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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 10/08/2015 à 23:50
» Dernière mise à jour le 12/08/2015 à 21:08

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XXIV - 1 - Au seuil de la tempête

J -1



J'ouvris les yeux, brusquement. La tête dans un brouillard plus dense que d'ordinaire, j'avais juré sentir les rayons du soleil, chaleureusement dorés, être venus se glisser sur mon museau ; mais non, Suerebe était une ville souterraine. Il faisait aussi clair dans ma chambre qu'hier au soir. Le brouillard de mon esprit se dissipa bien vite, en même temps que je remuai péniblement mes membres et mes paupières ; j'avais l'impression de les avoir abandonnés un siècle, ou peut-être une minute. Le sommeil avait dû finir par avoir raison d'eux, et de ma conscience. Je n'avais pas rêvé. J'avais dormi d'un bloc. J'avais l'impression d'avoir dormi une éternité.

L'effet de l'anesthésiant s'était dissipé. Avec un peu de mal, mais finalement plutôt rapidement, je retrouvais mon corps d'Aéroptéryx comme je l'avais laissé. Je me levais doucement, puis posais mes serres sur la moquette ; mes griffes grattèrent sur les poils synthétiques. Je regardais dans le vide. Je pensais à tant de choses, que je crois que je ne pensais à rien.

Je me grattai le cou, ma patte rugueuse passant sur mes écailles, puis je me frottai le museau avec mon aile. Instinctivement, lorsque ma gueule se retrouva fourrée dans mon plumage, ma langue sortit, et je me lissai les plumes. Il ne me sembla pas l'avoir fait souvent, alors j'en profitais pour bien m'appliquer. Je ne savais même pas si c'était bien comme ça qu'on se lissait les plumes. Mais j'eus envie de me lécher le plumage, de le rendre beau et propre. Mes plumes fibreuses n'eurent pas de goût, encore moins d'odeur ; je crois que je m'y étais habitué avant le temps.

Une fois cela fait, je décidai de me lever. J'eus un peu de mal à retrouver mon équilibre, mais ma fidèle queue m'aida à retrouver la démarche que j'avais naturellement prise après mon évolution. J'agitai la queue, en contractant les muscles qui me sortaient du bas du dos, puis sentis ma volonté pouvoir se prolonger jusqu'à la pointe de mon appendice caudal. J'essayai de décrire des courbes parfaites en l'ondulant. Je remarquai que la tenue des plumes de la pointe laissait à désirer, alors je m'attrapai la queue et nettoyai cet endroit.

Je fis quelques allers-retours dans ma chambre, histoire de voir que tout allait bien. Je sautillai sur mes cuisses, essayant quelques petites Acrobaties sans faire de dégâts ; puis je posai ma patte sur ma poitrine, où mon cœur de Pokémon battait, régulièrement. Elle ne me faisait plus mal ; ma tête non plus, tiens, ne me faisait plus mal. Huh. J'espérai ne pas avoir trop dormi, pour me sentir aussi bien, physiquement parlant.

J'allai vers ma table de chevet, où reposait mon Ruban Joie, auquel était enfilé le Glas Tempête. Je le pris, et allai dans l'étroite salle de bain que ma chambre comportait ; je me mis face au miroir, et nouai l'objet autour de mon cou. On avait dû me le retirer pour l'opération, et Gardevoir l'aura sûrement rapporté sans que je ne l'eusse noté. Je le mis, finalement, de la manière dont je m'étais habitué à le mettre... Cette semaine. Dire que je ne l'avais depuis pas si longtemps que ça. La clochette et son éclat argenté me refirent songer à la beauté des récifs, à la terreur des abysses, à ma rencontre avec Lugia, à la balle qu'il s'était prise, à sa compagnie. Je songeai à beaucoup de choses, en rapport avec tout ce que nous avions vécu.

Hm. J'avais un peu de mal à tout me remettre en place, mais je ne me faisais pas de souci.
Face au miroir, je me regardai, longuement. J'observai ce museau allongé, une petite tête de reptile, avec une modeste mâchoire. J'appréciai la traînée d'écailles vertes qui partait de mon front et qui me descendait dans la nuque.

J'étais un Pokémon.

Me rappelais-je la première fois que j'avais vu un Pokémon...? Non, c'était il y a bien trop longtemps. Je veux dire ; j'ai toujours vécu avec eux, et ils ont toujours été là. Que ce soit ceux de ma mère quand elle était en passage ou de mon père, à l'arène, j'avais toujours vécu en leur compagnie, dès ma naissance.

Je me rappelle parfaitement, par contre, du premier Pokémon que l'on me confia.

Je me revois devant le Professeur Sorbier, sa barbe moins fournie qu'aujourd'hui. Une table blanche, et trois Poké Ball qui reposaient là.

J'étais jeune. Tu parles, dix ans ; et tu demandes de choisir entre trois Pokémon. L'assistant du Professeur venait de me les présenter, les Pokémon de départ. Mais là, c'était le moment. Je devais choisir. J'avais hésité, longuement, à prendre Tiplouf. Plus petit, j'étais fan des types Eau, et ça n'avait pas été mon père et son arène qui m'avaient fait changer d'avis.
Je choisis Tiplouf. Le Professeur Sorbier me demanda "Tu es en sûr ?". Je répondis que non. Il rit. Il riait beaucoup, à l'époque, chose qu'il ne fait plus beaucoup ces derniers temps.
Hm. Il n'était pas question de ce à quoi je devais m'attendre, ou de ce qui me semblait le plus évident. Je devais choisir. C'était un mot qui était lourd de conséquences, pour moi, avant tout parce qu'il signifiait de lui-même qu'étaient impliquées des conséquences sur ma vie.
Alors, en écoutant une petite envie discrète au fond de moi, je choisis fièrement Tortipouss. On me demanda si j'étais sûr, et je dis que oui, j'étais sûr. J'en avais envie. Alors on me donna la Poké Ball, et on me conseilla de le faire sortir aussitôt afin que je le salue. La boule de métal froide dans les mains, je me tournai vers un espace dégagé. Je me revis tendre mon petit bras, et ma toute première Poké Ball s'ouvrit avec un son brusque et merveilleux. Jaillissant dans un éclair de lumière, apparut devant moi Tortipouss. Je restai un instant ébahi. Lui aussi, je crois, était intimidé de voir ce petit humain devant lui, tout en sachant que je venais de le choisir.

Puis je me souviens du premier contact. De mes doigts sur sa grosse mâchoire ronde et dure comme l'écorce, de son petit bec, puis sur sa petite feuille qui poussait sur sa tête, jeune et fraîche. Je l'avais pris dans mes bras ; qu'il avait été lourd ! J'avais l'impression de porter un sac de terre. Cette carapace d'humus tâchait mon t-shirt tout propre pour l'occasion. Mais je m'en fichait. De tout ça, je n'en avais eu rien à faire. Il me souriait, tout mignon qu'il était. Et, sans se poser aucune question, sans même hésiter davantage, il n'y avait eut que la joie, que la confiance, pures et prometteuses. Nous allions être partenaires. J'allais vivre avec cette créature pour le restant de mes jours ! C'est ce que j'avais pensé. C'est ce que je pense encore ; son sourire de Tortipouss signifiait pour moi une véritable intégration dans une société inter-espèces qui durait depuis des temps immémoriaux. Depuis le début de l'humanité... Nous avions tous les deux commencé nos vies respectives à ce moment là ; le Pokémon avec l'humain et l'humain avec le Pokémon. Et moi de me sentir fier et important pour quelqu'un, pour la première fois.

Je remarquai ensuite l'atmosphère de la salle de bain. Tout me sembla triste, du lavabo aux bruits sourds de Suerebe qui venaient d'au-delà de ma fenêtre. J'inspirai à pleins naseaux, puis expirai, un frisson me hérissant les plumes. Je passai ma langue sur mes crocs pointus. Puis j'ouvris le robinet, et je me jetai un coup d'eau sur la gueule, puis ma gorge, laissant traîner mes griffes sur chacune de mes écailles.


Un peu plus tard, alors que je continuai à me mettre en forme en faisant quelques exercices et en m'entraînant à l'Acrobatie, on toqua à ma porte. Un grosse voix m'appela.

- Chris ? T'es levé ? C'est Goyah !

Je lui dis d'entrer ; il me trouva à quelques mètres du brancard, sur mes pattes, avec une plutôt bonne mine, je pense, puisque son visage s'illumina :

- Woah ! Hé bien ! J'en connais un qui a repris du poil de la bête ! Comment tu te sens ?

J'ouvris la mâchoire, et forçai un sourire :

- Plutôt bien !

Le Maître croisa ses bras, content :

- Parfait, parfait ! Je venais te chercher, justement. C'est l'heure ; un van nous attend, juste devant l'ONBS.


Je l'accompagnais dans le couloir, lorsque d'une main, il me tendit joyeusement un paquet de cookies. Il ne pouvait se servir de son autre main, car il avait pris le pistolet pour moi.

- Tiens ! Le ptit déj', c'est important, surtout un jour comme aujourd'hui.

Étonné par cette attention, je mis un moment avant d'accepter de le prendre et de le remercier à plusieurs reprises. A mieux y regarder, il s'agissait de Lava Cookies.

- Oh ! Je me rappelle, la prochaine fois que j'en ai acheté, à Vermilava...

- Bah, c'est mon petit-fils qui m'en a ramené... Il y a quelques mois de ça, sourit Goyah malgré tout. Et, vu que j'en avais trop, hé bien, voilà. Allez, dépêchons, ils nous attendent je crois ; t'en fais pas, t'auras le temps de manger pendant le voyage.

Nous accélérâmes, et finîmes par rattraper, au coin d'un couloir, Gardevoir, qui venait justement vers nous. Voir son visage frais, ses mèches vertes, et cette mine souriante de bon matin me rappela brusquement les veilles de matchs d'arène et ses encouragements. Cela m'aida à reprendre confiance en moi. Elle aussi, se réjouit de nous voir :

- Ah ! Vous voilà ! J'ai pu réveiller les autres, ils sont en bas. On n'attendait plus que vous !

Nous descendîmes donc les escaliers tous les trois, Goyah prenant de l'avance en les dévalant les marches deux à deux ; Gardevoir vint un peu en arrière pour me sourire.

- Alors ? Tu vas mieux, à ce que je vois ?

- Ben, je crois que oui !

- Cool ! Et, t'as réfléchi à ce dont je te parlais, hier ?

Je me remémorai ses derniers mots, quand nous étions seuls, sa gentillesse, sa gêne, et finalement, ses informations, en quoi nous ne devrions pas monter dans cet hélicoptère une fois arrivés, mais... Mais qu'est-ce qu'on fera, alors ?

- Oui, t'en fais pas, j'ai bien compris ; mais tu sais comment te rendre sur cette Île "Gentille" ?

- Pour ça, j'ai ma petite idée ! rit-elle.

- Et les autres ? Ils sont au courant ?

- Je suis allée l'expliquer hier soir à Bastiodon, Drak et Shaymin. J'ai eu peur que tes parents et Goyah ne me posent trop de questions quant à la sécurité de Peter, et quant à Fire,et au petit... Hugwald, c'est ça ? Je les connais à peine... Je n'ai pas vraiment osé dire à ce Dracaufeu qu'il faudra désobéir au chef d'une organisation qu'il semble admirer, que ce soit ou non pour son bien.

J'acquiesçai. Je comprenais ses réticences, puisqu'il fallait ébruiter ce plan le moins possible.

- J'en ai informé Latios, aussi. Il m'a dit qu'il se chargerait de faire passer le message à Zekrom, Latias et Lugia.

Ah, c'est vrai qu'ils fallait les prévenir avant, vu qu'ils n'avaient pas à prendre l'hélicoptère, eux... Je pensais à eux, surtout à Zekrom, puis je souris.

- Ça fait plaisir de te voir bien portant ! s'enjoua à nouveau mon Pokémon Étreinte.

- Je me disais qu'on avait de la chance de les avoir avec nous, souris-je à mon tour. Ça me fait plaisir qu'on puisse vivre ce jour-là tous ensemble... Et qu'on retrouve Noctali, Vaututrice et Charkos. On sera de nouveau réunis, et on pourra défoncer en chœur de l'abruti !


Nous arrivâmes au hall d'entrée de l'hôtel : nous y trouvâmes tout le groupe, qui parlait doucement à cette heure matinale ; je saluai tout le monde, et chacun fut ravi que je me portasse bien. Fire me fit sourire, parce qu'il bâillait, les yeux mouillés de sommeil.

- Oh, heu, oui, excuse-moi, j'ai un peu trop forcé sur l'entraînement hier... Mais bon ! Je suis prêt, ne t'en fais pas ! m'assura-t-il en contractant ses biceps fièrement.

Bastiodon m'apprit alors que nous devions passer prendre Shaymin au Centre Pokémon avant de quitter Suerebe ; je compris tout à fait, et, Drak décidant de prendre la tête du groupe, nous sortîmes tous. Mes parents furent, eux aussi, ravis de me voir sur pattes :

- Tant mieux ! lança mon père, prêt pour notre mission. Je veux partir sur le terrain avec un fils en pleine forme, qui plus est pour une mission qui le concerne au plus haut point ! Arceus seul sait pourquoi !

Ma mère en était tout aussi ravie, et, gentiment :

- C'est vrai, tu es dans les meilleures conditions pour retrouver ton corps, comme ça !

Je frémis. Puis, maladroitement, je souris ; dans ma situation, c'était l'unique chose que je pouvais faire. J'avais au moins la chance d'avoir aujourd'hui avec moi, en plus de tous mes Pokémon disponibles, mes parents.

Avant de nous mettre en route, Cynthia n'oublia pas de me prévenir d'une chose cependant :

- Oh, et je dois te dire, Zekrom a voulu passer la nuit avec Latias, donc j'ai gardé sa Faiblo Ball avec moi. Je voulais savoir ce que tu voulais en faire pour aujourd'hui ? Je la garde, tu la gardes, je la confie à quelqu'un...?

Je la remerciai : c'était gentil de sa part d'y avoir pensé.

- Je peux te demander de la garder avec toi ? lui répondis-je. Je pense que ce serait plus judicieux de l'avoir avec nous : avoir un moyen de faire rentrer ce grand Dragon à l'abri, c'est plus pratique. Et, vu que je n'ai ni sac ni poche... Fire a bien le Sac à Trésor, mais je n'ai pas envie de trop lui en demander. Il trimbale déjà le Galet Blanc, le Pokédex, son Coffre au Trésor, et sûrement tout un tas d'autres objets utiles pour aujourd'hui...

- Haha, je comprends, m'assura ma mère en souriant. Je la garde avec moi, alors !


Nous ne perdîmes pas de temps, et prîmes la navette, sans discuter plus que cela. Nous nous hâtâmes d'entrer dans le Centre, puis l'Infirmière ne laissa que trois d'entre nous continuer plus loin, dans un souci d'espace, de propreté, et surtout de tranquillité. Nous comprîmes tout à fait, et Drak, Bastiodon et moi fûmes tacitement autorisés par le groupe à y aller. Joëlle nous conduisit jusqu'à la chambre de Shaymin :

- Voilà, c'est ici ! Elle avait surtout besoin d'une bonne nuit de sommeil, elle va bien mieux maintenant.

Elle nous ouvrit la porte, et nous entrâmes. Sous une hotte transparente à demi-ouverte, reliée à quelques fils, reposait la petite créature aux pattes blanches. Enfin, normalement, à pattes blanches.




[...]




"NORMALEMENT" ?! MAIS-Mais...

Puisqu'en effet, bien qu'elle fusse toujours plutôt petite, et qu'elle restât une créature aux dernières nouvelles, elle avait drastiquement changée. Elle frémit de son museau, plus allongé qu'auparavant. Elle ouvrit un œil pour nous voir, œil plus mordoré qu'auparavant. Elle nous salua vite fait bien fait, puis se leva, sur quatre pattes bien plus hautes que les frêles membres qu'elle avait auparavant ; pour bâiller, avec cette gueule bien différente de celle d'auparavant. Elle voulut aussi s'étirer, mais, ayant une nouvelle taille, se cogna maladroitement contre le verre.

- Qu'est-ce qu...

Elle s'en rendit compte à cet instant. Seulement. Puis, elle s'excita aussitôt, avec cela dit le même tact qu'auparavant :

- WOUAH ! PUTAIN DE GÉNIAL ! QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA ?! QUE TOUT ÇA ?!

- Hé, tu nous avais caché ça, Shaymin ! rit Bastiodon.

Quant à Drak, il en était outré :

- Genre, tu peux changer de forme ?

- Mais, je ne comprends pas ! s'excusa l'Infirmière, qui comme nous, ne comprenait pas. Je suis passée voir son état vers quatre heures cette nuit, et tout allait bien ! Je veux dire, elle était dans son état normal !

Puisque, comme ce suspens rondement mené le suppose, notre chère Shaymin n'était plus dans son état normal. L'amie Gratitude se tenait désormais sur quatre vraies pattes, arborait de grandes oreilles touffues, un museau un peu plus allongé, et un air définitivement plus assuré. Je me pris à y voir un peu sa forme Céleste, puisqu'elle lui ressemblait en certains points ; mais c'était bien une autre forme. Sa fleur, portée comme en foulard, qui aurait été couleur cerise, était là d'un bleu étincelant, oscillant quelque part entre le bleu azur et le bleu saphir ; son physique aussi n'était pas le même, puisqu'elle avait maintenant une longue queue en pointe, et sa fourrure chlorophyllienne, là blanche, là verte, là bleutée, se mêlait à des parties plus écailleuses et une apparence plus mythique, plus sauvage, sans perdre de la gracilité qui était l'empreinte des Pokémon de son espèce.

- C'EST ULTRA-COOL ! s'écria-t-elle.

Joëlle, qui était sans doute plus alarmée que nous puisque son intégrité professionnelle pouvait être remis en jeu, se jeta sur l'écran de contrôle de la serre pour lancer une analyse.

- Voyons voir... Bien, il s'agit toujours de Shaymin... Mais beaucoup de ses statistiques ont changées...

Je me penchai sur la hotte, Drak y colla son rugueux museau et Bastiodon regardait l'écran avec Joëlle. L'Infirmière poursuivit :

- En effet, ça a tout d'un changement de forme... Mais ce n'est pas du tout sa forme Céleste... Ce serait donc un changement de forme inconnu jusqu'ici...?

La concernée ne tenait en tout cas pas en place, n'arrêtait pas de se reluquer, de bondir sur place, de faire des cris et des "hiiiiii putaaaaaain" de joie, sans compter les trépignements.

- Alors ? Alors ? De quel type je suis ?! De quel type je suis ?!

- ...Plante et Dragon, annoncèrent Joëlle et Bastiodon, détournant leurs yeux de l'écran.

La situation cocasse ne fut pas vraiment du goût de Drak.

- QUOI ?!

Mais cela va sans dire que Minshya se contre-foutait de l'avis de tous, et pétillait.

- Wouah ! HYPER-COOL !

- Ça ne te dérange pas plus que ça d'être type Dragon ? lui demandai-je, connaissant ses précédentes affinités avec ce type de Pokémon.

- Pfeuh, non, bien sûr que non, rétorqua-t-elle avec son petit air hautain habituel. Je n'ai aaaaaabsolument rien contre le type - les types de type Dragon, par contre...

Hm. Okay. Bon, dans tous les cas, je souris, parce que la voir remise sur patte, avec une forme nouvelle, et aussi pétillante, ça me réchauffait un peu ce cœur que je sentais de plus en plus dans ma cage thoracique. Mais j'essayai de l'ignorer et de me réjouir avec mon amie, toute folle, comme je le disais.

- Cette puissance ! Ce pouvoir ! Mouhahaha !

Elle sortit promptement de sa hotte de régénérescence, et retomba sur ses pattes, sur le sol carrelé et désinfecté. Si je remarquai à cet instant que ses griffes avaient sacrément poussées, une différence avec sa forme Céleste n'échappa pas à Bouclier.

- Tiens, c'est drôle, elle ne s'envole pas.

- Et alors ? lança Drak, sans doute un peu jaloux. Manquerait plus que ça !

Puis Bastiodon demanda, à juste titre :

- Comment est-ce arrivé ?

En ayant ma petite idée derrière la tête, je regardai aux alentours et, mystère sans grande surprise, je remarquai le Coffre au Trésor noir et doré que Fire nous avait apporté hier soir, posé et ouvert sur une table qui jouxtait la serre artificielle qui avait soigné Shaymin. Je m'approchai du Coffre, et je vis que la fleur que nous avions vue fermée la veille avait tout simplement disparue de son lit de terreau.

- Hm, c'est étrange, observai-je à voix haute. Normalement, seul le pollen d'une Gracidée suffit à faire changer Shaymin de forme...

- Et ?

- Et il y avait dans ce Coffre toute une fleur, qui ressemblait en tout point à une Gracidée, hormis sa couleur, indiquai-je en prenant ledit Coffre et en le présentant aux autres. Il ne reste plus que de la terre.

Joëlle supputa alors :

- Peut-être que, puisque Shaymin a perdu sa Gracidée d'origine, celle-ci l'aurait remplacée ? Après tout, votre amie a bien des pétales, autour du cou.

- Peu importe ! s'écria Minshya, qui pétait la forme, qu'elle restât à terre ou non. Je me sens bien, nouvelle, et ultra-puissante ! Haha ! C'est le moment d'aller foutre une rouste à tous ces zigotos, c'est moi qui vous l'dis !

Puis elle partit, joyeuse comme jamais, dans le couloir, après avoir défoncé gaiement la porte. Drak et Bastiodon remercièrent Joëlle quand même, bien que nous étions tous les quatre pris au dépourvu par ce changement de dernière minute. Je traduisis, et l'Infirmière, gênée, nous assura que ce fut un plaisir, et demanda de la tenir au courant si nous savions exactement ce qu'il s'était passé avec Shaymin. Sur ce, nous repartions, quand je m'aperçus que nous avions laissé le Coffre au Trésor dans la salle. Vu que ça avait été le premier Trésor véritable de Fire, je jugeais qu'il avait bien de l'importance, et excusai mes amis de mon demi-tour : je les rejoindrais tout de suite, juste le temps d'aller le chercher. Je revins donc dans la salle, avec l'Infirmière qui devina que je venais pour le Coffre ; elle me le donna bien cordialement, et je l'en remerciai.

- Hihi, on a beau me dire que vous étiez humain, vous êtes mignon, en Aéroptéryx ! plaisanta-t-elle. Enfin, je veux dire : on a beau voir que vous n'êtes pas dans votre corps d'origine, par votre allure et votre démarche, que, en quelque sorte, vous n'êtes pas à l'aise, je ne peux m'empêcher de sourire en voyant votre assurance, votre démarche un peu maladroite, et, finalement, une aisance dans l'affirmation de votre état actuel. Ça vous va bien, d'un côté !

Elle m'interloqua un petit peu, pour le coup, et me surpris par l'aisance avec laquelle elle m'avait sortie cette remarque. Je n'eus pas besoin de lui dire que je pouvais me débrouiller, même si je m'emmêlai les pattes à cause de la taille et du poids de ce Coffre, pour somme toute m'emmêler davantage, et tomber, renversant toute la terre. Joëlle fut désolée et vint m'aider, mais rit tout de même ; vu qu'elle m'avait mit à l'aise avec sa remarque, je pris aussi l'accident sur le ton de la rigolade, et m'excusai malgré tout.

- Oh, ne vous inquiétez pas ! Laissez, laissez, je nettoierai ; vous avez une mission à remplir, avec votre équipe !

J'insistai quand même pour rapporter le Coffre, et voulus remettre machinalement un peu de terre qui en était tombée ; puis je remarquai que des cailloux grossiers gisaient sur le carrelage parmi l'humus. Ils avaient été dans la terre, au fond de la boîte, pour je ne sais quelle raison ; je ne me posai pas beaucoup de questions, à vrai dire, les remis aussi dans le Coffre, pour donner un peu plus de consistance au contenu, puis me hâtai de rejoindre le groupe, en saluant une dernière fois Joëlle, qui faisait coucou.


Tout le monde revit Shaymin, et tout le monde en fut étonné, voire même surpris : cette forme nouvelle intrigua ma mère, intéressée par tout ce qui attrait aux mythes, et donc, de près ou de loin, aux Pokémon Légendaires. Nous montâmes dans une navette, direction la sortie de Suerebe, quand elle nous déclara qu'elle-même n'avait jamais connu de Shaymin de la sorte. La concernée à la fourrure de chlorophylle, qui se fichait pas mal de ce qui avait pu lui arriver, profitait de sa nouvelle peau pour jouer et papoter avec Hugwald, qui avait sinon l'air de s'ennuyer, un peu. Dans l'ébranlement de la navette, je rendis pour ma part le Coffre au Trésor à Fire, en lui expliquant que j'avais pensé qu'il lui plairait de le garder ; il me remercia pour l'intention, et, en le rangeant dans le Sac à Trésor, me demanda ce qu'étaient les poids épars qu'on pouvait entendre glisser dedans. Je l'informai des cailloux, et, tout sourire, le Dracaufeu fut heureux que la Gracidée bleue ne soit pas le seul intérêt du Trésor (même si le reste n'était à ce que j'avais vu que de simples cailloux). Ce faisant, il en profita pour revenir à Shaymin et sa métamorphose, et pour enfin sortir le Pokédex :

- Shaymin. Pokémon Gratitude. Les fleurs qui couvrent son corps s'ouvrent quand il est câliné avec amour et perçoit de la gratitude. De plus, il peut dissoudre les toxines dans l'air pour transformer un désert en un champ de fleurs luxuriantes.

- Oui, mais ça, ça ne change pas de d'habitude, remarqua mon père. On n'a aucune info sur cette forme en particulier ?

Fire demanda au Pokédex, qui, un peu hésitant, s'avança :

- En contact avec du pollen de Gracidée, ce Pokémon peut revêtir sa forme Céleste pour acquérir le type Vol, voir son talent changé en Sérénité, ses statistiques offensives augmenter, et apprendre les attaques Lame d'Air, Vive-Atta-

- Non, mais là, ce n'est pas sa forme Céleste, tu le vois bien, gronda le Dracaufeu. Là, elle ne vole pas, elle n'est pas Sereine, et encore moins Céleste. Allez, mon gars, fais pas ton timide.

Les humains n'ayant rien compris à l'intervention de Fire, je leur fis comprendre qu'on n'avait apparemment pas d'autres informations, ce à quoi le Pokédex ajouta :

- Aucune autre information. Désolé.

- Vu que vous avez trouvé ce Trésor dans un Donjon, peut-être que les humains n'ont jamais pu étudier une pareille plante ? supposa Gardevoir. Ni l'observer dans la nature, apparemment.

- Serions-nous les premiers à être témoins de cette nouvelle forme ?

- Peut-être bien. Mais, dans ce cas, ses aptitudes en combat ont peut-être changé aussi ? Et elle a peut-être appris d'autres attaques ?

Puis Goyah partit d'un éclat de rire :

- Bah, je ne vous apprendrais pas que le monde des Pokémon est plein de mystères ! Et entre nous, sinon, ce ne serait pas drôle. Peu importe qu'on n'en connaisse rien ! Ce qui compte, c'est que Shaymin soit en pleine forme, et qu'avec la fière allure de notre Aéroptéryx ici présent, j'ai l'impression que chacun est dans les meilleures conditions possibles pour affronter cette journée. N'ai-je pas raison ? Haha !

- À propos, lui demanda ma mère avec un regard suspicieux, est-ce que tu as pensé à prendre ton équipe ? De Pokémon, j'entends.

Le visage du Maître se figea. Cynthia reprit, avec un ton légèrement sentencieux :

- A ce que j'ai su, tu avais dû compter sur Chris et ses amis pour participer au Pokéathlon, si ce n'est aux Jeux Pokélympiques, tout ça parce que tu avais été tête en l'air. J'ose espérer que pour aujourd'hui, tu t'es préparé comme il fallait ?

Embarrassé, l'homme à la chevelure imposante sourit tant bien que mal :

- Héhé, écoute ; d'abord, Chris et les autres étaient juste l'équipe parfaite, hm ? Et puis, après mon dur boulot de Maître de la Ligue, la reconstruction de celle-ci, mon voyage, la recherche d'un successeur, tu sais à quel point c'était éprouvant pour mes Pokémon, et...

Je ne pense pas qu'elle s'attendait à autre chose. Pendant que mon père se targuait d'avoir pris le temps de transférer son équipe, Maman soupira, sourire en coin :

- Tu ne changeras jamais, tiens.


Nous descendîmes de la navette pour monter dans l'ascenseur, puis descendîmes de l'ascenseur pour nous retrouver dans les bureaux de l'Orre News Broadcasting Station, afin d'aller monter dans le véhicule qui nous attendait. Debout devant les portes coulissantes, dans un couloir où se pressaient ci et là quelques Journalistes, nous attendions le reste du groupe, n'ayant pas pu tous monter en même temps en un seul voyage. Cela me fit tout drôle de sortir de cette ville souterraine aussi simplement que par ascenseur, et de se retrouver dans un étage de bureaux privés, comme si nous sortions tous de l'imprimerie. Les quelques reporters qui nous croisaient nous saluaient tout à fait poliment, si bien que je ne savais s'ils étaient dans le secret, ou s'ils ne se doutaient de rien de ce qu'il pouvait se dérouler sous leurs pieds.


La lumière du soleil, crue et violente, me frappa le crâne avec toute la rudesse qu'il peut avoir en région désertique. Pas un souffle de vent de se faisait sentir à cette heure bien matinale, et notre astre n'avait beau faire que se lever à l'horizon, la température me semblait déjà grimper en flèche. Cela dit, nous n'eûmes pas le temps de contempler la pauvre image de rouille de Pyrite, puisque nous ne sortions que pour mieux rentrer dans le véhicule qui nous attendait sur la route. Sa porte coulissée sur le côté, on nous invitait à rentrer dans ce van branlant, vaguement dessiné par un blanc vieilli, et dont l'intérieur, puant le cuir déchiré et le climatiseur, n'incitait guère à attacher sa ceinture.

- Tout le monde est prêt ? demanda le conducteur, un homme tout à fait lambda.

Alors que Gardevoir aidait Hugwald à grimper dans la voiture, on entendit les derniers clics de sécurité ; seul Bastiodon n'avait pas la carrure adéquate pour se tenir sur un siège, et il décida de rester simplement assis dans le van. Il ne s'en faisait pas pour le voyage, car comme il disait, "je ne pense pas que je serai le premier du groupe à me faire mal parce qu'on s'est pris un mur". Maman, en remettant sa longue mèche de cheveux blonds derrière son oreille, nous apprit que les autres Légendaires nous rejoindraient directement à Port Amarrée, et qu'enfin, comme je l'avais pensé avec mon amie Étreinte, ils n'auraient pas à prendre l'hélicoptère, eux, et accompagneraient notre aéronef jusqu'au QG de nos cibles.

Lugia ?

- Oui ?

Latios vous a donc informés de... ?

- Yep, t'inquiète. On se verra à Port Amarrée, et on gérera sur le moment. On trouvera un moyen de prendre un autre moyen de transport que celui que les MOCLASM nous auront prévu, ou de s'éclipser en douce, on verra. Zekrom et Latias ont bien été mis au courant, également.

Okay.

- Un petit peu stressé ?

Il y a de quoi, non ?

- Oui... Il y a de quoi, me répondit-il plus sérieusement que ce à quoi je m'attendais.

Finalement, mon père se leva pour tirer la porte du van, qui roula dans sa coulisse pour aller se claquer violemment, entre le matin du dehors et la tension de l'intérieur. Il donna le signal au chauffeur d'un musclé "On peut y aller !", et, le moteur secouant l'habitacle, les pneus frottant la poussière, les regards lancés à travers le pare-brise, ou plongés dans le vide, nous y allâmes.


On ne parla pas des masses pendant ce voyage, pour tout dire. Nous, Pokémon, ne parlâmes pas ou peu, uniquement pour commenter sur ce que nous voyions défiler dehors : le paysage désertique, infini, devenait de plus en plus rocailleux. Nous passâmes même à côté du Colosseum de Rhodes, qui souleva quelques exclamations admiratives. Shaymin, si elle avait été très enthousiaste plus tôt, gardait maintenant un air assez concentrée, comme si elle se redécouvrait intérieurement, ou réfléchissait juste à la suite des événements, et au fait qu'elle allait probablement devoir assurer malgré ces nouvelles conditions en ce qui la concernait. Drak, lui, regardait passivement par la fenêtre, il avait l'air un peu embêté, ou inquiet. J'attirai son attention avec ma queue pour lui faire un signe de tête amical. Un peu étonné, Caverne me sourit en retour, et me rassura un peu, mais je vis bien qu'il restait anxieux : son regard de Dragon restait perdu derrière la vitre fouettée par les poussières ensablées qu'envoyait voler le van. Finalement, le meneur des W.T.F. était le seul, via Gardevoir, à avoir une conversation construites avec les humains, qui répondaient à toutes ses questions concernant les MOCLASM.

- D'ailleurs, ça me fait penser, sourit Lovis, Peter a aussi un Dracaufeu, non ?

- Oh, vraiment ! J'ai donc des confrères aussi hauts placés ! se réjouit Flamme. Travailler avec le créateur de l'organisation, ce doit être top !

Goyah tempéra aussitôt, peut-être en mal d'orgueil :

- Oui, enfin, "créateur" ; disons que ce bon Peter est le fondateur du groupe des MOCLASM, et non des MOCLASM en eux-mêmes.

- C'est-à-dire ?

- Hé bien, les MOCLASM existent depuis plusieurs siècles, sous la casquette d'Arceus surtout. Mais ce n'est que récemment qu'un humain MOCLASM, Peter en l'occurrence, a eut l'idée de rassembler les forces qui jusqu'alors étaient éparses sur la planète. Il agissaient tous dans leur coin, avant. Le Maître de la Ligue Indigo est le fondateur de la nouvelle génération de ce mouvement, en quelque sorte : c'est assez récent, ça fait quoi, dix, quinze ans ? Suerebe était en tout cas bien abandonnée à l'époque, et sa localisation, dans une des régions les plus sensibles du continent, semblait parfaite pour notre ancien G-Man.

- "G-Man" ?

- Ah, hum, c'est compliqué, ça aussi ! rit Goyah. C'était une autre organisation, jadis, une sorte d'élite humaine, filiale aux Pokémon Rangers ; mais désormais, tout est regroupé en une seule organisation, pour plus de praticité.

- Ah, oui, les Pokémon Rangers... Vous pouvez m'en parler, aussi ?

Et ainsi se poursuivit leur conversation, tandis que notre environnement changeait peu à peu. Nous arrivions, à en croire notre conducteur (qui, malgré son caractère lambda, était toutefois sympa), dans le nord-ouest de Rhodes, coin au climat et au paysage le plus agréable, car vert, grâce à la fertilité des terres volcaniques du Mont Bataille. Un fleuve, qui prenait sa source dans les montagnes, y coulait même, abreuvant cette vallée de verdure, et allait se déverser dans la mer qui baignait les limites ouest de la Région. À l'embouchure s'était installé un village de Pêcheurs et de Marins qui avait connu depuis un important développement, se nourrissant du commerce international : ainsi Port Amarrée était né.

- Nous y serons bientôt, d'ailleurs. Voyez : vous pouvez apercevoir le sommet du phare, là-bas.


Nous ralentîmes un bout de temps après en arrivant dans l'agglomération de la ville portuaire. Le soleil était encore matinal et la ville s'éveillait doucement, si l'on omettait quelques Marins levés de bonne heure. Nous circulions dans les seuls grincements d'essieu du van bercé dans le ronronnement du ralenti, entre les pièces d'architecture blanc de grès de cette ville, sur d'étroites rues pavées, propres et estivales avec leurs couleurs d'eau. Parfois, à un virage, nous apercevions, au loin, la mer. Suivant notre chauffeur, "elle était assez houleuse aujourd'hui, comme ces derniers temps".


Après maints virages dans les dédales de la ville, nous débouchâmes je ne sais comment sur un assez petit héliport, à l'ombre de grands bâtiments vierges. Le van se laissa rouler jusque là, et notre chauffeur tira le frein à main qui arrêta tout dans un bruit de ressort.

- Bien, c'est là qu'on devrait venir vous chercher, dans un petit quart d'heure si tout va bien.

Il pointa l'héliport par-delà le pare-brise sale.

- Je vous laisse descendre et attendre ? Faites les touristes si vous voulez jouer à fond l'incognito, mais ne vous éloignez pas trop. Moi, je dois revenir au QG pour aller chercher d'autres agents.


Nous descendîmes donc, et posâmes pattes sur terre. Enfin, de l'air, du vrai ! Le vent marin soufflait, avec même une certaine puissance intrigante pour un matin ; mais j'étais loin de m'en plaindre. L'odeur du sel marin avait cela de revigorant, et même si notre virée océanique et les événements d'Oliville ne remontaient qu'à trois jours, j'avais l'impression de ne les avoir pas sentis depuis trois ans. L'un après l'autre, nous descendîmes tous du véhicule, chacun étant un peu étourdis par le voyage, mais chacun sachant pertinemment ce pourquoi il était là. Notre chauffeur repartit donc rapidement, après nous avoir fait un bref signe de la main ; le moteur s'éloigna, nous laissant, tous les dix, sans personne dans les parages.

- Bien ! Suivez-moi, on n'a pas de temps à perdre, annonça soudain Gardevoir.

Wow. Je pensais pas qu'elle s'y prendrait comme ça, mais okay. Drak, Bastiodon, Shaymin et moi-même la suivîmes alors sans rien ajouter, en nous jetant tous un simple coup d'œil approbatif ; mes parents, Goyah et les W.T.F. étaient largués.

- Hm ? Où allez-vous comme ça ?

- Sur l'Île Gentille, prévint Gardevoir sans se retourner, là où se trouve le repaire de Cipher.

Il fallut un moment pour les humains afin de comprendre ; enfin, "comprendre" est un bien grand mot. Mon père en fut interloqué :

- Comment ça, "là où se trouve le repaire de Cipher" ?! L'hélicoptère n'est-il pas sensé nous y conduire ?

- Pas selon Noctunoir ! lança Étreinte. Et si nous le prenons, nous mettons Peter, et tous les MOCLASM, en danger. Ne me regardez plus comme ça et suivez-moi, nous devons trouver un bateau.

- Mais... Comment ça ?

Mon amie s'arrêta net, pour se retourner tout aussi sèchement, faisant voler brusquement sa robe blanche :

- Écoutez, je sais que ça dérange les plans de toute l'organisation, mais c'est pour leur bien. Si Noctunoir avait informé Peter de la vraie localisation du repaire, tous les efforts des MOCLASM auraient été concentrés sur ce seul lieu. Dès la moindre difficulté, ils nous auraient envoyés tous leurs renforts, et Peter lui-même n'aurait pas hésité une seconde à venir sur le terrain : sauf que tout ce beau monde ferait capoter l'opération, Peter serait assassiné, et, en remontant notre trace, Cipher parviendrait jusqu'au QG des MOCLASM. La clé de notre réussite réside uniquement dans notre groupe, qui n'a pas besoin d'être plus fourni pour prendre d'assaut toute une île. Dans le cas contraire, ce serait la fin de notre organisation, et une victoire totale pour Cipher, vu ?

Elle laissa ma mère, Hugwald, mon père, Fire et Goyah sur le cul. Puis, machinalement peut-être, elle me prit la patte, et m'entraîna avec elle plus loin encore :

- Donc arrêtez de poser des questions, et suivez-moi, bon sang. Nous avons des amis à sauver, et un monde par la suite.


Un bateau, donc. Ça devrait se trouver facilement, dans une ville portuaire. Je ne savais vraiment si Gardevoir avait déjà eu le temps de visiter le coin avec Latios, mais elle marchait d'un pas si décidé que le faire au hasard aurait été trop comique pour notre journée. Après avoir croisé une certaine quantité d'échoppes, de Pêcheurs matinaux et de bancs vides dans des ruelles grimpantes, elle nous amena tout compte fait rapidement jusqu'à une grand-place, toute ouverte sur la mer. Shaymin s'exclama la première :

- Wouah ! Le phare était plus petit, depuis la bagnole !

En effet, le phare de Port Amarrée se dressait justement devant nous, et, étrangement, me sembla à moi plus épais que grand, dans l'apparente volonté régionale de toute faire un cran plus technologique. Dans le même esprit, près des quais se trouvaient une échoppe qui vantaient sa ferraille et ses pièces mécaniques, en plus d'arborer un scooter de métal géant sur son toit. Tout à fait en face, un Centre Pokémon, d'où quelques Dresseurs sortaient, était aussi présent sur la place, et il était projeté depuis son toit, dans le même style qu'à Suerebe, un hologramme de Poké Ball. Le Centre jouxtait une Boutique, et ladite boutique jouxtait, elle, une grande baraque en forme de Krabby, avec une petite terrasse en bois, aménagée et surélevée, en guise de devanture.

...Pourquoi est- ce que j'eus l'obscure impression de connaître cet endroit ?

- Là, regardez ! Des yachts.

Je me retournai.

- Pour sûr, ce sont de sacrés bateaux, approuva mon père. Et je suppose qu'on s'invite dessus, et qu'on demande gentiment la permission de l'utiliser ?

- Ce ne devrait pas être plus compliqué que cela, assura Gardevoir, qui lévitait déjà en direction des quais.

Quand Drak, impulsivement, la rattrapa, et lui chuchota puissamment :

- Nan ! Arrête-toi !

Il la tira par la robe, pour qu'enfin elle s'arrête :

- Quoi ? Ne me dis pas que tu as peur qu'on dérange, tout de même ?

- Ce bateau... Celui-là, là... Le noir...

En effet, bordel. Dans le Port, se trouvait la vedette aussi obscure que les hommes qui la manœuvraient, avec ses vitres teintées et ses secrets : celle qui était à Volucité peu avant le meurtre de Julia, celle que j'avais aperçu au large avant que Lugia ne se prenne une balle dans l'aile. La vedette-sniper.

- Ce bateau... Il appartient à Cipher...

- Ah oui ? Comment tu peux en être sûr ?

- Je ne sais pas : son implication dans des meurtres qui nous regardent, la couloir noire, les vitres teintées ?

- Oh.

Rien ne se passa. Personne bougea, hormis quelques vagues, et le soleil, qui s'éleva un peu plus.

- Et donc ? On va rester là à attendre le déluge ? demanda Bastiodon.

- Non... Je pensais simplement qu'on aurait pas pu tomber mieux, assura Gardevoir. Le voilà, notre bateau.

Le Dracaufeu s'emporta, et je le compris :

- Wow, wow, wow, une minute : vous voulez aborder à quai un yacht noir plein de connards ultra doués dans le domaine des armes à feu ? Même moi, je ne suis pas chaud.

- Merci pour ce jeu de mots, Fire, qui, j'en suis certain, était absolument nécessaire.

- Pas de quoi.

Étant si près du bateau, à ne rien faire d'autre qu'être dix cibles faciles, le stress grimpait. Nous ne savions pas si, de l'intérieur, un tueur nous observait l'approcher, ou s'il nous avait déjà dans sa ligne de mire.

- Bon, hé bien, décidons-nous rapidement. Parce que rester à s'attrouper là sans raison aucune, ça nous met à portée, à mon avis, remarqua Goyah. Surtout que les humains qui vous accompagnent n'ont pas le chic de passer ni-vu ni-connu.

Maman s'exclama alors, illuminée par sa chevelure et son éclair de génie :

- Ah ha ! Excellente idée, mon cher Goyah, excellente idée ! Vite, suivez-moi ; si ces gens sont si adroits pour viser, ayons au moins la décence de bouger avant de leur rendre une visite directe.

Puis elle se dirigea, confiante, vers le Centre Pokémon, en nous faisant signe de venir. Nous nous exécutâmes, et toute notre troupe déboula d'entre les portes coulissantes.

- Bonjour ! s'exclama ma mère, avec le charme qui fait sa notoriété.

Elle prit une certaine démarche et un certain air, qu'en tant que fils, je ne savais comment qualifier, mais que mon père sut soudain apprécier. Cynthia arriva au comptoir, où Joëlle n'était pas peu surprise de la voir ainsi débarquer ; elle s'y accouda, et supplia :

- Pfiou, quelle chaleur, si tôt le matin ! Est-ce que vous auriez de l'eau, s'il-vous-plaît ?

Je ne suis plus vraiment habituée, avec tous ces changements climatiques, ces éruptions volcaniques, et ces scandales épuisants...

Il n'en fallut pas plus pour que la plupart des Dresseurs présents dans le hall, à peine réveillés par cette voix, se mirent à ouvrir grands les yeux, à avoir chaud, et à saigner du nez. Mon père, ayant sans doute compris le subterfuge, s'exclama, en enfilant son masque :

- Bonjour à tous ! Et oui, je suis venu aussi ! Dites-moi, quelqu'un aurait une idée de nouveau surnom, pour le ring ? Je bloque, malheureusement ; même la mer ne me parle pas, sur ce coup là !

On entendit soudain certains cris de fangirl, qui ameutèrent tous ceux qui logeaient dans le Centre pour la nuit. Puis ce fut au tour de Goyah, qui bondit fièrement, plein de bonhomie :

- Salut ! Je passais justement par là, moi aussi, avec quelques amis Pokémon ! s'enjoua-t-il en nous présentant. J'aimerais bien un petit café, aussi, au cas où certains Dresseurs visant le top voudraient taper la discut' !

Cela acheva l'heure matinale pour laisser place à l'euphorie générale, aux cris de joie, aux surprises, aux appels dans la rue, aux photos. En quelques secondes, toute la ville fut réveillée, son lot de touristes rameutés, et ses habitants attirés comme des Aéromite autour d'une ampoule. On loua la beauté de Maman, la force de Papa, les talents de Goyah ; on se réjouit de voir autant de Pokémon différents, un Dracaufeu porter un tel Sac, un Grelaçon, qui vient d'une région aussi lointaine, et surtout un Shaymin "ultra stylée, trop bizarre, vachement cool, t'as vu sa fleur bleue est trop belle, je peux le toucher, même s'il est pas comme d'habitude, d'ailleurs qu'est-ce qu'il a, hein, qu'est-ce que t'as ?". Les humains furent ensevelis sous des demandes d'autographes, et tout le monde voulait nous caresser les poils, nous toucher les écailles, nous ébouriffer les plumes, ou nous étouffer avec des biscuits. Bien que j'eus du mal à comprendre ce que nous étions censé faire avec tout cet entourage impromptu, envahissant, et un poil agaçant, il ne fallut pas longtemps pour que Cynthia, ayant toujours son plan en tête, ne décide de sortir, en faisant signe de faire de même à tout le groupe, et en déclarant à tout le monde "qu'il fallait profiter du beau temps, voyons". Ainsi, nous pûmes circuler sur les quais avec une véritable foule qui nous accompagnait, était toute ouïe et toute à nous, puisque nous étions leur attraction. On releva même ma ressemblance frappante avec un dangereux Pokémon criminel, ce qui augmenta considérablement mon sex-appeal auprès d'un groupe d'Altaria et de Corayon, à en croire leurs cris hystériques.


Nous nous approchâmes de cette manière tous de la vedette noire, qui, elle, restait impassible. Cette couverture de masse, sonore, publique et bientôt journalistique suffit amplement à Gardevoir pour se décider à s'avancer davantage vers le bord du quai ; Bastiodon, inquiété pour la sécurité du Pokémon, se hâta de la rejoindre en perçant comme il put à travers le monde ; ma mère, qui sortit une de ses Poké Ball sous les acclamations, prit aussi les devants. La foule en délire se massa sur le quai, manquant de déborder et de chuter à l'eau ; Goyah et Lovis l'entretenaient par leurs dispositions, sans compter Gratitude qui pouvait se faire photographier autant qu'elle en rêvait. Protégées par Bastiodon et les cris en délire, elles furent les premières à bondir sur le pont. Bouclier, en sautant, fit sérieusement tanguer le bateau, mais Cynthia et Étreinte se hâtèrent d'aller toquer à la porte au hublot avant que quelqu'un ne se rende compte de ce qu'il se passe.

- Excusez-moi ? Monsieur ?

Aucun bruit ne nous répondit. La ville, qui ne savait pas exactement ce que cherchait à faire Maman, la regardait faire, interrogatrice. Gardevoir toqua à nouveau, à sa manière :

- Il y a quelqu'un ? Non ? Personne ? Vous êtes sûrs ?

Puis, en se tournant vers les quais :

- Drak ?

Arriva alors Drakkarmin, qui fit son bond à bord, marcha en direction de la porte, et la défonça à coup de Surpuissance. L'obstacle fut enfoncé rapidement, et après l'avoir arrachée de ses gonds à pleines griffes, lui et Bastiodon s'écartèrent pour laisser les femelles rentrer. Je vis ma mère et Gardevoir pénétrer ainsi dans le cockpit, baissant leurs têtes silencieusement, pendant que je retenais mon souffle.

Elles y restèrent un moment qui me parut une éternité.

Inquiet, j'allais me décider à les rejoindre quand je vis une patte verte dépasser de l'ouverture : mon amie.

- Il n'y a personne. C'est bon, vous pouvez venir.

Huh. Tout ça pour ça ?


Ce n'était pas la peine de traîner plus longtemps. Et comme il y avait aujourd'hui bien mieux à faire qu'expliquer comment démarrer cette vedette, loger tout le monde quelque part pour le voyage, sortir du port sans papier, et compter sur les talents oubliés de mon père pour le nautisme, nous mîmes pleins gaz vers l'horizon. Nous fumes âprement secoués par la froideur des lames, leurs explosions de bruine à chaque vague, et la cacophonie ronronnante des moteurs qui sillonnaient cette province liquide.
En chemin, nos amis de légende nous retrouvèrent, et, n'ayant plus vraiment l'air de respecter quelque règle ou n'en voyant peut-être pas l'intérêt immédiat (je parle surtout de Lugia), ils volaient à découvert, aussi aisément et rapidement que notre sombre coque frappait l'océan. Gardevoir, qui restait aux côtés de mon père, se chargeait de lui montrer le cap dont Noctunoir avait dû l'informer. Bastiodon restait aussi à l'intérieur de la cabine, craignant que son poids en poupe ou en proue ne nous déstabilise ou nous ralentisse. Goyah et ma mère, côte à côte, cramponnés aux barres qui parcouraient les flancs du navire, regardaient, comme Drak, Shaymin, Fire et Hugwald, l'horizon, où, progressivement, se dessinait une terre accidentée, brune et sombre. Drak, son épais museau carmin fouetté par les embruns, prenait soin de se mettre devant le Dracaufeu pour minimiser la quantité d'humidité que celui-ci se prenait sur la queue, tandis que Flamme aidait le petit Grelaçon à se tenir sur le pont, qui s'ébranlait à chaque saut du yacht. Gratitude était la seule à se tenir tout à fait à la proue, sûre d'elle, et portant fièrement les couleurs bleutés de sa nouvelle forme, les oreilles au vent. Sans être devant, j'étais non loin d'elle, agrippé moi aussi à la barre métallique qui longeait notre bateau. Soit que le moteur, la vitesse, le vent, la mer et cette île nous en décourageaient, mais personne ne parlait sur ce pont battu par les éléments, et tout le monde se laissait approcher de l'Île Gentille.

- On arrive bientôt ?

- Hé bien, il s'agit de cette île, là-bas ! Il va falloir gérer notre approche, car si tu veux mon avis, nous ne sommes pas attendus !

Ce furent les seules phrases du voyage qui furent offertes au vent. "Pas attendus"... Je pensais que Noctali, Lilas, Charkos, Vaututrice, Bisou, le Professeur Syrus, et Julie, probablement, étaient les seuls à attendre vraiment notre secours, et qu'une quantité indénombrable de Pokémon et d'humains ne devaient attendre qu'une aide sans savoir laquelle. Si c'était belle et bien l'île qui avait recueilli la population hoennienne, et si cette île était celle qui abritait le cœur de Cipher, toutes ces vies étaient en danger, et toutes ces espèces méritaient de pouvoir continuer d'exister librement. Je serrai les griffes sur la barre froide et mouillée, et tournai brusquement le museau sur mes pattes, qui la griffaient : pourquoi est-ce que je me mettais autant la pression ? Il n'y avait vraiment pas de quoi s'alarmer. Nous étions préparés, prévenus, et certes nous savions à quel point ils étaient coriaces, mais bon sang, nous étions beaucoup, et avec une force de frappe légendaire. Cela devait bien se passer. Ce n'était pas le moment de tout faire capoter, Destin, ou Dunmeist, ou quoi qu'il soit. Pas aujourd'hui.


On s'approchait de plus en plus de l'Île "Gentille", dont je me rendais à peine compte de son hypocrisie. "Île" était une dénomination bien cordiale, puisque plus l'on s'en approchait, plus elle nous apparaissait démesurément grande et étendue. Sa végétation, abondante et sombre, me rappelait celle de Sinnoh : herbe drue et foisonnante, nombreux buissons, d'un vert profond, et une majorité de conifères étaient figés penchés, habitués à être soufflés par un fort vent marin. En ce moment, il n'y avait qu'une lourde et étrange chaleur, qui plombait toute la surface, et étouffait le mouvement que devait incarner les arbres. Notre atmosphère avait eut le temps de se couvrir, et était désormais couverte de ces grands nuages blancs, fades et tristes, qui ne laissaient filtrer la lumière que froidement et parcimonieusement, cachant tout coin de ciel bleu. On remarquait que l'Île avait été aménagée : ci et là, en pleine roche, perçaient de grosses tours noires dressées vers le ciel, quelques-une étant des cheminées d'où émanait une fumée grise, d'autres étant de vrais buildings, puisque l'on percevait le scintillement de leurs vitres. Nous distinguâmes également une armada de tuyau et de bouches d'aération, qui minait une partie de la côte, et déversaient leurs sucs fumants dans l'océan.

Je vis Lugia, aussitôt, réagir en foudroyant les lieux du regard, ce qu'il ne tarderait pas de faire avec de vrais cyclones.

- Par où est-ce qu'on entre ? demanda soudain Shaymin. Parce que, c'est bien beau de se retrouver face à eux, encore faut-il aller leur dire bonjour.

- Faisons le tour de l'île, conseilla Maman.

Pendant que mon père, lui ayant répondu affirmativement, s'exécutait, je voyais Cynthia qui se mordillait l'intérieur de la lèvre, chose qu'elle faisait lorsqu'elle s'inquiétait au plus haut point. Goyah, me voyant remarquer ceci, le remarqua à son tour, et ouvrit la bouche :

- Qu'est-ce qu'il ne va pas ?

Et alors que je m'attendais à ce qu'elle rechigne à nous l'expliciter, elle nous le sortit du tac au tac :

- Il y a qu'on fait le tour de ce truc avec un de leurs bateaux, entourés d'un Latios, d'une Latias, d'un Zekrom et d'un Lugia : je suis étonnée qu'on soit encore en vie, voire que personne, en face, ne fasse rien.

Le Maître regarda les Légendaires, qui, eux aussi, se décidèrent à faire le tour de l'île pour trouver un moyen d'entrer. Aucun n'avait même hésité à partir à l'invisible ; ils partirent en volant, faire le tour des lieux, tous complètement à découvert.

- C'est vrai que je ne les comprends pas, renchérit Goyah. Ils sont bizarres, aujourd'hui ; ils ne nous ont qu'à peine dit bonjour, et ne l'ont pas ouvert du voyage.

Il les regarda s'envoler, puis se tourna vers son homologue féminin :

- Pour Cipher, tu penses à un piège ?

- Je pense ce que je t'ai dit, et rien de plus, décocha-t-elle.

Drak sourit alors, confiant :

- Bah, un piège, ce n'est pas plus mal ! On sera sûr de les trouver, comme ça. Et puis, leurs intentions ne doivent pas être de nous tuer, sinon, comme tu le dis, ils l'auraient déjà fait. Sans compter qu'il veulent Chris en vie.

Je traduisis, et ma mère haussa les épaules.

- Tout ce que je sais, c'est que c'est l'approche la moins discrète que j'ai pu faire de toute ma vie, c'est tout.

- Hé là ! J'en suis pas si sûr ! Regarde, les autres sont partis faire le tour de l'île, il n'y a plus qu'un bateau à eux qui s'approche de chez eux ! Moi, je trouve ça très bien, rétorqua l'homme à la chevelure fougueuse.

- Regardez ! s'écria alors le Dracaufeu, à babord. Il y a une grande porte, là-bas !

En effet. Incrustée dans la falaise, il y avait, assez loin devant, une grande façade, noire et lisse, avec un net trait qui la séparait verticalement, comme une grande double porte. Positionnée au ras des flots, elle trempait dans la mer, battue par l'écume. Gardevoir, alertée par le Dracaufeu, relaya l'information à Papa, qui nous fit aller droit dessus sans plus tarder.

...

C'est vrai que Zekrom ne m'avait quasiment pas parlé, aujourd'hui. Il avait souri, comme il le fait habituellement, à tout le monde, lorsque l'on s'était retrouvé en mer, plus tôt, mais rien de plus.

- Vous avez donc trouvé l'entrée ?

C'était une voix qui m'avait résonné dans le crâne. ...Oui, on l'a trouvé.

- Bien. On finit notre tour, avec les autres, et on vous rejoindra quand vous y parviendrez. La porte est assez imposante ? C'est celle que Latias a repéré ? Il s'agit de la double, noire, qui baigne dans les flots ?

Oui, c'est celle-là. De là où on est, je pense qu'elle est largement assez grande pour vous faire tous rentrer. On pourrait y faire rentrer un couple de Wailord facile.

- Parfait. À tout de suite.

...Attends ! Lugia ?

- ...Hm ?

Heu... Tout va bien ? Je veux dire, avec les autres... C'est vrai que Goyah n'a pas tort, et c'est vrai que depuis ce matin, tout est bizarre... Je veux dire, personne n'est comme les jours d'avant, tout le monde est plus ou moins ultra sérieux- bon, moi aussi, je me sens bizarre, et il y a peut-être de quoi, mais... Je sais pas... Je veux dire-

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Ça fait trois fois que tu penses "je veux dire".

...

- ...

Nan, rien. Laisse tomber. Ce qui compte, c'est qu'on en finisse.

- Ouais. J'aurais préféré qu'on ait autre chose qu'un temps à faire baver un Camérupt aujourd'hui, mais je ne vais pas faire la fine bouche sur la météo dans nos conditions.

Hm. Okay. À tout à l'heure.

- À tout de suite.


Mon père ralentit, peu à peu. Il laissa notre bateau glisser, jusqu'à ce que la proue percute doucement le métal. Nous faisions face à la porte démesurée, plantée devant nous, dans le seul silence de la mer agitée. Nous n'avions même pas songé à ce que nous allions faire alors, qu'une voix électronique s'éleva :

- Navette Cipher détectée.

Nous entendîmes à cet instant mon père nous appeler :

- Hé ! Venez par là !

Nous nous approchâmes alors de la cabine, et je le vis, attablé au tableau de bord, se tourner vers nous :

- Ils me demandent un code, ces cons-là.

- Un code ?

- Un code, oui. Votre porte nous a à peine identifié que mon écran est devenu noir, et ça est apparu.

Gardevoir me fit signe de venir, ce que je fis. Je m'approchai dudit écran, apparemment tactile (la technologie...) et vit en effet qu'un clavier à dix chiffres était apparu.
Huh.

Pendant que tout le monde s'inquiétait sur le comment rentrer, Lovis fouillait un peu partout dans les manuels flanqués sous les sièges, histoire de voir si le code n'avait pas été noté ici où là (sait-on jamais, vu le niveau d'intelligence de certains membres de Cipher). Mon père s'alarma soudain, en lisant :

- "N'oubliez pas le code, chers membres : vous n'avez que deux essais avant d'être torpillés. Et cela nous coûterait de l'argent, ce serait fâcheux."

- TORPILLÉS ?! GENRE, AVEC DES TORPILLES ?!

- Ça m'en à tout l'air, Drak, répondit Gardevoir.

Shaymin s'exclama :

- Mais, comment on le trouve, ce code ? On ne va pas l'inventer !

- Combien y a-t-il de caractères à rentrer ? demanda Bastiodon. Histoire de voir notre nombre de possibilités.

Lovis jeta un nouveau coup d'œil à l'écran :

- Heu, j'en sais rien, la ligne où va s'inscrire notre réponse est toute noire... Seul le curseur clignote. Il faudrait en taper un, pour savoir combien de places les caractères prendraient, pour peut-être avoir une idée de sa taille...

- Rah, c'est chiant, ça, les codes ! hurla Fire. On peut pas juste défoncer la porte ? La faire fondre ? La geler ? L'électrocuter ? Ou juste l'exploser ? Au moins, ils viendraient nous aider !

- J'aimerais éviter qu'ils descendent le Professeur ou quelque otage sous l'effet de notre surprise, rétorqua Cynthia. Si, avec une chance - ou plutôt une blague, à ce niveau - incroyable, ils ne nous ont pas encore repéré, il faut être le plus clean possible, et retarder le feu d'artifice le plus possible.

Puis, décidée, elle conclut, sa main délicate sur le menton :

- Il nous faut trouver ce code.

Huh.

Huhuhuhu.

Je souriais, moi, intérieurement, depuis au moins cinq bonnes minutes, mais ce ne fut qu'à cet instant que Shaymin ne le releva :

- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle, monsieur le héros ?

Évidemment, je ne retins pas ma joie :

- Haha ! Je le connais, le code !

Silence. D'une patte assurée, je me mis bien convenablement en position, et tapai :

- 8-9-3-0-0-1. Voilà !

J'appuyai sur "valider", et je m'adressai à mon auditoire curieux :

- Hé bien, ce furent les dernières paroles de ce cher Eudes, qui me dit de retenir précisément ces chiffres. Je ne savais pas à quoi ça allait me servir, mais maintenant, on sait !

Puis, fièrement, j'ordonnai, pointant l'Île Gentille d'une griffe :

- Allez ! Droit devant, notre Destin nous attend !




[...]




Vu que personne ne suivait, et que j'étais plutôt content d'avoir réussi à faire une pause de conquérant sans me rater, je chuchotai :

- C'est quand vous voulez, pour faire avancer ce rafiot, hein.

Lovis croisa ses bras :

- Je n'demande que ça, moi, encore faut-il que la porte soit ouverte, fiston.

...Quoi. Je regardai la porte. Elle ne bougeait pas d'une plume. Je regardai l'écran. Le message "Réessayez" s'affichait désormais sous le curseur, et la ligne vide de caractères.

- Ça n'a pas l'air d'être ça, monsieur je-recueille-les-dernières-paroles.

Mais-mais-mais-mais-mais...

- Bon, quelqu'un sait comment trouver le VRAI code ? souffla Shaymin, à nouveau. Sachant que grâce au héros, il ne nous reste qu'un essai.

- Mais ça doit être le code ! Ça ne peut être que ça ! Comment voulez-vous qu'on puisse avancer, sinon ?

Maman répondit aussitôt :

- Qu'est-ce que tu crois ? En quoi est-ce que nous serions obligés d'avoir ce code ?

- Mais parce que nous sommes destinés à pouvoir entrer, bordel ! Comment est-ce qu'il faut vous le dire ?! Même le discours d'Arceus vous a pas suffit ?

- Hé, ho, calme-toi, Frère Plume, fit Fire, en me faisant signe de baisser d'un ton. Personne n'a jamais contredit le chef. On dit simplement que ton code, ben, il n'a pas marché.

Goyah, silencieux jusque là sur cette question de code, me posa une question :

- Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement, Eudes ?

- Hé bien, "893-0-0-1, 893-0-0-1", en boucle, en me faisant promettre que je le retienne...

- Il a bien dit "Huit-cent-quatre-vingt treize, zéro, zéro, un" ?

- Oui !

Il se prit le menton, puis réfléchit à voix haute :

- Bon. On a tapé ces six chiffres, et ça ne marche pas.

Bastiodon fit de même :

- Supposons que ces chiffres soient assez importants pour être une des seules choses que vous réussissiez à articuler sur votre lit de mort... Vous devriez bien les prononcer...

J'en avais marre qu'on me remette en question, sérieux. J'insistai donc à nouveau :

- Mais j'ai très bien entendu ! Il n'arrêtait pas de me répéter ça, je vous dis, de la même manière: "893-0-0-1, 893-0-0-1"...

Personne ne répondit. Il n'y avait rien à répondre, fallait-il croire. Un seul échec, et nous explosions. On reçu soudain une autre tête dans l'ouverture de la cabine, bleue et allongée :

- Alors ? Qu'est-ce que vous faites, devant cette porte ? Vous ne l'ouvrez pas ?

C'était Latios. Nous regardâmes au dehors : sa sœur, Zekrom et Lugia étaient revenus. Ma mère sortit immédiatement pour leur signaler qu'ils pourraient faire capoter notre infiltration définitivement peu discrète, puisqu'il ne manquait plus qu'on mette la radio à fond et qu'on vienne fracasser notre coque sur la porte pour que ce soit la fête. Heureusement, un certain Pokémon dans le monde devait avoir le goût du spectacle, parce qu'en voulant sortir moi aussi, je glissai sur un des papiers que mon père avait fait tomber : je me rattrapai sur le tableau de bord, en m'accrochant la griffe au bouton du lecteur CD et en frappant de l'aile le levier de vitesse. Une musique horrible pétarada et se mit à faire vibrer les vitres, et le bateau partit à toute berzingue contre le mur que nous approchions déjà, ce qui produisit un formidable vacarme, et envoya tout le monde à bord se manger le pont.

- ARRÊTEZ ÇA !

- BORDEL DE MERDE !

- CHOPPEZ CE LEVIER !

- ON EST EN TRAIN DE DÉFONCER LE BATEAU !

- BOUM, BOUM, BOUM !

- OUI, ON A COMPRIS, HUGWALD !

Puisque, le bateau ayant été tout près, le faire avancer droit devant résultait à le faire se cogner contre la roche et l'acier qui nous avoisinaient, autant dire qu'il fut rapidement amoché, malgré le soin de Cipher à aimer tout ce qui est dur à cuire. Les Légendaires firent de leur mieux pour maintenir le bateau et éviter la casse (mais il vomissait sa musique de toute façon). À l'intérieur de la cabine, tout le monde voulait arrêter l'engin, et donc personne n'y arrivait : je voyais des bras se lancer vers le tableau de commandes puis louper leur cible, des pattes se débattre et des pieds culbuter incessamment tellement les secousses contre la porte étaient vives. Finalement, en voyant que Lugia maintenait le bateau avec ses pouvoirs psychiques et que les Éons essayaient tant bien que mal de faire je ne savais quoi (j'étais en train de me manger les murs à cet instant, et non de regarder tranquillement par la fenêtre, désolé), Zekrom eut l'excellente discutable idée de finir le boulot du hors-bord qui défonçait la porte et de la charger avec un Éclair Croix, je crois. M'enfin, je vis un grand Dragon noir s'envoler plus haut, scintiller, s'envelopper d'une sphère bleu électrique, et fuser droit sur la porte, donc je pense ne pas me mouiller.


La porte avait été littéralement explosée par Noir Idéal. On s'était envolés dans les airs, sauvés de justesse avant de toucher les flots (avoir le Gardien des Sept Mers aidait pour le coup), puis on avait été amenés, à travers les débris de cette porte, par le gros trou que Zek' avait créé, dans les règles de l'art du défonçage de portes. Il faut bien sûr dire que tout cela avait le don d'exaspérer certains qui voulaient respecter un tacite protocole d'infiltration en délicatesse, mais cela eut aussi comme effet de les faire reconsidérées les manières susnommées. Puisque, alors que la logique humaine voudrait que nous soyons aussitôt neutralisés par nos ennemis, absolument rien ne se passa. En même temps que des bouts de porte blindée, tout retomba dans un silence de plomb et de bruits de vagues.

Ainsi, nous arrivâmes tous par poser pied sur le grand débarcadère intérieur, cet intérieur auquel la porte (enfin, l'ancienne porte) avait été censée nous empêcher d'accéder. Un hall démesurément grand, à la hauteur de son entrée, dans lequel était garé toutes sortes de véhicules : sous-marins, marins, aériens, et même terrestres, lorsqu'il s'agissait de les embarquer sur des porteurs ou des aéroplaneurs. Oui, tout cela. Oui, ça faisait beaucoup. Trop beaucoup. Et, sans personne d'autre que nous... Côté architecture, je retrouvais la même que celle dans laquelle je m'étais réveillée emprisonné après les évènements d'Algatia : murs noirs, dalles d'acier, éclairage aux néons blancs. Mais, côté population... Huh.

- Y a pas les méchants, remarqua Hugwald.

- C'est vraiment, vraiment, vraiment très étrange, là, commenta Maman.

- Ce n'est même plus de la chance de ne pas avoir été repérés, c'est qu'ils sont tous dans le coma, à ce point, renchérit Goyah.

- Bah, maintenant, on est sûrs qu'il s'agit bien d'un piège ! s'exclama Papa. Mais, enfin, nous sommes bien chez eux, vu la tronche du garage.

Sa voix résonnait encore après quinze secondes de silence.

- Bien ! Si personne ne vient, continuons ! m'exclamai-je. On ne va pas poireauter là plus longtemps.

- Regardez, il y a une porte, là-bas, sous l'escalier, remarqua Drak.

Encore ?! Bordel, j'ai l'impression d'avoir jamais eu affaire à autant de porte en une seule journée. Enfin, c'est normal, dans une mission d'infiltration. Je crois. Bon, j'ai rien dit ; c'est bizarre, comme réflexion. Oubliez-la.

- Et une autre, là-haut, indiqua Lugia. Vous voyez ? En haut de l'escalier en ferraille.

- Ah. Oui.

- Et là, de l'autre côté de la pièce ! il y a aussi une porte, en face de deux autres.

- Oh. En effet.

- Bon, on fait quoi ? On se sépare, du coup ?

- C'est l'idée la plus clichée du monde, lança Shaymin. Tu sais très bien que ça va mal finir, si on se sépare dans le QG des méchants.

- Tout ce que je sais, c'est que c'est idiot d'aller tous les quatorze dans la même direction, c'tout. Et, pour l'instant, c'est peut-être un QG, mais niveau méchants, c'est pas la fête.

Alors rien ne nous empêche de faire comme ça.

- Et Lugia ? Il est trop grand pour venir dans les couloirs, remarqua Bastiodon. Zekrom peut passer, mais tout juste.

- Je monterai la garde par ici, répondit le Gardien des Sept Mers. Ou j'irai faire des tours de l'Île, et irai davantage dans les terres, voir ce qu'il s'y passe. De toute façon, je saurai ce qu'il vous arrive, et s'il y a un problème, je volerai à votre secours.

- ...Même si on est dans un couloir ? demandai-je.

- Tu veux savoir combien de murs je détruis d'un Aéroblast ?

- Okay, okay, j'ai compris ! Qui va avec qui, alors ?

Comme nous étions donc treize à poursuivre l'infiltration, mes parents décidèrent chacun de sortir un de leurs Pokémon pour amener le total à quinze, plus facile à partager pour trois portes. Nous décidâmes de former les équipes ainsi : le Dracaufeu, le Grelaçon et Latias (qui voulait "trop accompagner une équipe d'exploration") iraient avec mon père et son Mustéflott ; Shaymin, Bastiodon et Latios (lui qui n'avait rien à branler du groupe où il serait) poursuivraient en compagnie de Goyah et de Drakkarmin ; enfin, Gardevoir, Zekrom et moi-même formerions le troisième groupe, en y ajoutant ma mère et son Carchacrok. Chaque groupe choisit finalement une porte, et nous nous séparâmes comme convenu. Malgré le cliché.


Maman avait choisi la porte la plus proche, celle qu'on avait repéré en premier. En partant la première, sa Poké Ball à la main, elle sortit Carchacrok, avant de simplement ouvrir la lourde porte : elle portait un digicode sur la poignée, mais il était désactivé.

- Venez, nous murmura-t-elle en faisant signe de la suivre.

Son Pokémon Supersonique, un peu désemparée par ma présence, se pencha sur moi, et me renifla plusieurs fois, avant que je ne lui promette :

- Je suis bien Chris, hein, si c'est ça que tu te demandes.

Ça me fit assez drôle de voir cette femelle, que je connaissais depuis tout petit, ouvrir la gueule, et de s'étonner :

- Wahou ! Donc c'est vrai, tu as bien été transformé en Pokémon ?

- Disons plutôt "transféré" en Pokémon. Je compte bien retrouver mon corps, pas plus loin qu'au bout de ces couloirs.

Carchacrok fit également connaissance avec Zekrom, qu'elle n'avait jamais rencontré, puis fut heureuse de revoir ma Gardevoir, avec qui elle était bonne amie. Et sur ce, nous partîmes, en saluant Lugia, qui s'assurait que chaque groupe débute bien la suite de l'opération, avant qu'il ne reprenne son envol afin de poursuivre son exploration de l'Île Gentille.


Notre petit groupe avançait dans les couloirs. Ils ne changeaient guère de ceux que j'avais déjà vus : un sol parfois métallique, de grandes dalles grises avec un motif antidérapant, et un sol parfois lisse et noire, comme de grandes plaques de jais lustrées. L'éclairage se faisait au néon tout le long, et les murs peints en gris ne donnaient pas plus de couleurs que ça à l'endroit. Zekrom devait tout de même se mettre une patte sur le front pour ne pas être aveuglé par les néons qui lui passaient non loin de la tête. Je serai en tout cas toujours surpris par la démesure de leurs couloirs et de leurs locaux, assez pour laisser circuler un Pokémon de l'envergure de Noir Idéal. Cela dit, si Cipher avait affaire à des Pokémon Légendaires, voire à de gros morceaux en général, ils avaient dû prévoir aussi large que possible pour pouvoir circuler avec des Pokémon de toutes tailles, à l'air libre...


Comme nous marchions depuis un certain temps, tout en restant sur nos gardes, je renonçai à lancer une conversation. J'avais hésité à un moment, mais le moment aurait pu être mal choisi selon mes compagnons - ou selon maman, la plus pro d'entre nous quatre pendant cette séquence d'infiltration. Il fallait marcher le plus sveltement possible, se coller contre les murs à chaque intersection, et attendre le signal de Gardevoir et de ses pouvoirs psychiques avant de poursuivre. C'était tout à la fois excitant, prenant, mais également extrêmement tendu ; j'allais faire part de mon excitation à Zekrom quand je me rappelai, avant d'ouvrir le bec, qu'il ne fallait justement pas l'ouvrir. C'était assez dur pour moi, peu habitué à ces missions silencieuses et à des coéquipiers trop sérieusement impliqués. Je ne dis pas qu'il ne fallait pas l'être, mais... Je ne sais pas, cela changeait beaucoup trop de ce que l'on avait pu faire auparavant. Sans discuter avec Zekrom et lui demander si tout allait bien, sans se remémorer quelques souvenirs avec Gardevoir, sans rire tous ensemble à cause d'une gaffe de Zek'... Hm, non, rien d'autre ne se passa, autre que ces couloirs, ces pas feutrés, ces néons esquivés à la perfection, et ce silence insupportable.


Il y eut une énième intersection, quand soudain :

- Là ! Une porte ! indiqua Carchacrok dans un chuchotement.

Hé bien, c'était la journée.

- ...Fermée.

Gardevoir, la patte sur la poignée, essayait tant bien que mal : elle ne s'ouvrait pas. C'était un cul-de-sac, qui donnait sur cette porte on ne peut plus ordinaire : sans digicode, aussi grande et noire que les autres. Mais, comme Étreinte l'avait dit, cette porte ne voulait pas s'ouvrir. Zekrom, qui était encore derrière, soupira :

- Bon. Demi-tour ?

Il ne nous restait plus que ça à faire, quand on entendit hurler :

- Attendez ! Il y a quelqu'un ?! S'il-vous-plaît ! Aidez-moi !

Nous nous arrêtâmes tous, surpris ; la voix était masculine, étouffée, et venait de derrière la porte. Nous nous jetâmes dessus :

- Monsieur ?

Un moment plutôt émotionnel de l'autre côté :

- Oh, Jirachi m'a entendu !

Puis, vaillamment :

- S'il-vous-plaît ! Qui que vous soyez, venez me libérer ! J'en ai plus qu'assez d'être enlevé par ces malfrats !

Étant donné que cela pouvait être un Pokémon comme un humain, je posai la question, et la voix n'eut pas plutôt le temps de me répondre que ma mère s'empressa d'attraper la poignée.

- C'est un humain, je peux l'entendre ! C'est le Professeur Syrus !

Ah ha ! Nous l'avions enfin trouvé ! Notre petit groupe s'en réjouit rapidement ; Zek' s'avança, et prévint alors en se penchant sur la porte :

- Professeur ! J'espère que vous n'êtes pas derrière la porte, auquel cas, écartez-vous !
Et, sans plus faire patienter notre objectif humain, le Dragon défonça la porte d'un Dracogriffe, aidé également, on ne savait jamais, de Carchacrok. Le pan de métal fut évincé dans un fracas, puis Noir Idéal, Étreinte, maman, son Supersonique et moi pûmes pénétrer dans la pièce où était retenu Syrus.

C'était un grand bureau, dont le mobilier ne changeait guère de couleur : bureau noir, armoires noires, bibliothèque noire. En face, opposée à celle par laquelle nous étions rentrés, se tenait une autre porte. Cependant, le sol n'était plus dallé d'acier, mais tapissé d'une moquette noire. Aucun néon, mais des lampes murales, certes toujours aussi blanches, mais plutôt jolies, en comparaison à l'aspect industriel des couloirs. Le style des meubles lui-même était plus propre et moins carré : de fait cette pièce, ce véritable bureau, avec ces tiroirs, son fauteuil et ses sous-mains, tranchait vraiment dans le style de tout l'endroit, bien qu'il en respectât le code couleur. Plutôt classe, en somme. Malgré le fait de la cellule, ultra-moderne, avec de gros rayons lumineux en guise de barreaux, qui retenaient prisonnier le Professeur, à côté de la porte des toilettes.

Le Professeur, justement, parlons-en. Sa tête assez bonhomme me surprit, certes, avec son air ahuri, décoiffé, et gentil derrière ses petites lunettes - mais je crois bien que l'air ahuri devait avoir pour beaucoup au fait qu'il vit trois Pokémon débarquer à son secours, dont un Pokémon Légendaire de poids.

- Mais... Mais... Comment...

Je haussai les ailes.

- Ce serait bieeen trop long à vous expliquer.

Et mon amie poursuivit :

- Comment vous portez-vous ?

L'humain fut contraint de remédier à son bégaiement plus vite qu'en conditions normales, pour hocher de la tête :

- Heu, hé bien, moi, ça va, enfin, je crois... Ils n'ont fait que me poser quelques questions jusque là, questions auxquelles j'ai refusé de répondre... Mais, qui êtes-vous, exactement ? Par rapport à Cipher ?

- Hé bien, nous sommes ceux qui vont leur botter les fesses ! sourit Zekrom. La crème de la crème des MOCLASM, pour mettre des bâtons dans les roues de ces abrutis.

Le Prof en sauta au plafond :

- Oh joie ! Des Membres Officiels du Comité Légendaire des Agents Sauveurs du Monde !

- Voilà.

- Mais comment avez-vous fait pour entrer ?

Mes compagnons et moi fûmes un peu gênés sur le coup. On se regarda, et Gardevoir, en défroissant machinalement sa robe, lui expliqua simplement :

- Hé bien... Nous avons pris un bateau...

- Un de leurs bateaux, précisa Zekrom en levant une griffe pour accentuer la précision.

- ...puis nous sommes arrivés ici...

- Moi, Lugia, ma copine (Latias) et son frère (Latios), on est venus en volant, bien sûr, pas en bateau.

- ...on a frappé à la porte...

- C'est moi qui ait frappé la porte, pour être plus précis : à cause du moteur et de la musique, on a dû improviser.

- ...et on s'est partagé les directions au fur et à mesure...

- Vous comprenez, on ne pouvait pas venir à treize jusque là, ce n'était pas discret.

- ...jusqu'à tomber sur votre porte, finit Gardevoir, en essayant de garder l'air sérieuse. Et vous nous avez entendus, je suppose, puis appelé.

- Voilà. Et j'ai ouvert la porte, aussi. La vôtre, conclut courageusement Zekrom.

Le Professeur Syrus avait un peu de mal à suivre (ou à croire, peu m'importait à vrai dire) mais l'important, maintenant, était sa situation d'enfermé. Je cherchais un moyen de désactiver sa prison de lasers, quand il nous demanda, inquiété :

- Mais... Vous avez bien rencontré des membres de Cipher, jusqu'ici, non ?

Nous ne répondîmes rien. Seule maman, qui, elle, fouillait le bureau, osa élever la voix :

- Pour tout vous dire, absolument personne. D'ailleurs, vous ne sauriez pas où sont-ils, tous ? Je ne pense pas que vous vous êtes enfermé tout seul ici.

Moi qui cherchais un interrupteur et Gardevoir qui fouillait les papiers, les classeurs et les tiroirs, puis Carchacork qui gardait le couloir, Syrus ne trouvait que le museau de Zekrom, occupé à le surveiller, pour répondre en ayant un semblant d'attention réciproque :

- Pour tout vous dire, cela fait je ne sais combien de temps que Vamper est parti...

Vamper ? L'homme au long manteau lavande, en blanc ou en bleu des pieds aux mèches de cheveux, que je n'avais vu qu'une fois, ici ? Celui qui parlait avec Julie... Une histoire d'élections, de Gouverneur... ?

- ...Et depuis, rien ni personne n'est venu. Tout ce qu'on m'a laissé, c'est cette cage.

- Sans eau ? Ni nourriture ? s'étonna Zek'.

Le Prof se corrigea :

- Bon, ils ne sont pas partis depuis si longtemps... Peut-être trois, quatre heures ? Si je peux m'exprimer ainsi, je ne me suis fait enlevé que hier, donc bon.

Moi, je ne trouvais rien de mon côté qui ressemblât à un interrupteur, donc j'allai voir Gardevoir. Elle laissa tomber le classeur qu'elle feuilletait, sa figure découragée entre ses mèches vertes.

- Mouais, ça ne nous avance pas vraiment. On ne trouve aucune information, ici ; tous leurs écrits, c'est que de la paperasse, des statistiques sur la population, et j'en passe.

Puis, se tournant vers moi :

- Chris ? Tu aurais trouvé quelque chose pour sortir le Professeur de là ?

- Pas vraiment, non... Cette prison, c'est d'un autre niveau qu'une simple cage en fer.

On entendit Zekrom se mettre alors à genoux, puis le vit pencher son épais museau noir sur les lasers, et approcher une de ses grandes pattes plates de l'un d'entre eux.

- On ne pourrait pas simplement les arrach-

À peine avait-il frôlé le faisceau de lumière bleue que, chose prévisible, un grésillement aigu le brûla. Noir Idéal retira sa patte brusquement en rugissant un peu, puis la secoua vivement en foudroyant du regard le dispositif.

- Aaah ! Putain ! C'est que ça fait mal, ce truc !

Le Professeur, qui avait réagi trop tardivement pour prévenir le Dragon, s'en excusa ; tout cela ne remédiait finalement pas au problème de cette cellule. Nous demandâmes à Syrus comment avait-il été mis là ; il n'en savait pas plus que nous, puisque après s'être fait attaqué à coup de mouchoirs au chloroforme, il s'était réveillé entre ces rayons.

- Bon. On n'est pas aidés, mais on va bien trouver, assura Gardevoir. C'est plus ou moins électronique, ces machins-là : il y a forcément un dispositif. Et qui dit dispositif, dit moyen d'activation, et donc de désactivation.

Zekrom suggéra :

- On pourrait détruire le sol et le plafond, à force on tomberait sur des câbles, et comme ça les rayons n'auraient plus de quoi marcher ?

- Ce serait une bonne idée si on n'avait pas à garder en vie le Professeur, Zekrom.

- Ah oui. Logique.

À ce propos, je demandai :

- D'ailleurs, Professeur, qu'est-ce que Cipher vous voulait ?

Syrus réajusta ses lunettes :

- Cette question ! La même chose que la première fois : mon aide en ce qui concerne leurs travaux sur l'obscurcissement des Pokémon, des infos sur le Purificateur...

Et ce jeune homme laissa sa paire un peu retomber sur ses ailes de nez, dépité, et haussa les épaules.

- Bon, sauf que cette fois, ils n'ont pas vraiment l'air d'avoir autant besoin de mon aide... Ils en ont même fabriqué un, de Purificateur...

Hein ?! Gardevoir et Zekrom eurent la même réaction.

- À quoi cela pourrait bien leur servir ? s'exclama le Dragon. Leur but n'est-il pas au contraire d'obscurcir des Pokémon ?

- Ça, ce que j'en sais... soupira-t-il.

Gardevoir, raidie soudain, chuchota sur le coup :

- Écoutez... !

Là, nous entendîmes des pas dans le couloir. Pas dans celui dont nous étions arrivés. Dans l'autre couloir. Celui de la porte d'en face. Et une voix humaine s'exclama :

- C'est là-bas !

Ce fut la panique en ce qui me concerne : je commençai à trembler, et perdis soudain l'assurance que j'avais gagné depuis ce matin. Ce bruit de pas, ces frappes pressées sur le sol ; à chaque coup, j'étais pris d'un froid qui m'agitait violemment de peur. Gardevoir s'était cachée promptement derrière le bureau, Zekrom, lui, avec ses pas imposants, avait essayé de courir pour revenir ce cacher dans le couloir qu'il avait entrouvert plus tôt avec Carchacrok. Moi, tétanisé, je ne trouvai pas moyen de bouger ; tout se passa si vite, ce bruit soudain qui cassait le silence, la vivacité d'Étreinte à réagir, et même de Noir Idéal qui réussit à se cacher dans une autre direction ; la peur me prit brusquement, la tête commença à me tourner, Syrus ne me dit qu'une fois de me planquer, il n'eut pas le temps de le répéter : les pas d'en face, nombreux, étaient déjà au seuil du bureau, les ombres sous la porte d'en face, et la poignée de celle-ci s'abaissait.

Le battant s'ouvrit d'un grand coup.

Je crus défaillir.

Je vis un jeune homme, lunettes sur le front, foulard jaune autour du coup, portant héroïquement une tenue de bleu, rouge et blanc, qui tenait ladite poignée. Derrière lui flottait dans les airs, une cuirasse recroquevillée, coiffée d'un heaume reluisant, avec de véritables lances de jouteur en guise de pattes avant. Je sentis mon cœur battre la chamade ; enfin, à leurs pieds, je vis arriver un Bouclier qui trottait à toute vitesse, quoi que péniblement. Je respirai à nouveau, et Zekrom, voyant que tout allait finalement bien, salua gaiement nos visiteurs pendant que je me laissai choir d'émotion.


Ce jeune homme de la journée, c'était Walker, le Pokémon Ranger dont tout le monde n'arrêtait pas de nous parler.

- Dites-donc, vous manquez pas de culot : venir libérer le Professeur Syrus à ma place, faut le faire, avait-il plaisanté après nous avoir reconnu.

Car oui, apparemment, il nous "connaissait", ayant été "briefé" sur la "mission" qu'il "menait". Ma mère le salua chaleureusement, en ayant apparemment entendu parlé des exploits de ce Ranger dans la région d'Oblivia. Moi, je me contentais de le regarder du coin de l'œil, puisque ce n'était rien qu'un être humain inconnu en ce qui me concerne et qui traînait depuis plusieurs jours avec mon Pokémon.

- Oh, pour Lançargot ! Gardevoir a dû vous l'expliquer, nous sourit Walker en voulant paraître bienveillant. Il m'a aidé lors de ma première venue ici, lorsque j'ai libéré Bastiodon, Noctunoir, Crocrodil et ce brave Pokémon. Il m'a fallu quelques coups de Capstick pour qu'il puisse se fier à moi, et il a gentiment voulu m'accompagner !

...Mouais. Je regardais mon Pokémon Chevalier, qui, sous son casque, restait bien silencieux ; il alla aux côtés de Zekrom, pour le saluer d'un signe de tête. Puis Walker se reprit, un peu embarrassé :

- Enfin, "gentiment", c'est un bien grand mot... Disons qu'il a bien voulu me suivre et m'aider, comme il savait que ma mission était de faire capoter les plans de Cipher.

Et, avec un grand sourire, ce jeune ajouta, en relevant ses lunettes protectrices dans ses cheveux :

- Et aussi de te sauver, Chris ! Enfin, toi, ton équipe, et plus récemment le Professeur, mais on se comprend.

Me sauver ? Il y a vraiment des gens sur cette planète qui se sont vu attribuer la mission "Sauver Chris" ?

- Oh... Okay, répondis-je simplement.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Ça à l'air de te faire un drôle d'effet.

- J'en sais rien, avoir comme mission de venir... Pour moi... C'était à ce point important ?

- Hé bien, assez pour avoir engagé même avant moi le célébrissime Noctunoir, commenta-t-il avec un air conséquent. Noctunoir qui s'est fait prendre en venant pour vous sauver, d'ailleurs.

...Okay.

Ensuite, Bastiodon (puisqu'il était bien arrivé avec Walker et Lançargot), tout autant ravi que nous de le retrouver, et tout autant soulagé que nous de ne pas tomber sur des connards, nous expliqua que son groupe avait également dû se séparer à une intersection : Shaymin l'avait accompagné, et Latios, Goyah et Drak avaient pris un autre chemin. Dans ce cas-là, où était Shaymin ? Hé bien, il nous apprit qu'elle et lui étaient tombé sur une salle, sombre et sans membre de Cipher : ils y rencontrèrent cependant Walker et Lançargot, qui étaient arrivés sur les lieux depuis une heure environ, grâce à l'aide d'un certain Étouraptor, que je n'ai jamais eu le plaisir de connaître. Mes compagnons retrouvèrent donc ces compagnons-là, le Ranger connaissant Bastiodon grâce à son précédent sauvetage ; le jeune homme renseigna alors Bastiodon et Shaymin sur ses découvertes dans cette salle sombre, découvertes qui concernaient le lieu où des Pokémon étaient gardés, à n'en point douter contre leur gré. Shaymin, secouriste dans l'âme, avait compté sur sa forme et son assurance nouvelles pour filer dans la direction indiquée par Walker, en oubliant un peu Bastiodon et sa lourde carrure dans sa précipitation. Mon ami Bouclier nous assura que ce n'était rien, qu'elle était toute heureuse d'y aller, et
qu'en plus de ça, il n'y avait pas un Rattata ici : il ne lui restait plus qu'à rejoindre Walker et Lançargot, qui, eux, cherchaient la pièce où était retenu le Professeur Syrus. Finalement, ils nous étaient tombés dessus.


Ainsi donc, voilà ce Pokémon Ranger, Bastiodon et Lançargot qui nous rejoignirent dans ce bureau, où le Professeur Syrus, pendant ce temps, restait prisonnier. Walker chercha un moyen d'ouvrir sa prison, Chevalier se brûla aux faisceaux, et il fallut tout ré-expliquer, notamment en quoi que nous aussi, on avait essayé tout ça, et que nous aussi, nous n'avions pas la moindre idée du comment "sauver le Professeur Syrus".

- Bon sang ! s'exclama le Ranger. On ne va pas rester plantés là devant cette cage, pendant que Cipher prend de l'avance !

- Vous avez fouillé absolument partout ? demanda Bastiodon.

Gardevoir et moi acquiesçâmes ; Walker, nous voyant répondre, s'emporta :

- Ah ha ! Ça m'étonnerait ! Ce bureau est toujours en ordre, à ce que je sache !

Sur ces mots, il se jeta comme une furie sur le bureau, le fauteuil, et la bibliothèque, renversant, arrachant, faisant tout valser. Le grand pupitre retourné, le fauteuil balancé par terre et la bibliothèque fracassée sur le sol, le Ranger s'exclama, content et essoufflé :

- HA AH ! ICI !

Il pointait victorieusement le mur poussiéreux contre lequel avait été mis la bibliothèque ; un petit renfoncement, muni d'un écran, était là, et se foutait de nous. Je regardai Gardevoir, et elle me regarda : nous ne savions pas comment réagir. Elle finit par sortir :

- Ben... Bravo, Walker.

Les mains sur la taille, il nous sourit, couvert de Wattouat de poussières :

- Ça, c'est l'efficacité Ranger ! Maintenant, libérons l'otage !

L'humain s'avança vers l'écran, et posa fièrement l'index dessus, alors que ma mère restait dubitative face à ces méthodes qu'elle n'attendait pas. Le petit carré de pixels s'alluma, on entendit une petite mélodie de démarrage, avec un petit logo qui clignota, pour qu'enfin un petit clavier s'affiche, et qu'un petit texte fasse de même. Nous vîmes Walker s'y pencher, temps durant lequel Zekrom espéra qu'il ne nous demande pas de code, sinon il serait obligé de démolir ce mur, et ça risquerait de nous embêter. Heureusement, le Pokémon Ranger se retourna vers nous, la tête dépitée :

- Il nous faut un code.

HA AH ! Je ne devais pas laisser passer cette chance de briller !

- HA AH ! Je ne laisserai pas passer cette chance de bril- de, heu, vous montrer à quel point Eudes articule bien !

Je fis sursauter Bastiodon en s'exclamant de la sorte, mais au moins, je pus m'avancer vers ce mur, moi aussi fier comme un Déflaisan, pour demander au jeune humain de me laisser la place :

- Heureusement pour vous, je connais le code !

Walker avait à peine balbutié sa surprise que Gardevoir lui expliqua que j'étais la dernière personne à avoir vu l'ex-Admin Ombre, donc à avoir recueilli ses dernières paroles, tout ça tout ça ; ma mère et son Carchacrok se regardait et attendaient, blasée par mon attitude. En attendant, je pouvais enfin régler un des nombreux mystères de toute cette histoire, et taper promptement la combinaison.

- Huit-cent-quatre-vingt-treize, zéro, zéro, un ! Voilà ! m'écriai-je.

Je me retournai, prêt à voir les barreaux entourant Syrus s'évaporer dans la nature.




[...]




C'était désespérant.

- Et il s'est trompé plus tôt aussi, ajouta Étreinte au Pokémon Ranger.

- Je ne dirai pas que c'était attendu, Chris... Mais ça l'était tout de même, ajouta Cynthia.

- Mais... Ça doit être ça...! me désolai-je.

- Dans ce cas, cherchons ! Peut-être que Vamper a glissé un aide-mémoire dans tous ses livres, supposa le jeune homme en présentant le tas d'ouvrages qu'il avait étalé par terre.

Le Ranger chercha alors ; Gardevoir et maman l'aidèrent à feuilleter les ouvrages, Lançargot fit de son mieux pour pousser les livres ouverts ou tourner les pages du bout de la lance, tandis que Carchacrok et Bastiodon allèrent chacun surveiller un couloir. Moi, je devais me remettre de mon second échec de la journée. Zekrom me vit réagir ainsi, et me donne une tape dans l'épaule qui me bouscula tout de même.

- Hé ben ? On tombe déjà dans le Défaitisme sans même avoir pris de coups ?

- Pfeuh, j'ai l'air fin, moi, avec un Professeur insauvable et mon code qui ne marche pas...

- À ce propos, fit-il en levant une patte à mon attention, je me disais que, "Huit-cent-quatre-vingt treize, zéro, zéro, un", c'était compliqué à dire. Pourquoi ne pas dire "Huit cent quatre-vingt-treize mille un" ?

Je ne compris pas où il voulait en venir.

- Comment ça ?

- Hé bien, si Eudes prononçait ces mots juste avant de nous quitter... Pourquoi s'être entêté à avoir prononcé les trois derniers chiffres séparément plutôt qu'en deux syllabes, plus courtes ?

- Hm... Je vois ce que tu veux dire...

Le Professeur Syrus, lui, nous écoutait plus ou moins consciemment, puisqu'il se trouvait juste à côté ; en nous entendant parler de ce chiffre, il nous interpella depuis sa cellule.

- Excusez-moi, mais de quoi parlez-vous ?

Zekrom répondit le premier.

- Oh, Professeur ? Hm, hé bien, d'une suite de chiffres que Eudes, un ancien membre de Cipher - ou devrais-je dire de la Team Ombre - a communiqué à Chris avant sa mort...

- Hm, et vous êtes certain que c'est un code ?

- Hé bien, pas vraiment... poursuivis-je à mon tour. Tout ce que je connais, ce sont ces chiffres... Vous ne sauriez pas à quoi ils correspondent, par hasard ?

- Mon cher Chris, j'ai beau connaître plein de choses et trouver votre cas formidable, je ne peux vous aider sur ce coup-là. Tout ce que je puis vous dire, c'est que vous ne savez pas à quoi cette suite fait allusion : ça n'a pas l'air de vous aider, mais au contraire, cela élargit le sens de ces chiffres : ils peuvent désigner n'importe quoi, et être une suite sans sens comme dans le cadre d'une numéro de page, ou être riches de signification comme dans le cas d'une indication logique.

À ce moment, un petit flash répété éclaira la pièce noire. La lumière attira notre attention au Professeur, à Zek' et à moi : elle parvenait du Capstick du Pokémon Ranger, qui porta deux doigts à son oreille. Plusieurs expressions animèrent successivement son visage, de la surprise au soulagement, puis de l'inquiétude à l'incompréhension.

- Oui...? Quoi ! Par Arceus ! Mais... Attends... Okay, une minute, je vais le voir.

Le Ranger vint me voir pendant que les autres continuaient de fouiller les bouquins. Walker retira son oreillette, puis me la colla sur la tempe et le micro sur le travers de la gueule, en me disant ordinairement, comme si on m'eût passé ma Grand-Mère :

- Tiens, c'est Julie.

Mon sang ne fit qu'un tour. Mes méninges éprouvées n'eurent pas le temps de réfléchir à quelque chose que la voix de la jeune femme chuchota fortement par-delà les ondes des télécommunications.

- Allô, Chris ? C'est toi ? Si c'est toi, dis-moi juste oui !

- ...Oui.

- Ah, Arceus soit loué, tu es toujours en vie ! Bon, parfait ; attendez-moi ici surtout, je viens vous chercher !

- Mais... Tu... Attends, Julie !

J'eus l'impression de n'avoir pas prononcé son nom depuis une éternité.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Je n'ai pas beaucoup de temps, grouille !

- Je... Tu...

- Viens-en au fait, Chris !

- Tu es de notre côté, n'est-ce pas ?

- Oh, cette question ! rit-elle à moitié. Bien sûr, imbécile ! Une agente infiltrée, ça s'appelle !

-...Okay, cool. Je voulais juste t'entendre me le dire.

- Bah, allez, à tout de suite, va !

Puis l'appel se coupa. Walker attendait plus d'explications, ceux qui n'étaient pas là lors de notre première aventure ne se sentaient pas vraiment concernés ou continuaient de chercher un code. Quant à Zek', Gardevoir, Lançargot et Bastiodon, ils me regardaient tous fixement.

- E-Elle nous a dit de l'attendre ici. E-Elle vient de me dire qu'elle allait nous rejoindre.

- Bien ! Parfait ! Elle doit avoir une idée derrière la tête, je le sens ! se réjouit Walker.

- HA AH ! PARFAIT ! s'écria soudain maman.

Zekrom et certains de mes compagnons me regardaient toujours, moi et mon regard qui se perdait dans le vide, si bien qu'il n'y a que la moitié d'entre nous qui furent réceptifs à la joie de ma mère qui avait trouvé une note dans un Dictionnaire des Météorites et de leurs effets sur les Pokémon. Sa chevelure blonde et sa longue tenue noire volèrent jusqu'au digicode, et elle put résoudre l'énigme en tapant une suite de chiffre qui m'importa peu. La cage du Professeur s'éteignit dans un grésillement.

Syrus ne cacha pas sa joie sur l'instant, mais calma immédiatement la nôtre d'un pessimiste mais réaliste :

- Merci beaucoup. Maintenant, il s'agit d'arrêter Cipher et de sortir d'ici.

Puis, il s'excusa :

- Désolé... Être libéré une deuxième fois de la même bande de malfrats n'est pas aussi réjouissant pour moi que l'a été la première fois...

- Mais le Professeur a raison, renchérit le Pokémon Ranger. Il faut que nous trouvions un moyen de rejoindre les autres avant qu-

- MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QU-

- Quelqu'un vient ! s'exclama Carchacrok en passant sa tête de marteau par la porte.

La grosse voix venait en effet du couloir, et semblait résolument moins amicale que les dernières personnes que nous avions croisés de la sorte. Les pas s'accélérèrent, Carchacrok recula pour mieux revenir auprès de Cynthia, et Bastiodon rentra son Bouclier par ici ; par instinct sûrement, nous nous ressemblâmes tous en un groupe comme pour faire front à ce qui allait débouler, mais nous n'eûmes clairement pas assez de temps pour réagir de quelque autre manière que ce fût. Apparut alors dans l'encadrement de la porte un homme de l'âge de Goyah, que j'avais déjà croisé lors de ma dernière visite : avec son long manteau couleur lavande sa combinaison blanche, ses cheveux lancés en arrière, de petites lunettes rectangulaires et une mine antipathique. Sauf que là, Vamper (puisqu'il s'agissait de lui) se scandalisa en voyant tout ce bordel et, surtout, tous ces intrus.

- MAIS-MAIS-MAIS... MON BUREAU ?! LE PROFESSEUR ?! VOUS ?!

Puis, un chouia nerveux devant tant d'improbable dans une seule et même pièce, Vamper trouva néanmoins assez de dextérité pour sortir une Poké Ball et s'exclamer :

- Vous allez voir ce qu'on fait aux intrus qui libèrent nos prisonniers, qui saccagent nos locaux, qui ramènent toute leur bande d'amis, et qui-

Je dois dire qu'il n'avait pas eut le temps de finir sa phrase qu'il se prit un éclair d'ombre rugissant venant du couloir, et qui l'envoya valser à l'autre bout. Il n'était resté planté là que quelques secondes, finalement. On se rua pour voir ce qu'il s'était pris, et, lorsque je penchai ma tête dans le couloir, c'était pour le voir à quelques mètres de là, à terre, en train de se débattre avec un Noctali rudement énervé. Avec... Mon Noctali !

- Noctali !

J'avais crié son nom dès que je l'avais reconnu. À l'entente de cet appel, mon Pokémon cessa de mordre la manche de l'homme, et releva son museau ténébreux.

- Chris ?

Je tressaillis. C'est la première fois que j'entendais Noctali me parler. Ses yeux brillèrent à ma vue. Je voulus dès l'instant courir vers lui, mais à peine eus-je fait un pas qu'un rayon de lumière rouge traversa le couloir avec un soupir électronique. Il toucha Noctali, le dématérialisa complètement, et le fit rentrer dans sa Poké Ball, à l'autre bout du couloir.

- Noctali, revient, s'il-te-plaît.

Ce fut une voix de jeune femme. Nous la vîmes arriver tranquillement, dans le couloir, de là même d'où venait Vamper. Elle portait un pantalon noir, un veste noire, et laissait ses longs cheveux bruns retomber. Son visage de jeunes femme avaient des traits fins, et une peau claire, veloutée ; cependant elle faisait sentir une assurance à toute épreuve et une grande confiance en elle, dans son regard gris-bleu, parfaitement sérieux. Elle rangea la Poké Ball de mon Noctali dans sa poche, et s'avança. Son acolyte en blanc se relevait à peine.

- Bon sang ! Qu'est-ce que cette foutue bestiole faisait en liberté ?

- Il nous a échappé un instant lors du voyage, répondit la jeune femme. Rien de grave.

Il m'avait fallu quelques secondes, mais oui, je reconnus bien sa voix. C'était Julie. Je ne l'avais pas reconnue à son physique ou à sa tenue ; je ne savais même plus si elle avait porté les même vêtements la dernière fois qu'elle m'avait adressé la parole, lorsque que j'avais été leur prisonnier.

En tout cas, pour le moment, elle ne daigna pas nous adresser la parole ou même nous regarder.
Vamper finit par se relever, outré.

- "Rien de grave" ! Si tous nos Pokémon s'échappent, on verra bien si c'est "rien de grave" !

- Il n'y a que lui qui s'est échappé, je viens de te dire, alors calme-toi.

- "Que lui" ?! cria l'homme en nous pointant du doigt. Et ça, ça ne s'est pas échappé,
peut-être ?!

- Hey, mets-la en veilleuse un moment, veux-tu ? rétorqua la jeune femme en croisant les bras. Je me charge d'eux. Le boss m'a envoyé pour ça. Alors contente-toi de te faire élire et laisse les autres faire le travail, hm ?

Vamper fit un geste de la main en signe d'abandon. Julie, implacablement, nous fit signe de la suivre.

- Vous suivre ? répondis-je. Chez votre "boss" ?

- Exact.

- Et si nous refusons ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous sommes en grande supériorité numérique.

- Il a raison, approuva Zekrom. Et en supériorité de puissance, aussi.

Julie nous regarda tous les deux, puis Gardevoir, Bastiodon, Lançargot, puis ma mère et son Carchacrok, puis Walker, puis le Professeur Syrus. Puis Noir Idéal et moi, de nouveau.

- Bien sûr, me répondit-elle simplement. Mais je ne vois pas pourquoi vous refuseriez. Vous êtes là pour ça, non ?

...Hm. Elle n'avait pas tout à fait tort.

- Bien, décida Cynthia en approchant la jeune femme. Nous vous suivons, dans ce cas.


Nous avons donc laissé Vamper et son bureau derrière nous, néanmoins sans que le candidat au poste de Gouverneur ne nous regarde de travers et n'envie secrètement, à mon avis, de pouvoir
se charger de nous par lui-même. Cela dit je préférais sans doute suivre Julie que cet homme trop inconnu pour moi, peu sympathique, et, assurément, du mauvais côté.

Julie et sa combinaison noire nous escortaient dans les couloirs, et nous faisaient passer des portes nécessitant une clé magnétique. La jeune femme sortait son laisser-passer et nous guidait avec une dextérité et une efficacité qui laissait présager une grande connaissance des lieux et une parfaite infiltration, jusqu'au rang d'administrateur.

...Si toutefois, bien sûr, elle était de notre côté. Oui, je n'étais pas encore convaincu. La pilule qu'on souhaitait me faire avaler ne passait pas, après mon entrevue avec la jeune insolente qui m'avait laissé pourrir pendant des heures dans une de leurs cages, et accessoirement annoncé que leur chef était "son père". Dans tous les cas, j'avais pas mal de questions à lui poser, et personne ne semblait vouloir dire quelque chose. Tout notre groupe suivant silencieusement cette fille, porte automatique après porte automatique, couloir après couloir, en lui faisant une confiance aveugle.

Perdu dans mes pensées, je sentis à un moment une griffe me tapoter le dos, comme pour attirer mon attention. Je me retournai ; Zekrom me fit alors signe d'avancer, d'aller voir Julie, qui nous menait trois pas devant. Puis il se mit à faire signe au reste du groupe de ralentir un peu, comme pour laisser de la marge entre le peloton et eux. Bien que je ne susse vraiment dans quelle état d'esprit il voulait que j'aborde la jeune femme et à quelle occasion (avait-il compris que je voulais lui parler ? Est-ce que Gardevoir, en le lisant dans mon esprit, le lui a dit par télépathie ? Voulait-il me laisser seul avec la fille qui m'avait embrassé la semaine dernière, alors qu'on était dans un futur parallèle en train de sauver le monde ?), j'y allai tout de même, et accélérai le pas pour me retrouver à sa hauteur.

- Julie ? demandai-je.

- Oui ?

Là, j'hésitai. Il faut dire que j'avais tellement de choses à lui dire... Je ne savais pas par quoi commencer. Je pensais à la première fois que je l'avais rencontré, alors qu'elle était membre des Rebelles, quelques années plus tard, dans le futur contrôlé par Solarius. Je pensais aussi aux entraînements qu'elle et ses sœurs nous avaient donnés (ah oui, et un autre mec aussi... Comment s'était-il appelé, déjà ? Sacha ou un truc dans le genre...?). Puis leur fougue pour me soutenir lors de mes combats à la Ligue Pokémon Mondiale, puis le baiser qu'elle m'avait donné avant la finale. Alors, là, aujourd'hui, dans ce présent, sur cette Île, dans le quartier général d'une organisation malhonnête et prêt à défendre le monde une nouvelle fois, je dis la première chose qui me passa par la tête.

- Tu sais, ça va sans doute te paraître étrange, mais... On s'est déjà rencontrés...

À ma grande surprise, elle sourit.

- Haha, oui, je sais.

...QUOI ? C-Comment ça, "oui, je sais" ?! J'en restai coi, la regardant simplement. Elle continua de sourire.

- Ta cellule ne se trouvait pas loin, d'ailleurs. A trois couloirs d'ici, dans l'aile est.

"Ma cellule"...? Ah ! Elle parle d'après Algatia...

- Oui, évidemment, ma cellule, répétai-je après elle. Lorsque j'étais votre prisonnier. Après que vous ayez détruit une région entière.

Elle tressaillit, et son sourire se tordit de peine.

- Évite de me le rappeler, veux-tu ?

- Compte sur moi pour vous le remettre sur le dos toutes les cinq minutes, et même plus si j'ai assez de souffle, rétorquai-je. Madame est en infiltration, et madame n'empêche même pas une telle catastrophe.

Elle redevint froide et éleva le ton, sans pour autant s'arrêter de marcher.

- Qu'est-ce que tu crois ? Que j'allais tout faire foirer, comme ça, sous leurs menaces ?

- Ils ont fait sauter Hoenn, répétai-je, plein de reproches. Je ne vois pas ce qu'il y avait de plus important à sauver.

Elle resta silencieuse un moment.

- Je ne savais pas qu'ils comptaient le faire, m'avoua-t-elle enfin.

- Ah oui ? Vraiment ?

- Je savais qu'ils comptaient faire sortir Kyogre et Groudon de leurs cachettes... Je savais qu'ils comptaient sur la population hoennienne pour venir ici... Mais de là à détruire toute une région... Le boss n'a jamais voulu m'en parler.

Quoi ?! C'est trop fort ! Je m'emportai aussitôt, en essayant de ne pas hurler :

- Et assassiner Rayquaza ? Et assassiner tes sœurs ? Eudes ? Et recréer des Pokémon Obscurs ? Et genre, TOUT LE RESTE ? Tu n'étais pas au courant, peut-être ?!

Elle ne répondit pas. Pas tout de suite. Encore une fois, elle me laissa poireauter et marcher vite, énervé, avec ma soif de réponses, avant de ne m'abreuver qu'au compte-gouttes.

- Je ne vais pas t'expliquer comment on infiltre un groupe de terroristes, ni disserter sur les difficultés de l'espionnage ou du renseignement, lança-t-elle froidement. Pour ce qui est du reste, tu devras te contenter d'un "des sacrifices sont parfois nécessaires". Puisque tu ne veux pas m'entendre sur mon manque de pouvoir ici.

Je ne répondis rien.

- En tout cas, pas la peine de t'épuiser à faire appel à mes sentiments, rajouta-t-elle. J'ai eu le temps de les enfouir et de les oublier pendant ces dernières années. Quant à mon deuil et à mes peines, je n'ai plus assez de forces pour y replonger.

La jeune femme en noir serra les lèvres, et continua de regarder droit devant elle, droit sur sa carte magnétique, droit sur les poignées qu'elle ouvrait. J'avais besoin de plus que ça.

- Bien. Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu m'as dit que ton "père" m'a "cherché", et ce, "pendant toutes ces années" ? Tu faisais clairement allusion à l'homme qui dirige Cipher. Et, si cet homme est ton père...

- C'est que, je me fais passer pour sa fille, ici, m'annonça-t-elle.

...Sérieux ?

- Ah oui ? Rien que ça ?

- Je ne l'ai pas choisi, répliqua-t-elle sèchement. C'est les MOCLASM qui m'ont donné pour mission de jouer ce rôle.

- Excuse-moi d'en douter, répondis-je. Se faire passer pour un sbire, une femme d'affaires, ou quelque obscur inconnue qui les aide, pourquoi pas, mais pour sa fille ? Comment est-ce que son propre père peut être trompé ?

Elle inspira un peu, puis m'expliqua :

- Il l'a perdue depuis longtemps. Il y a eut un accident, c'est compliqué. En tout cas, selon les MOCLASM, je lui ressemble beaucoup, physiquement. J'ai donc été choisie pour cette mission d'infiltration.

J'avais un peu de mal à le croire... Même si c'était logique, c'était tout de même fort... Julie... Qui ressemblerait justement à la fille du boss... Boss qui m'en veut, apparemment, personnellement... Foutu Dunmeist !

- Bon, repris-je, admettons. A côté de ça, tu ne m'as pas dit pourquoi il me cherch-
Soudain, elle s'arrêta, devant une autre porte. Elle se retourna. Elle vit que le groupe suivait, toujours, et que certains arrêtaient de tendre l'oreille vers nous deux. Ce cassement brutal dans le rythme de notre progression me coupa la parole, comme si je me sentais soudain obligé d'être le plus silencieux possible.

- C'est là, nous annonça-t-elle simplement.

Elle ouvrit la porte. Sans plus attendre. Elle rentra, et nous la suivîmes, les uns après les autres. La pièce était plongée dans l'obscurité... On n'y voyait rien ; et passer des couloirs éclairés aux néons à ce noir complet nous aveuglait un moment, à peine le temps de s'habituer aux ténèbres... Et puis je perçus là une odeur... Quelque chose de poussiéreux, comme du pollen...

DE LA POUDRE DOD-

En fait, non. Je n'eus même pas le temps de savoir si c'était de la Poudre Dodo ou des Spores. Néanmoins, le résultat resta le même, et nous perdîmes tous connaissance.