Un sourire qui s'en va
Le silence régnait sur la grande étendu qui entourait l'entrée principale de l'usine. Celle-ci ne ressemblait plus vraiment à ce que le bâtiment avait été. Le toit était défoncé, les murs fissurés et de gros bourrelés de brique sortaient par certains endroits des façades. Le tout faisait penser à une sorte de noix que l'on aurait fait exploser de l'intérieur. Ca et là, des croûtes noires et encore fumantes trahissaient la présence de ce qui restait du Mégamorph. Petit à petit, les Antis reprirent leurs esprits et firent se lever les prisonniers Rocket. Alors que Razor, Félix et Léon regroupaient leurs troupes, Max s'approcha de Thomas, assis dans l'herbe à regarder les ruines fumantes.
-Voilà une bonne chose de faite.
-Tu te fiches de moi j'espère, répondit Tom d'un ton cinglant.
-Hein ?
-Je viens de tuer un Pokémon et toi, tout ce que tu trouves à dire c'est ça ?
Maxime fronça les sourcils.
-Pauvre tâche, si tu l'avais pas tué on serait plus là pour en parler !
-Je sais… Ca n'empêche que j'ai tué un Pokémon.
Léon approcha.
-Tu sais, ce n'était pas vraiment un Pokém…
-Toi la ferme.
Tom se leva et se dirigea vers l'endroit où tous étaient regroupés. Félix le vit et ne dit rien ce qui obligea le garçon à prendre la parole en premier :
-Je suppose qu'il va y avoir un bon debriefing maintenant… Une réunion à laquelle je ne pourrai pas échapper…
-Exact, répondit Félix. Juste le temps que la police arrive et emmène ces types et on va tous au village de Samante parler de cette opération.
Il désigna les prisonniers Rockets du menton. Thomas les observa et fut étonné de voir que Wilson était lui aussi ligoté.
-Pourquoi vous le faites prisonnier lui aussi ?
-Ca paraît évident non ? C'est un Rocket, qui plus est un des plus gradés que l'on ait capturé.
-Il nous a permis de combattre le Mégamorph ! Sans lui on serait pas là !
-Peut-être mais ça reste un Rocket, c'est ainsi.
Wilson avait vu le regard de Tom. Il s'approcha de lui, poings liés.
-Hey petit, fait pas cette tête là ! On est ennemi, n'oublie pas.
Le garçon serra les dents.
-Traite-moi de tapette si tu le veux, mais je ne vois qu'un autre humain devant moi. Qui plus est, quelqu'un qui a sauvé la vie à de nombreuses personnes.
Wilson parut troublé l'espace d'un instant, puis il répondit :
-Tss, tss, j'ai d'abord sauvé ma peau. Je préfère quelques années en taule que finir six pieds sous terre. Hep, tu veux un conseil ?
-Dis toujours…
-T'es bien trop sensible et censé pour être là. Oublie les Rockets, oublie les Antis, vis ta vie paisiblement, d'autres ont certainement moins à perdre que toi.
De ses deux mains liées il montra Razor, Félix, Léon et tous les autres Antis puis reprit :
-Pour ces gars là, être Anti c'est leur vie, mais pas toi. T'as fait ton boulot gamin, restes-en là.
-Tu as certainement raison…
Des Antis poussèrent Wilson et le firent se remettre dans le groupe des prisonniers.
Bientôt la police arrivera. Dans leurs camionnettes bleues, ils entasseront les Rockets, Wilson fera un clin d'œil à Tom. Puis tout ce cortège repartira rassasié de tous ces prisonniers que les camions auront avalés. Ensuite, les Antis rentreront à Samante. Ils s'installeront tous et les trois ''chefs'' feront le résumé de l'opération. Une grande réussite, quelques Rockets morts, tués par le Mégamorph, seulement des blessés chez les Antis. Tout le monde sera d'avis que tout s'est passé pour le mieux et tous ces hommes qui ont risqués leur vie se féliciteront en poussant des rires gras et en se tapant fortement l'épaule, comme pour prouver une virilité qui n'existe peut-être pas. Ils se congratuleront, oublieront que des hommes sont mort, laissant des familles seules et désarmées. Mais qu'importe, les Rockets savaient à quoi s'attendre avec leur travail et de toute façon, c'est la guerre. Oui c'est la guerre, cette chose inventée par les humains, pour les humains, contre les humains. D'aucuns disent que c'est la guerre qui apporte le progrès, Tom ne voit en elle que destruction. Soit, cette opération n'était pas un massacre, mais elle reproduisit bien le sentiment d'un champ de bataille à l'échelle miniature.
Les congratulations continueront, on ne tardera pas à vanter les mérites de ces trois jeunes gens, Maxime, Thomas et Razor, ces héros qui ont risqué beaucoup pour l'organisation. On se demandera d'ailleurs où est passé celui aux cheveux rouges, et d'aucuns diront qu'ils l'ont vu s'en aller discrètement, accompagné par ce type aux cheveux bleus, qui est venu les aider au dernier moment, ce Dark-Crystal. Leur seul plaisir dans cet affrontement n'était que de se battre, pas de se faire remercier… Peut-être est-ce là le meilleur comportement face à … ce qu'ils ont vécu…
Puis Tom et Félix rentreront à Monche-Ville. Arrivés là-bas Félix proposera au garçon de venir boire quelque chose à l'entrepôt. Celui-ci acceptera, pas encore prêt à se montrer à celle qui l'aime, en tout cas pas avant que son esprit digère toutes ces choses.
-Que t'as dit Hannot précisement.
-La vérité.
Tom regardait son verre, le faisait tourner devant lui. Félix, au contraire, le fixait depuis plusieurs minutes, dans l'espoir d'arriver à capter l'attention du garçon qui avait vraisemblablement été choqué par cette série d'épreuve.
-Je ne comprends pas Tom. Tu as déjà vécu des choses fortes. Ce n'est pas toi qui m'as raconté avec un grand sourire comment tu t'étais battu contre le Serpent des Glaces ou comment tu avais aidé à protéger le POPB de Bercy ?
Tom leva les yeux. Ceux-ci étaient étrangement clairs, comme s'il manquait quelque chose à son regard que Félix n'arrivait pas à déterminer. Au bout de quelques secondes de silence, Thomas répondit :
-Lors de ces événements…
Il marqua une pause, semblant chercher ses mots.
-Tout est arrivé sans que je vienne le chercher. Tu vois… Que ce soit le serpent ou bien l'attentat pendant le Pokéfight… je… je n'ai fais que me défendre. Là, j'ai prémédité… et surtout, j'ai tué… Je ne peux te dire ce que je ressens réellement, mais j'ai vu ces Rockets et ces Pokémons morts, j'ai vu cette violence, même si vous, Antis, faites tout pour rester le plus calme et pacifique possible…
-Le Caïd t'a profondément choqué n'est-ce pas ? Rajouta Félix dans l'espoir de revenir au sujet du début.
-Cet homme… Il semblait tellement sûr de lui Félix ! On aurait dit que pour lui, toutes ces horreurs, c'était normal. Mais je refuse ! Je préfère faire la politique de l'autruche mais je refuse tout ça ! Je refuse en bloc ! Je préfère ne pas croire que de tels types existent. Tu l'aurais vu lorsqu'il parlait à son Mégamorph. On aurait dit qu'il parlait à son fils.
-Lorsque tu dis qu'il t'a dit la vérité, que veux tu dire par là ?
De nouveau Tom baissa les yeux et se remit à contempler le verre, maintenant vide.
-Il m'a dit que ce sont les Antis qui ont tué mon père.
Félix pencha la tête en arrière.
-C'est vrai, en effet.
Voyant que Tom ne le coupait pas, il continua.
-Sais-tu pourquoi ton père faisait parti des Antis ?
-…Parce qu'avec toi et euh… un certain Sylvain vous étiez les meilleurs ?
-Les meilleurs quoi ?
-Je sais pas moi ! Les meilleurs dresseurs ?
Félix sourit :
-Sylvaint en effet, était le meilleur dresseur. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi bon de toute ma vie. Même Jack ne lui arrivait pas à la cheville. Mais ton père et surtout moi-même n'étions pas des dresseurs exceptionnels. Si nous avions une place si importante dans l'organisme, c'est parce que j'avais un très bon sens tactique et que ton père avait quelque chose …
-Quelque chose ?
-Quelque chose de spécial. Seul lui pouvait redonner le moral aux Antis, savoir ce qui n'allait pas. Et s'il a été si important au sein de notre groupe, ce n'est pas pour ses exploits contre la Mafia… mais plutôt pour ses actes à l'intérieur même de notre organisation.
Tom fronça les sourcils.
-Pardon ?
-Ton père a "purifié " le groupe des Antis de l'intérieur. A l'époque de nombreux agents doubles, des taupes si tu préfères, de la Mafia Rocket avaient infiltré les Antis. Sans compter les Antis qui avaient été soudoyés par la Mafia. Ton père avait le flair pour trouver les traîtres et s'en débarrasser…
Félix s'empressa de rajouter :
-Enfin, de les envoyer en prison.
-Alors ?
-Alors oui, ce sont des Antis qui l'ont tué, en desserrant les freins de sa voiture. Des Antis achetés par les Rockets. Peut-on dire que ce sont des Rockets ? Des Antis ? J'ai préféré ne pas t'en parler… je suis désolé. Ta mère avait raison, je n'aurais rien du te dire, jamais rien du te dire, toute cette histoire est trop compliquée.
Thomas posa enfin son verre et regarda Félix droit dans les yeux. Les traits du garçon étaient tirés, certainement dû à l'anxiété qui le parcourait.
-Félix, y a-t-il encore des choses que j'ignore sur mon père ?
Spliffman ferma les yeux.
-La vrai question c'est de savoir si tu es prêt à tout savoir.
-C'est mon droit ! C'est mon père ! J'ai le droit de savoir ce que je veux sur lui ! Tout autant que toi ! Voire plus ! J'accepte les conséquences. De toute façon, désormais plus rien ne me fera travailler pour les Antis.
-Dans ce cas Marc-Junior, suis-moi.
Ils se levèrent, Tom suivant Félix. Celui-ci traversa le couloir qui menait de la grande salle de l'entrepôt à la petite pièce où Félix avait mis sa télévision. Spliffman s'approcha d'un mur, près d'un tableau de nature morte. Il s'arrêta soudainement.
-Cela reste entre nous.
Il tira le tableau et le décrocha. Derrière le cadre, le mur était légèrement enfoncé et une poignée était apparente. Félix la tourna et remis le tableau. Il y eut un click puis un bruit de cylindre et, contre toute attente, une partie du mur s'enfonça dans le sol, faisant office de porte. Félix y entra, Tom le suivit. Derrière eux, le mur remonta dans le même bruit. Les deux hommes marchèrent dans un couloir assez sombre qui menait sous une unique porte à gauche. Félix l'ouvrit et déboucha dans une pièce plongée dans le noir. Il ferma la porte lorsque Tom la franchit.
-On est où ?
Un bruit léger accompagna l'arrivée subite de lumière dans la salle. Tom la regarda, ébahi.
-On dirait une bibliothèque.
-Je te présente la bibliothèque de Marc Bratin, fit Félix avec un demi sourire.
Tom déambulait dans la salle assez grande.
-Mon père a écrit tout ça ?
-Non, répondit Spliffman en riant. La majorité de ces livres lui servait de documentation. Mais il y en a quelques uns qu'il a écrits.
-De la documentation ? Mais sur quoi ?
-Sur beaucoup de choses. Sur les Pokémons, l'histoire, des légendes de différents pays, et surtout sur ta famille.
Tom se gratta la nuque.
-Mais quel besoin de savoir des trucs sur ma famille ?
Il prit par hasard un livre sur une étagère et le sortit. Il faillit tomber en lisant le titre.
" Famille Bartine, 1150-1350 "
-Fiou, j'ai eu peur, j'ai cru que y avait marqué Bratin.
Félix ne pu s'empêcher de rire.
-Au fil des siècles le nom des familles se modifie peu à peu. Mais c'est bien l'histoire de ta famille que tu tiens dans tes mains.
-Ouah ! Mais… une famille qui existe depuis tellement longtemps, c'est rare !
-Exact.
-Quel est l'intérêt d'accumuler tout ça ? Mon père voulait faire un supra arbre généalogique ou quoi ?
Il remet le livre dans son emplacement.
-Pfff, je me fiche du passé de toute façon. Je préfère me tourner vers l'avenir moi. On avance pas en regardant par derrière.
Son regard croisa un livre plus épais et plus vieux que les autre, dont la tranche indiquait " Alaok, légendes et vérités "
-Pfff…. Mon père était un vrai psychopathe. Bon Félix, je vais y aller.
-Tu … ne veux pas même observer tout ça un peu plus en détail ?
-Je t'ai dis que je m'en fiche.
-Ton père avait découvert des livres traçant l'existence de Pokémons légendaires.
-S'il voulait trouver un Pokémon pour être immortel c'est raté, ironisa Thomas.
-Il n'en était pas loin, fit Félix dans un murmure.
-Hein ?
Tom n'avait pas bien entendu, du moins il n'était pas sur d'avoir tout compris.
-Enfin bon, j'y vais.
Quelques instants plus tard Tom quittait l'entrepôt.
-N'oublie pas, rappela Félix, si tu veux faire des recherches ne serait ce que pour tes études. Ton père a créé une vraie mine d'or !
-Ouais ouais, répondit Tom, peu convaincu. Ma première préoccupation pour l'instant c'est de retrouver celle que j'aime le plus rapidement possible. Allez, salut Spliff.-Bye Marc-Junior.