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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 03/08/2012 à 20:40
» Dernière mise à jour le 02/07/2014 à 20:30

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XVIII - La Voie de la Raison
- T'as faim ?

- C'est quoi cette question à deux Pokés, Drak ?

- Oh, ça va, j'me permets de faire un peu d'ironie.

- J'vois pas comment t'arrive à faire de l'ironie dans un moment pareil.

- J'vois pas pourquoi j'en ferais pas !

- J'EN SAIS RIEN MOI, PEUT-ÊTRE PARCE QU'ON EST TOUS LES QUATRE COMPRIMÉS COMME DES MAGICARPE EN BOÎTE DANS UNE SORTE DE TUYAU VISQUEUX QUI SCHLINGUE ET QU'ON N'Y VOIT QUE DALLE ?!

- Si tu veux mon avis à propos de ce "tuyau visqueux", je crois qu'on est dans un de ses organes digestifs ou...

- JE M'EN PASSERAIS BIEN, DE TON AVIS !

- Oh, ça va !

Le pire, c'est qu'il faisait chaud et humide. EN ADDITIONNANT TOUTES LES MERDES QUE JE ME TAPE DEPUIS TROIS PUTAINS DE FUCKING JOURS SEULEMENT. Bon. Fallait que je me calme. M'asticoter dans tous les sens et crier "POURQUOI ?! GUEUHEUHEUHEU !" n'allait pas arranger les choses. Si cet emmerdeur de Destin a voulu que j'me retrouve là, et bien j'assume. Je devais rester zen, avant tout. Je voulus prendre une profonde inspiration, mais je m'étouffais à moitié lors de l'inhalation de la touffeur collante et putride de l'intérieur des viscères d'un gros Pokémon inconnu. Je toussai fortement, et la violence de la quinte enraya un mal de crâne chiant. Je gémis de douleur et de désespoir... Enfin, je veux dire, de douleur seulement. Et puis fallait pas que je lâche le bout de Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus que je tenais fermement entre mes griffes, vu que la vie de Fire en dépendait... Les Ramoloss, eux, couinaient toujours, eux aussi concassés dans la même pâtée pour bestiole que l'on était. J'étais plaqué contre le ventre écailleux et (TRÈS) rugueux du Drakkarmin et sa Peau Dure m'éraflant presque ; sa tête levée, j'avais la mienne collée à son larynx aussi agréable qu'un mur de ciment. Sa voix rauque se fit de nouveau entendre ; je sentais ses cordes vocales trembler contre mon museau tellement nous étions serrés les uns contre les autres :

- Et... T'as une idée pour nous sortir d'ici, ou...

Je rétorquai :

- J'ai toujours une idée pour nous sortir de la mouise ! Avec de l'expérience...

- Hm hm. Et... Quelle est-elle, cette idée ?

- On attend ! souris-je du mieux que je pus.

Vu que le silence de mort était revenu dans le noir intestinal, je compris bien qu'il ne me prenait pas au sérieux.

- Tu veux dire... Que...

- Sans doute.

- MAIS, MAIS, MAIS...

Il commençait à stresser un peu. J'le comprends.

- Mais quoi ?

- MAIS, MAIS... continuait-il de flipper, cherchant un excuse ou autre chose pour éviter ça. T'as pensé au fait qu'on pouvait être autre part ?

- Si tu veux mon avis, vu le manque de courant d'air et la FANTASTIQUE odeur épaisse de chaleur, je ne me trompe pas.

- MAIS, MAIS... On doit être digéré, avant, nan ?

- J'en sais rien. Normalement, ouais. Mais p'têt qu'on a loupé des étapes dans notre chute, vu comment on a été gobés, en plus de tomber droit en verticale dans l'œsophage direct. Ou pas. Et, vu que je suis couvert de plumes, toi d'écailles, et les Ramoloss... Bon, on s'en fout des Ramoloss ; mais pour nous deux, vu qu'on est couverts de choses pas trop nutritives à mon avis, on peut être considérés comme pas assimilables. Et, vu qu'on a emporté les Ramoloss avec nous... Enfin, j'dis ça, j'dis rien.

- Arrête de dire des conneries ! rugit-il. Si on fait pas autre chose, on va se faire attaquer par des acides gastriques ou je ne sais quoi...

Je renchéris aussitôt :

- Quoi ? Tu veux faire quoi d'autre ? Vu qu'on peut pas bouger la moindre griffe... On a plus qu'à attendre de se faire éliminer naturellement.

- MAIS J'AI PAS ENVIE ! s'écria-t-il.

- JE PENSE PAS QUE BEAUCOUP DE MONDE SUR CETTE PUTAIN DE PLANÈTE AURAIT ENVIE, SI TU VEUX MON AVIS !

- On peut pas essayer de lui parler ?

Allons bon.

- C'est l'idée la plus débile qu'il soit, si tu veux mon avis.

- C'est un Pokémon, nan ? J'vois pas ce qu'il y a de débile !

- Je pense qu'en plus il nous aurait déjà entendus. Et même s'il nous a déjà entendus... JE PENSE PAS QU'IL RÉPONDRAIT A SON SYSTÈME DIGESTIF.

- On veut juste rentrer chez nous pour sauver un ami ! s'écria soudain le Pokémon Caverne, faisant retentir ses paroles dans le conduit. On veut faire de mal à personne ! Laissez-nous sortir !

Je soupirai devant tant d'énergie bêtement gâchée :

- De un, il nous entend pas, de deux, il nous a bouffé délibérément et je ne pense que tu aurais fait pareil si t'avais un Poichigeon en face de toi à l'heure qu'il est, et de trois, il doit s'en foutre complètement. Donc gaspille pas ta salive, et patiente sagement que ce truc décide d'aller voir Hortense.

- Hein ?

- D'aller chier.

- Ah.

- Voilà.

- Mais... Y a pas une autre sortie que ÇA ?

J'assurai, avec un haussement d'épaules (impossible à cause de la compression) :

- C'est la voie la plus raisonnable, si tu veux mon avis.

Il fit un soupir de résignation. Ah, les débutants en la matière. Il sera habitué, à force.

- Bon. Magnifique. Y aurait pas un moyen d'accélérer le processus ? Histoire qu'on s'en sorte le plus rapidement et d'en avoir fini avec ça.

- Bah... Je suis pas trop un spécialiste en la matière, hein, rappelai-je au cas où il m'aurait pris pour un scientifique. J'fais plus dans l'Histoire qu'autre chose.

- Mais là, il nous faut autre chose ! FAUT FAIRE QUELQUE CHOSE !

- UNE AUTRE IDÉE J'AI !

- Bah vas-y, continua-t-il, blasé.

- Si on se remue assez, peut-être que ça va le forcer à nous... Heu... Éjecter ?

- Ouah. Génial, poursuivit-il sur le même ton amical.

- Vraiment ?

- Bien sûr...

Puis, en gueulant :

- T'AS TROUVE ÇA TOUT SEUL ?!

- On fait avec ce qu'on a ! Allez, hop ! On se bouge !

On commença alors à s'agiter dans le cylindre de plusieurs mètres. J'avais l'impression de remuer contre une paroi faite d'un gluant ballon géant rempli d'eau. On se secouait les pattes, les ailes, et tout se qu'on pouvait. Mais fallait faire gaffe à ce qui pouvait trancher et piquer, pour pas abîmer l'intestin du gros truc non plus. J'dis pas ça pour ne pas le blesser, j'dis ça pour ne pas qu'on meurent dans une hémorragie interne. Guaweuah. Donc on gigotait comme on pouvait ; on entendit des gargouillis et ressentit des remous.

- Ah, je crois que ça marche ! On continue !

Vu la classe internationale avec laquelle on se démerdait en bougeant les reins, on aurait dû être primé premiers mondiaux à tous les concours de danse imaginables (<= ironie). Soudain, je sentis un truc me couler sur la tête. Vu le lieu dans lequel on se trouvait, j'eus PEUR. Je criai, bougeant toujours de tout mon corps :

- Drak ! T'as pas un truc qui te coule dessus ?

- Heu... Noon...




[...]




- C'EST QUOI QUI ME PISSE DESSUS, ALORS ?!

- MAIS C'EST PAS MOI !

- J'ESPÈRE BIEN ! beuglai-je en me déboîtant les épaules déplumées que je devais avoir, toujours arrosé étrangement.

Le pire, c'est que je devais fermer la bouche pour pas en bouffer. Yêêêuuurrk. En pleine action, Drak se rendit soudain compte, dans un balbutiement désolé :

- Ah, je... Je crois savoir ce qui te tombe dessus...

- QUOI ?

- Heu... J'ai une griffe au-dessus de ton crâne que j'arrive pas à retirer... J'crois que j'me suis planté. 'Fin, qu'elle s'est plantée.




O_o




AH NON. PAS ÇA.

- AAAAAAAAAAAHHH ! FAUT QU'ON SORTE DE LÀ !

Notre petit groupe perpétra ses gesticulations hasardeuses, encore plus hargneuses, pendant que je chialai à moitié, ne voulant pas crever d'une hémorragie en étant la propre source de cette dernière. ON ÉTAIT FRANCHEMENT BIEN, LÀ. Jusqu'à ce que les gargouillis redoublent d'intensité et que les remous deviennent contractions musculaires sur la paroi du tube. On entendit un cruel grondement qui se réverbéra dans tout l'intestin. Il devait avoir putain de mal. Les mouvements rétrécissant et agrandissant successivement la lumière de l'organe, nous nous sentîmes poussés vers le fond, glissant sur la matière sirupeuse qui recouvrait la paroi intérieure et en en emportant de plus en plus sur notre chemin obscur : autant le dire franchement, on était en train de se couvrir de déjections d'une titanesque bestiole aquatique méconnue, en ajoutant d'autres liquides et solides plus ou moins confondus dans la même mélasse. C'ÉTAIT VACHEMENT DÉGUEU, mais bon, au point où on en était, y avait pas grand-chose d'autre à faire. Drak me grogna bruyamment, à un moment, qu'il avait dû forcer, mais que sa griffe était libre. Je hurlai :

- TU VEUX ME DIRE QUE DEPUIS QU'ON A COMMENCÉ A DESCENDRE, TU LUI AS OUVERT LE BIDE DE L'INTÉRIEUR ?!

- AH, ÇA VA, HEIN ! IL AVAIT PAS QU'A NOUS BOUFFER ! DÉJÀ QUE JE L'AI RETIRÉE !

Un autre hurlement de la part de la bestiole. Bordel de putain de merde de... Au bout de quelques secondes de descente plus ou moins rapide, les gargouillis redoublèrent, les contractions étaient à la limite de nous faire fusionner en un, et les cris de douleur de la bestiole redoublèrent. Pire que tout, j'avais l'impression que TOUT sombrait lentement. Fallait vraiment se grouiller. A notre plus grand malheur (ou bonheur, c'est suivant le point de vue), l'atmosphère ambiante d'approche de la porte de sortie n'alla pas en s'améliorant ; je réussis, dans ce tumulte vraiment poisseux de confiture intestinale et fortement nauséabond, à trouver la foi de crier au Ramoloss de se préparer à une Plongée imminente, avant qu'une vive pression nous expulse et nous libère soudain dans un puissant jet de bulles pas remplies d'oxygène et de matières dont je ne tairai pas la viscosité répugnante, le tout accompagné d'un rugissement tonitruant. Retenant ma respiration comme je pus et fermant les yeux, je me sentis plonger puis l'oppression en tous points de la pression aquatique fit son insupportable effet... avant qu'une masse molle mais musclée m'emporte en me poussant avec force. Les effets des tonnes d'eau que nous nous prenions sur l'anatomie cessèrent soudain et j'osai pour ma part reprendre ma respiration en essayant de rester le plus calme possible : mon Ramoloss me portait avec le fameux don pratique de l'attaque Plongée. Mes premiers mots toussés voire régurgités furent d'appeler Drak, et j'eus une réponse rassurante qui me suivait dans notre nage. On était sortis, et qui plus est ramenés vers la surface par nos bouteilles de survie vivantes, se mouvant efficacement dans l'encre océanique.

- J'arrive pas à croire qu'on s'en soit tirés ! lança Drak.

Fiou. Maintenant, j'avais peur de voir mon état.

- Maintenant, faut ramener ce maudit corail ! criai-je à l'aveugle, empoignant toujours victorieusement le bout de roche vivante immaculée.

Soudain, il me sembla entendre un choc sourd, absorbé par les milliers de tonnes d'eau environnantes. Suivi aussitôt d'un écho sourd et grave, véritable résonance de baryton des profondeurs abyssales.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? entendis-je crier Drak. Tu crois que le truc est...

- Je veux pas le savoir ! piaillai-je. On rentre, c'est tout ! Plus vite, les Ramoloss ! Come back à vitesse maximale ! Mais on ralentit si on atteint l'altitude zéro cette fois !

Et nous remontâmes aussitôt en se sentant de plus en plus léger, les échos de Pokémon gigantesque et les coups étouffés s'atténuant jusqu'à leur extinction complète. Mon Dieu, que je voulais rentrer.


On ne va pas s'attarder sur des choses qui n'en valent pas la peine. Si on ne voit strictement rien d'autre que la pénombre océanique voilée par la faiblarde et pâlichonne lueur lunaire pendant dix minutes dans une sorte de suspension entre deux eaux qui nous fait aller de l'avant, ça ne vaut pas la peine qu'on en fasse un paragraphe entier. A un moment comme un autre à mon avis, je me sentis m'enfoncer et descendre diable de rapidement, preuve que le Ramoloss avait atteint l'espèce de falaise aux cratères chelous. La voix de Drak (qui me répondait de temps à autre, histoire qu'on se rende bien compte que l'autre ne s'est pas fait bouffer entre deux battements de pattes) me suivait toujours ; et c'était tant mieux. Nous plongeâmes donc plus profondément, pendant un long, assez long moment. La poussée à l'horizontale se refit sentir soudain ; et, au loin, il me sembla percevoir des rayons colorés. Pas blancs et froids comme ceux réfléchis par notre satellite, mais orangés et chaleureux, signe qu'on parvenait à l'entrée de la caverne-plage privée de Lugia, éclairée par les torches. On y arriva vite fait, on sortit de l'eau (et put retrouver la terre ferme et l'air "libre") vite fait, les Ramoloss repartirent vite fait, et on se précipita immédiatement sur le corps étendu du Dracaufeu, la tête posée contre un mur rocheux couvert d'algues. Shaymin, elle, sembla à peine remarquer notre retour, roulée en boule d'herbe sur le côté et PROFITANT D'UN REPOS PAS MÉRITÉ PENDANT QUE CERTAINS SE CASSAIENT LE CUL A AIDER LES AMIS.

- Fire ! Fire !

Le Pokémon Flamme était toujours dans un espèce de sommeil cauchemardesque, les yeux fermés, inerte, et comme crispé par un atroce songe. Sa queue... Seule l'étincelle d'un briquet luisait autant que ce qui résistait vaillamment au bout de l'appendice.

- Faut réduire le corail en poudre et le mélanger avec... Heu... Pleins de trucs, selon Lugia, songea Drak, perturbé par le flou des indications NULLES que le Gardien des Abysses nous avait données avant notre plongée.

Je brandis le corail en mode vainqueur de l'extrême avec mon aile dégoûtante d'excréments blanchâtres et aux nuances de rouge laissées par le sang, et je m'apprêtai à le fracasser contre un rocher à proximité quand je remarquai que quelque chose manquait. Je tournai ma tête d'emplumé dans tous les sens : y avait que nous, dans la grande caverne de la Voix de la Raison.

- Il est où Lugia ? demandai-je, au cas où Shaymin serait au courant de quelque chose.

Elle fit mine de se réveiller d'un sommeil de cent ans, s'étirer, se lisser le gazon, s'épousseter la fleur et reprendre ses esprits avant de tourner sa frimousse en gémissant, les paupières tombantes :

- Mmmh ?

- OU. EST. LUGIA ? articulai-je en haussant le ton, les yeux grands comme des billes d'impatience.

- *bâille* J'en sais... *bâille* trop rien... *bâille* Si mes souvenirs... sont exacts... *bâille* je crois qu'il m'a lancé qu'il... *bâille* était parti chercher à manger... *bâille*

Devant l'extraordinaire coopération du buisson à pattes (qui se remit en boule aussitôt), je ne pus qu'être étonné d'un tel effort de prononciation. Maintenant, la question était : quand est-ce que le grand oiseau allait revenir pour nous aider à soigner Fire, et POURQUOI EST-CE QU'IL ETAIT PARTI CHERCHER A BOUFFER DANS UN MOMENT PAREIL.


Remarquez, ce qui est bien avec les Pokémon Légendaires, c'est qu'ils sont souvent rapides. Pour quoi que ce soit. Bon, parfois, ça a ses inconvénients, mais quand il s'agit de sauver le monde, c'est souvent utile. Après quelques courtes minutes d'attente à gratter sol de sa griffe pour Drak et à me ronger les miennes avant de me rendre compte qu'elles avaient un goût dégueu, une agitation frémissante se fit percevoir à la surface du point d'eau, puis Lugia se la péta en sortant d'un tournoiement classe, étendant ses grandes ailes au final, envoyant valser des millions de gouttelettes scintillantes pour faire un effet apparition magique cheap (merci le haut plafond). Comme j'étais un peu anxieux pour mon pote et que j'avais rien à battre des effets spéciaux, ça ne me surprit guère. Le truc qui m'étonna, c'est quand je remarquai qu'il tenait entre ses costaudes pattes arrières une GIGA tranche ronde et saignante, qu'il balança sans réels scrupules sur le sol sablé de la grotte, en ayant tout de même l'amabilité d'éviter de nous l'envoyer à la tronche. Le disque monumental s'écrasa avec une moleté et un giclement laissant bien entendre que c'était un morceau d'un Pokémon qui n'était plus vivant, et le Gardien des sept mers sourit de toutes ses dents :

- Dîner servi ! J'ai croisé un morceau de choix en chemin ; vu qu'il était salement blessé, j'ai gracieusement achevé ses souffrance suivant l'ordre naturel des choses ! On va se régaler !

Soit le gros Pokémon cheum qui bouffe les honnêtes gens qu'on avait gentiment quitté. Drak l'avait blessé à ce point ? Tout de même, quel paradoxe. Bouffer le truc qui nous a bouffé. Avis au prochain qui voudra nous considérer comme souper. Bref. Il finit tout de même par remarquer que les pauvres Pokémon sans défenses qu'il avait envoyés se faire PLAISIR au fin fond des mers étaient revenus. Et avaient de... curieuses têtes.

- On est rentrés, déclarai-je, de plus en plus blasé.

- On t'attendait, souligna Drak, aussi heureux que moi, pointant d'une griffe et par-dessus son épaule le Dracaufeu évanoui.

Le Pokémon Plongeon attrapa avec une précision de chirurgien du bout de ses... heu... gros doigts (?) le minuscule fragment corail que je lui présentais, puis me remercia sans plus d'explications, se retourna et se mit à traficoter je ne sais quoi du côté du point d'eau de mer, nous laissant là, sans aucun autre mot, dans notre merde. Drak et moi nous regardâmes, dépités par si peu de considération vu ce qu'on avait vécu. Ah, si, on a eu le droit à une réflexion de la part du piaf géant qui bougeait des épaules :

- Outre le fait que vous avez dû passer un moment magique dans mes eaux resplendissantes...

Il daigna tourner son blanc-bec vers nous, tout de même impressionné :

- Pourrions-nous savoir pourquoi vous êtes couverts jusqu'aux os d'une substance jaunâtre légèrement rose et plutôt visqueuse ?

Gluant et dégoulinant de chaque plume, le museau de déterré et les serres déjà couvertes de sable, je lui rétorquai rapidement avant que Drak, dans un état semblable au mien, n'eut le temps d'ouvrir la gueule :

- Aucun commentaire, s'il te plaît. C'est déjà assez dur mentalement.

La Voix de la Raison qui vous envoie vous faire bouffer interrompit quelques instants son travail, se retournant vers notre duo, étirant son cou et approchant son imposante tête effilée en nous scrutant avec un regard inquisiteur, plissant des yeux pour distinguer précisément je ne sais quoi. Lugia huma méthodiquement l'air qui nous entourait, nous effleura chacun d'un de ses épais "doigts" blanc comme neige, recueillant au passage une infime quantité de cette gélatine repoussante à vomir, la fit rouler entre son pouce et son index d'un air connaisseur, la malaxant et l'observant, avant de toucher la pâte collante DU BOUT DE SA LANGUE. J'eus un haut le coeur, l'aile devant le museau, et Drak détourna le regard, dégoûté à vie de toute gelée. Lugia eut aussi tôt un recul abrupt et franc, les sourcils froncés, avant de nous sourire jusqu'aux oreilles comme si c'était absolument normal :

- Ah, je crois que j'ai trouvé ce qu'il vous ait arrivé !

GUEUARHÂK. Je ne trouvais pas les mots.

- Mais... Mais...

Il renchérit directement, défendant son honneur en relevant le bec et gonflant le torse :

- Excusez-moi, mais quand je suis face à un mystère et que les victimes ne souhaitent pas coopérer, je me vois dans l'obligation de mener mes propres investigations.

Je rétorquai, toujours pas remis :

- M'enfin là, c'est un peu fort quand même.

- Même. C'est le devoir de tout bon enquêteur, continua-t-il avec son air supérieur.

- Depuis quand t'es enquêteur de quoi que ce soit ? croisai-je mes ailes collantes, dubitatif.

- Mais depuis que j'ai ce poste en tant que Membre Officiel du Comité Légendaire des Agents Sauveurs du Monde !

O_o

- Parce que t'es enquêteur ?!

- Et alors ?! argua le Gardien des Abysses, rapprochant une nouvelle fois son imposant bec blanc. Un problème ?!

Un sourire narquois et moqueur en coin, je me moquai :

- C'est que... J't'imagine mal avec le combo béret, impair et pipe à la bouche.

- ÇA FAIT TRÈS CLASSE !

Drak s'immisça, sans vouloir trop déranger :

- Heu... Désolé de vous interrompre, mais on pourrait revenir à notre sujet de ce soir ?

Lugia et moi eûmes le même regard à l'encontre de Fire... Toujours aussi actif. Le monumental Pokémon plumé reprit son grand sourire fier, se retourna de toute sa monumentale taille, sembla arranger une dernière chose à l'abri des regards, attrapa une espèce de cailloux creux qu'il avait posé il y a quelques secondes dans les vaguelettes s'échouant sur la plage intérieure, et s'approcha en se baissant du Dracaufeu mal en point. Très cordialement, il me demanda de lui ouvrir la gueule, ce que je fis ; les crocs robustes et ivoires de Fire furent découverts, ainsi que son profond gosier et sa langue pointue, qui tombait sur le côté. Le Gardien des sept mers avança son aile dans laquelle il tenait le petit récipient naturel : je constatai à l'intérieur une sorte de mélange médicamenteux liquide, clair comme un cachet d'aspirine, dans lequel un nuage de poussières semblait flotter et qui semblait aussi appétissant que ce dont j'étais recouvert. M'attendant tout simplement qu'il lui verse le contenu dans la gueule, je fus pris d'effroi quand je le vis balancer le contenu en question ET le caillou dans le fond du gosier. Je voulus protester, Lugia me dit de la fermer, j'objectai que j'avais le droit de comprendre en quoi lui faire avaler une pierre allait l'aider à se porter mieux, le Pokémon Légendaire rajouta qu'il parlait de la gueule du Dracaufeu. Je refermai alors la gueule du Dracaufeu, toujours pas convaincu, puis nous attendîmes. Tous les trois étions en train de dévisager le museau orange de Fire, impatients. Après l'ingestion, son corps fut presque aussitôt détendu, et ses paupières frémirent, avant qu'il ne les ouvre doucement, les laissant toujours mi-closes, mais nous redonnant ainsi tout l'espoir de guérison que nous puissions espérer. Drak et moi un sourire jusqu'aux oreilles gravé sur le visage, Lugia qui, en bon modeste, s'en retourna préparer le dîner après un simple sourire fier ; Fire, dans le flou de son retour parmi les vivants, balaya la scène de ses pupilles onyx et de ses iris aigue-marine.

- Content de te revoir les yeux ouverts ! saluai-je de l'aile.

- On se sent mieux ? enchaîna le Dragon qui avait fait partie de l'expédition sous-marine qui nous avait bien emmerdé.


Effectivement, il se sentait mieux. En peu de temps, nous avions retrouvé notre bon vieux Fire, qui prenait du repos avec une nouvelle flamme vigoureuse au bout de la queue. Drakkarmin et moi-même nous étions posés un moment également, après être passés se rincer à l'eau de mer ; même si ça ne valait pas une bonne douche qui commençait sérieusement à se faire désirer dans l'état dans lequel j'étais, c'était toujours ça pour enlever l'enveloppe gluante jaune-blanche-rose qui nous recouvrait. Nous étions revenus en suite aux côtés du Dracaufeu, installés comme on pouvait sur la roche poudrée de microlithes, à la lueur des torches qui baignaient la pièce d'un éclat chaleureux, prêts à passer une nuit bien méritée, nous aussi.

- Aller chercher un corail au fond d'un abysse juste pour me sauver ! J'vous remercierai jamais assez !

Drak, en bon défenseur de l'assistance à personne en danger, répliqua :

- Tu rigoles ?! Ta vie était en jeu ! Si tu crois qu'on allait rester là à rien faire !

- C'est tout naturel, d'aider les gens dans le besoin. C'est le devoir d'une équipe de secours, après tout ! ajoutai-je d'un sourire.

Caverne, sachant pertinemment que j'avais quelque peu rechigné à aider dans le conflit Démanta Vs Rémoraid, eût un regard amical, heureux que j'eusse compris ce fondamental du devoir Pokémon. Pour ma part, un peu de fausse modestie faisait pas de mal. Le meneur des W.T.F., lui, était toujours soufflé de notre "exploit" (huhuhu) :

- Et... Comment c'était ? Je veux dire... Sous l'eau ? Votre aventure ? Vous avez dû en prendre plein la vue !

Je répliquai, un peu dépité :

- Boh, tu sais, on en a prit certes plein la vue, mais on en a failli en prendre plein la gueule, et au final, on s'est tout de même bien fait chier. Pas la peine que qui que ce soit se fasse de mauvais sang.

Vu que Fire n'avait apparemment pas compris, Drak enchaîna aussitôt, acquiesçant ses paroles et partant dans une description poétique et enchanteresse des fonds marins, des récifs merveilleux et des abysses intrigantes. On eût dit un guide prônant la beauté du monde sous-marin et ses qualités, omettant sans doute consciemment les inconvénients de la pression et autre gros Pokémon inconnu qui vous engloutit sympathiquement. Remarquez, lui, il n'a eut que ce dernier petit contretemps. On peut pas lui en vouloir. Shaymin, qui s'était décidée à lever sa fleur, prenait elle aussi part à la discussion sur l'océan et son plancher regorgeant de beautés ; elle en avait les yeux qui brillaient de mille feux :

- Ça doit être tellement fantastique, grouillant de vie, de bonheur, d'époustouflantes curiosités naturelles !

- Pour sûr que y a de la vie, assurai-je, hochant du museau.

- J'aimerais tellement découvrir de tels nouveaux horizons ! poursuivit-elle.

Gratitude tourna sa frimousse vers ma figure allongée et écaillée, avant de me regarder de coin, l'air supérieur à un Pokémon fossile d'un mètre et demi qui sait à peine voler mais qui avait tout de même une vie bien remplie :

- En tout cas, j'suis pas déçu de m'être payée une virée dans le passé pour au final rejoindre un gars comme toi !

Ouah. C'était inattendu ; surtout de sa part. Je fus un peu gêné sur le coup, puis, de ma hauteur, lui fis un sourire honnête :

- Merci.

Elle rétorqua aussitôt, tournant la tête :

- Oh là, calme tes ardeurs, mon grand. Si j'ai dit ça, c'est juste parce que je peux visiter ma planète ; si tu crois que ça m'éclate de vivre loin du Village, tu te fourres ta griffe dans l'œil !

N'empêche qu'elle l'avait dit.

- Quel village ? demanda Drak, curieux.

Shaymin soupira de désespoir face à de tels incultes, avant de faire sa fière et de le rembarrer :

- Le Village Shaymin, au pied du Pic Céleste. Un lieu où tous les Shaymin du monde - du moins ceux acceptés et ceux qui savent se servir des vents, bref que ceux qui en valent la peine - peuvent venir s'épanouir en paix et vivre dans les meilleures conditions qu'un Shaymin puisse espérer ! Un paradis de végétation verdoyante, parsemé de sublimes Gracidées et doucement effleuré par les fraîches brises septentrionales... M'enfin, ça ne m'étonne pas qu'un macho comme toi connaisse pas. Après tout, faut avoir un peu de culture.

Je me la fermai, pour ma part, vu que je ne connaissais pas non plus. Le Village Shaymin... C'était de là qu'elle venait ?

- Je crois en avoir entendu parler, songea Fire, une griffe devant sa gueule baissée, le regard sur le sol. Si mes souvenirs sont bons, c'était dans une des missions de l'équipe PokéPotes... Farfaduvet nous racontait souvent leurs missions victorieuses et leurs exploits pour défendre la cause des Pokémon, et il me semble que cette équipe a déjà eu affaire à des malfrats au Pic Céleste... Un groupe de Tadmorv et Grotadmorv, mais je suis pas sûr. Tout ce que je sais, c'est qu'un des Shaymin a rejoint aussi leur équipe légendaire, au final. A ce qu'on m'a dit, le Pic en question est un très haut donjon, et le macrocosme qui s'y développe est un des puits de vie de notre monde, vu que les Shaymin y vivent en parfaite symbiose avec Dame Nature.

Puis, tournant sa tête vers la concernée :

- Z'avez la capacité d'assainir l'air, nan ?

- Un peu, mon vieux ! s'en vanta-t-elle, se secouant le buisson.

- Ce qui devrait expliquer un tel berceau de vie, conclus-je. Je ne savais pas que vous aviez un tel pouvoir... Dans les écrits anciens, on ne parle de vous que de votre côté mignon, gentil et votre capacité à exprimer le mieux la gratitude et la joie de vivre. Mais... Pourquoi tu parles de connaître les vents ?

Elle continua à se la péter de son savoir qu'elle étalait continuellement :

- C'est simple : les Shaymin relativement épanouis avec une Gracidée éclose dans toute sa splendeur pas loin changent de forme, et peuvent voler au gré des courants aériens aidant.

Ouah. Vu la tête d'étonnés que nous avions tous trois, fallait croire qu'on en savait rien. Shaymin pouvait donc changer de forme... ? Intéressant. Et elle pouvait ainsi voler ? J'essayai de m'imaginer une touffe d'herbe avec des ailes, mais j'espérais vraiment que ce ne soit pas cela. Drak, lui, croisa les bras :

- Pour revenir sur votre rôle relativement mineur dans l'utilité mondiale, si vous êtes toutes des nanas, ça ne m'étonne pas que vous n'ayez que ça à faire...

Fire fut choqué de ces mots, tournant vivement son museau vers l'autre Dragon qui semblait chercher la Provoc, et Shaymin commença à l'insulter ; je la calmai et remarquai au Drakkarmin, m'inquiétant de telles réactions :

- Dis-donc, j'sais pas ce qu'il te prend, mais c'est quoi ton problème avec les filles ?

- J'ai grandi avec la certitude et la conviction tout autour de moi que le deuxième sexe était relativement inférieur à nous, qui avons visiblement le plus de pouvoirs sur tous les fronts, continua-t-il avec ses pattes croisées devant son torse rugueux, la tête anguleuse relevée.

L'image de GARY MOTHERFUCKING OAK me revint alors à l'esprit. Drak avait été son Pokémon... S'il était né sous l'attention particulière de Blue, effectivement, cet abruti doit lui avoir inculqué quelques une de ses notions merdiques. Je fis signe à Shaymin de laisser tomber, elle qui beuglait que son frère allait venir lui exploser la face. Nous fûmes interrompus par Lugia qui, tout sourire et bon hôte du haut de ses cinq mètres, nous présenta à chacun, dans le plat de son aile, de drôles d'humbles pâtés noirs et rouges qui luisaient et suintaient étrangement à la lumière de l'éclairage maison.

- Le dîner est servi !

Fire, Drak, Shaymin et moi eûmes un regard suspect. Mais, après mûre réflexion, on n'avait que ça à manger.

- Qu'est-ce que c'est ? osa Fire le plus gentiment du monde.

Je jetai un coup d'oeil derrière le grand Pokémon Légendaire, et remarquai que la grosse tranche de chair rose n'était plus là ; seule un disque humide de sa taille laissé sur le sable témoignait de son ancienne présence.

- Oh, c'est trois fois rien ; un peu de chair fraîche pour les protéines et autres oligo-éléments, puis des plantes maritimes pour compléter le tout ! Allez-y, j'ai déjà mangé pour ma part !

S'il faisait allusion à la tranche de poisson cru ÉNORME, j'espérais ne pas avoir à le nourrir plus tard. Quant à nous, nous gardions toujours nos yeux sceptiques sur les boules pâteuses :

- Des boules de poisson cru et d'algues, conclut Fire, perplexe.

- Ça peut avoir un certain intérêt nutritif, renchérit Drak, voulant en trouver un, d'intérêt.

- Bêêêh ! T'as pas des baies plutôt ? refusa Shaymin d'un air de dégoût.

Le Gardien des Abysses, sur le coup, fut vexé. Il devait prendre son pied à nous aider, et, avec un peu de (mal)chance, la cuisine était son péché-mignon. Ne voulant pas laisser dépité un gars si attentionné, je me hâtai de suite d'en prendre une et de la gober :

- Merci beaucoup ! lançai-je, grand sourire en action.

Je commençais à mâcher, une expression de gratitude toujours gravée sur mon visage, et redonnant un sourire fier et enjoué au Gardien des Abysses. La bouchée, gluante comme du gras de viande qui couinait sous la dent et paradoxalement aussi dure à mâcher qu'un vieux chewing-gum, avait un goût fortement épicé, acide, et le fumet d'un coquillage mariné dans de l'eau de mer saturée en sel. Fallait que je garde mon expression de gars content à tout prix et pas tout cracher. ÉPREUVE ULTIME, en plus que je commençai à avoir des hauts le coeur persistants, sans parler des gouttes de sueur par le sel épicé poussé à son paroxysme. J'avalai vite fait dans une déglutination notable, toussai fortement, le gosier fortement piqué par le sel, m'aérant la gueule comme je le pouvais, et encore plus déshydraté que je ne l'étais, avant de remercier avec un sourire (pas du tout forcé) devant les têtes d'ahuris des réticents et la tête d'heureux comme tout de faire plaisir du cuistot :

- C'est... très... très gentil ! Merci beaucoup, Lugia !

- Pas de quoi !


Le dîner (tout du moins, nos uniques bouchées additionnées de quelques gorgées bienfaisantes d'une fraîche source d'eau douce située au fond de la grotte (bienfaits des aléas géologiques, je vous aime)) terminé sans plus d'incidents, j'allais me concentrer sur la question des Galets trouvés dans les chiottes du QG des abrutis de connard de merde de ce moment de ma vie en empoignant le Sac à Trésor épargné quand Lugia nous demanda un instant d'attention, se raclant la gorge :

- Hum hum. S'il vous plaît ?

Sous ses indications, nous nous assîmes tous les quatre devant l'imposant Pokémon Légendaire qui, debout, croisant ses mains ailées devant ses pattes, prit, à mon grand étonnement de sa part, une figure solennelle et on ne peut plus sérieuse, si ce n'est triste:

- Comme vous le savez, de récents événements ont bousculé le monde entier il y a peu. Des événements publics dévastateurs à l'échelle mondiale, mais aussi un événement tragique et inconnu des yeux de la population Pokémon et humaine, mais qui n'en est pas moins horrible que le premier. Comme nous le savons, une région entière de notre monde, la dénommée Hoenn, a été détruite aux trois quart en ce jour par une cause humaine, l'autre quart étant condamné à ne plus pouvoir protéger ni accueillir de vie pendant plusieurs longues décennies à venir, si ce n'est quelques siècles. Quelques heures plus tard, notre cher et bien-aimé Gardien des Cieux, Rayquaza, a été assassiné par la même organisation ayant commandité l'attentat sur la région hoennienne. Ces tragédies ont eu une ampleur mémorable qui restera à jamais gravée dans l'Histoire humaine et Pokémon, encore plus chez les Légendaires. Les milliards de vies ont aujourd'hui été brisées.

Il prit une profonde inspiration, qu'il laissa échapper avec un noble soupir attristé. Nous écoutions attentivement, pensifs et perdus dans la réalité dramatique à laquelle nous étions confrontés.

- Mes chers amis, je nous prie de bien vouloir effectuer deux minutes de silence. Rendons hommage à tous ces disparus trop tôt, et que leur mémoire et leurs actes héroïques ne soient jamais oubliés.

Lugia pointa le bec vers le sol, ferma les yeux, baissa la queue, ses ailes toujours croisées. Drak joignit ses mains de la même manière, suivi de près par Fire, puis Shaymin, sur ses quatre courtes pattes blanches comme un lys, et closirent ses paupières. Un peu déstabilisé par cette pratique que je n'avais jamais effectuée auparavant, je croisai mes griffes, joignant les deux extrémités maladroites de mes pattes avant couvertes de plumes en plus ou moins bon état et plus ou moins colorées. Le regard planté sur le plancher de granit de la caverne du Pokémon qui nous avait sauvé la vie, je n'arrivais pas à fermer mes paupières. J'avais... Je... Je me sentais coupable. De tout. Toutes ces choses... Je devais empêcher que la fusée soit envoyée... Et... J'avais échoué... Rayquaza... Lui, il a été séquestré puis tué pour avoir voulu m'aider... Il avait donné sa vie pour que je puisse en sauver des milliards... Et... j'avais échoué...

Je hochai la tête horizontalement. Non. Je n'avais pas échoué. J'aurais pu le faire... J'aurais pu réussir ma mission... Mais je ne l'ai pas fait. J'aurais eu beau utiliser tous les moyens possibles, il a décidé que je ne sauverais pas la région de Hoenn. Maintenant que je savais... Mais qu'est-ce que tu te racontes, Chris ? Tu crois vraiment qu'un... être puisse décider du Destin des gens, de chaque être vivant sur cette planète, et que ces gens en question n'ont absolument pas la moindre emprise sur leur sort ? Qui te dit que ce tu as vu n'était pas une illusion, sorte de divagation de ton esprit après un tel choc ? Qui te dit que le Destin décide de ce qu'il adviendra ?

Je pense... que c'est parce que ça m'aide. Il est arrivé au bon moment... Si... Si j'étais resté dans l'optique que le Destin de chacun de nous dépend de nos choix... Je pense que je ne m'en serais pas remis, mais là, il se trouve que croire au fait que ce que j'ai vu décidait de notre destinée et qu'on ne pouvait rien y changer m'enlevait toute responsabilité. C'est cela. Ce n'est pas moi qui suis la cause de tout ça. Si tout ça est arrivé, c'est à cause de ce foutu Destin... Mais pourquoi ? Pourquoi a-t-il voulu que tant de gens, même qu'une légende telle que Rayquaza périssent ainsi, qui plus est sous la main d'une seule et même organisation ? Tout ceci devait-il être signe avant-coureur... de quelque chose de pire encore ? Tout ceci n'était-il... qu'un début dans les ennuis et le deuil mondial ?

Je secouai un nouvelle fois mon crâne d'emplumé. Il fallait que j'arrête de penser à tout cela. Ça ne faisait que me triturer atrocement l'esprit. Selon le Nanméouïe du Centre Pokémon de Méanville... Demain, il ne me resterait que quatre jours à vivre. Soit je récupérais mon corps avant la fin de la semaine, soit... Je devais récupérer mon corps avant la fin de la semaine. Je remarquai à ce moment que la fréquence de mes maux de crâne aux marteau piqueur spirituel avait diminué. Je n'en n'avais eu qu'un aujourd'hui... Même si mon jour n'était au final constitué que de la soirée et de cette nuit-même, m'étant relevé tard cet après-midi dans la cellule noire aux néons bleutés. L'équivalent de quasiment un putain de jour entier m'avait été bouffé par la seringue que je m'étais pris à Algatia. Dans cette drôle de démence, d'ailleurs... J'allais commencer à dévier vers d'autres pensées quand j'eus une curieuse impression. Je ne sentis rien, je ressentis plutôt. Je relevai un peu le museau... Quand j'aperçus notre puissant et mastodonte Lugia, toujours dans sa même position solennelle, écraser une larme sans aucun bruit, dans un rictus dépité et une moue éplorée. Je fus marqué. Voir un Pokémon Légendaire endeuillé à ce point... C'était un effroyable spectacle, court d'à peine trois secondes, mais terriblement intense. La question de ses relations avec Rayquaza me vint alors à l'esprit. Tous les Pokémon Légendaires me semblaient tellement liés, tous ensemble... L' "humanité" de Drak envers ceux qui sont dans le besoin, l'équipe de secours et d'exploration de Fire... Les Pokémon, tous, semblaient irrémédiablement fortement liés les uns aux autres, faisant tous de leur mieux pour établir le meilleur équilibre et la plus grande harmonie que notre monde pouvait connaître. Moi... A force de vivre toutes ces expériences aux côtés de Pokémon, je commençais à me poser la question. Le lien entre humains... Il n'a jamais été aussi fort que ceux que je pouvais constater. Quant à celui entre humains et Pokémon...

Ah, pourquoi, pourquoi était-ce si compliqué ? Pourquoi a-t-il fallu que tout soit si capillotracté ? Même la différence réelle entre humains et Pokémon m'échappait, maintenant ; sérieusement, qu'avions-nous comme preuve que... Je sais pas, moi... Ne pouvions nous pas juste vivre tous ensemble, sans différence transcendante, sans même cette prédominance des combats Pokémon ? Depuis quand... possédions-nous le droit de se considérer si... si... Alors que les Pokémon sont... tellement... Et il suffisait que l'un d'entre eux aime l'autre d'entre eux pour que chacun soit torturé à vie par cette même différence... Mais... MAIS POURQUOI ?
POURQUOI ?!

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhh ! Ça m'éneeeeeeeeeeerve !

J'étais en train de m'arracher les plumes de désespoir et d'incompréhension, lorsque je me rendis compte que j'avais rugi ainsi, et brisé le silence qui régnait. Relevant mon museau reptilien, gêné, je fus aussitôt foudroyé comme jamais d'un regard offensé par mes trois camarades de longue date. Lugia prit soudain la parole, extrêmement calme :

- Merci pour ton interruption, Chris. Cela faisait effectivement deux minutes douze de silence. Préparons-nous pour profiter comme il se doit de cette nuit de repos.

Je le regardai, toujours aussi embarrassé et désolé d'avoir perturbé le calme respectueux ; il me regardait, calme, un doux sourire sur le bec, un sourire compréhensif, perché là-haut, sur sa figure accrochée à ce long cou qui dépassait de cette carrure fantastique. Avait-il lu dans mes pensées, comme il le faisait constamment ? Sûrement. Son regard plein d'amitié et de gentillesse, dans ses ailerons bleu marine plaqués sur les tempes de sa gueule nacre de laquelle de petits crocs dépassaient sous ce grand museau pointu et ovoïde, se voulant être plus qu'un simple Pokémon offrant son antre pour les voyageurs malchanceux tels que nous, semblait vouloir dire tellement de choses que je n'arrivais à comprendre aucune d'elles. Je voulais tellement, moi aussi, lire dans ses pensées, à cet instant.


Ne nous cachons pas que, "préparer pour profiter comme il se doit de cette nuit de repos", en gros, se coucher, prend pas trois ans. Surtout quand on n'a rien pour se coucher. 'Fin que le sol, quoi. Bref. Fire ne bougea pas de l'endroit où il s'était réveillé de sa chute, Shaymin resta dans son confortable coin à la chaleur d'une torche plutôt proche du sol par rapport aux autres, et je restais à la gauche du Dracaufeu, entre lui et Gratitude, tandis que Caverne était à sa droite. Tous contre le mur, sous les fagots de bois et brindilles solidement ancrés dans le mur qui flambaient ardemment, nous étions face à Lugia, prenant un espace notable par sa taille, et qui lui-même nous séparait de la petite plage et du point d'eau qui constituait l'accès au reste du monde en tant que voie unique et sous-marine. A ma gauche, au fond de la caverne du Légendaire, la source ruisselait doucement sur la paroi, ne provoquant qu'un faible clapotement qui ne dérangeait aucunement. Avant que ceux qui avaient pris leurs places et que leurs paupières lourdes ne tombent définitivement, je fis aborder un point important, croisant mes ailes et posant mon arrière-train plumé et mon appendice caudal ébouriffé à son extrémité à terre :

- Il faudrait tout de même se fixer un objectif, maintenant. Pour l'instant, on a une région complètement détruite, un Légendaire qui n'est plus de ce monde, des Pokémon, Légendaires ou honnêtes citoyens, qui sont braconnés, dérobés et certainement tous retenus, un équilibre vital et climatique qui part en couille à cause de ça... En ce qui me concerne, je suis recherché comme le pire criminel du moment, et suis toujours dans la peau d'un Pokémon. Et tout ça à cause des mêmes abrutis de connard de merde. Le problème de la voix dans la tête, c'est réglé, souris-je à Lugia qui me répondit de la même bouille heureuse qu'il avait retrouvé. Sans oublier deux meurtres commis par la même personne, ajoutai-je en songeant au Flash Spécial vu dans l'aéroport de Parsemille. Je ne sais pas si cette dernière info a un lien avec tout ça, mais depuis un certain temps, j'ai du mal à croire aux coïncidences.

Ils acquiescèrent, Drak et Shaymin devant plus se convaincre d'acquiescer à ces informations qu'autre chose. Bon, jusque là, ça allait. Je poursuivis, essayant vainement de récapituler ce foutoir :

- Surtout que, d'après l'homme aux cheveux rouges, la première personne tuée par le sniper du côté des chiants, Julia, travaillait dans les services de renseignements du MOCLASM. Comme ces sœurs. Ça signifierait donc que Juliette et donc Julie y travaillent elles aussi...

- Au fait ! s'exclama Drak. Je ne te l'ai pas encore dit, mais je crois que j'ai reconnu Julie, quand Shaymin et moi étions enfermés dans leur base...

- Je plussoie, ajouta Gratitude. C'était bien elle ; un visage comme le sien, ça s'oublie pas !

Je ne cherchai pas à comprendre ce qu'elle voulut insinuer, je renchéris juste :

- Je l'ai vue également. Donc Julie serait passée du côté obscur...

Lugia m'interrompit, proposant :

- Il se pourrait que la Julie en question soit tout simplement infiltrée... Considérant le fait qu'elle travaille au service de renseignements, ce n'est pas rare qu'on envoie, chez les MOCLASM, un de nos agents dans le camp de l'ennemi.

- C'est probable, effectivement, réfléchis-je. Mais il ne nous faut que des faits. Si on commence à faire des hypothèses, on est mal barrés.

Fire s'écria soudain :

- HÉ ! Cette Julie dont tout le monde parle, c'est pas la nana sur qui t'es ?




[...]




Je lui bondis dessus :

- ESPÈCE DE PETIT SCHRKIBISCHTROUMPFKRITZI... !

Drak eut un petit mais efficace rire qui veut tout dire, me regardant d'un air narquois, Lugia éclata d'un rire franc et seule Minshya fit sa choquée puritaine :

- TOI ?! T'ES SUR JULIE ?!

Je revins à ma place, le Dracaufeu se demandant ce qu'il avait dit de mal, et je me mis à faire la gueule, croisant exagérément mes bras plumés :

- Bon bah ça va, hein. C'est pas comme si personne le savait. Et puis la seule chose sur laquelle je suis dessus, en ce moment, c'est le sol. Arrêtez d'utiliser cette expression à la con rabaissant.

Shaymin s'en remit comme elle put, mais l'autre gros piaf blanc se marrait toujours. Je rugis :

- ÇA VA, J'AI DIT ! PAS LA PEINE DE SE MARRER COMME UN WAILORD ! ON CHANGE DE SUJET, SI C'EST COMME ÇA !

L'autre se calma, retenant quand même un autre rire chiant, et fit signe de poursuivre en pouffant.

- BON, repris-je, on va récapituler ce qu'on sait sur cette organisation qui fout la merde. Dans l'enregistrement que Genesect a pu prendre - pose pas de questions Shaymin, demande à Drak -, on entend parler, chose notable, de la "mode". Bien. On entend aussi le nom de "Bill", soit l'un des chasseurs de Pokémon que l'équipe W.T.F. et moi-même avons rencontré par deux fois. Ce chasseur fait donc le lien avec Bouledisco, ce qui signifie aussi que Bouledisco est avec ces connards.

- M'enfin ça, on l'aurait deviné, souffla Fire, ennuyé.

- JE RÉCAPITULE, J'AI DIT ! Bref. Ils ont donc, en membres notables, Bouledisco et sa coupe de cheveux improbable, Purple Eye, qui a fait sauter Hoenn en plus de capturer Kyurem, Julie, la fameuse nana, "Vamper", qui, après ce que j'ai cru entendre, se disputait une place de Gouverneur avec cette dernière, et enfin un gars bizarre aux cheveux longs et bleus, assassin de Rayquaza. Vu les allures de ce dernier, je le suppose boss magistral. Ils avaient aussi Giovanni dans leur camp, mais ce dernier était, paradoxalement, incarcéré à la prison de Hoenn. Qui s'est fait sautée... Ils ont aussi PLEINS de sbires, de chasseurs donc, des flapflapeuses, un arsenal de véhicules complet, des armes sophistiquées, et sûrement beaucoup, beaucoup de moyens... L'homme aux cheveux rouges enquête sur eux, a travaillé avec les MOCLASM mais n'en fait pas partie, et était surveillé par Beladonis, donc ne fait pas partie d'un organisme officiel... Un genre d'indépendant qui combat tout seul.

Je fis une pause. Tout le monde cherchait son propre avis sur la question avec toutes ces infos, quant à moi, je crus bon de parler de ce que je savais concernant mon problème, devenu relativement mineur, perdu au milieu des obscures ambitions à l'échelle mondiale du groupe terroriste. Je continuai :

- Ce que je sais d'après toujours ce mystérieux homme au Drattak, c'est qu'il aurait fait repéré Beladonis, pile quand il était avec moi. Ou alors les gars cagoulés venaient cambrioler le Centre Pokémon, puisqu'ils en cherchent, des Pokémon... Mais Julie m'a dit que son père me cherchait. Donc ils en avaient bien après moi. Bref, j'me les suis tapés. Assommé, j'ai été transporté je ne sais où - probablement dans le QG on nous nous sommes tous retrouvés - et transformé en Pokémon. Pas plus d'explications concrètes quant à pourquoi on m'a fait ça. Rayquaza est venu, a vu, a vaincu, s'est barré avec moi entre les pattes, m'emmenant "voir le boss", et s'est fait attaqué en route puis prisonnier. Je tombe sur la Route 1 d'Unys, où je rencontre les W.T.F. . Dans un rêve, j'ai le souvenir qu'ils insinuaient partir pour Algatia, ce que nous fîmes. Ils préparaient le coup de l'explosion régionale. On s'est fait avoir, puis on se retrouve dans leur QG. Rayquaza est là, ils le tuent devant nous, juste avant que celui-ci nous téléporte. Vu qu'il m'a demandé de suivre ma "Voix", je suppose qu'il avait prévu, vu que j'avais le Glas Tempête miniature, que Lugia nous repêche. Maintenant... On n'en sait pas plus sur les plans futurs de ces abrutis, à part le fait qu'ils comptaient "m'utiliser".

Blanc. Tout le monde pensait au problème de la semaine, que voulez-vous que je vous dise.

- Attends... commença à raisonner Drak. S'ils comptaient t'utiliser... Ils t'ont transformé en Pokémon avant, non ? Ce qui signifie qu'ils avaient besoin de toi, mais en Pokémon...

- C'est pas faux. C'est même un peu vrai, me rendis-je compte.

Fire conclut :

- Après, tout le mystère de leurs intentions repose sur ce qu'il voulait faire de toi dans cet état... Pourquoi transformer un humain en Pokémon... La dernière zone d'ombre étant ce qu'ils entendent par la "mode", si j'ai tout suivi.

- C'est exact, assurai-je. Après...

Je baissai les ailes, dépité et blasé :

- On sait toujours pas ce qu'il faut qu'on fasse, maintenant. Le pire étant qu'on ne puisse pas faire grand-chose directement contre eux, étant donné qu'ils ont les moyens imparables de faire sauter une région et de s'occuper personnellement d'un Pokémon Légendaire de la carrure de Rayquaza. Et selon mon état de santé d'un certain Pokémon dans un certain Centre Pokémon, le corps que j'habite ne durera pas plus de quatre jours à partir de demain.

J'avais omis que Shaymin et Drak n'étaient pas au courant ; quelques minutes pour calmer leur étonnement alertés d'un "ON VA TOUS MOURIR" plus tard, Shaymin résuma :

- En bref, on est dans la mouise jusqu'au cou. Vu qu'on sait pas quoi faire, et qu'on a que 96 heures pour agir.

- C'est là que j'interviens ! se réjouit Lugia, pouvant enfin aborder ce qu'il voulait nous dire. Je voulais vous entretenir sur le voyage que nous entreprendrons demain.

Pour le coup, on était un peu interloqués :

- WHAT ?! Quel voyage ?

Le gardien des abysses s'expliqua :

- Vu que nous sommes dans une impasse complète en ce qui concerne notre rôle à tous...

Je coupai net :

- Heu... Nous, oui. Toi, non.

Il me rembarra, un peu sèchement je trouvai :

- Qu'est-ce tu crois ?! Que je vais rester là à bâiller aux Cornèbre pendant que des zigotos kidnappent puis assassinent mes collègues et amis et font exploser des régions entières ? J'ai reçu l'indication de te guider jusqu'à ta "mission", et c'est tout. Je ne savais absolument pas ce qu'il se tramait, ni quelle était-elle précisément, et puis je dois d'urgence vous venir en aide, m'aidant du tintement du mini-Glas Tempête au Ruban Joie de monsieur ! On me laisse sans infos, ne voulant pas m'en donner plus, et je découvre tout à travers celui que je dois guider ! Alors, vu qu'on n'est aidé d'aucun côté, on va appliquer ma méthode : la méthode Voix de la Raison !

Bon. Je sentais que c'était parti pour une FOLLE idée.

- Et... quelle est cette méthode ? demandai-je, inquiet.

Il gonfla le torse, fier de sa trouvaille :

- La même que Rayquaza ! Aller voir le boss !

Personne ne comprit. Enfin, personne ne comprit SUR LE COUP. On se regarda tous d'un air O_o. Quand j'eus compris, j'eus peur de comprendre :

- Heu... Tu veux dire que...

- On va aller voir... poursuivit le Drakkarmin, inquiet.

- Le boss... ? continua le Shaymin, amusée.

- Tu parles de... voulut finir le Dracaufeu, les yeux brillants, comme si l'impossible allait se réaliser devant ses yeux.

- Arceus ! décocha Lugia.





[...]




Bon, on va pas faire comme si personne n'avait compris, hein.

- Ar... ARCEUS ?! THE ARCEUS ?! s'étrangla Fire.

Ah bah non. Quelqu'un avait pas compris.

- Mouais, j'suis pas trop chaud, moi, bougonnai-je pendant que Drak essayait de réveiller le Dracaufeu de son évanouissement. J'sais pas. J'ai un peu l'impression de déranger Dieu parce que j'ai rien d'autre à foutre.

Shaymin défendait elle aussi mon point de vue ; c'était un peu trop GROS. Le Pokémon Plongeon fut son propre avocat :

- On prend certes un rouleau-compresseur pour écraser un Dardargnan, mais au moins, en lui demandant, on pourra régler notre problème en moins de deux ! J'ai pas eu d'autres nouvelles, mais, vu que Chris est au centre du problème, il pourra t'en dire plus, à toi ! Sans compter que je suppose qu'il pourra nous téléporter directement au Quartier Général des humains qui posent le problème en question.

- C'est loin ? demanda Gratitude, perplexe. Parce qu'on a que quatre jours, hein.

- Oh, l'œuvre de trois jours, je dirais !

DUH.

- Trois jours en volant ?! m'exclamai-je. C'est vachement loin, quand même ! Et il nous restera qu'un jour pour tout arrêter ?!

Lugia répondit immédiatement :

- Ah non ! Une demi-journée de vol ; le reste en marchant !





O_o





J'eus peur. Très peur. Mitigé avec l'incompréhension du pourquoi. Je questionnai, réagissant à son dernier mot qui ne laissait présager rien de bon :

- Mais... Pourquoi tu veux marcher ?

- Règle n°2 des Légendaires oblige, objecta-t-il.

Gné ?

- "Tout Pokémon Légendaire, en sa qualification de "Légendaire", ne doit jamais se présenter volontairement au commun des mortels, sauf en cas de force majeure.", récita-t-il parfaitement, la patte sur le coeur. Code Officiel. Et je ne serais pas le premier qui dérogera à la règle.

Genre y a un Code Officiel. Y avait de quoi rester sceptique. Enfin, après ce que j'avais vécu, il y avait de quoi. J'entendis Shaymin rigoler, pendant que Drak et Fire revenaient dans le sujet :

- Ah ! Le fameux tas de feuilles blanches que j'ai jamais lu ! Ah bon, faut pas se montrer ?

Lugia parut choqué par le concentré d'insolence de vingt centimètres du haut de ces cinq cents :

- EXCUSE-MOI ?! Tu ne l'as pas appris par coeur ?

- Moâ ? Jamais de la vie ! J'ai bien trop à profiter de la vie pour m'enquiquiner avec des règles ! D'ailleurs personne n'y fait gaffe, au Village !

Le Gardien des Abysses, son gros bec penché sur le point de pelouse à patte, réagit tout à fait calmement et normalement, faisant mine de se souvenir d'un truc :

- Oh. C'est parce que vous devez être des 100 de bases stats.

- TU SAIS CE QU'ILS TE DISENT, MES 100 DE BASE STATS ?!

Interposant mon plumage entre les deux extrêmes de taille, je priai Shaymin de se calmer et conseillai à Lugia d'éviter de la provoquer, avant de conclure à l'adresse générale :

- Bien. Je propose que l'on se couche avant qu'il y ait un autre meurtre et qu'on parte du bon pied demain matin. Vu notre situation quelque peu déplorable, je ne vois pas d'autre solution que de suivre la Voix de la Raison, ici présente sous les traits de Lugia.

Je me tournai vers ce dernier :

- Donc... Pas même moyen de planer au-dessus des nuages ?

- Trop facile pour se faire repérer. En plus, vu les conditions climatiques du moment...

- Mais... Se balader en ville avec un Lugia n'est pas la chose la plus discrète, rétorquai-je.

Ayant décidément réponse à tout, Lugia nous apprit la surprenante chose suivante :

- C'est là qu'intervient le duvet réflecteur de lumière ! Invisibilité !

Nous le regardâmes tous les quatre en mode incrédules, n'en croyant pas un strict mot.

- Depuis quand un Lugia peut se rendre invisible ?

- Depuis que c'est une Légende ? gonfla-t-il le torse.

- Y en a qui vont encore protester que t'es trop cheaté et que l'histoire est pas crédible.

- Qu'ils protestent, c'est pas eux qui vont faire changer d'avis le Destin, assassina-t-il les trolleurs qui y trouveraient la moindre objection. De plus, ils ne m'ont jamais connu personnellement, à ce que je sache. Et s'ils sont toujours pas content, la sortie est juste là.

Bon. Ça ressemblait un peu à une solution (trop) facile, mais si ça se pouvait et si ça m'évitait des emmerdes, je ne disais pas non. Et puis... Je trouverais bien un moyen comme un autre pour le convaincre de nous emporter, parce que là, vu notre situation, c'était un peu du foutage de gueule. Bref. Je repris mon discours à l'attention de tous, après ces explications cruciales :

- Nous partirons donc demain, avec pour objectif de trouver Arceus ! Quelqu'un y voit une objection ?

Drak se dit prêt à l'aventure, Fire prêt à sauver le monde ET A VOIR CE PUTAIN DE DIEU DE SES PROPRES YEUX (pour reprendre son expression), et Shaymin leva une patte.

- Quelqu'un y voit une objection qui ne concerne pas les conditions de voyage ?

Shaymin baissa la patte, donnant un coup sur le sol en jurant.

- Bien ! Mes amis, bonne nuit !


Fire, sur le dos, ailes étendues, tête tombée sur le côté, étalé de tout son long sur la place qu'il occupait depuis son arrivée, était tombé de sommeil, finissant sa convalescence cette nuit ; Drak, allongé sur le ventre, ailes reployées, pattes convenablement repliées, ses coudes osseux faisant office d'oreiller, ronflait déjà, exténué par notre escapade, assurément. Pour ma part, j'étais en train de farfouiller dans le Sac à Trésor, observé avec amusement par Lugia et Shaymin. Plus grand qu'il n'y paraissait, pleins de foutues petites poches inutiles, j'avais un mal foutu à trouver les Galets. Je décidai de retourner le Sac et de le secouer, avant que le Pokédex en tombe, et s'ouvre automatiquement sous le choc :

- *bruit d'allumage* Lugia, Pokémon Plongeon. Il dort dans une faille des grands fonds. Ses battements d'ailes génèrent une tempête de 40 jours.

Sur le coup, la voix électronique fit se réveiller Fire, somnolant, qui trouva l'objet à terre. Lugia, le premier concerné, sourit fièrement, penché sur le concentré de technologie :

- Je vous en remercie ! Ah, vous savez, on peut plus vraiment voler tranquille, de nos jours ; suffit qu'un Goélise vous cherche des noises pour déclencher un cyclone. Mais enfin, quarante jours... C'est quand je suis dans une petite forme, mouhohoho.

- Ça va ? Les chevilles passent encore la porte ? adressai-je en guise de réponse devant une telle modestie.

Fire, atrocement réveillé alors qu'il devait faire un rêve agréable dans ce repos bienfaiteur, donna un coup de patte sur le Pokédex :

- Demande de mise en veille bien reçue. Mise en veille.

Avant de se rendormir. Shaymin voulut plus d'explications sur ce qu'était cette machine, je rétorquai qu'elle donnait souvent des informations qui ne servaient à rien, puisqu'elle ne faisait que constater. Bref. Je rangeai l'engin jusqu'à son prochain caméo, et tâtai de la griffe une poche rigoureusement fermée avec une petite sangle, dans laquelle étaient logées deux sphères notables. Pris d'un nouvel espoir, je m'y plongeai, et en ressorti vainqueur après avoir failli arracher le fond du sac, brandissant les boules lisses et à la surface aux formes particulières, l'une blanche comme la plus honnête et pure des réalités, l'autre noir comme le plus sombre et dangereux des idéaux. Deux Pokémon Légendaires en une main, sans le cheat de la Ball, fallait le faire tout de même. Lugia resta le plus sérieux du monde, sachant apparemment à qui il avait à faire, et Shaymin demandait si on ne pouvait pas remettre le réveil à demain matin, comme chaque réveil habituellement.

- Ah nan ! Pour une fois qu'on peut se faire plaisir ! souris-je, plein d'amusement et de hâte à ce que je revoie l'un et fasse plus ample connaissance avec l'autre.

Donc voilà. Je les avais sortis.





[...]





GÉNIAL.

- Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Shaymin s'en alla dormir à ce moment, car si elle devait résister à l'appel du dodo pour réveiller Zekrom, c'était pas la peine. Je lui assurai que c'était pas sympa, elle m'assura qu'elle n'en avait rien à battre, d'être sympa. Gnagnagna.

- C'est ça, va te coucher ; moi, je m'occuperai du réveil de ces deux-là tout seul !

Sauf que je ne savais toujours pas comment faire. Que ça m'énerve. Heureusement, y avait toujours Lugia, en bon samaritain :

- D'après ce que je sais, m'expliqua-t-il très sympathiquement, il faut qu'ils reconnaissent qu'ils soient possédés par un héros. Après, il faudra formuler ton souhait, et s'il le juge valable, il apparaîtra, restant à tes côtés jusqu'à l'accomplissement de celui-ci. Après, c'est ce que j'ai lu sur Internet, donc bon, c'est pas garanti.

Le peu d'assurance qu'il me présentait me déstabilisait un tant soi peu :

- Mais... Vous vous connaissez pas plus que ça, entre Légendaires ?!

Il haussa ses grandes épaules :

- Tu sais, à part les réunions du mercredi où il y a tout le monde autour de la table qui s'envoie des noms d'Oiseaux à la figure gaiement, on peut pas dire qu'on fasse plus ample connaissance que ça ; vu qu'en plus, nous ne travaillons pas dans le même secteur...

MOUAIS. J'LE CROIS MOYEN MOYEN.

- Bon. Que chacun se rende compte qu'il soit possédé par un héros... ? Après tout ce que j'ai fait depuis le début de la semaine, ça leur suffit pas ?

- Force est de constater que non, malheureusement.

Je regardai le deux Galets ronds d'un air dubitatif. Foutaises et billevesées, c't'histoire de héros. Bon, peut-être qu'effectivement, les écrits archéologiques que j'avais étudiés plaignaient en faveur des paroles du Gardien des sept mers, mais pour Zekrom au minimum, il devrait bien me reconnaître, nan ? Devant également être obligé de croire de que c'était bel et bien des Pokémon dans tout ce qu'il y a sans additifs, je portai le Galet Noir à mon oreille ; sait-on jamais. Je distinguai alors, comme étouffés derrière un mur pas très très épais, des sortes de râles/grognements/souffles profonds.

- Alors ? demanda Lugia, curieux. Ouïrais-tu quelque chose ?

- Ah, ça, pour ouïr, j'ouis. J'ouis surtout des ronflements, si ma science de la vie ne me trompe pas.

Zekrom dormait, et pas qu'un peu. Il dormait, mais alors bien, bien, bien à fond, quoi. Bref. C'était cuit pour le Noir.

- Essaye le Blanc !

- Je m'apprêtai à le faire, répondis-je à Plongeon. On aura p'têt plus de chances.

Je rangeai comme il se devait le Galet Noir là où je l'avais trouvé, laissant Zekrom dans l'univers onirique qu'il pouvait avoir. Anxieux, je portai le deuxième globe à ma tempe, lui aussi chaud d'une singulière puissance. J'écoutai...

- ...

Rien. Fallait hasarder. Se lancer, quoi. Je hasardai donc :

- Heu... Bonjour ?

- ...

- Hm hm. BONJOUR ?! Il y a quelqu'un qui m'entend ? J'aimerais avoir un certain Reshiram au bout du fil, merci !

Un grésillement, comme de la friture, puis une voix fluette et féminine se fit rententir :

- Oui ?! Je peux vous aider ?!

Je fis signe à Lugia que j'avais eus une réceptionniste, il m'expliqua que Reshiram ne devait pas avoir pris l'oreillette multifonction 24H/24 7J/7, contrairement à Zekrom, mais devait être resté au vieux téléphone fixe nul sans ligne directe. Je poursuivis :

- Oui, bonjour, j'aimerais savoir s'il était possible de joindre un certain Reshiram, le Blanc, s'il vous plaît.

- Oui bien sûr ne quittez pas ! Je vous mets en communication !

Éloignant mon oreille et cachant le Galet de mon aile droite, je soufflai au seul Pokémon Légendaire réveillé dans les parages qu'on allait me le passer. Il fut rassuré, puis nous attendîmes, le combin- heu, le Galet, toujours collé sur la tempe. Une petite musique classique d'attente tournait en boucle, avec la voix enregistrée extrêmement fausse qui répétait toujours la même chose mille fois.

"Ne quittez pas, la ligne du correspondant demandé est en cours d'atteinte. Ne quittez pas, la ligne du correspondant demandé est en cours d'attente. Ne quittez p-"

Un grand bip sonore et long se fit ouïr, puis un blanc. Et de nouveau, un bip, puis un blanc. Je fis signe à Lugia que ça sonnait ; il trépignait tout autant que moi d'avoir enfin le Dragon Légendaire en ligne. J'entendis un déclic annonçant le décrochage du combiné, je tremblai comme une feuille, puis osai :

- All... Allô ? Reshiram ?

- ... *soupir exaspéré*

- Désolé de vous déranger, à une heure pareille, mais...

- On ne peut pas brûler les étapes menant à la réalité.

Heu... Ok. Je regardai le Galet, intrigué par la voix la plus tranquille, posée et cérémonieuse que je n'avais pas entendue depuis que j'avais quitté Verchamps pour la première fois dans mes souvenirs. Je répondis, légèrement perturbé :

- Heu... Je le conçois très bien, mais est-ce qu...

Et ce BÂTARD me raccrocha au nez. Je fus choqué d'une telle amabilité, considérant avec mépris le Galet Blanc qui ne sonnait déjà plus. Sympathiques, les premières paroles avec l'opposé de Zekrom.


Vu qu'il commençait déjà à se faire tard, vu que demain allait être le départ d'un voyage sûrement long et chiant, et vu la situation dans laquelle j'étais, fallait tout de même que je pense à me coucher, moi aussi. Certes, le voyage n'allait durer "que" trois jours, mais, vu les derniers jours que j'avais eus, quelque chose me disait que ça risquait d'être éprouvant, aussi bien mentalement que physiquement. Sans compter le dernier jour de la mort kitu. J'avais peur, mais je ne pouvais rien faire d'autre que d'affronter mon Destin. Qu'est-ce qu'il me réservait encore, ce salaud ? Bref, me torturer à m'imaginer mon futur proche ne m'arrangeait en rien, alors autant aller se coucher. Tous les autres Pokémon de la caverne, si ce n'est de l'océan entier, devait déjà être dans le Dream World depuis un moment déjà, vu l'heure que j'estimai au nombre de quatre. Lugia était allongé sur le flanc, ailes géantes là où il faut et replié sur lui-même, si bien que la pointe affutée de son appendice caudal et le bout de son museau de winner terminant son son long cou se rejoignaient sans aucun problème. Tout son être, depuis sa cage thoracique, se soulevait et se rabaissait lentement au rythme de sa profonde respiration paisible. J'arrêtai de penser, et m'allongeai sur le dos, passant mes ailes sous ma tête, évitant de poser mon crâne déjà pas verni sur un sol caillouteux qui ne ferait que l'empirer. J'étendis mes serres, articulant soigneusement chaque griffe les terminant, et cessai de balayer le sable avec ma queue, histoire d'être le plus décontract' possible. Je fixai le plafond haut, illuminé par les vagues de lumières dansantes qui émanaient de l'éclairage persistant. Fallait bien que je m'endorme, quand même.

- Je suis fier que... tu ais réussi.

Je relevai le cou, sans bouger de ma position, et distinguai, mi-clos, le regard abyssal du Gardien des sept mers qui perçait depuis ses ailerons, rivé sur mon corps d'Aéroptéryx. Je chuchotai :

- Tu dors pas ?

Il eut un petit sourire, refermant ses paupières, et continua de me parler les yeux clos, tout doucement mais toujours très disctinctement.

- Boh, tu sais, je suis un grand romantique.

- J'vois pas le rapport, répliquai-je, me remettant à contempler le plafond.

- Disons que... Je tiens à honorer ma situation de Légendaire. Si j'ai cette chance inouïe de pouvoir servir activement le bien commun avec les pouvoirs inimaginables que j'ai reçus, autant le faire bien. Et avec classe, si possible. Donc dormir ou pas, peu m'importe, vu que, quoi qu'il arrive je vous amènerai à bon port à temps.

Après tout, je croisais le premier Légendaire qui connaissait son Code, alors...

- T'as l'air de faire ton boulot avec style et expérience, observai-je.

- Ce n'est pas un boulot, c'est un noble devoir, me corrigea-t-il. Beaucoup dans le Comité perçoivent ça comme un boulot, mais je fais partie de la minorité qui s'implique vraiment, je dirais. Après, je n'ai évidemment rien à reprocher aux autres ; ils accomplissent leurs tâches avec leurs styles respectifs, comme personne d'autre ne peut le faire. La diversité est importante chez nous.

- Tu l'as dit, ris-je avec une pensée à Zekrom, Latios, Latias, Kyurem, Célébi, Shaymin...

Il marqua un temps, avant de reprendre, avec le même air fier :

- En tout cas, heureux que tu sois revenu victorieux de ta petite épreuve.

Hein ?

- Quelle épreuve ?

- Aller chercher le corail. J'aurais pu demander à n'importe qui d'autre de beaucoup mieux placer dans l'océan, à commencer par les Ramoloss, mais je tenais à ce que ce soit toi. Je tenais à être sûr que... tu puisses être ce que tu es.

Oh. C'était donc ça. C'était pour me tester. Bien qu'il aurait pu trouver un autre moyen, quand même, en y repensant, c'est vrai qu'avec tous les obstacles et les personnes que j'avais croisés en Plongée, ça pouvait ressembler à un parcours pour savoir si j'allais y arriver, en fin de compte. Le Gardien des Abysses, relativement enjoué, mêlé à son état de semi-sommeil, continua tranquillement :

- Tu sais... Plus le temps passe avec toi, plus je crois me rendre compte d'un truc. Je ne crois pas que Rayquaza ait voulu t'indiquer de me suivre... Je ne pense pas qu'ils voulaient que je t'indique la "Voix de la Raison", v-o-i-x, mais la "Voie de la Raison", v-o-i-e. Je crois que ta quête est plus de trouver cette voie par toi-même, plutôt que de suivre des paroles d'un Pokémon.

Le grand Oiseau me laissa sceptique et songeur. Ca serait la Voie, et non la Voix ? Après tout, pourquoi pas... J'm'en branlais pas mal, tant que je rentrais.

- Une genre de quête épique censée m'aider à me découvrir ? hasardai-je avec amusement, pas convaincu. J'ai un peu de mal à croire aux histoires de héros légendaires.

- Sait-on jamais, poursuivit Lugia. Le monde a toujours eu besoin de héros, pourquoi pas toi ?

Je relevai le cou une nouvelle fois, les ailes toujours croisées derrière la tête :

- Même si, dans la dimension temporelle parallèle où, comme par hasard, par je ne sais quel coup foireux et sournois du Destin, je me retrouvai je ne sais comment en position de héros, je ne le serais pas, crois-moi. Je suis un gars comme un autre, né comme tout le monde, vivant comme tout le monde. J'ai rien de particulier, le seul truc que j'ai fait pour être foutu dans ce merdier fut d'exister, vu que ce n'est pas une question de choix. En gros, si j'étais un héros, ce n'est pas moi qui l'ai décidé, et rien ne m'y déterminai réellement, donc je ne le serais jamais vraiment - tout du moins, pour moi.

Je me reconsidérai un instant, levant un bras plumé de bleu et d'ocre au dessus mes yeux, et titillant mes crocs du bout d'une de mes deux griffes, puis j'ajoutai, ne m'aimant guère :

- En rajoutant en plus que je n'ai rien d'un héros... Limite la puissance acquise après mon évolution peut me faire espérer, mais ce n'est même pas mon corps, alors...

Je soupirai profondément. Si les Galets devaient réellement se réveiller en présence d'un héros, j'étais mal barré, parce que ce ne serait pas moi. Lugia fut amusé :

- Qu'est-ce que c'est que ce pessimisme ? Et depuis quand tu es un gars "comme un autre" ? Personne n'est "normal", sur cette planète, et personne n'a jamais rien demandé à personne, encore moins de porter le poids du monde sur ses épaules. Vois pas ça comme une tâche harassante constamment, mais comme un noble devoir, exactement comme moi et mon rôle. Chacun en a un, dans le grand échiquier de la vie.

- Peut-être, soufflai-je en me retournant, faisant signe que je voulais dormir. N'empêche qu'on n'a jamais fait échec et mat avec un simple pion.

- C'est parce que le pion ne se voit que pion, voyons ! sermonna-t-il gentiment. Si on avait décidé que ce serait une autre pièce, alors le problème viendrait uniquement du pion en lui-même, et non de l'adversaire. Sur ce, bonne nuit !

Puis il me laissa sur ça, ne prononçant plus un mot. Je jetai un dernier coup d'oeil au titanesque Pokémon Légendaire, assoupi. Mouais. J'ai pas trop le temps pour une rétrospection intégrale, alors on verra ça plus tard. Mais tout de même... Elle était sympa, cette Voix de la Raison.

- Pas de quoi !




- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH !

Un putain de rugissement du tonnerre me tira sans aucune vergogne d'un confortable sommeil que j'avais eu du mal à trouver, tout au long de la trop courte nuit. D'ailleurs, mon temps de sommeil fut tellement court que, n'ayant pas fait le moindre rêve qui aurait pu tous nous sauver d'une mort certaine en m'apportant un quelconque indice, je n'avais donc même pas atteint le stade paradoxal, c'est pour dire. Hagard, je me redressai vivement, en parfaite coordination avec Drak, Shaymin et Lugia, les premiers somnolant encore et essayant vainement en tournant la tête de tous côtés de se rappeler où ils étaient, le dernier relevant le cou tranquillement, bâillant sans retenue en ouvrant grand sa gueule garnie de Légendaire. Seul Fire, l'auteur de ce réveil aussi doux que du jus de Sitrus dans les yeux, était gueule bée et raidi sur ses pattes, s'agitant de partout, hurlant en secouant le Pokédex dans tous les sens. Drak, se frottant les yeux de sa grosse patte bleu de cobalt écailleuse pendant que Shaymin geignait à Flamme de se la fermer, interrogea le Dracaufeu alerté d'une voix ensommeillée :

- Qu... Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a encore ?

- CE QU'IL Y A ?! s'époumona le Meneur des We Tackle at Foes. CE QU'IL Y A, C'EST QU'EN VOYANT PAS LE SOLEIL, ON PEUT PAS SE RENDRE COMPTE QU'IL EST QUATORZE HEURES !





O_o




- WHAAT ?! ON A DORMI DIX FUCKING HOURS ?!

- Force est de constater que oui, certifia Lugia, embêté, COMME TOUT LE MONDE.

- ON GO DIRECT ! hurla Minshya, pas priée plus longtemps.

C'est donc dans la précipitation la plus complète qu'on embarqua tous sur le dos du Gardien des Abysses, grimpant depuis son aile qu'il nous présentait, et s'agrippant au doux plumage lisse et frais comme du linge propre immaculé. Ses grandes écailles dorsales saphir plaquées contre son dos, Sac aux Trésors autour de l'épaule de Fire avec Pokédex et Galets embarqués, voilà notre sauveur ailé qui effectue une fantastique Plongée avec une dextérité phénoménale en un tel début de matinée. Enfin, début d'après-midi. Ça commençait bien.


J -4


On devait voler depuis au moins deux heures. Il n'y avait pas grand-chose à raconter, vu la vitesse avec laquelle on était sortis de l'océan, et la célérité avec laquelle on planait pleins gaz en frôlant le niveau de la mer, avec son aqueuse et écumeuse surface mouvante. Au sein d'un ciel parfaitement dégagé et donc radieux, en bon tableau météorologique d'été, notre astre trônait en son glorieux zénith. Étrange, d'ailleurs, de ne voir aucun nuage au-dessus de l'océan ; mais on n'allait pas s'en plaindre non plus, hein ; et puis c'est pas comme si on ne savait toujours pas pourquoi. N'ayant besoin que d'un vigoureux et efficace battement d'ailes toutes les minutes environ, notre cher Lugia filait de tout son long à travers la brise de basse altitude qui nous portait ; nous nous contentions de nous coucher sur notre ventre, devant exercer le moins de résistance possible au vent ébouriffant et soufflant avec une fougue extraordinaire à cette vitesse. Bien que l'horizon, limite précise entre les deux teintes de bleues qui nous encerclaient, était resté vierge de tout point noir ou d'une toute autre couleur indiquant de la vie terrestre depuis que nous étions partis en catastrophe, il se trouve que Lugia nous hurla à un certain moment :

- TERRE ! ON ARRIVE, LES ENFANTS !

Osant hausser un regard pour distinguer l'horizon de mes propres yeux, je discernai effectivement, avec des indescriptibles kilolitres de vent soufflés puissamment dans la face, la terre : une bande de sable, plage, jouxtant pleins de petits pics flottants à la surface, port, des maisons diverses et autres bas bâtiments, ville, avec un grand poteau ancré dans le continent qui se dressait avec vanité, phare. La rapidité avec laquelle nous volions rendant le panorama de l'horizon de plus en plus précis, à hauteur de seconde par seconde. A ce moment, un vif éclat nous aveugla, comme si un abruti reflétait les rayons du soleil avec un miroir. Cela dura un très court instant, avant que nous nous rendions compte que nous volions sans voir le moindre piaf Légendaire que l'on sentait sous nos corps. Le temps de s'habituer à cette drôle d'impression et pendant que Shaymin trouvait le temps des remarques idiotes à ce sujet, j'eus presque de suite après un drôle de ressentiment. Instinctivement, je tournai mon museau à tribord : au large, j'aperçus un hors-bord, filant à pleine allure. Noir. Vitres incluses. J'eus un flashback. C'était celui que j'avais vu accosté à un quai de Volucité. Ici. A des milliers de kilomètres. En pleine action. Je ne savais pas pourquoi, je le sentais mal. Toujours aussi instinctivement et donc inexplicablement, je criai :

- ATTENTION !

Ma voix a dû le couvrir. Seul l'écho d'un violent coup de feu nous parvint. Je tressaillis. Un instant de silence complet. Nous planions toujours, dans le silence de l'océan à plus que quelques mètres de la plage. Un sifflement. Puis Lugia laissa échapper un hurlement d'agonie à réveiller les morts. Nous chutâmes soudain en n'ayant même pas le temps de laisser échapper le moindre cri pour notre part, nous éclatant à pleine vitesse dans les rivage peu profond, faisant de multiples tonneaux, l'énergie de l'impact de nos tourne-boulés magistraux peu à peu absorbée par l'eau et le sable mouillé, avant que nous nous écrasions tous sur le banc de sablon dans un choc brutal avec la terre ferme et une vague d'arides microlithes.