Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Les dresseurs de demain de Shaam



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Shaam - Voir le profil
» Créé le 10/10/2014 à 14:09
» Dernière mise à jour le 10/10/2014 à 14:10

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Humour

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
03 - Une cage nommée confort
Vergazon était l'une des plus petites villes de tout Hoenn, un bout de campagne pittoresque qui résistait encore à l'urbanisation. Il était possible d'en faire le tour en une journée et on pouvait sentir que tous les habitants se connaissaient les uns les autres.

Edgar et Nadine avaient pris leur petit déjeuner dans un petit café près du Centre Pokémon. Dubois leur avait donné de quoi payer la consommation - mais sans avoir à débourser de sa poche, les dépenses de ce genre étant couvertes par le ministère de l'éducation. Le professeur avait préféré prendre son petit déjeuner seul pour réfléchir à ce qu'il allait leur faire faire.

Les deux adolescents achetèrent un paquet de croquettes puis se rendirent à un jardin. Ils déversèrent la nourriture dans des gamelles en carton puis sortirent tous leur Pokémon. Ceux-ci s'attelèrent immédiatement à les vider. Scorplane fit preuve d'une voracité hors normes et fut le premier à finir sa gamelle. Le Pokémon Sol et Vol regarda autour de lui avec curiosité tandis que les autres Pokémon poursuivaient calmement leur repas. Edgar observa les Pokémon de sa camarade.

- Elle est sympa ton équipe, dit-il. Tu as déjà un Pokémon qui a atteint son évolution finale. Et un Pokémon spectre aussi, c'est peu courant.
- Merci, répondit simplement Nadine. Ton équipe est très bien aussi...
- Nan, elle n'est pas encore au point, je dois capturer d'autres Pokémon... euuuh, Steve ? Il est passé où ?

Scorplane plongea vers Feuforêve depuis les airs et lui chipa sa gamelle. Le fantôme poussa un cri, surpris et indigné, puis lança une attaque Rayon Gemme qui fit chuter le voleur. Les autres Pokémon observaient la scène d'un œil amusé. Edgar se tourna vers sa camarade qui le regardait en faisant la moue.

- ... Désolé ! Bon sang Steve, tu rentres dans ta Pokéball !

Feuforêve apparut subitement derrière Scorplane et délivra un cri strident qui fit le sursauter. Les personnes présentes dans le jardin public se tournèrent avec étonnement vers la source du vacarme au grand dam de Nadine qui rappela son Pokémon aussitôt.

- Je suppose que maintenant ils sont quittes... dit Edgar.
- Vos Pokémon manquent de discipline... marmonna une voix.

Edgar et Nadine cherchèrent du regard et aperçurent Dubois qui marchait vers eux.

- Salut les jeunes. Le cri de Feuforêve m'a guidé ici.
- Broutilles, broutilles ! s'exclama Edgar. Dites, on va faire quoi aujourd'hui ?
- Vous verrez au moment venu. Allons faire un tour.
- Volontiers !

Les trois arpentèrent les larges avenues de Vergazon où la verdure régnait en maître, contrairement au goudron qui se faisait discret.

- Dites, dites, vous pensez qu'on peut trouver un Croc Rasoir dans un magasin ?
- Certainement pas, c'est le genre d'objets quasi-introuvable dans le commerce.
- Ah bon... même dans le grand centre commercial de Nénucrique ?
- Si on arrive là-bas, tu pourras vérifier.

Edgar allait répliquer mais il sentit quelque chose lui tirer la manche. C'était Nadine et elle secouait la tête pour le dissuader. Le brun accepta en soufflant.
Le groupe atteignit la place centrale du village où une foule s'était rassemblée. Les trois voyageurs se frayèrent un chemin pour voir l'attraction du jour. Un jeune homme avait en face de lui un Cotovol et un Luxray. Le fauve noir et bleu dispersa autour de lui un Champ Electrifié tandis que le pissenlit vivant lança des Spore Coton dans l'air. Luxray poussa un rugissement et souleva le champ électrique à la rencontre des boules de coton flottant en l'air. Chaque boule se décomposa lentement en une multitude d'aigrettes, le tout donnant une vision pittoresque qui enchanta l'assemblée.

- Bien, maintenant Cotogarde !

Cotovol lança une masse de coton sur laquelle bondit Luxray. Ce dernier sauta à nouveau mais au lieu de retomber au sol, une nouvelle masse de coton se forma sous ses pattes. Les deux Pokémon répètent le même procédé plusieurs fois, formant une sorte d'escalier cotonneux qui allait en spirale vers le haut. Cotovol maintenait ses nuages de coton en suspension avec un Vent Féérique.
Luxray resta debout sur le dernier nuage qui descendit lentement au sol. Les villageois applaudirent chaudement la performance du jeune coordinateur, tandis qu'un petit jury formé de trois personnes s'échangeait ses impressions et prenait des notes. Edgar et Nadine étaient subjugués par le spectacle.

- Il n'y a pas de salle de concours ici ? demanda Edgar.
- Apparemment non, répondit Dubois.
- Vous avez l'air de passage, dit un monsieur à côté. La salle de concours a été saisie et vendue il y a quelques mois pour rembourser la dette du propriétaire. L'investisseur qui a racheté le bâtiment en a fait la tente de combat mais ironiquement, c'est loin d'avoir le succès d'une salle de concours.
- En attendant la construction d'une nouvelle salle, ajouta une femme, on organise les concours en plein air. Je dois avouer que ça donne une ambiance particulière !
- Hé, regardez ! annonça un garçon. C'est Timmy !
- Ouais, Timmy est làààà ! s'exclama un enfant.

Un jeune homme aux cheveux verts et soyeux s'avança en saluant la foule. L'un des membres du jury lui signifia de commencer. Timmy prit dans chacune de ses mains une Pokéball et tendit ses bras en avant. Un Vibraninf et un Rosélia sortirent des sphères rouges et blanches. Le Pokémon Plante et Poison se mit à effectuer d'élégants pas de danse en passant près des spectateurs tandis que son camarade Sol et Dragon restait à sa place et diffusait une mélodie simple mais entraînante en faisant vibrer ses ailes. La musique accompagnait harmonieusement la danse et le tout récolta quelques applaudissements.

- Très bien, maintenant passons au vif du sujet ! annonça Timmy. Vibraninf, Draco Météor !

Le Pokémon Vibration leva la tête et cracha une sphère d'énergie qui fusa haut en l'air puis se divisa en plusieurs rochers enrobés d'énergie verdâtre. La foule, y compris Dubois et ses élèves, s'avoua impressionnée.

- Ouaaah !
- C'est beau...
- Ce n'est pas dangereux ?
- Allons, Timmy est un coordinateur confirmé, il maîtrise parfaitement la situation.

En effet, le garçon aux cheveux verts pointa du doigt les météores chutant et ordonna à Rosélia d'utiliser Canon Graine. Le Pokémon Épine acquiesça d'un hochement de tête et tendit ses roses vers le ciel. Les pétales au centre de chaque rose s'écartèrent pour laisser émerger une graine. Rosélia tira une succession de graines fulminantes, chacune se dirigeant vers l'un des météores. Chacun des rochers draconiques fut alors frappé et explosa. Ce faisant des feux d'artifice se produisirent au dessus de la foule éblouie.
Timmy rappela ses Pokémon et se retira auprès des villageois avec qui il se mit à rire et discuter. Un membre du jury prit un micro et toussota.

- Bien, nous avons vu à présent quatre participants... est-ce que quelqu'un d'autre souhaite passer ?

Dubois posa sa main sur l'épaule de Nadine.

- Nadine, ça va être à ton tour.
- Hein ?!
- Tu vas te présenter aux spectateurs et tu vas faire une performance de concours.

La jeune fille sembla blêmir. Dubois s'approcha nonchalamment du jury.

- Je m'appelle Owen Dubois, je suis professeur itinérant. Mon élève, Nadine Ludvina, va vous faire une petite prestation.
- Très bien, je vois. Voyons ce qu'elle a à nous montrer.

Dubois retourna auprès de Nadine qui avait l'air terrorisée. Edgar semblait bien embêté pour elle.

- Je n'ai pas l'intention de devenir coordinatrice !

Elle espérait que cette réponse allait dissuader son professeur mais il n'en fut rien.

- Et alors ? Beaucoup de dresseurs s'essaient aux concours sans pour autant en faire leur profession. Il s'agit de relever de nouveaux défis, de s'élargir l'esprit. Tu seras évaluée sur ta capacité à t'adapter à une situation imprévue, à improviser un tour convaincant. Allez, domine ta peur et éblouis-nous !
- Nous avons un participant plutôt particulier, annonça le membre du jury. Il s'agit d'une jeune fille en plein voyage itinérant, je vous demande d'applaudir mademoiselle Nadine !

Quelques applaudissements retentirent pour encourager la participante. Nadine baissa la tête, n'osant pas affronter le regard de la foule. Elle avança de quelques pas puis regarda devant elle : les gens semblaient intrigués. La brune à lunettes sentit alors une sévère douleur à la poitrine. Elle ne bougea pas durant un bon moment, hésitant sur quel Pokémon utiliser. Finalement elle fit appel à Natasha, sa Feuforêve. Edgar regarda Dubois en souriant.

- J'ai compris, aujourd'hui c'est à son tour d'en chier, n'est-ce pas ?
- Tais-toi, Edgar.

L'adolescent se recentra sur sa camarade. « N'empêche, faire face à un public, c'est un cauchemar pour elle, la fille hyper discrète et introvertie qui ne cherche jamais à attirer l'attention sur elle. Improviser une prestation de concours devant des spectateurs ? Autant demander à un Keunotor d'utiliser Surpuissance ! Mais euh, attends, c'est vrai qu'il peut apprendre cette attaque ! »

- Euh...

Nadine était totalement déboussolée, elle n'avait pas la moindre idée de quelle combinaison d'attaques pourrait produire un joli effet. Le public attendait et le jury soupirait. Tous ces regards ne cessaient de mitrailler la jeune fille qui priait pour qu'un Abra passe et la téléporte ailleurs.
Nadine se mordillait les lèvres, encore un peu et elle se ferait une coupure. Elle sentit une goutte de sueur descendre lentement de sa tempe vers sa joue. Feuforêve attendait un ordre et se retournait par moments vers sa dresseuse, avec un regard lui demandant si ça allait prendre encore du temps.
Dubois avait les bras croisés et les sourcils froncés, clairement peu enchanté par le cours des choses. Edgar ressentait de la peine pour sa camarade. « Allez, fais n'importe quoi mais fais quelque chose au moins ! Ne reste pas plantée comme ça ! »
Certaines personnes se regardaient, interloquées, d'autres s'échangeaient des chuchotements. La plupart observait la pauvre fille d'un air affligé. Le silence ambiant contribuait grandement à la lourdeur de la situation.

Finalement Nadine craqua, elle rappela Feuforêve dans sa Pokéball et partit en courant devant les regards sidérés de tout le monde.

- Putaiiiin... geignit Edgar en se frappant le front.
- Bordel... grommela Dubois.

Il ne s'attendait pas à ce qu'elle éblouisse le public, mais pensait qu'au moins elle essaierait. Dubois partit à la suite de son élève.

- Eh bien, euh... il me semble que notre jeune candidate vient de déclarer forfait. Y a-t-il un autre participant ?

~~~

Edgar et son professeur n'eurent pas à chercher bien longtemps, Vergazon étant trop petite pour y perdre quelqu'un. Ils la trouvèrent, assise sur un banc et en train de s'essuyer les yeux encore embués de larmes. Dubois se demanda pourquoi le Feuforêve de Nadine lévitait en silence à côté d'elle. La brune à lunettes remarqua l'arrivée de son professeur.

- Je... je-je suis... désolée...
- J'accepte tes excuses. Bien entendu, puisque c'était un exercice noté tu as droit à un joli zéro.

Nadine garda le silence et la tête baissée. Elle ne se sentait pas capable de regarder son professeur en face après l'avoir déçu de la sorte. Devant aussi peu de loquacité, Dubois poussa un long soupir puis reprit la parole.

- Tu sais... Timmy, le coordinateur aux cheveux verts, il était plus ou moins comme toi avant.

Nadine leva un peu la tête, intriguée. Edgar écoutait attentivement, caché derrière un arbre car il estimait que sa présence embarrasserait davantage Nadine.

- Il y a quelques années, Timmy était un petit garçon asmathique qui ne sortait pas beaucoup de chez lui. Mais un jour il a décidé de partir seul en voyage - au grand dam de sa famille - pour rassembler les rubans et participer au festival annuel. Evidemment ça n'a pas du être facile pour lui mais il s'est accroché jusqu'au bout. Résultat, il a réussi à arriver jusqu'en finale, après quoi il est devenu très connu à Hoenn. Aujourd'hui c'est un dresseur respecté et la preuve vivante que n'importe qui peut aller loin à condition d'en avoir la volonté. Qui aurait cru qu'un petit gamin malade de Vergazon allait devenir aussi populaire ? Il a déjà fait une couverture de TopDresseur.

Nadine écoutait malgré elle, en continuant à s'essuyer les yeux et à renifler. « Pourquoi il me raconte ça ? Pour que j'aie encore plus honte de moi ?! »

- En plus aujourd'hui il a un Gallame capable de Méga-évoluer. C'est un combattant redoutable dont on ne compte plus les victoires. Tu sais, pour qu'un Pokémon puisse achever la Méga-évolution, il faut qu'il ait un lien très fort avec son dresseur, une cohésion quasi-parfaite.

Dubois s'assit à côté de son élève.

- La personnalité d'un dresseur a une grande influence sur les combats qu'il mène. Que tu sois joueur, impétueux, hardi ou encore posé, ton caractère conditionne ta façon de combattre. Dans ton cas, tu poses un handicap à tes Pokémon. Tu te rappelles encore de mon appréciation d'avant-hier ?

Nadine hésita un moment puis réitéra d'un ton empreint de honte.

- Passive, dissipée et hésitante...
- Exactement. Tant que tu n'auras pas changé cette attitude, je doute qu'après ce voyage tu auras ton diplôme.

Derrière son arbre, Edgar continuait à écouter, lui aussi assommé par le discours du professeur. « La vache... »

- Au fait Nadine, pourquoi es-tu réticente à utiliser les surnoms de tes Pokémon ? Tu sais bien que ça booste leur motivation.

« Ah ouais, bonne question, ça... » pensa Edgar.

Nadine leva enfin la tête vers Dubois et comprit qu'elle n'allait pas pouvoir ne pas répondre.

- Eh bien...

~~~

- Leïla ? Quel surnom débile !
- C'est mimi à en vomir !!
- Et pourquoi pas Marie-Claire tant qu'on y est ? Hahaha !

Les trois filles ricanèrent devant une Nadine outrée. C'était peu après la remise des Pokémon académiques.

- Non j'ai mieux : Géraldine !
- De toute façon les surnoms c'est tellement démodé !

La fillette de dix ans aurait pu se mettre en colère, rétorquer sèchement ou encore les défier en combat, mais à la place elle baissa la tête.

- Laissez-moi tranquille... dit-elle faiblement.
- Heeein ? Répète pour voir, je t'ai pas bien entendue !

Nadine attendait l'arrivée de quelqu'un pour la tirer de cette situation mais personne ne se montra, pas un ou une camarade de classe, encore moins un professeur, CPE ou autre adulte. Une fois les trois filles parties, Nadine essaya de retenir ses larmes mais sans succès.
A la fin des cours, sa mère arriva à l'école pour la raccompagner chez elle.

- Alors Nadine, comment s'est passée ta journée ?
- Comme d'habitude. Normale.
- Ah bon ? Tant mieux. Devine ce que je t'ai préparé à la maison ?

La petite brune avait trop honte pour raconter à sa mère ce qui s'était passé.


~~~

La cloche sonna pour marquer la fin de la récréation du matin. Nadine s'apprêtait à prendre le chemin de sa classe quand quelque chose lui tomba sur la tête. Sa tête et ses épaules étaient couvertes de farine.
Elle leva la tête vers l'allée de l'étage supérieur, juste au dessus d'elle, mais ne trouva personne, les malfaiteurs s'étant éclipsés à temps. Nadine remarqua que nombre d'élèves dans la cour la fixaient avec un regard désolé pour certains et amusé pour d'autres. La fillette se rua vers les toilettes pour se laver la tête.


~~~

Le Brouhaha de Korillon retentit dans toute la salle. Les élèves - y compris le dresseur de la créature - durent se boucher les oreilles pour supporter le vacarme engendré par le petit Pokémon jaune. En face, le Zigzaton adverse ne put résister davantage et s'écroula, marquant ainsi la fin du match. Le professeur réajusta ses lunettes et donna son verdict.

- C'était plutôt... impressionnant, mais Martin tu pourrais faire preuve d'originalité et utiliser d'autres attaques, surtout quand on est dans un endroit fermé ? Tu ne pourras pas gagner tous tes combats avec Brouhaha. Et toi Maurice, on ne peut pas trop en vouloir à ton Zigzaton d'avoir succombé. Mais que ça te serve de leçon : il est bon de frapper avant d'être frappé. Allez, retournez à vos places. Bon... le combat suivant va opposer, voyons voir... Nadine Ludvina...

Laquelle se leva de sa place. Elle sentit qu'un mauvais moment l'attendait : non seulement elle ne portait pas les combats dans son cœur, mais en plus le fait que ça se fasse devant toute la classe renforçait le sentiment désagréable dans sa poitrine.

- et... Sara Melvin !

Nadine s'étonna, c'était l'une des trois pestes qui l'embêtaient occasionnellement. La dénommée Sara ricana avec ses copines puis adressa un sourire vicieux à son adversaire.

- Comme on se retrouve, Nadine ! dit-elle une fois arrivée au terrain de combat.

Cette dernière ne répondit pas et fit appel à l'unique Pokémon qu'elle possédait, Wattouat. Quant à Sara, elle sortit un Sabelette visiblement aussi agressif qu'elle.

- Commencez, déclara le professeur.
- Sabelette, dégomme ton ennemi ! Dard Venin !

Le petit pangolin cracha une dizaine d'aiguilles qui parvinrent à atteindre la peau couverte de laine pour y injecter du poison.

- Leïla... marmonna Nadine.
- Continue avec Roulade !

Sabelette se mit en boule et fonça pour frapper son adversaire. La brebis eut droit à plusieurs coups ce qui la fit bêler de douleur. Entre temps le poison continua à faire son effet. Le désarroi se faisait déjà flagrant sur le visage de Nadine.

- Euh... utilise Eclair !

La décharge électrique partit mais Sabelette se fit un plaisir de la recevoir, chose dont Nadine s'étonna.

- Bah quoi, tu savais même pas que Sabelette est de type Sol ? grommela Sara.

La petite brune à lunettes ne trouva rien à dire. Son regard croisa celui du professeur qui semblait embêté. Nadine tourna la tête à sa gauche. Certains élèves observaient attentivement la scène, d'autres se chuchotaient, quelques uns semblaient même rigoler entre eux. Nadine ne put supporter cette multitude de regards rivés sur elle et ramena sa vision sur le terrain de combat où Leïla continuait de subir l'attaque Roulade.

- Ludvina, réagis un peu, bon sang ! maugréa l'enseignant.
- Euh... Ch, charge !

Les pattes de Leïla flageolèrent et elle s'étala au sol, à bout de forces. Le professeur arrêta le combat avant que Sabelette ne porte un autre coup.

- Pff, trop facile ! fit Sara en retournant à son pupitre. C'est même pas amusant.
- Inutile de te dire que je suis déçu, Ludvina !

Nadine rappela son Pokémon et retourna à sa place en silence. Tout en fixant la table, elle sentait encore des regards autour d'elle.
Les jours suivants, elle abandonna les tables au milieu de la classe où elle avait l'habitude de prendre place et s'abrita aux derniers rangs, en compagnie de deux filles débonnaires avec qui elle se lia d'amitié. De manière générale, et sans trop s'en rendre compte, Nadine adopta la discrétion comme mode de vie.


~~~

- On... on se moquait souvent de mes surnoms... avoua Nadine. Du coup... j'ai perdu l'habitude de les appeler ainsi.
- Ecoute, il...

Dubois fut interrompu par un cri strident. Nadine sursauta alors que son professeur semblait à peine surpris. Il se retourna vers Feuforêve qui était étonnée de constater l'échec de sa farce.

- Ah, pardon monsieur !
- Ca va, les Feuforêve sont connus pour ça, je m'y attendais un peu.
- Elle aime bien ce genre de farces...
- Natasha, tu veux dire ?

Nadine hocha mollement la tête.

- Au fait, pourquoi tu l'as ressortie ?
- Euh... comme ça !
- Tu es sûre ?

Nadine comprit alors que Dubois avait compris lui aussi. La brune ne put que détourner le regard en se mordillant les lèvres.

~~~

Nadine pleurait en cachette dans le balcon chez elle. Des soi-disant camarades de classe s'en étaient encore pris à elle durant la journée. La fillette essayait de ne pas faire trop de bruit pour ne pas attirer l'attention de sa mère.
Un Feuforêve s'approcha en silence de la petite humaine et la scruta de ses yeux jaunes aux iris rouges. La grosse perle au milieu de son collier se mit à luire. Les émotions négatives de Nadine prirent la forme d'une petite fumée noire au dessus de sa tête. La sombre émanation fut alors aspirée par le joyau de Feuforêve qui s'en délecta.

Nadine aperçut enfin la créature spectrale et étouffa un cri. Le Pokémon ricana et disparut dans l'obscurité de la nuit.
Feuforêve revint chez Nadine la nuit d'après pour la même raison : se régaler. Cela devint une habitude régulière. Nadine appréciait les visites du petit fantôme, elle se sentait étrangement bien en sa compagnie. Ce qu'elle ne savait pas encore, c'était que Feuforêve la vidait de ses peurs et tourments intérieurs. Elle n'allait en prendre conscience que quelques années plus tard, en faisant des recherches pour un devoir portant sur les Pokémon de type Spectre.


~~~

- Je pense ne pas me tromper en supposant que tu fais ça souvent.

Nadine maintint le silence, honteuse.

- Je ne vais pas te l'interdire mais laisse-moi te dire que ça ne résout rien. Le confort n'est pas la solution.

Dubois réajusta sa casquette et se leva.

- Allez debout, on a quelque chose à faire. Edgar ! Tu comptes rester caché encore longtemps ?

Nadine s'étonna, elle n'avait guère fait attention à l'absence de son camarade. Lequel émergea de sa cachette.

- Euh, salut... dit-il avec embarras.

Les trois avancèrent à travers le parc jusqu'à un terrain spécialement aménagé pour les matchs de dresseurs. Edgar crut comprendre.

- J'ai compris, ça va être moi contre elle, match retour ?
- Tu n'y es pas, répondit Dubois. C'est moi que Nadine va affronter.

Edgar lança un regard interloqué à sa camarade et la trouva encore plus étonnée que lui.

- Moi ? Mais, monsieur... vous êtes trop fort pour moi...
- Captain Obvious a un nouveau disciple... marmonna Edgar.
- Ca ira, je vais y aller mollo, dit Dubois. Sors ton Wattouat.

Nadine s'exécuta à contrecœur. La mignonne brebis sortit de sa Pokéball.

- Elle s'appelle comment, déjà ?
- Leïla.
- Leïla, hein ? Joli surnom.

Nadine leva la tête en direction de son professeur itinérant, étonnée. La fille ne se rappelait pas de la dernière fois où on lui avait dit quelque chose de pareil.

- Merci...
- Quant à moi je vous présente à nouveau mon Tortank. Son nom est Cliff.

L'imposante tortue des mers fit son entrée et observa son adversaire du jour. Etant le Pokémon d'un enseignant, il était habitué à s'occuper de Pokémon plus ou moins jeunes et petits. La femelle Wattouat fut frappée de frayeur en découvrant son opposant et partit se cacher derrière les jambes de sa dresseuse tout en tremblotant. Elle poussa de petits cris indiquant qu'elle n'avait nullement envie de recevoir une rude correction. Nadine ressentait le même malaise, elle n'avait jamais eu affaire à un Pokémon aussi intimidant.

- Rassure-là, signifia Dubois. Montre-lui que tu comptes sur elle.

Nadine s'accroupit et frotta la laine de Wattouat sans grande conviction.

- Fais de ton mieux, Leïla... je sais que c'est dur, mais...

Wattouat se résigna à son sort et se plaça devant sa dresseuse. Edgar improvisa le rôle d'arbitre.

- Vous êtes prêts ? Commencez !
- Pistolet à O.

Tortank dirigea l'un de ses canons vers sa cible et tira. Wattouat se prit une bonne douche avant même de penser à esquiver.

- Allez, arrête de subir et montre-moi ce que tu as dans le ventre ! grommela Dubois.
- ... Attaque Eclair !

La décharge électrique partit, cependant Cliff leva un bras et la bloqua avec une facilité déconcertante. Wattouat recula de quelques pas, clairement terrifiée.
A l'étonnement de Dubois et Edgar, Nadine ressortit sa Pokéball et tendit un bras tremblant vers son Pokémon.

- Meuf, arrête... marmonna Edgar.
- Tu vas encore fuir ? fit Dubois.

Nadine grimaça, frappée par la question. Elle baissa le bras mais sans ranger sa Pokéball pour autant.

- Reste là. Si tu rappelle Leïla dans sa Pokéball, je te colle un autre zéro. Et pour info, un élève qui cumule trop de zéros dans ses exercices ne passera même pas les examens à la fin du voyage. Tu seras renvoyée chez toi et tout le monde se moquera de toi.

Nadine semblait exténuée, elle en avait déjà plus qu'assez. Dans ce genre de situations elle n'avait qu'une envie : disparaître, cesser d'exister. N'importe quoi pourvu que cela cesse.

- Arrêtez... laissez-moi tranquille.
- Je ne te lâcherai pas avant que tu mènes un combat honorable. Je veux revoir la Nadine qui a battu Edgar, pas la gamine pleurnicharde que j'ai en face de moi.
- Vous trouvez pas que vous en faites trop ?

Dubois se tourna vers Edgar qui avançait vers lui à pas fermes, les mains dans les poches et le regard songeur. Nadine était surprise et un peu soulagée aussi.

- On défend sa copine, hein ?
- Nan, on n'est pas vraiment copains. Je veux juste dire ce que je pense. Et ce que je pense c'est que vous avez le droit de nous montrer nos défauts et erreurs, j'avoue c'est même censé être votre rôle, mais ce que vous lui faites là c'est de la torture.

Dubois se retint d'hausser les sourcils. « Il a raison... »
Néanmoins l'homme était trop fier pour le dire.

- Tu veux un zéro toi aussi ?
- Je m'en moque, ça ne prouve pas que j'ai tort.

Edgar soutint le regard de son professeur. Ce dernier supportait difficilement qu'on lui tienne tête.

- Leïla...

Dubois et Edgar se tournèrent vers Nadine. Visiblement elle avait rangé sa Pokéball. La tension qui était en train de croître s'évapora, la brune venait de sortir Edgar d'une joute dangereuse et Dubois d'une fureur imminente.

- Utilise... Cage-Eclair.

La brebis s'arma de courage et attaqua Tortank en envoyant des rayons électriques.

- Monsieur, je... je vais essayer de faire de mon mieux. Désolée.
- C'est pas trop tôt, souffla l'adulte. Ok, Cliff est paralysé. Et maintenant ?
- Maintenant... Chargeur !

Leïla s'enveloppa dans une large sphère d'électricité. Ladite sphère se mit à rapetisser jusqu'à disparaître totalement. Cependant Dubois ne comptait pas observer passivement et ordonna à Tortank d'exécuter Luminocanon. Toutefois l'immense tortue des mers ne fit rien en raison de la paralysie qui se manifestait par de petites étincelles parcourant son corps. Nadine saisit cette occasion et ordonna de suite l'attaque Eclair ; Wattouat déploya une décharge électrique massive. Tortank parut assez endolori.

- Mais c'est qu'elle assure grave quand elle veut... s'étonna Edgar.
- Pas mal, pas mal, sourit Dubois. Tu vois que tu peux le faire quand tu le veux. Cliff, Aqua Jet !

Tortank s'enveloppa dans de l'eau et se propulsa à une vitesse affolante. L'instinct de survie poussa Wattouat à déguerpir avant de recevoir la charge radicale.
Nadine souffla de soulagement. « La force de cette attaque l'aurait surement mis KO »
Edgar sourit. « Badass... il me faut un Pokémon comme ça ! »

- D'accord, elle a esquivé.
- Leïla, utilise... Leïla ?

La femelle Wattouat se mit à briller intensément. Tous comprirent ce qui se produisait.

- Jackpot ! s'exclama Edgar.
- Hmmm... voilà qui est inattendu... commenta Dubois.

Leïla devint une belle Lainergie. Nadine était bouche bée devant cette tournure.

- Cliff, Luminocanon !

Tortank tira un puissant rayon argenté, toutefois Lainergie déploya une Cotogarde de bonne taille. Le grand coussin de coton retint modérément la puissance du rayon et se déchira ; Lainergie reçut une partie du tir et recula.

- Cotogarde, une bonne addition à son moveset... Luminocanon, encore !
- Eclair, Leïla !

La décharge électrique partit et, à l'étonnement général, détourna le rayon argenté vers le ciel. Cependant Tortank fonça vers Lainergie pour la frapper avec une attaque Psykoud'boule. Lainergie parvint à réduire l'impact en déployant une Cotogarde au dernier moment. La brebis rose s'écroula au sol, durement atteinte mais pas encore KO. Dubois rappela Cliff et sortit son fidèle bloc-notes pour passer en revue le combat.

- C'était pas mal. L'Electricité résiste à l'Acier, en plus tu as bénéficié du boost donné par Chargeur et de la puissance résultant de l'évolution. Pas si étonnant que mon Luminocanon, à défaut d'être neutralisé, soit mis hors de portée.

Nadine écoutait tout en caressant Lainergie.

- Dorénavant à chaque combat que tu mèneras, tu devras appeler ton Pokémon par son surnom au moins trois fois. Me suis-je fait bien comprendre ?
- Oui monsieur.
- Tu n'iras pas loin dans la vie avec une telle attitude. Il est grand temps pour toi de te remettre en question.
- Monsieur ! dit Edgar. J'ai le droit de dire une ânerie ?

Dubois haussa un sourcil.

- Normalement non mais vas-y.
- Est-ce qu'il y a une augmentation pour les profs qui font de l'assistance sociale ?

Dubois sentit un rire venir en lui mais il le contint et esquissa un léger sourire.

- Très drôle.

C'était dit sincèrement dit mais Edgar le prit pour de l'ironie.

- On va rester à Vergazon pour le reste de la semaine. En fait, dimanche prochain vous aurez un contrôle continu à passer à l'académie locale. En attendant on va entamer le programme d'entrainement sans négliger la théorie pour autant. Bon, on y va.

Le trio quitta le parc, chacun vaquant à ses pensées.

« Ce prof commence déjà à nous cerner, comme s'il nous connaissait depuis longtemps. Pourtant on n'est avec lui que depuis quelques jours... »
« Et dire que je pensais être une bonne élève... ça va être comme ça, chaque jour ? »
« Je n'arrive pas à m'en empêcher, peut-être qu'ils me haïssent déjà mais je dois les secouer. Ils ne peuvent pas continuer dans cet état... »

- Hey !

Edgar s'approcha de Nadine. Dubois marchait devant et était suffisamment éloigné pour ne pas entendre une discussion à voix basse.

- Ecoute, on va faire un deal. Tout ce qui t'est arrivé aujourd'hui, et tout ce qui t'arrivera de compromettant durant ces trois mois, je ne le dirai à personne. Ca restera entre nous. Quand on retrouvera nos camarades de classes, ma bouche sera parfaitement cousue. Ca marche ?

Nadine était embarrassée mais aussi intéressée par cette proposition.

- Et en contrepartie ?
- Bah la même chose, mais de ton côté. Tu ne racontes rien sur moi à quiconque, comme ça on est tranquilles tous les deux.
- D'accord, ça marche. Mais ça n'empêche que...
- Que ?

Nadine chercha ses mots comme on chercherait un Barpau chromatique.

- Enfin... ça reste embarrassant pour moi que... que tu sois là, pendant que le prof...
- Le prof aime bien faire chier son monde, et je ne pense pas qu'on puisse le changer. Ce qui se passe dans ce voyage reste dans ce voyage.
- Très bien...

Edgar lui pinça les narines sans trop serrer et les agita de gauche à droite. Nadine se libéra en reculant et regarda son camarade, éberluée. Edgar éclata de rire.

- Tu devrais sourire plus souvent, tu sais ?

Edgar la dépassa et marcha joyeusement à côté de Dubois. Nadine contempla le ciel en hochant doucement la tête.