allais l'être bientôt définitivement, lorsqu'on m'aurait enlevé ce Virus Obscur.

...Être le fils... de Lugia... ?

...Non, non. C'était bien trop gros à avaler. Malgré toutes ces "preuves" que Teck m'avançait, que ce soit le gène Obscur, sa théorie sur les humains proches des Légendaires, Lugia Obscur qui s'échappe alors que ma mère est dans Rhodes à ce moment-là... Les Aéroblast... Non, non, c'était impossible. Je ne le croyais pas. Tout ça n'étaient que des coïncidences, j'ai dû chopper ce machin Obscur quelque part, par un autre Pokémon, je ne sais pas comment, mais Lugia ne pouvait pas... Les Aéroblast, c'était un coup de chance, ou de la maîtrise... Noctunoir maîtrise bien Revenant, et ça n'en fait pas de Giratina son père, sa mère, ou son arrière-grande-tante...

...De toute façon, j'ai grandi avec Lovis, et avec Cynthia. Ils se sont présentés comme mes parents, je les ai crus, et ils ont agit comme des parents. Ils m'ont donné l'éducation que des parents donnent à leur enfant... Je les appelle "papa", "maman" ; tout le monde les a appelé "ton papa", "ta maman", puis "ton père", "ta mère"... Il n'a jamais été question d'en douter. Je n'avais rien pour m'en faire douter. Ce n'était que ce scientifique inconnu, là, qui se ramenait avec ses théories rocambolesques et ces "révélations". Tout ce que j'avais, moi, dans les faits, c'était un caryotype avec ce foutu gène, et mes deux parents enchaînés à côté d'un Pokémon Légendaire. C'était tout.


La Purification toucha à son terme. Le vrombissement s'atténua, et les quatre pylônes et les câbles qui nous reliaient tous les cinq arrêtèrent de crépiter de petits arcs électriques. Lorsque le bruit du Purificateur avait commencé à s'affaiblir, Teck s'était dirigé d'un pas vif vers le tableau de commande. Désormais il pianotait je ne sais quoi. Puis, en deux secondes, les quatre socles, les quatre pylônes, le cœur de la machine, bref, toute partie lumineuse de l'engin s'éteignit. Teck inspira profondément, les yeux rivés sur son écran, puis expira rapidement. Il redressa sa mèche de cheveux.

- C'est terminé, dit-il.

Étrange. Je n'avais vraiment rien senti... Est-ce qu'il y avait vraiment quelque chose de changé en moi ? Ce n'est qu'à cet instant que je me rendis compte que mon mal de crâne, celui que je me tapai depuis mon réveil en Arkéapti, celui qui avait toujours été là, avait disparu. Je ne sais si c'était psychologique ou non, mais je me sentis libéré. Malgré ma position évidente de prisonnier.

Teck ne jubilait cependant pas. Si sa manière d'exprimer son soulagement en inspirant et expirant de la sorte témoignait de son excitation intérieure, rien ne paraissait sur son visage.
Il appuya de nouveau distinctement sur plusieurs touches de son clavier. Puis, il nous annonça, sans relever la tête ou les lunettes vers nous :

- Tout a marché comme prévu. J'ai extrait le Virus de ton esprit, Chris.

Le scientifique se redressa, et traversa la pièce. Sa mèche ne bougeait pas.

- Je dois m'assurer du bon fonctionnement de la MODE, désormais. Attendez-moi, je reviens.

Il nous laissa donc tous à nos chaînes et notre incapacité de s'échapper, moi toujours attaché au Purificateur éteint et mes quatre compagnons de Purification toujours sur leur socle et retenus par des armatures métalliques. Teck alla jusqu'à une porte, située à ma droite, que je n'avais pas remarqué jusque là tellement se confondait-elle avec le mur. Mais, juste avant de l'ouvrir, il se retourna vers nous, et rajouta :

- Ah, mais non, suis-je bête, j'oubliai que vous étiez tous prisonniers. Vous m'attendrez, c'est évident. Excusez-moi pour cette remarque de mauvais goût.

Puis, il ouvrit la porte avec sa carte magnétique, disparut dans le couloir, et la porte coulissante se referma aussi sec, en ralentissant sur la fin, dans un bruit feutré.


Cela ne sert à rien que je m'attarde sur le laps de temps que nous passâmes à ne rien faire d'autre que constater le présent de notre situation. Quelques chaînes bougèrent, en vain. Je pense que chacun avait dû essayer de s'échapper durant ces deux derniers jours, toujours aussi vainement. J'étais le seul à n'avoir pas essayé, mais j'étais également le seul à avoir intérêt à rester, si je voulais avoir une chance de récupérer mon corps. Teck m'avait dit qu'il m'avait rafistolé assez pour "la Purification", mais cela ne m'indiquait pas combien de temps supplémentaire ce corps d'Aéroptéryx s'était vu accordé...

Lorsqu'à un moment, un corps sombre passa par la porte. Ce fut furtif ; ceux qui avait perçu cette présence eurent à peine le temps de l'apercevoir qu'il disparaissait déjà derrière le pan d'acier. On entendit chuchoter un "Ils sont là", puis le déclic d'une carte magnétique.

La porte s'ouvrit.

C'était une jeune femme brune, en tenue noire.

- Julie ?!

Je reconnus la voix du Pokémon Ranger. Je me redressai tant que je pus, malgré mes attaches. Je ne la vis pas convenablement sur le moment, mais quand elle entra dans mon champ de vision, elle avait porté son index à sa bouche, pour nous faire signe de rester silencieux. Quelques chaînes bougèrent cependant, les corps désolé ranimés par cet espoir. Je vis Julie faire un signe de la main, et indiquer la prison électronique qui encerclait les Dragons Légendaires et Gardevoir. Un être suivit cet ordre, et c'est alors que je revis l'entité spectrale que j'avais entraperçus quelques secondes auparavant : c'était Noctunoir. Julie donna une nouvelle indication silencieuse, cette fois-ci en désignant un boîtier électrique vissé au mur. Je vis une silhouette bleue, de taille moyenne et robuste, dépasser de derrière les bureaux et s'approcher de l'objet en question : c'était Crocrodil.


Mainpince alla s'occuper de mettre hors service la cellule spéciale à coup de pouvoirs spectraux dont lui seul avait le secret, et je vis Mâchoire faire sauter le boîtier avec un bon vieil Hydrocanon. Ils poursuivirent chacun le sabotage des différentes prisons, cassèrent les chaînes et désactivèrent les bras mécaniques ; j'entendis mes parents rappeler Carchacrok et Mustéflott. Pendant ce temps, Julie s'occupait de mon cas. Elle était venue me voir dès son entrée dans ce laboratoire de cathédrale, et pianotait sur le tableau de commande du Purificateur. Je n'avais pas le temps de lui demander ce qu'elle faisait, qu'elle me libérait déjà, et que je trouvai le temps de lui demander ce qu'elle faisait.

- Ça ne se voit pas ? On vient vous sauver, pardi !

- M-Mais attends ! Teck était censé revenir pour me remettre dans mon corps !

- Ah oui ? Et qui t'a dit qu'il était le seul capable de faire ça ? me rembarra-t-elle en me
faisant un clin d'œil.

La brune en noir, l'agent d'élite des MOCLASM et ce brave Crocrodil nous libérèrent tous ainsi, avec une efficacité et une méthode qui nous surpris par leur rapidité. Nous nous retrouvâmes donc tous patte sur le plancher et libres de nos mouvements, quand Julie m'indiqua que le Dispositif était prêt. Pendant que Noctunoir et Crocrodil s'assurait du bien-être de tout le monde, la jeune femme s'était lancé dans le déverrouillage de l'invention de son "père" dès qu'elle m'avait retiré mes attaches, et elle opérait là aussi avec une diable d'énergie, en comparaison de nos corps ramollis par deux jours de détention.

- Tu peux t'approcher, me prévint-elle.

Tout de même un peu hésitant, je dandinai mon postérieur d'oiseau préhistorique et je me ramenai à ses côtés. Julie ouvrit les cercueils. Avant d'aller vers le lit libre, je me regardai sur mon corps d'humain... Je le regardai. Il avait gardé ses habits du jour de l'enlèvement, c'est-à-dire ces habits des voyages temporels, lavés pour la dernière fois dans un futur apocalyptique, par la jeune femme qui se trouvait juste là. C'était les habits de ma première aventure. Puis, il me sembla sentir une odeur particulière. Je me penchai vers mon corps, et le reniflai. Je me retirai presque aussitôt.

C'était mon odeur.

Wow. Ça m'avait fait... Une drôle de sensation.

- Alors ? T'es prêt ? me demanda Julie. Je ne voudrais pas te presser, crois-moi, mais ce n'est pas comme si vous deviez tous vous évader avant que le boss ne revienne...

- Oui, tu as raison, excuse-moi, répondis-je. Je...

Je contournai la machine, mes griffes grattant sur le sol propre et lisse. Je bondis sur le lit blanc et neuf, perdis une ou deux plumes sur le passage, et pris soin de bien ranger ma queue, pour ne pas qu'elle se coince lors de la fermeture de la coque. Je couchai mon long cou, et pointait le museau vers le plafond. Un peu stressé, je me passai la langue rapidement sur les crocs, inspirai, expirai, puis je finis de répondre à la jeune femme.

- Je suis prêt.

- Bien. Accroche-toi.

Elle appuya sur un bouton, et mon cercueil de verre se referma.

À ce moment, la vingtaine de prisonniers s'approcha, et se mit autour du Dispositif. Seul Lugia resta plus loin, en retrait. C'était le seul à ne pas venir plus près.

Si la plupart des plus grands, comme Zekrom (que je remarquai particulièrement sérieux) ou les Éons, se tenaient en arrière, Goyah, Syrus, Walker, et surtout mes parents, accompagnés de Gardevoir, étaient relativement proches. Je voyais papa et maman me regarder avec un grand sourire étrange, comme s'ils venaient de pleurer ; cependant il n'avaient pas cette mine creusée et ses yeux gonflés et rouges de larmes. Ils avaient simplement l'air de sourire dans un moment qui m'apparaissait soudainement comme extrêmement dur pour eux. Plus proche encore de moi, il y avait Noctunoir, Crocrodil et Lançargot. J'entendis Crocrodil, avec une voix qui grogne, demander :

- Tout devrait bien se passer, normalement, hein ?

Noctunoir lui répondit d'un simple regard venu de son unique œil. Lançargot, lui, leva un peu une lance, et ne me fit qu'un signe de tête, confiant. Également à leur niveau se trouvait Vaututrice, perchée sur la tête baissée de mon Charkos.

- On se revoit tout à l'heure ! me sourit Vostour avec une voix rauque.

- Yep, l'humain ! renchérit Charkos avec une grosse voix préhistorique. Te fais pas encore enlever en chemin, héhé !

C'est la première fois que je les entendis. J'eus soudain un choc. Je ne pus penser à rien d'autre toute cette histoire de Pokémon Obscur disparut de mes préoccupations. Je... Je...
Bastiodon, Drak et Shaymin étaient là, également, parmi les plus proches de moi. Enfin, Bouclier avait son visage trop près du sol pour me voir, mais un bout de son énorme crâne dépassait, il demandait à Shaymin forme Dragon, qui lui avait grimpé dessus, de tout lui décrire en détail. Mais Drak était vraiment le plus proche des trois, puisque je voyais bien son crâne carmin. Il me fit coucou de la patte.

La gorge me serra brusquement.

Fire, qui portait Hugwald dans ses pattes, apparut alors, au-dessus, venu totalement sur le côté de mon lit. Je vis sa tête orange, ses deux excroissances crâniennes en arrière, son regard bleu, et sa gueule blanche. Entre ses pattes, le petit Grelaçon, avec ses yeux jaunes entourés de violet, avait l'air tout émerveillé par ce qui m'arrivait. Il débita soudain :

- On va le congeler, hein, hein, dit ? Pourquoi on le congèle, le Frère Plume ?

- Non, Hugwald, on ne va pas le congeler, lui répondit le Dracaufeu.

Je regardai Fire. Il me regarda. Il n'avait pas d'expression particulière au début. Puis, en portant une de ses pattes à son front draconique, il me fit un signe d' "à la revoyure" et me sourit :

- Hâte de rencontrer, Chris !

Je serrai les crocs. Je laissai mon regard tremblant fixé sur le Dracaufeu. Julie appuya sur un bouton. Un déclencheur se mit en route. Une étrange odeur envahit l'habitacle. Je ne souriais plus. Je ne sais pas si tout le monde l'avait remarqué. En tout cas, toutes ces têtes de Pokémon, elles, me souriaient.

Le gaz diffusé dans mon cercueil fit rapidement effet. À un moment, je voulus lutter. Je crois que je le voulus vraiment. Mais il n'en fut rien. Je... Je perdis connaissance.








- Chris ? Chris ?

Hm... Gné ?

- Chris ?

Une main me secoua le bras.

- Réveille-toi, Chris !

Mes esprits me revinrent, soudain. Ténébscuriax, Teck, les Pokémon Obscurs, tout le monde, mon corps, moi. Mes yeux revinrent en face de leurs trous, et je battis des paupières. Je vis Julia, juste à ma droite.

Une minute.

Lorsque je m'étais endormi, elle avait été à droite de l'autre lit.

Et... Elle venait de me secouer le bras.

Je me relevai soudain. Je me sentis plus grand, plus épais et lourd de torse. Je retrouvai ce flou, en bas de mon champ de vision, entre les deux yeux, du bout d'un nez. Je sentais ma colonne vertébrale plus courte, et l'on m'avait ôté ma queue. Je sentis un vide au-dessus de mon postérieur, et je ne pouvais plus que contracter des muscles qui se trouvait en haut de mes fesses, et non plu au niveau de mon coccyx. Je vis immédiatement mes jambes allongées, mes bras, mon bassin : mon corps originel. Les cheveux qui chauffent le crâne. Le poids des vêtements. Ils me grattaient.

Je me passai ma main sur le visage. Je pris un moment. Je touchai à nouveau un visage. Sur ma tête. Front, sourcils, yeux, nez, lèvres, menton. Ma face me sembla affreusement plate.
Puis, mon regard porta plus loin. Autour de moi. Il y avait Julie, comme je l'ai dit, qui me regardait, en esquissant un sourire. Je tournai la tête. Il y avait mes parents, là-bas, qui me regardaient également, souriant, et se tenaient la main. Walker me pris en photo avec son Capstick. Il y avait tous ces Pokémon, aussi. Je les voyais d'un peu plus haut qu'avant. Ce nouveau point de vue n'était qu'une des innombrables choses qui changèrent en moi à ce réveil. Le Professeur Syrus réajustait constamment ses lunettes sur son nez, en faisant voyager successivement ses yeux de moi à ma gauche, de ma gauche à moi. Je tournai ma tête à gauche.

Il y avait Fire, devant le corps inanimé d'un Aéroptéryx.

Un frisson véritablement affreux m'agita. Je portai ma main à ma bouche.

Je regardai brusquement le Dracaufeu. Il me regarda, à nouveau. Puis il refit ce même sourire, et ouvrit la gueule.

Il grogna.

Mon front se plissa. Ma gorge s'étrangla.

Je contemplai toute cette foule de créatures colorées. Ils me virent agité par les émotions, alors, croyant que c'était la joie, il m'accueillirent tous en poussant leurs cris.

Je fus détruit. Ce fut un cauchemar. J'explosai en sanglots.


...


Ce jour de mon réveil... Ce fut, à n'en point douter, le premier grand drame de ma vie.

Je ne sais que dire d'autre. Je me suis sentis bête, à fondre en larmes au milieu de tout le monde. S'ils avaient tous cru à des pleurs de joie, ils se rendirent vite compte que je ne souriais pas, entre plusieurs contractions de visage mouillé de larmes. Je me suis sentis encore plus bête, bête d'avoir accepté tout ça, bête de ne m'être posé aucune question, bête de ne pas avoir réfléchi à ce que je faisais. Je m'étais laissé porté par la seule chose qui m'avait paru logique dans toute cette histoire, le seul objectif clair et précis : je m'étais retrouvé dans un corps de Pokémon, et je ne l'avais pas choisi. La logique, le retour au statu-quo, à l'équilibre originel, ou la bêtise, comme vous voudrez, m'avait aussitôt mis en tête de retrouver mon corps originel. Oui, je ne m'étais posé aucune question. Ça m'avait semblé naturel.

Je voulus retourner dans ce corps de Pokémon. Je ne m'en cache pas. Je ne m'en cache toujours pas, et je l'ai toujours assumé jusqu'ici. Je ne sais pas qui blâmer, à qui m'en prendre pour m'avoir laissé monter sur ce lit, pour avoir dit que j'étais prêt. La mission, les MOCLASM, Teck, mes compagnons, mes parents, les humains, les Pokémon... Tout le monde c'était étonné de m'entendre dire que j'étais un humain "transformé" en Pokémon. Tout le monde avait trouvé cela étrange. Mais personne ne m'avait dit : "mauvaise idée", "bonne idée", ou "c'est ton choix, tu fais ce que tu veux". Ça avait semblé logique à tout le monde que c'était anormal. Que la normalité, était que je redevienne humain.

Je ne sais pas si j'arrive à me faire comprendre... Je ne sais pas non plus si tout ce public, en me voyant me morfondre et pleurer de la sorte, me compris. Je n'arrivai pas à m'exprimer, non plus. Lorsqu'on me demandait ce qui n'allait, je ne savais pas quoi répondre, je montrais ce corps sans vie d'Aéroptéryx, vaguement. Lorsque la jeune brune voulut me rassurer en m'assurant qu'elle avait appliqué les protocoles d'éthique et avait maintenu le corps de cet Oisancien en vie, cela me fit encore plus peur, parce que je savais que ce corps déficient, mais qui m'étais cher, pouvait de nouveau mourir, défaillir, tourner Obscur, exploser, ou je ne sais quoi encore, et ce à tout moment à tout moment. Je dis "tourner Obscur" parce que je m'imaginais qu'ayant pris ce corps de Pokémon, le Virus Obscur avait aussi imprégné les gamètes que j'avais produit durant cette courte vie, et que, pourquoi pas, tiens, il aurait envahi tout le reste du corps, et que...

...

Pardon. Je m'emportais. Je ne savais pas ce qui m'arrivait. Enfin, si, je savais : je redevenais humain. Mais je pense que j'aurais préféré l'avoir toujours été que de devoir le redevenir. Je détestai profondément mon espèce sur le moment. Je rageai de voir mes amis grogner et de voir Vaututrice se désoler par petits croassements. J'enrageai de ne plus les comprendre. Je rejetai toutes les consolations que tentèrent Julie, Goyah, Lovis, Cynthia, ou Syrus (Walker restait silencieux, sûrement gêné et désolé par la scène). Chaque mot prononcé par un humain me donnait envie de vomir.

C'est Gardevoir, qui, lorsqu'elle s'approcha, me vit lui sauter au cou.

- Oh, Gardevoir ! Gardevoir ! Gardevoir...!

Mon amie Étreinte me prit dans ses bras.

- Oui... Oui... Je suis là... Je suis là...

Je sentis sa chaleur, son odeur, son réconfort, son aura de Pokémon, aussi, peut-être, je ne sais pas. Elle était là, à me caresser le dos, et à me dire de ne pas m'inquiéter. Elle me dit qu'elle ne pouvait pas comprendre ce que je ressentais, mais que ça devait être dur. J'acquiesçai. Je finis par arrêter de pleurer. J'étais encore à moitié assis sur mon lit. Je sentis Shaymin marcher, et venir à côté de moi. C'est la première fois que je la voyais attristée.

- Qu'est-ce qu'il y a, Chris ?

- Je... Je...

Je mis ma main sur sa tête de mignonne petite dragonne-échnidé, puis je lui dis :

- Rien... C'est bon, ne t'en fais pas... Je pense que... Qu'il faut que je m'habitue à ne plus pouvoir comprendre que certains d'entre vous, c'est tout.

À ces mots, j'entendis Drak grogner, et répéter "Drak, drak, drakkarmin", sur plusieurs tons. Je vis Caverne assez mécontent, et il me parut être scandalisé par ce que je venais de dire. Latios, qui était plus en retrait, l'entendit tout de même comme tout le monde et, après s'être avancé, se décida par lui-même à me faire la traduction.

- Il dit que tu n'as pas le droit de dire ça. Que rien n'a changé, qu'ils sont tous les mêmes. En ce qui le concerne, il rajoute qu'il t'a rencontré et t'a choisi comme Dresseur sans que vous n'ayez besoin de parler le même langage, que vous avez vécu beaucoup de choses qui vous ont rapproché sans que tu n'aies besoin de traducteur.

Puis Bastiodon renchérit également. Il regarda Drak, puis acquiesça, et me gronda lui aussi, avec ses "Bastio, bastio, bastiodon".

- Bastiodon rajoute qu'il en va de même pour lui. Depuis qu'il a été ressuscité en Dinoclier, il t'a fait confiance et suivi depuis toutes ces années. Vous... Vous arriviez à communiquer sans problème. C'est ce qu'il répète.

Et, enfin, tous mes Pokémon acquiescèrent à leur tour.

Je ne savais vraiment comment réagir. Mais, ils finirent par arrêter mon chagrin. Je souris, et je les remerciai. Me voir un peu consolé leur redonna, à eux aussi, un peu de sourire. Ils avaient probablement tous raison. Gardevoir m'aida à me relever, et à me remettre sur mes jambes. Je me réhabituai rapidement, et retrouvai tout ce dont j'avais l'habitude il y a une semaine encore.


Cela fait, j'essayai de ne plus y repenser, de retrouver les urgences en cours et de me concentrer à nouveau rapidement sur notre mission principale. Les Pokémon Obscurs, mettre un terme aux ambitions de Cipher, sauver le monde, tout ça. Après tout, nous venions de commencer notre évasion, et, théoriquement, notre contre-attaque.

- Bien, fit Julie d'un air décidé, maintenant que Chris est revenu parmi nous, il nous faut penser au plan d'action.

Walker leva le bras. La brune en noir parut blasée.

- Walker, tu peux faire une remarque sans avoir à lever le bras, tu sais.

- Ah, pardon, fit le Pokémon Ranger, c'est juste que, tu avais donné un air tellement officiel et sérieux à ce rassemblement que...

- PARLE, JE T'ÉCOUTE.

- Ah, heu, oui, alors voilà, je voulais savoir avant toute chose ce que c'était que cette machine, là-bas ?

Le jeune Ranger pointa du doigt la bizarrerie technologie violet-sombre, qui était installée contre le mur du fond, entre deux de ces grandes fenêtres en ogive. Vu sa présentation, sa silhouette de volcan extraterrestre, et, globalement, sa bizarrerie, je compris sa réflexion suivante :

- Histoire de savoir si on n'en a pas à s'inquiéter, genre si ça risque pas de nous balancer des Pokémon Obscurs à la tête, ou autres gentilles choses du genre.

- Non, tu ne risques rien, je te rassure, soupira Julie. C'est un réceptacle de la MODE. La Machine d'Obscurcissement à Durabilité Économique.

..."Durabilité Écono"- ?

- OUI, BON, oubliez les deux dernières lettres, nous conseilla Julie en se frottant le front de gêne et d'embêtement. Retenez simplement "Machine d'Obscurcissement", et je pense que vous comprenez à quoi elles servent.

- "Elles servent" ? Tu veux dire qu'il y en a plusieurs, de ces machins ? remarqua Goyah.

- Exact. Il y en a un peu partout dans tout Ténébscuriax. Chacun de ces réceptacles est relié à la MODE, située au Centre de Commande de Ténébscuriax. Vous voyez, cette cavité ronde, au centre ?

Effectivement. C'était l'unique intérêt de cette chose, avec un ou deux boutons-poussoirs noirs, juste sous cette cavité.

- C'est sur des machines comme celles-là que les membres de Cipher déposeront leurs Poké Ball quand ils voudront faire obscurcir leurs Pokémon. L'Obscurcissement direct demande beaucoup trop de temps et d'efforts au goût de Cipher, et Teck a développé ce système d'Obscurcissement rapide lors de la deuxième Team Ombre.

D'accord. C'était noté. Si nous n'agissions pas rapidement, ces réceptacles risquaient de devenir notre pire cauchemar si le moindre sbire ou Administrateur de Cipher s'en approchait.
Si la grande majorité de notre groupe éclectique était attentif aux explications de Julie, je fus surpris, en tournant la tête durant ces informations, de trouver Zekrom qui regardait maman plusieurs fois, d'un air très, très sérieux. L'autre Pokémon qui n'écoutait guère était le grand Lugia, qui s'était approché du Purificateur, et le regardait fixement, sans porter aucune attention à notre rassemblement. Si, pour Lugia, j'avais compris qu'il faisait sa tête de Piafabec depuis la théorie de Teck sur notre affiliation, je ne comprenais pas pourquoi Zekrom était dans cet état. Je me dis que ce n'était sans doute pas si grave, et je m'étais concentré de nouveau sur les infos que nous donnait Julie.
Mais, une quand la jeune femme brune eut fini de nous expliquer l'utilité des réceptacles de la MODE, nous entendîmes la douce voix de Latias crier.

- NON, ZEKROM, ARRÊTE !

Cette exclamation nous fit tous nous retourner aussitôt, et l'on vit Zekrom, ma mère, et la sœur de Latios tous les trois embarqués dans une affaire qui les regardait. Je vis, à cette instant, que ma mère avait sorti la Faiblo Ball de Zekrom.

- Mais je ne vois pas où est le problème, Latias, s'excusa Cynthia, qui semblait surprise par la réaction de la femelle.

Mais l'Éon rouge continua de s'énerver, à moitié paniquée :

- Ne la lui donnez pas ! Ne la lui donnez pas !

- Latias, je ne te demande pas ton avis, rétorqua Zekrom.

- Non ! Non ! NON !

- Hé là, interrompit mon père, tout aussi étonné que nous et juste à côté de la scène. Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Zekrom m'a demandé sa Faiblo Ball, nous apprit la Maîtresse de la Ligue de Sinnoh. J'allais la lui donner quand Latias s'est mise à crier.

Puis, le Dragon Noir Idéal prit un ton autoritaire et insistant que je ne lui connaissais pas.

- Est-ce que je peux l'avoir, s'il-vous-plaît ?

Cela avait sonné tellement étrange comparé au Zekrom que nous connaissions que Cynthia resta sans voix, et la lui tendit.

- Heu, oui, bien sûr. Tiens.

- NON, NON !

D'un coup, Latias se jeta en un éclair rouge et blanc sur l'objet et la déroba à maman, alors que Zekrom tendait sa grosse patte noire. Cela surpris d'autant plus maman que Zekrom. Puis Latias, qui avait volé à l'autre bout de la pièce, se retourna vers nous : elle perdait de sa colère, et commençait sérieusement à paniquer.

- NE FAIS PAS ÇA, ZEKROM ! S'IL-TE-PLAÎT !

- Il ne m'en plaît pas, Latias, objecta mon ami. Rends-moi cette Faiblo Ball. Elle m'appartient.

- NAN ! NAN ! NAN ! continuait sa petite amie.

Shaymin se dépêcha d'intervenir, en notre nom à tous :

- Mais bordel, Latias, explique-toi !

Notre amie détourna le regard et secoua la tête, en gardant la Poké Ball verte contre elle.

- Non... Non... bégayait-elle. Je... Je ne peux pas... Zekrom... Ne m'oblige pas à leur dire...

Puis l'on vit Zekrom s'approcher de Latias. Lentement, mais de manière imposante. Je commençai à me sentir mal. Je me rendis compte que le mètre et demi de la femelle paraissait petit face aux trois mètres du mâle.

- Latias, grogna-t-il, c'est la dernière fois que je te le demande poliment. C'est mon choix. Tout se passera bien, je te l'assure. Donne-moi juste cette Poké Ball. Maintenant.

- Non ! Non !

Puis elle s'écria, en tendant le cou vers le Purificateur :

- Lugia ! Fais quelque chose, je t'en prie !

Nous nous retournâmes tous vers Plongeon, qui se releva de ses pensées, et se redressa dans toute sa hauteur. Ses cinq mètres et quelques pouvaient largement rivaliser avec la hauteur de Zekrom. Avec cette air grave qu'il arborait, je me rendis de nouveau compte à quel point un Pokémon de cette taille en imposait.

- Zekrom, nous venons d'en discuter. (Donc, quoi, ils avaient déjà discuté par télépathie ? Pourquoi pas à voix haute ?) Je t'ai dit que tu ne pourras pas te contrôler. J'ai résisté, pendant des jours dont tu ne peux pas t'imaginer la longueur. C'est impossible.



[...]



...Attendez, quoi, quoi, quoi ?! J'étais tellement perdu par ce que je croyais comprendre que je ne voulus pas me croire.

- Arrêtez avec vos messes-basses à la con ! renchérit Shaymin.

- Lugia ! m'écriai-je soudain.

Je vins le voir, et m'approchai de lui, en levant la tête.

- Qu'est-ce qu'il se passe, nom d'Arceus ?!

L'Oiseau ne me répondit pas. Il fixait Zekrom du regard. Zekrom se retournait à peine vers nous.

- Chris... S'il-te-plaît, ne t'en mêle pas. C'est personnel.

- Non, il ne m'en plaît pas non plus ! Je m'en contrefous, que ce soit personnel ! Depuis quand y a-t-il quoi que ce soit de personnel dans ce groupe d'amis, putain ?!

Je commençai à avoir peur. Tout ce sérieux depuis le début de cette mission de sauvetage, toutes ces mines pleines de silence et d'absence de parole - ça commençait à m'inquiéter franchement, et ces comportements qu'ils se mettaient à avoir à l'instant me déplu profondément. Ni Latias, ni Zekrom, ni Lugia ne répondirent. Zekrom, en dépit de son précédent ultimatum, réitéra sa demande à Latias, qui cria à nouveau. Je les interrompis dans ce cinéma de merde, et hurlai. Je crois que cette peur se ressentit dans ma voix.

- EXPLIQUEZ-VOUS, BORDEL DE MERDE !

C'est Lugia qui me répondit du tac au tac.

- Zekrom veut devenir un Pokémon Obscur.






[...]






- QUOI ?

- QUOI ?

- QUOI ?!

Tout le monde avait réagit comme il se devait. Je sentis une profonde colère, effroyablement mêlée d'incompréhension, me monter au cerveau.

- BORDEL DE MERDE, MAIS J'AVAIS DONC BIEN COMPRIS ?! m'exclamai-je. NON, PUTAIN, ÇA NE PEUX PAS ÊTRE VRAI ?! ZEKROM ! EXPLIQUE-TOI !

Puis, après ce scandale général, le Dragon Noir, arrive juste devant Latias, m'ignora totalement, et rugit :

- RENDS-MOI CETTE POKÉ BALL, LATIAS !

- Hey, Zekrom ! intervint Latios, énervé, en se rapprochant dangereusement de Noir Idéal. Tu vas te calmer, oui ?! C'est à ma sœur que tu parles comme ça !

- Toi, je t'ai rien demandé ! grogna le Dragon en faisant signe à l'Éon bleu de s'en aller. Ne t'en mêle pas !

- Je m'en mêle si je veux ! rétorqua Latios. Tu arrêtes ton char illico et tu t'éloignes de ma sœur immédiatement ou tu tâteras de mon Dracochoc !

- C'est bon, Latios, arrête, lança sa sœur sèchement.

Il y eut un moment de silence. Lugia voulut ouvrir la gueule, Zekrom lui cria de se la fermer. Un autre long moment, lourd.

Latias commença à desserrer ses pattes qui retenaient la Faiblo Ball. Je ne sais pas si elle le fit consciemment, avec l'intention de la lui donner, ou non. En tout cas, à peine eut-elle laissé une ouverture que Zekrom plongea brutalement sa patte et lui arracha la petite sphère des griffes. Latias cria, et Latios, croyant sans doute à une attaque, ouvrit la bouche, et, en une fraction de seconde, il tira sur Zekrom un rayon d'énergie multicolore, taillé de la silhouette d'un dragon. L'attaque toucha, et détona.

Puis, nous vîmes le Dragon Noir Idéal sortir rapidement du nuage, paraissant inaffecté par l'attaque. Il fit quelques pas lourds sur le sol, et se jeta sur le mur du fond : il détruisit deux fenêtre et le bout de mur qui les séparait d'une puissante Dracogriffe, dans un boucan d'éboulements terrible.

- NOOOON ! ZEKROOOOM ! hurla Latias.

Lugia réagit à ce moment là, et courut, en voulant sauter sur son confrère ; mais le Dragon Noir Idéal fut plus rapide, et, ayant créé un trou béant à sa taille, il prit son élan, et s'envola avec la Faiblo Ball. Le grand Oiseau blanc avait voulu l'attraper avant qu'il ne s'échappe, mais il manquait bien deux mètres au trou pour que le corps de Lugia puisse passer ; le temps que Lugia charge un Aéroblast et le tire pour détruire une autre portion du mur et faire exploser d'autres vitres, la silhouette musclée et le réacteur caudal de Zekrom avaient pris de l'avance. Malgré tout, Lugia se plia sur ses pattes massives, étendit ses larges ailes, et sauta dans le vide. Nous entendîmes la légende donner de grands coups d'ailes dans l'air, et vîmes l'Oiseau réapparaître, volant à la poursuite du Dragon.


Des débris de pierre et de verre retombèrent sur le sol du laboratoire, et les nuages de poussières s'estompèrent. L'envol des deux grandes créatures mythiques s'était déroulé en un court instant d'action, sous nos yeux effarés. Puis, assez rapidement, Latias, désespérée, commença à léviter à toute allure vers l'ouverture dans le mur, avant d'être arrêtée par Latios, qui fila dans un éclair bleu.

- Non, Latias, arrête !

- MAIS QUOI ?! hurla-t-elle. Je vais pas laisser Zekrom-

Son frère la coupa subitement, sévère.

- Lugia a déjà été assez imprudent pour le poursuivre ! Pas la peine de te mettre en danger à ton tour ! Dois-je te rappeler qu'on se trouve sur une putain d'île remplie des pires terroristes de l'histoire ?!

- Mais...

- Ils ont capturé et obscurci Lugia une fois déjà, ils ont capturé et tué Rayquaza, ils ont capturé et transformé Kyurem en monstre ! Ils ont déjà capturé Zekrom, Reshiram, et retiennent toujours Kyogre, et Groudon ! Qu'est-ce que tu crois qu'ils vont te faire, quand ils te verront voler en liberté, en sachant que tu viens de t'échapper de leur labo ?!

...Il n'avait pas tort, sur ce point. Fire, qui avait aussi des ailes, voulut se proposer aussi ; Drak le rejoignit dans sa décision ; mais quand Latios les vit s'avancer et voulut leur faire entendre raison à eux aussi, Latias le devança.

- Non, n'y allez pas. Ça me fait mal de le dire, mais Latios a raison. On... On doit agir avec discernement.

- Discernement ou non, pour l'évasion subtile et discrète, c'est râpé, remarqua Goyah en constatant le trou dans le mur, les bras croisés.

- Dans tous les cas, il faut agir vite, renchérit le Pokémon Ranger. Avec tout le boucan qu'on vient de faire, Cipher ne devrait pas tarder à prendre des mesures.

Julie leva la tête, et regarda la voûté qui nous surplombait, une dizaine de mètres au-dessus de nos têtes.

- Justement, c'est étrange, sur ce point. Pourquoi est-ce que l'alarme ne s'est pas déclenchée ?

- Est-ce qu'il y a des caméras de surveillance ici ? s'empressa de demander Cynthia. Est-ce qu'ils peuvent être au courant de ce qui s'est passé dans cette pièce ?

- Oui, il y en a, mais je les ai piratés avant de venir vous faire évader, répondit Julie. De toute évidence, ça ne sert plus à rien, puisque je ne pense pas qu'une explosion dans le labo du boss et l'envol de deux Pokémon de cette envergure passent vraiment inaperçus.

Moi, je me dirigeai vers Latias. Je n'étais pas, mais alors pas du tout content de ce qu'il venait de se passer entre elle et Zekrom, et j'avais vraiment l'intention d'en savoir plus. Lorsqu'elle me vit arriver à pas décidé, et croiser Fire et Drak, elle prit un air désolé.

- Chris... commença-t-elle.

Je m'arrêtai net quand je jugeai m'être assez approché d'elle et de son frère.

- Peu importe ce qu'il vient de se passer, décochai-je. Tout ce que je veux savoir, c'est quelle foutue idée ce grand bêta s'est mis dans le crâne.

Latios regarda Latias, et celle-ci soupira.

- Il... Il était très mécontent des actions de Cipher, au début, bien sûr, comme nous tous. C'est... C'est quand Teck s'est mis à parler de rendre des Pokémon Légendaire fertiles grâce au Virus Obscur que... Zekrom...

Elle se tut, et parut profondément affligée. Je frémis. Je repensai aussitôt à la soirée que j'avais passé avec lui, au bord de ce lac, à Johto.

- Tu sais à quel point Zekrom en veut à Arceus pour cette histoire de stérilité... Il reste toujours un peu jaloux de Pokémon comme Latios et moi...

- Oui, je sais, répondis-je, pensif.

- Alors... Lorsqu'il a entendu que devenir Obscur permettait d'avoir des enfants...

- Mais c'est au prix de sa putain de conscience, merde ! rappela violemment Latios. Comment est-ce qu'il peut être aussi bouché ?!

- Je ne sais pas... Il s'est mis en tête que notre rôle dans la création des âmes lui donnait une force mentale assez puissante pour résister aux effets néfastes... "Contrairement à Lugia", rajoutait-il...

Bon sang. Je n'aurais jamais cru que Zekrom serait allé jusque là... Je savais que c'était quelque chose d'important pour lui, mais... Au point de se croire supérieur aux autres et de se tirer une balle dans le pied... Une balle de cette taille...
Je ne savais que dire pour réconforter Latias. Cela dit, je n'eus pas le temps pour réfléchir davantage.

- Bon, reprit Julie en s'adressant de nouveau à tout le monde, Walker a au moins raison sur un point : il faut qu'on agisse vite, et maintenant. En plus de sauver les Pokémon retenus sur cette île, et d'empêcher Cipher de produire à nouveau des Pokémon Obscurs, il faut également que l'on rattrape Zekrom avant qu'il ne fasse la plus grosse connerie de sa vie.

Latias, Latios et moi retournâmes avec le groupe, qui se rassemblait autour de la brune en tenue noire. Fire et Drak, en regardant une dernière fois par la trouée qui donnaient sur les cieux rouge sombre, firent de même.

- Il n'y aucun autre humain à sauver ? demanda mon père.

- Si vous faites allusions aux Hoenniens, monsieur Lovis, non, poursuivit la brune. Lorsque les migrants ont été reçus sur l'Île après la destruction de leur Région, ils ont été logé, nourris, et très convenablement accueillis. Leurs Pokémon leurs ont été laissé, évidemment. Cipher doit bien entretenir la réputation de son nouveau continent, s'ils veulent continuer à être une terre promise dans un siècle qui s'annonce apocalyptique.

Elle gardait cet air extrêmement concerné qui nous faisait tous l'écouter attentivement.

- Il va falloir nous séparer sur plusieurs fronts, continua-t-elle.

À cet instant, Fire leva une patte. Julie fut, à nouveau, gênée.

- Heu... Ce que je disais à Walker valait aussi pour vous. Pas la peine de lever la main. Heu, la patte. Vas-y, le Dracaufeu.

Le meneur des W.T.F. fit un pas en avant, et poussa plusieurs grognements avec sa voix grave. Gardevoir l'écouta, et remplit son rôle de traductrice.

- Il demande si tu ne saurais pas où se trouve une Fragilady et un Polarhume. Ils ont été capturés en même temps que Chris et lui, à Algatia. Ils s'appellent "Lilas" et "Bisou", et ils font partie de son équipe de secours.

Le Dracaufeu rajouta un grognement.

- Oh, et d'exploration, compléta Étreinte. Équipe de secours et d'exploration.

Julie considéra le Dracaufeu, son air fier et déterminé, son sac beige, bien chargé, autour de l'épaule, et le badge de secouriste que celui-ci avait accroché à la bandoulière. Julie croisa ses bras, pensive.

- Une Fragilady et un Polarhume... Hm, oui, je crois que ce sont les Pokémon qui ont été confiés à Purple Eye.

- Comment ? Le type chelou en violet, responsable du lancement du missile au Centre Spatial ?

- Oui, ce type-là, certifia-t-elle. Ces deux Pokémon ont fait partie de sa paye pour cette mission accomplie.

Dracaufeu serra les crocs et grommela. Gardevoir ne traduisit pas, mais je compris bien que Purple Eye allait regretter.

- Alors, cela nous donne donc un objectif supplémentaire, reprit Julie. Sauver Lilas et Bisou.

- Est-ce qu'on ne risque pas de trop s'éparpiller ? demanda alors Latios. Je veux dire, bien entendu, il faut sauver tout le monde, et arrêter ceux qui ont des idées trop noires pour voir clair, mais est-ce vraiment une bonne idée de viser nos forces ? C'est comme ça que l'on s'est fait avoir, avant-hier.

- Au contraire, répondit la brune avec un air expérimenté. Il faut que nous attaquions Cipher sur plusieurs fronts, si possible en même temps. Il ne faut pas leur laisser le temps de préparer de contre-attaque. De plus, si l'on reste groupés, il suffit que l'on se fasse coincer pour que la mission soit un échec. C'est pour cela que je pense que séparer nos forces reste encore préférable.

- Ok. Je comprends.

Puis, la jeune femme put de nouveau s'adresser à tout notre groupe.

- Bien, comme je vous le disais, nous nous séparerons en plusieurs groupes. Tout d'abord, Chris : j'ai pu récupérer tes Poké Ball ce matin. Cela sera bien plus pratique pour transporter toute cette petite troupe avec nous.

- Oh ! Merci.

- Pas de quoi. Cela dit, j'ai le temps de vous expliquer le plan avant que tu ne les rappelles tous. Messieurs Goyah, Lovis, et dame Cynthia, il faudrait que vous vous chargiez de secourir les Pokémon retenus par Cipher. Vous pourrez commencer par ceux qui alimentent Ténébscuriax, pour finir par ceux qui sont enfermés dans l'attente d'un obscurcissement. N'oubliez pas de vous assurer qu'ils quittent bien l'île en sécurité.

- Et par quels moyens ? demanda mon père. Je veux bien mettre toute une horde de Pokémon en sécurité, mais on n'a pas vraiment de moyen pour les envoyer sur le continent.

- Pour ça, il vous faudra sans doute improviser, réagit Julie. Vous pourriez vous aider des Robo-Kyogre V2, que Cipher conserve dans ses entrepôts à fleur d'eau (similaires à celui par lequel vous êtes entrés sur Ténébscuriax). Ce sont des inventions d'un Professeur farfelu de Rhode que Cipher a réussi à acheter. Pour faire simple, ce sont des petits sous-marins très résistants, avec possibilité de pilotage automatique. Si vous réussissez à charger les Pokémon secourus dans ces navettes et à les diriger vers Port Amarrée...

- On pourrait alors avoir un moyen d'éloigner ses Pokémon de Cipher, discrètement. Compris, conclut Lovis.

- Je suppose qu'on ne devra pas oublier de saboter leurs radars, au passage ? demanda Cynthia.

- Évidemment, sourit Julie, un peu par dépit. Ce ne serait pas drôle, sinon.

- Bien. Juste pour être sûre, indiqua ma mère en remettant un de ses longues mèches blondes derrière une oreille.

- Voilà pour les Pokémon à sauver. Monsieur Goyah, je vous demande, après cette histoire de radar et avant d'aller rejoindre dame Cynthia et monsieur Lovis pour les opérations de sauvetage, de bien vouloir escorter le Professeur Syrus jusqu'à l'un de ces Robo-Kyogre.

- Pas de souci, répondit le Maître de la Ligue.

- Parfait. Cela nous fait un premier groupe d'opération. Vous serez le groupe Galopa.

- "Galopa" ? s'étonna Goyah, en leva un sourcil. Hm, ça manque un peu de classe, non ? Pourquoi pas le groupe "Pyrax" ?

Je pense que l'espionne ne s'attendait pas à ça. Je ris, intérieurement.

- Oh, hé bien, si vous voulez, monsieur Goyah, répondit-elle.

- Yes !

La jeune femme en noir tendit alors un petit objet noir au fougueux cinquantenaire en poncho.

- Tenez, prenez cette oreillette pour qu'on garde contact avec vous.

- Okay.

- Bon, maintenant, poursuivit la brune, le groupe de sauvetage de Lilas et Bisou. Je pense que le Dracaufeu et le Grelaçon sont partants ; Walker, puisqu'il s'agira sûrement d'affronter Purple Eye et ses Pokémon contrôlés, est-ce que je peux te demander de les accompagner ?

- Pas de souci, Julie, accepta le Pokémon Ranger, en réajustant les lunettes protectrices sur son front.

- Puisque cet Administrateur de Cipher risque de s'enfuir en flap-flapeuse, it te faudrait aussi un partenaire de vol, Walker, considéra Julie. Je ne me fais pas de souci pour le Dracaufeu qui a l'air de bien porter le Grelaçon, mais il ne pourra pas te porter toi en plus, et rester apte au combat. Donc, je propose que Latios vous accompagne.

L'espionne brune se tourna vers le concerné.

- Ça te convient ?

- Donc, quoi ? rétorqua le Pokémon. Je laisse ma sœur toute seule ?

- Elle viendra avec Chris, Noctunoir et moi, lui indiqua Julie sur un ton confiant. Je ne compte pas la laisser toute seule, ne t'inquiète pas.

Latios releva néanmoins le museau, comme à son habitude.

- Et si je refuse de me laisser monter par un inconnu ? Je ne vois pas en quoi ce "Pokémon Ranger"...

- Oh, ça, y a pas de souci, rit Walker.

Il nous montra son poignet, auquel était attaché son engin essentiel qui répondait toujours présent pour défendre les Pokémon.

- Si tu doutes de moi, un petit coup de Capstick, et on sera bons !

- T'APPROCHE PAS DE MOI AVEC CETTE CHOSE !

- ...Bon, je considère que vous vous êtes mis d'accord, nota l'espionne.

Fire, cela dit, demanda autre chose à Julie, et cette chère Gardevoir traduisit de nouveau.

- Il demande s'il est possible qu'ils soient le "Groupe Cizayox" ?

Je ris de nouveau intérieurement. Julie devait être changée, avec des coéquipiers de la sorte.

- Oh, hé bien, va pour le Groupe Cizayox, officialisa-t-elle.

Le Groupe Pyrax et le Groupe Cizayox commencèrent donc à se concerter entre eux pour se préparer à y aller, pendant que cette jeune femme s'adressait à mes Pokémon, Noctunoir et moi :

- Et donc en ce qui nous concerne, comme je viens de le dire, nous formerons le troisième et dernier groupe d'attaque. Nous nous chargerons de stopper Cipher et de les empêcher de mettre en marche la MODE.

- Nous avons encore le temps pour ça ? demandai-je, un peu inquiet. Teck est parti depuis longtemps...

- Ne t'en fais pas, me rassura-t-elle. La MODE n'est pas si simple d'utilisation. La nature du Virus, comme vous l'a expliqué Teck, est très complexe.

Hm hm.

- Et pour Zekrom ? demanda Noctunoir. Est-ce qu'on fait quelque chose ?

- Pour ce qui est de Zekrom, poursuivit-elle, je fais confiance à Lugia. Avec son passé de Pokémon Obscur et sa puissance, il est sans doute le plus apte à convaincre votre ami.

- D'accord, répondis-je, ça ne me plaît pas vraiment, mais je suppose que tu as raison.

Julie allait rajouter quelque chose, quand je la vis regarder tous mes Pokémon. Elle hésita dire ce qu'elle s'apprêtait à nous dire, puis demanda, plutôt poliment :

- Bon, vous voulez choisir le nom de groupe, je suppose ?

- SHAYMIN ! SHAYMIN ! LE GROUPE SHAYMIN !

Je ne pense pas que ce soit la peine d'expliciter plus et de vous dire qui venait de hurler ça dans le laboratoire, et sautillant frénétiquement. Là, Julie et moi vîmes Drak réagir au quart de tour, et rugir "Drakkarmin ! Drakkarmin ! Drakkarmin !". Minshya prit la mouche, comme à son habitude, et releva sa mèche de dédain.

- Je suis désolé, mais "Drakkarmin", c'est naze. C'est long, c'est bizarre, et puis, un nom de Pokémon fabuleux, c'est dix fois plus classe !

Il n'en fallut pas plus pour vexer le Pokémon Caverne, et les voilà tous les deux partis en chamailleries. Bastiodon essayait de les calmer, j'avais l'impression que Noctali encourageait les deux côtés, Charkos insistait pour qu'on prenne son nom à la place, Lançargot semblait s'en ficher, Crocrodil avait commencé à taper la discut' avec Fire, et je crois que Vaututrice trouvait tout ce cinéma bien comique. Noctunoir se glissa derrière nous, et, discrètement, opina qu' "on avait qu'à prendre Groupe Noctunoir, comme ça c'était réglé." Gardevoir avait abandonnée la traduction depuis bien longtemps, et souriait, gênée par leur comportement, et moi, je me contentai d'un bon vieux facepalm.

- Bon, je pense que tu peux choisir, Julie, lui conseillai-je.

- Bien ! Nous serons le groupe Gallame, alors.

- Moi, ça me va très bien, sourit Gardevoir, histoire d'approuver pendant que tout le monde s'embrouillait.

Après cette histoire de nom de groupe, Fire vint me voir. Je le vis, lui souris, et lui demandais ce qu'il y avait, il grogna et retira le Sac au Trésor de son épaule.

- Il veut me donner quelque chose ? demandai-je à Gardevoir.

- C'est ça, me confirma-t-elle.

Je ne m'étais ainsi pas trompé quand j'avais compté sur la prévoyance du meneur des We Tackle at Foes : Dracaufeu nous sortit tout un tas d'objets utiles, que je pouvais donner à tous mes Pokémon. Baie Sitrus, Baie Prine, Orbe Vie, Roche Royale, Bandeau Muscle ; il avait vraiment fait le plein au QG des MOCLASM. Je distribuai ces objets parmi mes Pokémon : Baie Prine pour Bastiodon, Roche Royale pour Drak, Baie Sitrus pour Vaututrice et Noctali, Poudre Claire pour Lançargot, Noctunoir accepta l'Orbe Vie, puis j'attachai le Bandeau Muscle autour d'une des petites pattes de Charkos. Je n'avais plus rien pour Shaymin, mais elle m'assura que sa nouvelle forme la gonflait à bloc pour toute éventualité, ni pour Gardevoir, mais, en touchant autour de son cou le collier que lui avait offert Latios, elle me dit qu'elle avait tout ce qu'il lui fallait. Quant à Crocrodil, Fire me demanda - par l'intermédiaire de Gardevoir - s'il pouvait prendre le Ruban Joie qui était resté autour de mon cou d'Aéroptéryx. Si repenser à ce corps m'émut un peu, j'acceptai. Enfin, avec l'aide de Julie qui s'assurait de la bonne santé physique du corps d'Oisancien, il alla détacher le Ruban de mon ancien cou écailleux. Je le vis faire ça assez vite, et il ne parut pas particulièrement troublé. Bon, tant mieux, je suppose. Il revint, on referma le sarcophage de verre, et remit le Ruban Joie à Crocrodil, qui l'accepta bien cordialement. Mâchoire l'enroula autour de son front, et se prit quelque pauses de guerrier qui nous firent sourire. Dracaufeu lui dit que ce Ruban signifiait beaucoup, et qu'il était d'autant plus précieux qu'il nous avait accompagné partout, et surtout moi. Je l'approuvai. Ensuite, Fire revint vers moi, et me tendit le Glas Tempête que j'avais porté pendant une bonne partie de notre voyage. Je le remerciai pour cette attention, et, non sans une pensée pour Lugia, je glissai le grelot d'argent dans une de mes poches.

Puis, chose plus étonnante encore, Fire retira son Sac au Trésor et me le tendit. S'il enleva son Badge de secouriste pour le garder avec lui, et noua un Ruban Force+ autour de son cour pour l'y attacher, je lui demandais ce qu'il faisait. Gardevoir l'écouta.

- Il... Il dit que c'est pour s'assurer que vous vous retrouverez, une fois que vous aurez accompli vos missions.

Flamme me tendait le sac, avec cet air fier et ce regard de Secouriste invincible. Il me fit un clin d'œil. Je me sentis tout chose. Je lui souris, tentai un clin d'œil subtil (bien que je n'ai jamais été bon à ça...), et, en sachant qu'on se faisait mutuellement confiance, il me donna assez de forces pour croire en notre réussite.


Sur ces entrefaites, l'espionne en noir, ravie de voir que tout le monde se préparait pour le mieux, fouilla dans ses poches. Intrigué, je l'observai, et je la vis en sortir huit Poké Ball. Mon instinct de Dresseur me les fit reconnaître immédiatement : les Poké Ball de Vaututrice, Bastiodon, et Noctali, la Super Ball de Gardevoir, les Compét Ball de Charkos, Lançargot et Shaymin. Avec étonnement, je retrouvai aussi la Sombre Ball de Noctunoir.

- Tiens, Chris : maintenant qu'ils sont tous bien impliqués dans notre objectif, tu peux les rappeler.

Je me tournai vers le Pokémon Mainpince, toujours derrière nous.

- Je pensais que tes fonctions en tant que MOCLASM t'avaient fait quitter mon équipe ?

Le Spectre haussa les épaules, gardant l'air désinvolte qui lui allait si bien :

- Ben, j'en ai discuté un peu avec d'autres agents d'élite, et ils m'ont dit que, garder la Poké Ball d'un Dresseur, ça permet toujours d'éviter de se faire capturer par inadvertance en pleine mission.

- Ah oui ? C'est tout ?

...

- Bon, je dois avouer que tu es aussi le genre de Dresseur qu'on aimerait bien garder plutôt qu'un autre genre de Dresseur qu'on n'aimerait pas g-

Héhé. Il me fit sourire.

- Merci, Noctunoir.

- Boarf, c'est le métier, rien de plus, répondit-il.

Je repris donc mes Poké Ball des mains de Julie, et je rappelai chaque membre de mon équipe au complet les uns après les autres. Même si la pièce parut soudain vide, avec tous ces personnages en moins, je fus satisfait et un peu plus rassuré de les garder en sécurité, avec moi.

Finalement, seul Drak resta dehors.

- Tiens, il n'a pas de Poké Ball, lui...? me demanda Julie.

Je me grattai la tête, et m'expliquai :

- Hé bien, juste avant que je me fasse enlever par Cipher, je l'avais laissé une Compét Ball entre les pattes pour le laisser se décider à faire son choix de continuer ou non l'aventure avec moi...

Je regardai Drak. Celui-ci me regarda également en retour, attendant que je poursuive ma phrase, avec un petit air de défi.

- ...mais je pense, qu'après tout ce qu'on avait vécu, qu'il avait fait son choix.

Je lui souris.

- Je me trompe ?

Comme simple réponse, le Dragon se jeta sur moi, et me lécha la face avec sa grande langue.

- Haha, je crois que j'ai vu juste !

Julie me vit ainsi, à terre, avec mon ami, et, en fouillant dans ses poches, en sortit une Luxe Ball. Elle s'avança vers nous deux, et me la tendit.

- Tiens, c'est pour toi. Elle est vide.

Drak et moi nous regardâmes, puis fixâmes à nouveau la Poké Ball de haut standing.

- Oh. Merci beaucoup.

C'est tout ce que je trouvai à lui répondre, mais elle me fit un petit sourire, pour la première fois depuis la semaine dernière.

- Y a pas de quoi.


Nous voilà donc en trois groupes, Pyrax, Cizayox et Gallame. Mes parents partirent, direction la localisation des prisons et du système de détection des radars de Cipher ; je m'attendais à voir Goyah et Syrus partirent à leur suite, par cette même porte, mais les deux hommes vinrent me voir avant de nous quitter. Du moins, je faisais les derniers préparatifs avec Julie, elle m'expliquant le plan de Ténébscuriax, lorsque j'entendis le cinquantenaire m'appeler.

- Chris ?

Je me retournai.

- Oui ?

Je le vis, l'air assez grave, me tendre la main. Dans cette main, il y avait un revolver. Le revolver que m'avait donné Peter.

- Tiens. Je te l'avais gardé, me rappela-t-il. Maintenant que tu as des mains et des poches, tu devrais pouvoir t'en servir. Au cas où.

Je regardai le flingue noir, et ne savais que répondre. Je le pris ; il était lourd.

- Oh, c'est vrai... Merci de me l'avoir gardé, je suppose.

- Enfin, pas la peine de te faire un dessin sur ses conditions d'utilisation, hm ?

- Oui, bien sûr. Je suis assez grand pour comprendre, vous savez.

- Bien.

Puis, un peu gêné, le Maître de la Ligue sourit pendant que je mettais le revolver à ma ceinture.

- Désolé, Chris. Je t'ai connu en Aéroptéryx, et, du coup, je ne sais pas, je ne te voyais pas comme un jeune homme, tu vois. Tu me fais penser à ces Dresseurs que j'ai vu passer, donc je peux avoir tendance à donner des leçons de morale... Excuse-moi, héhé.

- Non, t'inquiète, ce n'est pas grave, je ne le prend pas mal, le rassurai-je.

Puis, le Professeur Syrus s'avança aussi vers moi. Je fus un peu plus intrigué par sa venue, vu que je n'avais pas vraiment eu l'occasion de le connaître ou de discuter avec lui plus que cela... En tout cas, l'homme en blouse blanche et à la chemise verte remit ses lunettes rectangulaire, et me sourit.

- Chris, je voulais te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi.

Il me sembla très désolé.

- Comme je vous l'ai dit, je me sens un peu coupable, aussi, pour ce qui est arrivé... J'ai conçu le Purificateur, et je me suis à nouveau fait enlever, et ai risqué vos vies...

Je voulus tout de même le rassurer, et me montrai aimable et réellement sympathique :

- Ne vous en faites pas, Professeur. Vous n'avez pas à vous en vouloir. Le Purificateur a sauvé la vie de dizaines de Pokémon, et guérit Lugia, non ? Quant à votre enlèvement par Cipher, même Groudon s'est fait avoir. Je ne vois vraiment pas comment vous aurez pu y échapper !

J'espérai le faire rire malgré tout, et ça réussit, un peu. Il rigola, légèrement :

- Haha, oui, tu dois avoir raison. J'ai ouï dire, également, que tu comptais devenir Professeur Pokémon ?

Je rougis sans doute un chouia.

- Hum, hé bien, oui, en effet... Mais je n'aimerais pas être avantagé par rapport aux autres. Être pistonné, ça ne me-

- Oh, loin de moi cette idée, ne t'inquiète pas ! rit-il. Je pense que tu n'auras pas besoin d'aucune aide, tu me sembles très capable, et, vu le lien que tu entretiens avec tes Pokémon et, je suppose, les Pokémon en général, tu feras sûrement un grand Professeur. Non, cela me donne juste une raison supplémentaire pour te donner ceci...

Le Professeur Pokémon fouilla dans sa poche de blouse, et, à ma grande stupéfaction, mais également à celle de Julie il en sortit une Poké Ball à la demi-sphère supérieure violette, bombée sur les côtés, et estampillée d'un "M".

- Je pense que tu sais de quoi il s'agit, sourit-il. On n'en confie qu'aux Professeurs Pokémon... Mais tu me sembles aussi courageux que le dernier Dresseur auquel j'en ai donné une, il y a presque vingt ans.

Il parlait du Dresseur qui avait mis en déroute la deuxième Team Ombre...?

- À-À ce point ? bégayai-je, un peu ému.

- Oui, à ce point.

Je pris alors la Master Ball qu'il me tendit, et, tout excité par ce qu'une telle Poké Ball signifiait, je ne sus que dire. Je fus surpris de son poids ordinaire à toute autre Poké Ball ; je m'attendais à quelque chose de particulier, de lourd de sens, mais non. C'était un pouvoir à la portée de celui qui avait de quoi la porter, voilà tout.

- Hé bien... Merci... Merci beaucoup. J'en ferais bon usage.

- J'en suis certain.

Et, sur ce, je lui serrai la main. Julie me semblait ne toujours pas en revenir, du coup de la Master Ball, mais elle essaya de montrer que cela ne l'affectait pas. Elle serra également la main au Professeur, puis Goyah, qui me salua de loin, me félicita également. Les deux humains partirent ensuite dans le couloir.


Pendant ce temps, Walker s'était entêté à vouloir capturer Latios au Capstick, et maintenant que c'était chose faite, le groupe Cizayox allait enfin pouvoir y aller. On se fit des signes de main et de patte. Je saluai encore une fois Fire, de loin cette fois-ci, en tenant fermement la bandoulière du Sac au Trésor dans ma main droite. Chose qui me surprit, Crocrodil sortit de sa Compét Ball par lui-même, et souhaita lui aussi bonne chance (je supposai). Nous vîmes son sourire de Dracaufeu et les sautillements tout heureux d'Hugwald disparaître dans le couloir.
Je me tournai vers Crocrodil, et lui demandai pourquoi il avait tant tenu à les saluer. Il me parut un peu embêté, un peu attristé aussi,et me répondit d'un "Croc, Crocrodil". Je souris, lui caressai sa tête bleue et sa houppette d'écailles rouges, et le rassurai sur nos chances de réussite. Nous étions une équipe soudée, organisée, et, en ce qui concernait Fire, c'était un grand Dracaufeu, très capable, costaud, et débrouillard. Mon Pokémon me répondit d'un petit sourire, et, lorsque je lui proposai de retourner dans sa Poké Ball, il hocha la tête. Je tendis donc sa Compét Ball, et il retourna à l'abri. Je regardai la sphère rouge et blanche, estampillée d'un petit logo Poké Ball jaune sur le devant.

- Tout va bien ? me demanda Julie.

- Hm ? fis-je en relevant la tête. Oh, oui, c'est bon.

Je rangeai la Compèt Ball dans ma poche, avec toutes les autres, et le Glas Tempête.

- Latias, es-tu prête ? demanda la jeune femme en se tournant vers l'Éon rouge.

Celle-ci était allée regarder le ciel rougeoyant par la trouée creusé par Zekrom. A l'entente de son nom, elle se retourna, et vint aussitôt vers nous :

- Oh, oui, je suis prête, assura-t-elle. Il ne vont même pas comprendre ce qui leur arrive.

- Excellent.

Et, finalement, après tous ces préparatifs, la brune en noir conclut :

- Groupe Gallame, c'est à nous de jouer. Détruisons Cipher et leur Virus Obscur une bonne fois pour toutes.