Mesures de guerre - Jour 1
Jour 1. 8h57.
« Ma chérie, ne marche pas à pieds nus ! »
Sue se précipita vers Mary. Elle prit ses chaussons et les lui posa devant les pieds.
« Mets ça.
- J'ai froid, maman...
- Je vais mettre le chauffage. Ne t'agite pas trop. »
Sue frissonnait. Elle aurait juré que la température avait encore diminué depuis le moment où ils s'étaient levés, avec Gilliam.
« Ca y est, ma chérie. Dans quelques minutes, il fera moins froid. »
Elle eut un éternuement pour toute réponse.
Jour 1. 9h03.
Susan bâilla. Son patron s'avança vers elle, l'air inquiet.
« Susan ? Vous avez l'air fatiguée.
- Oh, ce n'est rien, monsieur. J'ai juste... mal dormi. »
Elle sentit le regard de son patron sur elle. Elle ne pouvait se résoudre à lui dire la vérité, ni à qui que ce soit d'autre, d'ailleurs. Elle avait trop honte de ce qu'était devenu son fils, quand elle s'appliquait à donner l'image d'une femme bien sous tous rapports. Bien sûr, elle aimait Finn, mais il semblait prendre du plaisir à gâcher son avenir et inquiéter sa mère. Qui sait ce qu'il avait fait la nuit précédente ? Mais bien sûr, pensa Susan avec amertume. Sa bande le savait, puisqu'il avait sûrement passé le temps avec eux. Jeunesse perdue...
Jour 1. 9h08.
« Mettez-moi en relation avec le centre militaire d'Atalanopolis ! Ordonna Gilliam.
- J'ai les résultats, dit Salem. Apparemment, la vague de froid viendrait de l'est, sud-est. C'est anormal, la température est estimée à moins deux cents degrés Celsius à un certain point !
- Déclare l'état d'urgence et préviens la Ligue Pokémon, les Gardiens doivent installer un dôme autour de la région et réchauffer l'atmosphère. Si jamais les Pokémon Glace passent à l'attaque, nous mourrons tous de froid ! Allô ? Passez-moi un responsable, n'importe qui ! »
Jour 1. 11h30.
Helen pénétra dans la cuisine. Alcina avait insisté pour se mettre aux fourneaux, et le fumet qui se dégageait de ses casseroles mettait l'eau à la bouche.
« David dort toujours ? Demanda la jeune femme.
- Oui, ma chérie. J'irai le réveiller un peu avant le déjeuner. »
Le silence retomba et pendant quelques minutes, on n'entendit plus que la sauce qui bouillait et le raclement des cuillers contre le fond des récipients. Puis, Helen demanda :
« Comment va ton oeil ?
- Un peu mieux... La glace a fait son effet.
- Bon sang, lança une voix qui venait de l'extérieur. Bande de petits cons !
- Allons bon, quoi maintenant ? » Gémit Helen.
La porte d'entrée se fit entendre. Alcina s'avança dans le couloir, une casserole à la main, et vit son père retirer son manteau et son écharpe.
« Qu'est-ce qui se passe, papa ?
- Cette bande de petits cons a encore frappé, répondit le vieil homme.
- Qu'est-ce qu'ils ont fait, cette fois ? Demanda Helen derrière sa fille.
- Ils ont peint à la bombe sur la façade de la maison ! Ils se sont enfuis quand je suis arrivé. Comme si j'avais pu leur courir après s'ils étaient restés sur place... »
Alcina enfila son manteau et sortit de la maison, dont elle fit le tour en scrutant les murs en planches. Elle vit un immense « tag » représentant une sorte de monstre sur la façade. Bouillant de rage, elle rentra et se dirigea vers la cuisine. Helen et Horace étaient assis à la table de bois.
« C'est pas grave, papa, j'irai repeindre le mur.
- Pas question, tu es ici pour te reposer.
- J'ai surtout besoin de m'occuper pour me changer les idées. Ne t'inquiètes pas, ça ne me dérange pas du tout. »
Jour 1. 12h19.
Matt regardait sa montre. Le commandant Austin allait débarquer d'une minute à l'autre.
« Ben alors, Matt, tu manges pas ? S'étonna un de ses amis.
- Non, Austin va débarquer dans... six... cinq... quatre... trois... deux...
- SABIN !
- Je suis prêt, mon commandant, dit Matt en se levant de table.
- Vous vous améliorez, Sabin, un soldat doit être toujours prêt. Il semblerait que vous ayez enfin compris ceci.
- C'est surtout que vous trouvez toujours un moyen de m'empêcher de manger, dit Matt en reniflant.
- Si je n'avais pas besoin de vous, je vous foutrais au trou pour insolence, grogna Austin d'un ton menaçant. Maintenant, venez. »
Matt emboîta le pas à son supérieur. Pendant plusieurs minutes, aucun des deux hommes ne dit quoi que ce soit.
« Mon commandant ?
- Oui ?
- Que se passe-t-il ? »
Le commandant ne répondit rien et continua son chemin. Il s'arrêta devant une porte verrouillée. Austin sortit une clé de sa poche et ouvrit la porte.
« Entrez là-dedans, Sabin. »
Ce dernier s'exécuta et pénétra dans la pièce, suivi de son supérieur. Austin alluma la lumière et dévoila un spectacle à la fois terrifiant et fascinant.
Ils venaient d'entrer dans un hangar gigantesque, rempli de véhicules de guerre et d'armes en tout genres. Une douzaine d'avions de chasse étaient alignés près des portes électriques. D'immenses canons étaient sur une plateforme faite de ciment, et pointaient vers le plafond prêt à être retiré. De véritables tanks étaient placés derrière les avions. Enfin, des dizaines d'armes à feu étaient entreposées dans des caisses.
« Mon commandant, mais y a jamais eu autant d'armes ici !
- Sabin, je serai franc avec vous. Nous avons reçu un appel du centre météorologique ce matin. Les Pokémon Glace pourraient passer à l'attaque n'importe quand. Le fait qu'il fasse de plus en plus froid en est la preuve. Nous pourrions avoir à nous battre à tout moment, et lorsqu'il sera temps de le faire, je ne donne pas cher de notre peau. »
Matt vit qu'Austin ne plaisantait pas. Il l'avait rarement vu aussi sérieux, même.
« Vous êtes notre artilleur le plus haut placé, et notre ingénieur en armes le plus doué. Sauvez des vies, sergent. »
Matt ressentait de drôles de choses. Sûrement un mélange entre la peur et l'excitation. Il se mit au garde-à-vous et répondit :
« A vos ordres ! »
Jour 1. 15h24.
Sue ouvrit la porte de la chambre de Mary et pénétra dans la pièce sans faire de bruit. Sa fille était allée se reposer après avoir pris ses médicaments. Elle s'avança vers le lit. Mary dormait. Sue posa sa main sur son front et fut rassurée de constater qu'elle avait moins de fièvre. Soudain, son téléphone portable vibra dans sa poche, la faisant sursauter. Mary se retourna et Sue s'assura qu'elle dormait toujours avant de sortir de la chambre aussi vite que possible. Elle décrocha.
« Allô ?
- Chérie, c'est moi. Comment va Mary ?
- Je sors à peine de sa chambre, sa fièvre est un peu tombée.
- D'accord... Alors, écoute-moi. Je vais devoir rester au centre un long moment, probablement même toute la nuit.
- Quoi ? Protesta sa femme. Mais...
- Écoute, je te dis. C'est très, très important. Je ne peux pas te donner de détails, mais il se peut que la température ne s'arrête jamais de baisser. Si besoin est, n'hésite pas à te barricader dans la maison avec la petite, un bon feu et quelques couvertures. Je suis très sérieux, c'est important. Je dois retourner travailler, on a une tonne de boulot...
- C'est pas vrai... Bon... Je suppose qu'on n'a pas le choix. Sois prudent, Gilliam. »
Elle raccrocha et s'adossa contre le mur. Qu'allait-il se passer, maintenant ?
Jour 1. 15h56.
Puck se leva. Il se rendit compte que le tiroir de sa table de chevet était toujours ouvert. Il s'assura que son contenu était toujours présent et le referma d'un geste brusque, puis se dirigea vers la cuisine. Après avoir avalé le reste de soda, il alla chercher sa veste et sortit. Une fois dehors, il frissonna tant il avait froid, mais ne fit pas demi-tour pour aller chercher quelque chose de plus chaud.
Il marcha ainsi près d'une demi-heure pour aller retrouver sa bande. Il passa plusieurs quartiers et s'avancer le long d'un trottoir tout en regardant autour de lui.
Devant une grande maison blanche, un homme apparemment ivre hurlait tout en tambourinant contre la porte.
« Ouvre-moi, sale gar... sale garce ! »
Il avait une bouteille à moitié vide dans la main et ne réagit même pas lorsqu'il la laissa tomber. Elle se renversa et un liquide ambré coula par terre. Puck regardait toujours l'homme qui se mit à hurler une nouvelle fois.
« SORS ! »
Puck distingua à peine une voix étouffée qui criait à l'intérieur de la maison.
« Les flics ? Je m'en fous, appelle-les, pétasse ! »
Il se pencha pour ramasser la bouteille, tituba et tomba. Il lança la bouteille vide contre la porte tout en essayant de se relever. C'est là qu'il aperçut Puck.
« Qu'est-ce que tu veux, toi, petit con ? Casse-toi ou je te massacre !
- D'où tu me parles comme ça, toi ? Répondit le jeune homme. Fais gaffe à comment tu me parles !
- Tu me cherches, espèce... de petit fils de... »
Il s'avança vers Puck, l'air menaçant, et brandit la bouteille qu'il avait une nouvelle fois ramassée, mais son adversaire lui décocha un coup de poing dans la mâchoire. L'homme perdit l'équilibre et tomba. Puck le releva et l'envoya valser sur le trottoir. Il se tourna vers la maison et la regarda un temps, ne sachant trop ce qu'il devait faire, puis il reprit son chemin. Il se retourna pour vérifier que l'homme ne le suivait pas, mais il essayait de s'en aller de l'autre côté, tout en braillant des injures envers la maison et Puck.
« Connard d'ivrogne... »
Jour 1. 16h29.
« Ca y est, il s'en va, dit Helen. Heureusement qu'il y avait ce jeune...
- Heureusement, tu dis ? Répliqua Horace en retirant ses lunettes. C'était un des petits voyous qui ont dessiné sur la maison ! C'est même leur chef, je crois...
- En attendant, grâce à lui, Roger s'en va...
- Pourquoi il était comme ça, papa ? Demanda David. Il est fou ou quoi ?
- Fou à lier, mon chéri, répondit Alcina. Fou à lier... »