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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 18/08/2012 à 23:38
» Dernière mise à jour le 02/07/2014 à 20:31

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XIX - Retour à la civilisation (dans les règles de l'art)
Gueuah. J'ai mal. J'entends d'autres gémissements, aussi.

- Est-ce que.... Est-ce que tout le monde va bien ?

Face contre sable, littéralement planté sur la dune, je pris appui comme je pus sur mes griffes en les enfonçant dans la poussière océanique le plus méthodiquement possible, cherchant le meilleur équilibre. Tendant les ailes, je me redressai lentement, recrachant le sable qui s'était sympathiquement glissé dans ma gueule. En même temps, si on se crashe la bouche ouverte... Je secouai mon museau, me débarrassant du plus de microlithes possibles, et postillonnai à maintes reprises, en remarquant que Drak, Fire et Shaymin n'étaient pas loin d'être aussi bien enterrés que moi. Le Dracaufeu s'assit, toujours avec une tronche de déterré (ce qui était un peu vrai dans ce cas, d'ailleurs), se gratta la tête, remettant convenablement de l'autre patte le Sac aux Trésors en bandoulière :

- Faut dire que ça pourrait aller mieux... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Soudain, flashback. Le coup de feu. Le hurlement. Je tournai vivement la tête, cherchant fébrilement du regard Lugia. La plage, remodelée par nos soins, ne comportait que le banc de sable retourné où nous nous trouvions, et un bout d'océan infini, sous un ciel ardent. Mais pas de Lugia à l'horizon. Drak, ne voyant personne non plus, hurla son nom ; aucune réponse. Shaymin semblait désolée, Fire ne bougeait point. Seul le bruit des vagues cassait le silence de mort. Je me relevai en oubliant la peine, courus à perdre haleine vers l'océan, rugissant, serre après serre griffant le matelas de sable doré, m'élançant comme jamais je ne m'étais élanc- Et ma patte se prit dans une masse invisible.

- Gaah !

Avant de m'éclater la face sur le lit de sable rincé vers les vaguelettes. Drak s'écria :

- Chris ! Tu vas bien ?

- Comment tu t'es ramassé ! se foutit de moi un certain buisson.

Interloqué, je levai le museau couvert de pâte sablée détrempée en même temps que la patte qui m'avait fait perdre l'équilibre, et tournai le regard, intrigué, vers l'endroit où cette dernière avait butée. Il n'y avait rien. Rien qui puisse se voir, tout du moins.

- Hééé ! m'exclamai-je, me remettant sur mes serres écailleuses pour la énième fois. Ce serait pas... ?

Le Drakkarmin, suivi de près par Shaymin, s'approcha délicatement, sur la pointe des griffes, et constata un certain relief adopté par le matelas de sable sur lequel nous étions allongés : une imposante portion de plage était nettement creusée et incurvée, comme si... Bah comme un si gros truc était couché là, quoi. Minshya, elle aussi arrivée précautionneusement, tâta de sa petite patte blanche le vide... Avant de rencontrer un obstacle. Elle s'écria :

- Hey ! Lugia !

Flamme accourut à leur suite, et Caverne remarqua de lui-même d'un simple toucher la présence du Légendaire, là, étendu sur la plage, gardant apparemment son invisibilité coûte que coûte. Je vins à mon tour aux côtés de mes amis, et tendis l'aile, tout tremblant devant un tel phénomène, jusqu'à ce que je sente la pointe de ma griffe être peu à peu dure à avancer contre ma volonté, et s'enfoncer dans une froide épaisseur de plumes trempées. Une faible voix nous parvint :

- Je... Je... Argh...

- Lugia ! LUGIA ?! criai-je, affolé.

Il geignit, sûrement profondément blessé à l'intonation grave et tremblante de sa voix :

- Je... Je pense pouvoir... maintenir l'invisibilité... mais bon Dieu... Mon... Mon aile...

Aïe. Touché à l'aile. Avec en background sonore Shaymin flipper, Drak voulant la calmer et Fire silencieux, je me tournai vers eux, décidé et convaincu dans mon plan :

- Bon ! Fire, tu restes ici avec Lugia pour le protéger au cas où quelqu'un arriverait ; Drak, Shaymin et moi, on va en ville trouver une Potion au plus vite, ok ?
Les trois Pokémon acquiescèrent aussitôt, voyant parfaitement que la situation était critique et que le moindre plan plausible était à prendre sans discuter. Quant à moi, j'avais beau être recherché, je m'en branlai complètement : la vie d'un autre Légendaire, qui plus est ma Voix de la Raison, était en jeu.


Il faut dire qu'avec tout ça, je n'avais pas vraiment remarqué nous étions tombés. Résolus à trouver ce que nous partions chercher, nous avions remonté la plage, jusqu'à arriver à un sol dallé, longeant un bosquet de palmiers et d'arbres communs, qui nous conduisait à la ville que j'avais entr'aperçue lors de notre Vol. Nous passâmes les portes de la ville, moi perdu dans mes pensées, lorsqu'une impression de déjà-vu m'en sortit brusquement. Je relevai la tête... Ces voies pavées, ces maisons atypiques, ces guirlandes colorées accrochées au-dessus des rues, ce port paisible et majestueux, tous ces Marins et Pêcheurs vagabondant et se dirigeant ou non vers le fameux Phare... Quel bonheur de revoir Oliville !

- Ah, vu ta tête, je suppose que tu connais ? me demanda Shaymin, qui me dévisageait.

J'allais ouvrir le bec, quand Drak me bondit dessus en me le refermant immédiatement, posant une griffe sur sa gueule :

- Chhhht ! Faut que tu te caches, toi ! Et surtout, surtout, ne l'ouvre pas, parce que ça te cramerait direct !

Il m'envoya à la limite valser dans un coin de rue, me poussant vigoureusement, et je me pris une poubelle en pleine face. Caverne continua, à Gratitude :

- Ouais, on connaît ! C'est Oliville, si mes souvenirs sont corrects...

Puis, pensif :

- Mais la dernière fois qu'on y est venus, elle était en moins bonne état, et plutôt déserte... Sans compter que c'est un peu à cause de Zekrom qu'on y a été téléportés par erreur, mais bon, au final, on a esquivé le Phare qui s'écroulait à cause du paradoxe temporel, on a réussi à chopper un pick-up et on a filé droit vers Rosalia mais avec un Minotaupe surcheaté collé au pot d'échappement, pour au final détruire les Tours Jumelles et finir le chemin à dos de Zekrom et... Boah, la suite, c'est trop long. Tout ça pour dire qu'on connaît, quoi, conclut-il d'un haussement d'épaules.

Je me relevai, virant la corbeille et retirant les papiers usés et les épluchures grignotées de Baies de mon plumage, et ne pus voir que Shaymin, effarée, pendant que Drak avançait d'un pas fier et décidé vers le centre-ville. Je me cachai le cou avec une aile, histoire de camoufler mon Ruban Joie, et le rattrapai tant que je pus en longeant les murs de la ville, suivi par Mynshia, n'ayant toujours rien compris aux déblatérations du Pokémon Dragon. Boah, elle s'y habituera.


Évidemment, contrairement à notre première visite, Oliville était, de plus en cette période estivale, remplie de monde. Outre la prédominance des dresseurs de la mer, bon nombre de citadins mêlés aux touristes arpentaient la cité portuaire dans une drôle d'agitation générale. Partout dans la ville portuaire, on causait des fameux "récents événements", soit les catastrophes naturelles et climatiques, les accidents, et, bien entendu, plus particulièrement du nouveau sort de la région hoennienne. Le désastre mondial avait bel et bien marqué plus que profondément l'esprit de chacun, certains ayant toujours leurs figures endeuillées. Le beau temps et la saison, propices à l'amusement général et aux ris en tous genres, contrastaient avec l'ambiance quelque peu froide et apeurée qu'arborait avec honte toute la population. Ceux qui voulaient tout simplement éviter le sujet se réfugiaient dans LA valeur sûre de la saison et de cette année, et qui aurait dû être la reine des médias si seulement ces drames n'étaient point arrivés : vivement rappelés et fièrement vantés par la région choisie, comme tous les quatre ans, les Jeux Pokélympiques devaient justement s'ouvrir demain, ayant lieu cette année dans le plus fantastique complexe rêvé pour cet événement, à savoir le Dôme Pokéathlon, si ma mémoire était bonne. Oliville, donc, malgré son aspiration à faire rêver les voyageurs et les tourner vers d'autres horizons, était ancrée dans le désastreux scandale mondial, et seuls quelques irréductibles voulaient contrer la morosité ambiante en ramenant les Jeux sur le devant de la scène. Jeux, qui, à entendre le monde, n'avaient à la surprise générale pas été annulés, mais allaient se dérouler sous un prétexte d'honneur et d'hommage à la nation hoennienne. Plusieurs préparatifs devaient donc être revus à la hâte, et aujourd'hui étant le seul jour séparant le drame et les festivités, l'animation et les choses à faire étaient de taille à chambouler tout Johto. Nous continuons à avancer à travers la foule chamboulée, Drak, Shaymin et moi, en tendant l'oreille pour grappiller la moindre information sur la vie que nous avions quittée il y avait quelque temps. Pour ma part, vu l'agitation qui régnait entre humains et Pokémon, je pouvais donc marcher relativement tranquillement, étant donné que personne ne donnait de réelle attention à personne, tout le monde étant plongé dans ses propres pensées débitées sans réel besoin d'interlocuteur.


Nous traversâmes une longue rue, celle par laquelle nous étions d'ailleurs entrés, puis coupâmes toujours tout droit par le marché d'Oliville, en constante effervescence et encore plus grouillant de pieds et de pattes de toutes sortes qui frappaient les pavés branlants sous les toiles des échoppes plus ou moins bon marché vendant à qui mieux-mieux leurs produits respectifs ; nous nous rapprochions ainsi du Phare, qui prenait sa véritable et imposante allure, et donc de la Boutique Pokémon, jouxtant le Centre Pokémon mais également la colline où était érigée la non moins connue tour de lumière. La populace y était aussi nombreuse qu'ailleurs, et nous pûmes ainsi nous faufiler dicretos jusqu'aux portes de verre automatiques du magasin aux couleurs du ciel. Shaymin et moi avions à peine posé une patte sur le sol carrelé de la boutique que Drak, en tête de groupe, qui avait suivi la direction que j'avais indiquée pour trouver le bâtiment, m'envoya brusquement valser d'un violent coup de queue bien, bien, bien dans la gueule. Je criai et volai, sans avoir besoin de bouger la moindre plume, rudement balancé comme un simple Poussifeu sans défense sur un rayon entier de Potions et de Total Soin, me mangeai une étagère d'acier et finis enterré sous les produits médicaux et autres bouteilles de plastique qui s'effondrèrent dans un vacarme du tonnerre. J'allais hurler en quémandant GRANDEMENT des explications quant à cet acte quelque peu VIOLENT et INATTENDU, mais Shaymin se chargea de me la fermer en me sautant dessus, me refaisant tomber dans le tas d'articles éparpillés, pendant que Drak s'excusait devant les humains et Pokémon avec un langage plus que mimé, gesticulant en exagérant chaque justification nulle :

- Oh, vraiment désolé, les gars ! Ne vous dérangez pas pour ça, nous allons immédiatement tout remettre en place et nettoyer tout ce bazar ! Excusez-nous, vraiment, c'est que notre cher ami a quelques problèmes, il a tendance à avoir des pulsions suicidaires en couinant ; mais je vous en prie, laissez-nous réparer le mal que l'on vous a causé ! Encore désolé pour le dérangement !

Gratitude envoya balader quasiment chaque bouteille en spray et autres pommades en pots sur l'étagère et menaçant de faire tomber tout le rayon encore une fois, Drak rangeait à la pelle, faisant voler les précieux remèdes et créant un foutoir encore moins organisé que ce qu'il y avait à terre, puis ils m'agrippèrent violemment avant de run away comme des malades en hurlant "Merci encore et au plaisir !". L'air complètement hébété et ne sachant pas ce qu'il s'était passé, je me laissai entraîner dans un nuage de poussières, puis jeter sans vergogne dans le premier buisson à portée. Je voulus cette fois-ci protester à voix basse (car il fallait tout de même que j'en place une), mais Caverne me coupa de nouveau la parole de sa gueule hérissée :

- Chut ! Tu te lamenteras plus tard ; regarde plutôt avec quoi on s'en sort !

Puis il brandit fièrement une Hyper Potion, tenue bien comme il faut entre ses trois griffes acérées. Shaymin lui cria qu'elle aussi avait été indispensable au plan GÉNIAL, et moi je voulus savoir POURQUOI EST-CE QUE JE M'ÉTAIS PRIS UN TEL COUP DE QUEUE DANS LA GUEULE. Faut croire que le Drakkarmin s'attendait à cette question, alors il ne me laissa une fois de plus pas ouvrir le bec :

- Si tu veux tout savoir, il y avait une affiche d'un certain Arkéapti placardée derrière la caisse de la Boutique qui ne se loupait pas ; t'envoyer sous ses produits et te mêler à un brouhaha bordélique était la seule solution pour que l'on puisse sortir aisément avec ce que l'on voulait, expliqua-t-il tout simplement d'un air supérieur, avant de me tendre la patte et de me sourire. Allez, lève-toi, on a un certain Pokémon mal en point à sauver !

Je voulus objecter que... Ah. Bah nan. Je ne pouvais pas objecter, justement. Vu que quelqu'un m'entendrait. Au final, je ne pouvais que me la fermer, répondre par un sourire forcé en tirant la langue, prendre sa patte et me redresser, Mynshia déjà presque partie et criant de nous dépêcher, sautillant sur place. Je soupirai. Allez, il fallait bien y retourner.



Communiqué : Suite à de généreux donateurs, le budget conséquent pour tourner cette scène nous a autorisé à faire quelques petits arrangements pour rendre la scène en question plus épique. Profitez-en, car on a tout claqué là-dedans.



- Aaaaaaaaaaahhhhh !

Nous relevâmes tous les trois la tête, alertés, avec l'expression dramatique sur le visage que les grands héros ont lorsqu'ils entendent un cri de détresse.

- Qu'est-ce que c'est ?! s'écria Drak, le regard de sauveur de l'humanité vers les hurlements désespérés.

Ne sachant absolument pas de quoi il était question mais suivant notre coeur qui nous disait de voler au secours des pauvres victimes innocentes et prudes, nous nous mîmes tous d'accord d'un seul hochement de tête, puis accélérâmes tous les trois, courant à perdre haleine vers le lieu du crime (puisqu'il se trouvait sur notre chemin). Une détonation retentit brutalement, faisant trembler la terre ; un panache de fumée gigantesque s'en suivit, s'élevant dans le ciel comme une sombre menace pour l'équilibre paisible de cette petite bourgade sympathique de la côte méridionale de Johto où l'on pêchait les Pokémon Poissons comme l'on pêchait des Couanteon nouveaux-nés en plastique avec une simple canne elle aussi en plastique dans les foires ou parcs d'attraction dans le genre plus facile tu meurs mais où on risque beaucoup de se faire arnaquer quand même. Nous nous ruâmes vers le foyer du noir nuage, avant que d'ardentes flammes méchantes ne se laissent observer à l'endroit même de l'attaque de gros pas beaux.

- Mais... C'est... C'est le marché d'Oliville qui est attaqué ! s'exclama de nouveau le Drakkarmin qui avait justement mis des lunettes de soleil qui faisaient classe.

- Oh nooon ! s'écria Shaymin, blessée dans son honneur. Il ne faut pas qu'on laisse toutes ces gentilles gens et autres joyeux drilles innocents périr dans d'horribles conditions !

Je voulus dire quelque chose pour aussi avoir la classe, mais je fus devancé par le Dragon aux airs badass, serrant vigoureusement le poing et jurant, d'un air qui défiait la planète entière :

- Ah ça non ! Que de nobles gueux sans défense, accompagnés de veuves et d'orphelins, subissent les brimades de vils garnements ou d'une force mystique maligne, je ne le permettrai jamais !

Puis, baissant le regard, et prenant un air triste mais fier, écrasant une larme derrière ses verres teintés :

- Notre cher Fire... A beau être retenu ailleurs... Nous... Nous allons prendre la relève du devoir de l'équipe des We Tackle at Foes !

Et, redevenant aussi confiant qu'il n'y a même pas trois secondes, il hurla, confiant et prêt à l'attaque :

- Les amis ! Allons sauver ces braves gens ! POUR LA COMTE !

Je voulus moi aussi lancer un vaillant encouragement et faire une citation épique, mais ils commencèrent déjà à tracer tels des chevaliers justiciers vers l'humble regroupement de naïfs marchands et leurs modestes échoppes ; je les suivis donc, m'essuyant la sueur et les blessures pas encore très bien cicatrisées d'un coup d'aile, et serrant encore plus le Ruban Joie que j'avais mis autour du front, parce que j'étais le plus puissant du groupe niveau stats, après tout. Et, vu comme on était vachement rapides et qu'après tout, Oliville n'était pas si vaste, nous fîmes deux mètres avant d'arriver sur le lieu de l'agression. Minshya, d'un mouvement de mèche de gazon rebelle, s'exclama théâtralement :

- Ooooh non ! Regardez-moi ce bazar intergalactique !

Effectivement, un désordre interstellaire pire que la foire d'Empoigne s'étendait sous nos yeux ébahis par tant d'offense à la normalité : entre le pleutre peuple qui détalait de tous côtés et les frêles Pokémon qui s'enfuyaient aussi vite qu'ils le pouvaient, autrement dit juste à temps, puisqu'ils faisaient partie de ces personnes inutiles à l'histoire qui ne font qu'un caméo où ils doivent courir dans une détresse absolue juste pour montrer que y a vraiment un problème qui peut faire du mal à ce qui est vivant et qui a une âme, chaque stand sans prétention particulière état en proie aux flammes, sulfureuses armes du diable qui dévoraient toute la marchandise sur leur passage. C'était un spectacle si horrible que même Clairech Azal en pleurerait en le présentant au journal télévisé du 20h. Shaymin, dans un élan de justicière et en faisant de nouveau voler au vent impétueux et empli de cendres sa mèche rebelle, stoppa dans sa fuite un Pokémon lambda :

- S'il vous plaît voyons dites-donc ne partez pas comme ça m'enfin ! Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il se passe ici à notre fabuleuse équipe et moi-même pour que l'on puisse intervenir en toute connaissance de cause nom de Dieu non mais je vous jure ?!

Comme réponse gracieuse et délicate, on a eu le droit à un féroce rugissement postillonné en pleine gueule qui ressemblait vaguement à : "ON VA TOUS CREVEEEEEEEEEEEEEEEEEEER !"

- Vraiment tous à cran, en ce moment, les pauvres petits chous, remarqua Minshya-woman d'un air désespéré.

Drak-man, lunettes de soleil toujours sur le museau, rugit quant à lui :

- REGARDEZ ! LÀ !

Et nous regardâmes. Là. Dans un nuage de fumée crasseuse, entre les flammes brûlantes, se tenait, lévitant, l'ombre d'un tout petit Pokémon, arrivant vers nous dans une aura enflammée et destructrice tel un prince du feu pareil à un Hoothoot rubis profilé comme l'ange fougueux qui fend l'air tel un...

- Il va tâter de mes griffes et goûter à l'amertume de la défaite cuisante gracieusement offerte par la maison ! lança le Drakkarmin du moment, tendant vigoureusement sa patte avant en crispant ses pointes d'os aiguisées en signe de provocation vers l'ennemi.

- Personne ne touche à ma planète ! s'écria la Légendaire motte de pelouse rebelle, se préparant au combat.

Je voulus en balancer une aussi, voulant montrer à quel point j'étais tout aussi cheaté qu'eux, mais n'eus que le temps de me mettre en position d'attaque, montrant ma carrure d'athlète plumé à qui voulait la contempler, car fut vilainement interrompu par un souffle ardent provenant du Pokémon malfrat qui restait invisible dans cet Écran Fumée drôlement bien improvisé. L'attaque, assurément de type Feu bien évidemment huhuhu je suis trop fort, fit voler la chevelure bio de Minshya la Rebelle et effleura l'armure d'écailles de Drak le Juste, remettant ses verres noirs montés sur armature d'or d'un air trop stylé.

- AH HA ! Tu as délibérément attaqué les FANTASTIQUES We Tackle at Foes, tu fais donc partie de ces satanés Foes ! AH HA ! JE SUIS... (fait un clin d'oeil badass en soulevant légèrement ses lunettes de soleil)... TROP FORT !

Quand, soudain, je crus reconnaître le Pokémon qui fonçait vers nous... Et qui s'écrasa sur la chaussée, sortant à toute allure du brouillard de suie et des étalages enflammés, mort de fatigue. J'eus un moment O_o, puis m'écriai, Drak allant l'attaquer d'une Surpuissance bien placée :

- NAN ! STOP ! FINI DE JOUER AUX HÉROS !

Caverne s'arrêta net dans son fougueux élan, tout aussi consterné par ma réaction que Shaymin, figée sur place en me voyant courir vers le Pokémon Victoire, affaibli au maximum.

- Victini !

Le Ruban Joie aussitôt revenu à sa place habituelle, je pénétrai le nuage fumeux à pleine vitesse, toussant à cause de celui-ci, et distinguai le petit Pokémon évanoui. Je le ramassai délicatement, restant choqué de le revoir ainsi, et constatant les coups et blessures multiples qui parsemaient son corps endolori. Pas de doute, c'était exactement le même Victini qui avait été utilisé par Purple Eye à Algatia. J'allais m'en retourner vers mes coéquipiers, portant la fragile créature dans mes ailes, avant d'entendre un cri. Déjà entendu. Un cri qui semblait résonner... dans une carapace d'acier... Perdu dans ce nuage de fumée, encerclé de flammes où tout semblait se dérouler à la vitesse de l'éclair, je me fis vivement et brutalement renversé par une masse de métal qui sortit de nulle part. Je fus éjecté, le Victini toujours entre les pattes, valdinguai à travers la place du marché désertée, me mangeai un mur (encore un), mais continuai tant bien que mal de protéger de tout mon être Victoire blessé.

- Étouraptor, Cyclone !

J'entendis la voix criarde mais héroïque d'un jeune effronté ; et, le regard embué et enfumé, je distinguai un grand Rapace balayer la zone de la fumée avec de puissants mouvements d'ailes, portant également une... personne sur son dos ? Trop exténué et assommé par les précédents coups, je m'affalai sur le sol pavé, laissant tomber le petit corps de Victoire et mes paupières, sous l'épuisement. Aussitôt, je sentis une patte anguleuse m'attraper, une touffe douce et vigoureuse me pousser, pendant que les sirènes des pompiers et de la police d'Oliville se firent entendre. Traîné par mes camarades qui détalaient, me sauvant d'un emprisonnement certain, je trouvai le peu de forces qui persistaient dans ce corps d'Aéroptéryx qui raclait les dalles de pierres pour ouvrir encore une fois les yeux : pendant que les combattants du feu accouraient vers le corps éreinté du Victini, je vis, au-dessus des toits de la ville aux nouveaux horizons, avoisinant la place du marché qui était arrosée par les jets d'eau des lances des cinglants camions de pompiers et autres Pistolets à O de vaillants Pokémon en uniforme, au delà d'un gamin héroïque montant un Étouraptor qui aidait les autorités, la silhouette furtive du Pokémon en armure qui m'était rentré dedans, qui s'enfuyait maintenant furtivement, en volant presque. Je gémis, mais ne pouvais rien faire d'autre dans mon état peut-être passager mais déplorable à l'heure qu'il était. Ce Pokémon... Ce cri que je reconnaîtrais entre mille... C'était bien le mien... de Lançargot...


Nous sortîmes de la ville aussi rapidement qu'un essaim de Ninjask chassé par un Entomologiste fou, et nous hâtâmes de rejoindre Flamme et Plongeon aussi vite que nous le pouvions. Vu que j'avais peu à peu acquis une certaine accommodation aux coups dans la face (voire même aux coups tout court, d'ailleurs) j'avais beuglé pour qu'on me laisse marcher tout seul, sachant que j'étais de TRÈS loin un gamin, que je savais me débrouiller tout seul dans ma foutue vie, et que j'avais encore moins besoin d'assistance qu'un Charkos en âge de procréer. On me lâcha donc sur la chaussée dallée, et mes deux comparses avaient continué de tracer vers la plage sans m'attendre le moins du monde. Je jurai, puis étais désormais en train de me dépêcher de les rejoindre en courant comme je le pouvais.

- Attendez-moi juste une petite seconde, merde !

Drak se retourna, la Hyper Potion dans sa bouteille rose en spray fermement tenue entre ses griffes, Shaymin arrêta de détaler comme un Lockpin, freinant sur le sable de ses blanches pattes, et le Dracaufeu, qui nous voyait arriver, voulut voler jusqu'à nous, avant de se rappeler son mal de l'air, puis décida de marteler le sol avec entrain pour courir nous rejoindre (moyen extrêmement discret en passant, m'enfin). Pour ma part, je me mis à traîner lentement des serres dans les sablons, complètement essoufflé, ayant peur pour mon état de santé. Je respirais calmement, les fraîches brises marines accompagnées de leurs senteurs m'ébouriffant le museau, et continuais de tituber sur cette plage déserte baignée par un soleil de fin d'après-midi (DÉJÀ O_o). Sûr, que je me sentais attendu, avec trois Pokémon allant d'une touffe d'herbe à un dragon ambre de feu en passant par un Dragon cobalt de... heu... de dragon, qui vous fixent impatiemment en espérant que vous ramènerez vite fait bien fait votre arrière-train d'emplumé. J'avais beau ne pas être au meilleur de ma forme, je pouvais tout de même bien voir ce que je voyais derrière leurs dos, dans un moment de stress effroyable et, certes, avec la tête de O_o qui allait avec. Je restai figé sur place, le regard planté sur l'estran creusé par la carrure invisible de Lugia, et tendis mon aile vers le désastre imminent, pointant de la griffe le coupable :

- Il... Il... Il y a...

Fire croisa ses pattes :

- Il y a... ? Si tu t'inquiètes pour Lugia, ne t'en fais pas, puisqu'il n'y a rien à signaler depuis la dernière fois.

Sans réfléchir aux conséquences, je hurlai à m'en faire péter les cordes vocales :

- IL Y A QUELQU'UN QUI S'APPROCHE !

Dans le fameux ralenti des situations catastrophiques imminentes, le trio de Pokémon tournèrent lentement leur crânes, voyant tout comme moi qu'un humain à la coupe de cheveux improbable, ayant les yeux rivés sur l'océan qui phosphoresçait sous ce temps radieux, déambulait tranquillement, tout simplement, comme tout le monde ferait, MAIS EN DIRECTION DU LUGIA ÉCHOUÉ. Nous courûmes tous les quatre, toujours dans le ralenti dramatique, en criant "NOOOOOOOOOOOOOOOOON !" dans de fabuleux mouvements de lèvres, nous élançant pour éviter que l'homme en question ne trébuche et ne découvre le Pokémon... Trop tard. Il s'empêtra pitoyablement dans je ne sais quelle partie du corps de l'Oiseau au moment où nous bondissions tous en même temps sur lui, ce qui n'eût comme effet que de nous entasser et nous faire tous chuter sur la créature gisante. Et de provoquer bien sûr un hurlement.

- GAAAAAAAH !

Magnifique.

- VOUS POUVEZ PAS FAIRE ATTENTION ?!

A vrai dire, vu que six voix différentes avaient hurlé la même phrase, donner un seul auteur à cette réplique serait gonflé de ma part, donc je vais dire que tout le monde cria, vu que tout le monde avait quelque chose à redire. Nous nous relevâmes tous (enfin, sauf Lugia, vu que lui, il pouvait pas bouger) en geignant et rouspétant l'un contre l'autre (y compris Lugia, vu que lui, il pouvait encore l'ouvrir), et je levai enfin le regard sur notre homme, qui le leva en même temps, pendant que les quatre autres continuaient leurs jérémiades.




[...]




Me voyant, il éclata soudain d'un rire formidablement franc et assumé, croisant ses bras enfilés dans un poncho crème, se grandissant sur ses jambes couvertes d'un pantalon de toile blanche, relevant son menton barbu de trois jours, faisant voler sa chevelure enflammée littéralement explosée, qui essayait de rattraper le tableau avec une grossière queue de Ponyta.

- Ha ha ha ! On dirait bien qu'on a tous été en faute, sur ce coup !

Je balbutiai, hébété par la présence inexpliquée de cet homme quelque peu important, alors que Fire se rendait compte qu'il l'avait déjà vu sur la Route 5 d'Unys :

- Mais-mais-mais-mais-mais... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que vous faites là ?!

Goyah (puisque c'était de lui qu'il s'agissait, duh), gardant toujours sa pose mais changeant d'expression, me reconsidéra :

- Wow ! J'avais donc bien entendu une autre voix !

Shit. J'avais oublié ça. M'enfin, vu qu'il avait la "marque héréditaire", cet espèce de :D dessiné sur la main à tout jamais, je ne pense pas que ce serait lui qui allait me causer des ennuis et restant dans l'incompréhension totale quant à mon cas. Le Maître de la Ligue Pokémon d'Unys en date fit un grand sourire, et, de sa grande main de quarantenaire (je crois) manuel, me frotta la tête grossièrement :

- Un deuxième piaf préhistorique qui parle en trois jours seulement ! J'en ai, de la chance !

Continuant toujours ce geste ATROCE, il salua toute la troupe d'un air vachement amical :

- Salut à tous ! Désolé que nous nous soyons dérangés !

Heureusement pour lui, il eut de chaleureuses salutations malgré tout, avant qu'il ne retire enfin sa main de mon crâne écailleux, et pose la question qui fâche, regardant le dessous de ses sandales à épaisse semelle noire :

- Mais enfin, sur quoi j'ai trébuché, bon sang ?! J'ai encore toute ma vue, à ce que je sache...

Sentant que Lugia se retenait bien malgré lui de présenter comme il se doit l'étendue fantastique de son awesomeness, je pris aussitôt la parole et voulus expliquer simplement :

- Heu... Monsieur Goyah... Vous... Vous avez dû en voir, des choses, hm ?

Il releva la tête, intrigué, puis amusé, prêt à éclater à nouveau de rire. Je continuais, espérant bien qu'il me prenne au sérieux :

- Nous nous sommes d'ailleurs déjà rencontrés ; vous savez, Méanville, la Route 5, le Glas Tempête... Chris ! C'est moi !

Il mis sa main devant sa bouche, le pouce sur un joue et le bout de l'index sur l'autre, l'air songeur, me dévisageant avec ses yeux violets marqué de ses rides de patte d'oie :

- Hm... Chris ? La Route 5 ? Un Glas ?

Avant d'avoir son visage carré illuminé :

- Ah ! Oui, effectivement, je... !

- Vous vous souvenez ? pétillai-je d'impatience, heureux de pouvoir être sûrement prochainement aidé.

L'index en l'air, tout sourire, il déclara :

- Oui, oui ! Je... !

Puis il se remit soudain à songer, reprenant son expression perplexe :

- Ah, non, non, je ne me souviens pas.



DUH.



Souriant de nouveau, il se voulut rassurant :

- Enfin, peu importe ; le principal c'est que personne ne soit blessé !

J'eus un frisson. J'avais complètement oublié la Potion. Je me tournai vivement vers Drak, qui s'impatientait en silence pour Plongeon, dans un état invisible :

- Merde ! Lugia ! Vite, Drak !

Je fis signe à Goyah de s'écarter, ce qu'il fit avec amusement, avant de rejoindre le Dracaufeu et le Shaymin qui regardait avec anxiété l'Aéroptéryx et le Drakkarmin passer à l'action. J'étais en train de tâter un muscle invisible de je ne sais quel partie du Gardien des Abysses, ne voyant que le sable écrasé sous son poids et les vaguelettes se casser par une force imperceptible :

- Lugia ? Tu m'entends ? Tu peux nous indiquer où est-ce que t'as été touché précisément ? On a une Potion avec nous... informai-je calmement en faisant signe à Caverne, qui tenait le spray entre ses griffes acérées, de s'approcher. Je vais y aller au toucher ; alors guide-moi pour m'indiquer l'endroit précis.

Nous entendîmes gémir d'approbation. Bon. Ça n'allait pas être une partie de plaisir, mais je commençai doucement l'auscultation en titillant le premier gros muscle que je sentais entre mes griffes :

- Bon... Qu'est-ce que je touche, là ?

- Mon mollet... souffla la Voix de la Raison.

Bien. Vu à l'endroit où j'étais (et que j'étais donc assez éloigné de la mer, à l'échelle d'un Sancoki), je supposai qu'il devait avoir fait une roulade avant en se crashant, et qu'il s'était étalé sur le dos, les pattes vers l'amont de la plage et la nuque dans l'océan. En y regardant deux fois, c'est vrai que la forme géante creusée dans le sable prenait la disposition de deux grandes pattes ainsi étendues, et le reste du corps découlant vers l'étendue océanique. Toujours manuellement, toucher après toucher, aile après aile, je me déplaçai le long de son membre, remontant avec délicatesse et doigté d'un musicien sur un clavier, testant chaque touche seulement perceptible au toucher pour voir le son qui allait en sortir. Selon mes estimations, j'avais dépassé ce qu'on pouvait appeler le genou, puis sa cuisse... Ou alors j'étais déjà arrivé vers son ventre... Sous le regard attentif de Fire et Shaymin, celui inquiet de mon assistant et éberlué, ou peut-être jouant la berlue, de l'humain, je ne sentais désormais qu'une grande étendue de plumes, toutes aussi fines et duveteuses les unes que les autres, au fur et à mesure que l'on s'enfonçait dans l'épaisseur de plumage. Rhaaa !

- J'suis perdu, là, soupirai-je, exaspéré.

Lugia, un drôle d'air dans le timbre de la voix, grogna doucement, affaibli :

- Attends, je vais t'aider.

Palpant toujours à l'aveugle, les yeux grands ouverts, je sentis soudain entre mes ailes un vigoureux membre long, tel un tuyau, prenant racine pas très loin du haut des cuisses de...




O_O




- AAAH !

Je poussai un rugissement rauque, à la surprise générale, tombant à la renverse, et m'enterrant les ailes jusqu'aux épaules dans la première vase de sable détrempé qui me venait, priant pitié à Arceus pour mon innocence encore trop avancée.

- Mais quoi ? souffla Lugia. C'est ma queue !

- JUSTEMENT !

Il soupira, pressé qu'on en finisse :

- Mon appendice caudal, imbécile. Arrête tes caprices tendancieux, et reviens par ici, veux-tu ? Je la balançai pour t'aider... En plus de ça, je suis couché sur le ventre, alors tu n'as pas grand-chose à craindre.

Ah... Ah oui ? Sur... Sur le ventre ? Mouais. J'avais peut-être pas envisagé cette éventualité. Je revins, après m'être rincé les ailes dans l'eau claire et salée du rivage, pas encore convaincu :

- Mouaich mouaich. N'empêche que... refais plus ça.

Drak, lui, n'avait rien compris et s'en fichait pas mal, me regardant avec insistance pour que je me hâte de trouver la plaie, Minshya relevait le menton pour paraître digne et largement supérieur à moi dans cette situation, et Goyah et Fire était en train de mourir de rire, limite s'ils ne se rattrapaient pas mutuellement pour ne pas tomber. Oui, bon bah ça va, hein. En plus de ça, je voyais même pas pourquoi ce Maître de Ligue se marrait, vu qu'il n'était ni dans le délire ni dans l'histoire, alors bon. Je me remis à tâtonner hasardeusement, épaulé cette fois-ci de mon cher ami le Dragon altruiste, pour éviter un autre accident malencontreux. Nous reprenions donc notre périlleuse inspection lorsque le Gardien des sept mers lança avec un timbre amusé et lubrique :

- En plus, si ç'aurait été l'autre, je ne pense vraiment pas que...

- ÇA VA J'AI DIT ! piaillai-je.

Puis la voix qui était sensée être celle de la Raison s'exclama dans un frisson de douleur :

- FSSSAAAAH ! STOP !

Caverne et moi levâmes immédiatement les pattes du patient, et mon assistant s'arma aussitôt du médicament désinfectant entre autres rôles. J'avais à peine relevé les griffes qu'effectivement, sur mes ailes, je remarquai une trace d'encre bleue. A moins que... ce ne soit pas de l'encre. Drak s'exclama :

- Là ! Regarde !

Impressionné et assez choqué, je regardai une tache bleue humide, flottant dans les airs, entre la base du cou et l'armature gargantuesque du Pokémon si je visualisai correctement, c'est-à-dire plaquée sur le haut de l'aile de notre Légende. Elle semblait avoir déteint sur des fibres fragiles qui étaient malmenées par le vent ; la blessure, assez imposante à notre échelle de cinquième de Plongeon, suintait de ce sang noble, le duvet transpercé semblant boire quelques molécules et ainsi virer au céruléen. Tremblant devant un tel spectacle poignant, j'attrapai la Hyper Potion et dirigeai le diffuseur vers l'œil sombre de l'impact avant d'activer le spray. Dans la vaporisation au bruit distinct, des milliers de petites gouttelettes furent aspergées sur la déchirure nuit et la couvrirent aussitôt d'une blanche mousse effervescente. Contre toute attente, aucune plainte ne fut émise ; Lugia resta parfaitement stoïque, sans absolument rien bouger. Après, quant à la tronche qu'il tirait, allez savoir.


Lugia fut donc soigné comme nous le pûmes avec tous les moyens dont nous disposions. Il avait en effet été touché dans le bas de son épaule : moi qui comptais reparler de sa décision de ne pas voler, il avait désormais le meilleur argument au monde pour ne pas changer d'avis. Ce dernier ne se faisait aucun sang d'encre, malgré le fait qu'il ait pissé le sang : à croire que son sang bleu était synonyme de sang-froid, et puis, comme bon sang ne saurait mentir, il était prêt à signer de son sang le fait qu'il continuerait à suer sang et eau, quitte à avoir du sang sur les mains en mettant tout à feu et à sang, pour sauver le bon sang de notre monde, puisque nous n'avions pas succombé à leurs méthodes à glacer le sang et que les héros de notre sang avait justement du sang dans les veines. Pas de quoi se faire de mauvais sang, donc. Bien décidé à ce que le sang ne me monte pas à la tête (malgré mon sang chaud) à cause de ce petit coup de sang passager, mon sang ne fit qu'un tour et je déclamai :

- Bon sang ! Notre cher ami n'a heureusement pas payé de son sang notre imprudence, mais allons de ce pas venger le sang versé par ces idiots et laver dans le sang notre droit de vivre notre destinée sans avoir à nous ronger les sangs ! Hâtons-nous, compagnons !

Bien que cette réplique était totalement nulle et que Shaymin me priait de ne plus parler d'hémoglobine, j'oubliais le détail nommé Goyah. A nous entendre (enfin, à entendre le Gardien des Abysses et moi, quoi), il semblait cerner le problème, mais, vu qu'il restait tout aussi amusé et rieur que lors de notre rencontre d'aujourd'hui, je n'avais pas plus l'impression que ça qu'il comprenait bien notre situation, qui était, disons-le franchement, au paroxysme du romanesque. Le concerné, toujours un grand sourire tracé sur son visage ayant vécu mais ayant encore bien l'intention de vibrer au rythme des palpitantes aventures de la vie, me demanda donc :

- Ça te dérangerait de m'expliquer ce que votre petite troupe fait à Oliville ? Et, par la même occasion, pourquoi un tel... Pokémon rare vous accompagne-t-il ?

Vu qu'il en savait trop (et qu'on ne pouvait décemment pas éliminer un tel homme facilement), je lui rétorquai, d'un air dépité de devoir faire le rôle de porte-parole et d'avoir à résumer une histoire capillotractée :

- Pour faire simple - bien que je suis certain que vous me connaissez déjà, puisque vous m'avez remis cette clochette argentée que voici, mais passons -, j'étais un humain, avant, mais l'organisation qui fait sauter des régions et tue des Légendaires a kidnappé mes Pokémon m'a transformé en ce que je suis pour je ne sais quelle raison débile. Ce Lugia, que nous avons rencontré par la force du destin, comme dans les événements Wi-Fi, nous a sauvé de la noyade et se trouve être celui qui a été chargé de nous conduire à notre objectif, qui est évidemment de botter le cul aux abrutis de connard de merde qui fleurissent dans les journaux. Pour le moment, on doit aller trouver Arceus, pour lui demander, justement... eh bien... heu... bah, ce qu'on doit faire, quoi. MAIS BREF. Voilà le topo.

En gardant son sourire en coin, le Maître de la Ligue d'Unys me reconsidéra à nouveau, ses costauds bras croisés, puis repassa en revue Dracaufeu et son sac, Drakkarmin, Shaymin et l'invisible bestiau. Il argumenta soudain, adoptant sa fameuse main de songeur devant la bouche :

- Est-ce que, par le plus malencontreux des hasards, tu ne serais pas l'Arkéapti recherché... Évolué ?

Je frémis. Comme tout le monde. Je tombai à genoux devant notre homme, et l'implorai :

- Je vous en prie, ne me balancez pas... ! C'est juste cet enfoiré de Destin qui a choisi de me foutre dans la merde constamment... Je ne cherche qu'à sauver le plus de monde possible et à retrouver ma vie normale... Et, quand on est dans mon cas, on est pas vraiment aidé des forces de l'ordre qui ne cherchent pas vraiment à vous comprendre.

Goyah, étonné de me voir dans cette position, éclata de rire, puis se remit à me frotter le crâne de sa grande main :

- Ha ha ! T'en fais pas p'tit gars, tout baigne avec moi ! C'est bien parce que je sais parfaitement comment les flics se comportent que je vois ce que tu entends par là ! Ha ha !

Bien que grandement énervé par cette manie de m'astiquer la tête, je lui souris en coin :

- M... Merci, merci beaucoup !

Et notre homme réadopta aussitôt son masque de penseur :

- Chercher Arceus, hm ? Et... Vous comptez le trouver où, exactement ?

C'est vrai que je ne m'étais jamais posé la question jusqu'ici. Je me tournai vers l'horizon, qui n'allait pas tarder à s'oranger :

- Lugia ? On va où, exactement ?

La Voix de la Raison, un peu mieux remise de sa blessure grâce aux soins prodigués, déclama :

- Notre route est tracée vers les contrées septentrionales de cette région, où nous atteindrons d'antiques ruines cachées dans un blizzard mordant : les Ruines Sinjoh !

- Facile ! s'écria Fire, radieux. J'te le cramerai, moi, le blizzard !

Drak et Shaymin, pour le coup, se la fermaient. J'les comprends, après tout ; allez savoir si mon type Vol, à l'instar de mon type Roche pour l'eau, allait accentuer ma réticence à y aller, mais bon, quand faut y aller... L'homme à la chevelure de feu lança, après une certaine réflexion d'une certaine durée :

- Bien ! Vous allez donc devoir traverser à pied plusieurs contrées particulièrement riches en honnêtes humains qui seraient prêts à tout pour livrer à la justice le criminel notoire numéro un. Que diriez-vous tout d'abord de vous reposez ? Vous m'avez l'air dans un piteux état, tous ; et, à ce que j'ai cru comprendre, votre ami le Pokémon (il pointe du doigt l'endroit où est étendu Lugia) n'est pas au meilleur de sa forme. Ensuite, cher Pokémon dont j'ai oublié le nom, je t'entretiendrai à propos de ton histoire d'organisation et de Pokémon disparus, hm ?

J'eus la berlue, comme si la carte Chance sortait enfin du paquet mal trié que je me tapai depuis tant de temps. Les yeux pétillants, je m'emportai, tout comme mes camarades :

- Vous... Vous voulez dire que vous avez une piste sur ces gars ?

Goyah éclata de nouveau de rire :

- Ha ha ! P'têt bien qu'oui, p'têt bien qu'non ! Dans tous les cas, la priorité absolue en ce qu'il vous concerne étant le repos et la restauration de tout ce qui peut l'être - vu vos cernes consternantes, votre pitoyable état physique et inquiétant état moral, et, surtout, vu que ça renifle un peu -, je vous oblige à me suivre illico !

Cette nouvelle fit sauter de joie Shaymin, qui piétinait désormais d'impatience et avait à moitié sauté d'allégresse sur le Maître, et fit recouvrir un grand sourire et un désir de break dans notre quête à Fire et Drak, venant tous deux serrer la patte de Goyah, comme un marché conclu rapidement et sans discuter le moins du monde. Pour ma part, je restai dubitatif : certes, un repos serait amplement mérité, le mien en premier lieu, mais nous avions déjà perdu quasiment toute notre journée, et le temps nous manquait. Est-ce qu'il était vraiment raisonnable de...

- Si cet homme nous apporte son aide, cela change tout, m'informa Lugia, dont j'imaginai sa tête baissée à mes côtés vu la proximité de sa voix. Vu l'opinion que tu as de lui, il doit être de plus relativement influent dans votre société, non ?

- J'te l'fais pas dire ! renchéris-je. Il fait partie de l'élite !

- Raison de plus ! sourit le Gardien des Abysses. Et puis, une nuit confortable ne serait point de refus dans mon cas. Si je pense bien - ce qui n'est pas une surprise, puisque je pense toujours bien, après tout - cet homme pourrait grandement nous faciliter le voyage.... Et donc nous faire gagner des jours. Conclusion : on n'y perd pas grand-chose... si ce n'est de délicieuses boulettes d'algues et de poisson.

- C'EST OK ! m'exclamai-je soudain royalement, largement convaincu par son dernier argument.

Si même le Gardien des sept mers en personne était d'accord, pourquoi refuser ? :D

- Allons-y, dans ce cas ! rit franchement le grand homme, laissant le type Feu, Dragon, Plante et le costaud type Vol prendre de l'avance, chacun son rythme, chacun sa démarche, chacun son entrain, chacun son chemin *zbaff*


Empli d'un nouvel espoir de force, propreté et bien-portance, comme si tous mes problèmes s'en allaient soudain, je me hâtais pour rejoindre Goyah qui remontait la plage, suivant les quatre Pokémon joyeux plus ou moins visibles, et lui rappelais, juste au cas où :

- Au fait... J'espère bien que vous savez qu'en ville, je suis recherché, et que Lugia tient à son qualificatif de "Légendaire"...

- Oh, ne t'en fais pas pour ça ! Pour ton cas, j'ai ma petite idée, et pour son cas, tant qu'il peut rester invisible, je ne serais pas celui qui le cramera ! m'assura-t-il en riant.

C'est vrai que jusqu'ici, il n'avait pas clamé une seule fois haut et fort qu'un Légendaire se trouvait là. Pour le coup, c'était plus à moi de tenir mon bec.

- Pourquoi vous faites tout ça pour nous ?

- C'est normal ! continua-t-il dans un ton amusé. Vous êtes dans le besoin, vous êtes des héros, vous combattez des gars que je n'aime pas beaucoup pour ne pas dire que j'aimerais voir leur tronche encadrée dans mon salon et vous m'êtes très sympathique ! Je vois toutes les raisons pour qu'un humble humain tel que moi vous vienne en aide !

Je souris, et me sentis à ce moment encore plus fort, encore plus frais, encore plus dispo à combattre le mal et affronter mon Destin. Hésitant soudain, Goyah haussa les épaules :

- Et puis, faut dire que je n'ai strictement plus aucune idée de ce que j'étais venu faire ici, alors...

Avant d'éclater de rire de nouveau. DUH. Nous fîmes quelques pas, arrivant sur un bout de route dallée, et enlevâmes le sable de nos pattes (enfin, de ses sandales pour lui). Il me balança alors du tac au tac, extrêmement sérieusement :

- J'te l'dis tout de suite, si vous aviez refusé mon aide, j'aurais tout dit aux flics.

Je fus surpris, si ce n'est scandalisé, et le regardai avec de gros yeux. Il constata ma réaction, avant d'exploser de rire ENCORE UNE FOIS, agitant sa gargantuesque coupe de cheveux sulfureuse, et de me frotter la tête UNE FOIS DE PLUS :

- Ha ha ! Mais j'blague voyons ! Tu peux m'faire confiance, p'tit gars !

Et il continua ainsi son délire à gorge déployée, en nous conduisant vers la Zone de Combat, que je ne remarquai que maintenant, le pied des constructions flambantes neuves étant un chouia dissimulée derrière le bouquet d'arbres et de palmiers verts et bien portants du bord de route qui menait à Oliville. J'eus à peine le temps de m'extasier devant la magnificence des sommets et des toits du complexe haut de gamme qu'il finit son rire, s'arrêta, tourna vers moi et me tendit sa main :

- Bien ! Avant de continuer, recommençons les présentations : enchanté ! Goyah, Maître de la Ligue Pokémon d'Unys !

Puis, jouant à son jeu, qui, finalement, m'amusa sur le coup, je lui serrai la patte (enfin, heu, la main) de mes griffes, agitant vigoureusement l'aile, et déclarant, fier :

- Chris ! Et, heu, en humain, ça donne : Chris, fils de Lovis le Teigneux ! Enchanté !

En continuant de me secouer la patte avec un petit sourire en coin, il s'étonna un tantinet :

- Chris ?!

Pleins crocs, je souris fièrement avec une once d'espoir :

- Ah, enfin ! Vous vous souvenez !

Il rit de nouveau comme un Wailord :

- Ha ha ha ! Pas vraiment, non ! J'allais juste faire une remarque sur ton nom, mais bon ; tu me diras, on peut toujours te trouver un surnom ! Ha ha !

Je grinçai des dents, faisant mine d'apprécier cette blague POURRIE, pendant qu'il me lâcha la griffe et rejoignit la pokémonesque troupe, plus en avant, avec constamment son rire retentissant et flamboyant de vie. Je soupirai ; pas mélancoliquement, mais avec un certain amusement, je dirais. Bon, eh bien, mon Grotichon, je sais pas ce qu'il t'attend, mais au moins, tu vas pas t'ennuyer.


C'était, en définitive, bel et bien vers l'Atrium Combat que Goyah nous conduisait tous. Après avoir rapidement traversé la voie pavée qui longeait la plage, la porte qui creusait, dans la végétation, l'entrée du petit village, qui amenait par la suite les visiteurs et dresseurs à pénétrer dans l'enceinte luxueuse et à la pointe de la technologie, nous fit face. Évidemment, contrairement à la plage en ce moment de l'histoire de l'humanité, il y avait tout de même du monde, entrant et sortant de ce véritable quartier autonome pour dresseurs confirmés. Fire, Drak et Minshya trépignait d'impatience devant ce pavillon où quelques personnes faisaient la queue d'ailleurs, et attendaient fébrilement le Maître de la Ligue en bons fans hystériques l'ayant repéré sur-le-champ ; Maître de la Ligue qui ne se dépêchait pas le moins du monde et profitait des rayons du soleil qui s'inclinait à l'horizon. Lugia, que je présumai dans le coin,

- Tu présumes bien !

devait nous attendre nous aussi, quelque part devant. Dans tous les cas, l'idée de prendre un moment de repos dans ce petit coin paradisiaque me plaisait vachement, et je marchai avec entrain à la suite de l'homme au poncho. Arrivé au pied des premières marches, Goyah contempla avec un sourire heureux l'assortiment de buildings et stades bariolés, et, il faut le reconnaître, peut-être un peu tape-à-l'œil. Il s'exclama, s'avançant vers la porte :

- Bien ! Allons-y !

Je l'interrompis, ayant soudain peur qu'il ait déjà oublié :

- Heu... Monsieur ?

- Hmmm ?

- Il y a un certain Pokémon ici présent qui ne pourra pas passer par ici...

Il se retourna, interloqué :

- Ah oui ?

Puis, comptant du doigt le fougueux Dracaufeu au Sac aux Trésors, le fier Drakkarmin heureux et l'impatiente Shaymin à la verdoyante fourrure, il justifia :

- Pourtant, ces trois Pokémon et toi-même peuvent largement passer par là...

Je rétorquai, pas troublé le moins du monde, et pointant le vide d'une griffe :

- Il se trouve qu'il y a un cinquième Pokémon avec nous...

- Aah oui ? Cet arbre, là-bas ?

- NON, PAS CET ARBRE ! UN POKÉMON INVISIBLE, JE VOUS DIS !

L'homme qui avait la mémoire un peu trop courte s'écria, tapant du poing dans le plat de son autre main :

- Aaaaaah mais oui c'est vrai ça !

- Oui... soupirai-je, exaspéré.

Il sourit alors, reprenant aussitôt sa marche et entrant dans l'Atrium, doublant tout le monde, monde qui s'extasiait et devenait fou en voyant l'idole des jeunes :

- Et bien, il n'a qu'à faire un petit détour par les arbres, la bonne blague ! Ah, qui veut un autographe ?

Avant de s'armer de chaque stylo que lui tendait les fans en délire et de griffonner je ne sais quoi sur leurs calepins ou carte de dresseur. Je baissai les ailes, dépité d'une telle réponse, et soufflai, le regard planté vers le Poké-groupe qui ne savait pas quoi faire devant une telle réaction :

- Bon, Lugia, j'crois que tu vas devoir te débrouiller tout seul...

Le Gardien des Abysses soupira tristement :

- Bah, tu sais, c'est pas grave... J'ai l'habitude, d'être seul...

Pincé au coeur, je rétorquai vivement :

- AH NAN, HEIN ! DIS PAS CA OU TU VAS M'OBLIGER A TE COLLER TOUT LE RESTANT DE MES JOURS !

La Voix de la Raison plaisanta :

- Oh, mais non, je rigole ! T'inquiète donc pas, je suis une Légende ; c'est pas un bosquet nul qui va m'arrêter !

Faisant un signe d'au revoir à l'aile, je me dirigeai avec hâte vers mes compagnons qui m'attendaient, le Maître des Autographes ayant bientôt fini de calmer les foules. Je baissai un peu la tête en m'approchant et cachai mon Ruban avec mes ailes, de peur que les quelques regards avoisinants qui avaient été interceptés par ma voix criarde ne me reconnaisse. Fallait vraiment que je tienne ma langue, maintenant.


- Ouah ! Ça en jette !

- Ça, tu peux le dire ! C'est trop la classe !

- Je suis sûre qu'ils seront aux petits soins avec tout le monde ! Et avec un peu de chance, ils ont des sources chaudes !

Drak objecta, toisant Shaymin du regard :

- Si tu crois que les humains s'embêtent encore à trouver une source thermale pour avoir de l'eau chaude, t'es à côté de la plaque, ma vieille. Ils la chauffent eux-mêmes.

Gratitude rétorqua qu'elle, nonobstant le fait de n'avoir pas grandi avec des gueux, elle avait au moins été élevée convenablement, et dans les règles de la bonne société. Pour ma part, je me contentai de hocher la tête, vu que, étant donné les dizaines et dizaines de personnes aussi bien fringuées les unes que les autres qui vagabondaient au sein de cette aire de repos à gros budget mais faisant presque office de paillasson à côté du paradis de nouveautés cinglantes et architectures grandioses qui s'étalait derrière un bassin miroitant et arrosé par d'élégants jets d'eau cristalline, il suffisait d'une erreur de ma part pour être cuit. Je me cachai d'ailleurs comme je le pouvais dans les jambes de Goyah, qui n'y voyait aucun inconvénient, et en riait de bon coeur. Sur cette grand-place couverte de pierres rouges et bordée du sable des dunes avoisinantes, outre les habituels Centre Pokémon et Boutique et quelques curieuses maisonnettes de pierre blanche au toits plats dans le respect de l'architecture méridionale, il y trônait glorieusement, sur notre droite, un splendide palace, lui aussi fièrement bâti dans l'art du beau, blanc et géométrique des climats secs. Entouré d'arécacées encore plus verdoyants et impressionnant que leurs congénères, au point de paraître faux, le complexe hôtelier, puisque c'en était un, à voir l' "Asagi Beach Resort" placardé en lettres se voulant calligraphiées au sommet de la façade neuve, s'élevait dans les cieux bleus encore ensoleillés dans tout ce qu'il y a de plus imposant et prédominant : quelques larges marches sables découlaient du porche d'entrée vitrifié encadré de hautes colonnes, et invitaient qui avait de l'argent à dépenser pour un "séjour inoubliable dans l'hôtel le plus luxueux de la région !", selon la pancarte de mauvais goût qui s'affichait devant nos yeux. Au début, je souris sournoisement quand je voyais des personnes y entrer ou en sortir, me certifiant qu'ils allaient passer un moment plutôt kitsch, riche en boissons fraîches au goût bizarre et en piscine bleue chlore, à brûler sous les rayons UV en étant allongés sur des transats de plastiques cassés, mais j'eus peur pour mes plumes lorsque je vis Goyah se diriger d'un pas assuré vers l'Asagi Beach Resort, nous faisant signe de le suivre. Du côté des Pokémon qui n'y connaissaient à première vue rien en matière d'hôtellerie et d'attrapes-touristes, ça y allait fort :

- Génial ! J'arrive pas à croire qu'on va loger là-dedans ! pétillai le Dracaufeu.

- C'est tellement chouette ! J'm'imagine déjà étendu sur un matelas moelleux et piquer un de ces sommes... rêvai le Drakkarmin.

- Moi, se sera pour la salle de bains MÉGA luxe qui doit m'attendre et la piscine HYPER grande avec les SUPRA cocktails à volonté ! conclut Shaymin, sautillant gaiement à la suite du Maître de la Ligue d'Unys qui entrait comme un dieu dans le bâtiment outrancier.

Et, vu que je devais me contenter de suivre, fermer mon bec, et rester le moins visible possible, je me hâtai d'y entrer moi aussi, bien malgré moi.


J'eus à peine posé une griffe sur le lisse et glissant carrelage de marbre qui recouvrait le démesuré hall d'entrée aux fausses plantes en pots, canapés d'attente, colonnes de pierres et sculptures "anciennes" que je griffai les dalles trop propres avec une vitesse surprenante pour bondir derrière un de ces piliers se voulant décoratif, histoire de me cacher discrètement mais chose qui, bien entendu, n'est absolument pas discrète. Bref. Dissimulé dans l'art d'un novice en infiltration dans ce hall d'accueil qui pouvait contenir au moins cinq Lugia tant ses dimensions étaient exagérées, j'observai ainsi Flamme, Caverne et Shaymin, tous les trois un sourire jusqu'aux oreilles, qui secondaient le fringuant Goyah, accoudé au comptoir rutilant et qui draguait la réceptionniste pour avoir une remise. Ou pas.

- Vous savez, je ne l'ai jamais encore dit à personne, mais vous êtes presque aussi resplendissante que la fabuleuse Cynthia !

La nana en tenue officielle de la marque qu'elle représentait plus ou moins maladroitement, véritable Barpau de beauté, rougissait de sa bouille qui semblait avoir été malaxée puis étalée avec un rouleau à pâtisserie. Heureusement que cet individu borné qui aimait rire a utilisé le mot "presque", sinon il se serait prit l'Anti-Air de sa vie. Avec un vase en argile. Et il allait plus rire longtemps. Goyah finit donc de rire aux charmes moisis de la nana un peu cruche, et se lança finalement :

- À part ça, vous auriez deux chambres de trois, pas très loin l'une de l'autre ?

- Hihihihihi oui ! En première classe, je suppose ?

- Évidemment. C'est moi qui paye... Mais, je suppose qu'il y a un tarif pour les personnalités ? demanda-t-il avec un grand sourire en faisant valser sa queue de Ponyta qui portait bien son nom.

- Hihihihihi non, mais je pense que l'on peut arranger cela !

Juste au moment où, à l'affût des tentatives de la clientèle qui profiterait des mœurs un peu trop facile à affrioler de madame, un gros homme rasé à la moustache rectiligne arriva à grands pas de l'arrière-boutique :

- Hmmmmmmmmmmmm qu'ai-je entendu ? Arranger ? Arranger quoi, je vous prie ?

Goyah se sentit mal avec son plan qui venait de se voler en éclats, et, voyant pertinemment que ses techniques de flirt n'allaient pas être très efficaces face à cet obstacle, il s'excusa, gêné et un peu pitoyable sur le coup, en sortant sa carte bancaire d'une poche de son pantalon blanc aux jambes déchirées, pendant que mes Pokémon et le meneur des W.T.F. s'émerveillaient de l'aménagement et des moyens de l'hôtel. Le Maître de la Ligue tapai donc son code sans broncher pendant que je me tenais au courant depuis ma colonne, quand j'eus soudain chaud. Très chaud. Au niveau du dos, en fait. Je ne m'en préoccupai pas sur le moment, mais il se trouve qu'une griffe vint me titiller l'épaule :

- Hey ! Ce serait pas mon choupinou ?




[...]




Une rapide réflexion qui se résumait à "Ce n'est pas Fire, puisqu'il est devant moi là-bas, et que je suis pas son genre, alors c'est qui bordel de merde ?!" plus tard, je tournai lentement la tête, avant de lâcher un cri. Se tenant droite en face de moi, bien plantée sur ses ardentes pattes d'athlètes, le bec fumant et le joli petit regard gentil-parce-qu'on-était-dans-un-lieu-public sur mon corps déplumé et éreinté mais néanmoins surpuissant d'Aéroptéryx, la Braségali remarqua, m'observant sous chaque profil :

- Oh, à ce que je vois, tu as évolué, mon chou ! J't'ai tout de suite reconnu à ton air innocent et à ton joli petit foulard rouge !





O_o

LA BRASÉGALI DE LA FUCKING PENSION.





Mais... QU'EST-CE QU'ELLE FOUTAIT LA, PAR ARCEUS ?!

- Heu... Hé hé... Eh bien, c'est plus un Ruban qu'un foulard, m'enfin, si tu le dis... balbutiai-je doucement, me grattant la tête d'embarras, coincé entre le mur, la colonne, et ELLE.

Elle, justement, se rapprocha un peu plus (trop) de moi, me levant mon bec, qui appelait à
l'aide silencieusement, avec l'une de ses griffes et un regard langoureux, comme à son habitude apparemment :

- L'évolution est signe d'une maturité sexuelle accomplie, tu sais ! (clin d'oeil que je voulais pas voir) Alors comme ça, on a fait des bêtises, hm ? Les criminels sont tellement plus... Excitants...

HUM, OKAY. Je la repoussai, transpirant par l'étouffante chaleur soudaine et la gêne à son paroxysme :

- Heu, hum, ok, ok, héhé, mais... Tu sais, je suis un humain, à la base, et j'en ai un peu marre de le répéter à tout le monde... Donc, moi et les Pokémon, c'est de l'amitié, pas plus que...

Elle m'interrompit, revenant à la charge :

- Hm, peut-être, mais à l'instant présent, il se trouve que tu es un joli petit Pokémon à plumes, chéri, et, comme l'on dit, il faut vivre dans le présent !

Heureusement, le Destin eut pitié de moi à ce moment et décida que le porche étincelant de neuf et de verre fut passé par un certain dresseur avec une certaine tenue, un certain sac, une certaine casquette et certain entrain excessif :

- HA AH ! ENFIN L'HÔTEL !

Arborant toujours présomptueusement le look des dresseurs roxxors propre à Unys, Ludwig, le seul, l'unique, débarqua dans le hall, et vit Braségali, avant de sortir une Poké Ball, jouant le Dresseur de Pokémon mécontent :

- Rho, Braségali ! Arrête d'embêter tous les Pokémon que tu vois, voyons ! Reviens !

Juste au bon moment donc, le Dresseur de Renouet rappela l'Ardente dans la lumière rouge du retour et son son distinctif, rangea aussitôt la balle dans ses poches, et se tourna vers la rue, s'écriant :

- Alors ?! Vous vous grouillez, ou vous allez rester plantés là à attendre qu'il neige ?!

Puis il se dirigea d'un pas tout aussi fier vers la réception, sans même me remarquer. Étrange. Enfin, j'veux dire, il aurait dû me voir, quoi, puisqu'il a rappelé son Pokémon qui était en train de... de parler avec moi. Enfin, le défilé n'était pas fini, puisque dans sa suite, il se trouve que la nana avec la robe blanche comme un lys, le gilet orange comme une Baie Grena pas mûre et le béret aussi vert qu'une Baie Prine gâtée vissé sur un bosquet d'épis de blé emmêlés, Bianca, entra, tirant de toutes ses forces la manche azur d'un gars en tee-shirt immaculé et rayé de corail sous cette veste en jean au grand col blanc, pantalon noir et chaussures toutes aussi bleues, brun avec cette mèche singulière et ses lunettes qui me firent avoir un flashback : Tcheren, qui gesticulait, exténué du voyage, et insistant vainement pour qu'elle le lâche immédiatement.

- Maaaais ! C'est pas ma faute si t'es lent ! Bouge-toi heu !

- C'est pas une raison ! Je peux marcher tout seul ! Lâche-moi, s'il te plaît, ou je vais arrêter d'être aussi poli !

Les deux autres dresseurs de Renouet s'en allèrent ainsi à la suite de Ludwig, qui hurlai déjà à la réception à cause du prix ; moi, je restai caché derrière ma colonne au style qui se voulait piteusement antique, et observai, intrigué de leur présence en ce lieu. Et puis, en voyant ça, fallait croire que Ludwig avait drôlement bien encaissé l'accident de métro de la ligne Marron. Enfin, vu les trois joyeux drilles, je ne pensais pas que ces anciennes têtes de retour parmi nous n'allaient trop poser de problèmes. Le regard curieux et fouineur, je cherchais désespérément Goyah et les autres qui devaient être partis je ne sais où durant l'entrée en fanfare des trois humains, quand j'eus soudain chaud. Très chaud. Au niveau du dos, en fait. J'eus très peur sur le moment et faisais tout mon possible pour faire comme si de rien n'était, mais il se trouve qu'une griffe vint me titiller l'épaule :

- Hey ! Te revoilà !

Je criai, prêt à rugir qu'on devait me laisser tranquille et que je n'étais pas son genre de mec, quand la patte qui avait cette griffe me claqua le museau, m'empêchant de hurler ; je remarquai à ce moment-là que le Pokémon Feu en question, c'était Fire. Le Dracaufeu me sourit, un peu surpris par ma réaction tout de même :

- Hé, calme-toi ! Excuse-moi de t'avoir fait peur ; mais tu le sais bien, faut éviter que tu l'ouvres, hm ? On te cherchait, justement ! On allait nous indiquer les chambres...

Le temps que mon rythme cardiaque redescende, j'acquiesçai d'un mouvement de tête, et suivis de près le Pokémon ailé à travers le titanesque hall d'entrée, essayant lamentablement de cacher mon tas de plumes, d'écailles et la queue qui en dépassait derrière la carrure du meneur de We Tackle at Foes. Vivement que Goyah trouve une solution, parce que j'allais pas faire long feu comme ça.


A grandes enjambés planées dans les spacieux couloirs aux couleurs d'un ciel d'été, couverts d'une moquette étrange et éclairés par des lampes incrustées dans les murs en pierre blanche, puis en continuant dans des escaliers du même goût, nous débarquâmes à notre étage, en ayant croisé d'ailleurs pas grand-monde, vu la tonne de brouhaha qu'il y avait au dehors, côté piscines et terrasses. A croire que les derniers gros titres ne préoccupaient pas toute la planète ; et vous me direz, qu'est-ce qu'ils peuvent y faire, eux, hein ? Bref. Nous revoilà sur nos pattes tranquillement, et à chercher notre chambre, celui au museau sulfureux scrutant les numéros de porte, celui au plumage bariolé n'aidant en rien.

- 237, 239, 241...

- C'est laquelle exactement ?

- La 249 et la 250, si je ne m'abuse... Ah ! Bah justement !

Effectivement, au bout du couloir de cet étage de l'Asagi, la coiffure abracadabrantesque du Maître de la Ligue et l'appendice caudal aux excroissances carmins de Drak dépassaient d'une ouverture de porte. Nous les rejoignîmes sur-le-champ, et Goyah s'exclama en me voyant, l'air toujours aussi enjoué :

- Ah ! Te revoilà, toi ! Bien ! J'ai pris deux chambres, vu qu'une pour cinq aurait peut-être été trop juste - héhéhé, la bonne blague -, donc bon, y plus qu'à se départager, entre celle-là, et celle d'en face !

Drak pointa une porte de la chambre derrière lui, l'air blasé :

- Vu qu'un certain Pokémon de type Plante - pour ne pas citer de nom - a prit en otage la baignoire pour un certain moment, je suppose que cette dernière restera dans la 250...

- Étant donné que je me suis déjà pas mal installé, s'excusa Goyah en se grattant la nuque, je pense que je vais rester ici, ha ha !

Je voulus donner mon avis, mais me rétractai aussitôt, me rappelant qu'il fallait que je me la boucle le plus possible ; mais il se trouve Fire parla pour moi, regardant successivement, le Drakkarmin, le Maître et l'Aéroptéryx que j'étais :

- Heu... Drak, c'est ça ? Vu que tu sais y faire avec Shaymin, et que je pense que ça ferait très plaisir à Frère Plume ici présent que tu apprennes à vivre avec la gente féminine, je propose que tu restes dans la 250 également ; notre oiseau national et moi-même iront dans la 249 d'en face... Ça te convient ?

Je haussai les épaules en acquiesçant, indiquant que c'était comme il voulait, qu'après tout, peu m'importait, tant que je pouvais me reposer et prendre un bain. Je remarquai que le langage des signes était plus pratique que je n'imaginais, vu que tout ce qu'un haussement d'épaules pouvait signifier, m'enfin, sans plus attendre, Fire reçut en patte propre la carte de la chambre, nous les saluâmes, et le Maître en poncho, ayant compris que l'on s'était décidés à partager le chambre qui restait, ajouta que l'on se donnait rendez-vous à 19:15 pétantes à la terrasse de la piscine, avant de claquer la porte. Le Dracaufeu s'en était déjà retourné passer la carte magnétique dans la fente prévue à cet effet du dispositif installé sur la poignée ; il l'ouvrit tout simplement, et s'émerveilla de l'arrangement de la suite. J'entrai à sa suite, et, peut-être qu'il y avait de quoi, pour quelqu'un qui n'avait jamais vu une chambre d'hôtel auparavant. Disons que ce n'était pas EXTRAORDINAIREMENT BEAU non plus, m'enfin, le lino qui recouvrait le parquet était parfaitement entretenu, tout comme les murs de grès blancs comme neige ; le mobilier était en bois laqué, les tissus d'un bleu ciel commun, avec quelques rayures blanches par-ci par-là pour faire un peu de folies. Le mobilier en question, consistant à une grande armoire encadrée dans le mur, une longue commode sur laquelle était posée un téléviseur qui avait l'air de fonctionner, et deux tables de nuit jouxtant trois lits simples collés côte à côte, comme pour privilégier la proximité mais pas trop non plus, faits à la perfection. Sur notre droite, une salle de bain qui ressemblait à une salle de bain, et une baie vitrée au fond de la pièce principale, donnant sur un patio joliment jardiné avec la flore méridionale, pour rester dans l'ambiance voulue. Disons que l'on aurait dit qu'ils avaient tout dépensé dans la construction et l'aménagement, et qu'au final, niveau mobilier des chambres, ils étaient restés simples. Au moins, la caution ne devait pas être élevée. J'dis ça, parce que, me connaissant, ça m'étonnerait pas qu'un truc se casse, flambe, ou explose d'ici demain matin, alors autant que ce ne soit pas trop cher sur ma dette déjà assez astronomique. En tout cas, ce qui pour le moins pouvait être impressionnant, c'était la hauteur de plafond ; enfin, vous me direz, trois mètres, c'est juste un peu plus haut que la normale, m'enfin je m'attendais pas à ça dans un hôtel... Enfin, bref, on s'en branle complètement, de toute façon, vu que le seul foutu intérêt de décrire une chambre d'hôtel qui n'a rien d'important dans ma vie était uniquement de me montrer dans quel genre d'endroit nous avions atterrit, et même ça, on s'en fout, vu que le principal, c'est de savoir le fin mot de l'histoire, ET C'EST UN CERCLE VICIEUX INFINI, PUISQUE DES ENDROITS NULS J'EN CROISE TOUS LES QUATRE MATINS.

- Du repos, enfin !

Je relevai la tête, voyant déjà le Dracaufeu profiter en s'étendant tranquillement sur un des lits, jetant à moitié le précieux Sac aux Trésors, simple couche de tissu protégeant deux Légendes vivantes, sur le linoléum. Je bondis pour récupérer la grande besace de peau tannée avant qu'elle ne touche le sol, ce qui en résulta une magnifique glissade à plat ventre pour me prendre le pied du lit dans le museau. Fire m'aida à me relever malgré tout, alors que je cherchai à tâtons les Galets qui avaient roulés sous le lit.

- Ça va, mec ?

- MAIS OUI, BIEN SÛR, TOUT VA POUR LE MIEUX, VOYONS.

Il se gaussa :

- Si tu voyais ta tête ! Enfin, allez, souris, et profite ! Cet hôtel, c'est l'idéal pour se poser cette nuit !

Je récupérai enfin les Galets mystiques, quelque peu poussiéreux, et les rangeai avec attention en me frottant le bout du museau et soupirant :

- Mouais... Tu veux que je te dise ? Vu toutes les emmerdes que je me tape, l'idéal, ce serait que tout redevienne comme avant. C'est tout.

A ce moment précis, un sifflement, aussi léger et puissant que le vent qui s'engouffre dans une cavité indiscernable, se fit entendre. Me demandant d'où ceci pouvait bien venir, je remarquai une lueur venant de ce que je tenais entre mes griffes... A savoir le Sac aux Trésors. Je voulus demander au ciel pourquoi ici, maintenant, pourquoi tout court, mais je fus interrompu par de lumineuses vagues d'énergie noires, émanant toutes du Galet de la même couleur, et puis pof, là, comme ça, d'un coup, soudain, O_o, dans un simple petit flash nul, le Galet se changea en grand bestiau draconnique et électrique couleur Yin, qui se prit le plafond lors de son changement de forme, et tomba à plat ventre sur l'étendue des trois lits, écrasant Fire par la même occasion. Noir Idéal, de sa voix singulière, grave, noble mais quelque peu maladroite, déclama en geignant :

- C'est... par ta volonté que... aïe... tu accèderas à... ton idéal... aïe...

La table de nuit en plein dans les pattes, je trouvai quand même la force de sourire, me relevant d'un air enjoué malgré tout :

- Content de te revoir, Zekrom !


Ce qui est bien, lorsqu'on a été forcé de quitter son corps pour celui d'un Pokémon, c'est qu'on est débarrassé de tout ce qui fait de nous un humain, voire de tout ce que l'humanité a décidé qu'on aurait. En particulier les fringues ; pas que je revendique le fait de se balader à plumes, m'enfin, il faut avouer que ces dernières suffisaient amplement, et que je ne risquai pas de trébucher sur un lacet, perdre de l'argent à acheter des vêtements, me demander si ce que je porte me va ou va tout court, et c'était beaucoup plus simple pour prendre un bain. Il suffisait de sauter dans la baignoire, et le tour était joué. La pomme de douche avait beau n'être pas maniable du tout, avec six griffes au lieu de dix doigts, m'enfin, on se débrouillait comme on pouvait. Fallait le reconnaître que ça faisait du bien, de se laver, après être passé par milles environnements, allant de la ville à la mer en passant par la forêt. Je pouvais également laver quelques plaies avec les filets d'eau projetés, et malgré les picotements, voir certaines souillures être emportées dans le siphon soulageait la conscience. L'eau était chaude mais pas trop, coulant en rus le long de mon plumage imbibé, et s'astiquer les plumes, les écailles, les serres, le museau et la queue panachée avec un savon dans ses vapeurs relaxantes était, il fallait l'avouer, une des choses dont je rêvai depuis certains jours. Retirer aussi ce Ruban qui me pendait autour du cou me soulageait grandement la nuque. L'esprit tranquille, j'avais laissé pour quelques instants Zekrom et Fire dans la chambre, histoire qu'ils fassent connaissance, et que le dernier arrivé soit au courant des récents événements. Bref, je savourai ce premier moment de repos, bien décidé à ne pas être dérang-

- Hey ! Alors, ça baigne bien ?

La porte s'ouvrit alors avec fracas : un grand sourire sur le visage, Fire's coming.

- Ouah ! Il fait chaud ici !

Interloqué par son entrée en scène à un moment un peu privé, je restai coi :

- Heu... Certes... Mais... Qu'est-ce que tu...

Il continua de sourire, tout à fait normalement :

- Oh, trois fois rien ! J'viens juste prendre un verre d'eau pour ton ami noir, là !

- Mon ami noir ?

- Ouais, heu... Zaiqurohme, un truc comme ça. J'te dérange pas ?

Je soufflai :

- Non, bah non, non. JE PRENDS JUSTE MA DOUCHE. SANS RIDEAU. VU QU'IL Y EN N'A PAS.

Flamme parut intrigué :

- Heu, oui, je sais, ça... Et alors ?

J'eus un éclair de génie, me rappelant que je n'avais pas de fringues, mais que tous les Pokémon étaient dans mon cas. Donc qu'au final, ça ne devait pas me déranger. Pendant qu'il tenait un gobelet en plastique de l'hôtel sous le robinet ouvert, j'expliquai, un peu gêné, la pomme de douche entre les griffes :

- Ah, nan, excuse-moi, c'est juste que... j'ai pas l'habitude, en tant qu'humain, de voir d'autres personnes dans la salle de bain pendant que je fais ma douche.

- Hm ah oui ? Et pourquoi ça ?

Je me rinçai une nouvelle fois, profitant de l'eau chaude, en expliquant simplement :

- Notion d' "intimité" inventée par les humains et exercée par les humains, apparemment. Enfin, j'avais essayé d'expliquer à Zekrom, mais je crois que rien n'y a fait.

La tête du Pokémon en question passa aussi la porte :

- Hm ? On m'a appelé ?

- C'EST PAS BIENTÔT FINI, TOUS CES GENS QUI ME REGARDE SOUS LA DOUCHE ?!

Le Dracaufeu s'empressa de quitter la pièce avec son gobelet rempli, voyant que j'allais recommencer à m'énerver. Zekrom lui demanda ce que j'avais, il lui répondit que j'avais parlé d'immunité, l'autre lui rétorqua qu'il ne comprenait pas, puisqu'ils n'allaient pas voter pour que je parte de l'hôtel. Je laissai tomber pour ma part, éteignis l'eau, puis sortis de la douche. Machinalement, j'empoignai une serviette posée à côté de la vasque qui faisait office de lavabo, me séchai tant que je pus, m'ébouriffai ainsi le plumage, puis me l'enroulai autour de la taille et ouvris la porte, histoire de faire rentrer l'air frais et d'aérer toute cette vapeur. Voyant que j'avais justement ouvert le passage, Zekrom et Fire ne tardèrent pas à rappliquer :

- C'est bon, là ?

- Oui, soufflai-je, me lissant les plumes devant la glace, chose qui était devenue habitude depuis deux jours.

Quoi ? Me regardez pas comme ça ; j'ai découvert ça tout seul, il il se trouve que ça m'aidait à me sentir bien dans ce corps puissant, mais malheureusement pas celui de base. Côté "immunité", la réaction ne se fit pas attendre :

- C'est normal, ta serviette ?

- JE VOUS EMMERDE, D'ACCORD ? Donc. Vous voulez quelque chose, peut-être ? Zekrom est au courant de tout ?

Noir Idéal, dont la vue me rappelait de bons souvenirs et faisait vite oublier les quelques petits désagréments passagers, acquiesça :

- Yep ! Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on est une nouvelle fois dans la merde !

- J'te l'fais pas dire. Et, à ce propos, tu sais pourquoi Drak et Shaymin t'ont trouvé, toi et Reshiram, dans les waters des abrutis ?

Soudain interloqué, le Légendaire avec qui tout a commencé, tête baissée dans l'ouverture de la porte, songea, me regardant étrangement, toujours surpris :

- Heu... Non, pas vraiment, non... Mais... Re... Reshiram est là aussi ?!

Je répliquai, comme si c'était évident :

- Bah oui.

- OÙ ?!

- Heu... Dans le sac de Fire... En Galet... Y a un problème ?

A l'entente du mot "Galet", il soupira, déstressant totalement, et sourit :

- Bon ! Tant qu'il reste Galet, tout baigne ! Nan, aucun problème, à part le fait que je ne puisse pas le voir en peinture, tout baigne !

Il s'en retourna vers la chambre :

- Et me demandez pas pourquoi, je répondrais pas !

Ah oui ? Intéressant. Enfin bref, j'échangeai ma place avec le Dracaufeu qui voulait faire ce qu'il lui plaisait, et je sortis tout beau tout clean tout frais de la salle d'eau, ayant rattaché proprement mon Ruban Joie autour de mon cou. Me sentant plus léger et assaini, je trouvai le Galet Noir métamorphosé assis à regarder par la baie vitrée. Je m'approchai, et ne voulant pas le contrarier avec cette histoire de Blanc Réel, je lançai gaiement :

- Ça fait plaisir de te revoir !

Il se retourna, me souriant :

- Moi aussi, ça me fait plaisir qu'on se revoit ! Tu me diras, ça fait même pas une semaine, hein !

Je me rendis compte assez abruptement qu'effectivement, ça ne faisait même pas une semaine.

- Ouah. Faut dire qu'avec les journées que j'ai, j'ai l'impression que ça fait des mois !

J'ajoutai, après avoir regardé un peu autour de moi :

- Désolé de t'avoir "réveillé" ici, c'est pas le meilleur endroit...

Zekrom s'excusa gentiment :

- C'est plutôt moi qui me suis gouré ! Disons que je dois - selon notre protocole - apparaître entre les mains du dresseur qui me possède quand ce dernier exprime quel serait son idéal... Si je le juge défendable, mon devoir est de l'aider jusqu'à ce que ce dernier s'accomplisse !

- Ah ! m'exclamai-je. C'est donc ça !

J'eus une pensée pour Lugia, et je ricanai :

- L'histoire d'être un héros ou non, c'est donc du pipeau, hé hé hé !

Noir Idéal me regarda soudain en mode O_o, puis songea :

- Ah zut. C'était ça que j'avais oublié de vérifier.



DUH.



- M'enfin, vu que Fire m'a dit que t'étais bien Chris, et vu que ton âme qui fait ce que tu es à l'intérieur reste la même, je peux bien m'assurer que tu es le gars qui m'a sauvé la vie, et donc que tu es un gars qui en vaut la peine !

Flatté, je fis un signe d'aile :

- Oh, arrête, c'est normal...

Puis, désespéré :

- J'aurais aimé en faire de même pour Rayquaza. Mais, je vais éviter d'y penser, sinon, je vais pas m'en remettre.

Voulant changer de sujet, je demandai, regardant les arbres fleuris de l'atrium par delà la baie vitrée, contrastant avec le ciel bleu-rose d'un début de soirée d'été :

- Et... Sinon, tu sais ce que tu vas faire, maintenant ?

Zekrom s'exclama, comme si c'était évident :

- Restez avec toi, bien sûr ! Je tiens quand même à ce que le rôle secondaire qui m'a été attribué soit honoré !

Puis, chuchotant :

- Et, entre nous, c'est plus fun de voyager avec toi que de rester au boulot à créer des âmes insignifiantes, certes en compagnie de ma tendre Latias, mais en devant ce taper le beau-frère chiant et l'autre grand Blanc qui se la joue super pro. A la limite, les Cré's doivent s'éclater en post-prod, m'enfin, là où je suis, c'est dans les pauses cafés que réside le moment action du jour, si tu vois ce que je veux dire.

Il haussa la voix de nouveau, fier, et m'informa, pas trop tôt :

- Mon dernier rôle de Pokémon Légendaire amnésique m'ayant plutôt bien aidé dans mes recherches, j'estime donc que poursuivre ce voyage avec toi et honorer les légendes faites à mon sujet est une des meilleures décision que j'aie jamais prise !

Je croisai les ailes, sceptique, et avec un petit sourire en coin :

- Mouais mouais mouais ! Et peut-on savoir ce qu'est cette histoire de "recherches" ?

Le Dragon mythique parut étonné :

- Ah ? Je t'en ai jamais parlé ?

Je soufflai :

- Nan, vu que tu "jouais l'amnésique"...

Il croisa alors les pattes à son tour, gonfla le torse, et me toisa, regard rubis en coin de paupière toute aussi onyx que son corps :

- Je fais une GRAAAAANDE étude sur l'espèce humaine !




[...]




- Hm hm. Bien sûr. Et peut-on savoir pourquoi cette passion pour l'anthropologie ? questionnai-je, blasé par cette révélation qui était au final plus curieuse qu'époustoupéfiante.

- A force de persévérer au boulot et de travailler sur des individus complexes, en particulier certains humain à l'esprit tarabiscoté, j'ai eu envie d'en savoir plus sur la particularité de votre chère espèce... L'observer, l'étudier, m'aiderait peut-être à en savoir davantage sur votre unicité !

Sceptique à cette idée quelque peu saugrenue, je rétorquai :

- Si tu comptes déceler tous les mystères de l'Humanité depuis ta condition pokémonesque... Bonne chance.

Vexé, il objecta :

- J'vois pas où est le problème ! Vous avez bien des spécialistes qui nous étudient, vous !

Je haussai les ailes :

- Effectivement. Mais nous ne nous vantons pas de tout savoir sur toutes les espèces Pokémon de ce grand et vaste monde, et, depuis que nous avons commencé, nous sommes encore loin, TRÈS loin de l'objectif ultime.

- Mais je ne veux pas me vanter de...

La porte de notre 249 valsa d'un coup, et fit l'effet d'un coup de canon qui propulsa Goyah comme une furie dans notre chambre :

- AH MAIS GROUILLE-TOI ENFIN !

Il vit Zekrom. Zekrom le vit. Il regarda Zekrom. Zekrom le regarda.




[...]




- Heu... Salut.

- Salut ! sourit le Pokémon Légendaire.

- BREF. Mon cher gamin, tu dois te préparer en vitesse !

Je stressai :

- HEIN ?! Mais vous... Vous aviez dit 19h30, et il est à peine 19h...

- CHANGEMENT DE PROGRAMME ! Parsley a pas pu faire mieux ! Le dîner est dans DEUX MINUTES !

En hurlant au drame, l'homme au visage carré et au style particulier inchangé m'empoigna par les ailes, me traîna et me jeta dans la salle de bain en défonçant la porte. Il eut le temps de s'enfuir puis de revenir pendant le quart de seconde où je m'excusai pour Fire et où se dernier ne voyait pas pourquoi je m'excusai, me planta sur le carrelage humide de vapeur, face au grand miroir ovale pendu au-dessus de la vasque, et me vissa sur le crâne un haut-de-forme en feutre noir, un ruban de soie rouge surmontant la bordure circulaire du haut couvre-chef.

- Vooooooiiilà ! C'est parfait maintenant !

Je regardai le corps fatigué mais lavé d'un Aéroptéryx dont la carrure notable perdait deux ou trois plumes à cause du stress, et dont le museau reptilien couvert d'écailles aux couleurs sylvestres, qui sembla être passé par toutes les émotions existantes, était coiffé de ce chapeau singulier, de traviole sur ce crâne trop petit, et me tombant sur mes yeux perçants, légèrement rouges de fatigue. Contrairement à tout à l'heure, j'eus cette fois un violent pincement au coeur, me rappelant encore une fois que je n'étais pas vraiment à ma place, dans ces muscles, plumes, écailles, et griffes. Sans parler du haut-de-forme qui me donnait un air disons...

- Avec ça, ça fait Richard, et c'est parfait ! s'esclaffa Goyah.

- Ça rajoute une certaine personnalité, sourit le Dracaufeu d'un air mesquin.

- EPIC ! se foutit de ma gueule Zekrom.

- Je préfère le mot original, soufflai-je, exaspéré. Mais c'est obligé, ça ?

Le Maître de la Ligue croisa les bras et m'assura :

- Un peu, mon neveu ! Avec ce chapeau, personne te reconnaîtra !

- Faut vraiment être con pour pas me reconnaître avec ça vissé sur le crâne. SURTOUT QUE JE SUIS ENCORE PLUS VOYANT.

Il me murmura à l'oreille :

- On parie combien ?

Je répliquai, susurrant tout comme lui :

- J'croyais qu'on avait un dîner ?

- AAAAH J'ALLAIS OUBLIER ! hurla-t-il, revenant au sujet du moment. ON Y GO NOW, ET QUE CA SAUTE !

Il m'agrippa de nouveau de sa poigne de fer, me tirant à toute vitesse sur les tapis et la moquette, m'emmenant et me traînant à travers l'hôtel. Malgré le fait d'être traité comme une serpillière et de rattraper à tout bout de champ le chapeau qui s'envolait, je vis Fire, Drak, Shaymin, tous trois propres comme des sous neufs, détaler à notre suite dans les couloirs de l'Asagi. Et, vu que j'entendis une vitre se briser avec un certain panache, je suppose que Zek' avait réussi à trouver un moyen de sortir par soi-même. Je l'savais, que c'était important de souligner le prix de la caution.


A peine déboulions nous hors de l'Asagi Beach Resort que Goyah me balança avec une force surhumaine dans une décapotable à la teinte de ses cheveux, et bondit côté conducteur, me virant côté passager d'un coup de rein bien placé.

- ON EST GRAVE A LA BOURRE ! ON FONCE !

L'homme qui ne nous voulait que du bien écrasa d'un Ultimawashi la pédale d'accélération ; les pneus de la bagnole de feu crissèrent, et le bolide parti sur les chapeaux de roues dans un nuage de poussières. Les événements se déroulant soudainement trop rapidement pour moi et mon petit coeur, je restai enfoncé dans le siège de cuir sombre matelassé à planter mes griffes sur le haut-de-forme, afin qu'il reste en place et ne soit pas soufflé par les bourrasques que l'on se prenait en pleine face, filant à une célérité à la limite de celle autorisée. Dans un effort légendaire, il se trouve que je ne tardai pas à remarquer le ventre d'un Dracaufeu avec un sac en bandoulière, d'un Drakkarmin agrippant un buisson à pattes blanches, et d'un Zekrom survolant la voiture qui filait en direction d'Oliville. On entrait déjà d'ailleurs dans la ville, cernés par les basses habitations traditionnelles qui défilaient à folle allure. Me demandant constamment "OH MY GAWD WHAT I'M GONNA DO" avec une tête de timbré dépassé par les vicissitudes d'actualité, le fougueux Maître de la Ligue d'Unys se décida à dévoiler ce qu'il en était tout à fait sérieusement, parlant fort pour que sa voix couvre le bruit du moteur rugissant, mais sans quitter la route des yeux pour autant :

- Bon, j't'explique en deux-deux ! Il se trouve que je connais plutôt bien Parsley, un certain Chambellan qui est accessoirement meneur de zone à la Zone de Combat que nous venons de quitter ; ses relations avec Percila, qui dirige le Castel de Combat dont ce dernier est meneur, l'on conduit à fréquenter ses parents, alias les proprios de la Zone dans son intégralité. Vu le gratin milliardaire dont ces gens font partie, il se trouve également que ces personnes soient amenés à fouiner et à pouvoir colporter certains éléments de dossier secrets de notre politique, ou sûrement à propos de notre chère organisation de malheur. Sans compter le fait que ce brave Chambellan m'a informé d'un futur "grand arrivage" de Pokémon payé grassement, destiné à l'Usine de Combat. En conclusion, j'ai réussi à nous caler une rencontre avec ces vioques, et à nous de les cuisiner pour qu'ils nous livrent ce qu'on veut savoir.

J'n'avais rien à redire ; enfin, disons que je ne pouvais pas redire la moindre chose, vu que les virage serrés en dérapages contrôlés me coupaient le souffle, et qu'après avoir raclé tout le sable d'un parking sous le soleil couchant, ma portière s'ouvrit en me jetant à terre. Je me remis aussitôt sur mes pattes, enfonçant mon haut-de-forme sur ma tête, et je hurlai :

- OK, STOP, STOP ! Laisse-moi le temps de souffler !

Faut croire que Goyah était sacrément bouché ; il ordonna sympathiquement et sans plus tarder aux Pokémon qui nous avaient suivis de se présenter sous son nom aux Gallame des portiers, qu'ils allaient les amener dans la partie de l'établissement réservée aux Pokémon. Bien que je ne fusse pas le centre d'attention à ce moment, j'en profitai pour faire remarquer :

- Ça m'étonnerait que ça marche comme sur des roulettes avec Zekrom.

- Sans m'oublier !

Je sursautai en entendant la Voix de la Raison, venant d'au-dessus :

- T'es venu aussi ?!

- Vous ne pensiez tout de même pas vous débarrasser de moi comme ça ?

Je rétorquai, blessé :

- AH, ARRÊTE J'TE DIS ! ON T'AIME TOUS !

Celui qui aimait apparemment recevoir des preuves d'amour malgré son apparence invisible rigola :

- Han, mais je plaisante, je vous dis ! N'empêche que je me suis bien enfoncé des épines dans les pattes avec votre histoire de passer par les arbres... J'ai la fourrure d'un Voltali, maintenant.

Drak, qui allait se diriger à la suite de Shaymin et Fire vers l'entrée des Pokémon, à l'arrière du bâtiment dont il était question, s'interrogea :

- Mais... Comment t'as fait pour nous suivre ? Tu peux pas voler ?

- T'occupe.

Caverne dû se contenter de ça, puisque le Dracaufeu patientait impatiemment et la Shaymin rétorquait aux Gallame en costard à l'entrée des Pokémon que son valet n'allait pas tarder. A côté du cabriolet rutilant, il ne restait plus que le Maître de la Ligue, Zek, un Lugia invisible, mon haut-de-forme et moi.

- Personnellement, répliqua Zek, je préfère vous accompagner dans la salle, histoire d'étudier un dîner humain.

Commençant à croire que son histoire de thèse sur l'Homme allait lui servir d'excuse pour tout et surtout n'importe quoi, j'objectai :

- De une, c'est pas un dîner humain comme les autres, vu le gratin que l'on y rencontre et vu les prix exorbitants à la carte ; de deux, les Pokémon ont leur endroit réservé ; et de trois, même si les Pokémon étaient autorisés, je ne pense pas qu'un bestiau de ta carrure soit accepté sans le moindre problème.

J'entendis le Gardien des Abysses répliquer, pour sa part :

- J'ai juré t'accompagner jusqu'au bout, et s'il t'arrive encore une merde dans ce restaurant, je me dois d'être présent pour t'aider.

- Et moi, je dois te prêter main forte pour réaliser ton Idéal !

- Mais je...

Goyah, vu qu'on devait se grouiller, nous pressa en courant vers l'entrée principale, qui se trouvait de l'autre côté de la face parking :

- A bien y réfléchir, il doit y avoir un moyen ! Suivez-moi, et que ça saute !


Dans le feu de l'action, il se trouve que j'ai manqué de voir précisément où nous étions arrivés. Après tout, dès notre descente du bolide, l'écho d'un orchestre classique jouant les concertos pour violons bien connus d'un certain Vivaldaim (le compositeur, hein), annonçait bien la couleur de la distinction. Nous quittâmes donc le parking de graviers gris arboré de jeunes arbres ici et là pour nous diriger vers une formidable bâtisse d'architecture haussmannienne, qui semblait reluire d'un éclat doré sous le halo ambre des anciens lampadaires de fer forgés plantés à l'entrée... Ah non, autant pour moi ; le bâtiment était VRAIMENT recouvert de feuilles d'or. A son porche de verre et de soie entre la pierre taillée, où une file d'attente de Richards, Gentlemen ou autres Mondaines attendaient patiemment leur tour, un tapis écarlate brodé de buissons de buis rond en pots descendait le perron et se déroulait jusqu'à la chaussée, invitant tous ceux ayant de la monnaie sonnante et trébuchante, BEAUCOUP de monnaie sonnante et trébuchante. Au-dessus du porche où se tenait proprement un valet qui accueillait comme il se devait ceux inscrits sur la liste, était accroché solidement, en lettres de saphir, "Coritzyon d'Or Cinglant Gastronomiqu'2". La gargote pour prendre un p'tit sandwich sur le passage, quoi. Goyah fit signe de se rapprocher :

- Bien, à partir de maintenant, laissez-moi parler, hm ?

Puis, en dernière recommandation, son regard vers moi :

- Évite d'ouvrir le bec avant qu'on soit sûr que notre petite supercherie fonctionne, héhéhé.

Bien sûr que j'aurais voulu défendre l'évidence de la chose, qu'il ne suffisait pas de foutre un haut-de-forme à un Aéroptéryx pour en faire un fils à papa humain et bien élevé, mais les circonstances font que je ne devais pas l'ouvrir. Le Maître de la Ligue, confiant, s'approcha à grands pas du valet bien coiffé qui recevait tout ce monde, et, bousculant toutes ces gens et doublant carrément les premiers de la queue dans les indignations publiques, il s'exclama haut et fort :

- Goyah, Maître de la Ligue d'Unys ! J'ai réservé une table pour cinq, un faaaaantastique dîner avec Monsieur et Madame... !

Il jeta un coup d'oeil indiscret à l'intérieur de la salle, sous le regard ébahi des clients, qui hésitaient entre scandale et adoration devant un tel panache, efficace qui plus est.

- Ah ! Les voilà d'ailleurs ! Voyez, ils nous attendent ! Alors veuillez notez notre présence, et que ça saute !

Le valet d'accueil, un peu intimidé et brouillon, balbutia quelques excuses, griffonna rapidement en faisant voler ses feuilles de réservations, et s'inclina finalement pour laisser le passage. L'homme en poncho pénétra dans le bâtiment de toute sa grâce et sa grandeur, tel un prince. Au dernier moment, il se rendit compte qu'il nous avait sans doute oublié sur le perron, et il ressortit, me tenant l'aile comme il tiendrait la main à un gosse, et s'écriant :

- Ah non mais enfin mais voyons ! Veuillez ouvrir le graaaaand portail pour que le cher Pokémon de mon... cousin par alliance, que voici, puisse entrer ! Chaque invité de prestiiige a bien le droit à son cher Pokémon favori, même si ce n'est qu'un seul ! Non mais enfin non mais je vous jure !

Je fus fusillé du regard par toute la haute société qui faisait honnêtement la queue ; moi, je me dissimulai de honte tant que je pouvais en enfonçant au maximum les bords sombres de mon couvre-chef. Puis j'ouïs des exclamations de stupeur, suivi de pas qui se faisaient entendre par le poids du bestiau indélicat. Je relevai un peu mon chapeau, histoire de voir quelle calamité ambulante était responsable, m'enfin la surprise n'était pas vraiment surprenante : Zekrom, un sourire tout aussi maladroit que sa démarche et sa tenue gravé sur le visage, s'avançait, sur une route toute tracée par les clients qui s'écartaient pour lui laisser le passage, et s'apprêtait à entrer dans le restaurant cinq étoiles, quand, devant l'ahurissement des portiers ayant ouvert le double portail et des gens d'au-dehors, Goyah prit ma défense et s'avança, prêt à clamer son idée de génie, celle qui me faisait douter comme jamais.

- Et bien ?! Qu'il y a-t-il donc ? Ne savez vous pas reconnaître un Métamorph quand vous en voyez un ?!

Puis, prenant un air triste et dramatique :

- Le pauvre petit a subi une terrible Entrave d'un Pokémon tout à fait surpuissant, et ne peut plus réutiliser Morphing... Juste après avoir obtenu le privilège d'observer le mythique Pokémon Unyssain voler dans notre ciel et avoir voulu l'imiter... Mais voyez-donc, ce n'est qu'un Métamorph !

C'était le moment de vérité. Devant la foule dubitative sous leurs tenue de gala, Zekrom ouvrit la gueule, et grogna distinctement :

- Métamorph.

- Ooooooooooooooooooooohhh ! s'exclama la foule, admirative et soulagée.

- AH HA ! Vous voyez ? Bon, et bien, assez perdu de temps en justifications lamentables pour un établissement comme le vôtre, si j'ose dire ! articula fortement Goyah, reprenant sa pose de VIP, ne lésinant pas sur l'emphase d'un accent bourgeois qu'il devait sortir pour toute soirée mondaine qui le saoulait.

Ainsi exécuté, son plan "absolument parfait" nous fit entrer, Goyah, moi, Zekrom, puis Lugia, toujours invisible, qui avait pour mission de rester collé à Zek pour pouvoir passer en même temps que lui... Enfin, en se baissant, pour sa part. Heureusement que les hauts, très hauts plafonds magistraux du Coritzyon d'Or Cinglant Gastronomiqu'2 existaient, tiens. Mais que je la sentais mal, cette soirée, que je la sentais mal...


Parlons-en, de l'endroit, d'ailleurs. Comment dire ? Simplement que la façade correspond bien à l'intérieur, sans aucun doute. Les fameux plafonds, hauts d'une dizaine de mètres au bas mot, donnait l'impression d'avoir affaire au plus spacieux bâtiment de la ville : ornés de fresques peintes et bordé de moulures, de fragiles lustres créaient ces cascades de diamants qui lévitaient très délicatement entre les quatre murs à papier peint doré et rouge rubis. De grands et hauts miroirs au cadre sculpté gracieusement, parfois intercalés entre deux fenêtres parfaitement transparentes et de la même dimension exagérée par delà lesquelles la nuit tombait, triplaient le volume de la large salle à manger, remplie de la haute société et de tenues toutes aussi extravagantes que les manières adoptées par les attablés. Dans ce style rappelant les palais des rois les plus riches, cette valse de tables nappées de blanc, de fauteuils molletonnés, de couverts argentés, de vaisselle de porcelaine, de chandeliers astiqués et de verres de cristal carillonant, le tout bruissant de ragots radotés ou d'anecdotes familiales mêlés au glissement des archers des violons, fourmillant de sommeliers et de serveurs habillés en Pingoléon, faisant tourner assiettes, vins et pains ; cette miscellannée, débordant de grasse richesse et de politesses exacerbées, qui baignait dans la tiède odeur exquise et suprême des mets et produits haut de gamme ; tout ce distingué mélange coordonné au poil prêt créait cette ambiance de velours culinaire et de préciosités royales, qui, pour ma part, ne pouvait que me mettre de plus en plus mal à l'aise, avec mon foutu haut-de-forme trop grand, ce Maître de la Ligue qui gardait sa tenue de voyage et Zekrom qui en prenait pleins les mirettes pour sa fameuse thèse. Quant à Lugia... J'espérais qu'il ne se prenne ni lustres dans le bec ni chaises dans les pattes. Ou même personne dans les pattes, ce que je n'osais vraiment imaginer.
Nous suivîmes tous les trois Goyah jusqu'à une table où nous attendaient nos hôtes et le Chambellan qui avait organisé la rencontre : ce dernier, qui se leva pour nous accueillir, en smoking noir et blanc de tout ce qu'il y a de plus classique, ponctué de revers de veste violet et d'un pantalon de la même teinte pour se démarquer, avait ses cheveux bruns envoyés vers l'arrière et une grande mèche blonde en plein milieu, jusqu'à la pointe de la bouclette terminant sa chevelure. Il laissait entrevoir une montre à gousset de par la chaînette qui dépassait de sa poche de veston et adopta un regard étonné derrière ses sobres lunettes rectangulaires ; tout comme nos hôtes - l'un à la moustache frisée et aussi grise que ses quelques cheveux, son habit seyant, sa cravate serrée et sa figure ridée, piquée de deux pupilles éreintées de droiture et sûrement d'une vie trop dirigée par les ordres militaires et l'étiquette, et où les ris viennent à manquer ; l'une à longue robe couleur d'une rose fanée et aussi serrée que ses lèvres tracées d'un coup de crayon rouge sang, avec sa coiffure d'un blond passé relevée en chignon et ornée d'un serre-tête dans tout ce qu'il y a de plus étincelant et coûteux - ils nous relookaient tous les trois, en passant certes un certain temps sur ma personne, mais encore plus de temps sur le... "Métamorph".

- Madame, messieurs, bien le bonsoir, sourit agréablement le responsable du merdier de la soirée, apportant une charmante attention à son poncho en prenant place. Veuillez permettre la présence du cher Pokémon de mon cousin par alliance ici présent ce soir...

Pendant qu'un énième valet s'empressa de me tirer mon fauteuil rembourré pour que je puisse prendre place autour de la table ronde, le vieux strict répondit avec un sourire condescendant :

- Oh, faites donc ; après tout, la bienséance accepte bien qu'un convive puisse être accompagné d'un Pokémon lors d'un dîner aussi humain que celui-ci.

- Merci infiniment, sourit Goyah. Ze... Métamorph, assis donc toi derrière ton cher Dresseur, hm ?

Sans broncher, ce fut chose faite ; Zekrom posa son arrière-train et son gargantuesque appendice caudal sur la moquette sans peluches du restaurant, avec certes un manque de délicatesse, m'enfin, il ne fit pas valser les verres. Heureusement d'ailleurs que les tables étaient largement assez espacées les unes des autres, puisqu'elles permettaient ainsi à Lugia (enfin, à considérer le fait qu'il était bien entré avec nous) de se tenir debout. Il devait sûrement adopter une pose pittoresque tout de même, mais je lui faisais confiance.

- Je commence à penser que c'était une mauvaise idée de vous accompagner... gémit une voix dans ma tête.

Hé hé.

- Vous êtes en retard, très en retard... souffla discrètement le Chambellan en regagnant sa place, se renfonçant dans le dossier du large fauteuil.

Le Maître fit un signe de main purement j'm'en foutiste, puis se redressa sur son dossier avec un large sourire faussement naturel. La petite grande vieille femme, me toisant d'un sourcil relevé et d'un œil bleu usé, demanda sèchement :

- Et vous dites que ce... Jeune homme est votre cousin par alliance ?

Le Maître se racla la gorge et se remit à me frotter la tête (enfin, en l'occurrence, le chapeau) :

- Hum hum, heu, oui, effectivement, ce cher... Michel est un de mes proches amis.

Il ne fallait pas que je réagisse de quoi que ce soit, et me bloquer sur ce sourire niais pour leur paraître le plus insignifiant possible. MAIS POURQUOI MICHEL ? SATANE DÉBILE DE...

- J'en déduis donc que vous vous êtes enfin remarié ? continua la vioque qui m'insupportait déjà.

- Nous ne sommes pas ici pour parler de ça, coupa net l'Unyssain, se raidissant soudain. Je suppose que la commande est déjà passée ?

Parsley, qui semblait prier pour nous que notre parlotte arrive à son terme, trouva l'ouverture idéale pour calmer le jeu d'un sourire aimable :

- Hm oui, effectivement, nous avons commandé ce qu'il y a de meilleur pour Monsieur et Madame, ne vous en faites pas. Si nous abordions le sujet du jour ?

Goyah se força à retrouver un sourire agréable, pendant que le vieux couple tiré à quatre épingles nous snipait du regard. Je déglutis, complètement stressé de faire la moindre bourde. Après tout, fallait voir la table : le centre de la table, où tronaît un chandelier allumé, était parsemé de faux lys, pour décorer sans altérer les senteurs des différents plats. En face de chacun d'entre nous, c'était un florilège de vaisselle étincelante qui s'étendait, chaque assiette séparée de la même trentaine de centimètres, et notre tableau de bord pour la soirée était richement fourni : l'assiette de base, surplombant notre aire, voyait défiler, de l'intérieur vers l'extérieur, fourchette basique, fourchette à poisson, et fourchette à entremets à sa gauche, couteau basique, couteau à poisson, couteau à entremets et cuillère à potage sur sa droite ; surmontée d'une énième fourchette à dessert et d'une cuillère à dessert, au nord-ouest de l'assiette principale se trouvait une soucoupe avec un pain rond et doré et son propre couteau, sertie d'une salière et d'un poivrier, puis un xylophone de verres à pied au nord-est, partant du verre à eau, et décroissant peu à peu avec le verre à vin rouge, à vin blanc, puis à vin pour les desserts. Ces rangées, du plus imposant au plus timide pour les coupes ou les couverts, étaient toutes réglées au millimètre près sur la douce nappe, immaculée et sans aucun pli, bien évidemment. Bon. Heureusement qu'il n'y avait que moi d'attablé dans l'embarras, sinon j'aurais été incapable de présenter le tout à Zekrom. Zekrom, qui, d'ailleurs, était admiratif de l'effort pour simplement se rassasier. Encore une chose dont j'avais omis de lui parler, la gastronomie ; m'enfin, après tout, il n'avait qu'à se renseigner sur Internet, comme Lugia, d'ailleurs. Goyah, en bon samaritain, changea donc de sujet et se mit à parler affaires avec les parents de "Dame Percila", à les entendre. Ils abordaient l'économie du complexe et la crise qu'ils subissaient en ce moment, crise qui n'allait pas être arrangée avec la disparition de Hoenn. J'en avais un peu ma claque de cette parlotte sans action, alors je décidai, par pure curiosité, d'attraper le carton écru qui était posé délicatement contre mon verre à vin de je ne sais plus quelle couleur. Je l'attrapai entre mes griffes, et constatai avec effarement le planning du repas :


Canapés en robe d'oeufs d'Ecayon et caviar de melanzane de Rosalia
servi avec un Kir olivillois

~

Verrines aux senteurs marines encapuchonnées de leur suprême de Krabby

~

Potage salé de petites courges et ses Baies Mago

~

Mousse de Tomato et sa touche de mozzarella persillée

~

Terrine d'Azumarill mêlée de ses graines de Tournegrin grillées façon Doublonville

~

Brochette de Sitrus verte et Kokyias St-Jacques à la Kantonne, saupoudré de son corail

~

Colhomard du Chenal 105 à l'Unyssaine (Dernier jour à la carte pour cause de terrorisme)
servi avec un Blanc de Bonville 1998

~

Trou de Frimapic accompagné de son sorbet à la pomme et morceaux de Mepo

~

Cuisse de Canarticho du chef à la sauce Oran et son classique Poireau glacé

~

Effeuillé de mâche et mélange de la rosée du potager

~

Fourme de Flocombe AOC et sa tartine céréalière
servi avec un Vergazon 1997

~

Crème Sorboul retournée et son coulis de Baies forestières

~

Tartelette melba et son blanc nuage gourmand
servi avec un Pétillant de Pavonnay

~

Farandole de fruits frais et assortiment de Baies du jardin

~

Café

~

Esprit de Rosalia


DIRE QUE CE PASSAGE DE MA VIE ETAIT DÉJÀ ASSEZ LONG, IL FALLAIT, QU'EN PLUS DE TOUT CE MERDIER DORE ET INTÉRESSÉ, J'ME TAPE TOUTES CES ASSIETTES. Et en plus, je ne pouvais même pas me plaindre. Argh. Un serveur arriva alors subrepticement, un grand plateau d'argent à la main et une serviette au bras ; il déposa de grandes flûtes remplies d'un liquide violacé constellé de fines bulles qui s'en échappaient, et une autre serveuse, arrivant tout aussi efficacement et étant toute aussi jolie, amena un énième plat argenté qui nous présentait une dizaine de petits toasts recouverts d'une crème couleur cassis et autres bouchées au caviar finement préparées. Goyah porta un toast à la future remise sur pied de la Zone de Combat et en honneur de cette invitation, bien qu'au final, j'étais un peu perdu dans qui invitait qui. Je pris mon courage à deux pattes quand je me décidai d'attraper entre mes griffes le cristallin pied du haut verre, pied qui glissait énormément, vu que les griffes, c'est pas adhérent. L'on trinquait déjà en me regardant gratter timidement mon verre des "ongles" que, relevant mon haut-de-forme, je me lançai à l'assaut de la tradition et enserrait la coupe d'une poigne maladroite ; je faillis la faire valser, cette satanée chose me glissant des ailes, l'élevai rapidement à l'encontre des autres délicats breuvages, les taclai violemment dans ma hâte, et me hâtai de la renverser dans mon gosier, après ce formidable numéro d'équilibre. Les regards furent consternés pour certains, outrés pour d'autres, et Zekrom dû s'empêcher d'éclater de rire pendant que Lugia me félicitait.

- ... Bien. A la vôtre, donc ! Et à la vie ! finit le Maître de la Ligue, donnant le top départ pour la dégustation.

Ils se rincèrent tous les lèvres dans leur tuyaux transparent, alors que moi je n'avais pas eu d'autre choix que de me le faire basculer dans le bec. Le second problème arriva quand je me rendis compte de l'acidité extrême et du chaud fumet distinctive des boissons alcoolisées, vainement adouci par un léger soupçon de fruit quelconque. Le fait étant que je recrachai la moitié de ce que j'avais ingurgité dans ma flûte, m'aspergeant le visage de l'apéritif en question, et m'étouffant littéralement. Je lançai à moitié mon verre sur la table qui réussi à se stabiliser comme il faut comme par magie après avoir manqué de valser une nouvelle fois, alors que je toussai fortement en baissant la tête et levant une aile en l'air pour m'excuser. Goyah s'excusa à ma place, tout sourire, comme si c'était purement normal :

- Oh, excusez-le, il ne doit pas trop supporter... heu... l'alcool, je pense. Mfoui, ah ah ah, de toute façon, qu'est-ce que ça pourrait être d'autre, hein ? voulut-il plaisanter mais s'enfonça-t-il davantage.

- Certes, répliqua sèchement Monsieur, pendant que Parsley se cachait et que Madame me regardait avec une cruelle pitié innommable.

La gorge sèche et piquée par la toux et l'alcool maudit, je redressai mon couvre-chef et me rassis convenablement, honteux, et faisant comme si de rien n'était. Bon dieu, qu'est-ce qu'il m'avais prit de boire ce truc alors que je savais parfaitement que l'alcool et moi faisaient trente-six ? Bref. Après cette mésaventure, je pris un des toasts sans le moindre problème cette fois, histoire de me mettre quelque chose en bouche. Ma foi, les œufs d'Écayon n'étaient peut-être pas mon fort, mais sentir les petites billes écarlates s'éclater sur mon palais et mâcher le moelleux morceau de blini finement beurré qui l'accompagnait aboutissait à cette pâte céréalière imbibée d'une pointe salée qui me soulageait de ma précédente expérience. ET C'ÉTAIT QUE L'APÉRO, BORDEL.

- Justement, pour revenir à la crise naissante que connaissent Madame et Monsieur, reprit Parsley, il me semble que vous comptiez recevoir de nouveaux Pokémon pour l'Usine de Combat, par exemple ?

- Il vous semble bien, en effet, répondit le vieux, qui poursuivit en regardant Goyah d'un air totalement neutre. Voyez-vous, minette et moi savons pertinemment et à quel point l'élevage de Pokémon nous coûte en Pokédollars ; le prix des services des meilleurs Eleveurs et les frais de Pension nous accablent considérablement.

"Minette" (la vieille en rose moche, pour ceux qui auraient du mal à suivre) poursuivit, un soupçon d'attristement dans la voix, mais sans plus, pendant que l'orchestre jouait toujours :

- Minou a raison ; comme nous ne pouvons nous permettre de fermer une des plus rentables attractions de notre Zone, nous avons décidé de faire appel à un (elle baisse la voix) fournisseur en Pokémon.

- Nous vous en parlons tout à fait librement car connaissons parfaitement votre rang, répliqua Monsieur sèchement. Entre dirigeants d'une "organisation Pokémon", si je puis dire, nous nous comprenons.

- Je le sais bien, répondit simplement le Maître, buvant un coup. Mais... Ces affaires ne seraient pas illégales, à tout hasard ?

Madame fut troublée (enfin, j'imagine, vu que moins expressif que ces vioques, tu meurs) et Monsieur prit la défense de l'honneur familial :

- Voyons, mon cher, voyons, nous savons vous et moi que quelque petits actes sous la table sont de rigueur lorsque nos entreprises vont mal.

- Mouais. J'évite de replonger là-dedans, mais faites comme vous voulez, après tout, répliqua Goyah en avalant un autre canapé. Je voulais juste m'assurer que vous savez avec qui vous faisiez affaire.

Personnellement, j'écoutais désormais, vu que je ne voulais pas retenter le diable. Enfin, disons que je me faisai voler mon toast à chaque fois, soit par le Métamorph insatiable de mes arrières, soit par un bec invisible qui me le piquait sous le museau ; invisible qui avait déjà becté mon pain, en passant. Madame allait cette fois prendre la parole, quand Parsley intervint pour nous interrompre un instant et nous prévenir que les hors d'oeuvre arrivaient.


Effectivement, quelques secondes plus tard, le même couple de serveurs arriva tout aussi professionnellement ; l'un nous retira nos flûtes vidées ou régurgitées par la droite, tournant efficacement autour de la table, l'autre nous présenta une assiette de verrines qu'elle déposa dans l'assiette de base. Chaque mini-verre était rempli de couches successives de savants mélanges bariolés, tous les trois alignés, mais chacune différente. Leur seul point commun était cet émietté de Krabby, à en croire la couleur blanche orangée et la carte, saupoudré pour constituer le plus haut étage de chacune d'entre elle. Mousses légères, crèmes, confitures ou autres concassés tous aussi appétissants les uns que les autres invitaient à plonger la cuillère gravée qui nous était livrée avec ; ici, contrairement aux toasts, une odeur était présente, une qui me rappelait particulièrement Lugia, d'ailleurs. Tout le monde attendit sagement que la femelle d'abord puis les mâles ensuite soient servis ; il se trouve qu'on vînt apporter un de ces assortiments à Zekrom sur un service à roulettes. Zekrom qui fut tout content de savoir qu'il n'était pas oublié pour le repas. Quant à Lugia... Vu que trois personnes seulement sur la centaine dans le restaurant savait qu'un dieu se trouvait parmi nous, et qu'aucune d'entre elle ne payait ou était du restaurant, il fallait bien croire que rien ne lui serait apporté, à lui. MAIS, AVANT QU'IL NE S'INSINUE DANS MES PENSÉES POUR ME DIRE QU'IL EST SEUL ET CE QUI EST PARFAITEMENT FAUX, je m'empressai de penser que je pouvais évidemment en partager.

- Tu m'as devancé ! Merci, c'est sympa la générosité !

Pas de quoi. Monsieur, Goyah et Parsley attaquèrent les hors d'œuvre quand Madame demanda toujours aussi sèchement, alors que je m'apprêtai à m'y mettre aussi :

- Dites-moi, a-t-il un problème de santé quelconque, votre cousin ?

Goyah fit de gros yeux, et je faillis m'étrangler une fois de plus en posant ma cuillère sur ma langue râpeuse. Me dites pas qu'elle venait de remarquer que je n'étais pas, aussi improbable que cela puisse paraître, un humain, dans l'état actuel des choses ? Gêné et ayant peur de comprendre, il demanda en restant le plus souriant possible :

- Heu... Puis je vous demander qu'entendez-vous par "problème de santé" ?

- Et bien, disons que Michel ne parle pas beaucoup, rétorqua l'autre vieille, fourrant sa petite cuillère dans un de récipients transparents.

Je voulus l'ouvrir pour dire lui dire deux mots, si ça lui manquait tant, mais Goyah me cloua le bec une fois de plus d'un coup de pied sous la table et argumenta :

- Et bien, c'est que notre cher ami est aphone, voyez-vous, hé hé hé. Il... chante beaucoup ?

Je me tournai vivement sous mon haut chapeau, le fusillant du regard en mode O_o, lui faisant non de la tête et lui faisant comprendre par la même occasion d'arrêter ses conneries. Je reçus un autre coup de pied qui voulait dire ce qu'il voulait dire, et il continua, expliquant aux grandes personnes qui n'en croyaient pas un mot :

- Oui, dans... un gospel !

WHAT ?!

- Il a donné un concert y a pas longtemps, ne voulant en aucun cas manquer une occasion de prouver sa foi, mais il faisait un peu frisquet et le pauvre a attrapé un coup de froid aux cordes vocales... Vous l'excuserez, mais pour la gloire de... heu... Arceus - oui voilà c'est bien le mot que je cherchai hé hé hé -, ne lui demandez pas de répondre, car il doit se reposer la voix. Voilà. Hé hé.

Déjà abasourdi devant un bobard aussi nul et incrédible qui ne servait qu'à se mettre les vioques dans la poche, je le fus encore plus en voyant le vieux couple approuver en hochant de la tête :

- Un jeune fervent ? C'est bien, très bien. De nos jours, les jeunes gens devrait plus apprendre à connaître les opinions des anciens...

Sous mon haut-de-forme décidément très pratique pour passer inaperçu, je voulus faire remarquer qu'après s'être retrouvé devant Arceus, on ne pouvait que croire en lui, mais je me rappelai que j'étais censé être aphone, alors je me la fermai encore une fois et commençais mes verrines. Nonobstant la honteuse galère pour réussir à empoigner convenablement ma cuillère à café amenée pour, il fallait bien avouer, ma foi, qu'elles étaient fort succulentes. Ayant une certaine préférence pour la fraîcheur marine de l'émietté de Krabby, bien que je trouvai le goût étrangement changé de celui que j'avais connu étant humain, les autres étages montés délicatement furent descendus assez rapidement, les saveurs de la chair de différents Pokémon aquatiques, du salé prononcé du Barloche saur à la douceur et aux subtilités gustatives qu'il fallait reconnaître du Remoraid, présentées sous des formes contraires aux filets et aux textures curieuses avec ces senteurs. Pour la boisson, je m'en tins à un classique Château-la-Pompe, puisque leurs alcools secs et acides ne m'intéressaient guère. Je faisais mine de tenir machinalement quelques unes de mes cuillérées remplies d'une portion de ces mets exquis en l'air pour que Lugia puisse y plonger son bec discrètement quand Madame la Pincée reprit la discussion :

- A dire vrai, vous êtes assez effronté pour douter de nos choix en matière de décisions administratives ; cette attitude voudrait-elle insinuer quelque chose ?

L'homme à la cinquantaine (finalement) décocha :

- Vous savez, à part le fait que les Pokémon NE SOIENT PAS un "problème administratif", mais des êtres vivants comme vous et moi, avec tous ces kidnappings en ce moment, on ne sait jamais. Surtout que les responsables sont capables de faire sauter une région, alors...

Le vieux rétorqua du tac au tac, en se moquant sans le moindre sourire :

- Cessez donc de divaguer et de tout mettre dans le même sac, voyons. Tout le monde ici sait bien que ce sont les Team Aqua et Magma coupables de cet affreux événement.

Je fus quelque peu interloqué de ce que je venais d'entendre, mais je fis mine de ne pas l'être, écoutant plus d'informations de l'ancien militaire, à n'en point douter :

- Tous leurs membres sont presques déjà attrapés alors que les vols se perpétuent. Ce serait totalement illogique de leur part de commettre ces crimes alors qu'ils sont au centre de toutes les recherches.

Tiens donc ? Je ne serais plus number one ?

- Enfin, si on omet leur Pokémon d'élite, ce cruel et dangereux Arkéapti sanguinaire qui porte le même foulard que votre cousin, rajouta Monsieur en prenant une gorgée d'eau.

Ah. J'me disais aussi, c'était trop beau. Enfoiré de Columbo ; merci le chapeau ; béni soit la bêtise des personnages secondaires.

- Après tout, sommes-nous vraiment sûr que ce soit ces Teams qui ont commis l'attentat le plus grave de toute l'humanité ?

- Vous ne pensez tout de même pas que quelqu'un d'autre serait coupable ? Les mêmes personnes que pour les enlèvements ? s'étonna Parsley derrière ses lentilles rectangles sur monture.

- Vous savez, les média écrivent ce qu'ils veulent et, entre nous, ne présentent que les faits. Ce n'est pas que les habitants d'Algatia, les caméras de surveillance, leurs agissements et autres preuves irréfutables prouvent que les membres de ces organisations écologistes investissaient l'île en question et la base de lancement au moment de l'attaque qu'elles en sont les coupables directs, assura Goyah en enfournant une cuillérée de mousse de Corayon.

Je suppose que les vieux avaient envie de lui rire au nez vu le rictus qu'ils tiraient, seul le Chambellan du Castel de Combat restait perplexe quant aux suppositions du Maître de la Ligue dans laquelle, si ma mémoire était bonne, Percila, Dame du Castel, faisait partie du Conseil 4. Parsley, proche de Mademoiselle, devait donc être plus au courant du "sérieux" de l'homme à la chevelure de feu que les parents de Dame Percila, en considérant les relations éloignées et purement professionnelles que je supposais qu'ils entretenaient avec leur fille, vu leur genre. Goyah reprit donc, gardant son sérieux :

- Et donc, par hasard, vous ne saurez rien à propos de ces kidnappeurs de Pokémon ?

- En oubliant vos sornettes, objecta Monsieur le Pincé, le peu que nous savons d'eux est qu'ils sont rudement bien organisés ; et ont pu agir n'importe où, efficacement. Et qu'ils ne ciblent par ailleurs que les Pokémon avec un certain potentiel, les mieux entraînés et les plus puissantes espèces, et, qu'à défaut de Pokémon forts, ils embarquaient quasiment tous les Pokémon Feu qui leurs passent sous la main.

- Minou omet de préciser que les Pokémon ayant une valeur dans le domaine du braconnage sont eux aussi portés disparus, ajouta Madame la Pincée.

- Je vois, songea le Maître. Les puissants, je comprends, et pour les braconnés, je comprends également. Les premiers pour leur compte, et les seconds pour l'argent. Mais, pour les Pokémon Feu...

Il y eut un silence à notre table. Seul le bruit des couverts raclant le fond d'une verrine tintaient et cassaient ce brouhaha muet, agrémenté des partitions jouées par l'orchestre et les bruits du voisinage. Le père de Dame Percila renchérit son point de vue :

- Si vous avez aussi suivi les infos, vous devriez savoir que le crash sur la prison régionale hoennienne, survenu peu avant l'attentat, avait épargné certains détenus, qui plus est les plus peinés, qui était en cours de transfert. On a tous vu la photo de ce Giovanni, incarcéré en tant que baron du vol de Pokémon entre autres crimes, qui riait de sa chance en première pages des journaux, que tout le monde qualifiait de malchance puisqu'il était condamné à périr quelques heures plus tard dans l'attentat annoncé. Outre le symbole qu'est ce cliché pour beaucoup, si vos gus responsables des attentats étaient ceux responsables des kidnappings, ils n'auraient certainement pas tué une tête du métier. La figure du chef est sacrée dans ce genre d'organisation, et je vous parle en tant qu'ancien sbire, dois-je le rappeler.

Un autre silence s'en suivi, comme si ce rappel (ou cette annonce, en ce qui me concerne) avait enfoncé encore plus le sujet, le faisant presque devenir tabou. Parsley, débrouillard en tant que Chambellan professionnel, voulu passer à un tout autre sujet, d'un ton se voulant gai :

- Voyez, comme si cette journée de deuil mondial allait jusqu'à s'insinuer dans nos repas ! Changeons de sujet, voulez-vous ? J'ai assez pleuré pour la journée.

Le problème était que d'autres sujets ne venaient pas. Un autre blanc se fit, chacun ayant terminé ses hors d'oeuvre, et l'entrée froide... Ah non, le potage (sigh) se faisait désirer. Soudain, je remarquai distinctement un espèce de bruit de sucion, sorte de couinements visqueux et malpropres. Nous nous en rendîmes tous compte, et je me retournai : Zekrom, apparemment pas doué jusqu'au bout, avait sa langue fourrée dans une verrine, qu'il tournait et retournait, l'astiquant jusqu'au moindre atome de nourriture coincée dans l'arête du cylindre de verre. Je me pinçai le front, désespéré pour son cas, pendant qu'il remarquait qu'on le fixait, et, sans retirer sa langue, nous regarda également, pendant un moment de honte pour la personne censée être son dresseur, avant de prononcer un désastreux :

- MnétamnoRRPPHFPF.

Avant de se baver dessus à moitié et de ranger sa langue en toute hâte entre ses crocs, voyant qu'il avait commis une très légère indiscrétion. Grâce au bon vouloir du Destin, ce moment de FAIL COMPLET fut interrompu par l'arrivée tant attendue du "Potage salé de petites courges et ses Baies Mago" dans son assiette creuse de faïence et servie par ses valets distingués, l'une emportant les verrines vidées dans un sens, l'autre servant le potage dans l'autre, souhaitant une excellente continuation et repartant tous deux élégamment, comme s'ils glissaient sur la moquette au rythme des violons. A peine avions nos assiettes devant les yeux que le serveur mâle s'approcha du père de famille et se baissa au niveau de son oreille, lui chuchotant je ne sais quoi ; la réaction du vieux ne se fit pas attendre :

- Comment ? Maintenant ? Au moment même où je suis servi ?

- Je le crains, monsieur.

- Et c'est à quel sujet ?

- Je n'en sais pas plus que vous, monsieur, continua l'autre Pingoléon d'un air désolé.

Minou grincheux grogna, se leva proprement de table, et s'expliqua, confus :

- Veuillez m'excuser, je dois prendre congé un instant. Le chef désire me voir.

Le vieil homme s'éloigna à la suite du serveur, sans plus d'explications. Nous nous fîmes tous les quatre un sourire un peu gêné (enfin, sauf pour l'autre vieille fleur fanée, qui sourit pas), nous invitant mutuellement à commencer la troisième partie sur seize (O_o). Quitte à échapper à la dégustation oenologique, c'était parti pour la contemplation gastronomique visuelle, odorante et gustative. Un consommé couleur courgette fumant légèrement, persillé d'herbes et d'un léger soupçon d'une miscellannée de poivres aux teintes d'automne qui flottait en surface, emplissait la soucoupe extra-large. En son centre était disposées en pyramide d'une main de maître trois belles Baies Mago, bien rosées et bien enroulées, témoignant de leur fraîcheur et de leur qualité, leur trois pointes beiges, vers les cieux, se rejoignant pour former ce trio de spirales fruitées. Au sommet, disposé en touche finale, un brin de ciboulette posé en équilibre osé finissait le simple potage. Dire qu'on n'avait même pas débuté les entrées. Le doux fumet d'un potager entier passé à la marmite s'en dégageait, nuances d'amertume et de légumes frais prouvant la prédominances des courges. Je m'attaquai à l'attrapage de cuillère à potage, entamant enfin les couverts mis à disposition par défaut, avec cette fois-ci un combo breaker, puisque je l'empoignai du premier coup et sans la faire glisser, jusqu'à mon assiette, où je la plongeai. Sans faire tomber mon cher haut-de-forme me garantissant l'anonymat total dans le plat, j'allais porter une première cuillérée de ce velouté à mon bec quand un rugissement retentit et nous fit tous sursauter, nous faisant lâcher brusquement notre ustensile dans le breuvage, faisant s'écrouler notre précieuse pyramide. Je me retournai, exaspéré par un grognement que je connaissais bien, à savoir celui d'un Métamorph bloqué par une Entrave, qui failli parler haut et fort dans sa douleur, avant qu'il ne m'explique avec des gestes maladroits :

- Métamorph Métamorph Métamorph ! Méta-Méta-Métamorph Métaaaamorph ! BORDEL DE- Métamorph Méta, Métamorph-morph, MétamorpheeeeeeeuuuuuuEEEEEUUUUU !

Extrêmement lucide et devant probablement recevoir le titre de Professeur Laiton pour avoir résolu cette énigme tordue avec autant d'indices nuls, Goyah déclara, sûr de lui malgré le risque incroyable qu'il prenait en assumant de telles paroles osées :

- Je crois qu'il y a un problème.

- Peut-être est-ce son potage qui est trop chaud ? hasarda Parsley, essayant de se cacher des regards voisins qui faisaient les choqués par un tel manque de retenue.

- Dis-leur que c'est ça, vu que, justement, c'est ça, m'informa tranquillement Lugia (que je n'avais en aucun cas oublié à défaut de ne pas le voir) par télépathie.

J'approuvai donc le Chambellan d'un franc signe d'affirmation, sous mon haut couvre-chef, et je décidai de prendre une cuillérée de mon assiette, plus tiède, et de la tendre vers Zekrom, ne serait-ce que pour lui faire le plaisir d'y goûter. Le bougre "Idéal" se pencha vers la cuillérée en me remerciant du regard d'une telle compassion à son égard, tendit ses lèvres et se mit à aspirer bruyamment le contenu, faisant un boucan du tonnerre, et, coutume n'étant pas au goût de tout le monde, attirant les foudres des voisins de table. Goyah se retenait d'en rire, Parsley commençait à regretter d'avoir organisé ce rendez-vous, et Madame sembla la pète-sec la plus scandalisée sur la planète. Soupirant profondément, je regardai Zekrom avec insistance pour qu'il évite de continuer, mais rien n'y faisait, le regard braqué sur les millilitres de potage qui partaient aspiration après aspiration, il continuait le bruit atrocement dérangeant. Puis ce qu'il devait arriver arriva : s'approchant de plus en plus du fond de la cuillère, cette dernière disparue de mes griffes et fut aspirée par le Dragon mythique. Ce dernier s'étouffa sur-le-champ, devenant presque bleu nuit, et peinant à respirer. Je me levai en catastrophe, bondissant pour l'aider, et lui faire signe de respirer calmement, même si j'étais moi-même tout aussi stressé que lui sur le moment. Je pense que c'est Lugia qui fut responsable de son dramatique sauvetage : il fut comme frappé dans le dos par un fantastique et invisible coup soudain, ouvrit grand la gueule sur un centième de seconde, cracha la cuillère baveuse sur le coup, lâchant une notable éructation par la même occasion. La cuiller volante fusa à travers la table, frappa l'assiette de Madame de plein fouet, et fit valser la potage afin d'arroser la vieille rose déjà morte. Bref, le drame absolu. Celui qui veut te faire regretter toute ta vie passée pour ne pas être à ce moment. Il y eut un silence de mort dans toute la salle ; sauf pour les musiciens, impassibles à tout événement, mais croyez-moi, tout le reste de la salle était suffisant pour donner l'envie au Chambellan de mourir de honte, à Goyah de se retenir difficilement d'éclater de rire, et pour ma part à faire ma tronche de blasé de la vie, posant un regard dans le style "me dis pas que t'as fait c'que je viens de voir quand même ?" sur le Pokémon Dragon en question qui m'avait soufflé ses relents au bec et qui ne bougeait désormais plus d'un poil. Mais qui semblait tout de même (un peu) désolé. Il s'excusa platement, dans le silence intersidéral de la salle dorée du Coritzyon d'Or Cinglant Gastronomiqu'2, d'un simple :

- Oops.

La Madame fleur fanée, quand même un peu victime elle aussi il faut l'avouer, virait désormais au rouge écarlate. A croire que l'arrosage avait fonctionné. Elle vociféra avec les cordes vocales rivalisant avec celle d'un acteur Unyssain de film d'action en colère :

- "OUPS" ?! COMMENT CA, "OUPS" ?!

Chiottes.

- "Oups" ? bondit Goyah au-devant de Madame dans un ultime rattrapage. Oups, oui, c'est moi qui dit oups, vu que ce ne peut pas être ce Pokémon qui dit oups, vu que les Métamorph ne disent justement pas oups, hé hé hé, oups, voilà, c'est dit, hé hé hé !

Dans la consternation globale la plus totale, Goyah rit d'un rire à moitié forcé pour convenir à Madame et à moitié bien franc suite à l'humour de cette scène bien de sa région. Pendant que la nana qui devait péter un coup s'égosillait à l'offense dont elle était victime, Parsley lui proposa timidement de la conduire se repoudrer, chose qu'elle accepta bien volontiers après une telle humiliation dont elle ne voulait déjà plus entendre parler et que rien que d'y penser, ça la blessait intérieurement de dégoût, et que heureusement, il y avait encore des gens bien comme lui, et que blah blah blah, s'en allant vers les waters closed pour dames. Sous mon bord de haut-de-forme aussi sombre que lui et enrubanné de la même couleur que ses pupilles, je le regardai. Zekrom se grattait la tête, seule réaction plausible après un FAIL aussi... Bah, aussi lui, quoi. Ah la la la la.


Bon. Maintenant, y avait plus qu'à attendre la suite des événements, hein. Goyah, les bras croisés, regardait inlassablement son assiette vide, un petit sourire restant encore sur son visage carré et barbu de quelques jours. Parsley était revenu, mais gardait toujours de la honte de la précédente altercation, vu que certains voisins de table continuaient toujours à critiquer le "comportement désastreux des jeunes gens de nos jours, sans parler de leurs Pokémon absolument répugnants." Lugia avait dû quant à lui éviter de justesse les va-et-vient de Madame et autres valets qui s'excusaient de la gêne occasionnée, alors il devait souffler un peu de telles acrobaties qui faisaient trambler le lustre juste au-dessus de nos têtes. Zekrom s'était rassis, attendant comme nous la suite des événements, et semblait déjà avoir oublié ce qu'il s'était passé, continuant de jouer son rôle idiot de Métamorph. Même le smusiciens commençaient à se barre pour X raison. Pour ma part, j'avais mes ailes posées sur la table, et me tenait le museau dans mes griffes, relevant légèrement mon couvre-chef, patientait aussi longtemps que je pouvais que le service continue dans sa lente lancée. Faut dire que ceux qui étaient aux tables avoisinantes poursuivaient leur repas bien tranquillement, eux, n'ayant pas les deux personnes à qui soutirer des informations, éclipsées pour diverses raisons et n'étant pas dans le même cas que nous.

Les serveurs continuaient donc leurs pas de danse autour des autres tablées, apportant vins, eaux, champagnes, avec bien entendu les volailles aux peaux rôties et croustillantes qui fumaient, protégeant la chair blanche et divine, suivie que quelques légumes ou pommes de terre sautées, laissant ce fumet appétissant d'herbes de provence, de viande cuite dans son jus et tournée à la broche pendant de précieuses minutes en leur faisant prendre la chaleur d'or du four ; ou encore ce Canarticho à l'Oran luisant qui passait rapidement dans ce plat sans la moindre goutte de sauce renversée ; ou encore ce blanc filet de Luminéon légèrement grillé arrosé de cette sauce beurre blanc, ce suave fluide accompagnant excellemment un tel met de choix ; tant de chefs d'oeuvre culinaires nombreux et variés qui ne se posaient jamais sur nos assiettes d'un blanc insipide. Devant un tel supplice visuel inatteignable gustativement, ma salive était en grand manque de sapidité, et je ne rêvai pour l'instant que de manger à ma faim. Sans compter tous ces desserts rafraîchissants coiffés de crèmes fouettées fondant en bouche ou de sirops fruités entre pâtes sablées, feuilletées, brisées et grumuleuses garnitures voluptueuses, acidulées et sucrées, tous aussi inaccessibles... J'avais envie de partir, si c'était pour rester là à rien faire. Déjà 21h30, avec tout ça.

- Bon, c'est pas qu'on se fait chier, mais voilà quoi, souffla Goyah, bâillant par la même occasion, sans se couvrir la bouche au passage.

- Vu que Monsieur est toujours absenté et que Madame se refait une beauté, il y en a pour un certain moment, vu qu'il n'est pas coutume dans cet établissment de servir alors que les maîtres de soirée ne sont pas là, expliqua doucement Parsley, relevant ses lunettes.

Ah ? J'croyais que c'était nous, les maîtres de soirée ? J'y comprenais rien.

- Mouaich mouaich. Dans tous les cas, c'est long, et il ne se passe rien, marmonna le Maître de la Ligue d'Unys en remontant le chouchou de sa grosse queue de Ponyta.

Entre nous, je préfère peut-être qu'il ne se passe rien, vu que j'ai énormément de chance, en ce moment.

- Je crois que t'as parlé trop vite, stressa soudain Lugia.

Hein ?

- Qu'est-ce que c'est que ce boucan ? demanda alors machinalement le Maître de la Ligue d'Unys, se tournant vers la porte d'entrée.

Effectivement, d'un rapide coup d'oeil, je remarquai alors qu'une vive altercation se déroulait à l'entrée du Coritzyon d'Or Cinglant Gastronomiqu'2. De l'agitation se rapprochait, avec des cris de femmes et des injures d'hommes. Soudain, le porche valsa, les clients attablés hurlèrent, de la vaisselle se brisa, et je fus soudain violemment happé par un truc visqueux, laissant tomber mon chapeau à terre.

- QUE PERSONNE NE BOUGE ! CELUI QUI FAIT LE MOINDRE PAS DE TROP SE VERRA COLLER UNE BALLE DANS LA TÊTE ILLICO !

Je voulus geindre que je l'savais, mais les circonstances firent que je devais d'abord me demander j'étais. A vrai dire, j'entendais ces voix en étouffées, comme derrière un mur, j'étais retrouvé recroquevillé sur moi-même dans un endroit noir et très humide, me rappelant étrangement un certain boyau que j'avais eu le malheur de visiter, vu l'odeur chaude qui emplissait cette cavité ovoïde.

- Reste calme un instant, je fais ça pour te cacher ! rétorqua la Voix de la Raison.

J'eus TRÈS peur de comprendre.

- ME DIS PAS QUE T'AS OSE ME BOUFFER ET QUE TU COMPTES ME GARDER DANS TA GUEULE COMME CA ?!

- Mais chut j'te dis ! Au moins, ils te trouveront pas !

J'étais totalement contre, mais d'un autre côté, étant donné son invisibilité, je l'étais aux yeux des... Heu, des quoi, d'ailleurs ?

- Bien ! déclara une grosse voix bourrine. Puisque Messieurs et Mesdames se sont donnés la peine de boucler leur joli petit bec d'Hélédelle, veuillez m'écoutez attentivement, braves gens.

Dans la touffeur gluante et concassé sur un sol diablement mou et visqueux qui servait habituellement de langue au Gardien des Abysses, j'essayai, évitant au maximum d'inspirer les nauséabondes vapeurs ambiantes, d'ouïr les réclamations d'un client m'ayant l'air mécontent de l'état de la viande qu'on lui avait servi lors de sa dernière visite :

- Comme vous le savez, il y a récemment eu des vols de Pokémon, n'est-ce pas ? Et bien, laissez-moi vous dire que ce taudis est la très prochaine cible ! Ha ha ha !

Exclamations de stupeur et cris de frayeurs dans la salle. Moi, j'avais envie de vomir.

- C'est plutôt moi qui est prêt à rendre, pour le coup... J'avais pas prévu que tu prendrais autant de place... Ugh...

- AH NAN LUGIA ! ME FAIS PAS ÇA, HEIN !

Le connard de la soirée poursuivit de sa grave voix d'homme plus musclé que malin :

- Mes hommes passeront parmi vous vous quémander gentiment vos Pokémon, et, tant qu'à faire, donnez-leur également tout ce qui est bijoux, argent liquide, et autres bibelots chéros, vu ? Bien entendu, si vous n'en avez point, passez votre chemin, mais soyez sûr et certains que vérifierons vos dires et que mentir pourrait vous coûter un membre. Et n'essayez pas de prévenir la police, étant donné que nous avons leur standardiste de notre côté en ce moment même ! Veuillez donc bien accéder à notre quête sans opposer la moindre résistance, chers gens. ET JE RESTE POLI, POUR CETTE FOIS ! GROUILLEZ-VOUS !

J'entendis des pas martelant le sol, accompagnés de cliquetis, comme des épaisses bottes utilisées dans l'armée. Des bousculades, des cris, des menaces, des tables renversées. Puis des silences. Des gémissements. Des pleurs. Au bout d'une petite dizaine de minutes à résister aux conditions extrêmes de ma planque, Lugia avaient de plus en plus de haut-le-coeur, et je priai Arceus d'avoir pitié.

- Bon ! C'est parfait ça, vous vous rendez tranquillement ! Ah, le boss a raison, la force ne règle peut-être pas tout, au final ! Maintenant, j'aimerais savoir une petite chose... Un certain Chris serait-il dans la salle ?

Silence. Lugia gémissait :

- J'vais pas pouvoir tenir longtemps...

Encore un peu, encore un peu...

- Non ? Personne ? tonna encore une fois la voix musclée.

Allez, allez...

- Certain ?

MAIS BARRE-TOI, PUTAIN DE... Puis le fait est que c'en était trop, et que, afin de garder le peu de repas qu'il avait ingurgité dans son estomac, le Gardien des sept mers dut me recracher brusquement. Ma cellule visqueuse tomba, et s'ouvrit sans prévenir, m'éjectant, couvert de bave sirupeuse et limpide, et je roulai sur la moquette. Je ne laissai pas le loisir au public dégoûté et intrigué d'où je pouvais bien venir ; je choppai la première nappe à portée de griffe, la tirai violemment en renversant tout ce qu'il s'y présentait, me débarbouillai sommairement le museau et le crâne, puis choppai au vol mon haut-de-forme avant de me le visser sur la tête pour ainsi préserver mon identité. Je me relevai, de la manière la plus distinguée et la plus digne qui soit, relevant le bord de mon haut couvre-chef et toisant du regard la populace, le bas du corps dégoulinant encore d'un liquide qui leur était inconnu :

- Mfoui mfoui mfoui ? Mais enfin mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ?

C'est alors que je vis les responsables : la même tenue de kevlar, les mêmes bottes, ces cagoules, et ces (FUCKING) mitraillettes (DE MES DEUX) : pas de doute, ils étaient méchants-méchants. C'est reparti pour un tour.

- QUI T'ES, TOI ? ET D'OÙ TU SORS COMME ÇA ? TU T'APPELLES CHRIS ?

Je toisais la quinzaine d'hommes dans le même uniforme, mais encore plus le gros musclé à la grosse voix :

- Mpfeuh. Mouâ ? Que nenni.

- ALORS T'ES QUI ?! ET DIS-MOI D'OÙ TU SORS COMME ÇA !

Goyah, levé de son fauteuil depuis un moment, me regardait avec un mélange d'amusement et d'anxiété ; quant au Chambellan et aux autres, ils se demandaient fébrilement que diable étais-je en train de manigancer. Pour toute réponse et en gardant un air hautain, le torse bombé et les ailes croisées derrière le dos, j'ondulai la queue délicatement avant de frapper la moquette avec, je fis flotter mon Ruban d'un vif coup d'aile, redressai mon haut-de-forme d'une pichenette et déclarai, étendant une aile tel un prince :

- Hhmmm je suis Krzysz ! Krzysz, le Prestidigitateur ! Mouhaha ha !




[...]




Les criminels de la soirée me regardait en mode O_o, et tout le reste du restaurant semblait défaillir sous le coup de la nullité de mon numéro. C'est tout simplement qu'ils étaient subjugué par ma séquence d'intro, hé.

- KRhrszysis quoi ? demanda le gros bras cagoulé.

Dans un tourbillon de plumes, je déclamai, me la jouant toujours :

- Hmmm Krzysz, le Prestidigitateur, ingrat ! J'apparaîs soudain, couvert de mon fluide spatio-temporel, et je divertis le monde entier grâce à ma magnificence ! Mouhaha ha !

Vu qu'il commençait à en avoir leur claque de ma présence insignifiante, il rugit :

- ÉCOUTE, MON GARS, ON TIENT D'UNE SOURCE SÛRE QUE CE CHRIS, CET INSIGNIFIANT PETIT ARKÉAPTI DE MAYRDE QUI NOUS.... heu... non... QUI VIOLENTE, plutôt, L'HONNÊTE POPULATION QUE TU VOIS CE SOIR SOUS TES YEUX, CE TROUVE ICI MÊME DANS CE RESTAU DE BOUSEUX ! D'ailleurs... Bill ! Jack ! Apportez-moi illico les otages !

Outre le fait que plus personne ne bougeait, sauf Parsley qui tremblait mais voulait se rassurer, que je me rapprochai de Goyah et que nous nous accordâmes d'un simple regard sur le fait de combattre ces imbéciles, que Lugia ne pouvait qu'assister impuissant à la scène tout en maudissant ceux qui devaient être au courant de sa blessure, et que Zekrom se mettait à bouffer tous les desserts laissés dans les assiettes voisines, les fameux Jack et Bill que je connaissais déjà sortirent, l'un des cuisines, l'autre des WC, l'un empoignant Monsieur le Père de Percila, l'autre empoignant Madame la mère de Percila, qui les insultaient tous les deux d'un patois argotique intraduisible. Sous les exclamations de stress crescendo des figurants, les antagonistes amenèrent les personnages secondaires otages, ligotés, devant le canon du gros argument noir et qui fait bobo de monsieur le méchant du moment. Ce dernier, dans le silence gémit par les couards de la pièce, annonça machiavéliquement la traditionnelle menace :

- Dites-moi où il est ou j'leur fait sauter la tête.

Parsley frémit et en pleura à moitié, les vioques, bâillonés, se la fermaient, se regardant comme ils pouvaient, jetés sur le sol comme de vieux sacs d'os, les gens, eux, se pissaient dessus en écrivant leurs testaments, Goyah serra le poing et les fusillait du regard, Lugia les insultait rageusement, et Zekrom mangeait des gâteaux. Le Maître de la Ligue d'Unys, en bon défenseur des personnes en danger et se tenant d'honorer son titre de haut-placé socialement, voulut s'approcher pour leur dire deux mots ; je l'arrêtai d'une aile, et assurai, le plus confiant du monde :

- Laisse-moi donc m'en occuper. J'en connais un rayon sur leur méthode nulles de persuasion.

Je m'avançai, redressant convenablement mon chapeau, et fixai les abrutis de connard de merde du regard, en prenant toujours cet air de prince de la magie supérieur au commun des mortels, quand l'imbécile qui tenait en joue les plus grosses fortunes de Johto s'esclaffa :

- Mouarf mouarf ! Notre cher prestigiditirki... tapette veut jouer aux héros ?

Je décochai, croisant les ailes et relevant le museau :

- Tout le monde ici sait parfaitement que c'est du bluff.

Il ne répondit pas, se tut même complètement sous sa cagoule, tandis que tous les autres étaient subjugués par mon éloquance persuasive :

- Voyons, vous ne pensez tout de même pas nous faire croire que vous allez tuer, non pas une, mais deux personnes, qui plus est aussi richissimes qu'elles, juste pour mettre la main sur le criminel numéro un qui a le corps de plus beau gosse de tous les temps ?

Ça brouillait les pistes, hé. Je poursuivis, haussant les épaules à l'ombre de mon haut-de-forme, mon Ruban Joie autour du cou me donnant encore plus de classe innée :

- Et puis, je suis certain que vous y tenez, à ces braves gens, ne serait-ce que pour leur argent. Alors arrêtez votre cinéma, vous me faites pitié.

Il me regarda. Je le regardai. Il me regarda. Je le regardai. Il me regarda. Je le regardai. Il tira brusquement, faisant exploser deux vieilles cervelles sur la moquette dans les hurlements des clients.





[...]





- Ah bah non. Il bluffait pas.

J'étais un peu dépité, quand même, sur le coup. J'n'arrivais même pas à persuader un criminel de grand chemin. Zut alors. Aussitôt que ces otages ne servaient plus à rien, un énième sbire se jeta sur Parsley, qui hurlait, et l'amena à l'échafaud, le foutant à genoux sous le canon fumant du gros bras, qui répéta de ses cordes vocales emplies de testostérone :

- Alors ? Où est Chris ?

J'allais ajouter quelque chose, mais Goyah me vira du devant de la scène avant que je fasse d'autre conneries :

- Écoutez, je peux vous conduire à l'endroit où se trouve celui que vous recherchez.

- AH HA ! s'écria le chef du gang habillé de la maille serrée couleur pétrole. Enfin de la coopération ? JE L'SAVAIS QU'IL ÉTAIT BIEN LÀ !

- A une seule condition ! imposa le Maître de la Ligue dans toute sa puissance oratoire. Que vous lâchiez ce brave homme et que vous quittiez tous ce lieu. En rendant les Pokémon et l'argent.

- Tss tss, agita horizontalement l'index notre connard de soirée, ni Pokémon, ni argent. Mais laisser la vie sauve à tous ces gens, je serais prêt, contre ce piaf.

Les conditions furent ainsi posées sans discuter plus que ça, et l'homme au poncho et à la chevelure de feu rejoignit les autres, précisant bien évidemment que le prestidigitateur, ses pouvoirs et son Métamorph l'accompagnait, ce qui signifia que le Lugia vénère mais qui ne pouvait rien faire, le Zekrom avec la gueule remplie de tartelettes melba et leurs blancs nuages gourmands arrosés de pétillant de Pavonnay et moi-même, fidèle à mon accoutrement, sortîmes du restaurant avec le fougueux Maître de la Ligue d'Unys, encerclés d'hommes armés, pendant que Parsley et tout le personnel du Coritzyon d'Or Cinglant Gastronomiqu'2 restaient choqué à vie.


Mais comme ça fait toujours pas un bon cliffhanger et que certaines choses doivent encore être mises au point dans l'enfoiré de grand plan du Destin, il se trouve que cet instant de ma vie ne se conclut pas ici. Une fois le restaurant cinq étoiles et son velours quitté, Goyah insista pour aller sur le parking, à l'abri des regards, et une fois debout sur les graviers, plantés ici à la lumière blanche des lampadaires, sous le ciel de nuit de Johto, celui à la queue de Ponyta croisa ses bras et certifia soudain :

- Je ne m'attendais pas à ce que tu viennes frapper jusqu'ici, et encore moins que tu aies rejoint cette organisation maudite, pauvre cousin.

Au début, je ne compris pas ; vu qu'à la base, je jouais son cousin. C'est seulement quand le gros musclé répondit calmement que je tressaillis :

- On n'est pas venu pour ça. Tu viens de nous dire que tu nous livrerais Chris. Il est où ?

- Tss tss, désapprouva Goyah en imitant son "cousin", tu te trompes, cher ami, j'ai dit que je pouvais vous conduire à l'endroit où il se trouvait, en aucun cas que je vous le livrerai.

Les hommes grognèrent, puis le chef de la bande rugit :

- ALORS IL EST OÙ ?!

Subrepticement, Goyah me choppa mon haut-de-forme et l'envoya jusque dans la décapotable par laquelle nous étions venus. J'eus un pincement au coeur et un moment d'hallucination quant à cet acte de trahison.

- Il est là. Il a juste évolué entre temps.

Les violents de service furent le plus étonné du monde en découvrant la FANTASTIQUE supercherie, et ne tardèrent pas à se ruer sur moi, préparant déjà matraques et filets. Avant que le Super Poncho Saiyen à la chevelure de feu s'intercale et les stoppe d'une simple paume de main, me faisant reculer, moi et mon crâne avec pour seul couvre-chef mes écailles :

- Stop, faibles.

A l'entente du mot "faibles", un cri de halte fut craché par le chef encagoulé, qui s'approcha dangereusement de mon Maître adoré, restant le plus calme, et qui reçut à la gueule la vocifération suivante :

- TU SAIS TRÈS BIEN QUE JE PEUX PAS SAQUER CE MOT ! C'EST SYNONYME DE DÉFI, ÇA, MON VIEUX !

- Je le sais parfaitement. Vu que tu ne gagnes même pas loyalement. Toi qui te prône tant puissant et te qualifiant constamment de "Grand", j'aimerais beaucoup savoir si tu as enfin atteint ne serait-ce qu'un soupçon de cette force dont tu te vantes tant, au cours de ces années.

Zekrom, tenu en joue par quelques hommes, Lugia, qui ne devait pas se laisser voir, et tous les hommes qui nous tenaient justement en joue semblaient avoir du mal à comprendre. L'Encagoulé de première, lui, essayait de sonder les pensées du Maître, impénétrables, pendant que celui-ci gardait le sourire le plus assuré du monde sur le visage.

- Qu'est-ce que tu veux, bordel ? grogna l'autre.

- Battons-nous en un combat Pokémon loyal. Seule une telle preuve de force, seule une victoire de toi contre nous me fera accepter le fait que j'ai eu tort de te bannir. Et, j'te préviens, on a un Métamorph assez balèse, envoya-t-il au bad guy en pointant par-dessus son épaule, le Zekom qui faisait coucou.

Un silence de mort se fit, puis un sbire balbutia :

- Mais, Chef, vous allez tout de même pas...

- SILENCE ! C'EST JUSTEMENT MOI VOTRE CHEF, ICI ! s'explosa les cordes vocales le meurtrier aux manières brutes. J'accepte le fait de devoir vous battre. C'est vrai que débarquer ainsi sans écraser personne par la force brute ne me plaisait pas trop à la base, mais tu m'as convaincu.

Je fus scotché par ce nouvel espoir qui s'offrait à nous et par la manipulation que pouvait exercer Goyah sur c't'individu. Quant aux hommes couverts de kevlar de la tête au pied, ils l'étaient aussi. Le Maître de la Ligue parut content de son coup, avant que le cousin mystère réplique :

- MAIS ! Un simple Combat Pokémon n'est en aucun cas une démonstration de ma PUISSANCE ABSOLUE. Voilà ce que je propose : sais-tu que beaucoup d'équipes hoenniennes ne peuvent participer à l'événement mondial de demain grâce à nous ?

Hein ? What événement mondial ?

- Et bien voilà ce que je t'impose : inscris-toi vite en tant qu'équipe participante aux Jeux Pokélympiques - la fameuse compétition sportive internationale d'équipes amateurs qui, à ce que tu sais, à moins que tu sois toujours aussi reclu, ce qui ne m'étonnerait pas, s'ouvre demain - durant cette Journée d'Ouverture, vu que la cinquième équipe qui devait coucourir était heureusement hoennienne et est donc désintégrée. Voilà donc ce que je propose : ramène-toi demain avec ton équipe de six bouseux, joue aux Jeux, et nous saurons nos résultats finaux à la fin de la compétition. Celui qui atteindra l'objectif ULTIME du sportif sera obligé de s'incliner face à son concurrent. Tout autre résultat pitoyable sera considéré come nul, et donc perdant.

Tout notre groupe ne s'en remettait toujours pas quand cet ennemi masqué mais armé invita ses hommes à se barrer, et cria une dernière fois, avant de nous laisser plantés là, sur le parking du restaurant et sous les halos froids et livides :

- Vu que tu n'as pas le choix, cousin, j'te conseille de vite indiquer que vous serez la cinquième équipe ! Vu ton titre de dresseur, je ne pense pas qu'il refuseront une starlette telle que toi ! Mouarf mouarf ! A demain matin, les gros nuls !

Et voilà. Ils partirent comme ils furent venus, c'était-à-dire d'un coup, comme ça. Des crissements de pneus se firent entendre, dans la ruelle où il s'étaient engouffrés, et le toit d'une fourgonnette blanche fila sur à tombeau ouvert derrière les arbres de la grande place cailloutée, s'enfonçant dans la nuit noire. Alors... C'était ça ? C'était ça, le moyen de gagner du temps en demandant de l'aide à un gars rencontré sur la plage par hasard ? Je restai bouche bée, restant encore incrédule au fait que mon Destin allait se jouer sur une compétition... SPORTIVE. Certes, j'allais protester de toutes mes forces contre cette idée, mais je crois qu'il fallait déjà me résigner à l'accepter. J'avais envie de pleurer. Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi, bordel ?