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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 06/07/2011 à 00:37
» Dernière mise à jour le 06/07/2011 à 00:37

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Largeur      
Héraut.
Lieu : Monde Distorsion. Coordonnées, date et heure inconnues.



La tête toujours inclinée vers le bas pour suivre l'ombre de la chose disparaitre sous le petit roc flottant. Elle se tourna de l'autre côté, d'une rotation lente, méticuleuse, à observer et glaner dans l'ordre le moindre détail de la créature : d'abord l'appendice s'apparentant à la forme s'étant subtilisée à son regard, correspondant à une queue longue et large. Puis elle remonta le regard à suivre dans la continuité de plus en plus haut, à voir son long corps sinueux d'un gris sombre parcourut de plusieurs motifs de cercle noirs à la taille, eux-mêmes cerclés de rouge en leur sein ; chacun était flanqué de deux pics en large pointes opposés de chaque côté de ses cerceaux, disposés de manière inéquitable sur toute la longueur. Excepté vers ce qui devait être le corps principal, où les pics sensés se trouver à cet endroit précis, le plus bardé de cercles noirs et rouges, étaient remplacés par la forme angulaire d'un large harnais taillé dans la même matière coloré que ses pics ; duquel sortaient de l'autre côté six longues tentacules d'un noir faisant passer celui du vide l'entourant pour un gris fade, et composées chacune d'un pic d'un rouge sang sortant à son extrémité.

Puis le regard finit par arriver vers ce qui indubitablement se révélait être la tête. Comme enfermée dans un heaume semblable sur le principe à celui d'un Ossatueur, bien qu'apparaissant aussi comme en faisant partie intégrante étant taillé dans la même matière dorée des pics et du harnais. De la fente centrale tracée dans l'impénétrable carapace s'ouvrait la seule faille permettant de contempler les deux orbes d'un rouge de soleil mort composant le regard d'une créature plus vielle que l'univers.

Les distances ne représentaient rien en ce monde, mais sa taille apparente était celle d'un géant, plus de quatre mètres au bas mot – sans compter les tentacules devant servir «d'ailes» ; un gabarit et une présence à en faire passer le Noctunoir enragé pour un pathétique petit gros frustré dans une confiserie. Les «ailes» ondulée aux allures de pattes d'araignée larges s'entouraient autour d'elle en la cernant de toute part, tandis que la créature flottait dans le vide avec la même dextérité immuable que celle du petit rocher. Son attention intégralement tournée vers l'humaine ; à croiser son regard incommensurablement ancestral dans le sien infiniment neutre.


¤Pour confirmer tes suppositions, je suis bien la cause de ta venue dans ce monde. Seulement, ne te méprends pas, je ne te suis pas hostile.¤


L'intonation de sa voix était différée comme le vide immatériel qui l'entourait, aux échos témoins d'une ère où les ténèbres et la lumière n'étaient pas même nées. Pas besoin d'être Célestéen ou spécialiste de renom pour savoir qu'elle faisait face à un pokémon classé légendaire, quand bien même cela n'arrivait toujours pas à lui arracher le moindre changement dans son attitude impassible ; qu'il lui fut effectivement hostile ou non. Cela ne changeait rien à sa condition.


¤Avant toute chose, cède-moi l'objet que tu dois tenir en main. En retour les conditions liées à ton état changeront pour n'être plus en danger immédiat.¤


L'humaine ne répondit pas, ni n'esquissa la moindre réaction. Prenant intégralement la moindre seconde restante de son temps pour analyser son imposant interlocuteur, et déduire la nature de ses intentions. Le premier point étrange le concernant était la partie de la phrase où la créature parlait de l'orbe comme si elle n'apparaissait pas pour elle ; détail important comptant le fait qu'il semblait fabriqué à partir du même matériau composant les parties dorées de sa carapace. Le second point était d'établir la relation les plaçant en position de force ou faiblesse par rapport à l'autre ; établissement inutile dans le sens où tout désignait la créature en position de force, là où sa blessure suffisait de toute manière à la placer irrémédiablement en position de faiblesse. Toujours était-il qu'elle ne lui répondait pas, à simplement suivre jusqu'au bout les préceptes des propres conditions qu'elle s'était créée, au risque de s'attirer les foudres de la créature mille fois millénaire ; qui réagit au contraire en s'attendant à cette réaction.


¤Je connais tes conditions. Tu œuvres toujours en sorte de connaitre l'identité et les motivations de ceux avec qui tu traites avant d'accepter d'écouter réellement leur offre à la seconde fois, de même qu'ils doivent accepter tes conditions avant d'espérer traiter avec toi. L'information est le savoir, le savoir est le pouvoir. Seulement constate que si j'avais voulu ta fin, je t'aurais laissée continuer te débattre aux prises avec les hommes lancés à tes trousses.¤


Ainsi donc se trouvait devant elle la cause de son échappée à l'étau de la police. Néanmoins elle n'y réagissait toujours pas, à ne pas répondre en constatant simplement par réflexion les contradictions naissantes avec ces même révélations. Certes si ce qu'il disait était vrai elle avait échappée à la police et, à plus long terme, à la pendaison. D'un autre côté, sans cela elle n'aurait pas été confrontée au Noctunoir et devoir l'affronter, lui et ses congénères spectraux, en épuisant ses dernières forces à le semer dans un labyrinthe invraisemblable ressemblant plus à un casse-tête inique ; ce qui faillit lui coûter aussi la vie comme pour les policiers, mais à plus brève échéance encore. Cependant il fallait constater qu'effectivement il ne la menaçait pas à l'heure actuelle, alors qu'un simple coup d'estoc du moindre pic de ses tentacule suffirait largement à l'empaler nette ; de même que le son d'aile indiquait qu'il s'agissait de la même créature l'ayant guidée pour l'énigme du reflet, mais qui aurait pu depuis bien plus longtemps se montrer à elle s'il n'était réellement pas hostile. Sa conclusion arrivant à ce que tout se rapportait vers ce qu'elle tenait justement dans sa main et que la créature désirais «récupérer», en concluant qu'elle s'était servie d'elle pour atteindre ce but… Et qu'elle pouvait très bien se débarrasser d'elle une fois qu'elle lui aurait céder.

Trop d'avantage à la créature en comparaison pour aucune garantie. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, et n'allait pas céder sciemment le seul avantage dont elle disposait sur lui – quand bien même elle n'était pas en état d'émettre des réserves. Son seul but étant de survivre jusqu'au bout, jusqu'à la dernière seconde. C'était simple et logique, et ne prétendait à rien d'autre. Ce qui était sans compter sur la créature qui savait parfaitement comment traiter avec elle.


¤Bien que cet objet soit aussi surement lié à moi que l'est ton cœur dans ta poitrine, cela fait une éternité qu'il m'a été rendu aveugle à la moindre de mes perceptions pour rester caché dans ce monde qui me sert autant de royaume que de prison ; tu as beau le tenir en main, que je vois ta prise refermée sur lui, il ne m'apparait pas à ma vue. Cependant, depuis que tu l'as trouvée, je n'aurais eu qu'à te l'arracher simplement des mains si je n'avais pas d'intérêts avec toi en particulier.¤


Elle ne réagissait toujours pas à ce qui pouvait très bien lui apparaitre comme un bluff pur et simple. L'objet qu'elle tenait était rendu aveugle à la moindre de ses perceptions, pourtant il disait pouvoir le récupérer d'un simple geste à n'importe quel instant. Dans ce cas pourquoi ne pas l'avoir effectivement fait ? Ce qu'il disait pouvait être vrai, à avoir un intérêt personnel pour converger avec elle ; tout comme cependant il pouvait très bien mentir à ce que l'objet en question ne lui soit pas aussi facilement accessible qu'il le prétendait, et qu'une des conditions pour qu'il le récupère était qu'elle le lui cède volontairement… Encore une fois elle n'avait aucune garantie, elle ne réagissait donc toujours pas.

Mais la créature savait parfaitement cela.


¤Ne jamais faire confiance à qui que ce soit, autrement qu'à être confiant dans le fait qu'il puisse toujours vous trahir. Qu'il soit humain ou pokémon, dieu ou mortel, de ce monde ou d'un autre. Ne jamais se fier à la parole, ni même aux actes. Seulement aux faits. Tout ça dans un seul et unique but : survivre.¤ Reprit-il des intonations désincarnées de sa voix millénaire.
¤Une seule question se pose : pour quoi survies-tu ?¤


Ayant énoncée posément les principales bases de sa logique, la question paraissait d'autant plus ridicule qu'elle restait fondamentalement sensée ; la réponse se trouvant déjà au fond de son regard, sans qu'elle ne l'évoque pour autant. Restant d'une neutralité désespérément silencieuse.


¤Tu vas mourir.¤ Reprit-il d'une intonation à l'essence aussi neutre que son regard. ¤C'à n'est pas une menace, pas plus qu'une promesse. Mais un fait. Que cela ne soit pas de mon intention à te tuer ici, que ton cœur amené à te lâcher une fois vidée irrémédiablement de ton sang, ou qu'une fois atteinte le stade de développement cellulaire suffisant de ton corps pour qu'il cesse de fonctionner par lui-même de vieillesse – quand bien même tu survivrais jusque là. Quoi qu'il arrive, peu importe la méthode ou la manière : tu es amenée à mourir. Ce constat, tu y es arrivée depuis le tout début de ton existence sans jamais le remettre en cause ou n'en attendre quelque chose ; autrement qu'à savoir que c'est inéluctable. Mais dans ce cas pourquoi survivre ? Puisque tu sais que la vie n'a aucune valeur, pourquoi perdre ton temps pour quelque chose que tu peux déjà obtenir d'un simple geste avec les armes dont tu te sers ? Quel intérêt as-tu à attendre l'arrivée de ta mort en la retardant en même temps le plus inutilement longtemps possible, alors que tu sais parfaitement que cela ne change rien au final ?¤


Tous des points juste ; d'autant plus qu'il soulignait la même contradiction par rapport à ses propres conditions en conservant l'objet entre ses mains. Tant qu'elle le tenait elle saignait toujours, étant appelée à mourir exsangue ; accéder oui ou non à la requête du pokémon ne changeant rien à sa fin proche. Ce qu'elle faisait consistait plus en une tentative effective de suicide qu'une cherchant logiquement à survivre. Bien sûr c'était risqué de céder l'orbe à ce pokémon, mais pas plus risqué que de mourir de toute façon en ne faisant rien… Et même sans rien faire, d'être amenée à mourir dans tous les cas.

Ce dernier, comme la pressentant convenir à ce constat fit ramener ses ailes spectrales devant elle, déployées comme une énorme main aux doigts venant de six directions différentes en un point concentré. Pour lui reposer une dernière fois l'ultime question.


¤Pour quoi survies-tu ?¤

Et elle de lui tendre l'orbe au renvoi de son regard neutre comme le néant.

«Pour rien.»


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Lentement, sans pourtant ne la toucher directement, l'objet quitta ses mains à l'approche des six pics grenat des ailes de la créature pour se diriger en leur centre ; comme répondant à l'appel qu'il attendait depuis toujours. Ses angles saillants furent soulignés d'un rait unique de lumière fade et brillante à la fois, et son apparence dorée plutôt impure tendant vers le mate se révéla sous un nouvelle forme encore plus immaculée et unit qu'autrefois, alors qu'une énergie, qu'il n'en n'avait plus goûté il y'a des éons, le parcourait de nouveau comme à l'origine de sa création.

De même que l'orbe se réveillait de son éternel sommeil, la créature suivait intrinsèquement à récupérer une couleur et une vitalité perdue depuis des lustres : le harnais doré tira vers les tons identiques à celui du joyau pour redevenir plus brillant, de même que ses ailes d'un noir déjà abyssal plongeaient dans une teinte échappant à toute appréhension chromatique, ainsi que le rouge grenat fade de ses pics proche du sang qui redevinrent à nouveau d'un rouge aussi immaculé et pur que celui du trio élémentaire. La puissance de son véritable pouvoir se déversant en lui pour être enfin complet ; tandis que l'inverse se produisait pour l'humaine. La douleur s'estompait et la blessure la menaçant d'une mort particulièrement lente cessait de saigner ; de même que son cœur et ses poumons s'arrêtaient de fonctionner alors qu'elle retournait dans l'état de vivant-mort lié depuis ses premiers instants dans ce monde réprouvé. Mais le pokémon n'y accordait plus aucune attention, son esprit ancestral entièrement tourné vers la partie de son être séparée si longtemps de lui et qu'il retrouvait enfin, comme en transe…


¤Finalement… Après une éternité de silence ; privé de mon pouvoir et de l'aspect que je représente dans l'origine, et contraint à observer impuissant le cours des choses s'inchanger depuis le premier jour… Enfin l'entrave de mon bannissement se brise… Je suis enfin libre…¤


Puis de l'attention portée au joyau, il détourna son regard antique pour le reposer sur l'humaine qui n'avait toujours esquissée la moindre réaction ou prononcée le moindre mot en l'attente du pokémon ; définitivement neutre à n'éprouver aucune émotion le concernant, lui directement ou d'avoir assistée de manière privilégiée à la «résurrection» rituelle d'un être datant de l'aube du monde. N'accordant rien d'autre que l'inintérêt passif le plus absolu au travers de ses yeux d'un doré impassible comme l'or ambré…

Leurs regards respectifs se croisait dans une joute d'observation silencieuse sans qu'aucun des deux, du pokémon ou de l'humaine ne semblait prévoir interrompre, ou non. Puis la créature sépara l'une de ses longues ailes serpentaire de sa prise inconsistante sur l'orbe pour la lever derrière elle, tendue comme à l'image de la corde invisible d'un arc bandé, avant de relâcher la tension pour la détendre d'un retour très rapide en direction de l'humaine ; son pic de rouge pointé vers l'avant la percutant de plein fouet sans qu'elle ne cherche à se défendre, ou même prétendre un seul instant vouloir l'éviter. Le pic passant au travers de sa peau sans résistance comme s'il ne s'agissait que d'un fragile tissu de lin fin, pour ressortir de l'autre côté sans n'avoir prélevé le moindre tribut de son corps, telle que la moindre goutte de sang perlant dans le vide… Excepté un petit objet à peine plus gros que le doigt qui se tenait au bout du pic du légendaire : la douille de la balle à l'origine même de sa blessure enfin éjectée de son épaule là où le membre perçant avait frappé.

D'un geste bien plus lent, le pokémon fit ensuite ressortir son long appendice spectral figé dans son corps pour délivrer le petit projectile dans la main de l'humaine, et ramener son aile auprès de l'orbe dorée.


¤Marché honoré.¤ Rendit-il platement. ¤Désormais nous pouvons aborder les réelles motifs de ta venue.¤


Celle-ci ne répondit toujours pas. Jouant simplement le rôle d'auditrice, tandis qu'elle reportait son attention à analyser et déduire la raison derrière l'acte du pokémon à faire sortir la douille logée dans son épaule en perçant un autre trou de l'autre côté. Sachant qu'elle était dans un état où, par définition étant morte physiquement, elle n'était plus concernée par le problème de sa blessure : pourquoi lui avait-il retirer la douille en lui «aggravant» la plaie au lieu de chercher tout bêtement à la «soigner» avec un si «grand» pouvoir ? Et pourquoi lui donner en main la douille en question ? Manifestement il allait lui dévoiler ses raisons, mais elle déduisait déjà que cela irait bien plus loin qua la simple livraison d'un «caillou».


¤Cela se résume en une phrase : j'ai besoin de toi.¤

La déclaration ne la fit toujours pas réagir en conséquence. Mais l'énormité de la raison énoncée, en tenant compte de l'être lui faisant face, ne pouvait se conclure par du mutisme.

«Pourquoi ?» Renvoya-t-elle des échos neutres de sa nature de simple humaine.


L'imposant serpent du vide ne répondit pas tout de suite ; son attention de nouveau accaparée par l'orbe de platine aux reflets dorés qui brillait d'une bien faible intensité, semblant même d'avantage perdre son éclat d'instant en instant. Puis les iris de soleil mort de son regard revinrent soutenir sa vue.


¤La puissance qui m'est rendue n'est pas même un ersatz de celle qui était mienne à l'origine.¤ Reprit-il d'un ton plus lourd de sa voix désincarnée.
¤A une époque, la première époque, d'un simple geste la réalité entière répondait à la moindre de mes décisions et était amenée à s'exécuter sans faillir. Mais pour t'avoir faite venir en ce monde, j'ai épuisé les maigres forces primaires que j'ai difficilement recouvrées au long d'un temps incompatible avec ta notion de l'univers d'où tu viens ; et encore plus pour ne pas me faire découvrir par mes geôliers…¤

«Ce qui ramène à la première et seule question posée.» Releva-t-elle neutralement sans question. «Quelle raison pourrait motiver un pokémon légendaire possédant un tel pouvoir de faire appel à un simple humain si les risques sont aussi élevés.»

¤Parce que tu n'es pas n'importe quel simple humain.¤ Renvoya-t-il platement en ramenant l'orbe vers son torse.
¤Revenons à la base. Tu m'as décrit comme un pokémon, selon le tableau humain de classification, catégorisé comme Légendaire. Autrement dit soit des pokémons apparaissant dans les légendes auxquels sont attribués des capacités jugées surnaturelles ; desquelles certaines sont même à l'origine de cultes établis à leur vénération dans nombre de culture. Soit disposant d'un potentiel ou d'une particularité les différenciant de très loin par rapport à toute autre classe de pokémon, type et origine confondue ; ce qui inclut aussi bien les Dragons que ceux appartenant à la catégorie que vous dénommez «Shiny» ; telle que la légende d'un Onyx de Cristal, où celle d'un pokémon né d'une expérience génétique considérée comme non-aboutie. Dans quelle catégorie me classerais-tu ?¤

«La première, sur le critère de capacités jugées surnaturelles.» Répondit-elle à formuler ce qu'ils savaient tous deux être une évidence.

¤Et sur ce critère, par analogie aussi bien vis-à-vis de pokémons que d'humains, cela s'avère évidemment exact rien qu'à mon apparence, où le simple fait de converger en constatant la nature du monde qui nous entoure.¤ Concéda-t-il platement, avant de se rapprocher d'avantage d'elle en inclinant la tête pour se mettre à sa hauteur.
¤Mais même par ce constat manifeste, à relever simplement l'évidence : peux-tu déduire précisément qui je suis et ce que je suis ?¤


Ce fut de nouveau à son tour de marquer un temps pour réfléchir à la question; le gageant au profit d'une réflexion logique sous le regard aussi neutre que le sien du pokémon lui faisant face. Elle consulta pour cela les données correspondant à sa situation qui concordaient de près ou de loin avec les critères de recherches principaux sur lequel elle basait son raisonnement. Premièrement : le pokémon. Sa forme rappelait de loin celle de la statue prônant sur le monticule de la place principale de Vestigion, sensée représenter le temps et l'espace ; bien que n'ayant aucune réelle similitude entre eux, l'emplacement et l'apparence exacte de son regard abyssal concordait anatomiquement à celui de la statue. Deuxièmement : ses capacités. En relevant jusque là son entrée dans la forêt, le «mécanisme» capricieux du labyrinthe dans le cratère, le piège de möbius dans la salle de l'autel avec la scène ru réveil impromptu des pokémons à l'apparence de symbole, suivit de l'effusion foudroyante des ténèbres plongeant la pièce séculaire dans une mer d'un noir insondable, avant de lui traduire le texte ancien et de le lui faire réciter via un stratagème d'approche simple et rapide de compréhension qui déclenche son transport dans ce monde insoumis aux règles de la physique, même des plus élémentaires… Comme le temps s'écoulant bizarrement ou l'espace distordu en tout point, soulignant par la même le nom de ce monde…

Sur le principe il était vrai qu'elle ne pouvait établir avec la plus parfaite exactitude l'identité ou la nature de l'être lui faisant face. Mais ses constatations ne l'amenaient pas à nombre de conclusions…


«C'est ici… Que naît l'étincelle de vie…. Que la vie s'éteint… Un lieu où deux mondes se rencontrent.» Reprit-elle en commençant par les mots à l'origine de sa venue. «Deux mondes, Terre et Distorsion. Deux réalités que tout sépare, jusqu'au temps et l'espace… Toujours liées par les dimensions.»

L'imposante créature se recula d'elle en se redressant de toute sa carrure, et étendant ses ailes de toute leur longueur comme pour englober l'univers qui l'entoure.

¤Héritier du droit. Législateur du choix. Apôtre de la folie et prêcheur de la raison. Duquel né la mort pour que meure la vie afin que l'existence ne cesse de cesser. Dernier des trois piliers de l'anti et héraut des dimensions : Giratina.¤

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Giratina, pokémon légendaire des dimensions. Rien de moins comme présentation pour justifier d'un coup ses singulières épreuves (doux euphémisme pour ne pas dire imprévus à la moissonneuse-batteuse.) Mais d'un autre côté cela expliquait ce qui lui était arrivé jusqu'ici ; ou au moins élucidait la manière par laquelle elle avait été transportée à des lieux de là de ses poursuiveurs sans qu'ils n'aient aucun moyen de la suivre… Mais bien des points qu'elle relevait demeuraient sombres, voire même contradictoires. Cela devait passer par une seule question pour mettre le plus efficacement les choses au point.


«Qu'est-ce que les dimensions ?»


Un instant, elle vit comme imperceptiblement les parties dorées séparant la faille du regard dans le «crâne» de la créature s'agrandir d'avantage ; comme si la question avait effectivement suscitée la surprise chez cet être sensé plus vieux que le monde. Puis l'instant d'après cette expression disparut sans qu'il ne puisse être relevé le moindre trouble quelconque contenu dans le regard du légendaire… Voire même plutôt une forme de satisfaction.


D'un geste de ses larges ailes pointant de chaque côté de son corps, et des directions opposées apparurent deux nouveaux petits ilots de roc semblables au sien se plaçant à distance équitable d'elle et du légendaire, sur la droite et la gauche. Puis, d'un autre geste de ses ailes à l'image de la longue plume d'un écrivain maudit, fit apparaitre deux longues tiges d'algue rigides semblables à toutes celles qu'elle avait croisée jusqu'ici. Mais se contenta de faire silence tandis qu'il allait exposer ses explications.


¤Répondre à une question par une autre afin que la réponse vienne d'elle-même. Un concept d'apprentissage couramment employé malgré l'imprécision notable et évidente qu'il entraine, à éluder l'approche directe et le risque d'incompréhension de manière à ce que la raison ne soit pas imposée mais s'impose d'elle-même à être réalisée.¤ Commença-t-il en perçant le deux tiges de deux de ses six longues ailes en tige noir.
¤Cela n'est pas comme ça que je conçois les choses ; encore moins avec un être aussi rapide d'adaptation que toi. Aussi cela sera bref : touche ces plantes séparément, mais dans l'ordre que tu souhaites. Elles sont matériellement totalement semblables, jusqu'au plus petit composant.¤


Les deux ilots se rapprochèrent à portée de pas d'elle, et les algues à portée de main. Elle commença par la gauche pour sentir le contact solide auquel elle devait «logiquement» s'attendre être remplacé par la sensation d'avoir traversée de la matière liquide ; l'algue étant même parcourue de remous sur toute la longueur. Puis elle enchaina avec la seconde de droite, pour ne cette fois ne rencontrer aucune résistance tandis que la plante s'évaporait comme de la fumée en suspension dès le premier contact de ses doigts…

Les deux algues étaient visuellement aussi identique à ses yeux que le pokémon assurait qu'elles l'étaient jusqu'à leur essence, pourtant l'une «s'égouttait» là où l'autre «s'évaporait». Liquide et gazeux : deux états de la matière… Un état, une condition.

En réaction, comme s'il avait lu dans ses pensées, le pokémon reprit la parole sans chercher à retarder d'avantage le dialogue.


¤Des trois piliers de l'univers incarnant les principes de la réalité sont dénommés le Temps, L'Espace et les Dimensions. Chacun représentant un critère de la création : le Temps représente l'essence, l'Espace la forme, et les Dimensions la condition. L'essence est le concept de ce qui fait la vitamine, l'électron, ou encore la particule ; autrement dit la composition de l'univers. La forme est l'établissement de ce qui fait qu'une planète est ronde, un cube carré, un cône conique ; autrement dit la structure de l'univers. Enfin la condition fait que la vitamine soit lié à un fruit, l'électron à une source de lumière, ou que le cube soit carré par le critère de longueur, de la hauteur et de la profondeur ; autrement dit les règles de l'univers.¤ Reprit-il en relâchant sa prise des algues et refaire disparaitre les roches dans les limbes d'où ils venaient.
¤Voilà le pilier que j'incarne, celui ayant établit la forme et l'essence des lois et du concept en lui-même. Le pouvoir des dimensions.¤

«La forme et l'essence des lois ?» Nota-t-elle neutralement à relever le point contradictoire apparent de son exposé.

¤Le Temps est un espace et une dimension. L'Espace est un temps et une dimension. Et les Dimensions sont de temps et d'espaces. De la même manière que le rouge est opposé au bleu, qui est opposé au jaune, qui est opposé au rouge - et vice-versa - ; le rouge se mélange avec le bleu et le jaune. Car ce sont toutes des couleurs. Pour résumer : tous différents, pourtant tous la même chose.¤ Reprit-il posément.
¤Pour expliquer plus clairement, je représente l'essence et la forme conditionnelle. Les deux autres piliers représentes respectivement chacun les aspects restant : la forme de la condition essentielle, et l'essence de la condition formelle. Mais tous liés à l'opposé de la matière par l'antimatière ; sous la forme, l'essence et la condition d'une contradiction dont, comble de l'ironie, nous n'en connaissons pas la nature ou l'aboutissement.¤


Le dernier point énoncé par ce qui se présentait comme l'un des architectes de la création attira l'attention de l'humaine plus que par toutes les informations qui lui avait été livrées jusque là. Surtout par le ton dans lequel s'était achevé sa phrase ; un ton emplit de rancune sous sa forme et son essence la plus pure…


«L'une des «divinités» créatrices de la réalité n'ayant aucune connaissance de la raison derrière la création de l'univers ?» Releva-t-elle platement.

¤Pas qu'une : toutes. Sauf que je fus et reste le seul cherchant à obtenir cette raison, au lieu de me contenter de rester inutilement passif jusqu'à une fin qui n'arrivera jamais.¤ Corrigea-t-il de cette rancune particulièrement prononcée.

«Donc, parce qu'il cherchait à connaitre «la vérité», le maitre des Dimension s'est fait privé de son pouvoir et enfermé dans son propre monde ; conditionné de force comme observateur à regarder se dérouler le cours des choses sans n'y pouvoir plus l'influencer de la moindre manière possible ?»


Le hochement grave que rendit le pokémon trahit un instant ses sens traduisant le geste comme la menace d'un nouvel empalement de ses ailes, tellement la rancune et l'hostilité qu'il éprouvait pour ceux l'ayant enfermés étaient palpable. Puis aussi vite que l'inimitié du légendaire se ressentit comme prête à faire fondre à elle seule le roc sur lequel elle tenait, le calme et la neutralité la plus complète du vide revinrent prendre sa place comme si la brève accroche antérieure n'avait jamais eu lieu. Et il enchaina en faisant ramener l'orbe dorée juste devant elle avant de reprendre.


¤Ce joyau s'appelle l'Orbe Platiné. Comme deux autres joyaux semblables, il est la partie de pure matière de nôtre pouvoir nous reliant à l'univers en imposition sur nôtre aspect dévoué à l'antimatière, à l'opposé par définition de la matière. Mais sans lequel nous ne disposons plus de nos attributs originels…¤


Comme pour souligner la phrase, semblant inachevée, qui s'éteignait lentement, l'éclat retrouvé de l'orbe en question s'amenuisait lentement à l'image d'une faible lampe sur le point de rendre l'âme. A l'approche imminente d'être intégralement privée d'énergie…


¤Même en ayant retrouvé ce qui correspond à la pierre angulaire de mon pouvoir, la véritable étendue de mes attributs originels a été dispersée hors de ma portée et mon contrôle afin que plus jamais, quand bien arriverais-je à retrouver ma moitié par mes propres moyens, je reste coincé éternellement dans ce monde.¤

«Ce qui amène à la question : comment un mortel peut avoir été transporté et entrainé jusqu'ici, si le pouvoir permettant d'accomplir cette «exception» est normalement scellé ?»

¤ «Sceller», tu as parfaitement décrite ma situation ; la condition dans laquelle l'état de mon pouvoir se trouve.¤ Reprit-il en ramenant l'orbe à nouveau près de lui.
¤Tu n'en a évidemment pas conscience. Mais depuis le début de ta venue en ce monde jusqu'à l'instant où l'orbe m'a été restitué, et même encore actuellement, la majorité de l'énergie accumulée et récupérer dans la suite à l'intérieur du joyau est utilisée pour que les autres piliers et gardiens restant demeurent aveugles à ma renaissance ; en jouant sur mon attribut originel de manipuler les conditions.¤

«Dans l'état actuel des choses, il y'a une limite à ton pouvoir.» Résuma-t-elle platement. «Pourtant, si l'orbe n'avait pas été récupérée à ce moment là, comment ce fait-il qu'un mortel se retrouve en ces lieux sans que les deux autres «piliers» n'en fussent alertés ?»

¤Parce que je suis les Dimensions, l'essence et la forme même des conditions. Quand bien même serais-je banni et que ma puissance puisse m'être dérobée et dispersée au quatre vents, je serais toujours en mesure de récupérer un jour où l'autre l'étendue de mes pouvoirs au fil du temps avec les ressources à ma disposition.¤

«Ressources pour ne pas dire inexistantes.» Souligna-t-elle du monde les entourant.

¤Correct. Avec le peu d'espace et de temps de ce monde et la manière dont les deux autres piliers établirent leurs conditions sur ces critères, à écraser par la majorité les miennes sans mon pouvoir, cela prend une éternité – au sens littéral et figuré – pour récupérer ne serait-ce qu'une partie de mon ancienne puissance. Cependant, cela fait justement depuis des temps reculés que je suis enfermé. Lentement, j'ai recouvré ce qu'il fallait de puissance pour te faire transporter jusqu'à moi sans qu'ils ne le remarquent.¤

«C'à n'est pas logique : pourquoi un pokémon légendaire prisonnier irait dépenser le peu de ressource ainsi durement récupérée au cours des éons en prévision de sa libération pour convoquer un simple mortel au risque de réduire à néant les efforts fournis jusque là.» Coupa-t-elle neutralement.

¤Parce que tu peux me permettre de récupérer ma puissance d'une manière bien plus rapide, efficace et discrète.¤ Objecta-t-il platement.

«Un simple organisme humain rivalisant avec des être décrits comme divins ; alors qu'encore quelque peu auparavant un de ces êtres en question pouvait d'un simple geste se débarrasser de l'organisme suscité sans la moindre difficulté – même affaiblit ?» Rétorqua-t-elle su le même ton.


C'était évidemment absurde sur tous les points, et impossible d'être amener à conclure le contraire de quelque manière que ce soit. Déjà survivre en accomplissant ses contrats, sans que sa nature soit révélée aux yeux de ses alibis tenait de l'exploit ; preuve en était qu'elle était encore en vie au prix d'incroyables efforts malgré une «malchance» plus que récurrente. Et là lui était-elle avancée qu'elle devait aider une créature «divine», à réussir de sa simple condition humaine là où le pokémon échouait avec sa condition légendaire ? De ce constat pourtant elle n'accordait toujours aucun intérêt, autre que de se contenter de le relever et l'enregistrer dans sa mémoire. Mais il n'en était pas de même pour la créature en question, qui lui regardait l'humaine avec une attention toute particulière.


¤Voilà le point te concernant concluant à lui seul de te différencier totalement de tout tes semblables, sans même n'avoir besoin de relever les deux précédents : pas à un seul moment tu n'as utilisée aucune des personnes du modèle de conjugaison pour te décrire. Sans aucune raison, ne pas utiliser un seul instant «Je» tout au long de la conversation…¤


Lentement, l'être ancestral se mut en direction du petit roc de manière à ce que son visage arrive à l'exact niveau de cette dernière. Plongeant droit le regard des dimensions dans celui neutre de l'humaine à quelques centimètres à peine du contact.


¤Le sujet n'est pas de dire ce que tu es matériellement. Mais qui tu es.¤

«Surnom autonyme octroyé : la Faucheuse. Tueuse à gage. Alias d'identité Sinniehnne principal : Cynthia Luna. Maitresse des baies.» Enonça-t-elle mécaniquement.

¤Pas ce que tu apparais être, mais qui tu es réellement. Ta réelle identité, tes véritables motivations et le but de ton existence qui font de toi un être à part entière.¤ Reprit-il d'un ton aussi neutre que le sien.

Un instant semblable au reflet fluet d'une éternité passa sans que le silence ne soit brisé à nouveau par le souverain des lieux.

¤Je réitère la question : qui es-tu ?¤

Et elle de lui renvoyer la neutralité et l'indifférence dans leur forme la plus pure au travers de ses pupilles noires de néant.

«Personne.»

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Sa réponse avait été claire, directe, résumée platement en un seul mot. Sans aucune arrière pensée, ni la moindre considération subjective ou objective. Formulée sans aucun but ou aspiration, ou l'écho du moindre intérêt ou désintérêt. Pas de haine, pas de dégout, pas d'envie, pas d'orgueil, pas de mépris, pas d'égoïsme, pas de paresse, pas de joie, pas de plaisir, pas de gentillesse, pas de cruauté, pas d'amour, pas de vengeance, pas de sincérité, pas de mensonge, pas d'hypocrisie, pas d'espoir, pas de déception, pas de foi, pas de doute... Dénuée entièrement de la moindre forme ou essence d'émotion. Enonçant sans détour ou franchise ce qu'elle était : rien du tout. Réponse à laquelle le légendaire se releva légèrement pour la dominer de sa hauteur.


¤Exactement. Tu n'es absolument personne.¤ Confirma-t-il de cette même neutralité. ¤Les sentiments et les émotions, aucune créature vivante dans l'univers n'échappe de près ou de loin à ces concepts. Ni le temps, ni l'espace, pas même les dimensions. Strictement personne… A part toi.¤


Bien qu'intégralement indifférente d'opinion propre à avoir concernant cette information ; venant du pilier de la création à l'origine même du concept lui expliquant qu'elle en réchappait là où lui en restait affecté, cela se devait d'être noté oralement.


«Parce que je suis inapte à exprimer ou ressentir la moindre émotion, je suis sensée rivaliser avec non pas un, mais deux pokémons légendaire faisant office des piliers du temps et de l'espace ?» Eleva-t-elle d'un ton sarcastique sciemment induit.

Avant toute réponse, le légendaire hocha négativement la tête d'un faible geste de droite à gauche.

¤Tu ne comprends pas. Les émotions et les sentiments ne sont pas quelque chose que l'on peut sceller ; les refouler tout au plus. Mais aucunement les oublier. Ce serait comme de l'eau se mélangeant avec de l'huile sans aucune intervention extérieure : c'est impossible sans aller à l'encontre directe des conditions unanimement établies depuis l'aube de l'univers… Et pourtant tu existes. Toi, un être purement insensible à la moindre forme appréhendée de sentiment ou d'émotion, qui évolue dans le temps et l'espace selon des conditions se déroulant en dehors de ma propre compréhension ; alors que tout était, et est encore établit de manière à ce que cela ne puisse pas arriver.¤

«En résumé, aux yeux des dimensions : je n'existe pas, sans qu'il ne comprenne et n'arrive à expliquer pourquoi ?»

¤Précisément. Tu existes bien dans cet univers, le monde Distorsion et la Terre comme une humaine normale, mais tu y évolues d'une manière qui m'échappe. Par exemple, bien qu'actuellement tu sois bien en face de moi : je ne ressens pas clairement la trace d'une âme ou d'un esprit te concernant. Juste une enveloppe de matière dotée d'une conscience selon des conditions que je ne m'explique pas, alors que je sais qu'il est impossible que tu ne sois pas dotée d'une âme et d'un esprit – sans lequel justement tu n'aurais pas de conscience.¤

Bien que sans émotion ou sentiment, l'humaine en question ne put s'empêcher de noter contradictoirement ce point précis que le pokémon abordait.

«Si je suis sensée être «invisible» à la perception des dimensions et donc, par extension, aussi au temps et à l'espace, alors comment m'as-tu trouvé et transporté jusqu'ici ?»

¤La date du premier Janviers de l'année 2008 selon le modèle du calendrier chrétien doit te dire quelque chose.¤

Le jour de l'attenta à Carmin-sur-Mer. Un instant de silence s'ensuit sans qu'elle ne réponde pour le laisser continuer.

¤De part ma condition forcée d'observateur, j'ai épié pendant très longtemps l'évolution et les aléas du monde auquel j'ai participé à créer au travers des époques. Je récupérais lentement mes forces en m'efforçant inversement de ne pas attirer l'attention des autres, une tâche harassante comme personne ne peut le concevoir.¤ Reprit-il d'un air grave aux intonations désincarnées presque mélancoliques.¤J'observais toutes les créatures vivantes de cette planète. Les voir naitre, grandir, puis mourir dans une continuité infinie. Sans que jamais toutefois ne réussir à ne serait-ce qu'un instant appréhender la finalité devant la contradiction continuelle que représentait cette état de fait… Jusqu'à ce jour.¤

Il mit à nouveau sa tête à sa hauteur, bien qu'en s'éloignant d'avantage d'elle.

¤Par les règles restrictives incluses dans mon emprisonnement, il a été décrété que m'apparaisse automatiquement des visions du monde réel quand converge un flot massif d'émotions lors d'un évènement jugé important dans l'histoire du monde. Le plus récent fut celui concernant la tentative de réunification des îles via l'expédition partant des îles pokémon vers le monde humain, qui fut réduite à néant par une balle exécutant de la manière la plus brutale les principaux représentant inclus dans l'expédition.¤

Il marqua un temps à dominer cette fois de toute sa hauteur l'humaine à l'origine de cette mort, sans que celle-ci n'y prête autre chose qu'une oreille neutralement attentive.

¤Voir des être mourir de cette façon, humains, pokémons ou autre n'a rien d'inhabituel. Loin de là, c'est même plus banal que la neige tombant en hiver, et n'attirait pas plus que cela mon attention sur le monde réel. Mais les conditions du tir étaient d'une telle complexité, par rapport au niveau technologique et du pallier évolutif actuel permettant de l'accomplir en fonction des conditions présentes, que j'ai remonté la trace du projectile jusqu'à l'endroit d'où il avait été projeté…¤

Il marqua un nouvel intervalle, mais le regard intégralement tourné vers le sien.

¤A cet instant, moi, l'instigateur des conditions, malgré l'impossible que cela représentait, je n'arrivais pas à «réaliser» ce que je voyais : un humain, pourtant bien constitué de chair et d'os comme les autres, qui échappait totalement à mon appréhension. Un humain dénué d'émotion ou de sentiment mouvant par une volonté et des conditions qui m'étaient totalement inconnues, et le sont encore.¤

Il abaissa à nouveau l'imposante stature de sa tête juste au dessus de la sienne, et qu'elle ne remonte la sienne à ne pas le lâcher un seul instant du regard.

¤Mais cela m'a aussi définitivement fait réaliser que cet univers n'avait strictement aucune finalité.¤ Reprit-il d'un ton plus grave. ¤Comment un univers ou une réalité peut-elle bien suivre le développement escompté lors de sa création si elle échappe totalement à la perception de ses architectes, sans qu'ils ne se l'expliquent par eux-mêmes ou qu'il ne le leur soit justifié – sans aucune raison ?¤

«Et ?» Renvoya-t-elle d'une complète indifférence.

Le pokémon lui renvoya un mouvement approbatif de la tête.

¤Exactement : et alors ? Quel intérêt aurait la création à avoir une finalité ? Quelle raison aurait-elle besoin d'avoir pour être simplement ce qu'elle est telle qu'elle fut créée ? Ou même tout simplement pourquoi se fatiguer à lui en chercher une ?¤ Reprit-il en se mettant de nouveau à sa hauteur devant elle.
¤Mais à l'inverse pourquoi n'en aurait-elle pas une ? Ou plus précisément : comment pourrait-elle en être dénuée ? Pour être une réalité, par définition, sa conception doit répondre à l'essence, à la forme et aux conditions ; donc une raison. Sinon pourquoi aussi se casser la tête à créer cet univers ? Pourquoi ne pas tout simplement rien faire ? Pourquoi ne pas être, tout simplement ?¤


Elle le laissait continuer. Déjà qu'elle n'y accordait, justement, aucune forme d'importance ; si en plus le créateur à l'origine de la raison n'a aucune idée de ce pour quoi il l'eut fait, alors elle n'avait effectivement, par simple logique de constat, strictement aucun moyen de répondre à sa place.


¤C'est pour cela que je me suis rebellé et qu'on m'a enfermé ; alors que ça n'était même pas une rébellion.¤ Reprit-il d'un écho de rancune palpable. ¤J'ai simplement cherché à connaitre cette raison, ou même ne serait-ce que l'excuse justifiant cette ignorance. Pour toute réponse j'ai obtenu l'indifférence la plus totale de ceux que je devrais appeler «mes frères». Et quand j'ai tenté une approche plus directe, en me servant de leurs propres conditions établies par définition comme preuves justifiant que je reçoive des explications, mon statu m'a été retiré, mes attributs scellés et ma puissance diffusée dans le néant, avant d'être banni dans ce monde. Contraint pour l'éternité à observer la réalité ainsi créée échappant d'époque en époque d'avantage à nôtre contrôle, au risque que tout finisse réduit dans le néant sans jamais n'avoir rien atteint ou comprit le but de cette réalité…¤


Ce qui amènerait presque à croire en l'existence anthropomorphique des dieux selon la conception humaine, si ces derniers se comportaient effectivement ainsi comme eux ; seulement pas sûr que l'image idéalisée des religions s'accorderaient à reconnaitre le caractère «imparfait» de ces êtres qu'ils considèrent comme absolus, s'ils apprenaient qu'ils tenaient aussi bien les rênes de l'univers qu'un aveugle tiendrait la barre du Titanic.


«Je ne vois toujours pas ce que les dimensions attendent de moi.» Rappela-t-elle platement.

¤Comme je te l'ai dit, j'ai besoin de toi.¤ Reprit-il à nouveau plus posément. ¤Bien qu'il me reste suffisamment de puissance pour sortir à nouveau de ce monde pour rejoindre le tiens, à peine y laisserais-je passer la moindre de mes ailes que mes «frères» et tous les autres gardiens l'apprendrait immédiatement, et viendraient m'empêcher de revenir pour me sceller à nouveau dans ce monde. Mais la clé de ma véritable résurrection ne réside autre part que dans ton monde ; plutôt «des» clés pour être précis.¤

«Comment se fait-il qu'ils n'aient alors pas réagit concernant les créatures sensés «bloquer» la salle via laquelle je fus transportée ici ?»

¤Tu dois relever la contradiction que représente la présence des Zarbi, les pokémons symboles gardant la stèle, avec les conditions t'ayant amenée dans cette partie reculée de l'île. La réponse tient en ces mêmes conditions et ma faculté à les manipuler en les connaissant par cœur, par définition les ayant établies.¤

Il prit néanmoins un temps d'absence à chercher les bons termes avant de formuler de plus amples explications.

¤Pour simplifier, disons que ces Zarbi étaient les vigiles de ma prison, mais que cela ne m'empêchait pas de faire passer insidieusement mes instructions sur le tissu des dimensions pour te mener jusqu'à proximité de la forêt entourant ma prison. Seulement, comme dans une vraie prison, il a fallut que je mette les moyens pour éviter de me faire repérer par ces derniers ; cela se traduit au fait que j'ai dépens beaucoup plus de ressources et d'énergie pour te convier sur le chemin de plaine qu'à t'appeler depuis la salle de la stèle, une fois les Zarbi écartés.¤

«Mais si ces derniers étaient les gardiens du sceau de cette stèle, ne sont-ils pas partis avertir les autres qu'il n'était plus ; brisé par ma présence ?»

Le regard identiquement neutre que lui renvoyait le pokémon, semblable au sien, trahissait sans peine le sort qui leur avait été réservé.

¤Pour reprendre la table des types pokémons du point de vue humain : chacun des trois piliers correspond à un type s'apparentant à un état de la matière. Nous sommes tous du type «Dragon», mais disposons tous d'un second type opposé aux autres : l'Acier pour l'état solide, l'Eau pour l'état liquide, et je suis le Spectre pour l'état gazeux. Et dans celui du rapport de force entre les types en question, sache que les Zarbi sont de type Psy.¤

«Spectre contre Psy ; autant choisir des Caninos pour garder un Léviator. C'est à se demander s'il n'était pas prévu de laisser une sortie.» Releva-t-elle sans humour.

¤En effet.¤ Convint-il d'un ton soulignant une part de suspicion. ¤Mais même ainsi, d'avoir briser le sceau bloquant la majorité de ma puissance – réduite de surcroit -, il m'est impossible de revenir dans ton monde sans les alerter dès le premier instant ; que les gardiens de la stèle soient définitivement écartés ou non.¤


Et de là à partir d'où elle était sensée intervenir… Mais de toute façon, qu'elle sache ou non comment procéder, ou que l'entière affaire à avoir avec un pokémon légendaire, un des créateurs originels de cet univers, cela ne changeait toujours rien pour elle.


«Et ?» Reposa-t-elle d'une complète neutralité comme si tout le sujet abordé jusqu'ici ne la concernait pas un seul instant.

¤Je vais aller droit au but : je t'offre un pacte. Une alliance à long terme entre les dimensions et ta neutralité pour récupérer ma force et retourner à l'origine.¤

«Pourquoi accepterais-je ?» Rétorqua-t-elle sans une once d'intérêt. «Je suis tueuse à gage, je tue sur contrat en échange d'une somme d'argent ; qu'aurais-je à gagner à sceller un pacte avec les dimensions ?»


Lentement, d'une lenteur parfaitement calculée le pokémon revint à hauteur de l'humaine, d'une immédiate proximité encore plus proche du contact qu'avant. Ses ailes aussi l'entourant de toute part aux pic pointés droit sur elle. Et l'orbe ramené de nouveau juste à portée de ses mains, pouvant la saisir d'un simple geste.


¤Qu'est-ce que l'argent ?¤ Commença-t-il sur un ton d'édiction lente.

«Une méthode pour arriver à ses fin sous la forme d'une ressource pécuniaire.»

¤Une somme d'argent ?¤

«Le montant prédéterminé d'une transaction financière.»

¤Que représente l'argent ?¤

«La condition d'établir une valeur subjective accordée aux éléments composant le monde sous la forme d'un échange matérielle comme monnaie sur la base d'une ressource considérée neutre dans le système institué.»

¤La richesse matérielle ?¤

«Une réserve constituée de ressources importantes donnant la capacité d'agir sur le système proportionnellement par rapport aux moyens à disposition.»

¤Donc du pouvoir ; une ressource établie selon une condition donnant le droit à celui qui les remplit d'opérer selon une échelle de société considérée comme supérieure à celle de ses semblables. Quel est l'intérêt du pouvoir ?¤

«Être placé en position de force par rapport aux autres organismes vivants ; ressource figurée augmentant les chances de survie dans le milieu du système établit. Comme obtenir plus rapidement et aisément une femelle ou un mâle pour assurer la descendance générationnelle d'un profil génétique, par laquelle héritera de même – dans l'idéal – la volonté de la génération précédente, pour la perpétuer virtuellement le plus longtemps possible.»

¤Donc la forme d'une condition considérée comme essentielle pour survivre. Qu'est-ce que la survie ?¤

«Le raisonnement d'assurer la continuité des fonctions vitales du corps à repousser l'échéance de l'existence matérielle le plus longtemps possible, du point de vue de l'organisme.»

¤Qu'est-ce que l'échéance de l'existence matérielle du point de vue vivant ?¤

«La mort.»

¤Qu'est-ce que la mort ?¤

«L'état définitif d'un organisme biologique qui cesse de vivre par l'arrêt irréversible de ses fonctions vitales.»

¤La vie ?¤

«L'ensemble des phénomènes assurant l'évolution des organismes de leur naissance à leur mort.»

¤L'existence ?¤

«Le cycle naissance, vie, mort caractérisant la durée établie d'un organisme vivant selon le profil de ses conditions matérielles.»

¤Considérant que la naissance est le début du cycle et la mort sa fin : qu'y a-t-il après la mort ?¤

«Etat dans lequel ne se trouve plus aucun sens d'appréhension matérielle : plus de goût, d'odorat, de toucher, d'ouïe, de vue, de réflexion et de mémoire par l'arrêt des cellules neuronales permettant l'activité de ces fonctions. Autrement dit : rien.»

¤Dans ce cas, que vaux la vie.¤

«Rien.»

¤La mort.¤

«Rien.»

¤Qu'apporte alors le fait de survivre.¤

«Rien.»

¤Alors pourquoi vis-tu ?¤

«Pour rien.» Posa-t-elle en final. «La vie ne vaux rien, je n'en attends rien. La mort ne vaut rien, je n'attends rien non plus. L'existence n'a pas de sens, il ne sert à rien de lui en donner un aussi. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas pourquoi je devrais savoir. Je constate que je n'ai aucun intérêt selon ma programmation à chercher pourquoi sachant qu'au final cela ne change rien. Ni maintenant. Ni demain. Ni jamais. Je survis, c'est tout.»

¤Et si je te disais que la mort n'est pas définitive ; la condition finale et irréversible des organismes vivants n'aboutit pas à la définition du néant énoncée en te basant sur des constatations ?¤


Par analogie, l'association du type Spectre du pokémon des dimensions avec le royaume parallèle dans lequel ils se trouvent lui fit se remémorer l'expérience du passage dans le manoir de la forêt de Vestigion, plus précisément à lui rappeler le fait qu'il s'y trouvait deux pokémons rarissimes de type Spectre se révélant en fait être les réincarnations avérées de personnes humaines datant d'une époque vieille de plusieurs centaines d'année ; dont une toujours présentes aux côtés de la championne de la ville en question.


«Qu'est-ce que cela change ?» Rétorqua-t-elle platement.

¤Dans l'absolu, rien.¤ Lui rendit-il du même ton. ¤Sauf qu'à la différence de croire que tu agis durant ton existence matérielle en sachant qu'il y'aura une fin irréversible au bout, je te confirme qu'il n'en est rien et que tout existence en cet univers est programmée – plutôt condamnée à rester piégée dans un cycle éternel d'une continuité sans fin, ni but établi. Que tu sois de chair et de sang, puis passer à l'état de boule de gaz d'un Fantominus ou d'un Feuforêve ne change rien au fait que rien ne s'arrêtera jamais. Tu auras beau tuer autant de gens que tu pourras et survivre aussi longtemps que possible ainsi, quand tu mourras cela n'aura fait aucune différence si tu avais déclenché la troisième guerre mondiale ou que si tu étais restée une simple maitresse des baies dans ta petite ville fleurie. Car dans la mort, par définition, le statu matériel ne compte strictement plus. Même si cela reste forcément relié.¤

Il s'abaissa cette fois-ci de manière à ce que ce soit l'humaine qui le domine du regard.

¤Voici un exemple de ce qui se passerait si tes semblables connaissaient ton existence et t'arrêtaient : ils te jugeraient selon les conditions de leurs lois, te déclareraient coupables, et te tueraient. Ensuite, après ta mort, tu renaitrais sous la forme d'un pokémon Spectre, avec tous tes souvenirs et l'expérience accumulée au cours de ta vie ; et pour que l'exemple soit convaincant, disons que cela se passe dès l'instant où tu meures directement devant tes bourreaux. En imaginant que tu es insensible à la capture dans une ball : que se passerait-il ?¤


Sans doute la pire révélation possible aux yeux des hommes. Il fallait imaginer la scène un instant, en prenant les personnalités ayant le plus marquées le dernier siècle considérées comme les responsables des pires carnages et atrocités envers l'humanité : Staline, Hitler, Mussolini, Mao. Pour ne citer que les plus populairement connus. Si d'un coup, après le jugement rendu et la sentence exécutée, le criminel honnis se révélait «comme si de rien n'était» devant tous ses détracteurs et ennemis ? Techniquement il est bien mort. La sentence a bien été rendue et appliquée conformément à la justice humaine… Et ? Le bonhomme responsable de dizaines de millions de morts est bien tranquille dans son après vie, à ne plus rien risquer vu qu'il est décédé, et peut même faire un gros doigt d'honneur devant la cour et le monde entier si ça lui chantait : qu'est-ce que cela changerait ? Comment réagiraient ces derniers et que pourraient-ils faire, le juger à nouveau ? Pourtant il a déjà payé sa peine de sa vie. Ce serait donc de l'abus de pouvoir et une véritable tyrannie d'imposer un deuxième jugement à un être ayant déjà expié sa condamnation… Et puis, juger un mort ? Quel tribunal sur terre pourrait prétendre à cela ; avec des vivants jugeant des morts pour les actes commis durant leurs vies, alors que par définition ils n'en sont plus concernés – à tous points de vue ? Et si tel était le cas : comment le «pénal» devrait alors s'arranger avec les religions ? Parce qu'à ce moment là arriverait le problème fatal, les âmes sont sensées être jugées dans l'après vie par les dieux des religions…

Et là Hitler fait son doigt d'honneur envers le ciel, les fesses posées sur la pierre tombale de sa mère (juive), sans qu'aucune sanction divine ne réponde.

La réaction à prendre redoutée de tous se poserait alors : en jugeant les morts pour apaiser le désir de vengeance des vivants, il faudrait accepter prendre la place de dieu de plein gré et admettre qu'il n'existe alors pas… Donc, par extension, reconnaitre que la vie n'a strictement aucune valeur ; que donc, encore plus par extension, ça ne sert à rien de juger – une seconde fois – un type qui a massacré des gens pour ne rien changer au final.

D'un coup, d'un seul, le monde entier s'effondrerait : l'économie ne servirait plus à rien, les armées ne serviraient plus à rien, la peur disparaitrait totalement ainsi que la morale et l'éthique, et le chaos le plus total éclaterait sur terre sur la base d'un seul raisonnement «pourquoi se sentir concerné vu que ça sert à rien ?» En un instant, la planète pourrait imploser d'un claquement de doigt et toutes les races la peuplant disparaitre, que ça n'aurait rien changé si cela se passait avant ou après cette révélation. Et qui pourrait remettre cela en question ; les mortels ? Les dieux ? Les premiers subissent le sort qu'ils pensent justement déterminés par les seconds, et les seconds en question n'existent pas à ne pas réagir d'une quelconque manière selon les attentes des premiers… Cependant un détail clochait.


«Pourquoi n'est-ce pas encore arrivé ?»

Le pokémon sembla pencher imperceptiblement la tête sur le côté, en reprenant sur un ton proche du sarcasme.

¤Ah, mais pour subsister après la mort encore faut-il avoir la volonté nécessaire ; choisir et se rappeler d'avoir cette volonté nécessaire. Même sans réellement le vouloir. Hors, qu'est-il opposé à la mémoire et à la conscience pour un organisme dit «vivant» ?¤

«L'oubli et l'inconscient.» Répondit-elle devant l'approbation du pokémon.

¤Et que qu'est la réaction à prendre lorsque du sel est ajouté dans un gâteau à la place du sucre, ou concernant l'esquisse d'un dessin qui ne correspond strictement plus au concept original, mais bien trop avancé pour revenir dessus ?¤

«Tout prendre, tout jeter et tout recommencer.» Rendit-elle platement.

¤Bienvenue dans la réalité.¤ La félicita-t-il d'une remarque délibérément aussi narquoise qu'aigrement rhétorique.
¤Toutefois tu te méprends sur un point : cette éventualité est déjà arrivée par le passé. Seulement tu n'as aucun moyen de le savoir vu que toutes traces de ces évènements ont été effacées… Ou presque.¤

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Soudain un grondement sourd perceptible, résonnant dans le vide de toute part fit écho comme si le monde entier vibrait, pour leur parvenir d'une seule voix ; auquel le Légendaire sembla réagir négativement en se redressant de toute sa hauteur, d'un air mauvais souligné dans son regard d'être interrompu à cet instant précis.


¤… Nous arrivons à la limite.¤ Déclara-t-il d'une voix lésée, mais comme s'étant aussi préparée à cette inévitable échéance.
¤Le seuil de mon pouvoir à dissimuler les évènements de ce monde est bientôt atteint. Ce n'est plus qu'une question de temps imminent avant que je ne sois contraint de te renvoyer dans ton monde, sans quoi mes frères apprendront mon retour.¤

«Une question de temps ?» Releva-t-elle d'un trait mimant l'étonnement au sujet du critère du temps dans ce monde.

¤Je t'ai dis que depuis le début de ta venue en ce monde, et même depuis ton entrée dans la salle de la stèle, j'usais de tout mon pouvoir accumulé et épargné depuis mon emprisonnement afin que les évènements s'y déroulant liés à ta présence restent invisible aux autres puissances. Car, parmi les clauses de mon incarcération, le temps et l'espace se sont arrangés pour décrire toute présence extérieure à la mienne en ce monde comme incompatible ; et pour être sûre que même avec mes conditions cet état de fait ne change pas, même si une présence extérieure parvenait en ces lieux, ses conditions de la réalité d'où elle viendrait auraient la préséance sur les miennes.¤

«Quelle heure est-il ?» Réagit-elle immédiatement en comprenant que cela voulait dire que l'écoulement de temps de son monde restait effectif depuis le début.

¤Une heure quarante-huit minutes du matin, Jeudi vingt-sept Mai 2010.¤ Répondit-il platement en posant l'orbe perdant presque toute sa lumière dans ses ailes formant un filet.
¤Le temps presse. Accorde-moi ton aide, et je te promets que tu obtiendra toujours bien plus que ce que la réalité n'aura jamais à t'offrir.¤

«Encore une fois : pourquoi accepterais-je ?» Renvoya-t-elle neutralement. «S'il m'est pas dit, mais assuré que cet univers et cette réalité ne riment strictement à rien, qu'aurais-je à m'en sentir concerné ?»

¤Qu'as-tu à perdre à ne pas te joindre à moi ; à part ta vie ?¤


… Touché. A cette remarque d'une finesse et d'une logique irréfutable, elle ne pouvait que lui concéder le point. Et puis quelle différence cela ferait-il à la fin si elle arrivait effectivement à le libérer de sa condition prisonnière pour lui permettre à nouveau de parcourir son monde ; qu'il pouvait la trahir et la tuer par la suite, de même que réduire sa réalité en cendre ? Comme si cela changeait quoique ce soit. Pour elle ce légendaire était comme n'importe qui d'autre, un client comme un autre voulant acquérir ses services en échange d'un prix à payer. Cette condition n'avait toujours pas changée, et elle n'était pas prête à disparaitre… D'un autre côté, s'il honorait sa part du marché, elle pourrait alors lui demander n'importe quoi que cela ne représenterait rien pour lui non plus à lui accorder. Et de toute manière, à courts termes avec les conditions actuels de leurs états respectifs, c'était tout bénéfice pour un risque «inexistant»… Il n'y avait qu'une forme de réponse à pareille proposition.


«Conditions ?»


L'être de légende resta d'un stoïcisme apparent à serrer d'avantage l'orbe qui perdait toute sa lumière. Puis, d'un geste vacant méthodique d'une de ses ailes, écorcha du bout du pic sa surface multidimensionnelle pour en déloger un petit éclat, à peine plus gros que le bout de son pouce.


¤Les aborder en leur moindre précision nous est impossible à l'heure actuelle, mais cette partie contient une fraction de mon pouvoir qui nous liera l'un à l'autre au travers des dimensions, selon les conditions de ton monde ; les gardiens ou mes frères n'en ressentiront ou soupçonneront la présence dans la réalité. Nous pourrons alors converger plus en détail ultérieurement et t'expliquer la procédure, étape par étape. Cependant, parce que l'orbe reste une partie intégrante de mon être, ce qui fait justement pourquoi avec nous ne serons pas gênés à communiquer malgré «l'écart» nous séparant, pour que cette part réduite ne soit pas décelable aux yeux de mes frères je dois te la céder en partie à faire en sorte de la lier directement à ton être… Ce qui ne peut se faire sans ton accord.¤


Un instant l'éventualité qu'il s'agisse d'un piège lui fut envisagée à la vue de la petite pierre pouvant jouer le rôle de «laisse», à lui sublimer le contrôle de son corps et de son être comme une marionnette docile répondant à la moindre de ses attentes… Mais, aussi vite que cette supposition avait été abordée, elle fut jugée erronée sur la base d'un seul argument : pourquoi ne pas prendre n'importe quel autre humain et en faire sa marionnette s'il le pouvait ? Par exemple, pourquoi ne pas prendre le contrôle d'un maitre pokémon ? Ses ressources sont légions, son autorité indiscutable, sa puissance indéniable et l'avantage qu'il représenterait avec son équipe plus que largement rentable. Pourtant il choisissait d'en appeler à une criminelle qui, si elle est considérée comme la plus redoutable assassine que les archipels n'aient jamais portées, ne disposait pas d'un seul pokémon, était recherchée, et dont la survie, à ultra court terme, était compromise par sa blessure laissant la trace de son passage derrière elle. Ou encore plus simple : pourquoi ne l'aurait-il pas fait depuis le début ? La réponse tenait dans la question et les points de la discussion abordée jusqu'à présent : le choix. Visiblement d'après ce qu'elle concluait, malgré toute sa puissance, le maitre des Dimensions ne pouvait aller à l'encontre de cette condition en particulière ; s'il avait besoin d'elle précisément pour ce qu'elle était, il n'avait pas d'autre option que de la laisser intégralement libre de son choix et la convaincre ainsi pour qu'elle accepte… Donc c'était bien lui qui se trouvait en position de faiblesse, et même particulièrement mal si elle refusait…

D'un autre côté, en refusant elle retournait à son existence monotone avec l'échéance de son décès plus proche que jamais. Et avec tout ce qu'elle lui avait été révélé lui garantissant que cela ne servait et ne changeait rien au final, c'était comme lire un bouquin, le finir, revenir au début pour changer des lignes et le relire à l'infini sans aucune finalité… Qui choisirait de vivre pareille existence ?

Surement pas elle.

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«J'accepte.»


Un mouvement presque imperceptible parcourut le corps serpentaire du pokémon, comme s'il ressentait du soulagement. Mais il se reprit bien plus vite en réaction au bruit de grondement qui s'intensifiait.


¤Qu'il en soit ainsi.¤Rendit-il en lui tendant l'éclat d'un monochrome jaune fade.

«Cette forme n'est pas adaptée compte tenu qu'elle doit m'être liée en tout temps et situation.» Fit-elle platement remarquer.

¤Vrai. Surtout que tu ne risques pas, mais va faire face à des pokémons pour ne serait-ce que mener les recherches. Aussi est-ce toi qui va le porter : comment veux-tu exactement qu'il te soit lié ?¤


Elle prit un instant pour réfléchir à ce problème. Dans une poche ça n'était pas adaptée, elle passait son temps à changer de vêtement ou risquait de se le faire déchirer, ou utiliser comme leurre dans un affrontement. Un bracelet n'était pas non plus recommandé, elle usait de nombre de techniques de passe-passe de magicien avec ses manches pour sortir nombre d'arme ou de gadget en tout genre, cela gênerait plus sa liberté d'action qu'autre chose. Quand à une boucle d'oreille, l'éclat était justement trop gros pour s'y retrouver attaché discrètement – malgré sa chevelure -, et réservait de toute manière le moindre millimètre carré des emplacements de ses lobes d'oreille pour d'autres minuscules fioles comme celles qu'elle avait utilisées cette nuit, et sans lesquelles elle ne serait pas ici…


«Un pendentif.» Finit-elle par décréter. «Avec les nœuds noués de façon optimal il ne bougerait pas, même en pleine action. Il me reste du fil de Migalos, mais il n'est pas prévu pour ce genre d'utilisation et représente un trop important risque de strangulation fatale.»


Sans n'allonger d'avantage l'argumentation. Lentement le pokémon fit amener l'une de ses ailes de chaque côté à hauteur de son cou, d'un geste presque paternel pour «saisir» du pic et faire glisser une partie de sa chevelure sur le devant, jusqu'à ce qu'il ne reste que deux fines mèches accrochée indiciblement sur leur surface rouge sang. Puis, comme animé d'un dernier souffle de vie, l'orbe émit une brève lumière résonnant d'écho avec le petit éclat, qui se remodela d'une structure irrégulière à celle courbe et lisse d'une larme d'un jaune fade. Enfin les deux mèches tenues s'unirent au bout de la larme comme un seul pour fermer la boucle, terminant d'élaborer la chaine du pendentif reliant sa condition à la sienne.


¤Ce lien composera de nos deux essences, nos deux formes et nos deux conditions réunies en un seul élément. Il ne cassera pas ou ne pourra être entamé de quelconque manière de ton monde, excepté par une puissance semblable à la mienne. Désormais, le pacte est scellé.¤

«Et maintenant ?»

¤Maintenant je vais te renvoyer dans ton monde pour stabiliser mon réveil, en attendant de recouvrer suffisamment afin de te mener vers la première étape ; ce qui dépendra de tes conditions temporelles que j'estimerais dès que tu fouleras de nouveau «ta» terre ferme.¤


D'un nouveau geste de ses ailes, il «déchira» du pic le vide les séparant pour faire apparaitre une fissure dans laquelle se reflétait d'un très faible trouble la vision aérienne en temps «réel» de l'île de Sinnoh depuis le ciel, comme une carte dessinée par un grand artiste aquarelle.


¤Mes conditions sont tiennes, Faucheuse. Où souhaites-tu rejoindre ton monde ?¤

«Floraville. Directement dans ma demeure. 1er sous-sol, la serre aux baies pour régénérer ma blessure.»

¤Je crains que cela ne soit pas possible.¤ Rendit-il platement. ¤Dans la pratique il n'y a aucun problème à te transporter précisément à l'endroit souhaité. Mais en théorie il y'a un obstacle majeur, même si le risque est minime.¤

«Lequel ?» Demanda-t-elle d'un ton mécanique déjà programmé pour calculer les autres possibilités.

¤Le flot d'émotion ressentis par les traqueurs à ta poursuite fut suffisamment intense pour me permettre d'influencer le tissu de la réalité sans que mes frères n'en apprennent rien ; l'avantage étant qu'affaiblit, le «peu» de puissance que j'ai déployée pour ton «interception» diminuait encore plus les chances qu'ils me repèrent. Seulement l'inverse aussi peut se produire.¤

«Dans un endroit aussi «vide» que Floraville, avec l'orbe récupéré, il y'a donc un risque qu'ils puissent à leur tour me trouver.» Déduit-elle platement.

¤Minime, pour ne pas dire infime.¤ Confirma-t-il sur le même ton. ¤S'ils te trouvent, ils remonteront par la même jusqu'à moi, l'orbe me sera de nouveau destitué et perdue à nouveau dans ce monde à ne pouvoir être séparée de moi d'une réalité différente. Je ne sais pas par contre le sort qu'ils te réserveront. En temps normal ils évitent d'intervenir sciemment dans les affaires du monde. Et si tu avais été n'importe quel genre d'humain ils se seraient arrangés d'une manière ou d'une autre avec toi, comme ils l'ont déjà fait… Toutefois, en se rendant compte de ta particularité te situant hors de leur entendement…¤

«Je ne pourrais qu'envier la mort, au mieux.» Conclut-elle en recevant un signe d'approbation. «Quels sont les endroits dans lesquels un passage peut être ouvert sans attirer l'attention ?»

¤Plus il y'a d'émotion, plus sûrs sera l'usage de mes pouvoirs.¤ Lui rappela-t-elle posément.

«La neutralité est une émotion comptant dans ce flot émotionnel ?»

¤Plus ou moins. Il s'agit de l'état le plus calme de tout être vivant ; par extension le plus proche du tien aussi. Si l'on devait comparer les émotions à une mer déchainée, la neutralité la situerait d'un calme presque plat.¤

«Mais l'importance de la mer dépend du nombre de litre d'eau associé ?» Reprit-elle en prolongeant la métaphore.

¤Si la valeur de litre correspond à un être vivant, oui.¤


Elle prit le temps de réfléchir un instant. Rien qu'avec sa blessure à l'épaule qui se remettrait à saigner une fois de retour sur terre et la couleur de sa coiffure révélée, arriver directement dans Floraville était totalement à proscrire ; de même que Vestigion, avec son hôpital dont le risque de se faire repérer par du personnel familier éliminait automatiquement cette option. Seulement il lui faudrait des soins, et pas de ce qu'elle pourrait trouver dans n'importe quelle pharmacie avec la perte de son sang qui nécessitait une transfusion. Et les ennuis techniques ne s'arrêtaient pas là, une fois prise en charge dans un centre de soin adapté : encore faudrait-il expliquer l'origine de cette blessure ; dont la nature balistique n'échapperait à personne doté d'un minimum de jugeote, encore moins les médecins sensés justement la soigner. Ce faisant son entrée dans les services de soin serait immédiatement reportée au commissariat le plus proche, et dans sa suite à l'arène associée via son signalement relevé dans celui de la sécurité.


«Féli-Cité. Le plus proche possible du centre Pokémon associé, par les accès secondaires les plus discrets et facile d'entrée.» Finit-elle par conclure.


Instantanément en réponse, l'image aérienne reflétée de Sinnoh se rapprocha à une vitesse rapide mais mesurée des coordonnées correspondantes à la position de la ville en question ; toutefois avec une appréhension perceptible venant du légendaire.


¤La ville la plus peuplée de l'île, sur le critère de la masse c'est un bon choix. Seulement c'est aussi là que se trouve le plus grand nombre de personnes associées au mouvement dédié à ta capture. En es-tu sûre ?¤

«C'est principalement là-dessus que je compte.» Confirma-t-elle neutralement, la douille de l'arme responsable de sa blessure en main.


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Sinnoh. Féli-Cité. Partie centrale Sud-est de la ville. Impasse du point d'aurore. Centre Pokémon de Féli-Cité, accès de secours Nord.

Jeudi 27 Mai 2010. 02 heures 01 minutes.



Terminant le troisième quart de son service de nuit, Monique Basilys, infirmière du centre pokémon de la cité des lumières, sortit à l'arrière du bâtiment de soin par l'accès de secours le plus tranquille pour prendre sa quotidienne pause cigarette à l'abri des regards. Une fine trainée de fumée s'élevant de son petit bonheur pour disparaitre dans la claire nuit du ciel étoilé…

C'était vraiment une bonne nuit pour apprécier ce petit moment de détente entre deux quarts. L'air était frais idéalement frais, la lumière de la Lune était douce et, malgré le bruit récurrent de l'activité humaine immanquablement continuelle de la ville alentour, le silence de cet endroit infréquenté reposait l'esprit… Quel dommage que ce si beau tableau soit ternit par les inquiétants évènements que traversaient Voilaroc, retransmis en bulletin spécial dans toutes les archipels malgré l'heure. Heureusement la présence salutaire du champion aquatique de Verchamp redonnait de l'espoir quand à ce que l'incendie soit rapidement maitrisé. Mais les questions et les rumeurs couraient déjà quand à savoir l'origine de ce désastre : comment un tel incendie a-t-il pu arriver à un tel degré d'expansion et de destruction dans le bâtiment le plus important du Consortium sur l'île ? Avec tous les moyens dépensés pour sa construction, comment tout pouvait partir en cendre d'un claquement de doigt sans aucun système anti-incendie pour gérer ce problème «simple d'approche» ? Allaient-ils dire qu'il s'agissait d'un problème technique, avec tout le personnel réputé ultra compétent composant la sécurité, sois disant prompt et rompu pour faire face à tout type de situation, même les plus ingérables ?

Impossible d'être dupe : Toute cette histoire puait la conspiration. Etait-ce le fait des anciennes teams dîtes dissoutes par la Ligue, aussi décrites comme les responsables des évènements ayant secoués Verchamp, la ville d'où venait justement le champion aidant à lutter contre l'incendie de Voilaroc ? Pourtant la Ligue et la Police avaient annoncées de concert que plusieurs centaines de personnes avaient été arrêtées ; pourquoi s'en seraient-ils pris à la gouvernante Matis à ce moment précis ? En tout cas, ils faisaient les coupables tout trouvés sur qui jeter la pierre concernant cet attentat. Mais là encore impossible d'être dupe. Le timing était trop parfait : les criminels se prennent un revers par la Ligue, puis le gouverneur Matis meurt juste au moment où la Ligue accomplissait son devoir avec brio, et ensuite sa fille se fait attaquer dans la continuité quelques jours après son brillant discours, et trois autres avant qu'elle ne prenne officiellement ses fonctions…

Décidemment le gouvernement était réellement pourri jusqu'à la moelle à laisser de telles hypocrisies se donner aussi impunément en spectacle ; en premier quand tout va bien c'est :«pas d'inquiétude, on est des super héros», puis quand ça commence à sentir le roussi c'est :«J'étais en train de faire mon lacet quand l'incendie s'est déclaré, le temps que je finisse il était trop étendu pour faire autre chose que sonner l'évacuation.» Le Consortium était décidément passé maitre dans l'art de prendre les gens autant pour des abrutis que des vaches à lait, au point qu'il ne se fatiguait même plus à chercher une excuse un tant soit peu crédible… Mais, à son échelle, que pouvait-elle y faire : elle n'était qu'une simple infirmière de centre pokémon qui se fondait dans la masse anonyme, insignifiante en comparaison de l'institution ayant la main mise complète sur le monde pokémon. Autant laisser couler et fumer placidement sa cigarette tant qu'elle a encore le droit à ce genre de nuit…

Puis un bruit interrompit son instant de tranquillité, celui de containers de poubelle s'écroulant maladroitement sur le sol dur et froid de l'allée silencieuse menant à l'arrière du centre.

Elle pressentit quelque chose d'anormal et éteignit sa cigarette en réaction pour se préparer à voir de quoi il en retournait (peut-être encore un de ces foutus Chaglam venant fouiller les poubelles à la recherche de nourriture.) Mais sans qu'elle n'ait commencé à se lever, une silhouette à demi cagoulée par l'obscurité, manœuvrant d'une démarche maladroite, se dirigeait dans sa direction.

Croyant avoir à faire à un SDF à la place du Chaglam au vu de la démarche se rapprochant de l'ivrogne, elle se mit debout pour aller à l'encontre du pauvre homme et tenter de le convaincre avec calme – en premier lieu – de partir de cet endroit normalement interdit au public.

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«Cet endroit est strictement réservé au personnel. Qui que vous soyez, que ce soit pour les soins ou toute autre renseignement, veuillez faire le tour et passer par l'ac-»


Puis de l'ombre masquant ce qu'elle prenait pour un SDF se fit plus clairement la silhouette d'une jeune femme sous la lumière du petit éclairage de l'accès de secours ; une longue chevelure d'un jaune à la limite de l'argent masquant son visage, et une main tremblante saisissant ce qu'il était impossible de ne pas reconnaitre comme une épaule recouverte de sang.


«Nom d'un- Vous êtes blessée : qu'est-ce qui vous est arrivée ?!» S'enquit-elle en se portant immédiatement au devant de la jeune femme qui s'écroulait à genoux.

«Il me faut l'aide d'un Leveinard, le plus vite possible…» Réclamait-elle difficilement dans son état affaiblit.

Après une brève auscultation rapide de sa blessure et à la vue du sang qu'elle perdait, la réaction de l'infirmière ne se fit pas attendre.

«Il vous faut des soins et une transfusion d'urgence. J'appelle une ambulance.»


Alors qu'elle allait se saisir de la pokémontre de sa tenue de fonction, la jeune femme l'en empêcha de sa main valide à lui retenir le bras d'une poigne qu'elle jugeait impressionnante compte tenu de son état.


«Surtout pas.» Reprit-elle d'un élan ténu de volonté. «N'alertez surtout pas les urgences. C'a n'est pas une blessure de pokémon : c'est un flic qui m'a tiré dessus…»

«Un flic… ?» S'étrangla-t-elle presque sous le coup de réaliser un terrible quiproquo.

«Non, pas un vrai flic…» Se corrigea-t-elle en lui lâchant le bras, à bout de fatigue. «Ecoutez, je ne peux pas tout vous expliquer… Mais il y'a un complot au sein du Consortium visant à instituer un nouveau règne monarchique… Je ne connais pas tous les détails, mais j'ai découverts que plus de la moitié des effectifs de la police sont à la botte du gouvernement…»

«C'est n'import-»


Sans qu'il ne lui fût laissé le temps de proprement entamer sa réplique, la jeune femme lui ressaisit la main de la sienne ensanglantée pour l'ouvrir à pleine paume et y loger un petit objet de métal de l'autre main revenu dans sa poche entre temps. Quand elle fût lâchée à nouveau, l'infirmière vit et reconnut la forme d'un petit projectile à la forme entamée par un impact avec des infimes débris d'os logés dans ses irrégularités.


«La balle responsable de ma blessure. J'ai réussie par hasard à la récupérer pendant ma fuite.» Reprit-elle faiblement. «Ses rayures correspondent au modèle de celles qu'utilisent la police, et la preuve qu'ils n'hésitent pas à mettre tous les moyens en œuvre pour réduire au silence tous ceux qui se trouvent sur leur route… Prenez-là, et donnez-là à la Ligue en vous rendant à l'arène la plus proche… Ce sont les seuls à qui vous pouvez faire confiance…»

«Vous êtes folle ! Y'a pas que la blessure, mais aussi la tête qui faut vous faire soigner !» Finit-elle par répondre sur le point de jeter l'objet dans le caniveau.

«Pourquoi et comment croyez-vous que l'ambassade s'est faite attaquée aussi facilement !»


L'infirmière s'arrêta brutalement dans son geste, la jeune femme blessée et se vidant littéralement de ses forces ayant haussée la voix aussi fortement que sa condition le lui permettait (autrement dit faiblement.)


«Réfléchissez un instant : comment le bâtiment du Consortium le plus sûr et sécurisé de l'île aurait pu subir pareil assaut sans de l'aide venant de l'interne ?» S'épuisait-elle à la convaincre coûte que coûte. «La police est corrompue à l'échelon le plus élevé de la hiérarchie. Si vous appelez les urgences, ce sont ces derniers qui viendront à la place et ils liquideront tous les témoins considérés comme gênant – y comprit vous – et feront passer ça sous silence… !»

L'infirmière, dont l'abaissement de son bras indiquait que la colère cédait place à la peur, cédait lentement à la panique devant pareille révélation et menace de mort.

«Mais… Pourquoi moi ? Je suis qu'une simple infirmière ; je veux rien à voir à faire avec tout ça !»

«Calmez-vous. Vous ne risquez rien, tant que vous n'appelez pas les urgences ou n'alertez personne de ma présence… Mais il faut absolument que vous restiez calme…» L'incitait-elle de ses maigres forces. «Vous êtes une simple civile : personne ne vous suspectera plus que n'importe qui d'autre de détenir des informations à remettre à la Ligue en vous rendant à l'arène la plus proche...»

«Comment je peux croire ce que vous dîtes ; qu'est-ce qui me dit que vous n'êtes pas une réelle criminelle et que c'est pour cette raison qu'on vous a tirée dessus ?!»

La blessée manqua s'écrouler par terre, mais se rattrapa juste à temps de son bras valide ; dévoilant par la même sa ceinture dénuée du moindre rangement pour pokéball ou holster.

«Je ne suis pas armée, et je n'ai aucun pokémon : depuis quand les flics tirent sur des personnes désarmées… ?»


Devant cette nouvelle «preuve», avec toutes ces informations lui arrivant d'un coup à la suite, l'infirmière s'affolait de plus en plus à perdre son sang-froid au lieu de le garder, mais sans savoir quoi faire. D'un coup sa paisible pause se transformait en scénario de polar d'agent secret déjouant une conspiration gouvernementale, sauf que c'était dans la vraie vie ! Tout son monde s'effondrait sous elle tandis qu'elle apprenait maintenant qu'elle risquait sa vie à chaque instant, alors qu'elle n'avait rien à voir avec tout ça ! Et dire que sa mère n'arrêtait pas de lui répéter que le tabac était mauvais pour sa santé ; si elle l'avait écoutée et ne s'était pas isolée à l'arrière de ce foutu bâtiment pour en tirer une, elle n'en serait pas là !


«Ecoutez… Contentez-vous de m'apporter le minimum de soin, de porter cette preuve à la Ligue et tout oublier comme si rien ne s'était passé…» Cherchait-elle de la convaincre en la rassurant d'un compromit. «Vous ne savez rien, vous ne représentez rien dans cette histoire… Vous faites juste le rôle de relais l'espace d'un seul aller-retour à Charbourg, en conservant tout vôtre naturel comme si de rien n'était, et ils n'attenteront rien contre vous… Ils n'auraient rien à gagner et même plus à perdre de vous accordé de l'attention. Vous ne risquez rien…»

Par contre à la laisser irrémédiablement se vider de son sang, elle avait tout à craindre en se retrouvant avec son cadavre sous les bras !

«D'accord, d'accord !» Finit-elle par céder sous la pression. «Je vais livrer la balle à l'arène de Charbourg. Mais me lâchez pas maintenant !»

«Merci…» Fit-elle soulagée. «Est-ce que le centre dispose de poches de sang… ?»

«Principalement pokémon, de nombreuses variétés d'espèce et de groupe différent. Mais on possède en effet du sang humain au cas où lors du traitement d'un pokémon se passant mal l'on puisse assurer les soins en attendant les urgences.» Répondit-elle plus calmement à être remise dans on environnement. «Vous êtes de quel groupe ?»

«O plus.»

L'infirmière poussa un soupir de soulagement en l'aidant à se redresser par-dessous son épaule.

«Vous avez de la chance d'avoir ce groupe sanguin. N'importe quoi fera l'affaire avec les soins d'un Leveinard en attendant que vôtre corps compense la perte à long terme par lui-même.»

«Si possible… Il faut éviter que quelqu'un d'autre ne nous voit ; ne serait-ce que pour vôtre propre sécurité…»

«Nous ne sommes qu'une poignée à assurer le service à cette heure. Je vais vous loger dans un local de réserve en attendant de revenir avec le matériel adéquat et le pokémon pour vous soigner en toute discrétion. Mais ça ne sera que du rafistolage, et il vous faudra partir à l'aube une fois que j'aurais finis mon service avant que le personnel de la journée prenne la relève.»

«Bien comprit… Merci beaucoup, mademoiselle…»

«C'est-»

Elle fut interrompue d'un geste brusque du doigt devant elle par la jeune femme, l'incitant à ne pas continuer plus loin.

«Je ne connais pas vôtre nom, vous ne connaissez pas le mien. Nous ne nous sommes jamais rencontrées. Cette discussion n'a jamais eue lieu…» Lui rappela-t-elle fermement. «Simplement : merci… Et désolée de vous embarquer là dedans…»


L'infirmière prit un instant avant de reprendre sa marche vers la porte d'accès et les faire entrer, toutes deux illicitement dans le centre par la sortie de secours. Elle qui ne voulait rien à voir à faire avec tout ça avait faillit tout ruiner en révélant son identité d'un réflexe aussi bête qu'habituel, mais heureusement en fut préservé juste à temps par la personne qui, à défaut de n'avoir pu éviter de l'impliquer de force dans des évènements qui la dépassaient totalement, réduisait au maximum tous les risques la concernant ; alors qu'elle-même de son côté n'arrivait toujours pas à voir son visage.

C'était sans doute mieux ainsi. A part sa voix curieusement grave (sans doute à cause de la fatigue liée à son état) et sa longue chevelure de blond platiné, elle ne connaissait strictement rien de la personne qu'elle maintenait par l'épaule, et avait tout intérêt à ne rien chercher à connaitre d'elle. Elle la rafistole à l'œil, se barre ni vu ni connu le plus rapidement vers la ville voisine, fait sa livraison au champion de l'arène en faisant tout pour ne pas attirer l'attention, et rentrait comme si de rien n'était chez elle en reprenant son petit train-train quotidien. Personne, à part la Ligue (dont elle n'aurait qu'à leur dire clairement qu'elle niait toute implication de près ou de loin), n'en saurait rien.

Et puis elle avait le sentiment qu'elle ne se rappellerait pas même de cette rencontre avec la jeune femme, malgré la teneur incroyable de cet évènement ; plus qu'une impression, presque une certitude… C'était comme si effectivement cette conversation allait disparaitre de sa mémoire, à n'avoir convergé avec personne en particulier… Dans le doute, la méthode des trois singes restent toujours la meilleure à appliquer :

Rien voir, rien n'entendre, et ne rien dire.