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Chroniques du Pokédex - Le souffle de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 25/11/2014 à 20:24
» Dernière mise à jour le 25/11/2014 à 21:01

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Organisation criminelle

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Chapitre 4 - La nuit - La chaleur
La lune renvoyait ce soir-là un éclat terne qui, depuis les fougères, paraissait bien terne : des fumées grises, gonflées de pluies nocturnes, étaient portées par les vents, et commençaient à recouvrir les voies adamantines. Un corps lourd et puissant cassa des branches ; ses écailles frottaient l'écorce qui encombrait son passage. Au-devant, une stature encore chétive levait parfois une tête naïve, et suivait la direction vers laquelle le menton barbu se tournait.
Le petit Kranidos posait sa première patte dans une caverne.

C'était un évènement, sinon un avènement.

Cette caverne était creusée à flanc de falaise, à l'orée d'une forêt de pins gigantesques. Ses griffes craquèrent sur quelques épines séchées ; le Rexillius, dont l'ombre s'était évanouie entre celle des conifères, passa sa tête massive dans la grotte. Il renifla l'air gravement. Puis il grogna, tout doucement, comme un raclement de pierres au fond de son gosier.
Il faisait grand froid, dehors ; les zéphyrs cachaient quelques bises. Au sein de la roche, le blottissement a réécrit certaines lois, et, une fois réchauffé contre un ventre qui respirait royalement d'inspirations, le plus petit bipède éternua quelques braises. Des étincelles, qui rappelèrent aux yeux des prédateurs la beauté des étoiles.
Il y eut des attentions. Des crocs plantés dans la chair, qui traînèrent des muscles luisants de sang ; puis, après les premières adaptations altruistes, des buissons interrogés, tâtés avec doute, finalement déracinés ; il y perlait grassement des Baies bariolées, qui pendaient, se balançaient – elles avaient eu l'honneur, elles premières, de pimenter les sens. Mais le carnivore ne savait pas les reconnaître à leur juste valeur – il y eut peut-être la première inconnue.
Dans cette caverne, sur les poussières de roches, le Tyran fit au petit bipède des dessins de créatures, du bout de la queue. C'est depuis cette vue du dehors et cette vue intérieure, où les flammes dansaient, sans doute depuis un panorama ancestral, qu'il avait gribouillé. Avec la passion, les rapprochements, ces figures se métamorphosaient en des légendes. Cela divertit beaucoup le crâne bombé et luisant ; cela changea les esprits, et endormit plusieurs fois.
Des cerveaux s'atrophièrent de moins en moins – on sentit de plus en plus.


***

Les retrouvailles se firent avec profusion de sentiments sincères, sans que ceux-ci n'eurent besoin d'être allongés dans le temps. Lorsque Basile sortit le petit crustacé azur, ce dernier se rua entre ses jambes, encore effrayé par ce qu'il venait d'arriver. L'humain se baissa pour le prendre dans ses bras, et le rassura ; Oniglali vint aussi, pour montrer qu'il était en forme, et pour rassurer, avec sa voix grave et ses "Glali". Flingouste, dont la fierté solitaire n'appréciait guère les élans de réconfort, se laissa néanmoins faire, en trouvant peut-être qu'un franc réconfort, cette sensation de sécurité entre personnes que l'on aime, n'était pas si mal. Il frotta sa petite tête carapaçonnée contre son Dresseur et ondula des antennes ; Basile le retrouvait avec soulagement.

Cela dit, Lydie n'en avait que faire, de la sécurité et des personnes que l'on aime. Elle se débrouilla pour tourner autour de Registeel, qui clignotait part terre, sans bouger, depuis tout ce temps. Finalement, sur un coup de tête sans doute, elle finit par appliquer sa paume sur ce corps lisse. Elle l'avait fait par pure curiosité, en appliquant sa main de la manière dont on prendrait la température à un malade. A sa grande stupéfaction, elle ne sentit qu'une surface douce et tiède ; aussitôt, une vibration ; et les lumières du Pokémon Fer s'allumèrent toutes en même temps. Il émit quelques bips d'un genre nouveau ; les bruits firent se retourner Basile, Flingouste dans ses bras, et Oniglali. Lydie, surprise, retira sa paume rapidement, comme si elle s'était brûlée, et se releva soudainement, fit quelques pas en arrière. Sous les yeux de ces quatre êtres, le golem bougea ses bras ; un à un, il vint les plier, puis les poser au sol ; il se redressa en exerçant une pression ; il se retrouva enfin debout sur ses petits piliers d'acier. Il se tourna vers les quatre êtres. Il émit des signaux sonores et lumineux, les premiers parurent à Hellébore des sortes de gargouillis électroniques, et les seconds étaient désormais habituels. Lydie s'était avancée et s'était présentée, tout à fait poliment, d'un "Je suis Lydie." Après un moment de silence de Registeel, mais quelques mouvements de loupiotes, elle s'apprêta sûrement à expliquer la situation qui attendait le Pokémon Fer, quand le Professeur Hellébore fit un pas en avant, lui aussi.

– Je suis Basile. Voici Flingouste, et voici Oni.

Les Pokémon répondirent à l'appel de leur nom, et saluèrent. Registeel fit clignoter d'autres lumières rouges ; il n'émettait aucun son. La jeune femme, qui considérait mal les impertinents, surtout les impertinents otages, allait donc reprendre, ou plutôt commencer son discours sur l'avenir de Registeel, l'avenir de la Team Anima, et finalement l'avenir du monde – mais elle fut de nouveau coupée, cette fois par un geste du golem de métal. Celui-ci s'avança vers le Professeur, et clignota, plus doucement. Hellébore fut, quelque part, impressionné. Le golem, face à l'humain, leva une de ses pattes, puis toucha du doigt Flingouste. Basile frémit ; il eut peur que quelque mal ne soit fait. Mais Flingouste ne sembla pas perturbé le moins du monde, et se contenta de se laisser faire, de regarder le bras mobile et flexible l'examiner du toucher. Oniglali s'approcha, curieux de ce que cet chose faisait à un ami, puis Registeel baissa le bras, pour se tourner vers ce Pokémon Glace qui approchait. La Face gelée, qui ne s'attendait pas à attirer l'attention, en fut un peu gênée ; Registeel resta tourné vers lui, et émit cette fois-ci quelques bips.
Enfin, la statue animée fit une nouvelle fois face à Hellébore, qui n'avait pas bougé, et se contentait de garder les yeux ouverts sur la scène. Registeel approcha son corps rond et massif, un peu plus près de l'humain qu'il ne l'avait été pour Flingouste ; là, il leva l'autre bras, et, comme pour Lance à Eau, il passa un doigt sur le visage du Professeur. Il parcourut son front, lui écrasa un peu le nez – le Professeur, en sentant ce bout de métal, pourtant aussi doux d'un ruban, lui tracer un trait ainsi sur toute la face, ne put s'empêcher de sourire. Cela arrêta Registeel – il retira un moment son doigt, clignota, émit un gargouillis électronique, et toucha, une fois, la joue plissée de l'humain. Lydie, elle, fulminait silencieusement. Le Professeur le ressentit, et l'entendit grommeler. Il ouvrit la bouche et rit un peu, encore palpé par la légende réveillée.

– Vous me semblez contrariée, Lydie... Ne vous en faites pas pour moi, ça ne me fait pas mal.

Elle s'exclama, sans que cela ne perturbe le golem :

– Qu'est-ce que j'en ai à foutre, de vous, alors ! Je suis là pour lui, moi, et vous, hop, vous faites tout de suite mumuse avec !
– Hé, je n'ai jamais demandé à ce qu'on vienne me toucher le visage, hein.

La jeune femme s'approcha de Registeel, et lui cria dessus :

– Dis-donc, sale tas de métal ! Je te signale qu'au nom de la Team Anima, tu es désormais sous notre contrôle ! Alors tu vas arrêter de toucher des choses, te bouger un peu le cul, et m'obéir !

Elle rageait, la pauvre, pensa Hellébore en la voyant brûler du désir d'emporter à pleines mains le Pokémon, Arceus seul savait où. Elle ne pouvait se contenter que de l'entourer de ses mains et de ses bras contractés par la frustration, en ayant peur de le toucher et d'obtenir une réponse négative. Elle geignit à nouveau, puis, voyant que Registeel et le doigt restaient plantés sur lui et n'avaient que faire d'elle, elle abandonna avec un râle de désespoir. Là, la tête tombante, elle serra les poings, et regarda fixement la terre, et l'herbe éparse sous ses semelles. Elle battit plusieurs fois des paupières, respirait fortement, ressentit une force lui étrangler la gorge ; ses yeux se mouillèrent ; ce ne fut qu'à ce moment qu'elle sentit une masse s'approcher.

Lorsqu'elle releva la tête, le bras de Registeel était tendu vers elle, et le même doigt qui était venu toucher Basile vint se poser sur la joue ensanglantée de Lydie. Il y eut des clignotements, des sons étranges, un peu aigus ; la jeune femme n'eut pas mal, elle ne sentit presque rien. Elle regarda le Pokémon fixement : ces loupiotes rouges, cette boule de fer noire sous cette coque argentée. Elle cligna des yeux, une fois ; sa paupière écrasa une larme, qui roula sur sa blessure, et atteignit inévitablement le doigt métallique. Il ne se passa rien. Lydie se détourna alors d'un coup, marcha avec la résolution d'une énervée, et alla se cacher derrière l'arbre duquel elle était arrivée. Registeel, impassible, baissa le bras, sans paraître considérer son bout de doigt mouillé et taché de rouge.


Lydie ne parlait pas, et restait derrière son arbre. Registeel n'avait pas bougé d'un millimètre, et s'était affaissé sur son socle – Basile considéra qu'il s'était assis. La personne qui l'avait amené jusqu'ici restait silencieuse, malgré ses remarques, il ne savait pas où il se trouvait. Il avait Tropius : il pensa qu'il pouvait tout à fait Voler jusqu'à trouver une ville. Mais il se dit qu'il ne pouvait pas laisser Registeel avec cette femme ; elle pouvait peut-être avoir quelque moyen d'appeler cette "Team Anima" et d'autres membres. Il ne savait rien sur ce groupuscule, à part de mauvaises choses : ils semblaient vouloir ce golem de fer. Réfléchir sans autres informations ne lui servirait à rien. Il fallut manger. L'estomac du jeune Professeur grognait, et pour cause, il n'avait rien avalé depuis plusieurs heures. Aide par Oniglali et Flingouste, ils cherchèrent si un plant de Baie ou quelque arbre fruitier pouvait traîner dans le coin – il s'imaginait souvent que Hoenn devait une certaine réputation aux richesses de sa flore fertile. Ils n'avaient rien trouvé au bout de quelques minutes, lorsque Basile se rendit compte que, bon sang ! Il avait Tropius.

Hellébore fit donc sortir son troisième Pokémon. Le grand quadrupède apparut ; il fut ravi de pouvoir s'étirer les ailes, avec lesquelles il battit l'air. Registeel ne réagit pas plus à ce nouveau venu que quelques clignotements, tout le contraire de Tropius, qui, une fois ayant remarqué la présence de ce golem, avait étendu son long cou jusque lui, et l'avait reniflé quelques fois. Finalement, il retrouva Basile, Flingouste et Oni avec une joie qu'il ne cachait pas : il sautillait lourdement, en faisant un peu trembler le sol – il avait sûrement dû être au courant des évènements de la journée depuis sa Ball, et se réjouissait de constater la présence de tous, en pleine forme.

Le Professeur Hellébore se détendit un peu, en retrouvant la bonne humeur de Tropius. Enfin, il en vint au fait : il expliqua la situation en synthétisant adroitement leur situation, pour conclure sur la seule source de nourriture qu'ils avaient. Tropius n'y vit aucun inconvénient, bien au contraire – c'était une de ses joies de partager ce que son corps produisait, et il pouvait sans doute penser qu'il fallait remercier l'évolution biologique pour lui avoir accordé le pouvoir de nourrir, fusse même en petite quantité. Il baissa donc sa gueule brune casquée de chlorophylle, et tendit le cou à la hauteur de ses compagnons ; Basile put y cueillir un régime entier de fruits d'un jaune exquis, qu'il s'empressa de partager entre tous. Flingouste et Oniglali acceptèrent les fruits volontiers et firent abstraction de leurs préférences gustatives, pour à nouveau honorer ce soir-là l'évolution, et profiter de disposer d'un régime d'omnivore. Alors qu'il mangeait de bon coeur, Basile pensa à Registeel et à sa solitude, juste à côté. Il voulut lui proposer à manger, mais il n'avait aucune idée de ce dont une créature comme lui pouvait bien se nourrir. Il lui proposa des fruits, à tout hasard : le golem se pencha un peu dessus, ses sept lumières clignotèrent, mais ce fut tout. A tout hasard, Basile ouvrit de nouveau sa sacoche, et ressortit son Pokédex. Vu que le logiciel encyclopédique avait pu lui donner quelques informations succinctes lors du premier scan rapide qu'il avait effectué, peut-être qu'à une certaine année, dans une certaine région, il ne savait comment, des scientifiques avaient pu réunir d'autres renseignements sur ce Pokémon. Il fit défiler les remarques qu'il avait déjà obtenu, et voici ce qu'il tira :

– Registeel, Pokémon Fer. Le corps de Registeel est plus dur que n'importe quel métal existant. Il est apparemment creux. Personne ne sait ce que ce Pokémon mange.

Hm, c'est dommage, pensa Hellébore. Il aurait à la limite cru que cette statue animée se nourrirait de matières minérales, ou même métalliques, comme un Galekid se nourrissant de ferraille. Il n'eut pas le temps d'approfondir plus que cela – il avait entendue la jeune femme fouler la terre, et s'approcher.

– La pause est finie. On a déjà perdu trop de temps ici, il faut qu'on essaie de rejoindre Cimetronelle. C'est plus au nord, en suivant le GPS du camion. Vous allez me suivre, Professeur Hellébore.

Ce fut tout. Elle resta planté face au jeune homme, attendant qu'il acquiesce sans rien dire, prenne sa troupe de marioles, et qu'elle puisse enfin livrer le paquet. Hellébore réfléchit. Ses objectifs étaient clairs : retrouver Arthur, et sans doute rentrer chez lui, certes. Mais elle lui avait dit qu'Arthur n'avait aucune raison d'être en danger, et surtout que le groupe de terroristes auquel elle appartenait cherchait à mettre la main sur ce golem de fer. Peut-être était-il le seul au courant, et dans l'état de faire quelque chose pour les en empêcher (bien qu'il ne connusse pas leurs intentions, il partait du principe que prendre en otage et attaquer la foule en dénonçait de mauvaises). De plus, elle était la seule personne qui pouvait lui apporter des réponses sur cette histoire – rien ne l'empêchait de s'envoler, de partir, de la laisser en plan avec cette masse de métal qui n'avait pas l'air d'écouter grand monde. Mais cela l'obligerait à renoncer à tout un tas de réponses, chose dont ses penchants scientifiques n'étaient pas friands, et cela laisserait tout de même une chance de réussite à la Team Anima, puisqu'il abandonnerait ce Pokémon aux mains (ou du moins, à la présence) d'un de ses sbires.
Le pour et le contre lui semblèrent vite fait, et, comme l'escomptait Lydie, il accepta sans rien dire, d'un simple hochement de tête. Tropius, Oniglali et Flingouste, bien qu'étonnés d'une telle décision de la part de leur Dresseur, acceptèrent évidemment de le suivre, et, lorsque ce groupe s'enfonça dans la forêt, le Professeur Hellébore, en remarquant que le golem restait derrière, à sa place, s'écria :

– Registeel ! Tu viens ?

Tout naturellement, le golem de fer se tourna vers eux, se leva, et les rejoignit, sans clignoter.


Ce n'est qu'après un certain temps que le Professeur se rendit compte que la statue animée les avait rejoint suite à son appel. Il avait la tête encombrée de tout cela, de beaucoup d'inconnues, et n'avait pas vraiment fait attention en lui demandant de venir. Il se dit que ce pourquoi pouvait attendre, puisqu'après tout, Registeel les suivait paisiblement, et que d'autres questions étaient bien plus urgentes. Il fallait procéder par ordre, pensait-il. Et avec tact. Sa position d'otage ne l'arrangeait pas, et il ne voulait pas froisser la seule personne qui pouvait résoudre cette situation en la contrariant. Il attendait donc le meilleur moment pour commencer son interrogatoire. Elle lui avait paru si différente, sur le bateau, durant ce laps de temps où leurs regards s'étaient croisés.

En attendant, ils s'étaient, comme nous l'avons dit, enfoncés dans cette forêt. L'expression prenait tout son sens, puisque la végétation s'était révélée de plus en plus dense, et de plus en plus exotique. Malgré une lune qui brillait fortement, il n'y avait guère de lumière qui passait à travers la canopée sous laquelle ils se trouvaient, pas après pas ; Basile demanda à Oni s'il pouvait utiliser Flash, à nouveau, ce qui fut fait avec plaisir. Les troncs épais, les larges feuilles tombantes, et surtout, cette merveilleuse dimension que prenaient les arbres, dont on peinait à voir la cime. Il ne faisait pas vraiment froid, malgré la lumière crue produite par la Face gelée. La chaleur moite qui couvrait cette zone de la région permettait aux nuits d'hériter de la température élevée des journées au climat tropical – les coups de froids qu'avait pu ressentir Basile plus tôt dans la nuit, le Professeur les mettait sur le compte de la peur, de la blessure, de la grotte et peut-être un peu d'Oniglali.

Ils enjambaient les racines tortueuses et plongeaient les mollets dans de grandes fougères ; Lydie, décidément, ne se laissait abattre ni par la fatigue, le mal, ou la faim que le jeune homme lui supposaient, et parcourait le terrain vivifié de nature sans le moindre problème. Registeel, lentement mais sûrement, avançait avec une allure rigide, et se servant paradoxalement des capacités d'extensibilité et de souplesse de son corps lorsqu'un obstacle empêchait sa démarche mécanique. Basile, lui, portait le crustacé azur dans ses bras, et oubliait sa blessure en pensant à mille choses ; Oniglali lévitait sans problème, et le grand quadrupède aux ailes feuillues, avec ses pas, plus lourds que tous ceux qui étaient ici, faisait craquer les bouts de verdure qui jonchaient le sol de la jungle. Tropius se sentait vraiment chez lui, pensa Basile. Tiens, voilà comment commencer !

– Tu te rappelles, Tropius ? lança le jeune homme avec une voix assez élevée pour être certain d'atteindre Lydie. C'est dans un environnement ressemblant qu'on s'est rencontrés... Tu sais, sur la Route 119 ? Si on approche de Cimetronelle, on ne doit pas être très loin !

Le Pokémon Fruit acquiesça, la tête pleine de souvenirs. Lydie ne broncha pas, et continua d'avancer, en sautant de racines en racines, aussi à l'aise qu'un Jungko. Basile prit un air rêveur, et serrant Flingouste de la manière dont on serre un être cher lorsqu'on évoque de bons moments.

– J'avais fait mon stage au Centre Météorologique... Je n'avais que Stalgamin, à l'époque.

Oniglali sourit, lorsque son Dresseur tourna le regard vers lui. Puis, soudain, il demanda :

– Vous connaissez bien Hoenn, Lydie ?

Elle décocha :

– Où est-ce que vous voulez en venir, Professeur ?

– Hé bien, je pense que je suis en droit d'avoir quelques réponses, voilà tout.

– Vous êtes otage de la Team Anima. Il n'y a rien d'autre que vous n'avez à savoir.

– Dites-moi au moins pourquoi est-ce que je suis otage, alors.

– Vous demanderez ça à Freddy.

– Votre boss ?

– En quelque sorte.

Il fallait poursuivre sur cette lancée.

– Vous ne m'avez pas dit ce que vous comptiez faire de Registeel.

– En quoi cela vous regarde ?

– En cela que je suis otage de la Team Anima, que je laisse mes trois Pokémon sortis pour être certain de pouvoir faire face aux éventualités qui vous concerneraient vous et vos plans secrets, et également parce que je n'ai aucune autre raison de vous suivre que celle d'avoir des informations à votre sujet.

Lydie s'avoua vaincue, une fois de plus. Elle soupira.

– Hé bien, ça va devenir une habitude, Professeur ?

Elle fit quelques pas, mais, finalement, s'expliqua.

– Êtes-vous au courant des légendes qui tournent autour des trois Golems ?

– Les trois golems ?

– Oui. Regice, Regirock, et Registeel.

– ...Je ne savais pas qu'il en existait deux autres.

– Donc vous ne savez rien, alors. Bien, c'est plus pratique, d'un côté, vous risquez moins d'être incrédule.

Elle lança un pouce par-dessus son épaule, en désignant machinalement le golem de fer, qui était occupé à contourner une souche, en s'accrochant dextrement à une branche.

– Lui et les deux autres sont les régisseurs de la vie ; de la nature.

– ...Pardon ?

– Selon une certaine légende, bien sûr, précisa-t-elle. Vous voyez, il y a bien longtemps, à l'aube de la création du monde, et cætera, Regigigas le Prodigieux, a déplacé les continents en les attachant à des cordes. Il est responsable de la formation des continents – et donc, par défaut, des océans également. Une fois ce labeur terminé, il a rendu la vie possible ; il est en effet doté de telles capacités, voyez-vous. Une fois ce devoir accompli, et avant d'entrer en hibernation, il a terminé par créer trois statues à son image : une de roche, une de glace, et une de métal. Il y a insufflé la vie, et leur a accordé une partie de son pouvoir, afin d'en faire les gardiens de l'équilibre fragile de la nature, à ses balbutiements originels. Une fois assuré de cela, Regigigas a pu se plonger dans un profond sommeil, en laissant la vie de Hoenn – mais supposons toute la vie – aux mains de ces golems. Mais, voyez-vous, les temps géologiques passant, et l'humanité avec, notre développement excessif arriva à un point tel qu'il s'opposa aux intérêts de la nature. Les Golems, en n'accomplissant que ce pour quoi ils furent créés, sont donc entrés en conflit avec les hommes. Je vous passe les mythes des années de guerre ; au final, nos ancêtres ont fini par sceller les Golems dans des Tombeaux, mais au prix de lourdes pertes. Les peuples descendants ont voulu en tirer des leçons, et cela explique la tradition Hoennienne de respect de l'environnement. Cimetronelle, avec ses bâtisses dans les arbres, son mode de vie éco-responsable et son harmonie avec la vie sauvage, en est un parfait exemple.

La dernière phrase sonnait étrangement, comme si elle l'avait sorti d'un quelconque manuel d'enseignement appris par coeur. Il avait fait de plus en plus sombre, et la canopée ne s'était pas densifiée. Le ciel, au-dessus de leur tête, avait grondé ; dans ses bras, il avait sentit Flingouste et sa carapace sursauter, un peu ; et cela, au moment où elle parlait de guerre, pensa Hellébore. Elle poursuivit cependant :

– C'est en travaillant avec la Team Magma que nous avons été éclairés sur cette vérité. Mais ces imbéciles avaient d'autres objectifs, Freddy avait beau protester, ils ne voulaient rien savoir. On a bien voulu aller jusqu'au bout, mais lorsque l'on a fini par être démantelés, ça a été la goutte d'eau qui faisait déborder le vase pour Freddy et nous, vous voyez. Alors on s'est formés, après, puis préparés, pour naître aujourd'hui. Le but de la Team Anima est de mettre la main sur le pouvoir des Golems, afin de rendre à la vie la place qui lui revient.

Ces mots dérangèrent quelque peu le Professeur.

– Comment ça, "la place qui lui revient" ?

La jeune femme rétorqua, en secouant son sweat blanc :

– Ça, ça relève du secret communautaire, Professeur. Si vous voulez savoir, renseignez-vous d'abord comment rejoindre nos rangs.

– Non merci, je m'en passerai.

Il trouva qu'il avait été un peu trop froid et direct sur cette dernière réponse, mais tant pis. Il avait autant d'informations, désormais, qu'il lui fallait tout digérer, remettre en place, analyser, comprendre. Mais, quelques secondes après qu'elle eut fini son discours, il se mit à pleuvoir. Bien que la pluie fut d'abord fine, il tomba rapidement de grosses gouttes, qui venaient s'éclater sur les feuilles et tremper les cheveux ; le ciel gronda une nouvelle fois. Il se mirent à courir, mais cela ne servit à rien. Basile suggéra de s'arrêter, d'attendre au moins que cela cesse. Lydie lui rétorqua que, s'il était déjà venu ici, il saurait que les averses de ce coin de la région ne s'arrêtaient pas de sitôt. Ils finirent malgré tout par s'arrêter.


La pluie avait beau les avoir salement mouillés, la canopée, battue par le déluge, les abritait quelque peu, et Tropius, dans sa grande bonté, abritait un peu ses compagnons avec ses ailes ; il n'était nullement embêté par ce climat, pour sa part. Lydie s'était à nouveau écartée, et, jugeant une branche assez large pour l'abriter, elle se coucha dessous, mit sa capuche, croisa les bras, et ne parla plus. Le jeune homme s'était quant à lui assis contre le grand quadrupède au long cou, et gardait toujours Flingouste dans ses bras ; les antennes de celui-ci tombaient de fatigue, et ses yeux jaunes étaient à demi-clos par le sommeil. Ils se blottirent tous les trois ainsi. Oniglali, non loin, arrêté Flash ; la lumière s'évanouit, tout se retrouva dans une obscurité moite ; le Pokémon se fit un nid de gel avec Laser Glace, et s'y posa. Registeel, qui était un peu à la traîne après cette accélération de la cadence, arriva à cet instant, ses loupiotes rougeoyant dans la nuit, entre les grandes fougères. Basile, en le voyant, lui proposa de venir ; le golem clignota, émit des bips sonores, s'approcha calmement, mais ne vint pas si près que cela. Il rétrécit ses petits piliers de métal, et se reposa sur son socle.

Il ne resta plus rien d'autre que la pluie, les arbres, et la nuit.


En ce qui concernait le jeune homme, il n'arrivait guère à trouver la foi de dormir. Certes, il était installé du mieux qu'il pouvait, mais il pensait que trop de questions l'empêchaient de fermer l'œil. Le petit Lance à Eau s'était assoupi bien vite, et Tropius était dans son milieu naturel ; Oniglali, sentant que son Dresseur n'était pas si bien que ça, gardait un œil ouvert. L'humidité ambiante n'était emporté par aucun vent, et l'averse lourde empesait davantage l'atmosphère collante, faisait refluer les chaleurs imprégnées de la journée. On entendit, à un moment, au loin, le cri d'un Pokémon, une seule fois. Seule la tombée de la pluie, et de temps en temps, le tonnerre, loin au-dessus, craquelaient le silence pesant de la jungle. Cela sentait les plantes, la terre – la terre gorgée d'eau. Le Professeur Hellébore, après avoir plissé le front un long moment, regarda Registeel. La statue avait toujours quelques lumières allumées, et paraissait indifférente à tout ce qui l'entourait. L'humain, qui avait toujours sa sacoche en bandoulière, ouvrit celle-ci, et reprit le Pokédex. La lumière de l'écran l'enveloppa d'un halo, et éclaira vivement sa figure. Des photos, des croquis, et des légendes se succédèrent.

Il y a très longtemps, Registeel fut emprisonné par les hommes. On pense que l'étrange métal qui compose son corps provient d'une autre planète. Des études ont révélé que son corps, plus dur que n'importe quel métal, était creux ; sa source d'alimentation reste un mystère.

Ce fut tout ce qu'il en tira ; le reste, il l'avait déjà entendu. Il regarda à nouveau ce corps de métal, ce coeur noir carapaçonné d'argenté, ces voyants rouges, ces bras tombants – tout à fait immobile. Comment est-ce que cet être pouvait vivre, en étant creux ? Qui dit vie, dit nourriture, mais il ne semblait rien capable d'avaler, ou même d'assimiler, de quelque manière que ce soit. Dit aussi reproduction, et il doutait fortement que cette statue ait quelque moyen d'avoir une descendance. Et tout cela devrait au minimum nécessiter des organes pour... Rah. Le jeune Professeur, les sourcils froncés, se trouvait infiniment contrarié. Si Lydie disait vraie, ce "Regigigas" et son "pouvoir d'insuffler la vie" semblait être la seule explication possible – mais depuis quand les légendes interféraient à ce point avec un phénomène proprement biologique, et donc éminemment scientifique ? Car il en était bien convaincu : la vie était une affaire de courants électriques, de mutations, de multiplication cellulaire, de développement dans le temps. Mais... Cette masse de métal, là, devant lui – elle était l'exemple vivant de la contingence de tous ces éléments. Les organes, la nourriture, la reproduction – peut-être même la relation, puisque ni lui, ni ses Pokémon ne le comprenaient : tous ces éléments de définition étaient absents. Il n'était que l'activité spontanée.

Le Professeur Hellébore, impavide, fixait des yeux confus sur cet être au flegme légendaire, et sur le néant qui se passait – son observation scientifique, cette nuit-là, en était à sa quintessence, et il avait l'impression d'assister à quelque chose.

A un instant, Registeel se tourna vers l'humain. Lui qui se perdait dans ses pensées, miné par un sommeil qui l'avait tout compte fait gagné par nécessité, fut brutalement secoué d'un réflexe en voyant le golem se retourner, et se redressa aussitôt. Le golem clignota, particulièrement lentement, sans bruit ; la cadence rappela à Basile celle d'une guirlande de Noël électrique. Il rit un petit peu, à la fois de cette image, de sa fatigue, de nervosité, et de la situation, sans doute.