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Les Arcanes de l'Aube de Domino



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» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 29/06/2009 à 03:15
» Dernière mise à jour le 29/06/2009 à 16:34

» Mots-clés :   Action   Aventure   Présence de poké-humains   Région inventée

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1-2 : Flimini
Hop. Réveil. J'ai bien dormi ! Je regarde autour de moi. Petite cellule royale, verte et petite. Le Cradopaud est à côté de moi, toujours inconscient. Je suis content, il m'avait l'air plutôt sympathique, ça m'aurait déplu qu'il ait des problèmes par ma faute. Si on est dans la même cellule, c'est soit qu'on n'est pas un danger pour eux, soit qu'ils n'ont plus de place et qu'ils vont nous exécuter ensemble. Ca s'annonce amusant dans les deux cas !

Je m'appelle Flimini. Je suis un Papilord de la grande Ruche à Fruits à l'ouest de la cité de Floreole. Au vu de mon attitude désinvolte de tout à l'heure, on pourrait penser que je suis un rebelle, une sorte d'anticonformiste, un vagabond. Il n'en est rien, je suis porteur de fruits pour le compte des Cheniselle de la Ruche. Un serveur, voilà. Un vulgaire serviteur au service d'une bande de femelles avides et d'insectes sans-gêne. Voilà ma vie.

Notre Ruche est une immense balle ambrée, faite de papier mâché, de sève d'arbre et de bois. Elle comprend de nombreux insectes amateurs de fruits, de miel et autres sécrétions sucrées que nous seuls Papilord savons confectionner. Nous avons de nombreux habitants, notamment les Cheniti, Cheniselle et Papilord. Les Cheniti sont insouciants et passent leur temps à manger. J'étais content d'être l'un d'entre eux. A l'âge de 12 ans toutefois j'ai été contraint à l'évolution, comme cela se fait chez nous. Les femelles deviennent des Cheniselle choyées, admirées, nourries, logées… Et les Papilord deviennent des esclaves. Oui, tout simplement. Notre rôle se cantonne à sortir et à ramener de quoi manger à ces bécasses. De temps en temps elles veulent qu'on fasse des bébés. C'est ennuyeux et long, et il n'y a qu'elles qui s'amusent (En tout cas ça semble follement les distraire). On est les larbins de tout le monde, on gave les Scarhino qui en échange nous protègent, on gave les Chenipan qui nous enguirlandent quand on revient trop tard, les Chenipotte nous menacent (Et être menacé par un Chenipotte, c'est quand même la honte), les Muciole et Lumivole viennent se draguer chez nous, les Charmillon sont des clients appréciables mais les Papinox sont imbuvables, grossiers, cracheurs et parfois crus. Les mâles n'hésitent pas parfois à ricaner avec des femelles de petite vertu alors même qu'on les nourrit. Le tout en rotant, hurlant, encrassant le sol et les murs… et devinez à qui revient la charge du nettoyage ?

Bref ce n'est pas une vie. Comme tous les Pokémon nous sommes élevés dans l'expectative de notre vie future mais franchement personne ne mérite de vivre comme ça. En lisant des histoires aux Cheniselle (C'est un de leurs nombreux caprices… Mais je préfère ça à les laver.) j'ai découvert un étrange concept. Une idée assez farfelue, du moins cette seule idée faisait rire les Cheniselle qui n'y croyaient pas vraiment. Mais que penser des opinions de Pokémon dont le passe temps consiste à s'habiller de façon différente puis à s'admirer des heures durant… Cette idée c'était que n'importe qui n'est personne sans une addition. Et cette addition est appelée « Ami ». Un ami est une personne qui est là pour vous, qui fait de vous une personne importante pour lui. Cette idée me plaisait, mais les autres Papilord n'y croyaient pas du tout. Quand aux autres insectes… Bah, ils ne pensent qu'à manger.

Tout humain que j'étais, j'étais aussi fortement Pokémon, et j'avais donc une certaine détermination dans chacun de mes actes. Lors d'un accouplement rituel, j'ai tenté de devenir ami avec une Cheniselle. Ce fut infâme. Elle a commencé à m'utiliser pour aller lui chercher du rabe de fruits, porter ses achats, s'accoupler sans faire de bébés (Une pratique très, très mal vue par les instances supérieures de la Ruche), exécuter ses quatre volontés… Un enfer ! J'ai cessé rapidement cette « amitié » ridicule, parce que ce n'est décemment pas ce que décrivaient les ouvrages.

Je savais que ce que je cherchais était simple comme respirer mais rare comme la vie. J'avais fini par abandonner les recherches au sein de mon nid, les esprits y étant trop étroits. Jamais je n'aurais pensé trouver une personne comme ça durant cette stupide cérémonie des saisons.

Quand je suis arrivé en volant avec les autres Papilord, je devais transporter une Cheniselle - Ces corvées sont franchement lourdes, et c'est pas peu de le dire ce coup-ci - et sur le chemin nous ne parlions pas entre nous, les Papilord. Les Cheniselle s'échangeaient des banalités, et j'ai de plus en plus l'impression désormais que l'amitié, pour une femelle, c'est trouvé une autre femelle assez bien pour qu'on lui raconte les bêtises qu'on a trouvé à dire. C'est une espèce de système bizarre que personnellement je trouve bien pauvre : Quid de cette complicité qu'on évoque dans les romans ? Je ne la retrouve pas en elles. Arrivé là bas, je me suis vite détaché de l'attroupement des femelles, comme d'autres mâles qui en profitaient pour dépenser leurs Couronnes auprès des marchands afin d'étancher leurs soifs. J'ai déambulé dans la foule jusqu'à trouver ce Cradopaud isolé. J'ignore exactement pourquoi je me suis mis à ses côtés. « Nous sommes si différents que ça ne peut que coller », me suis-je dis sans croire un mot à ces paroles.

A côté de lui, j'étais plutôt grand et élancé alors que lui était trapu mais musclé. Quand il s'est relevé, j'ai perçu toute sa force et sa fureur. Un véritable animal. Il avait l'air solide. Quelqu'un de solide, justement le genre de personne qui me paraissait tout à fait franche et honnête. Il me semble que ce sont des qualités. Et quand nous avons échangé des regards, j'ai comme perçu que nous avions des points de vue similaires. Ca m'a plu. Et surtout, quand les reines se sont faites attaquer, il a eu le même réflexe que moi. Je l'ai senti à la fois comme un complice et comme un rival. Je me demande s'il l'a perçu ainsi.

Une fois en haut, cette enfant, et ce combat où j'ai ressenti ce besoin inexplicable de protéger Cradopaud, de le sauver de l'attaque ennemie qui aurait pu le faire chuter. D'un coup, lui et moi ne faisions qu'un, nous étions comme unis par une invisible complicité. Je pense que j'ai trouvé, finalement. J'ai trouvé mon addition. Reste à savoir ou ça va nous mener. D'ailleurs le voilà qui se réveille. Il m'aperçoit et esquisse un sourire. En même temps, la porte s'ouvre avant même que nous ayons pu nous parler. Décidément c'est un complot…

Une jeune femme en vert et rouge nous ordonne de nous lever, ce à quoi nous nous tenons. Nous la suivons dans les couloirs. Je regarde mon compagnon d'infortune qui me regarde également, semblant attendre mes réactions. Détendu, je souris. Peu après, il semble détendu aussi. C'est plutôt amusant d'être tous les deux détendus. Parce que seul on en a seulement l'air. A deux ça prend un sens. En face de nous c'est une Femme Massko. Elle est grande et porte un pantalon d'homme, une veste qui couvre son corps, mais un débardeur rouge qui découvre son nombril. A ses bras, des gants lamés. Côté visage, ses grands yeux jaunes lui donnent un air vicieux, elle mâchonne un cure-dents dans sa bouche qui se tord dans un rictus malicieux. Ses cheveux sont verdâtres et elle arbore une belle queue de cheval. Tout porte à croire qu'elle est un soldat de la garde spéciale des Reines. Ses grosses Rangers vertes ne sont pas rassurantes. Un coup ne doit pas être indolore, loin de là. Elle porte aussi les deux queues rituelles à sa ceinture qui trainent derrière elle. Sa démarche respire la guerre, le combat et le professionnalisme. Je ne moufterais pas, ni ne ferais le malin. Sa seule silhouette nous met en garde. A côté, on semble l'avoir compris aussi. Cradopaud ne fait pas la moindre grimace de travers. Ils sont cools ses piercings.

Massko nous emmène jusqu'à la salle du trône, où règne une cacophonie intense entre les reines et leurs conseillers. La salle du trône est sombre, couverte de racines brunes, avec des fontaines par endroits. Ca ressemble à une jungle, c'est très humide, moîte, mais également chaud et rassurant. Ces racines sont probablement celles de l'arbre géant qui orne le palais. Un lustre rempli de Muciole baigne une faible lumière au dessus de nous. J'hésite à me boucher les oreilles, ça pourrait être pris comme une offense. Il faut dire que nos deux Gouvernantes Mégères sont susceptibles. Massko tape du pied et nous annonce. Elle nous fait signe de nous avancer. Ce qu'avec crainte et appréhension nous faisons. Chelarra et Okokobe nous regardent. Je suis assez sensible à la beauté de la Reine Torterra, alors que la Noadkoko me paraît trop lunatique. Et puis c'est Chelarra qui nous a sauvés !

Elles s'adressent à nous.

« Je vous ordonne de décliner sur le champ vos identités ! » crie la reine aux plantureuses cuisses et au manteau vert de très bon goût.

Nous nous regardons, moi et Cradopaud. Il me laisse l'honneur d'un geste de la main.

« Je suis Flimini de la ruche à fruits de l'Ouest. »
« Et moi Geroro du Marais Noir. »

Elles nous considèrent avec une sorte d'étonnement mêlé de mépris. Je ne suis pas dupe qu'aux yeux de deux Pokémon Plante aussi grands et puissants, un Pokémon Poison et un Insecte ne doivent pas peser bien lourd. Par là même j'apprends le nom de mon complice, ce qui me réchauffe le cœur. C'est toujours mieux de savoir le nom de la personne qui semble vous comprendre.

« Vous avez brisé la règle qui interdit toute intervention durant la cérémonie ! » crie Okokobe, parlant avec ses trois visages en même temps. J'ignorais que ses masques pouvaient parler.

« Cependant, par là même, vous avez peut-être sauvé nos vies ! » annonce Chelarra comme si cela était un argument qui allait en notre faveur plutôt que d'aller de soi.

Je levais la main pour demander audience. Bénis soient les cours de diplomatie nationale. A la Ruche à fruits, seules les dames en reçoivent pour fréquenter le grand monde, mais vous vous douter qu'en limant des ongles de pieds, on préfère écouter des cours barbants que de se concentrer. Chelarra m'accorde la parole.

« Qu'en est-il de l'ennemi que nous avons affronté ? »
« Elle est en ce moment à l'interrogatoire. Nous la torturons pour en tirer des informations. Nous n'avons eu que son nom : Uhul »

Geroro ferme les yeux, dépité à première vue. Je m'en doutais un peu aussi. C'est triste de faire ça à une petite fille. Les reines se regardent. Okokobe se lève.

« Geroro, Flimini ! Nous devons vous punir pour votre parfaite insolence à notre égard. »

Geroro hocha la tête. Il s'y attendait. Je ne peux pas dire que personnellement je n'avais pas envisagé cet état de fait lors de notre ascension vers Uhul mais… La moindre des choses quand on aide ses Reine, c'est au moins un minimum de reconnaissance.

« Cependant nous avons également conscience que votre acte n'avait pour seul but que le fait de nous sauver, nous, vos adorables Reines. »

Elle peut se vanter tant qu'elle veut, le seul fait qu'elles en aient conscience, personnellement, me réjouit ! Je n'ai franchement pas envie de mourir ! Alors oui, vous êtes belles, grandes, incroyables…

« Nous vous intégrons donc au corps expéditionnaire envoyé en Nation du Métal pour faire la lumière sur cette attaque. »

… Ah ouais. Geroro a un coassement de peur, et moi involontairement je sors mes ailes, par réflexe. A mes côtés, Massko semble méfiante, mais je la rassure en les remballant dans mon dos immédiatement.

« Il est apparu clair que nous ne pouvions pas ignorer cette attaque. Le seul moyen d'avoir la lumière sur les évènements est d'envoyer de façon diplomatique une assemblée de jeunes gens. Vous irez avec Evelia. »

La Massko qui nous a accompagnés de notre cellule à ici se prosterne devant les reines.

« Ainsi qu'avec deux soldats, Hatlow et Kué. »

Deux enfants arrivèrent. Hatlow est un Granipiot, enfant dans un ensemble beige et marron portant un grand chapeau gris. Kué est un Nénupiot, adolescente dans un kimono bleu et vert, avec sur la tête un petit chapeau conique vert posé sur des cheveux bleus. Geroro, m'imitant, lève la main pour demander à parler.

« Oui ? »
« Des… enfants ? »
« Oui des enfants, pourquoi ? Ah et nous avons pensé à tout. En cas d'attaque, vous allez être rejoints par un soldat de la Nation du Feu. »

Nous écarquillons les yeux. C'est particulièrement étonnant, il faut bien le dire. Tant de précautions, c'est assez impressionnant pour être signalé. Nos Reines auraient un sens commun ?

« Vous irez l'approcher à la porte de la ville où il vous attend. »

Nous avons compris la même chose Geroro et moi : Le départ, c'est maintenant.

Sur le chemin menant à la sortie de Floreole, nous sommes escortés par Evelia devant nous et les deux enfants soldats derrière. Je porte des regards insistants à Geroro qui me regarde aussi. On n'ose pas trop se parler en fait.

« Salut ! »
« Salut… Geroro c'est ça ? »
« Voilà ! Et toi c'est Fil… Fimi… »
« Flimini ! »
« Ouais… J'vais m'y faire. »
« C'est plus difficile à prononcer qu'à écrire. »
« Je me doute. »
« Donc… Tu es un Cradopaud, alors… »
« Un guerrier Cradopaud, oui. »
« Ah un guerrier, carrément… Je suis simple serveur ! »

Geroro fit des yeux ronds.

« Simple serveur ?! Tu t'es battu comme un chef en haut de cet immeuble ! »
« C'est simplement l'art du combat tel qu'on l'apprend à la Ruche à Fruits ! On est les seuls à défendre alors bon… »
« Ahe-hem !! »

Nous nous tournions vers Evelia, visiblement furieuse.

« Vous vous connaissiez avant ? »

Regards interloqués entre nous.

« Non… »
« Pas vraiment, non… »
« Alors cessez de parler entre vous ! Je commence à penser que vous complotez. »
« On ne fait que discuter ! » rétorque Geroro avec un certain courage.
« Oui, ça n'a rien d'un… complot ! » me permis-je d'ajouter, porté par l'audace de mon ami.
« Qu'importe, cessez de parler ainsi, c'est très suspect ! Vous n'êtes pas de la même espèce, vous n'êtes pas censés vous parler de façon aussi peu formelle. »

Etonnés, nous nous regardions, surpris du discours de la Massko.

« Tu as quel âge ? »
« Vingt-deux et toi ? »
« Vingt-six »

Evelia se retourna, furieuse. Nous la regardons, innocemment. C'est assez amusant comme elle semble accusatrice alors que ce que nous faisons est simple et absolument anodin.

« Ta reine préférée ? »

Je regarde Geroro, souriant.

« Chelarra ! »
« Ah non ! Okokobe est bien plus jolie ! »
« Je ne trouve pas non… »
« COMMENT OSEZ-VOUS ??? »

Nous regardons Evelia, surpris.

« Comment osez-vous préférer une Reine à l'autre ? Ce sont NOS Reines, il est strictement interdit de les dissocier de la sorte ! Vous leur devez respect et obéissance !! De vulgaires Pokémon de votre sous-rang ne devraient même pas avoir le droit de prononcer leurs noms de façon aussi triviale !! Vous subissez un châtiment ! Vous comprenez ? Vous êtes PUNIS ! Vous avez commis une faute grave ! »

Nouveau regard interloqué entre nous. Ces petits regards nous rapprochent encore plus : Qui est plus sur la même longueur d'onde que ceux qui partagent le même avis à propos des broutilles politiques ? Donc oui, on trouve ça débile tous les deux. Et c'est franchement amusant. On ne rit pas mais intérieurement on se bidonne bien de la docilité de cette Evelia vis-à-vis du pouvoir en place. Et on voulait, mais c'aurait été pousser le bouchon, mais on voulait tous les deux sûrement lui demander « Eh, et toi c'est qui ta reine préférée ? »

A la seule idée je dois retenir un éclat de rire. Résultat, tout le monde me regarde, intrigué. Je tente de retrouver la Contenance, sentiment emblématique de la Nation. On peut être politiquement à l'ouest et très patriote.

La marche est longue. Elle attire l'attention des badauds. Geroro soupire, je comprends pourquoi. Les gens nous observent parce que nous sommes un groupe de Pokémon de types différents. Ca doit expliquer la gêne d'Evelia à notre égard. Et c'est pas peu de le dire. Elle semble carrément sur le point de nous égorger. Bon, ne parlons pas alors, si ça lui plait comme ça.

Derrière nous, les deux enfants soldats semblent conscients que nous ne les garderons pas éternellement avec nous, de gré ou de force. J'ai comme le sentiment qu'Evelia ne fera rien pour les protéger non plus. Ce sont des boulets, envoyés pour faire bien. C'est désolant qu'une nation qui se prétende grande se permette d'envoyer des soldats si jeunes. Mais bon c'est l'époque qui veut ça.

Les rues de Floreole sont dans une certaine confusion. Nous sommes au début de l'après-midi. Traditionnellement la cérémonie des Saisons est suivie d'une fête mais visiblement l'attaque d'Uhul a chamboulé les plans de la journée. Je ne reverrais pas la Ruche avant un bout de temps. Ca va me changer un peu les idées. Et c'est l'occasion inespérée de faire plus ample connaissance avec Geroro. Enfin, si cette Massko grincheuse se décide à nous laisser parler.

En tout cas il fait très beau. Bon. Ca n'empêche que je sens que bientôt nous aurons d'autres préoccupations. J'ignore si j'ai récupéré toute ma puissance, ça paraît difficile de jauger comme ça sans rien.

Nous arrivons aux portes de la ville qui sont aussi les portes vers l'escalier qui permet de descendre de l'enclave où se trouve la nation du feu. Une enclave bien cachée. J'imagine que le seigneur Vivitelios a donné à son envoyé les moyens d'entrer s'il est juste à la sortie de la ville. C'est effrayant de savoir qu'un soldat du feu est à notre porte. J'ai presque envie de taquiner Evelia avec ça. Bizarrement, nos silences créent aussi une relation avec elle. Elle est distante, mais quelque part j'ai l'impression qu'on pourra compter sur elle. Peut-être. Enfin c'est même plus que probable. Et si j'essayais de lui parler ?

« Tu vis ici, Evelia ? »

Elle ne daigne pas me répondre. Geroro me regarde comme si je tentais quelque chose d'impossible. Mais je veux quand même essayer.

« Evelia, est-ce que tu habites Floreole ? »

Pas de réponse, toujours.

« Tu pour… »

Lame Feuille. Les feuilles accrochées au gant du bras s'unissent, s'illuminent, s'agrandissent. En un instant, c'est une arme.
Son attaque s'arrête juste près de mon cou. Je me suis immobilisé au moment ou je l'ai vu s'agiter. Geroro me regarde, affolé. Les deux fantoches se figent, respectueux. Et moi, menacé par celle qui est censée nous escorter. Soudain, elle recule d'un pas et vomit. Je regarde en bas. Geroro l'a frappée au ventre d'un Direct Toxik.

« … Coup porté sur un soldat de la garde ! Ce sera répété !! Tu iras croupir en prison ! »
« J'ai cru que tu allais le tuer ! »
« Je vous interdis formellement de prononcer le moindre mot ! Toutes les missions de corps expéditionnaire se déroulent comme ça ! On se tait, et on avance ! »
« Ca ne me plait pas ! »

Evelia me regarda comme si j'étais devenu fou. Mais non j'étais tout à fait droit dans mes bottines ! Je ne voulais pas que ça se passe ainsi. Si on me forçait, moi et Geroro à faire quelque chose qui certes nous intéresse au plus haut point, mais n'est pas de notre initiative, autant que cela se passe dans nos conditions à nous.

« Pardon ??? » demande la Massko éberluée devant mon outrecuidance.
« C'est grâce à moi et à Geroro que cette mission a lieu. Nous avons sauvé les Reines d'une attaque, j'estime que c'est à nous de diriger cette unité et que c'est à nous que revient le droit d'établir des règles ! »
« Pas faux », admet Geroro.
« Tout d'abord : On a le droit de parler ! »
« Bien dit ! »
« Ensuite, les deux enfants soldats partent ! »

Mais ils ne bougèrent pas. J'avais lancé ça quelque peu en désespoir de cause, mais à mon avis ils se sont préparés à mourir. Et quand bien même, retourner au château serait un déshonneur total pour eux et envers les Reines.

Quel monde.

« … Bon tant pis, et maintenant Evelia tu vas nous dire d'où tu viens ! »

Elle resta interdite, dépassée par les évènements. Et moi j'étais très amusé d'avoir tout d'un coup le contrôle d'une situation qui jusque là m'échappait complètement. Geroro nous observe successivement, Evelia et moi. Elle consent enfin à répondre ce qui m'étonne, mais elle la première sûrement.

« Je… viens de la Cité Arboricole de Luté. »

Je hoche la tête, satisfait.

« Bon. Et maintenant on marche jusqu'à la porte et on salue chaleureusement ce soldat du feu. »

La drôlerie de ce que je venais de dire ne me percuta pas tout de suite, mais elle n'échappa pas à Geroro qui ricana. Réalisant ce que je venais de dire, je ris aussi. Evelia sembla furieuse, humiliée. En effet, les passants nous regardaient comme si nous étions en train de faire un spectacle de rue. Et surtout ça devait être quelque peu humiliant pour Evelia de se faire rembarrer par des élémentaires inférieurs. Nous reprenons le chemin, un pas plus guilleret que tout à l'heure.

On nous ouvre les portes gigantesques, de bois, vertes, protectrices. Les Bouldeneu qui les gardent sont de grands tas de nœuds sur pattes. C'est terrible de voir qu'en se mélangeant à l'homme, on a fait de ceux que nous étions de vulgaires esclaves.

C'est entre autre ce qui me fait dire que ce monde va de travers.

Derrière la porte nous attend un gamin, un enfant, encore. Quelle infamie.

« Bonjour ! Je suis Chowg ! Enchanté ! »

Le Caninos, un gamin en veste et short orange et noir, semble être un drôle d'animal. Evelia est une fois de plus désarçonnée par la simplicité sociale du gamin. Il nous serre la main successivement. Ses mains étaient couvertes par des mitaines oranges rayées de noir, ce qui semble être une constante chez lui. Il a des cheveux blancs et des petites oreilles sur le sommet du crâne. Sous sa chemise, un t-shirt blanc. Il semble tout à fait avenant malgré ses crocs bien marqués et son regard bleu perçant.

« La Nation du Feu m'envoie comme renfort dans votre mission diplomatique ! Je suis honoré de vous accompagner. J'espère que nous ferons un bon voyage ! »

Evelia le regarde, surprise. Chowg semble soupçonneux.

« T'es muette ? »
« … »
« Elle ne parle pas, c'est interdit selon elle ! » répond Geroro.
« Je n'ai pas dit ça !! » grommèle la Massko.

Chowg claqua des doigts.

« C'est vrai ! Maître Vivitelios nous avait expliqué que la plupart des Nations n'autorisent que des contacts très formels dans leurs unités… »
« T… Tout à fait ! » dit Evelia avec aplomb. « C'est ce que je m'évertue à leur expliquer, mais… »
« C'est loin de se passer comme ça avec les cités de la Nation du Feu. Une grande et belle nation comme la notre se réjouit de faire de nouveaux contacts ! Notre maître dit toujours : Le silence est une belle parole mais la parole unit les silences ! »
« J'adhère ! » souris-je.
« Moi aussi, complètement ! » admet Geroro.
« M… Mais… Nous sommes un corps expéditionnaire diplomatique !! »
« Et alors ? »
« Nous devons coopérer dans la plus grande formalité ! D'autant que… Nous devons respecter la hiérarchie des sangs ! »
« C'est quoi cette foutaise ? »

Il est exotique ce petit, j'aime bien moi !

« COMMENT OSES-TU INSULTER LES SAINTES REGLES ?! »
« Nous, chez nous, on est tous égaux, on s'entend tous très bien ! »
« Vous n'avez qu'une seule race, les Elémentaires feu ! Chez nous, les Pokémon Plante sont au dessus des Poison et des Insecte ! »
« … C'est plutôt bête, les Pokémon Poison et Insecte vous surpassent d'un point de vue élémentaire ! »

Evelia rougit, furieuse. Moi et Geroro sommes plutôt amusés.

« Quelle insolence ! »
« En plus si la race Plante est si supérieure, pourquoi ce sont des Bouldeneu qui gardent vos portes ? Vous devriez déléguer cette tâche aux Insectes et Poisons ! »
« La garde de nos frontières est une tache si importante qu'elle ne requiert rien d'autre que l'honneur et la Contenance des Pokémon les plus nobles de la Nation du Bois : Les Pokémon Plante. C'est la Règle Trente-Sept du Code Hiérarchique du Bois. »

Chowg regarde Evelia, pour ainsi dire atterré.

« Et sinon, les gars, vous faites quoi avec cette nana ? »
« On est punis pour avoir sauvé la vie des Reines. » répondis-je.
« Nous avons désobéi à une des règles en bougeant pendant la cérémonie des saisons » continue Geroro.
« C'est la fête chez vous à ce que je vois ! » poursuit Chowg.
« … NE M'APPELLE PAS NANA !!! » grommèle Evelia.

Elle tente de le frapper mais il esquive avec calme.

« Essaie de m'attaquer. Mais ne viens pas te plaindre si je te frappe en retour. »

Il enflamme sa main, ce qui nous fait tous reculer. Sauf Evelia qui lui fonce dessus et lui donne un coup de pied en plein ventre. Elle regarde Chowg de haut.

« Toi, n'oublie pas qui sont tes supérieurs. Nous sommes un convoi diplomatique en mission pour la Nation du Bois, tu es juste là pour nous protéger ! »
« … D'accord… » répond Chowg.
« Bon. Et ça vaut aussi pour vous d… EH !! »

Oui nous avons choisi de continuer à avancer pour fuir cette mauvaise ambiance. Moi, les Massko qui font Vive-Attaque pour se faire respecter, ça me fait peur à chaque fois.

« QUI VOUS A PERMIS D'AVANCER ??? »
« Les Reines nous on dit d'avancer, on avance ! » rétorque Geroro.
« Ouais, ras le bol de vos chamailleries ! En plus il doit y avoir une règle contre ça, non ? » souris-je, sous le regard amusé de mon camarade toxique.

Evelia pousse un grognement dans lequel seul Chowg peut entendre « Evidemment crétin c'est pour ça qu'on n'est pas censés parler !! »

Chowg et Evelia nous rejoignent, et c'est avec une certaine joie que notre petit groupe de six continue sa route. Et ça s'annonçait vraiment comme un vrai bon voyage…

« CA SUFFIT DE PARLER DEVANT ! »

…enfin, si Evelia se calme.