Team Rocket X-Squad de Malak

Mercutio et ses compagnes pénétrèrent à Doublonville, la capitale de Johto, escortés par l'unité DUMBASS au complet. Plus précisément, ils avaient entouré Kyria, qu'ils semblaient considérer comme une sorte de déesse désormais, et celle-ci marchait d'un pas décidé comme si le monde lui appartenait. Bien évidement, cela ne manqua pas d'attirer l'attention de innombrables passants de la capitale, dont certains les montraient ouvertement du doigt.

- Euh, dites, fit Mercutio à Duancelot, même les habitants de Doublonville ne vous connaissent pas ?

- Nous sommes une section spécialement spéciale, oui oui oui, lui rappela le Pokemon en armure. La discrétion et le secret font parties de nos armes.

Mercutio se retint de lui faire remarquer qu'ils n'avaient pas l'air trop discrets avec leurs look. Quant au secret, ils semblaient du genre à révéler tout ce qu'ils pouvaient au premier type venu qui savait un peu utiliser la flatterie.

- Comment ça se fait qu'on ne vous ai jamais vu lors de la guerre si vous êtes si forts ? Questionna Estelle.

- Nous servons le chef Igeus depuis peu. Auparavant, nous étions aux ordre du général Gontran Van Der Noob, commandant en chef des armées de Johto. Il est celui qui nous a recruté et formé.

Cela n'étonna pas Mercutio outre mesure. Il avait en effet entendu parler du général Van Der Noob, qui était à 99% responsable de la réputation très comique de l'armée de Johto. Les DUMBASS les conduisirent devant un gigantesque hôtel de luxe, dont l'entrée et les alentours étaient protégés par des dizaines de soldats et de Pokemon.

- C'est ici que se trouve Igeus ? S'étonna Estelle.

- Le chef Igeus a réquisitionné le plus grand hôtel de la ville pour en faire son quartier général, expliqua Duancelot. C'est devenu une forteresse imprenable, oui oui oui. Si votre intention était d'assassiner le chef Igeus, vous auriez échoué, Rockets.

- J'ai déjà dit qu'on ne voulait aucun mal à Erend Igeus, leur rappela Kyria.

Duancelot s'inclina presque.

- Bien entendu. Toutes mes excuses. Je n'oserai jamais contredire la parole de quelqu'un qui a un Level Dumbass supérieur à 9000 !

- LE-VEL 9000 ! VI-RIL ! Grogna Ernor en hochant sa tête masquée.

Les gardes laissèrent entrer les DUMBASS sans faire mine de s'interposer. Au moins eux semblaient savoir qui ils étaient. À l'accueil, Duancelot exigea de rencontrer le chef Igeus immédiatement, et on envoya une dizaine de gardes en plus pour les escorter jusqu'à lui. Ils montèrent un paquet d'étage avant d'arriver dans un couloir remplis de mitrailleuses automatiques, de trois barrières de Protection et de Mur Lumière activées par des Pokemon, ainsi que de deux Mackogneur qui gardaient la porte tout au bout. Mercutio sentit aussi qu'il n'arrivait plus à toucher le Flux. Miry aussi semblait perturbée, comme si elle bougeait en aveugle.

Mercutio reconnut là les symptômes d'une exposition à l'Ysalry, ce minerai très rare qui repoussait le Flux tout autour de lui, l'arme ultime contre les Mélénis. Mercutio savait le reconnaitre, car les Shadow Hunters en avaient porté sur eux vers la fin de la guerre à chacun de leurs combats. Vu que Mercutio n'arrivait même plus à projeter mentalement son Flux, Igeus devait en avoir une grosse quantité qu'il avait propagé partout à cet étage. Ça ne plaisait pas à Mercutio, mais il pouvait comprendre le souci de sécurité d'Igeus. Une jeune femme à l'allure de secrétaire sorti du bureau d'Igeus pour aller à leur rencontre. Elle s'inclina rapidement devant eux et leur dit :

- Monsieur Igeus a été prévenu de votre arrivée. Il vous souhaite la bienvenue, et vous demande bien vouloir nous remettre tous vos armes et vos Pokeball, si vos intentions sont bien de négocier. Il se porte garant qu'il ne vous arrivera rien.

Mercutio fronça les sourcils, mais Estelle prit la parole avant qu'il n'ai pu répondre.

- Pour négocier efficacement, il faut que les deux parties soient à égalité. Igeus est chez lui, entouré de ses gardes et de ses armes. Nous voulons conserver un minimum de défense, par souci... d'égalité entre nous.

La secrétaire sourit ironiquement en regardant Solaris.

- Le Flux est inefficace ici, mais d'après ce que monsieur Igeus sait de cette charmante personne, elle n'a pas besoin d'arme, ni de Flux, ni de Pokeball pour être dangereuse. C'est un peu pareil pour vous, Agent 005, non ?

- Comme toujours, monsieur Igeus est très bien informé, acquiesça Estelle de mauvaise grâce. Très bien.

Mercutio remit aux gardes son pistolet, son couteau et ses trois Pokeball. Solaris et Miry n'avaient rien à remettre, mais Estelle retira de sous sa robe ce qui semblait être une petite rapière, et Kyria donna son médaillon en ambre. La secrétaire d'Igeus le regarda avec curiosité.

- C'est une arme, ça ?

- Oui, si on sait comment l'utiliser, répondit la jeune fille. Evitez de le toucher n'importe comment, ou Doublonville pourrait disparaître de la carte. Et j'y tiens beaucoup, alors veillez à faire attention.

L'assistante d'Igeus remit le collier très vite à un garde comme s'il s'agissait d'une grenade dégoupillé. Mercutio savait qu'il s'agissait d'un fragment de Thanor cristallisé, ce composé chimique immensément destructeur qui a failli il y a quelque mois détruire la région entière. Une fois ceci réglé, la secrétaire ouvrit la porte et les invita à rentrer, les DUMBASS les précédant. Le bureau était digne du Chef d'Etat qu'était Igeus, avec maints tableaux, ouvrages d'art et sculptures de Pokemon Légendaires. Il y avait aussi beaucoup de livres, de cartes, de dossiers. De toute évidence, Igeus était quelqu'un de très cultivé, ou bien aimait-il donner cette impression à ses visiteurs.

Il y avait cinq personne dans la pièce. Mercutio en reconnut immédiatement un, qu'il ne fut pas étonné de voir ici : le général Peter Lance, ancien maître Pokemon de Kanto, chef des armées et Maître G-Man. Il reconnut aussi un peu plus tard l'un des Dignitaires, Silvestre Wasdens, avec sa canne, son costume doré et ses cheveux bruns ondulés. L'autre homme debout était un type bizarre en haut de forme bleu, avec un chapeau proéminant et un monocle. Il avait quantité de médailles accrochées, ça devait être le général Van Der Noob. Le seul Pokemon présent était une créature d'aspect féminine, composée de pétales de fleurs bleues et roses, à la coiffure complexe.

Puis, au centre, assis à son bureau, il y avait Erend Igeus. C'était la première fois que Mercutio le voyait en vrai. Il devait avoir un ou deux ans de moins que lui, mais son visage était celui de la confiance absolue en soi. Il avait les cheveux clairs, les yeux d'un bleu surprenants et un impeccable costume bleu. Il avait un grain de beauté sous l'œil droit, ce qui ajoutait à son charme naturel. Mercutio n'avait jamais trop fait attention à la beauté des hommes, mais il comprenait sans peine pourquoi Galatea avait la photo d'Igeus entourées de petits cœurs dans sa chambre. Le leader de Johto se leva, tandis que la secrétaire s'éclipsait derrière la porte. Même en marchant, ce type avait l'air classe. Il se dirigea en premier vers Estelle et tandis une main gantée.

- Agent 005. Votre arrivée ici fut quelque peu une surprise, mais vous n'en êtes pas moins la bienvenue.

Estelle lui serra la main avec un semblant de sincérité. Igeus ne s'en tint pas à elle, et salua tout le monde. Il semblait tous les connaître parfaitement. Quand il arriva à Mercutio, son sourire fut plus prononcé.

- Ah, le légendaire Mercutio Crust, héros de la Team Rocket. Nous avons une connaissance commune, me semble-t-il.

- Votre frère Ithil ?

- Certes, mais je pensais plutôt à la charmante Eryl Sybel. Elle m'a parlé de vous quand elle est venue ici.

Igeus insista bien sur le « ici ». Mercutio fut troublé et un peu en colère. Pourquoi diable Eryl serait-elle venue voir Igeus ? Et pourquoi elle ne lui avait rien dit à ce sujet ? Se fichait-il de lui, ou voulait-il le mettre en pétard dès le début ? En tout cas, c'était réussi. Son petit sourire attendu, comme s'il partageait avec lui un secret amusant et embarrassant, fit frémir Mercutio, et il dut se retenir de ne pas lui écraser la main avec son bras bionique quand il la serra. Il lui semblait que le regard amusé d'Igeus voulait dire « je suis beau gosse, riche et puissant, et toi tu n'es rien ». Il retourna ensuite près de son bureau pour présenter ses collaborateurs.

- Voici le général Gontran Van Der Noob, qui dirige l'armée de Johto en mon nom. Ma précieuse amie et confidente, Ladytus. Le général Peter Lance, que vous connaissez bien sûr. Et monsieur Silvestre Wasdens, anciennement Dignitaire de Kanto, qui s'est rangé de mon coté. Je crois que l'un d'entre vous le connait bien ?

Erend interrogeait Solaris du regard, qui avait gardé les yeux rivés sur le sol. Mercutio savait pourquoi elle était si gênée. Wasdens avait été son bienfaiteur et son professeur au sein des Gardiens de l'Innocence, et Solaris avait l'impression de l'avoir trahi en aidant puis rejoignant la Team Rocket contre les Dignitaires. Finalement, Solaris releva la tête et tâcha de faire face à son mentor.

- Je suis heureuse de voir revoir en liberté, monsieur Wasdens.

L'homme hocha la tête, sans qu'il y ait nulle trace de colère ou de ressentiment dans son regard. D'après ce que Solaris et Eryl avaient dit sur lui, ce Wasdens était un type bien, surtout pour un Dignitaire.

- Et moi je suis heureux de constater que vous êtes parvenue à trouver votre place quelque part, répondit-il avec sincérité.

- Je fais toujours partie des Gardiens de l'Innocence, protesta Solaris.

- Je n'en doute pas, sourit Wasdens. Et je ne pense pas que la Team Rocket soit fondamentalement incompatible avec les idéaux d'Erubin.

- Cela dépend de quelle partie de la Team Rocket vous parlez, Silvestre, dit Igeus en aparté.

Il se rassit, et leur fit signe de faire de même. Mercutio resta debout, de même que Miry et Solaris. C'était l'entrevue d'Estelle et Kyria. Eux n'étaient que les gardes du corps. Il constata que Lance et ce Pokemon, Ladytus, étaient eux aussi restés debout du coté d'Erend.

- Bien, entrons dans le vif du sujet, commença Igeus. Quand j'ai eu connaissance de votre arrivée à Johto, je dois avouer que j'ai crains un moment pour ma vie, aussi ai-je envoyé mes fidèles DUMBASS vous intercepter. Mais ils se portent apparemment garant de vous, et si j'avais su que vous étiez de ce groupe là, mesdames les Agents 005 et 008, je vous aurez invité bien volontiers. Dois-je conclure que c'est le Chef d'Etat Giovanni qui vous envoie ?

- Non, le Boss n'a rien à voir là dedans, et il n'est même pas au courant, dit Estelle. Nous sommes venues de notre propre initiative, sans en informer personne, histoire que notre petit voyage n'arrive pas aux oreilles de... certains personnages qui aimeraient bien nous voir s'entretuer.

Erend sourit.

- Je sais que nous partageons la même défiance à l'égard de Lady Venamia, Agent 005. Est-ce la raison de votre venue ?

- Vous savez peut-être déjà que le groupe GSR à l'Assemblée de Kanto a fait sécession avec celui de la Team Rocket, monsieur Igeus ?

- Oui, ça m'est venu aux oreilles. Regrettable. Votre Boss aura encore moins de pouvoirs sur Venamia qu'il n'en a déjà.

- C'est pourtant votre faute, monsieur Igeus, répliqua Estelle. C'est votre opération clandestine sur notre territoire qui a poussé Venamia à accélérer sa prise de position sur une guerre.

- Une opération clandestine ? Fit mine de s'étonner Igeus.

- Ne jouez pas l'innocent. Nous savons très bien pourquoi le général Lance et monsieur Wasdens sont aujourd'hui ici avec vous. Et d'ailleurs... où sont les autres Dignitaires ?

Igeus eut un sourire qui fit froid dans le dos, renforcé par le regard qu'échangèrent entre eux Lance et Wasdens.

- Les autres Dignitaires ont préféré se... retirer, dit finalement Igeus, et ce en me confiant les pleins pouvoirs sur l'armée et la région.

- Un retrait... définitif, n'est-ce pas, monsieur Igeus ?

C'était Kyria qui avait parlé. Avec sa vision de Loinvoyant, elle pouvait lire les pensées d'Erend, et nul doute qu'elle avait trouvé ce que Mercutio soupçonnait lui-même : qu'Igeus s'était purement et simplement débarrasser de tous ces Dignitaires encombrants.

- Ah, j'ai entendu parler des étonnantes capacités mentales de la jeune Agent 008, fit Erend en hochant la tête devant elle. Quelles pensées arriverai-je à vous cacher ?

- Rien de ce qu'on ignore déjà, répondit Kyria. Que c'est vous qui avez bien envoyé l'unité DUMBASS attaquer notre prison pour délivrer le général Lance ici présent.

- Bien entendu que c'est moi, avoua Erend. Mais pouvez-vous le prouvez ? Ou bien la justice internationale considère-t-elle la parole des Loinvoyants comme une preuve absolument irréfutable ?

- Ça n'a pas d'importance, dit Kyria. L'important est que Venamia va s'apprêter à rentrer en guerre contre Johto, que mon père soit d'accord ou pas. On doit à tous prix empêcher ça. Une guerre contre nos deux régions servira un futur sombre et renforcera nos véritables ennemis qui attendent dans l'ombre. Je l'ai vu.

Erend haussa les sourcils.

- Oh ? Vous l'avez... vu ?

- Je vois de nombreux futurs, monsieur Igeus, répondit Kyria. Je dois vous avertir que si la guerre éclate entre nous, il n'y en a pas beaucoup dans lesquels vous survivez, et aucun dans lequel vous gagnez.

- Ma vie n'est pas importante, renchérit Erend.

- Vous mentez. C'est ce que vous voulez croire vous-même, mais vous ne le pensez pas. Vous êtes persuadé de pouvoir ramener un peu d'ordre dans ce monde. Vous voulez un monde de paix, et vous pensez être le seul capable de le créer.

Pour la première fois, Igeus fut quelque peu déboussolé.

- Qu'est-ce que vous voulez ? Demanda-t-il à voix basse.

- La même chose que vous. La paix. Vous connaissez les Agents de la Corruption et les Pokemon Méchas. Ils n'attendent que de nous voir nous affronter pour tirer partie du chaos qui en résultera. Nous devons concentrer nos actions contre eux, et pas contre nous. Ce sont eux la véritable menace. Pas Lady Venamia.

- Je pourrai avoir à redire à ça, mais admettons. Eh bien, quelle est la solution miracle pour parvenir à la paix entre nos deux régions, miss Kyria ?

- Venez négocier directement avec mon père. Il veut la paix autant que vous.

Le général Lance fronça les sourcils.

- Que monsieur Igeus aille de lui-même à Kanto se jeter entre les bras de Giovanni ? Absurde !

- Nous sommes bien venus de nous-mêmes, rappela Mercutio. Les Agents 005 et 008 sont toutes les deux des filles du Boss, des personnes très haut placées. Elles ont pris un immense risque en vous faisant confiance, mais aussi en faisant ce voyage dans le dos de Venamia.

- Pourquoi Giovanni ne viendrait-il pas lui-même, s'il veut tant la paix alors ? Demanda Ladytus.

- Vous savez très bien que c'est impossible, rétorqua Estelle. Si le Chef d'Etat s'absente un seul jour de Kanto, quand il reviendra, Venamia aura fait le nécessaire pour prendre le pouvoir. De plus, pardonnez-moi mais... ce n'est pas nous, à Kanto, qui sommes en situation précaire. Si guerre il y a, vous allez la perdre. C'est au camps le plus en difficulté de prendre les plus grands risques.

- Donc il y a bien des risques à ce que je vienne à Kanto ? S'amusa Erend.

- Nous vous assurons notre protection jusqu'à que vous rencontriez le Boss. Venamia ne saura rien de votre arrivée tant que vous n'aurez pas parlé à mon père. Nous voyagerons incognito, comme nous sommes arrivés ici. Une fois que le Boss acceptera d'ouvrir des négociations - et il acceptera, j'en suis sûre - même Venamia ne pourra rien contre vous. Les lois de la guerre interdisent la capture d'un émissaire venu pour négocier la paix.

Igeus se prit le menton, réfléchissant. Le général Van Der Noob s'avança.

- C'est de la folie, mon garçon ! On ne peut pas faire confiance à la Team Rocket.

- Ce serait très téméraire, monsieur Igeus, ajouta Wasdens.

- Tant mieux, fit Igeus en se levant. Car c'est la témérité qui apportent souvent les meilleurs résultats.

Il dévisagea Kyria et Estelle.

- Je vais venir avec vous, mesdemoiselles.

Mercutio fut étonné. Il aurait pensé qu'Igeus refuserait tout net, ou du moins qu'il ne se laisserait pas convaincre si facilement.

- Je vous remercie de votre confiance, dit Estelle en hochant la tête.

- Prenez au moins la section DUMBASS avec vous monsieur, dit Lance.

- Non, je ne crois pas, général. Ce ne serait pas le meilleur moyen de passer inaperçu. Ladytus viendra avec moi, et c'est tout. Ah, et aussi...

Il s'approcha d'une étagère, et poussa un des livres qui dépassait. Alors, une petite section de l'étagère s'ouvrit, laissant apparaître une espèce de compartiment secret. Mercutio eut le temps de voir à l'intérieur une épée très belle, scintillante, dont la lame était parfaitement blanche, ainsi qu'une Pokeball. Erend prit la Pokeball et referma le compartiment.

- Même si Giovanni tentait de m'arrêter, il aurait une mauvaise surprise, sourit Erend en faisant tournoyer sa Pokeball. Nous y allons ?


***


Voyager en compagnie d'Erend Igeus, l'ennemi numéro 1 de Kanto, fut quelque peu bizarre pour Mercutio. Maintenant qu'il ressentait le Flux, il pouvait lire en surface de ses pensées, et ce qu'il lisait était étonnant. Ce type pensait à tellement de choses à la fois, avait tellement de plans et de possibilités dans la tête que Mercutio avait mal à la sienne rien qu'en essayant de lire en lui. Il découvrit qu'Igeus était persuadé d'être dans le vrai et de se battre pour une juste cause, mais ça ne voulait rien dire. Si Mercutio lisait en sa sœur Siena, il trouverai probablement la même chose.

Igeus voulait en effet croire qu'il était désintéressé et se préoccupait d'abord du sort des autres, mais il était clair qu'il ne se prenait pas pour du caca. Il était néanmoins très attentif envers les Pokemon, et était quelqu'un avec qui il était agréable de parler quand on abordait ce sujet. Il s'était beaucoup intéressé aux Pokemon de Mercutio, et avait lui-même entendu parler du légendaire Pokemon des Miracles. Mercutio ne saurait dire s'il aimait bien Igeus ou pas du tout, mais en tous cas, il était intéressant.

Mercutio s'efforça cependant de ne pas trop lui tourner autour, préférant qu'il discute politique avec Estelle et Kyria. Solaris et Miry semblaient elles avoir trouvé une nouvelle amie de choix en la personne de Ladytus. Pour un Pokemon, elle se révélait être étonnement intelligente et cultivée. Mercutio avait deux Pokemon sachant parler - Pegasa et Eü - mais ils n'étaient sûrement les meilleurs choix pour tenir une conversation sérieuse. Ladytus, elle, discutait comme un humain. Elle intriguait Mercutio, qui se demandait où Igeus avait pu la trouver. Il trouva l'occasion de pointer discrètement son Pokedex sur elle.

- Ladytus, le Pokemon Princesse Lotus. Les Ladytus sont des Pokemon très rares vivant au plus profond de la Forêt-Monde du Continent Perdu. On les dit douées de parole, et les pétales de leurs corps ont pour caractéristique de dégager un parfum éclairant l'esprit et apaisant les tensions. Ladytus est la forme évoluée de Babytus.

Igeus se trimballait toujours aussi avec la Pokeball qu'il avait prit de son compartiment secret. Quand Mercutio, curieux, lui avait demandé quel genre de Pokemon elle contenait, le jeune Chef d'Etat avait souri mystérieusement et déclaré :

- C'est le genre de Pokemon qui est mon assurance en cas de mauvais coups de votre part, ou si par mégarde Lady Venamia venait à croiser mon chemin.

Ça n'avait pas trop rassuré Mercutio. Qu'un type aussi retors qu'Igeus se ballade dans le bureau du Boss avec un Pokemon sans doute très dangereux à porté de main était inquiétant. Il tenait à le garder à l'œil, et l'Agent 005 invita Mercutio à les accompagner jusqu'au Boss. Ça lui convenait, comme ça, ça serait à Solaris d'expliquer au colonel Tuno où ils étaient passés et encaisser son savon à sa place. Mais comme Tuno enguirlandait rarement les femmes aussi belles que Solaris, elle n'avait pas grand-chose à craindre.

005 usa de son prestige pour obtenir une audience privée avec le Boss dans le plus grand secret. Jusque là, Igeus et Ladytus restaient cachés dans le domicile personnel de 005 à Azuria, avec Mercutio pour seul garde du corps, et protégés par deux trois Rockets acquis à Estelle à l'entrée. Mercutio dut passer presque une demi-journée avec lui, et trouva le temps long. Il y avait quelque chose chez Igeus qu'il n'aimait décidément pas. Quelque chose dans son attitude qui le laissait paraître comme une sorte de maître des lieux, où qu'il soit. Ainsi, quand Igeus sorti des toilettes, Mercutio ne manqua pas de le charrier.

- Alors donc, le grand Erend Igeus fait caca comme tout le monde ? Fit-il mine de s'étonner.

- Ah non, pas comme tout le monde, cher ami, répliqua Igeus. Il se trouve que je recouvre toujours la cuvette de papier, par souci d'hygiène et à cause de mon éducation bourgeoise. Ah, et dans le manoir de mon père, les toilettes étaient en marbres et le papier en soie. Belle façon de gaspiller son argent, vous ne trouvez pas ?

Voilà autre chose qu'il n'aimait pas chez Igeus : son habilité à répondre toujours à tout. Mais ça, il aurait du s'y attendre. C'était un politique, après tout...

- Vous ne m'appréciez pas beaucoup, j'ai l'impression, continua Erend en le dévisageant. C'est parce que vous êtes un Rocket, ou le frère de Lady Venamia ?

- Non, ça n'a rien à voir, répliqua Mercutio. Il y a des ennemis que je respecte et même que j'admire. Le général Lance, par exemple. Ce que je n'apprécie pas chez vous, ce sont certaines de vos méthodes. Vous considérez les autres comme des moyens d'arriver à vos fins. Au final, vous agissez exactement comme ma sœur. Vous avez éliminé les Dignitaires seulement pour avoir plus de pouvoir. Vous avez laissé Siena saccager de fond en comble Safrania au lieu de vous rendre dès le début, pour le seul plaisir de la voir se décrédibiliser devant les caméras. C'est vous aussi qui avait envoyé les Shadow Hunters contre elle, ce qui a eu pour effet la mort d'un type bien, Lusso Tender, qui était un ami. Vous ne vous attendez pas à des applaudissements de ma part ?

Ladytus, les yeux grands ouverts, assistait à cet échange avec un grand sérieux derrière eux. Erend haussa les sourcils, et s'inclina poliment devant Mercutio.

- Vous avez raison, j'ai fait tout ça. Les gens comme votre sœur ou moi-même, qui savons très bien que seule la fin justifie les moyens, sont souvent amenés à se salir les mains et à s'attirer le mépris des braves gens. J'accepte cela. À ceci près que la raison de mes mains sales est un peu plus noble, j'espère, que celle de Lady Venamia : la paix universelle. Alors oui, pour cela, j'ai tué, j'ai menti, j'ai intrigué. En ce qui concerne Lusso Tender, je ne peux que vous faire part de mes excuses, pour le peu qu'elles valent.

- Et votre frère, grogna Mercutio.

- Mon frère ?

- Ithil. Il vous servait loyalement, sans rien attendre autre chose de vous que votre reconnaissance. Vous l'avez rejeté comme un pestiféré, pour la seule bonne raison qu'il était un assassin, alors que vous-même, je suis sûr que par vos actions, vous avez tué plus de gens que lui ! C'était méprisable !

Erend osa ricaner devant la colère de Mercutio.

- Vous êtes devenu bon ami avec lui, à ce que je vois. Comprenez que je n'ai rien contre mon demi-frère. C'était un enfant illégitime de mon père, voyez-vous ? Dans le milieu dans lequel mon père évoluait, un bâtard, ça fait toujours mauvaise image. Alors il l'a gardé caché, et l'a élevé pour être son exécutant personnel. Ithil s'est révélé être un G-Man ; une aubaine pour mon père, qui lui a payé les meilleurs professeurs pour l'assassinat et l'infiltration. Ithil ne s'est jamais plaint. Il a toujours fait ce qu'on lui a demandé. Alors qu'il vivait dans l'ombre de notre famille, moi, j'étais pouponné comme unique héritier. Mais il ne m'en a jamais voulu pour ça. C'est lui qui m'a appris à me défendre et pas mal d'autre chose très utile. Je m'entendais bien avec lui.

- Alors, pourquoi...

- Veuillez comprendre ma position, cher monsieur Crust. Pour quelqu'un comme moi qui s'affiche en tant que défenseur des droits et de la justice, je ne peux pas me permettre d'être vu avec un assassin avéré. Ce ne serait pas... convenable. Si la presse s'avisait de dire que je me payais les services d'un G-Man non-officiel formé à l'assassinat, ce ne serait pas très bon pour mon image. Il fallait que je le répudie publiquement.

Mercutio poussa un grognement indigné.

- Alors, vous avez brisé l'amour et la loyauté que votre frère vous portait uniquement pour... votre image ? Votre famille compte plus que votre réputation, chef Igeus ?

Pour la première fois, Igeus plissa les yeux, l'air en colère.

- J'aime ma famille, Mercutio Crust. Veuillez ne pas prétendre le contraire alors que vous ne me connaissez pas. Même mon père, qui était pourtant un vil personnage égoïste et assoiffé de pouvoir. Ithil est le seul membre de ma famille qui me reste. J'ai fait mine de le détester, mais je l'aime, et je suis sûr qu'il comprend. Mais parfois, il faut savoir sacrifier l'amour de ses proches pour parvenir à ses objectifs. N'est-ce donc pas ce que Lady Venamia a fait aussi ?

- Siena n'est pas un bon exemple...

- Au contraire ! Voyez-vous, j'aime à me qualifier comme le plus grand ennemi de Lady Venamia. Mais au fond, je crois que je la comprend mieux que vous. Et je la respecte. En dépit de ses actions, elle demeure humaine, et je suis sûr qu'elle tient encore à vous et à votre sœur Galatea. Mais elle a choisi de se passer de votre amour pour mener son propre combat, comme je l'ai fait avec Ithil. Nous sommes pareils, comme vous me l'avez dit il y a quelque minutes. Nous nous comprenons.

Mercutio eut un soupir de dédain.

- Eh bien, dans ce cas, arrêtez de chercher à vous tuer et associez-vous pour dominer le monde. Vous n'avez qu'à annoncez vos fiançailles, tiens...

- Ça ne m'aurait pas déplu, dit Erend avec le plus grand sérieux. Votre sœur est une personne exceptionnelle. Terrible et dangereuse, certes, mais exceptionnelle. C'est triste que ce soit les gens les plus exceptionnels qui sont souvent les plus incompris...

Erend soupira, comme perdu dans de vieux souvenirs.