Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Tome II : Le Nœud de Regigigas de Alecx



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Alecx - Voir le profil
» Créé le 07/02/2010 à 21:46
» Dernière mise à jour le 18/12/2011 à 15:18

» Mots-clés :   Action   Aventure   Sinnoh   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 13 : Là où se croisent de nombreux chemins
Cinq heures du matin, à Littorella. L'infirmière posa le combiné et se précipita vers le dortoir, à travers des couloirs vides illuminés par la seule lueur crue des néons. Ce Centre n'était pas aussi grand que celui de Féli-Cité, mais depuis la reconstruction, il pouvait accueillir jusqu'à cent voyageurs. Ce matin, il était presque vide pourtant. La vaste pièce qui tenait lieu de salle de repos n'abritait que sept personnes. L'infirmière entra en prenant garde de faire le moins de bruit possible, et se dirigea vers l'homme qu'on lui avait décrit. Grand, mince, des lunettes et des cheveux châtains clairs plutôt courts. Les lunettes étaient posées sur la table de chevet à côté du petit lit, mais cela ne l'empêcha pas de le reconnaître. Elle se pencha vers lui et lui secoua doucement l'épaule.
-Réveillez-vous monsieur, lui dit-elle. J'ai un appel urgent pour vous de Frimapic.

Si Julien, en pleine torpeur, avait eu du mal à accorder beaucoup d'attention à l'infirmière, les derniers mots qu'elle prononça eurent sur lui l'effet d'un coup de fouet. Il se réveilla instantanément, ouvrit grand les yeux, et se leva d'un bond.
-Que se passe-t-il ? demanda-t-il prestement en enfilant gauchement son pantalon.
-C'est votre femme, répondit-elle gravement. Suivez-moi.

Et elle le conduisit en direction de l'accueil à travers ces couloirs qu'elle venait de traverser. Normalement, elle aurait dû transférer l'appel sur un des téléphones de la salle de communication, qui offrait plus d'intimité, mais à cette heure-ci le Centre n'accueillait que très rarement des visiteurs, et elle avait le sentiment qu'il n'était nul besoin de perdre davantage de temps pour de telles futilités. Quand ils arrivèrent, elle lui désigna la machine (qui était en réalité un visiophone, mais peu de particuliers utilisaient cette fonction), et Julien s'empara directement du combiné.
-Allo chérie ? lança-t-il rapidement, paniqué.

Et, aussitôt qu'il entendit la voix de sa femme, les maigres espoirs qu'il avait eus pour que la raison de cet appel ne fusse qu'une frivolité du type « Je me suis réveillée tôt ce matin et j'avais envie d'entendre le son de ta voix » s'envolèrent, laissant place à de l'horreur pure.
-Ils les ont kidnappés, dit-elle simplement d'une voix blanche.

Julien aurait presque pu la voir, assise sur cette chaise où elle s'asseyait tout le temps lorsqu'elle était au téléphone simplement parce qu'elle était la plus proche de la base de l'appareil. Il la voyait, ses yeux rougis et gonflés par les torrents de larmes qu'ils avaient dû verser. Il distinguait cette larme qui coulait le long de sa joue, une retardataire qui s'en allait rejoindre les autres. Et ce ton calme, raisonné, de celle qui fait face à la vérité et qui l'accepte lui transperça le cœur. Il aurait préféré l'entendre crier, hurler à s'en briser les cordes vocales. L'insulter, le rendre responsable de ce qui arrivait, blâmer son absence ! Ses enfants, ses enfants avaient été kidnappés, enlevés à leur mère, et lui était là, au Centre Pokémon, à dormir tranquillement, là plutôt que là-bas avec eux, avec sa famille, qui avait besoin de lui, là, à éprouver des sentiments pour cette fille qui l'accompagnait, à l'embrasser dans le dos de sa femme qui avait besoin de lui.

Et son monde bascula.

Alors qu'hier, debout au milieu du temple de Bonaugure l'Ancienne, une des trois Clefs à la main, il avait cru en sa quête du Nœud de Regigigas, en ces histoires de destin et en ces histoires de prophéties, aujourd'hui, tout cela lui paraissait insignifiant, misérable, dérisoire. Aujourd'hui, le combiné à la main, il se rendait compte qu'il avait laissé derrière lui tout ce qu'il aimait pour une aventure stupide à la recherche d'objets censés être millénaires, pour « sauver le monde » ! Comme si quelqu'un qui n'était pas fichu de protéger ses deux gosses était capable de « SAUVER LE MONDE » !

Et il avait embrassé Morgane.

Avait-il jamais ressenti un sentiment de désespoir d'une telle ampleur, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie ? Certainement pas. La culpabilité, la tristesse, la honte, et la colère aussi…

Il s'effondra volontiers sur la chaise que lui tendit l'infirmière. Puis, d'une voix monotone, comme s'il avait été hypnotisé ou, comme c'était plus probablement le cas, en état de choc, il murmura :
-Je suis désolé Ambre… Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé !

Puis, dans un élan de rage, il se leva subitement, renversant la chaise sur laquelle il s'était assis quelques secondes plus tôt, et, de sa main libre, la main droite, frappa violemment le mur en hurlant. Il frappa, encore et encore, sentant la douleur lui traverser le bras comme un éclair, la saisissant au vol et s'en imprégnant comme d'un délicieux venin. Sa voix finit par ne devenir qu'un vague murmure rauque, mais il continua de cogner, de moins en moins fort, jusqu'à ce qu'il n'ait plus assez de forces pour le faire. Puis, comme un ballon de baudruche dégonflé, il retomba mollement sur la chaise que l'infirmière avait ramassé avant de s'éloigner d'un ou deux pas.
-Je suis désolé Ambre, murmura-t-il à nouveau. Tellement désolé… C'est de ma faute. C'est de ma faute !
-Je n'ai pas encore prévenu la police, dit-elle, toujours avec cette même voix calme et posée. Je ne sais pas ce que je dois faire. Il a laissé un mot : « Deux temples : deux gosses. On est quittes ».

Julien eut alors une idée. Une idée terrible. Celle d'un père en détresse. Une idée que seule la haine pouvait inspirer, une idée qu'aucun homme ne devrait jamais avoir. Il ne la formula pas tout de suite cependant. Pas à sa femme.
-Je vais les retrouver. Je vais retrouver Hélio et la Team Galaxie, et je ramènerai Jade et Florian.

Ambre laissa un silence, puis finit par dire :
-J'en ai déjà perdu deux, Julien. Si je devais te perdre aussi, je ne resterai pas assez longtemps en vie pour que quiconque ait besoin de me consoler.
-Tu ne perdras personne, Ambre. Je te le promets.
-Personne ne peut promettre ça. Promets-moi juste de faire attention.
-Je ferai attention, promit-il.

Puis il ajouta :
-Va voir le vieil homme. Je suis sûr qu'il peut t'aider.
-Je t'aime Julien.
-Moi aussi.

Et Julien raccrocha. Il ne fut pas surpris de constater que le Symbole dans sa main brillait intensément, en symbiose avec ses émotions. Lorsqu'il leva la tête à la recherche de l'infirmière, il ne vit que Morgane. La jeune femme s'était levée, l'avait rejoint ici, et le regardait maintenant d'un air grave. L'infirmière, elle, était aller s'excuser auprès des quelques personnes présentes quand Julien s'était mis à crier et, discrètement, leur avait expliquer la situation, sans entrer dans le détail. Simplement pour qu'elles se montrent indulgentes. Aussi n'avait-elle pas vu l'étrange phénomène qui éclairait actuellement la main de Julien.

Julien et Morgane se regardèrent longtemps, en silence. Puis le jeune homme s'avança vers elle et posa la tête sur son épaule. Et il pleura silencieusement.
-Je le tuerai.

Ainsi promit-il.



Une demi-heure plus tard, tous les deux se trouvaient dans une petite chambre individuelle isolée du Centre. C'était ici qu'étaient installés les personnes malades qui venait au Centre en urgence dans l'attente de secours, qui arrivaient directement depuis Féli-Cité. La petite salle n'était qu'à peine meublée, équipée d'un lit, d'une table de chevet, d'un frigo, d'une petite armoire à pharmacie fixée au mur et d'une autre table accompagnée d'une chaise. Julien était assis sur la chaise, et Morgane sur le lit. Ils avaient discuté du meilleur moyen d'arriver à Rivamar avant Hélio. Ils espéraient que le criminel fusse retourné dans sa base, son centre d'opération, ou peu importe le nom qu'il lui donnait, et qu'il ne repartirait que plus tard dans la matinée, pensant avoir du temps.
-L'infirmière nous a dit que la méthode la plus simple qu'elle connaissait consistait à prendre l'avion à Féli-Cité. Mais je ne pense pas que nous ayons assez d'argent pour faire partir un avion à n'importe quel moment, selon notre envie, pour la destination de notre choix. Et puis, la météo ne doit rendre les vols aisés.

En effet, à Sinnoh, les moyens de locomotion autres que les Pokémon et les célèbres bicyclettes n'étaient pas monnaie courante, et affichaient souvent un coût très élevé. Alors qu'ils réfléchissaient à une autre solution, l'infirmière frappa à la porte :
-Excusez-moi de vous déranger, mais je crois que j'ai quelque chose pour vous. Je sais que beaucoup d'hommes d'affaires capturent et entraînent des Abra pour ce genre de déplacement, ou emploient des dresseurs pour qu'ils le fassent pour eux. Alors j'ai demandé aux personnes présentes dans le Centre s'il y en avait une qui possédaient un Pokémon avec la capacité Téléport et qui soit capable de vous emmener jusqu'à Rivamar. Il y en a un.

Julien et Morgane s'étaient levés en même temps.
-Amenez-le nous !

Et deux minutes plus tard, Julien, Morgane, l'infirmière et Baptiste, un jeune dresseur Pokémon âgé de dix-sept ans, se tenaient devant le Centre, protégés de la pluie par la capacité Protection d'une magnifique Gardevoir.
-Vous êtes sûr que votre Pokémon sera capable de nous transporter jusque là-bas sans encombre ? demanda Julien.
-Sans le moindre souci, confirma Baptiste.

Le Pokémon semblait avoir une aura apaisante. En elle-même, la Gardevoir sentait le profond trouble qui envahissait Julien, et tentait de le consoler. « Elle est ravissante » furent les seuls mots que pût dire Julien. Puis, se tournant vers l'infirmière :
-Merci beaucoup mademoiselle. Sincèrement.
-J'espère que vous réussirez à faire ce que vous avez à faire, répondit-elle.
-Merci, dit Morgane.

Et sans plus attendre, le jeune homme ordonna :
-Gardevoir. Utilise Téléport !

Et sans qu'on eût besoin de lui préciser la destination, le Pokémon emmena le groupe d'humains là où se croisent de nombreux chemins. A Rivamar.



De toutes les villes de Sinnoh, Rivamar était de loin la plus axée sur l'écologie. C'était une cité charmante qui avait grandi en bord de mer et dont la principale caractéristique était de fonctionner exclusivement à l'énergie solaire. Mais ça, vous le savez déjà. Notez quand même que d'ici trois semaines, il risquait d'y avoir quelques problèmes dans cette ville, puisqu'aujourd'hui, le soleil avait complètement disparu sous la masse sombre et sinistre des nuages, qu'il pleuvait des cordes depuis trois heures du matin, et que c'était loin, très loin de s'arrêter. Vous savez aussi que Rivamar est l'une des trois villes dans lesquelles étaient cachées des reliques sacrées, connues sous le nom de Clefs, et que la Clef de cette ville-ci a été trouvée il y a quelques années par une jeune fille du nom d'Alice. Mais ça, ni Julien, ni Hélio ne le savent.

A six heures du matin, heure à laquelle Lucas avait programmé son réveil, et deux heures après l'heure à laquelle Alice avait programmé le sien, Julien, Morgane, un jeune homme du nom de Baptiste et son Pokémon Gardevoir apparurent devant le Centre Pokémon de Rivamar. Le compagnon de route de Baptiste, dès qu'il reçut une goutte sur sa peau délicate, réitéra son attaque Protection, et les trois humains qui l'entouraient se retrouvèrent à l'abri de la pluie.
-Je n'avais jamais vu Rivamar sous la pluie, commenta Baptiste. C'est plutôt rare ici.
-Merci beaucoup d'avoir fait le déplacement, fit Julien en lui tendant la main. Je ne pensais pas que nous parviendrions à arriver ici aussi rapidement.
-En effet, la route vous aurait pris beaucoup de temps, confirma Baptiste en tendant lui-même la main.

Et alors qu'ils se serrèrent la main, un étrange phénomène se produisit. Julien et Baptiste ressentirent tous les deux comme un douce chaleur les parcourir depuis leurs mains, quelque chose d'assez agréable. Et pendant un très court instant, ils virent. Comme ces Élus qui, des siècles et des siècles avant eux, s'étaient rassemblés pour écrire les Prophéties auxquelles certaines personnes étaient aujourd'hui soumises, ils virent. Seulement, n'étant que deux, leur vision ne dura pas assez longtemps pour que leurs conscients s'en souviennent. Mais le subconscient de Julien ne manquerait pas de le lui rappeler, un jour ou l'autre. L'homme de sciences, ayant senti que quelque chose d'anormal s'était passé au niveau de sa main, se hâta de cacher le signe à la vue du jeune homme pour éviter les questions gênantes.
-Merci, dit aussi Morgane en tendant à son tour la main.
-Vraiment, savoir que je vous ai aidés est un plaisir, fit Baptiste en lui serrant la main. Je vous souhaite bonne chance !

Et il disparut, les laissant seuls face à leur devoir. Et sous la pluie. Morgane s'abrita sous le auvent du Centre Pokémon, mais Julien ne parut pas s'en soucier. La tête baissée, il laissait les gouttes lui tomber dessus, imprégner ses vêtements, mouiller ses cheveux et rouler sur sa peau comme les larmes qui coulaient le long de son cœur.
-Il faut au moins que l'on se mette au sec pour établir un plan, lui fit doucement Morgane.
-Oui, tu as raison…

Aussi la suivit-il dans le Centre. Dans la grande salle d'accueil, ils s'installèrent dans le coin à gauche, celui auquel l'entrée était adjacente. Une table et quelques chaises y étaient disposées, non loin des escaliers qui conduisaient à la salle de communication internationale, à l'étage inférieur. Après avoir ôté son manteau, qui était déjà trempé, Julien imita Morgane et s'assit.
-Bon, commença-t-il, comment fait-on pour savoir si Hélio est déjà passé ou pas ? On ne peut pas aller demander aux habitants s'ils l'ont vu ou non, ce serait aussi discret que le cri d'un Cornèbre dans un chœur de Rondoudou…
-Je propose que nous montions la garde, dit Morgane. Il n'y a qu'une seule entrée pour Rivamar, et c'est la Route 222. S'il vient à pieds, ce sera forcément par là. S'il se téléporte, il arrivera obligatoirement devant le Centre Pokémon. Avec ce temps, je ne pense pas qu'il vienne par la voie des airs. Il pourrait éventuellement arriver par la voie maritime, depuis le Chenal 223, mais ce serait très étonnant puisqu'il n'y a que la Ligue Pokémon au bout de cette route. Donc tu te posteras devant le Centre Pokémon, et j'irai à l'entrée de la ville.
-Et comment saura-t-on si l'un de nous l'a trouvé ?
-Nous resterons cachés. Je pense que lui aussi essaiera de se faire aussi discret que possible, c'est pourquoi nous devrons être attentifs. Dès que l'un de nous le verra, il faudra rejoindre l'autre. Après s'être assuré sans prendre de risques de l'endroit vers lequel il se dirigera.
-Ça me convient. Mais j'aimerais prendre ta place. Tu n'as pas de Pokémon, et il y aura certainement moins de monde pour te protéger là-bas qu'ici si jamais il lui prenait l'envie de t'attaquer.
-Pour qu'Hélio m'attaque, encore faudrait-il qu'il me voie. Je ne veux pas que tu t'éloignes du Centre. Tu as déjà l'air très fatigué, je ne vais pas en plus te forcer à attendre dehors sous la pluie.

La porte du Centre s'ouvrit tandis qu'un jeune homme s'apprêtait à sortir. Sentant le courant d'air froid qui s'engouffra dans la salle, et voyant la pluie, il réajusta son béret et remonta la fermeture Éclair de son manteau. Pendant ce temps, Julien et Morgane mettaient un terme à leur discussion :
-Hélio est obligé de passer ici. Nous n'avons qu'à l'attendre, fit Julien.

En entendant ces mots, le jeune homme qui allait sortir bifurqua brusquement et s'approcha d'eux.
-Vous parliez de la Team Galaxie ? demanda-t-il avec, semblait-il, une pointe d'espoir dans la voix. Vous avez bien dit « Hélio est obligé de passer ici », c'est ça ?

Morgane et Julien le dévisagèrent, leurs visages affichant un air étonné.
-La Team Galaxie ? demanda Morgane d'un ton qu'elle voulait incrédule. L'organisation criminelle qui a disparu ?
-Vous avez dû mal entendre jeun…

Avant d'avoir pu finir sa phrase, Julien fut interrompu par une forte lueur. Sa main, qui était posée sur la table, paume vers le plafond, s'était mise à briller. Alarmé, Julien cacha immédiatement sa main dans sa veste, qu'il roula en boule sur ses genoux. Mais l'adolescent l'avait vue. Peut-être prendrait-il ça pour un tour de télékinésie ? Son regard s'était éclairé devant le phénomène.
-Monsieur, lança Lucas en enlevant la mitaine qu'il portait à la main droite, je crois que nous ne nous sommes pas rencontrés par hasard.

Et en disant cela, il tendit la paume de sa main droite devant ses deux interlocuteurs qui ne purent que contempler, ébahis, le Symbole noir représentant un point surmonté d'un éclair dont il était à jamais marqué.



Ces derniers mois, Lucas avait eu de nombreuses fois l'occasion de s'interroger sur le destin. C'était une notion, il en était certain, qui le dépassait et le dépasserait toujours. Mais il avait tendance à croire que le résultat affiché par les dés n'était pas tout le temps dû au hasard. Et certains faits le laissaient parfois penser qu'il avait raison.
-Asseyez-vous, lui dit Julien, je pense que nous allons avoir deux-trois choses à nous dire.
-Je vous en prie, tutoyez-moi, demanda Lucas. Tout le monde le fait, j'ai plus l'habitude. Je m'appelle Lucas.
-Jeune homme, c'est un plaisir de vous rencontrer. Je m'appelle Julien, et voici Morgane. Monsieur… Mince, je ne connais pas son nom ! Comment s'appelle ce vieil homme déjà ?

Tous trois se regardèrent. Comment s'appelait ce vieil homme déjà ?
-Bref, ce monsieur nous a parlé de vous. De toi ! corrigea-t-il.
-J'ai beaucoup de questions à vous poser, avoua Lucas.
-Mais nous n'avons pas beaucoup de temps, coupa Julien. Je fais très court : Hélio est toujours vivant et la Team Galaxie toujours à flot. Ils cherchent à s'emparer du Nœud de Regigigas, et je dois les en empêcher. Hélio a kidnappé mes enfants. Nous pensons qu'il y a de fortes chances pour qu'il vienne ici, à Rivamar, car c'est là que se trouve la dernière des trois reliques dont il a besoin. Il est susceptible d'arriver n'importe quand. Nous aiderais-tu à le trouver ?
-Et comment ! Vous et lui êtes les deux personnes que je comptais commencer à chercher dès aujourd'hui !
-Alors préparons-nous tout de suite. Nous parlerons plus tard. Morgane, une suggestion ?
-Puisque nous sommes trois, je propose de maintenir le plan que nous avions choisi, sauf que Lucas te remplacerait. Pendant ce temps, Julien, tu partirais à la recherche de la relique.
-Il faut que je vous dise une chose ! les interrompit Lucas. Est-ce que vos reliques sont des petits disques en pierre ?
-Tu l'as déjà ? demanda Julien, éberlué.
-Moi non. Mais une connaissance faite hier, oui. Une fille qui habite ici.

Julien et Morgane assimilèrent l'information, puis le jeune professeur reprit la parole :
-Tant que la Clef est en la possession de cette jeune fille, Hélio ne risque pas de la trouver. Donc comme prévu, je reste ici pour guetter l'arrivée d'Hélio. Morgane, tu te rends à l'entrée de la ville et tu surveilles aussi. Lucas, tu vas chercher ton amie, et tu l'emmènes ici.

Ses deux compagnons acquiescèrent.
-C'est parti, dit simplement Julien.

Et tout le monde se dispersa.



Aussitôt sortie du Centre, Morgane prit la direction de la route 222. Puis Julien et Lucas sortirent eux aussi. Julien se cala contre la façade de l'édifice, sous le auvent. Lucas fit quelques pas dehors, mais il s'arrêta net : Alice était là, à quelques mètres. Elle s'était installée sous la route en élévation, à l'abri de la pluie. Elle était assise par terre, les bras serrés autour de ses jambes repliées. Quand elle le vit, elle se leva. Elle avait une besace qui pendait sur sa hanche droite, la sangle posée sur son épaule gauche.
-C'est pas trop tôt ! lui cria-t-elle d'une voix assez forte pour couvrir le son de la pluie.

Puis elle traversa la route et le rejoignit sous le auvent du Centre.
-Ca fait deux heures que je suis là... Je commençais à croire que tu étais déjà parti quand j'ai vu la porte du Centre Pokémon s'ouvrir. Mais tu n'es pas sorti !
-C'est elle ? demanda Julien.
-Ouais, répondit Lucas.
-Mademoiselle, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis content de vous rencontrer, lui dit Julien, sans en avoir vraiment l'air.
-Qui est-ce ? demanda Alice, perplexe.
-Mettons-nous à l'abri, je vais t'expliquer.

Et ils rentrèrent dans le Centre Pokémon, laissant Julien à son poste.



-Suis-moi, lui dit Lucas.

Et sans rechigner, elle obéit, consciente que demander plus d'informations tout de suite ne serait qu'une perte de temps. Lucas fit un signe de la main à l'infirmière à l'accueil, qui lui répondit par un sourire, puis emprunta la porte qui se trouvait à droite du comptoir. Elle donnait sur un couloir qui conduisait au réfectoire (porte de gauche) et au dortoir (porte de droite) de l'établissement.
-Avec tout ça, je n'ai pas déjeuné, lui dit-il en poussant la porte de la cantine. Et je suppose que toi non plus.
-Non, en effet.

Ils entrèrent dans la grande salle. Une grande horloge fixée à l'un des murs indiquait qu'il était six heures et vingt-cinq minutes. Des tables assez grandes pour accueillir de quatre à huit personnes étaient proprement alignées. Deux d'entre elles étaient occupées. La première par un homme d'environ cinquante ans, élégamment vêtu, en train de lire le journal. Un chapeau melon était posé à côté de son plateau et à côté de lui, une canne était appuyée contre la table. Il était accompagné d'un magnifique Feunard, qui était allongé à ses pieds, ses queues soyeuses ondulant telles des flammes. La seconde personne était un jeune homme d'environ quinze ans qui mangeait sans retenue. Sur une troisième table était affairé un Leveinard, qui passait l'éponge. Quand il les vit entrer, le visage du Leveinard s'éclaira d'un large sourire et le Pokémon vint à leur rencontre.
-Salut Leveinard ! lui fit Lucas. Nous sommes des dresseurs. Tu peux nous apporter deux petits-déjeuners s'il te plaît ? On va s'asseoir là-bas.

Le Pokémon acquiesça joyeusement. Lucas se rendit à la table qu'il avait désignée, suivi de près par Alice. Ils s'installèrent confortablement, se débarrassant de leurs vestes et posant leurs sacs en bout de table. Leveinard arriva rapidement, un plateau parfaitement équilibré posé sur chacune de ses deux petites pattes avant. Avec dextérité, il les fit glisser sur la table devant les deux jeunes. Chaque plateau comprenait un bol de chocolat chaud, un croissant et un verre de jus de fruit. Les deux jeunes le remercièrent et Lucas lui offrit un petit pourboire, que le Pokémon accepta avec plaisir, ses yeux brillant gaiement. Puis il s'en alla, les laissant seuls.
-Bon, dit Lucas en mordant dans son croissant. Je vais t'expliquer ce que je peux, parce que je t'avoue que moi aussi je suis un peu largué. Mais avant, j'ai une question : qu'est-ce que tu faisais dehors ?
-J'avais envie de t'accompagner, confessa Alice, qui entama elle aussi son petit déjeuner. J'ai même laissé un mot à mes parents. A l'heure qu'il est, ils doivent être morts d'inquiétude. Mais je ne pense pas qu'ils préviendront la police, je leur ai bien fait comprendre que je partais parce que j'en avais envie et que je reviendrais vite.
-Tu as fait ça ?! s'exclama Lucas. Et si je ne t'avais pas laissée m'accompagner ?
-Je t'aurais suivi ! fit Alice en lui offrant un sourire.
-Bon, de toute façon, je crois que nous allons avoir besoin de toi. Tu as toujours l'objet que voulaient les autres ?
-Je ne suis pas sûre que ça soit ça qu'ils voulaient… commença Alice.
-Tu l'as toujours ? l'interrompit Lucas.
-Oui. Je l'ai pris avec moi. Il n'est plus question de le laisser maintenant, même caché.
-Très bonne initiative. Bon, je vais t'expliquer ce que je sais. Je vais tout prendre depuis le début, donc ça risque d'être un peu long, mais plus tu as d'éléments, mieux tu comprendras. Alors… Tout commence il y a six mois, le jour de mon anniversaire, le 4 septembre. En fait non. Tout commence bien plus tôt. Bien avant ma naissance même. Du moins je pense.

Lucas lui raconta les prophéties. Lucas lui raconta sa naissance, comment il était lié à Darkrai, et comment il avait dû affronter Giratina. Il lui raconta comment il avait battu la Team Galaxie. Ou du moins pensait-il l'avoir battue. Alice l'écouta attentivement, sans l'interrompre.
-Voilà. Maintenant que tu sais tout ça, tu vas pouvoir comprendre plus facilement ce qu'il se passe maintenant. Jusqu'à hier, je n'étais au courant de rien, donc cela risque d'être un peu flou. Alors… D'après moi, il y a deux organisations criminelles qui ont, pour le moment, le même but : récupérer des reliques. Ce sont la Dominus Regi et la Team Galaxie. Ces reliques sont au nombre de trois, et le type que tu as vu devant le Centre tout à l'heure – Julien – en possède deux ; tu possèdes la troisième. On les appelle aussi Clefs. Je pense que ces trois Clefs permettent, d'une façon ou d'une autre, de trouver ce que le type que nous avons interrogé hier a appelé le Nœud de Regigigas. Je ne sais pas ce que c'est, mais ça m'a l'air dangereux. Regigigas est un Pokémon légendaire, et Julien est l'humain choisi par ce Pokémon pour accomplir sa prophétie, comme pour Darkrai et moi. Il doit protéger le Nœud. Hélio, le chef de la Team Galaxie, a kidnappé les enfants de Julien. Et, aujourd'hui, il est censé venir ici, pour venir chercher la relique en ta possession. Donc nous allons essayer de l'arrêter pour récupérer les enfants de Julien, puis nous le livrerons à la police. Ainsi, la Team Galaxie sera définitivement hors-jeu. Voilà. J'ai sans doute oublié quelques détails, mais ce n'est pas moi qui pourrait te les raconter. Si ! Quelque chose. Il semblerait que ça soit le même vieil homme qui nous ai informés de notre devoir, Julien et moi. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
-Et que va-t-on faire pour la Dominus Regi ? demanda Alice.
-Je ne sais pas encore. Nous verrons sans doute ce point plus tard, une fois que nous aurons battu la Team Galaxie. Et ce n'est pas une partie courue d'avance. Je vais demander à Julien de nous prévenir quand lui ou Morgane auront vu quelque chose. Je pense que le mieux que tu puisses faire est de rester cachée dans cette salle. Ne t'en fais pas, je resterai avec toi ! ajouta-t-il rapidement en voyant l'air contrarié de l'adolescente.

Et il se leva pour aller faire sa requête à Julien.



Morgane éternua. Il ne faisait pas si froid, mais un vent fort s'était levé, s'ajoutant à la pluie, et le résultat était très difficilement supportable. Il était maintenant sept heures et demie, et cela faisait plus d'une heure qu'elle attendait sous l'orage, sa veste posée sur sa tête pour la protéger un minimum, bien qu'elle fusse maintenant complètement imbibée d'eau. Mais sa patience fut récompensée, car bientôt elle vit une ombre s'approcher. La première depuis qu'elle s'était installée. Au vue de sa corpulence, ce devait être un homme. Seulement, avec la pluie, elle ne parvint pas à distinguer son visage, d'autant plus que le visage de l'homme en question était caché par la capuche d'un ciré noir qui le protégeait de la pluie. Discrètement, elle essaya de se rapprocher de lui, mais les cachettes n'étaient pas nombreuses, et elle ne put s'assurer qu'il était bien celui qu'ils attendaient. Mais soudain, un éclair illumina le ciel et, pendant une demi-seconde, elle parvint à distinguer ses traits. Il était impossible pour elle d'oublier le visage de celui qui l'avait ligotée à un pilier du temple dont elle avait la garde, il y a maintenant plusieurs semaines, et elle le reconnut instantanément.

C'était bien lui.

C'était Hélio.



A Frimapic, confortablement installé dans son fauteuil en cuir marron placé à proximité du foyer de la cheminée, où il avait passé la nuit, le vieillard contemplait un livre. C'était un splendide incunable à la couverture pourpre, sur laquelle brillaient des lettres dorées qu'il prit plaisir à effleurer du doigt. Le feu qui dansait dans l'âtre se reflétait sur ses yeux. Mise à part le doux ronronnement des flammes, tout était silencieux ici. Dehors, la neige tombait délicatement, légère et fine, semblable à des milliers de diamants qui s'écoulait du ciel avec la grâce d'une plume.

Prenant appui sur les accoudoirs de son fauteuil, il se leva en prenant garde de ne pas faire de mouvement trop brusque. Puis il traversa le salon pour se rendre dans sa bibliothèque. Il ne pouvait pas vivre sans une bibliothèque. Le bruit de ses grosses pantoufles élégantes était amoindri par les tapis épais qui ornaient le sol de sa maison.

Dans sa bibliothèque se trouvait un bureau. Un magnifique ouvrage sculpté à la main en chêne verni. Un sous-main en cuir vert y était intégré. Sur la surface du meuble étaient posés un encrier en cristal, un repose-plume en or dans lequel une splendide plume arc-en-ciel était minutieusement rangée, et un paquet de feuilles de papier épaisses, d'un blanc qui tirait sur le jaune parchemin, ornée d'un liserai noble de couleur bleu. En bas de chacune était apposée une signature : la sienne. Il prit une feuille, ouvrit un tiroir dont il sortit une enveloppe et retourna dans son salon. De la poche intérieure de sa veste, il sortit un gros stylo stylo-plume qui ne le quittait jamais. Il se réinstalla près de l'âtre, se munit d'une tablette, et écrivit quelques mots. Quand il eut fini, il plia la feuille, la glissa dans l'enveloppe sur laquelle il inscrivit un nom, puis déposa la lettre sur le livre qu'il admirait un peu plus tôt, lui-même posé sur le petit meuble où il posait toujours les livres qu'il lisait le soir.

Puis, avec précaution, il retira le bandage qui était enroulé le long de son bras droit. Comme nostalgique, il contempla longuement la paume de sa main droite, en silence.
-Il reste un combat à mener, soupira-t-il de sa voix de vieillard.

Et il se téléporta, en direction de l'endroit où se croisent de nombreux chemins.