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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 29/06/2011 à 03:10
» Dernière mise à jour le 29/06/2011 à 03:10

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Désillusion.
Sinnoh. Forêt non répertoriée. Position exacte inconnue.

Dernière date et heure enregistrée : Mercredi 26 Mai, 22 heures 50 minutes.



Pas un bruit. Le silence presque le plus complet régnait dans cette plaine boisée, à n'être seulement interrompu par l'évanescence d'un vent paisible soufflant entre les longues feuilles des hautes herbes, parcourues d'un mouvement de vague continu comme une petite mer de verdure sous l'éclat resplendissant de la Lune.

Encore quelques instants plus tôt le vacarme des cris de chasseurs inflexibles la harcelait à pleines oreilles d'entre toutes les directions, exceptée celle devant elle. Le bruit des palmes était si net qu'elle pouvait déterminer exactement leur position dans le ciel par rapport à la sienne, celui des pokémons et des humains la traquant si proche qu'elle en connaissait exactement le nombre et la nature de chacun d'entre eux sans même les voir. La clameur atteignant son paroxysme alors qu'elle ralentissait pour pénétrer et passer outre l'ensemble de buissons aux feuillages les plus dense qu'elle n'ait jamais traverser de toute sa vie… Mais maintenant : plus rien.

En temps normal elle aurait encore continuée de courir et trouver un nouveau couvert dans lequel se réfugier pour jauger de la situation en précaire sécurité. Mais elle n'en fit rien à seulement s'arrêter à quelques mètres d'où elle venait sur la base d'une seule raison. Aussi miraculeusement synchronisés que ses poursuivants pouvaient s'être tous stoppés d'un seul mouvement, pour chercher peut-être à l'approcher d'une quelconque autre tactique : des hélicoptères ne pouvaient pas en faire de même en disparaissant purement et simplement à son ouïe alors qu'ils volaient encore à pleine hélice au-dessus d'elle.

Autre chose. Déduisant immédiatement de par ce premier constat qu'elle ne devait plus du tout se situer dans le secteur de la forêt où elle se trouvait encore il y'a peu. Elle ralluma son pokématos pour déterminer sa position actuelle (qu'elle avait désactivée afin de ne pas se faire prendre dans l'effet de sa propre grenade IEM), et resta de marbre à voir l'écran de ce dernier complètement grisé ; seulement parcourut par de la neige parasite alors que même l'écran de menu ne s'affichait pas.

Comprenant qu'elle n'avait plus rien à attendre de lui pour l'instant, mais n'en ayant pas encore déterminée avec exactitude la raison (n'étant pas en tout cas induite par sa faute), elle le désactiva à nouveau dans l'intention d'économiser les réserves de sa batterie, et se tourna vers le ciel dénué de nuage pour déterminer sa position sur terre par rapport aux étoiles… Second constat qui échappait à toute logique : il n'y avait que la Lune visible dans le ciel. Mais pas une seule étoile… Pourtant la forme des cratères qu'elle relevait de l'astre Lunaire lui démontrait qu'il s'agissait toujours du même satellite éclairant la nuit de sa fuite ; sa face inchangée attestant qu'elle se trouvait encore bel et bien à Sinnoh.

Où avait-elle bien pu atterrir…

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Chaque chose venant en son temps. L'absence d'étoile et de bruit lui certifiant qu'elle n'avait plus à se préoccuper de ses poursuivants (qui l'auraient déjà rejointe en toute logique, selon son timing conclu pour emprunter le même chemin qu'elle; donc à ne plus être au même endroit qu'eux), elle reprit temporairement son mouvement pour se diriger vers le creux d'un arbre donnant le plus proche d'un seul bond dans les couverts des hautes herbes. Puis s'y posa calmement en son sein pour laisser enfin son corps prendre le repos vital dont il avait besoin pour récupérer de cette éprouvante poursuite ; elle l'aidant dans cette entreprise à lui fournir sa toute dernière dose de concentré de baie Babiri de l'un de ses rangements dissimulé dans sa ceinture creuse. Pendant qu'elle en profitait pour établir le constat actuel de sa situation.

Pour la partie logistique : ses réserves de grenades étaient pratiquement vides - une grenade fumigène et «sonar» étant tout ce qu'il lui restait. Son embuscade éclair à demi-avortée l'a força aussi à abandonner ses deux dagues de céramique dans les corps de ses deux victimes sans chercher à perdre un seul instant à les récupérer ; ne la laissant plus armée que de son corps. Enfin ses concoctions artisanales avaient été puisées jusque dans les dernières réserves, aussi bien composées avec ou sans baies. Et pour la partie technique : elle était dans une partie de l'île dont elle n'avait – tout comme l'usine – pas même l'ombre d'une donnée sur son existence ; à la différence que la concernant elle n'avait alors jusqu'à aucune idée concrète lui permettant d'expliquer comment elle était arrivée là.

Ce qu'elle savait, par contre, c'était qu'elle se trouvait toujours en forêt, en pleine nuit. Probablement à plusieurs dizaines, pour ne pas dire centaines de kilomètres de la ville la plus proche. Que son pokématos était comme inopérant en ces lieux à ne même pas lui servir de lampe de secours, tandis qu'elle-même, toujours blessée, savait qu'elle ne pourrait tenir indéfiniment sans recevoir un traitement médical approprié dans les prochaines 24 heures. Il lui fallait bouger. Surtout considérant qu'elle se trouvait en un territoire inexploré, donc potentiellement dangereux (et une cible mouvante est toujours plus dure à atteindre qu'une cible fixe.)

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Le repos fut de courte durée. Juste de quoi calmer son cœur et sa respiration avant de se relever pour commencer son exploration des lieux.

La première chose à remarquer dès les premiers pas, c'était que les arbres entourant les lieux alentours voilaient à la perfection la lumière lunaire en plongeant immédiatement dans les ténèbres quasiment les plus complètes tout ce qui se trouvait sous leurs feuillages ; n'y voyant qu'à peine les contours de la seconde rangée d'arbre à quelques mètres derrière, et littéralement rien tout court vers où devait se trouver la troisième rangée. La deuxième chose était qu'ils semblaient former comme une barrière naturelle infranchissable par la densité des buissons à leurs pieds, à forcer tout intrus – ou intruse qu'elle était – à devoir continuer dans les parties à découvert des hautes herbes qui semblaient former une sorte de large chemin sinueux, mais bien linéaire qui n'autorisait aucun détour…

Elle s'avança dans l'étendue sauvage à se laisser «guider» par la direction dans laquelle continuait le chemin verdoyant ; marchant à pas de loup dans le couvert des herbes sifflants faiblement le bruit du vent. Le troisième point étant que l'absence de bruit proche de l'absolu soulignait également celle totale d'autre présence que la sienne en ces lieux étrangement calmes... Leur sérénité était telle qu'il semblait qu'aucun être vivant avant elle ne s'y soit aventuré depuis des temps oubliés. Aucune trace d'activité vivante ne marquait les lieux immaculés par la tranquillité, comme semblant immunisés au passage du temps et oubliés par les contraintes de la réalité. Pourtant la perfection naturelle avec laquelle les arbres coupaient les lieux du monde extérieur, et celui de la longue plaine s'enfonçant placidement d'avantage en son sein n'avait pas la forme d'une étendue boisée s'étant développée telle quelle depuis des éons… Plutôt la fonction d'un chemin cherchant à être emprunté, sans n'en n'avoir ni la forme ou l'essence. Juste comme un simple chemin boisé…

Pas un seul pokémon, animal, ou même le plus petit insecte… Plus elle marchait à suivre ce long chemin serpentant dans les bois, dénués de logique ou de raison, mais comme animée – plutôt placés là depuis une raison aussi oubliée que le lieu qu'ils semblaient «garder», et moins en se retournant l'autre partie du chemin derrière elle lui apparaissait éclairé par la nuit. A retomber lentement dans l'obscurité des limbes de l'oubli. Se soustrayant à sa vue pour ne lui laisser visuellement comme option que de continuer tout le long de ce chemin la menant vers un infini reculé.

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Bien que n'ayant plus la concrète notion du temps par l'horloge de son pokématos, elle tenait en tête le compte exact de seconde qu'elle avait passée à évoluer sur ce sentier depuis son arrivée dans ce «monde» inconnu. Cela faisait plus d'un quart d'heure qu'elle marchait inlassablement tout le long. Virant parfois de façon très serrée à droite, puis alors à gauche. Mais sans jamais trouver de fin… A ne sembler n'être qu'un passage entre les bois sans aucune autre finalité qu'être un simple chemin. Puis elle tourna une nouvelle fois à gauche… Et la monotonie se termina enfin.

Massif, à l'image répliquée en miniature d'une montagne au sommet plat. Des bois réguliers et éternellement anonymes sortait une large colline rocheuse à l'apparence d'un énorme monticule de pierre situé au milieu d'une large plaine recouverte de hautes herbes, et dont les arbres semblaient éviter à s'en rapprocher en délimitant une frontière invisible tout autour de lui ; comme ne souhaitant pas envahir ce qui s'apparentait pour eux à un lieu sacré… Ou maudit.

Elle n'en tenait pas compte – du moins pas plus qu'à simplement relever un constat de fait. Ce faisant, et étant la seule position surélevée se présentant qui lui permettait éventuellement de se repérer pour trouver un moyen de sortir par delà la forêt, elle continua lentement en direction de l'énorme monticule dont la largeur ne semblait cesser de croître à mesure qu'elle s'en rapprochait – à suivre ironiquement le chemin l'y menant de même à son bout. Puis elle s'arrêta, arrivée à la base rocheuse inclinée selon un angle trop «naturellement parfait» pour n'avoir été que le résultat logique de millions d'années d'érosion…

L'ascension directe ne lui apparut pas comme une option viable. Les rebords, inversement trop escarpés et irréguliers entre eux par rapport à la forme presque pyramidale de l'énorme structure rocheuse, réprouvaient toute possibilité d'escalade ; surtout dans le cas de son bras. Elle prolongea son inspection méticuleuse à arpenter tout le long la base à la recherche d'un point d'accès potentiel qu'elle pourrait utiliser, mais à ne trouver qu'une succession uniforme de bords et de rebords tous plus acérés et impraticables que les autres. Jusqu'à finalement, de par sa forme jurant totalement avec ce qu'elle vit jusqu'à présent, dénicher ce qu'elle déduisit être le seul accès menant au sommet : une succession de rebords irréguliers mais complètement plats espacés les uns des autres tel un escalier incitant à être emprunté, comme le chemin avant lui.

Ce qui acheva définitivement de lui assurer que cet endroit n'était pas l'œuvre du hasard se trouva au sommet de ce dernier une fois monté. Des hautes herbes semblables à celles parsemant le sentier d'où elle venait, aussi vierges de pokémon qu'elles s'étendaient à perte de vue tout le long du bord continuant inlassablement sur sa droite et sa gauche. Excepté au milieu où se trouvait la forme d'un grand trou qui faisait finalement coïncider le tout avec l'apparence d'un cratère de volcan ; une sorte de petit promontoire en son centre duquel elle pouvait admirer en contrebas ce dernier remplit d'eau à l'image d'un petit lac…

Lac d'eau pure sur lequel, par la présence toujours éclatante de la lune, elle pouvait voir se refléter à sa surface à l'autre bout une forme de petite plage donnant sur un accès dans la roche.


~…ooooooooo…~

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Semblable au son du vent soufflant entre les branches d'arbre mort, la différence tint à l'écho de l'intonation torturée qui s'en réchappait tout le long. Le «son», clairement tout sauf naturel, lui fit immédiatement comprendre que l'uniforme sérénité dont faisait preuve le lieu jusqu'ici venait de s'évaporer. Elle n'y réagit cependant pas outre mesure. Toujours sur le promontoire au dessus du lac interne, elle se contenta de se retourner à moitié derrière elle pour faire à demie face dans la direction d'où venait le bruit au travers de la nuit, sans ne rien voir d'autre que cette dernière et la forêt en dessous d'elle d'un panorama inchangé à des lieues à la ronde ; une mer d'arbres d'un jade sombre s'étendant à perte de vue.

Au milieu de sa vision cependant, un contraste dans la forme du ciel nocturne se percevait par rapport à la continuité monotone du panorama ; presqu'invisible comme les contours d'une bulle de savon, si fine que la lumière de l'astre blanc peinait à en dévoiler la nature. Puis, alors qu'elle ne cillait pas d'un millimètre à fixer avec intensité ce qu'elle savait être la présence cachée d'un être dénué d'intentions amicales à son encontre, les fins contours de la bulle se firent plus concrets, plus maculés alors que l'invisible avatar, comprenant avoir été percé «à nuit», convint de révéler les traits évanescents de son apparence désincarnée sous la pâleur de la nuit : son corps bombé d'un marron poussiéreux lévitait au dessus du sol tel un mauvais génie, son ventre barré en son sein par une ligne irrégulière d'un jaune funeste surmontée de deux formes ovales inclinés tels des yeux tourmenteur. Ses deux énormes bras étaient sertis tous deux de deux lignes d'un jaune semblable se terminant chacun par une forme de bracelet d'un noir insondable, duquel sortaient pourtant deux mains modelées telles des feuilles pliées dans du papier séculaire. Et son visage, à l'image d'un cône en un haut de forme barré d'une dernière ligne jaune se terminant en une petite parabole de cette même couleur, était rehaussé de la même teinte dans un col composant l'ensemble supérieur de sa tête ; la seule ouverture de son corps obscur s'y trouvant plongée dans un noir abyssal, d'où n'en sortait que la lueur macabre de son œil d'un rouge mate posé uniquement à l'attention de l'intruse ayant profanée ces lieux.

Cette dernière, dont la fiche technique du spectre lui faisant face avait déjà défilée dans sa tête, n'esquissa toujours aucun mouvement à la divulgation du pokémon à sa vue. A n'éprouver ni crainte, ni intérêt. Seulement à ne lui porter en retour que la neutralité la plus complète de son image impassible.

Comme si cela n'avait rien changé à la situation (pas comme : c'était le cas). La ligne centrale irrégulière de l'avatar maudit se déchira lentement pour se scinder en deux lignes distinctes, s'écarter et s'ouvrir telle une énorme gueule nimbée dans les ténèbres insondables de son abîme spectrale. Avant de se mettre à fondre d'un coup vers elle ; ses énormes mains recouvertes dans une fumée noire. Prêt à la saisir pour l'engloutir dans sa gueule abyssale grande ouverte…

Il n'en fut rien. Alors qu'il s'apprêtait à user de ses deux poings ombre retenus sur la forme humaine lui faisant face (quel besoin était-il d'employer sa pleine puissance contre une si misérable créature ?), cette dernière – impassible jusque là – le prit de vitesse en contre-accélérant à son encontre d'une détente foudroyante et soudaine, et se retrouva à quelques centimètres de lui en un éclair. Trop sûr de lui à savoir que la silhouette de feuille ne pouvait interagir avec son essence immatérielle sans qu'il ne le décide, par surprise, plus que par réflexe, ce dernier se sentit néanmoins contraint de déclencher sa double attaque sur sa proie plus tôt qu'il ne l'avait prévu. Ses deux mains spectrales décrièrent une courbe courte, à perdre la majorité de leur puissance (déjà restreinte) pour atteindre la cible qui se trouvait juste devant lui, mais ne rencontrèrent que le vide – où plutôt une légère résistance lorsqu'ils fauchèrent simultanément la forme d'une partie de la silhouette sylvestre à la place de son corps principale (qui s'apparentait à une forme de voile sombre et gluant recouvert de terre et de feuille.) Il n'eut pas d'avantage le temps de chercher à comprendre où elle était passée que le voile de textile noir glissa de ses mains, rendues matérielles, comme une ombre (ironiquement) pour être jeté droit sur sa tête et lui voiler intégralement la vision de son œil unique. Avant que, par automatisme en cherchant à ramener ses mains, en oubliant un instant sa proie pour récupérer sa vue en retirant le manteau poisseux qu'il avait sur la tête (et qui tenait encore plus ironiquement mieux grâce à son antenne faisant office de porte-manteau) ; il ne se prenne au travers du voile de textile un coup de pied à l'endroit où se trouvait son œil. Son ingérence contrainte avec le monde physique s'étant retournée fatalement contre lui.

Rendu temporairement aveugle, de rage plus de douleur il poussa un cri guttural des limbes de son ventre à l'encontre de sa fugace proie, depuis laquelle les turbulents remous spectraux s'échappèrent sous la forme d'un terrible Vent Mauvais chargé de ses pulsions et pensées négatives qui enveloppa le promontoire d'un linceul mauve. Avant d'exploser dans une bourrasque violente qui allait le débarrasser de la vermine s'étant opposée à lui ; celle-ci se retrouvant emportée par la rafale par delà le promontoire, à chuter droit dans le lac en contrebas.

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Ayant prévu sa chute dans ce dernier (le promontoire étant moins large que le spectre, cette conclusion était alors inévitable), cette dernière ramena ses bras en piqué droit par-dessus sa tête, l'angle de la nuque incliné en avant dans une position de plongeon idéal qui la fit rencontrer le mur d'eau immuable comme une flèche dans du sable. Le choc de la rencontre fut minime et les dégâts enregistrés sans réelle gravité (la majorité ayant été dissipée par sa forme de pic lors de l'impact), mais plus que suffisant pour rouvrir à nouveau la plaie de sa blessure se mélangeant avec l'eau du petit lac dans lequel elle baignait. Aussi pure et froide que du cristal de glace.

Son sang ne fut pas la seule substance impure à venir souiller la beauté immaculée du bassin millénaire ; il en fut de même pour l'espèce de produit poisseux la recouvrant, ainsi que les restes de la teinture mate de ses cheveux et de son camouflage de feuille et de branche qui furent tous dilués en même temps lors de leur entrée dans l'étendue cristalline. Malheureusement, de part cette même substance poisseuse dont elle était finalement débarrassée, les quelques résidu du choc du Vent mauvais et de la chute se répercutèrent sur les accroches – déjà malmenées – de sa ceinture ; et son Pokématos modifié se détacha pour dériver hors sa vue dans les sombres remous du lac dans la nuit.

N'ayant pas le temps, l'énergie et les moyens pour récupérer ce qu'elle savait n'être guère plus qu'une batterie par cet endroit qui ne conditionnait son appareil à rien d'autre que cet état, comparé au spectre se trouvant toujours à plusieurs mètres au dessus d'elle restant une menace immédiate et bien réelle, elle le laissa se perdre dans les fins fonds du bassin pour concentrer toutes ses forces à continuer sous la surface encore claire en apnée. Elle nagea aussi vite et discrètement que sa condition tout juste reposée lui permettait ; à ne pas remonter à la surface au risque de faire des éclats d'eau qui pourraient indiquer sa position, tandis que toutes son attention était reportée à rallier la petite plage rocailleuse précédant l'entrée dans la roche – sa seule et unique opportunité de fuite. Et, à son approche, remontait finalement à la surface pour s'accrocher et se hisser d'un seul coup sur la terre ferme en respirant de nouveau… Le reflet de son ombre lui parvenant par-dessous alors qu'elle se rendait compte que la Lune, idéalement située dans le ciel pour éclairer cette partie du bassin, se reflétait sur elle et sa longue chevelure comme le plus énorme projecteur n'ayant jamais existé dans le ciel étoilé ; elle tournant la tête par derrière l'espace d'un instant pour croiser neutralement du regard au loin celui rougeoyant et assoiffé de vengeance du Noctunoir, débarrassé de son manteau réduit en charpie entre ses main de papier bruni depuis des siècles.

Sans n'attendre de réaction de sa part, elle s'était déjà relevée et élancée en direction de l'entrée rocheuse lui faisant face ; derrière elle lui parvenant les échos rageurs du spectre se lançant à sa funeste poursuite. La chasse reprenant sans ne vouloir jamais se conclure autrement que sur sa fin, mais elle la fuyant en la défiant jusqu'au bout.

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Les premières foulées de sa course lui firent rapidement atteindre l'intérieur de ce que la forme extérieure du monticule aurait pu indiquer être une grotte, et qui se révéla à ce qu'elle reconnut immédiatement inversement être plus celle d'une pièce intégralement taillée dans la roche ; malgré une espèce de brouillard surnaturel constant nimbant l'endroit d'un voile ignifuge aux ténèbres (ne gênant curieusement pas sa vision, au contraire même). Et du mur bloquant la majorité de sa vision depuis sa position centrale devant l'entrée ; sur lequel était marqués, dans un dialecte dont elle n'en reconnaissait aucunement l'étymologie, des symboles formant un message qu'elle n'avait pas le temps ou les moyens de déchiffrer (quand bien même cela devait se révéler probablement utile.)

Puis a devoir rapidement choisir une direction, n'ayant que la droite ou la gauche, elle prit à droite pour s'apercevoir, en montant un escalier l'amenant au vrai centre de la pièce plus en hauteur sur le mur d'entrée - qui se révélait alors sous la forme d'un autre monticule – qu'il se trouvait quatre autre entrées taillées dans la roche et disposées de façon symétrique à la parfaite opposée des autres comme les points cardinaux.

N'ayant rien d'autre à relever dans cette pièce, elle se rua vers celle disposée au milieu (étant la seule d'accès direct donné par le seul escalier menant vers leur position surélevée), pour déboucher dans une autre pièce, totalement vide ; sauf en son centre d'où prônait un autre monticule gravé de symboles indéchiffrable semblable à celui de l'entrée, à la différence de ce dernier que sur celui-ci se trouvait par contre une colonne parfaitement cylindrique… En l'absence pure et simple du moindre couvert utile, et face aux échos du cri spectral du Noctunoir se rapprochant inexorablement, des trois autres entrées semblables placées aux quatre coins de la pièce comme celle d'où elle venait, elle choisit celle de droite.

La nouvelle pièce dans laquelle elle parvint finit par trancher avec les deux précédentes dans sa forme et son contenu, mais pas dans le meilleur sens du terme. Au milieu se trouvait un trou accessible par deux escaliers perpendiculaires à sa position dans lequel prônait en contrebas un petit rocher identique à ceux disposés mécaniquement dans la pièce de manière à bloquer son passage sur sa gauche, ne la forçant à d'autre choix que de prendre le seul accès restant sur sa droite (identifiée comme celui du Sud depuis un point de vue subjectif). Mais lorsqu'elle traversa par ce passage, c'est avec neutralité qu'elle constata par la disposition des rochers qu'elle se trouvait toujours dans la même pièce, mais étant arrivée par le haut. Le seul passage restant étant celui de droite dans la pièce, le seul à sa portée et n'ayant pas encore été emprunté, elle n'eut d'autre choix que de le prendre alors que les échos rageurs du Noctunoir indiquaient qu'il gagnait du terrain sur elle (ce terrain, devant être le sien, additionné de ses facultés spectrale la laissant totalement à son désavantage.)

Elle déboucha dans une nouvelle salle presque semblable à la dernière sur tous les points ; excepté que la disposition de rochers la redirigeait vers l'entrée du haut. Mais alors qu'elle s'apprêtait à la prendre, le sombre traqueur fit son apparition dans la pièce en empruntant le passage d'où elle venait – son œil luisant d'une lueur fade et infâme du désir d'assouvir sa vengeance. Elle accéléra de nouveau pour arriver pour la troisième fois consécutive dans une pièce exactement identique à celle empruntée par le passage de droite de la pièce à la colonne, dans l'ordre numérique et chronologique, qui la forçant à continuer sur la gauche. Elle retomba ainsi de suite sur une énième pièce aux dispositions presque semblable de rochers par rapport à la dernière, la forçant cette fois à prendre la direction du haut.

La nouvelle pièce eut un changement plus que notable dans la disposition des rochers, mais toujours pas pour l'aider. Cette fois-ci une ligne en diagonale partant de l'entrée d'où elle arrivait par sa gauche n'était pas fermée à se terminer en reliant le trou du centre – dénué de rocher – en laissant un passage sur son bout, là où l'accès de droite voyait une ligne zébrée rendre son approche difficile à grande vitesse, mais aussi le seul qui soit à sa portée immédiate. L'urgence de la situation prônant la prise de décision rapide, elle le prit pour débouler dans une nouvelle pièce symétriquement opposée dans sa forme à la dernière ; les lieux prenant l'allure d'un labyrinthe ancestral à voir les pièces le composant n'être reliés entre elles par aucune forme de logique ou de contrainte matérielle.

Arrivée de la pièce précédente par le bas pour prendre la droite, elle était désormais à gauche forcée de prendre à nouveau en bas. Sauf qu'à passer l'entrée du bas elle arriva de nouveau dans la pièce vide pourvue d'un monticule en son centre où prônait la colonne, mais sur lequel elle vit des symboles différents par rapport à la précédente qui la fit déduire qu'il s'agissait d'une autre pièce… A cette dernière conclusion s'ajouta automatiquement une autre en tête alors qu'elle se dirigeait vers l'accès de droite. Si ce labyrinthe ne répondait à aucune logique autre qu'à voir ses accès être empruntés physiquement par quelqu'un ou quelque chose : comment pouvait-elle semer un poursuivant qui, non comptant d'être immatériel dans un environnement qui était le sien, la suivait à la trace partout où elle allait, sans que de son côté elle ne sache où se diriger ? Elle pouvait très bien à chaque nouveau passage emprunté débouler droit sur ce dernier alors qu'elle se dirigeait logiquement dans une direction opposée à la sienne, ce qui rendait toute tactique de fuite logique établies comme invalides et totalement désuètes.

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Comme si l'endroit illogique en réponse à son raisonnement sensé voulait se moquer d'elle, elle parvint par la gauche dans une pièce parsemée de rocher de partout et bien écartés les uns des autres ; laissant les trois entrées s'offrir sans embûche ouvertement à son choix. Et en retour à cette même moquerie, bien que n'étant nullement impulsive, elle choisit alors celle totalement à l'opposée vers la droite – la plus longue aussi – pour vérifier sa théorie.

Mais à peine entreprit-elle quelques foulées qu'elle s'interrompit immédiatement dans sa course à la vue de l'ombre du rocher le plus proche d'elle ; ombre de laquelle serpenta la forme d'une boule d'essence spectrale qu'elle évita en n'ayant pas continuée là où elle fut tirée pour l'intercepter.

Jusqu'à présent, de part la brume qui nimbait les lieux de son essence inidentifiable lui permettant tout de même de se fier raisonnablement à sa vue, aucun rocher n'était alors pourvu jusque là d'ombre. Ce simple changement, en plus de la présence du Noctunoir constatée depuis longtemps qui lui indiquait clairement qu'il pouvait très bien ne pas être le seul pokémon spectre des lieux, la fit immédiatement déduire qu'elle aurait probablement à en rencontrer d'autres sur son passage. Ce qui se vérifia dans l'instant alors que de l'ombre tordue se dessina dans les airs la forme inique d'un Spectrum au visage barré d'un sourire narquois ; rejoint en cela par des dizaines d'autres cachés depuis les rochers.

C'est à cet instant que le Noctunoir entra à son tour par le passage emprunté, terminant de saturer la pièce de spectre qui l'encerclait de toute part…

Ce dernier, de part sa simple présence et le reflet malingre de retenue derrière son œil emplit de frustration, informant que sa colère était prête à exploser à chaque instant, fit reculer tous les autres fantômes qui oseraient s'interposer entre lui et sa proie sous peine de représailles pire que celles qu'il lui réservait. Il s'avança lentement en direction de cette dernière, savourant chaque mètre qu'il gagnait implacablement sur elle tandis qu'il humait à l'avance la sensation extatique ressentie à chaque fois qu'il amenait une âme consistante dans les limbes du monde des esprits part sa gueule béante. Et à imaginer voir son reflet spectral dans ses yeux effrayés au moment de sa fin, ne la voyant pour l'instant que de dos… Mais lorsqu'il se trouva à moins d'un mètre de cette dernière, celle-ci se mit à se tourner lentement pour lui faire face. Sans trembler ni esquisser le moindre geste pouvant trahir un quelconque malaise… Si ce n'était la forme d'un tout petit bâton qu'elle tenait dans sa main ; si petit et ridicule qu'il en fit oublier un instant sa colère au pokémon Mainpince à le faire jubiler devant une si pathétique preuve de détermination de la part d'une simple humaine.

Préjugé qu'il oublia totalement lorsqu'elle lui lança lentement le «petit et ridicule» bâton en courbe à la hauteur de son visage de cyclope, et que ce dernier – qui détonna dans un tout petit éclat de lumière inoffensif – libéra une onde sonique de plusieurs dizaines de milliers de décibels sur une fréquence inaudible pour l'homme, mais pleinement destructrice pour l'ouïe pokémon.

Encore amplifiée d'avantage par l'écho renfermé de la salle de pierre, la vibration sonique se répercuta en cascade à harceler encore plus les sens déjà surchargés des pokémons pendant que l'humaine, immunisée par son ouïe opérant sur une toute autre fréquence, profitait de la diversion causée par l'accalmie dans les rangs des esprits pour changer de direction initiale et prendre l'accès du haut ; laissant le Noctunoir rendu temporairement impuissant se débattre avec ses propres sens spectraux.

Comme elle s'en doutait lorsqu'elle arriva dans la pièce suivante, le positionnement des rochers n'avait pas tellement changé par rapport au dernier, mais n'avait pas reprit une forme approximativement plus «linéaire» des premières salles. La conclusion qu'elle tirait avec le peu de donnée qu'elle avait glanée par observation la faisait toujours revenir au même point : tout avait un rapport avec les colonnes. Quand elle passa des pièces de la première colonne à celles de la suivante le positionnement des rochers avaient finit par changer par rapport aux précédents, mais conservaient toujours une forme plus ou moins «définie» d'approche : un blocage zébré, des diagonales symétrique, des lignes obliques en inversé, ou encore un rocher parfois présent ou non au milieu de la pièce. Il y'avait toujours une forme de code se répétant pour l'amener devant l'une de ces colonnes… Mais à quoi pouvait-il bien lui servir d'apprendre cela ? Maintenant elle n'avait plus simplement à faire face qu'au Noctunoir et évoluait dans un nouveau labyrinthe qui échappait à tout établissement de plan précis pour s'en échapper, en ne sachant pas même où se situe l'entrée et la sortie – à supposer qu'il y en ait jamais eut une. Elle était entrée par contrainte dans cet endroit car c'était sa seule opportunité d'échappatoire qui se présentait à elle à ce moment là – à avoir penser lui tendre une embuscade en se servant de sa dernière grenade sonar pour le sonner, pendant qu'elle en profitait pour ressortir de la grotte et escalader l'intérieur du lac pour tenter sa chance dans les bois. Ce qui était son plan initial… Mais là elle se retrouvait à gaspiller de nouveau les maigres forces qu'elle avait récupérée de sa précédente échappée dans une nouvelle course poursuite dans laquelle elle évoluait pratiquement à l'aveugle (littéralement comme au figuré). Comment pouvait-elle penser qu'il y ait effectivement, quelque part dans les méandres labyrinthiques de cet endroit irréaliste, une chance pour elle d'échapper à ses agresseurs ?

La réponse tenait dans le seul et même terme inchangé depuis toujours : s'adapter pour survivre. S'adapter signifie jauger son environnement. L'observer, l'analyser pour en découvrir tous ses détails, ses caractéristiques, et cataloguer et catégoriser ces informations sous la forme de données objectives basées sur le critère de points forts et faibles, et les utiliser sans la moindre retenue contre ce qui le compose : sa faune, sa flore, étrangère ou locale, et même contre lui-même. Et ce afin de survivre. A ce titre, la seule conclusion «illogique» qui lui arrivait en tête pour contrecarrer et donner ton sur ton avec l'illogique de cet endroit reposait sur l'idée de résoudre l'énigme des rochers pour accéder à la salle de la prochaine colonne. Pourquoi le faire ? La réponse tenait encore à cette même illogique : pourquoi ne pas le faire ? Ce qu'elle savait était que ces colonnes ne s'étaient pas formées toutes seules, que les symboles gravés sur leurs monticules n'étaient pas nés par magie, et que la forme et le fonctionnement irréel de ce labyrinthe ne tenait pas simplement au hasard – ainsi que tout l'endroit dans lequel elle avait atterrit par elle ne savait quel «tour de passe-passe». C'était la seule trace de civilisation qu'elle trouva jusqu'ici, et les passages reliant les pièces du labyrinthe étaient faits pour être empruntés à une hauteur juste plus grande de quelques dizaines de centimètres d'un humain moyen. Et ayant pénétrée dedans via une entrée, par définition il devait y avoir une sortie ; et son échappée dans le labyrinthe ayant commencée avec une colonne, elle devait certainement se finir avec une colonne.

Laquelle, elle ne savait pas. Tout ce qu'elle savait était que c'était le seul et unique plan qui s'offrait à elle ; elle n'avait pas encore tentée de prendre deux fois de suite le même passage par lequel elle arrivait dans une nouvelle pièce, juste pour vérifier l'adage «à s'éloigner du problème on ne fait que l'aggraver, à le prendre de cours pour l'affronter en face le résout avant même d'y penser», car c'était trop risqué d'aller vraiment à l'encontre d'un spectre enragé de ce calibre sans aucune préparation, et dénué de la moindre forme d'arme contre lui. Mais elle gardait cette idée de côté comme dernier atout si jamais celui des colonnes se trouvait bel et bien infondé.

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Alors qu'elle se trouvait au milieu de la pièce à observer le positionnement des rochers et réfléchir pleinement au problème par analogie au précédent, un cri déchirant d'une ampleur sourde terrible lui parvint dans la pièce par le passage d'où elle venait ; ses échos atteignant des paroxysmes de rage allant jusqu'à faire résonner les pierres qu'elle étudiait d'une vibration rauque râlant sur le sol. Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre que les effets principaux de sa grenade sonar avaient finis par se dissiper (bien qu'ils aient copieusement profités de la forme de la grotte pour conserver leur impact le plus longtemps possible), et que son principal adversaire et danger s'en retrouvait le premier à s'en être défait par la seule force de sa volonté. Mais bien que le cri lui parvienne elle resta entièrement concentrée sur les pierres, à regarder la position de chacune d'entre elle. Avant de se finalement conclure de prendre à gauche ; décision dont la première partie s'avéra parfaitement fondée lorsque la première, mais surtout seule chose qui parvint à son champ de vision dès l'entrée dans la nouvelle énième salle s'avéra un troisième monticule doté d'une colonne en son centre.

A cet instant, dès lors qu'elle n'effectua pas plus de deux pas dans la nouvelle salle clé du labyrinthe, le Noctunoir ivre de rage pénétra à sa suite juste derrière elle. Son œil d'un rouge sanglant vitreux et ses mains intégralement recouvertes d'un halo dense de fumée noire accentuant de souligner son désir d'en découdre - étant résolu à la traquer jusqu'aux confins des enfers s'il le fallait.

Pas de couvert, pas d'avantage terrain, pas d'objet lui permettant d'interagir de manière efficace contre un spectre, sans compter sa constitution affaiblie par la cadence infernale de cette nuit achevant de l'éprouver dans ses touts derniers retranchements. Le combat serait à sens unique. Il n'y avait pas à chercher plus loin… Si elle ne se donnait pas les moyens pour s'offrir au moins une seule opportunité. Et ça n'était pas son intention d'abandonner ; pas par conviction, par idéologie ou par simple envie, mais juste pour pousser la logique de survie par delà ses limites induites dans ses gênes. A survivre sans chercher à vivre… Rien de plus.

C'est ainsi que malgré la fatigue et la résolution vengeresse dont faisait preuve le Noctunoir, elle évita une vague de Ténèbres nées de l'aura de ses mains en se déportant l'espace d'un instant tel un pantin désincarné sur la gauche ; puis de reprendre le contrôle dans le même mouvement dès que l'attaque se trouvait déjà hors de portée d'elle. Tout en saisissant de sa main encore parfaitement valide sa dernière grenade fumigène à sa ceinture.

L'imposant pokémon, dont la frustration venait d'atteindre ses limites, reposa son œil unique sur la récalcitrante vermine en dévoilant complètement l'ouverture de la petite fente de sa tête, pour laisser parfaitement apercevoir son globe parcourut d'un intense éclat lumineux ; éclat auquel l'humaine réagit en conséquence en tirant la goupille de sa grenade qui renforça immédiatement le brouillard en atteignant une opacité presque parfaite, qui l'empêcha de lancer son Entrave pour l'immobiliser définitivement (ayant parfaitement anticipée son action en connaissant toutes les techniques connues faisant partie de son arsenal.) Mais lui aussi savait anticiper, et n'allait pas se laisser outrageusement humilié par la même humaine, avec le même tour de passe-passe, dans la seule et même nuit ! La fente de sa tête se referma rapidement pour se re-concentrer intégralement dans ses mains, et relâcher violemment la bourrasque d'un nouveau Vent-Mauvais qui balaya le linceul de fumée en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, et révéler à nouveau, et pour la dernière fois, la silhouette couarde et résiliente de sa victime fuir vainement son inéluctable destin jusqu'au bout en arrivant à proximité de l'entrée Nord de la salle.

Il n'allait pas lui concéder la victoire apparente de lui avoir fait perdre encore une seule fois de son temps et de son énergie à subir son jeu du chat et de la souris. Elle n'allait pas quitter cette pièce, car il allait en faire son tombeau. Il se dissout alors dans le sol, telle une bougie d'encre fondant sous la chaleur de la flamme pour porter son ombre et l'élan de sa dernière attaque spectrale foudroyante sur sa victime ; cette dernière, remarquant son changement de forme et d'approche réagit de nouveau prestement à accélérer une nouvelle fois, encore à nouveau bien au-delà de ses limites humaines à se ruer dans une course mortelle vers l'accès taillé dans la roche. Le dernier accès qui allait décider de tout.

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L'ombre portée s'élança de la colonne vers sa propre ombre, l'atteignant presque instantanément. Elle y réagit à anticiper le timing d'approche en espaçant d'avantage ses foulées, plus importantes et contraignantes pour sa santé. Le Noctunoir sortit du reflet à l'endroit prévu tel une silhouette macabre sortant d'un marécage noir pour la faucher de ses larges bras aux mains de papier maudit, presque trop court pour l'atteindre entièrement mais suffisamment pour agripper sa longue chevelure de sa poigne spectrale ; ses larges doigts de papier écartés se refermant implacablement pour saisir ses cheveux aux reflets dorés… Et rester un instant interdit à les voir se soustraire surnaturellement à sa prise, en n'ayant pu que sentir l'infime contact soyeux qui se soustrayait à sa prise comme une fine brise évanescente semblable à celle nimbant ses mains ; leur détentrice puisant volontairement dans ses dernières réserves à prendre appui sur sa jambe posée pour effectuer un dernier saut la propulsant dans ce qui devrait être la dernière pièce de l'acte. Son acte…

Du saut qu'elle effectua en demi-rotation sur elle-même, à son point culminant – la tête à l'envers – elle vit l'hésitation du Noctunoir transparaitre à la prise vierge de ses deux mains refermée dans le vide tendis qu'elle était encore en plein milieu du passage ; ceci achevant de lui faire constater que sa dernière tentative de contre-attaque brutale pour gagner un bref instant de répit pouvait porter ses fruits. Puis son saut en demi-rotation s'acheva rapidement à son arrivée dans la nouvelle salle, bien différente des autres rien qu'au détail déjà entièrement perceptible de l'absence totale de la brume qui nimbait le labyrinthe depuis la salle initiale ; pour la faire atterrir juste à la limite de l'entrée sur ses deux jambes et reprendre immédiatement d'un dernier élan sur le côté afin de se mettre dos au mur à attendre l'arrivée brutale su spectre. Sa tactique se résumant alors simplement en deux mots : dernière embuscade. Plus de baie, de drogue, de soin, d'arme ou de gadget. Il ne lui restait que ses poings, ses dents, ses pieds et son cerveau pour coordonner sa dernière manœuvre : dès que le Noctunoir pointerait le «bout de son nez» elle allait lui sauter dessus de la technique la plus brutale et mortelle du panel du Panzerkunst qu'elle avait développée, ou échouerait à passer au travers de ce dernier sans effet s'il anticipait le coup. C'était quitte ou double : soit elle vivait, soit elle mourrait. Rien de plus simple. Elle était en place, il ne fallait plus que le spectre pour conclure le dernier acte ; devenant alors dans une dernière ironie la victime devant attendre son bourreau. Comptant même les secondes pour régler le timing de son approche au centième près…

Puis des secondes, les minutes défilèrent sans qu'il n'apparaisse le moindre signe du funeste avatar spectral, ni même le moindre signe d'activité quelconque tout court…

Il n'en fallait pas plus pour faire déduire pour n'importe qui qu'il se passait quelque chose d'encore plus inhabituel qu'à l'accoutumé avec cet endroit (ce qui, avec ce qu'elle avait déjà relevée de lui, tenait de l'exploit.) Elle attendit néanmoins des minutes supplémentaires. Décidant de ne pas quitter sa position tant qu'elle n'avait pas suffisamment récupérée pour se permettre de prendre le risque d'abandonner la seule perspective d'approche lui étant offerte de prendre son immatériel adversaire en défaut… Mais lorsque les minutes se transformèrent en dizaines de minutes, et que son souffle s'était calmé depuis raisonnablement longtemps, force lui était d'admettre que quelque chose clochait tellement - malgré qu'elle ne sache pourquoi – qu'elle conclut de prendre le risque d'actualiser ses informations en jetant un très bref et furtif coup d'œil dans le passage emprunté d'où elle n'entendait provenir strictement aucun bruit… Et aussi strictement rien tout court lorsqu'elle ne voyait que les ténèbres les plus insondables voiler l'accès par lequel elle était entrée.

Et lui faire finalement retourner son attention sur la salle dans laquelle elle avait dernièrement atterrit, pour conclure que le manège de poursuite de cette nuit semblait partit pour se répéter à l'infini.

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La salle en question, résolument semblable en dimension par rapport aux autres se trouvait pourtant très différente au premier coup d'œil ; car comme la brume était absente de cette pièce elle n'avait aucun problème de visibilité… C'était d'ailleurs là que cela clochait, et ce depuis qu'elle était entrée dans le labyrinthe : comment pouvait-elle voir aussi «bien» compte tenu du fait qu'il ne se trouvait en ces lieux aucune source de lumière ? Il faisait nuit, certes de pleine Lune mais quand même nuit. Et se trouvait dans un endroit clôt, sous terre, et dénué du moindre accès, de la moindre faille dans la roche par laquelle même un simple petit rait de lumière nocturne pourrait trouver son chemin en ces lieux ; quand bien même il serait assez puissant pour éclairer aussi impeccablement une si grande surface…

C'à n'es pas comme si elle s'en plaignait ou s'en réjouissait. Sa visibilité était parfaite, elle avait récupérée de force ce qu'il fallait pour continuer à chercher une issue et allait saisir cette opportunité durant laquelle le Noctunoir ne se montrait pas, tant qu'elle le pouvait. N'ayant au final pas le choix, cela revenait du pareil au même.

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Puisque que l'analyse de l'environnement passait d'abord et toujours par la reconnaissance, sa première action fut de calmement faire le tour de la pièce pour prendre note avec exactitude de sa nature et son contenu. Quoi que cela s'avéra perdre en partie du temps pour rien : etant composée toujours de quatre entrée disposées à l'opposée des unes des autres dans une pièce à la forme toujours carrée, faire le tour des lieux se fit d'une simple ronde fastidieuse sans rien noter de plus. La seule différence se trouvait au centre : en contrebas prônait dans un large trou circulaire un monticule plus grand que les autres et dénué de colonne, auquel on pouvait accéder via une descente par les trois escaliers présents pour n'ensuite n'en emprunter plus qu'un seul menant sur la forme d'un petit mais large piédestal qui remontait de moitié le centre à hauteur de sol de la pièce.

Elle finit rapidement son tour pour revenir à l'entrée de soin point de départ, et finir de noter le dernier détail concernant la forme murale principale lui faisant face sur laquelle débouchaient toutes les directions : encore parcourut de symboles inconnus agencés de loin dans ce qu'elle déduisait devoir être un message à l'attention de n'importe qui devait parvenir en ces lieux (vu comment elle était arrivée ici, elle ne pouvait pas douter un instant qu'il devait y avoir un lien évident entre son entrée dans la forêt et l'origine de cette langue.) Mais quand bien même le sens du message incompréhensible devait avoir son importance, sa blessure et son constat d'absence de faille dans la roche lui faisait conclure qu'elle n'avait pas à s'éterniser ici d'avantage ; si l'absence de lumière «naturelle» n'était pas un problème, ce n'était pas le cas de la perte de sang qui viendrait rapidement finir ce que tous ses adversaires dans cette nuit avaient commencés.

La conclusion logique se présentant sans appel, elle décida de ne pas encore tenter de prendre le passage par lequel elle était entrée pour prendre «rationnellement» celui se trouvant à l'opposée directe, derrière le monticule. Elle reprit alors sa marche de façon mesurée, sans presser le pas mais prête à accélérer au moindre signe de danger, et se retrouva juste devant l'accès en question assez rapidement ; toujours sans ne voir d'avantage au travers des ténèbres insondables que la précédente. Cela ne la surprit pas, pas d'avantage qu'à la rebuter à devoir s'enfoncer à l'aveugle dans un inconnu dont elle ne savait strictement rien. Ce qu'elle savait était qu'elle allait mourir ici à ne rien faire, n'ayant rien à sa disposition pour l'empêcher, et qu'elle n'avait aucune autre option. C'était si limpide que cela en devenait inutile de le décrire. Pourtant lorsqu'elle s'enfonça dans le sombre passage au travers des ténèbres pour ressortir de l'autre côté sans rencontrer de résistance, ce fut pour arriver dans une pièce dotée du même monticule, de la même disposition d'escalier, la même absence de brume, les mêmes symboles indéchiffrables qui ornaient le mur central… Et tourner la tête sur sa droite pour y trouver la même infime marque de sang laissée sur le côté du mur où elle tendait l'embuscade…

Elle réessaya cette fois-ci avec l'accès de gauche pour vérifier sa théorie (malgré la trace rouge sur la roche), et se retrouva à revenir par celui de droite en comparant sa position par rapport au monticule. Toujours présent au centre. Puis décida de finalement tenter son dernier atout à prendre le dernier passage emprunté en retournant sur ses pas… Pour se retrouver à revenir via l'accès de gauche. Toutes les entrées la redirigeant toujours dans cette même pièce.

Elle était piégée.

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Puisqu'aucune sortie ne s'offrait directement à sa portée, et ayant épuisée toutes les possibilités logiques qui se présentaient à elle (d'autant plus qu'elle n'avait simplement plus rien à perdre.) Elle abandonna l'idée des accès qui la faisaient tourner en rond à perdre inutilement son énergie pour suivre jusqu'à sa toute fin le chemin qui la guida de force jusqu'à cet endroit précis ; la dirigeant droit vers le monticule au centre de la pièce.

Une fois qu'elle monta le dernier escalier pour parvenir au devant du mur, les caractères se manifestaient d'un coup beaucoup plus clairement (sans qu'elle n'arrive à expliquer pourquoi ou comment.) A distance et durant sa course ils n'étaient que de simples gravures sortant du mur sous la forme d'une écriture sculptée classique, dont elle ne pouvait déchiffrer le sens à n'avoir aucune archive en mémoire traitant d'une quelconque langue s'en rapprochant même de loin dans sa forme… Mais à son approche du monticule, les formes étymologiques lui faisant face s'étaient assombries au point qu'elle pouvait les différencier à tout point de la roche à laquelle ils étaient «collés». Comme s'ils ne faisaient, tout comme elle, pas partie intégrante de la pièce…

L'envisageable d'un mécanisme caché dans la pièce en rapport avec ces lettres lui parvenant en tête, elle s'avança d'avantage du mur pour mener ses investigations. Pratiquant étape par étape, elle commença par laisser sa main valide glisser lentement sur la surface polie au toucher du mur à la recherche d'une quelconque irrégularité entre les gravures à sa hauteur. Puis, ne trouvant rien de probant, continua cette fois sur les symboles en question qui, bien qu'assez variés, avaient tous en commun une forme de large cercle en leur centre approximatif. Le résultat pouvant s'avérer probant, elle parcourut le symbole du bout des doigts pour atteindre son milieu théorique duquel elle pouvait peut-être trouver l'interrupteur d'un quelconque mécanisme… Rien n'y fit, toujours aucune irrégularité de trouver au toucher. Elle prit donc d'essayer tout de même d'y mettre le juste de pression suffisant pour vérifier si la roche était creuse à ce moment là en poussant dessus… Mais ne rencontra en retour qu'une résistance presque molle qui appartenait à tout sauf de la pierre.

Ce qui se confirma lorsque le «symbole» gravé dans la roche vit son cercle «s'ouvrir» d'une couleur d'un blanc d'albâtre avec un point noir en son centre, en émettant un bruit particulier se rapprochant de loin à celui du grillon.


~Biii ?~


Comme parcourut d'un seul mouvement, en réponse les dizaines d'autres symboles «s'activèrent» à la suite en voyant le centre de leurs cercles gagnés du même blanc immaculé, ainsi que du point noir révélé en leur centre… Qui convergèrent tous à regarder dans sa direction comme un mur de globes oculaires bizarroïdes ; «l'air» qu'ils arboraient semblant indiquer leur plus totale surprise à sa présence en ces lieux (si tant était que ça n'était pas leur air naturel.)

Qu'il soit le cas ou non, le blanc de leur œil se mit à briller d'une lumière de plus en plus intense qui ne laissait entrevoir qu'une seule forme de réaction pour son ingérence à leur encontre ; en commençant par celui qu'elle touchait toujours du bout des doigts. Mais n'ayant pas subie toutes ces épreuves jusqu'ici, toute cette cascade de malchance en pagaille – sans n'en éprouver une quelconque rancune – et avoir su s'y adapter, pour se faire mettre à mal par une bande de pokémon franchement zarbi maintenant après tout ça ; ses doigts se refermèrent en poing plus vite que ces derniers n'accumulaient leur énergie en vue de leur attaque, et frappa dans l'instant le même point noir au centre de l'œil du pokémon lui faisant face de toutes ses forces.

La rencontre fut brutale. De la forme du poing (les phalanges en avant qui lui donnaient la dureté d'un pilon) heurta de plein fouet la «rétine» du symbole avec toute la puissance des forces restantes qu'elle gardait en réserve. Ce dernier, littéralement dos au mur, prit le coup comme s'il avait s'agit du burin de sculpteur ayant servit à graver l'encoche dans laquelle il se reposait, comme ses semblables, mais avec le même effet que s'il s'était trouvé entre les mains d'un Mackogneur : puissant, broyant ; mais surtout, pour avoir frappée en plein dans son point le plus sensible, extrêmement douloureux.

Il poussa un cri de douleur déchirant ; comme tous ses congénères visiblement liés à lui par un lien psychique, qui partageaient son tourment en le rejoignant en chœur dans un cri surpuissant aux intonations de grillon si stridentes qu'elle fut obligée de ramener son poing et son autre main à se boucher les oreilles pour éviter au maximum des séquelles irrémédiables pour son ouïe. Puis, d'un seul mouvement à l'unisson, se délogèrent de leurs encoches de pierres telle une tornade irrégulière de lettres tordues de douleur en lévitant autour d'elle, avant qu'ils n'éclatent sous la «pression» et ne s'éparpillent aux quatre accès de la salle, désunis errant aux quatre vents, pour disparaitre à sa vue dans les ténèbres isolant les lieux de l'univers extérieur. La laissant cette fois définitivement seule.

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Une énième menace totalement imprévue de sa journée statistiquement impossible avait été «manifestement» écartée. Encore une fois… Pourtant elle n'y réagissait pas, à pester contre le destin ou tourner en dérision sa situation. Juste de noter ce à quoi elle fit face, fait face, et anticiper par constat, analyse et déduction ce qu'elle lui faudra encore faire face ensuite. Et de ce qu'elle parvint en conclusion de cet instant par synthèse de l'expérience de la nuit accumulée jusque là était de collecter plus de données avant d'agir ; ce qui se traduisait par attendre qu'un nouvel imprévu daigne poindre à l'horizon pour combler le bref interlude disposé dans cette mascarade entre deux actes. Elle resta donc là, sur le «piédestal» de ce qui devait être une sorte d'autel pour un quelconque rituel ancien, à patienter et observer pendant plusieurs minutes le retour imminent ou non des symboles volant par les mêmes passages de möbius qu'elle avait testée pour sortir… Mais rien ne se passait. Aucun retour des symboles, ni aucun bruit, voire le moindre changement. La définition même du rien.

Ne pouvant arriver à mille et une conclusions différentes de part l'absence remarquée des pokémons qui encore peu étaient prêts à déchainer leur mystique puissance combinée à son infortunée encontre (plus que doux, «mielleux» euphémisme), elle délaissa finalement sa position d'observation passive pour enchainer en sens inverse les deux escaliers menant au monticule central pour retourner à son premier point de départ ; le mécanisme bloquant l'accès jusqu'ici sensé avoir disparut après le réveil et la débandade des pokémon symboliques semblant «réguler» les lieux. Dans tous les cas, le fait était qu'elle les avait vus passer au travers des ténèbres sans revenir, et que le mouvement collectif n'avait en rien l'air d'avoir été motivé sur une impulsion suicidaire ou irréfléchie. Bien sûr ils étaient des pokémons là où elle restait humaine, et peut-être était-il possible que la clé pour sortir de ces lieux résidait dans l'utilisation de facultés propre à ces derniers, c'était parfaitement envisageable. A l'inverse il était tout aussi certain, mais inenvisageable de se laisser littéralement abattre par les «trucs zarbi» en question avant même de n'avoir pu esquisser le moindre début de plan. Le paradoxe trouvant tout son sens à savoir entre ne pas répliquer à son ticket de sortie et mourir, ou répliquer et le voir disparaitre en restant de son côté en vie… Un prisonnier restant toujours plus productif qu'un cadavre, la question ne s'était même pas pensée.

Elle arriva rapidement au devant de l'accès en question sans ne noter aucun changement notable par rapport à la dernière fois : les ténèbres étaient toujours aussi insondables, et aucun écho de lumière ou de son ne semblait n'arriver qu'à ne serait-ce pénétrer l'épais rideau de noirceur. Juste du noir le plus complet… Ce qui ne l'empêcha pas de continuer sur sa lancée - tout simplement parce qu'elle ne pouvait rien faire d'autre. Elle avança donc vers le passage en se préparant déjà à ce que rien ne se passe et retourne à nouveau au point de départ, prévoyant toutes les possibilités à part égale ; y comprit celle de probablement finir ses jours ici. Sans que cela ne l'interpelle outre mesure…

Ce qui l'interpella par contre fut la noirceur des ténèbres en question, immuables jusqu'alors, qui semblaient sortir lentement de leur antre au fur et à mesure de son approche pour les traverser ; les voyants se répandre telle une forme de mélange entre de la fumée opaque et de la vase sur le sol et les murs aux alentours immédiats, et recouvrir quelques petits débris de roche qui parsemaient l'endroit… Qui fondirent instantanément comme neige au soleil dès le premier contact avec la matière noire.

D'une manœuvre salvatrice elle bondit en arrière juste avant de poser son prochain pas sur le sol, manquant de très peu de se faire happer par les ténèbres ; ce qui ne lui fit que gagner un infime répit. En réponse, comme de frustration pour avoir raté leur proie, l'x-énième menace représentée par cette sombre brume redoubla de vitesse et d'intensité à se répandre furieusement sur toutes les surfaces de la salle.

Comprenant évidemment que ce n'était plus – encore une fois – qu'une question de temps avant que les ténèbres ne nappent intégralement l'endroit, avec tout ce que cela impliquait, elle se reprit immédiatement à la réception de son saut pour s'en retourner droit sur l'un des deux autres accès les plus proches (réagissant par processus éliminatoire logique à tester toutes les sorties). Malheureusement elle dut se raviser de force quand elle vit l'accès de gauche (celui justement qu'elle avait désignée) être atteint du même phénomène ; et faire de même par celui de droite à constater qu'il était tout aussi atteint – sans n'avoir même pu l'approcher.

Le «sud», «L'est» et «L'ouest» étant condamnés, il ne lui restait plus que le Nord. Elle descendit par bond de cinq les marches de l'escalier de gauche menant au centre afin d'éviter la brume en coupant par le trou en direction du dernier accès ; bien que le sachant dénué d'escalier, avec les forces qu'elle avait récupérée, elle allait tout faire pour les escalader et arriver vers la dernière sortie dans les temps… Du moins était-ce qui était prévu, mais pas ce qui allait se passer quand elle vit – sans surprise – qu'il en était de même avec ce dernier.

Plus de sortie. Plus d'option, autre que celle de la logique de survie voulant faire en sorte de subsister le plus longtemps possible face à l'adversité, bien que profondément futile dans sa condition. Elle ne fit que rebrousser chemin pour se rediriger vers ce qui était la source de ses problèmes, l'autel du monticule, pour ne constater neutralement l'avancée inexorable des ténèbres engloutissant l'endroit sous un linceul d'obscurité totale. Se répandant par le plafond, coulant les escaliers et la pente comme une sombre cascade, et remplir le trou de son essence noire jusqu'à la lie… Puis de s'arrêter tout d'un coup.

Les ténèbres, grondantes furieusement jusque là se calmèrent pour se taire sans explication. La pièce, intégralement plongée dans les limbes, n'était plus. Seul restait une infime proportion du piédestal central où elle se trouvait, et le pan de mur crypté le surplombant.

Puis à nouveau les ténèbres furent parcourues d'un mouvement indescriptible, se mouvant à ses pieds en la contournant totalement pour se répandre intégralement sur le mur où reposaient les symboles, puis de le quitter dans le même mouvement en ayant remplit les encoches pour compenser l'absence des pokémons comme si de rien n'était… Sauf qu'à la place du texte rédigé dans un langage inconnu, celui apparaissant devant elle avait été modifié par les ténèbres pour correspondre à celui utilisé actuellement dans le monde pokémon…

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Les minutes (si tant était que la notion d'écoulement du temps tenait toujours en cours) s'écoulèrent sans aucun changement. Restant toujours droite debout sur la faible partie du piédestal restante, comme un dernier ilot de terre perdu au milieu de l'océan du vide, l'ironique point commun qu'elle avait avec les ténèbres qui l'encerclaient était le stoïcisme impartial dont elles faisaient preuve à ne plus esquisser la moindre forme de mouvement. Elle avait bien lue le message (ce qui lui était rendu difficile de ne pas être le cas au vu des efforts fournit par les limbes pour lui être rendu compréhensible) mais ne constatait toujours aucun changement dans le monde de noirceur qui l'entourait.

Le texte, dont le contenu tenait plus à une forme de maxime obscure qu'à de véritables instructions pouvant lui permettre de comprendre ce qui se passait, voyait toujours la moindre encoche occupée par les mêmes ténèbres ayant transcris le message, comme des lettres écrites dans de la fumée ; se mouvant et réagissant par les même propriétés physique que cet état précité à onduler sur le mur comme animé d'un vie propre… Ou comme attendant de s'acquitter de sa tâche. A lui permettre de remplir son rôle de son côté en lui ayant déjà fournit tout ce dont elle avait besoin…

Ne voyant aucune autre alternative et n'ayant strictement plus rien à perdre à se considérée comme déjà condamnée, elle reporta son regard sur le premier mot du texte pour vérifier la seule théorie de la seule action qui lui était permise dans sa condition pour commencer à édicter ce dernier à voix simple.


«C'est-»


En réaction, les lettres du mot récité s'évaporèrent à leur énonciation dans l'ordre de prononciation ; réagissant au timbre sa voix aussi neutre que celui du calme des abysses l'entourant. Avant de se reformer presque aussitôt comme la flamme d'une bougie se rallumant juste après avoir soufflé dessus… Ne lui laissant la réflexion que d'une seule conclusion.


«C'est ici... Que naît l'étincelle de vie… Que la vie s'éteint… Un lieu où deux mondes se rencontrent…»


Les lettres spectrales s'évaporèrent au rythme de son élocution pour toutes disparaitre telle une brise funeste à rejoindre leur place dans les ténèbres ; Le message traduit sur le mur s'effaçant avec elles dans la roche pour ne plus jamais réapparaitre. Avant que l'ombre omniprésente ne finisse par le recouvrir intégralement à son tour pour sombrer à jamais dans l'obscurité. Plongeant finalement la pièce dans les limbes les plus noires qui soient.

Seule ombre au tableau (où plutôt inversement seul morceau de toile subsistant au noir) restait le bout restant du monticule de l'autel, et l'humaine occupant la dernière parcelle de terre viable dans cette univers réduit au rien, mais cela n'allait pas durer. Comme pour le mur avant elle, les ténèbres reprirent leur lente avance à son encontre. Engloutissant et faisant disparaitre inexorablement le moindre millimètre carré du sol sur lequel elle reposait comme une avancée marquée au rythme macabre des secondes qui lui restaient avant qu'elles ne l'engloutissent à son tour… Mais elle ne réagissait toujours pas. Comme elle avait prévu à ce qu'elles ne se retournent à nouveau contre elle une fois sa contribution menée à terme, elle les regardait impassiblement s'étendre, voir le dernier reflet de roche noyé dans les ombres sous ses pieds, et attendre qu'il n'en soit de même avec elle. Tout le monde mourrait un jour ou l'autre, elle n'y faisait pas exception. Elle n'attendait rien de la vie, n'en avait jamais rien attendu et n'en attendait rien ; elle n'en attendait pas plus de la mort, toute aussi inéluctable et insipide que le cycle de la vie. L'univers de noir l'engloutissant reflétant celui de son regard à décrire la dernière pensée concernant sa vie jusqu'à son extinction : rien.

Puis alors qu'elle attendait à subir son sort sans rien dire ou faire, les ténèbres à ses pieds commencèrent à tournoyer lentement autour d'elle. Puis de plus en plus vite, de plus en plus loin. Prenant peu à peu la forme d'un tourbillon dans lequel elle se trouvait en son centre, alors qu'elle observait toujours impassible le spectacle se déroulant sous ses pieds ; à voir le fond se déchirer lentement pour laisser transparaitre le reflet trouble d'une lumière occulte venant de l'autre bout de ce qui prenait l'apparence d'un invraisemblable tunnel œuvré dans la matière noire. Vers lequel elle était irrésistiblement entrainée par le bas. A pénétrer lentement dans la surface du reflet en commençant par les chevilles. Puis les genoux. Les hanches. Le torse. Et finalement arriver au cou pour terminer avec la tête. Et l'engloutir à son tour dans les ténèbres desquelles plus aucune lumière ne se fit…


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Lieu inconnu. Position inconnue. Heure et date inconnues.



Lorsque la lumière lui parvint de nouveau, ou plutôt lorsque la possibilité de voir lui était de nouveau acquise (pour mieux employer les termes devant correspondre à sa situation), la première chose qu'elle vit constater de ses yeux et que son sens de l'équilibre ne l'informait pas était qu'elle chutait dans le vide – ou plus précisément à dériver dans une mer de vide. Composée d'ilots de roches épars dispersés à perte de vue ; détournés les uns des autres comme autant de face d'un miroir brisé flottant en apesanteur cherchant à refléter sa propre identité perdue, sans jamais devoir un jour y parvenir.

Des mêmes ilots elle s'apprêtait dans sa chute à passer à proximité de l'un d'eux par son «dessous», concluant de part cette observation déjà où elle pouvait situer les repères basique pour se diriger. Jusqu'à ce qu'elle passe la croûte inférieure de l'ilot pour apercevoir de l'autre côté une cascade tomber en chute reliant l'ilot en question à un autre (vers lequel elle se dirigeait justement), et ne constater neutralement que la direction dans laquelle «chutait» la trombe était opposée à celle de sa chute ; le courant remontant le bas pour se diriger vers le haut. Faisant que ses prémisses de classification tombaient – sans arrière pensée – aux aussi à l'eau.

Elle mit ce paradoxe gravitationnel pour l'instant de côté, étant bien moins urgent comparé à celui de sa chute vers l'autre ilot et de l'impact imminent auquel elle allait devoir faire face. Sa vitesse, relativement importante, ne lui permettait pas raisonnablement de penser pouvoir se réceptionner sans séquelle, mais pouvait réduire au maximum les dégâts subis en dissipant le plus gros de la chute lors de sa réception. Elle commença alors à effectuer un lent mouvement rotatif sur elle-même vers l'avant visant à détourner et accumuler l'énergie de sa chute dans ses jambes, dans l'optique de s'en servir pour enchainer avec une roulade une fois la terre ferme atteinte ; bien que ce faisant elle savait qu'elle pouvait perdre ses deux jambes – une seule dans le meilleur des cas… Mais elle ne perdit aucune des deux lorsqu'elle atterrit. L'énergie cinétique de la chute ayant purement disparue à son contact avec le sol, sans qu'aucune conséquence des règles logique de la physique ne se soit appliquée…

A bien y penser, désormais que tout «danger potentiel imminent» écarté lui permettait de mieux faire constat de la situation, le monde dans lequel elle se trouvait transporté ne semblait répondre à aucune règle de physique élémentaire, ni même approximative. La gravité ne semblait n'avoir aucune logique à se diriger dans tous les sens, même directement contradictoires (il suffisait de voir la cascade lui faisant face). Et la matière elle-même semblait ne pas répondre à ses propres principes élémentaires intrinsèques à voir les limbes sombres de ce monde tournoyer dans une forme de tornade immatérielle aussi immobile qu'elle était en même temps en mouvement.

Mais plus que l'absence concrète d'une vraie gravité ou que de matière stable, était sa propre condition. De même que son sens de l'équilibre semblait s'être complètement éteint à ne même pas avoir ressentit la chute, son système nerveux qui ne lui relayait plus la douleur de sa blessure. Elle défit en conséquence le bandage improvisé de son épaule pour voir de quoi il en retournait, mais ce qu'elle constata réussit l'exploit de l'interpeller pendant plus d'une seconde : la blessure ne saignait plus mais le sang n'était pas coagulé, le trou était toujours présent et profond mais aucune douleur ne lui parvenait. Mais le comble du comble fut lorsqu'elle porta sa main à sa gorge afin de tâter son pouls et de n'y trouver que le calme le plus complet parcourir le dessous de sa peau ; ses poumons ne cherchant même plus à se remplir d'air – le réflexe de programmation instinctif lié étant tout aussi réduit au silence.

Le record d'interpellation précédemment établit fut battu d'une seconde supplémentaire alors qu'elle n'arrivait qu'à la seule conclusion pouvant expliquer son état : elle était morte et vivante à la fois. Malgré l'impossibilité incompatible que cela représentait avec la réalité... Non, avec sa réalité cela était inenvisageable. Pas pour celle-ci. Ce qui n'était pas à considérer comme un mal étant donné qu'elle n'avait plus à se sentir «logiquement» concernée par sa survie dans son état, mais pas non plus comme un bien si cela voulait dire qu'elle reste coincée dans ce monde pour toujours.

Elle ne lui restait qu'une seule option : trouver la sortie. Dans un univers où l'espace se distordait contradictoirement et où le temps semblait absent, elle avait pourtant été emmenée de force de son monde dans celui-ci. Ce qui signifiait qu'il y avait des critères de compatibilité pour qu'une altercation soit rendue possible entre les règles de cet univers et le sien. Et cela se traduisait toujours par le même processus pour mener à bien son objectif : s'adapter.

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Comme toujours, la première étape passait avant tout par la reconnaissance, en commençant par son environnement immédiat. Pour ce qui était de l'ilot sur lequel elle se trouvait, sa petite taille permit de faire rapidement le tour : de forme parfaitement cubique, sa seule flore consistait en une seule espèce de quelques plantes à la forme rappelant vaguement celle d'algues poussant vers le haut, aussi visuellement molles et souples que celles de son monde, mais semblaient figée avec la rigidité de la pierre. Quand à la moitié restante, elle était occupée par la petite étendue d'eau depuis laquelle naissait la cascade pour chuter vers le haut ; s'écoulant à l'infini sans jamais être amenée à s'épuiser malgré le débit surpassant de très largement la «quantité» devant se trouver dans son réservoir.

La reconnaissance (rapide) de l'ilot effectuée, aucun autre bout de rocher flottant ne se trouvait à sa portée immédiate pour débuter son entreprise d'explorer les lieux plus en profondeur, excepté celui rattaché par la cascade devant elle. Elle s'avança alors au bord de l'eau pour envisager la manière d'approcher cette dernière en cherchant à connaitre les propriétés du liquide en ces lieux ; qui ne l'appréhendèrent plus outre mesure à constater le contenu «fuir» sa main alors qu'elle cherchait à en récolter qu'un peu.

Ce faisant, de la main elle enchaina sans attendre d'avantage par le pied, à entrer calmement dans le petit bassin comme si elle était à la piscine… Et se trouver effectivement à flotter selon le même principe de poussée qu'une vraie piscine, mais dans le vide avec l'eau l'évitant comme une bulle juste autour d'elle. Puis en «nageant» en direction de la cascade, elle s'arrêta juste devant à se demander de quelle manière devait-elle se déplacer en son sein pour «remonter» de l'autre côté. La question ne se posa pas alors qu'elle était entrainée par cette dernière sous l'effet d'aspiration logique liée au sens de la chute, mais ses sens furent mis à mal par le paradoxe sensorielle résultant de l'expérience une fois à l'intérieur : son équilibre était de nouveau actif, mais pour lui indiquer qu'elle «tombait» vers le haut et se faire aspirer par le courant vers le bas ; ce qui était en fait tout l'opposé à se faire aspirer vers le haut alors qu'elle était précédemment arrivée sur le roc flottant en tombant vers le bas…

Mais, à s'adapter le plus efficacement à son environnement, elle se devait de poser la question, même rhétorique : que signifiait le haut et le bas ici ? Le sens de cette question se confirma lorsqu'elle parvint à l'autre ilot connectée par la cascade, et sentir une fois au bord la terre ferme sous ses pieds comme si elle se trouvait logiquement sur le sol, sans la sensation de se trouver à évoluer sur un plafond ; malgré la surface de l'autre ilot lui apparaissant tout à fait comme tel au dessus d'elle... Elle ne savait pas dans quel monde elle avait été emmenée de force, mais il était une chose dont elle était certaine le concernant : c'est que jamais jusqu'ici sa capacité d'adaptation n'aura été confrontée à pareille épreuve.

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De l'ilot sur lequel elle se trouvait elle passa sur un autre se trouvant collé à lui sur le côté, comme une extension n'étant pas à sa place. Dès le premier pas posé, ce dernier réagit à se décoller horizontalement pour se diriger dans le vide sur sa gauche (il lui fallait au moins conserver les notions de repère de ses propres membres), sans qu'elle ne ressente toujours l'inertie à continuer de marcher pour arriver en son centre – sa surface plate complètement épuré du moindre détail – tandis qu'il l'amenait à proximité d'un nouvel ilot tentaculaire, tout en longueur et cubique, et juste assez large pour permettre le passage d'une seule personne.

Ne disposant d'aucune autre option, elle quitta son ilot de «transport» pour suivre le chemin s'étendant devant elle, mais s'arrêta pour se retourner neutralement derrière elle à l'entente de l'ilot précédent être parcouru d'un grondement de roche sourd, et le voir quitter son «attache» pour se rediriger à son point d'origine sous son regard neutre.

Elle reprit son chemin comme si de rien n'était. Le devenir du roc ne la concernant plus. Elle marchait le long de la forme sinueuse de l'ilot en ligne de virage à angle droit pour se diriger vers l'autre seul ilot sensé y être rattaché (malgré que sa surface plane flottait perpendiculairement par rapport à la sienne). Mais alors qu'elle était sur le point d'y parvenir, ce dernier disparut purement et simplement devant elle comme s'il avait s'agit d'un mirage ; constatant effectivement qu'il n'était plus là en tâtant de la main l'espace de l'endroit où il se trouvait encore quelques instant auparavant et n'y rencontrer que le vide le plus total. Sans que cela ne la surprenne pour autant ; s'attendant raisonnablement à faire face à tout et n'importe quoi en ces lieux.

Elle se tourna pour retourner sur ses pas et tester une autre théorie, en se dirigeant cette fois sciemment vers l'autre bout de l'ilot «labyrinthe» ne menant à aucun autre bout de roche en donnant intégralement sur le vide, et juste lorsqu'à l'inverse de celui ayant disparut, vit devant elle apparut une succession de plusieurs petits rochers flottant disposés de manière à être empruntés via de petits bonds (de tout de même plus de deux mètres.) La gravité étant vraiment relative dans ce monde : sauter en prenant l'élan et mettant la force logique dans ses jambes comme elle l'aurait fait sur terre s'avérerait surement plus risqué qu'à tenter une approche nettement moins conventionnelle – et surtout rationnelle – si elle le manquait en sautant trop loin ; mais étant toujours présente, le saut était sa seule option valable.

Le juste compromis entre les deux fut trouvé de simplement s'élancer en direction du petit roc, sans élan, et l'atteindre en arrivant dessus tout en légèreté sans n'avoir eut l'impression au toucher et à l'équilibre d'avoir performer la moindre acrobatie aérienne ; comme elle l'avait prévu par l'absence d'inertie.

Alors qu'elle commençait à comprendre les bases des règles fonctionnant dans ce monde, la suite de petit roc flottant disparut d'un coup sous ses pieds pour être immédiatement remplacée par un large mais surtout très long ilot qui semblait se perdre dans une route infini à l'horizon. La marche allait durer une éternité si elle devait continuer à ce rythme, et prit donc l'initiative de courir pour réduire plus efficacement le délai du trajet. Mais à peine posa-t-elle le pied pour enchainer avec un pas de course qu'elle se retrouva propulsée en avant à une vitesse inimaginable sans ne plus appuyer sur le sol, à glisser dessus d'un seul pied comme si elle avait déjà atteinte le point de croisière d'une vélocité qu'elle était normalement incapable de fournir par ses propres moyens physique. Et, en moins de temps qu'il ne fallut pour le dire – ou dans ce cas réaliser - vit à l'horizon apparaitre en perpendiculaire la surface d'un nouvel ilot plat de forme rectangulaire en plein milieu de son trajet qui l'arrêta d'un coup dans sa course, comme une flèche se plantant dans sa cible ; encore une fois sans que l'inertie ne fasse parler d'elle à la réduire normalement en pulpe si tel avait été le cas.

S'adaptant à la gravité du nouvel ilot en se relevant perpendiculairement à sa surface, elle s'arrêta un instant avant de reprendre son exploration à l'entente d'un nouveau grondement sourd mais vif venant par le chemin au dessus d'elle (anciennement celui où elle évoluait à toute allure), et voir ce dernier disparaitre dans une succession de désagrégement tout le long avec la même vitesse dont elle y avait fait preuve – mais se désagrégeant comme de la roche calcaire sous le passage d'un Tyranocif.

Elle réagit immédiatement en se projetant sur le côté, vers la partie rectangulaire de l'ilot actuel n'étant pas sur le passage du chemin pour éviter de faire face à ce qu'elle interprétait comme un «réel» danger. Réaction judicieuse. L'onde «en retard» arriva en un éclair et pulvérisa la roche en son centre comme du verre, à l'endroit précis où elle se situait un instant plus tôt… N'étant techniquement plus vivante, et ne pas savoir ce que cela lui ferait de prendre de plein fouet un choc identique, l'état de la roche fut suffisant à la convaincre de ne pas chercher à éprouver cette théorie.

En parlant de la roche ; le bout restant celle sur laquelle elle se trouvait lui rappelait celui du transport précédent. Aussi vide et épuré l'un et l'autre. Et il s'avéra qu'il était de la même nature à gronder un bref instant avant de se diriger impassible vers sa «nouvelle» gauche, et la mener à un énorme ilot, le plus gros jusqu'à présent, duquel pointait les formes en piqué des algues sous l'apparence d'un dense forêt bizarre et dérangeante, constituée aussi de déformations rocheuses noires comme la nuit en forme de bosses ou de trous sombres.

Elle atterrit sans encombre sur ce dernier, cette fois-ci sans que le transport rocheux ne s'en aille disparaitre dans le vide, mais ne bougeant plus du tout de sa position. Puis commença à s'engager dans la forêt d'algue par le seul passage ouvert devant elle. Elle enchaina d'une bifurcation à gauche, puis à droite ; s'enfonçant de plus en plus dans cette forêt si particulière qu'elle ne semblait jamais fixe. Jusqu'à un moment où elle arriva à une impasse quand, de nulle part, ne poussa d'un coup non seulement des algues pour lui barrer le passage, mais aussi littéralement un rocher du sol comme un champignon. La voie bloquée elle fut forcée de retourner en arrière à la précédente bifurcation pour prendre l'autre chemin menant sciemment à une impasse, et voir au contraire ici les algues disparaitre dans le sol comme un mirage, et le trou lui bloquer le chemin se combler comme s'il n'avait jamais existé… Pour sortir de la forêt, et constater qu'elle était de retour à son point de départ.

Elle voulu revenir en arrière, reprendre le chemin inverse, mais aussi subtilement que le passage s'était ouvert jusque là devant elle, les précédents obstacles restèrent inflexibles et stoïque comme leur forme le laissait supposer (les algues ne lui apparaissant pas comme telles quand elle essaya de les passer à main nue, mais ne cillèrent pas même d'un iota en étant aussi résistante que de l'acier.)

Ne lui laissant d'autre choix que de retourner sur le roc mobile, elle s'exécuta pour se placer à nouveau au centre en l'attente d'une quelconque réaction ; qui ne se fit pas attendre lorsque la pierre fut à nouveau parcourue d'un grondement sourd, et cette fois-ci se diriger vers le bas comme un ascenseur… A la grosse nuance qu'alors que le roc descendait, elle le quittait des pieds pour être emportée vers le haut.

Comment un tel univers pouvait exister, cela dépassait purement ses capacités de perception humaine limitée à sa réalité. Même si elle pouvait en appréhender les conditions… Quoi qu'il en soit, elle continuait son «épopée» à se laisser porter vers une destination inconnue en suivant les indications subtiles de direction laissées à son encontre. La prochaine étape se présenta à elle sous la forme d'un nouvel ilot en face duquel elle arrivait à l'envers – ton sur ton avec ce dernier dont elle voyait le côté inférieur impraticable lui être présenté comme point d'arrivée ; et vu la façon dont elle se dirigeait sur lui sans pouvoir s'arrêter, elle avait toutes les bonnes raisons de logiquement conclure qu'elle allait être réduite en charpie… Mais, une fois de plus ce monde ne lui réservait pas le sort devant concorder à ses neutres attentes. Au fur et à mesure qu'elle s'en rapprochait, l'ilot rocheux «s'évanouissait» de plus en plus pour perdre sa constitution solide au profit de lui apparaitre transparent, mais toujours en partie visible lorsqu'elle parvint finalement sur lui… Et passer complètement au travers pour s'arrêter dans le vide.

Désormais au milieu du «rien» dans sa définition la plus brute, elle sentait pourtant au toucher une surface sous ses pieds lui indiquant qu'elle se trouvait sur l'autre surface logiquement praticable de l'ilot de l'autre côté (sans chercher à comprendre comment, cela ne servant à rien vu qu'elle ne connaitrait sans doute jamais la réponse). Seulement le sol étant invisible, elle ne pouvait déterminer dans quelle direction elle était sensée se tourner.

Soudain un bruit très différent des autres lui parvint par le haut ; un bruit inhabituel dans ce monde sans queue ni tête dans le sens où elle avait perçut ce qui lui semblait être un son d'un grand battement d'ailes ; plus vif, rapide et aussi éphémère que celui du plus véloce et silencieux rapace existant dans son monde, sans qu'elle n'en trouve la trace à sa vue se perdant dans les méandres tourbillonnant de ce monde dénué de ténèbres et de lumière. Néanmoins elle comprit que cela n'était clairement pas fortuit puisqu'à tourner la tête pour observer le haut, elle voyait désormais l'image transparente d'une île semblable à la sienne se refléter au dessus d'elle comme un miroir d'eau imperceptiblement trouble ; la position qu'elle occupait être quand à elle totalement vide pour indiquer où elle se situait.

Un instant l'adage «ne pas marcher le nez en l'air» lui revint en tête pour sa contre-correspondance parfaite avec les règles de l'île sur laquelle elle évoluait en ce lieu si étrange. Et elle en tira une réflexion de part les données qu'elle avait recueillies jusque là : tous les petits ilots composant le labyrinthe qu'elle traversait jusque là avait tous un point commun : ils avaient tous des conditions d'utilisation et d'interaction différentes par rapport aux autres, comme autant de mini-mondes suivant leurs propres règles. Concernant l'actuel où elle se trouvait les conditions étaient claires : se fier au plan de terre dans le ciel pour se diriger sur le ciel de terre ; celui de la forêt correspondant à celui de quitter l'arrivée pour parvenir à un nouveau départ ; et celui de la vitesse pouvant être lié à l'écho du passé rattrapant inexorablement les actes du présent dans un futur incertain qu'il était possible d'éviter… Il y avait cependant une exception concernant ceux servant de transport qui, bien qu'ayant d'autres attributs les différenciant des autres, conservaient toujours le principe de relais «matériel» neutre avec un autre monde/ilot.

Pour en revenir au présent (somme tout ici extrêmement relatif). Elle parvint au bout du chemin invisible en suivant les indications du plan reflété dans le ciel pour se retrouver à nouveau au bord d'un vide – en dehors du plan. Puis décida, sans aucune raison, de faire un pas en avant dans le vide ; poussée par une impulsion propre ne découlant d'aucune logique. Mais aussi insensée que pouvait paraitre sa manœuvre, force était de reconnaitre qu'elle avait portée ses fruits en faisant apparaitre un nouvel ilot de transport – toujours aussi épuré et plat que les autres – qui la fit descendre encore plus profondément dans les abysses.

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D'un temps qui lui parut infiniment long, sans perdre pour autant patience (étant techniquement morte, elle n'avait plus de quoi être pressée), la longue descente semblait devoir se continuer encore longtemps sans interruption alors que de moins en moins d'ilots semblaient parsemer le vide de cette partie de ce monde distordu. Un détail qu'elle nota comme un autre. Avant que finalement le roc ne lui fasse atteindre un autre roc de transport en se plaçant jusque à côté de lui, et qu'elle ne l'emprunte en changement pour être dirigée cette fois-ci droit devant.

Là aussi le voyage semblait partit pour trainer en longueur, à parcourir rapidement mais imperceptiblement la distance inconnue la séparant de son prochain «défi» - si tant est qu'il en était ainsi à chaque fois. Elle ravisa néanmoins neutralement cette pensée à voir se dessiner au loin les contours d'un nouvel ilot, qu'elle pouvait voir au contenu et à la taille tout à fait modeste en comparaison des autres au fur et à mesure qu'elle s'en rapprochait de plus en plus… Comme la douleur qui se réveillait de plus en plus forte dans son épaule.

En même temps que cette information lui parvenait, son sens de l'équilibre aussi revenait remplir sa fonction dans son cerveau à lui relayer en alarme le retour semblable et dangereux de celui de l'inertie ; qui se traduirait par un contact imminent avec l'ilot d'arrivée auquel elle devait impérativement se préparer. La faisant immédiatement s'accroupir, la jambe gauche tendue de long devant sur le sol et la droite recroquevillée en arrière comme un piston ancré dans le sol, penchée en arrière comme si elle s'apprêtait à glisser sur une pente en prévision de la rencontre brutale avec sa dernière destination.

Lorsque le choc eut lieu entre les deux ilots de roc comme deux plaques tectoniques de continent se rencontrant violemment, l'énergie accumulée la fit décoller du sol pour la propulser tel un vulgaire sac de sable sur toute la longueur. Seulement sa préparation lui permit d'encaisser les préliminaires de l'impact pour la première partie de sa diffusion ; alors qu'elle était sur le point d'être projetée elle effectua un saut arrière en tournant sur elle-même pour atterrir de derrière sur la terre ferme, et d'enchainer immédiatement sur un nouveau saut en inversé par rapport à la direction dans laquelle elle était projetée dès qu'elle touchait le sol. Perdant au fur et à mesure de sa vitesse et de l'énergie cinétique accumulée en enchainant sur autant de petits contre-sauts identiques comme un galet ricochant sur l'eau. Seulement la manœuvre, déjà très risquée au moindre faux pas, prélevait un lourd tribut sur ses tendons et les muscles de ses jambes à chaque nouvelle réception. Ce qui ne l'empêchait pas de les pousser dans leurs retranchements pour se préparer au dernier obstacle qui lui arrivait droit dessus : une bosse rocheuse plus grosse que les autres, occupant la majorité de l'ilot rocheux vers lequel elle était inexorablement entrainée au risque de finir s'y briser comme un verre tombant au sol.

D'un dernier contre-saut elle se retourna pour faire face à ce dernier, et se servit de l'énergie qu'elle tentait jusque là de se débarrasser pour s'en servir à son avantage en courant droit sur lui. Le premier pas la fit continuer sur sa lancée, au deuxième elle y plaça toute sa force dans sa jambe soumise à une contrainte qui la rendait sur le point de lâcher, et enfin au troisième elle sauta en posant la pointe de son pied à encaisser sur la surface de la bosse pour rediriger la course verticalement vers le ciel ; continuant ainsi sur plusieurs mètres avant d'effectuer, à son point culminant, un dernier saut qui termina de la débarrasser définitivement de l'énergie liée au crash et du danger que cela représentait…

Malheureusement c'était troquer un Voltorbe contre un Smogo. Si le danger de la charge était écarté, celui de sa chute le remplaçait désormais depuis la position qu'elle avait gagnée dans les airs. Et elle avait sautée haut – vraiment haut… Mais quel plant à haut taux d'échec risquerait-elle de prendre sans prévoir une échappatoire qui lui permettait de conserver une chance ? Elle avait beau avoir subit le force l'élan de l'impact pratiquement impuissante comme une vulgaire marionnette, elle pouvait toujours influencer – même légèrement – la direction de sa course. Et ce qu'elle avait visé depuis le début se dessinait sous elle, alors qu'elle commençait à chuter en direction de la très longue et large algue voletante mollement au vent, et atterrir dessus par le sommet de sa tige qui s'affaissa automatiquement sous son poids ; à se tordre comme un accordéon alors que la plante l'encaissait à l'image d'un airbag d'urgence. Pour finir par finalement atteindre le sol en ayant dissipé la plus grosse majorité de l'impact… Encore en «vie» (dans le sens réel du terme) et en un seul morceau.

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Tout s'était passé comme prévu. Pourtant elle restait encore allongée sur la surface molle de l'algue, à haleter profondément pour reprendre sa respiration alors qu'elle avait cette fois atteinte ses ultimmes limites. La douleur que lui relayait ses jambes et qui parvenait de tout son corps ne la faisait pas ciller un seul instant, mais l'interprétation qu'elle en faisait n'en restait pas moins irrécusable : un pas de plus et c'était la déchirure ligamentaire assurée si elle ne prenait pas le repos qui lui était dû après une telle épreuve. Et n'ayant pas croisée de pokémon jusqu'à présent, ou un quelconque être hostile à son encontre (qui l'aurait abattue sans problème dans sa condition), elle céda logiquement aux suppliques de son organisme. Mais ne s'arrêta pas de réfléchir pour autant. En commençant par cet ilot : l'algue se comportait comme une algue, la roche comme de la roche, son corps comme il l'avait toujours été et les règles de la physique s'appliquaient de nouveau, en comptant la gravité et l'inertie en exemple. Bref les conditions de sa réalité ; du moins les grandes lignes de celle d'où elle venait. La seule question était : pourquoi ? Jusqu'ici, bien que tous différents, les autres «mondes» partageaient tous le même principe de ne pas s'en remettre aux notions du temps et de l'espace comme d'où elle venait, et là cet ilot se comportait si logiquement qu'elle s'en était retrouvée immédiatement en terrain connu à établir sa manœuvre d'évasion. Qu'est-ce qui pouvait bien rendre cet ilot plus spécial que les autres ?

Les minutes passèrent longuement alors qu'elle réfléchissait au problème avec le peu de donnée dont elle disposait. Mais sa douleur à l'épaule qui coagulait mal n'arrêtait pas de la rappeler à l'ordre : plus elle restait sans agir à subir de nouveau les règles de son monde, et plus elle se rapprochait de sa tombe. Et d'un autre côté, étant la seule piste viable qu'elle disposait à trouver un moyen de revenir dans son monde afin de se soigner, elle ne pouvait pas quitter comme ça ce qui représentait sa seule approche de sortie. Pour résumer elle était de nouveau piégée, ou plus précisément subissait un paradoxe proche de celui de Tantale ; dont l'acte final se conclurait sur sa fin au moment où elle trouverait l'issue… Cela était inenvisageable.

Toujours par logique de survie, et ayant suffisamment récupérée pour que ses jambes ne s'effondrent pas comme des brindilles, elle se releva pour reprendre ses investigations sur son environnement. Mais, malgré son contrôle pratiquement complet sur son corps, les tremblements dont étaient pris ses membres inférieurs, et qu'elle ne pouvait au mieux que réduire volontairement pour ne pas gêner sa marche lui signalaient qu'elle ne devait plus compter dessus pour un nouvel effort autre que celui d'une marche lente et posée. Cela ne la dérangeait pas ; pas dans la mesure où, comme devant considérer ce territoire comme le sien et dénué de tout prédateur local, elle pouvait se permettre de se relâcher, mais tout simplement parce qu'elle ne pouvait rien faire d'autre. Continuant désespérément de réfléchir et d'agir de manière toujours aussi neutre et mécanique qu'à l'accoutumée, sans quoi elle n'en serait pas là aujourd'hui.

Ses recherches firent choux blanc sur ce roc flottant qui, comble de l'ironie, finissait lui aussi par la contredire à conserver un point commun avec les autres : celui de ne rien n'avoir d'autre en faune et flore que des algues, et en roche le sol et l'énorme bosse centrale qui faillit lui coûter la vie. Rien d'autre ; si ce n'était un caillou coincé dans un des interstices dans la roche à ses pieds… Qui consistait malgré tout en un détail notable compte tenu du fait qu'elle n'avait trouvée aucune roche de cette taille jusqu'à présent, sur tous les ilots précédemment passés.

Lorsqu'elle s'approcha de l'objet coincée dans la fissure en question, la première chose qu'elle constata était sa taille, presqu'aussi gros qu'un ballon de basket, mais aussi sa forme qui tranchait totalement avec celle de la roche dans laquelle il était encastrée. Elle lui fallut plusieurs minutes à se servir de son bras invalide comme d'un levier - sans aggraver la blessure - et tirer en contrebalançant avec l'autre pour extirper l'objet de la roche. Mais lorsqu'elle y arriva, l'objet, désormais entre ses mains, lui apparaissait comme incroyablement léger en rapport avec sa consistance solide et sa modeste taille. Si léger qu'elle le tenait sans effort juste avec sa main droite, en se mettant à l'analyser avec plus de détail.

A première vue cela ressemblait à une pierre grossière taillée vulgairement dans une forme ne ressemblant à rien. Mais à bien le regarder, en n'ayant le minimum de connaissance adéquate sur le sujet, chaque taille dans la roche lui donnait les propriétés d'une figure géométrique en trois dimension représentant celle d'une figure de quatrième dimension, appelée «Pyntachore» ou «Simplexe» dans le milieu mathématique ; une figure composée de cinq sommets, dix arrêtes, dix triangles et cinq tétraèdres. Ce qui est techniquement impossible de reproduire matériellement dans une dimension évoluant sur un plan inférieur. Pas «normal» ou «en général» : c'était aussi impossible à réaliser que de matérialiser une figure en trois dimensions dans la seconde dimension, vu que la valeur de profondeur est absente de ce plan… Et pourtant elle tenait la preuve du contraire en main, bien devant ses yeux et qu'elle palpait au toucher la forme impossible à la couleur de platine doré proche de celle de ses cheveux.

Juste après l'obtention de l'objet inconnu, un nouveau changement dans son environnement immédiat s'effectua en réaction : une nouvelle succession de petites plateformes rocheuse flottantes dans le vide apparurent au devant de l'extension de terre qui continuait le long de la bosse, qui lui rappela le promontoire au dessus du lac duquel elle s'était jetée pour échapper au Noctunoir. Mais cette fois elle ne répondit pas à l'invitation ; ses jambes ne supporteraient pas le moindre saut supplémentaire, aussi minime fut-il. En réaction cependant ces derniers disparurent pour ne laisser que le plus proche, qui enchaina en réduisant la distance le séparant de l'ilot à l'atteindre physiquement au contact afin d'être emprunté sans encombre par «l'invitée».

Par simple réflexion de base, son observation de «l'obédience» du petit roc à son égard lui faisait conclure que cela ne se révèlerait pas de meilleur augure de répondre à ce qui s'apparentait plus à une convocation qu'à une invitation de courtoisie. Cependant qu'elle était son alternative ? Elle saignait toujours, perdait ses forces, ne guérirait pas à rester ici sans assistance médicale et ne cicatriserait pas tant que la balle restait dans son épaule, et – même si elle disposait de l'aide précitée – ses jambes au bord de la rupture ne pourraient plus la porter pour une simple trotte sans un repos complet de plusieurs heures ; temps qu'avec sa blessure elle ne disposait pas…

Coupant court à toute tergiversation réflective inutile qui ne servait à rien d'autre que de lui faire justement gâcher cette même ressource vitale qu'elle perdait au rythme des battements de son cœur. Elle finit par accéder à la «requête» en prenant place, debout sur le roc flottant, qui réagit prestement, mais lentement pour ne pas la brusquer comme le précédent transport, à s'éloigner lentement de l'île représentant sa dernière étape pour l'emmener doucement vers une destination que lui seul connaissait. Mais dont elle prévoyait qu'il s'agirait sans doute de sa toute dernière étape quand, en jetant un dernier coup en arrière pour observer le rocher flottant qu'elle quittait, elle vit l'algue lui ayant servit d'amortisseur se redresser tout d'un coup droite comme ses comgénères, sans ne plus répondre des règles normales de la physique comme les autres «mondes»… La clé de celui-ci semblant se trouver entre ses mains.

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Un nouveau temps infiniment long se passait alors qu'elle n'arrivait toujours pas en vue d'un quelconque ilot de roche dans cette mer immatérielle. Quel que soit l'endroit vers lequel se dirigeait son conique transport, il ne semblait pas encore prêt à l'amener à destination. Pendant ce temps elle en profitait pour pousser plus en détail son analyse de l'espèce de «cube» dans sa main, mais à ne seulement que pouvoir soupçonner le pouvoir qu'il renfermait en constatant les effets de son absence sur l'ilot précédent, et celui qu'il semblait indubitablement avoir sur elle à la préserver de ce changement en faisant correspondre son état aux lois de son monde ; ce qui n'était ironiquement pas dans son intérêt à mettre de plus en plus sa vie en danger alors que son état physique s'aggravait à chaque instant, là où elle pourrait gagner un répit sans l'avoir entre les mains en repassant à celui de «mort-vivant».

Cela la fit d'ailleurs réfléchir à une théorie. Visiblement cette «orbe» - comme elle concluait de l'appeler au vu de sa forme inclassable – avait une portée d'action limitée malgré son grand pouvoir ; comme en témoignait l'expérience de son approche brutale. Que ce passerait-il si elle décidait de le laisser tomber dans le vide : allait-il se mettre à chuter dans les abysses infinies sous ses pieds ; ou allait-il se mettre simplement à flotter dans les airs à l'image du caillou sur lequel elle se trouvait ?

Elle n'aura jamais l'occasion de mettre cette théorie à l'épreuve quand finalement, après un temps trop long (et inconsistant) pour être décrit, ce dernier ralentit lentement pour s'immobiliser totalement. Sans qu'aucun nouvel ilot de roche, de petit roc flottant, ou même reflet d'image n'apparaisse de nulle part autour d'elle. La laissant simplement se retrouver intégralement dans le vide le plus absolu. Sans que cela ne lui arrache toujours la moindre réaction de son visage impassible.

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Soudain la forme d'une ombre apparut à la limite de son champ de vision. Mais si rapide qu'à peine tournait-elle la tête pour voir de quoi il s'agissait qu'elle avait déjà disparue dans le vide.

Puis une autre réapparut à l'autre extrémité de sa perception visuelle, plus proche mais aussi plus rapide. Elle n'arriva pas une fois de plus à suivre sa vélocité, purement irréelle.

Le même phénomène se reproduisit une troisième fois, encore plus proche que le précédent – si proche qu'elle pouvait sentir le courant d'air naissant du vide qu'elle laissait derrière elle dans son sillage invraisemblablement muet. Mais cette fois-ci elle parvint à la suivre, à se retourner d'un coup sur elle-même pour voir la chose chercher à se glisser derrière elle… Du moins l'appréhendait-elle ainsi. De l'ombre qu'elle croyait percevoir elle n'eut le temps de reconnaitre que la forme approximative d'un serpent se mouvant par-dessous le roc pour se mettre hors de sa portée ; comme si la chose la narguait ouvertement.

Puis le bruit se fit derrière elle. Un bruit auquel elle resta néanmoins immobile à ne pas se retourner tout de suite en reconnaissant son timbre d'aile large brassant ou fouettant l'air selon l'intonation ; le même l'ayant mise sur la piste du reflet de l'ilot au dessus de sa tête.

Comprenant que la chose avait détournée son regard pour passer dans son dos par-dessous le petit rocher. Lentement, elle se retourna de l'autre côté pour reprendre sa position première, sans toujours n'exprimer ni crainte ou inquiétude. Pour se retrouver confronter de face au dernier point de ce monde qui achevait de la contredire en composant l'ultime critère manquant des lieux qui complétait sa flore en composant sa faune.


¤Bienvenue, dans le monde Distorsion.¤