Smirnoff de Domino

« Jusqu'ici sur terre un homme pouvait être
Blanc ou noir, ou rouge, ou jaune et puis c'est tout
Mais une autre race est en train d'apparaître
C'est les Zazous, c'est les Zazous »
Eglise d'Unionpolis.
Faut-il nous quitter sans espoir,
Sans espoir de retour,
Faut-il nous quitter sans espoir
De nous revoir un jour
La chorale chantait « Le Chant des Adieux » pour l'enterrement de l'épouse d'un notable.
Ce n'est qu'un au revoir, mes frères
Ce n'est qu'un au revoir
Oui, nous nous reverrons, mes frères,
Ce n'est qu'un au revoir
Tout le monde s'assit. La famille était en pleurs. Norbert garda l'air impassible que les enfants de chœur devaient garder en telle situation. Il eut un regard pour son père, coiffé « à la dure » et à ses côtés, une femme aux cheveux blonds frisés qui tenait un chapelet. Norbert sourit et sa mère n'avait d'yeux que pour la statue d'Arceus au fond de l'église.

La famille Finsbury entra dans la voiture.
-C'était magnifique, Fiston.
-Oh oui, c'était très bien mon chéri.
-Merci…
-Lothaire, ouvre ta fenêtre, on embaume…
-Ca va, Isa… Et évite de m'appeler par mon prénom, ça me gêne, tu le sais.
En fait ils avaient tous les deux des noms à coucher dehors : Lui, Lothaire, préférait se faire appeler « Lo », « Laurent » ou même Harrison, son second prénom. Et elle, Isaline, aimait son prénom. C'est lui qui n'aimait pas trop et préférait l'appeler Isa.
Norbert, seul veinard à avoir été nommé selon le calendrier et le saint qui lui était accordé (6 juin), regarda par la vitre et aperçut un autre choriste de ses amis, Tony. Il le salua et eut droit à un salut en retour. Lorsque son attention se focalisa de nouveau vers ses parents…
-Mais j'en sais rien d'où tu les as mises !
-T'es vraiment incroyable, Lothaire, tu sais réconcilier deux populations en colère, proclamer des accords de paix mais trouver les clés de ta voiture…
-Ca va, ça va !! Tu vas pas recommencer !
Norbert regarda la veste de son père qu'il avait posé sur la banquette arrière. Il fouilla une poche et sortit les clés. Ses parents le regardèrent.
-C'est pas la peine de vous disputer, elles sont toujours au même endroit ! Sourit l'adolescent blond.
Le couple se regarda, encore pris à son propre jeu.
-Décidément…
-Heureusement que tu es là, mon petit Norbert… Souffla Isaline.
-Je suis grand, maman !
-Oui mais tu resteras toujours mon petit Norbert !
Le père de Norbert regarda la route et démarra, l'air sévère.

-Un diner ?!
Etienne mangeait avec Kenneth.
-Ouais. C'est ce qui se fait entre gens civilisés…
Kenneth sourit et hocha la tête.
-Tu vas diner avec le doyen… Qui disait « Les doyens c'est tous des porcs » ?
-C'en est… Mais pas lui. C'est un type bien. Et je compte bien faire en sorte qu'il reste mon ami.
-Pourquoi tu ne cherches pas des amis parmi tes collègues ?
-Mes collègues sont des cons. Le prof d'apprentissage technique est pédophile, le prof de sport est chef scout, la prof d'élevage est une nympho…
-Aux seins très bien exposés…
-Pas ces derniers temps… Bref ils sont ridicules. La prof de fondamentaux couche avec tout le personnel enseignant…
-Sauf toi !
-J'ai un vaccin, moi.
-Linda ?
-Non ! Anti-Viol 3000 ! Nouveau système de sécurité ! Electrifié et tout le bazar !
-Laisse-moi deviner Etienne… Si on attrape la queue, elle se détache, comme un lézard ?
-Tu deviens graveleux.
-Etienne, les administratifs sont pires que les profs. Leurs secrets à eux sont enfouis bien plus profondément.
-Oh, et quoi après ?
-Tu sais par exemple que Jonathan Ludges, le proviseur adjoint et responsable du service informatique, a fait de la prison ?
-Ca se voit rien qu'à sa gueule…
-Et tu sais peut-être que Lindbergh Winchester dit « Linus » était avocat…
-C'est marrant qu'il préfère se faire appeler Linus…
-Bref, Norbert n'est pas parfait non plus ! Il a forcément un gros défaut qui va te déplaire.
-S'il met des chaussettes vertes je l'étrange sur la table du restaurant, l'esclandre que ça va faire…
-Il y a pire que de mettre des chaussettes vertes, Etienne…
-Et quoi ?
Linda arriva furieuse. Etienne et Kenneth la regardèrent.
-Bon. Les garçons, jusque là j'ai été TRES PATIENTE. Mais il va falloir me dire QUI m'envoie des cadeaux en douce !!!
Etienne regarda Kenneth.
-C'est pas les habitudes de la maison… Marmonna Etienne.
-…Et Miranda serait terriblement jalouse ! Admit Kenneth.
-En quoi ça t'embête ?! S'étonna Etienne.
-Ca devient quotidien !! Je n'en peux plus ! C'est moralement lourd !
-On offre des cadeaux à une femme, appelez le FBI !! Geignit Etienne.
Un Nirondelle arriva par la lucarne au dessus de la porte de la cantine et apporta une rose à Linda. Les autres profs sifflèrent.
-Ouh bordel… Murmura Linda.
-C'est adorable ! Etienne, dis que c'est toi ! Sourit Kenneth.
-Oui bien sur, et après elle m'épouse. C'est pas parce que le mariage de tes parents est fondé sur un mensonge que ça marche en vrai !
-Quoi, le mariage de mes parents ?!
-Bah oui… Ta mère a dit à ton père qu'elle était jolie intérieurement… Quelle déception ce dut être quand Herr Hermann a découvert que Fräulein Hildegarde regardait trop Papa Schultz !
Kenneth soupira en secouant la tête.
-Les gars…
-Oui Lindie ? Entonnèrent en chœur les deux garçons.
-J'ai peur, moi… J'ai une espèce d'admirateur secret ! C'est très flippant !!
-Et Etienne a un diner. Avec le doyen !
Linda haussa les épaules.
-Je sais. Je vais même devoir manger seule avec les Pokémon à l'appartement. J'ai hâte…
Ils ricanèrent.

Le soir venu, 19h00.
Norbert mit son plus bel ensemble beige.
-Une fleur à ton avis ?
Hippopotas secoua la tête.
-T'as raison… En plus si ça se trouve il n'assume pas... Encore un refoulé de plus, j'aurai bien de la chance…
Il fit très correctement son nœud papillon noir avec un long ruban fin.
-C'est horrible !! Ca me donne un air suffisant !
L'Hippopotas soupira et sortit une cravate marron, un poil plus foncée que la veste.
-Mon petit Floper, tu es un génie. Le meilleur Pokémon qu'un homme qui a un rendez-vous galant puisse avoir.
Le Pokémon sourit d'un air satisfait. Norbert se regarda en souriant dans le miroir.
-Et ma coiffure ?
Hippopotas piétina gentiment le pied de Norbert.
-Parfaite ?! Ok… La raie complètement à droite, c'est peut-être pas…
Hippopotas soupira.
-Ok, ok, ok !! Pas de chichis, j'ai compris. J'espère que tu te sens d'attaque, toi aussi, parce que c'est toi qui m'accompagne.
Floper sembla tout fier.
-Quand je t'emmène, généralement j'ai de la chance. Je ne sais pas si c'est… Tes yeux ou ton petit sourire de jeune premier.
Floper sembla gêné et donna un coup de patte dans le vide.
-Mais si, mais si. La petite Hippopotas de la concierge t'a tapé dans l'œil, on dirait…
Floper sembla rouspéter. Jamais très agréable que votre maître se mêle de vos démêlés sentimentaux.
-Parfum ?!
Floper monta sur le lavabo et désigna le déodorant.
-Non, alors ?
Floper secoua la tête.
-Doux Arceus j'espère que ça va bien se passer…

-Tu vas pas sortir comme ça ?!
Etienne regarda Linda, surpris. Il avait une simple chemise bleue et un pantalon noir.
-Etienne, c'est un rendez-vous professionnel. Tu dois être bien ! C'est ton patron quand même !
-C'est pas professionnel, c'est amical !
-Viens. Une femme va t'apprendre à t'habiller et à te préparer.
-Sœurette, sors de ce corps, vilaine !!
-Quand tu me compares à ta sœur, j'ai toujours très peur, Etienne…

Marcel noir.
Pantalon blanc.
Petite chemise en flanelle.
Lune pleine dans un ciel bleu de chine. Norbert regarda son miroir sur le mur de sa chambre d'adolescent. Miroir caché derrière des affiches de film et des pages de magazines. C'est pas très « viril » d'avoir un miroir dans sa chambre. Il se mit un peu de noir autour des yeux. Il sourit et entreprit sa descente vers la porte de sortie. Il allait sortir lorsque soudain, la lumière de la cuisine s'alluma. Norbert vit son père, une bouteille à la main.
-P…
-Bonsoir fiston. Tu sors ?
Norbert hocha la tête. Son accoutrement n'avait rien de très… Hétérosexuel. En plus ça lui faisait bizarre de voir son père boire en pleine nuit alors qu'il pensait que ce dernier avait perdu cette mauvaise habitude.
-Oui…
-Rentre avant trois heures.
-Bien, papa.
Norbert sortit, peu rassuré. Nul pour faire le mur décidément.

-Ca va ?
Ils se firent la bise. Tony regarda Norbert.
-Ouais… Mon père m'a vu avant que je sorte. Le stress, quoi…
-Je vois. Tu ne leur as toujours pas dit.
-Mes parents sont de fervents témoins… Je peux pas leur dire, ils vont me tuer…
-Tu aimes juste les hommes…
-Et eux ils aiment Arceus. Ils croient que plutôt que Jésus Christ c'est Arceus qui est descendu prêcher la bonne parole ! Tu as lu le Lévitique, toi aussi.
Tony soupira.
-On peut parler d'autre chose que d'homophobie religieuse ?
Norbert saisit la main de Tony.
-Tony, j'ai… Beaucoup réfléchi… A ta proposition.
Ils s'embrassèrent. Trouvant un banc dans cette rue mal famée ou les boîtes et bar gays font légion, ils s'asseyent.
-Alors ?
Norbert hocha la tête.
-Je pense que… Je suis assez amoureux de toi pour… Envisager… Qu'on fasse l'amour.
Tony hocha la tête.
-Super. Tu m'avais dit cent fois que ça te faisait peur… Je pensais que c'était ma faute !
Norbert regarda Tony, un brun aux yeux bleus très bien fait. Choriste aussi, gentil, adorable. Premier flirt de longue durée de Norbert. Ca fait six mois.
-Mais non, Tony, c'est juste que… Je suis un garçon sensible, j'attache de l'importance aux choses innocentes comme importantes. Tu es important et le sexe c'est…
-Innocent ?
-Un jeu. Le sexe c'est un jeu. L'amour c'est plus qu'un jeu. La première fois que je t'ai vu… Tu te changeais. Tu remettais tes affaires. La seule vision de ton dos et après, ton petit sourire narquois… Tout ça m'avait tellement marqué… Ensuite on s'est mieux connus, on a plein de points communs… On a commencé à sortir ensemble, et le sexe ça pourrait tout gâcher…
-C'est du plaisir avant tout. Sans conventions. C'est comme si tu pouvais manger une fraise et que l'effet du goût de la fraise continuait tout le temps.
Norbert sourit, rassuré.

-La table est réservée depuis hier.
-Monsieur Smirnoff… En effet, table 14 !
-Merci bien.
-Et le Pokémon qui vous accompagne est un Capidextre.
-Voilà !
Etienne alla jusqu'à la table. Norbert y était déjà. Etienne tendit une main.
-Je sens qu'on va passer une soirée délicieuse, sourit Etienne.
Norbert serra cette main.
-J'en suis persuadé.
Floper somnolait dans le panier. Erwan s'assit.
-J'ai apporté…
Norbert sortit un paquet et le donna à Etienne. Il défit le ruban et sortit un collier-nœud papillon bleu pour Pokémon.
-Vous y avez pensé ! C'est très gentil de votre part, Norbert. Je ne connaissais pas les goûts de Floper, mais…
Norbert s'étonna.
-Vous aussi… Vous avez pensé à un cadeau uniquement pour le Pokémon ?!
Etienne hocha la tête.
-Pour qui d'autre ? Je suis pas le genre de type qui offre des bagues !
Il tendit une boîte de conserve. Norbert la regarda, intrigué.
-C'est de la nourriture. Boulettes de chocolat fourrées à la baie Oran, Mepo et Sitrus. Recette personnelle. Le Grodoudou de ma colocataire en raffole.
-C'est… Gentil…
-Il peut la manger maintenant, je suppose que vous n'avez pas envie de vous trimballer ça…
Norbert ouvrit la boîte et la posa près de son Hippopotas qui s'en délecta.
-Ouf ! Une bonne chose de faite ! Sourit Etienne. J'appréhendais qu'il n'aime pas.
-Oui… Alors, Etienne. Vous vous plaisez toujours à Doublonville ?
-C'est la ville la plus crasseuse du monde, mais on s'y plait. C'est là tout le charme de ce genre de ville : Ca pue la charogne mais au bout d'un moment vous sentez aussi la charogne, alors ça devient « A Rome, faites comme les roumains ! »
-Romains…
-Non justement, la Roumanie prend le relais, les romains sont tous morts à cause de la puanteur !
Ils ricanèrent.
-Vous avez vraiment un humour spécial !
-J'aime bien rire de blagues spontanées, la vie réelle est si triste.
-Ne m'en parlez pas.
On leur apporta les menus.
-Linus doit vous en faire voir… Reprit le prof.
-Un truc que mon père m'a toujours appris : Si un jour tu travailles pour un ex-avocat, ferme ta grande gueule et bosse ! Soupira Norbert en choisissant sa salade.
-Déjà en doyen il était chiant et rouspéteur. Pour n'importe quoi. Une fois il m'a reproché de transformer un cours de stratégie sur l'opposition des genres en cours sur la reproduction !
Norbert éclata de rire.
-Le pire… Le pire c'est quand je lui ai suggéré une visite à la pension pour avoir des exemples concrets !!
Ils éclatèrent de rire ensemble. Norbert regarda Etienne en souriant.
-Vous êtes vraiment un chic type.
Etienne sourit à son tour.
-Ca me… Fait plaisir que vous me le disiez.
Il se releva car la rigolade l'avait quelque peu éprouvé. Ils passèrent commande.
-Je n'aime pas trop les compliments d'habitude, alors mon entourage m'en fait peu… Je ne sais pas pourquoi, mais avec vous… Ca passe bien. Vous savez y mettre un sens. C'est bien envoyé, au bon moment. Vous avez une gentillesse foncière, quand vous complimentez quelqu'un, vous y allez sincèrement. Ca ne relève pas de la flatterie superflue pour obtenir quelque chose, lança Smirnoff. Vous connaissez la valeur d'un compliment, d'un bon mot…
-C'est juste que…
-J'en déduis que vous avez eu une famille difficile qui vous soutenait peu.
Norbert regarda Etienne, étonné.
-P… Pardon ?!
-Famille très religieuse, surement, ça se voit parce que vous… portez une chaîne en argent. Surement une croix ou une voûte dorée (Un médaillon semblable à l'arche que porte Arceus sur le dos, Ndla)
-Oh, ça, non… Rien à voir…
Norbert sortit le dog-tag qu'il portait autour du cou. Etienne s'étonna.
-Père militaire…
-Diplomate en fait, mais soldat à la base. Je le garde en souvenir.
-Je comprends mieux…
-Vous allez arrêter la lecture psychologique alors ? Je n'aime pas trop qu'on me sonde comme ça…
-Désolé, mauvaise habitude. Je le fais à tout le monde.
-J'ai vu ça à la réunion, quel talent… Vous pourriez être policier…
-M'intéresse pas…
-Comment ça ? C'est un métier bien vu, intéressant, et les gens comme vous qui savent jauger les gens y sont les bienvenus, ajouta Norbert.
-Policier ça règle les affaires des gens. Ca m'intéresse pas de travailler pour dépatouiller des crétins d'ennuis qu'ils se sont créés.
Norbert sentit qu'il allait falloir être plus direct. S'il voulait commencer quelque chose avec cet homme, il fallait bien commencer à parler directement.
Mais Etienne parla avant.
-En plus, la… femme qui partage ma vie aurait trop peur. Linda est une vraie paranoïaque en puissance…
Norbert regarda Etienne, médusé.
-…Tenez, en ce moment un type lui envoie des cadeaux et mademoiselle fait sa stressée. Franchement, les femmes… Je ne sais vraiment pas comment m'y prendre avec elles… Enfin, vous voyez ce que je veux dire, vous avez dû avoir des histoires surement plus intéressantes que les miennes avec d'autres femmes à travers le monde… J'avoue que j'avais envie de vous demander conseil en fait !
Etienne regarda Norbert qui semblait estomaqué.
-Quelque chose ne va pas, mon vieux ?
-…Laissez-moi deviner… Vous êtes venu ici en pensant à un diner amical, tranquille, entre deux collègues ?
-A quoi d'autre vous vouliez que je pense ?!
-A aucun moment vous ne vous êtes douté que c'était… Un diner romantique ?!
Les yeux d'Etienne prirent trois centimètres de diamètre.

-Tu reprendras des légumes ?
-Non merci, m'man… Euh, m'man, est-ce que… Tony de la chorale pourrait venir dormir à la maison ?
La mère regarda son fils, dubitative.
-Pourquoi pas… Même si ça n'est pas trop dans tes habitudes d'inviter des amis à venir dormir.
Le père lança un regard suspicieux à son fils.
-Ca me changera un peu les idées…
-Y'a pas d'inconvénient… Marmonna le père. Ce soir on va à l'opéra, tu n'as qu'à en profiter pour inviter ton ami.
-Chouette ! C'est bon, maman ?
Elle sourit et hocha la tête.
-Fais comme tu le sens, mon chéri.
Norbert hocha la tête. Il allait faire comme il le sentait.

Tony sonna à 21 heures. Norbert vint lui ouvrir, un peu stressé.
-S…Salut Tony.
-Salut, Norbert. Ca va ?
-Oui, ça va… On monte ?
-D'accord. Si ça te stresse à ce point, on peut aussi… Regarder la télévision.
-Non, c'est pas ça… Viens.
Ils montèrent dans la chambre de Norbert. Et pendant cette montée, Norbert sentit sur lui le regard des photos de famille, des portraits qui trônaient dans les escaliers. Chaque pas le rappelait à tous les proches. Comme s'il allait faire ce qu'il allait faire en public, lors d'une réunion de famille.
Lorsqu'il ouvrit la porte de sa chambre, il avait presque fondu dans ses chaussons.
Peu après c'est son pantalon qui fondit sur ses chaussons.
Cette nuit là, il plut à verse…

Flottement.
Norbert se leva mais Smirnoff lui attrapa le bras et lui somma de se rasseoir. Tout en se disant que ça aurait pu être l'inverse de façon beaucoup plus logique.
-Si vous partez, ça fait « rendez-vous galant raté », si vous restez ça fait bête « diner entre amis ».
Norbert hocha la tête, soufflé par le retournement de situation.
-Tout va bien, j'ai jeté ma carte du parti Nazi depuis 1989.
Norbert lança un regard intrigué à Etienne.
-J'rigole ! Bon, par quoi je commence…
-Vous devez avoir envie de…
-Manger !
Les entrées arrivèrent : Salade Mariani d'Acajou pour Norbert et Œuf Mayonnaise pour Smirnoff.
-…..
-Ca donne faim les surprises !
-Monsieur Smirnoff, je suis…
-Je sais, j'ai compris, j'suis pas stupide…
-…Désolé…
-Leur mayonnaise est un tantinet trop liquide…
-Etienne, je vous ai pris pour…
-Oui j'aimerais bien savoir pourquoi d'ailleurs… Ce qui vous a fait vous dire ça… Mangez, ça va chauffer.
-Oui pardon… Euh, bah déjà vous… N'avez pas de t-shirt sous votre pull !
-Ah c'est un… stigmate ?!
-Bah oui… A cause des tétons qui pointent… Vous n'avez jamais…
Etienne se regarda comme s'il avait une tache.
-Hon… Quoi d'autre ?
-Vous portez un collier !
Etienne sortit le badge qu'il portait autour du cou. Norbert regarda, soufflé.
-Moins impressionnant que votre Dog-tag mais ça en jette aussi… Si ça fait gay, je vous conseille d'aller le dire à Chuck, ça va lui faire plaisir…
-Aussi… Vous m'avez offert un Togepi !
-Je SAVAIS que j'aurais dû prendre Lippouti ! Quel crétin je fais…
-Vous ne prêtez pas attention à votre apparence générale, vous portez du cuir et… Vous êtes méchant.
-Les gens du Club Secret sont méchants… Et la poignée de main secrète alors ? Toujours un doigt d'honneur, un doigt dans la bouche…
-De quoi… Vous parlez ?!
-Norbert, je plaisante. Vous n'avez pas à vous excuser ou à être désolé. Maintenant, s'il faut que je vous juge sur l'endroit ou vous emmenez Popaul, que dois-je penser de moi qui n'ai jamais emmené Popaul nulle part !
-…Euh…
-Vous avez juste commis une erreur d'appréciation.
-Je vous ai pris pour un homo…
-Comme dirait Joseph Evans Brown : Eh bien, personne n'est parfait…
-Je veux dire, je voulais sortir avec vous !
-Je conçois que vous soyez déçu, j'en suis désolé.
Norbert s'étonna, mais Smirnoff ne faisait que regarder la mine abattue de Floper, l'Hippopotas de Norbert.
-Et à ce que je vois, ça avait l'air de vous tenir à cœur.
Norbert baissa la tête.
-Je… Vous demande pardon… J'avais… Je pensais que vous seriez quelqu'un de bien, qu'avec vous une relation durable serait…
-J'arrive déjà pas à en débuter une avec une femme alors…
Etienne se rendit compte que c'est son ambigüité personnelle dans ses propos qui avait quelque peu été à l'origine de l'embrouille.
-Désolé… Avec Linda, on préfère dire qu'on est colocataires pour éviter que… Mes bêtises ne lui retombent dessus.
-Je comprends…
-Ne prenez pas cet air là…
Norbert regarda Etienne, les yeux pleins de larmes.
-Vous ne savez pas ce que c'est…
Etienne baissa la tête, conscient d'avoir… Brisé un cœur. C'était bien la première fois qu'il ressentait ce genre d'amertume.
-Ecoutez…
Etienne réfléchit ses mots quelques instants.
-Ca ne change rien, en ce qui me concerne. Vous restez mon ami, Norbert. Maintenant, je conçois que vos sentiments sont là mis à mal… Mais les miens restent identiques. Vous êtes mon ami.
Norbert hocha la tête. Il essuya ses larmes naissantes.
-On peut passer un diner tranquille à se raconter nos vies ?
Norbert regarda Etienne qui avait un sourire tout à fait conciliant. Il se ressaisit et hocha la tête.
-Vous avez raison.
-Alors, les chocolats à la Saint-Valentin…
-C'était moi…
-Ils étaient super bons. Vous les prenez où ?
Norbert hésita.
-C'est dans un quartier d'ici…
-Sur l'avenue Pink & Blue ?
-Voilà…
-Vous n'habitez pas là bas quand même ?!
-Non, non non non ! Je vis à Ecorcia, je suis même le voisin de Mr Fargas.
-Ah, chaque soir vous faites l'aller…
-Voilà, je retourne là bas, par la route qui longe le bois aux chênes.
-J'ai remarqué votre voiture sur le parking de l'administration… (Il goba un œuf) …C'est sympa ce petit chien avec la tête qui tape en arrière.
-A aucun moment vous ne vous êtes douté que j'étais gay, Etienne ?!
-Je spécule pas beaucoup sur les coucheries des gens.
-Certains l'ont remarqué…
-Ah oui ?! Qui ?
-Mr Kenneth, des CPE…
Etienne lâcha son œuf mayonnaise qui tomba dans les pattes d'Erwan.
-Oh le fumier…
-Quoi ?
-Rien à part que… Kenneth est mon meilleur ami…
-Oh…
-Et c'est son genre de blague…

Miranda regarda Kenneth qui ricanait en faisant la vaisselle.
-Y'a une comédie américaine dans l'évier ?
-Non, je pense à la soirée d'Etienne !

-…Tout à fait son genre de crasse…
-C'est un gentil garçon…
-Oui, très ouvert. Vous devriez tenter avec lui !
-… Il m'a dit pour… Les paris.
-J'ai perdu mes économies ce jour là…
Ils ricanèrent.
-Comme quoi vous voyez je suis nul à ça !
-Vous faites plein d'allusions à chaque fois… Avec vos assistants par exemple…
-Oui, j'aimais bien en rire… Ce qui m'amuse c'est tout le cas que les gens en font. Alors que… Je vois pas en quoi ça influe sur votre personnalité, je veux dire, à part votre approche différente des gens, c'est pas marqué sur votre front…
-C'est certain, mais c'est une question de virilité personnelle. Les gens sont fiers de leur façon de s'accoupler comme les Pokémon peuvent l'être.
Erwan et Floper se regardèrent, étonnés.
-Et moi je… « M'accouple » pas… Faut penser quoi de moi ?
-J'avoue que c'est… Surprenant…
-Ca ne m'intéresse pas vraiment, je vous l'avoue.
-Ayant eu une très mauvaise première expérience sur le plan personnel, je… serais de mauvais conseil.
Etienne regarda Norbert, surpris.
-Rien de grave, j'espère…
-Non… Pas du point de vue de mon intégrité physique… De mon intégrité familiale.
Etienne pencha la tête sur le côté.

Les yeux s'ouvrent. Un autre visage endormi juste en face. Un sourire rassuré.
Norbert se releva, réalisant la nuit en voyant le jour par la fenêtre. Il se rhabilla prestement et en se retournant, vit la porte entrouverte.
Porte entrouverte sur le couloir. Le regard de Norbert se figea. Il sortit de la chambre à moitié habillé et il descendit les escaliers. Son père buvait le café.
-P… Papa ?
-Bonjour, Fiston.
-Ce… Ca a été, l'opéra ?
-Oui, oui…
Boum sur le sol. Norbert se retourna. Sa mère avait fait ses valises.
-Maman ?!!
-Au revoir Norbert…
Elle ouvrit la porte avec application.
-Maman s'en va…
-Mais…
-Ca va, pas de mais, pas de politesses, pas de… Pas de ça avec moi, jeune homme. Tu t'es assez joué de moi comme ça !
-Maman, si c'est à cause de…
-Je n'ai plus de fils.
Le visage de Norbert se décomposa. Il se tourna vers son père qui semblait ne pas vouloir prendre part à la chose. Madame Finsbury sortit avec ses valises.
-Maman !! Non, maman je peux tout expli…
-EXPLIQUER QUOI ? Que tu es un menteur, un petit intriguant ? Ton père m'a dit que tu sortais parfois la nuit ! Tu… En plus avec un choriste, je comprends pourquoi tu étais si empressé chaque fois d'y aller…
-Maman, c'est pas contre toi…
-Eloigne-toi de moi, monstre…
-M…
Norbert resta sur le trottoir devant chez lui, muet, en larmes, devant sa mère qui hélait un taxi.
-Maman…
-Adieu.
Elle partit, le visage dur, froid et indifférent. Le père regarda tristement par la fenêtre.

-...Mais j'ai pas trop envie de parler de ça, même à vous.
-Vous pouvez tout me dire si l'envie vous en dit, Norbert.
-Bien… Mais pas ça, pas maintenant…
-Comment se fait-ce que cette fouine à rayures de Linus n'ait rien découvert ?
Norbert sembla réfléchir à son tour.
-Au début je vous avouerais que j'ai cru qu'il l'était…
-J'aurais plus dit pour lui que pour vous également !
Ils ricanèrent, imitant les manières du Proviseur.
-Mais il s'avère qu'il est marié, trois enfants.
-Ouah… Linus a des enfants… Trois…
-Ouais… En fait il aurait un moyen de le découvrir.
-Lequel ? Vous avez des magasines cochons dans un tiroir ?
-Non !! Vous plaisantez je n'oserais pas !
-Donc vous en avez…
-… Ca ne vous regarde pas, Etienne !
-C'est quoi ce moyen ?
Norbert soupira.
-Quand vous entrez à l'administration, vous devez poser les numéros de vos personnes proches. Or la seule personne proche dont j'ai posé le numéro c'est un de mes ex.
-Ca se voit au nom ?
-Non, non… Bien sur que non. Mais il suffit de l'appeler pour comprendre qu'il est très proche de moi. Je ne le revois pas souvent mais c'est… Un de mes meilleurs et fervents amis.
-Son nom ?
-Lionel Maloney. Il travaille dans les hautes affaires des tribunaux… C'est quelqu'un d'important. Ca a duré cinq ans…
-Hm-hmm… Vous avez des relations dans le milieu policier et judiciaire.
-Je suis fils de diplomate…
-Ah oui… Vous avez voyagé partout alors…
-Voilà, j'ai énormément de contacts dans le monde… Je sais comment ça fonctionne. Vous avez déjà été à l'étranger ?
-Pas vraiment.
-Vous devriez. Mon plus beau souvenir, malgré tout, ça restera l'Inde.
-Eh bé… Ca doit en faire des souvenirs.
-Ne m'en parlez pas…Parfois j'aimerais qu'il y en ait moins.
-Et votre Hippopotas…
Norbert regarda Floper qui mangeait tranquillement.
-Lui il vient d'Egypte. C'est… Un beau souvenir et un compagnon fidèle.
-Il a l'air très préoccupé par les mésaventures de son maître.
-Oui… Un peu trop impliqué parfois même.
-Il a l'air très gentil.
-Tout comme votre Capidextre… Sauf que Floper s'est substitué à toute ma famille.
Etienne hocha la tête.
-Pareil avec Erwan. On est tous pareils en fait. On se repose tous sur un Pokémon ou sur un ami.
Norbert hocha la tête.

Après le repas, ils sortirent du restaurant.
-Etienne, ça vous dit de… Venir prendre un verre chez moi ?
Etienne regarda vers sa rue.
-Il vaut mieux que je rentre, Linda est un peu tendue en ce moment à cause de son « Mystérieux harceleur »… J'espère que c'est quelqu'un comme vous, de gentil et compréhensif.
Norbert hocha la tête.
-Et… Je suis encore désolé.
-Il n'y a pas de mal, Etienne, je vous assure.
-J'espère bien, parce que… L'intention n'y était absolument pas. A plus tard…
-Oui, Etienne. A lundi…
Etienne repartit vers son appartement, et Norbert vers sa voiture. La mine du doyen s'assombrit au fur et à mesure qu'il approchait du véhicule.

La porte s'ouvrit et laissa entrer Erwan d'abord. Linda était avec les Pokémon sur le canapé.
-Alors ?
Etienne hocha la tête.
-C'était… Bien.
-Tu fais une tête…
-J'ai… L'impression d'avoir fait beaucoup de mal et beaucoup de bien. C'est… Très étrange.
Linda regarda Etienne, intriguée.

Lundi, en arrivant, Etienne tapa sur l'épaule de Kenneth alors qu'il discutait avec Miranda.
-Toi, merci d'être un super pote !
Kenneth eut un sourire gras.
-Faut que tu me racontes ça !
Soudain tout le monde regardait Kenneth. Miranda continuait de lui parler alors qu'Etienne s'était éloigné.
-HEEEEEINE !!
Kenneth se retourna vers Linus qui était furieux. Miranda put alors lire ce qu'Etienne avait scotché sur le dos de Kenny et ne put s'empêcher de ricaner :

« C'est moi qui ait vidé un tube de mayonnaise sur la voiture du proviseur – Viva la revolución !! »